Les adolescents constituent un groupe social à part. leurs habitudes alimentaires sont particulières en lien avec leur création identitaire : quel sens donnent ils à leurs actes alimentaires ?
1. 1
Ados – Acte alimentaire
Des « Zoulous » … Dans la santé publique ?
virginie.masdoua@wanadoo.fr
A paraître dans la revue l’intendance en 2009
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Ados
• Groupes d’âges selon OMS: de 11 à 24 ans
• Un « entre deux » : des pré-ados – des
adulescents
• T. Parsons en 1942 : « youth culture »
Opposition aux normes adultes
Un moment d’expérimentation et de choix
Une culture de l’irresponsabilité
Des jeux de rôles sexués : exploits sportifs / Beauté parfaite
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Acte alimentaire
• Réponse à 3 besoins chez l’homme:
Nutritive – Hédonique (1) – Relationnel (2)
• Oralité est à la base de notre développement :
« Dans la pulsion de nutrition l’élément érotique est présent. [..] La
composante asexuelle apparaît toujours en même temps que la
composante érotique.» Freud
• Fait social total : Nourrisson, boit des nutriments et
incorpore sa mère puis sa société
• Manger : expression de la relation mère - enfant :
« Je vais te manger » dit la mère incorporant l’enfant
=> Une incorporation interactionniste sociale.
(1) Chiva M. Emotions et pratiques alimentaires. De l’hédonisme dans la cité. www Le
mangeur-ocha.com.
(2) Poulain J.-P. Sociologies de l’alimentation, PUF, 2002.
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La santé publique
• La santé est un état complet de bien-être:
Physique, psychique et social.
• La santé n’est pas seulement une absence de maladie
(OMS 1948)
• « La santé est ensemble de sécurité et d’assurance qui permet de s’adapter
et de tolérer dans une certaine marge les infidélités du milieu.»
G. Canguilhem
• Publique elle s’occupe de la santé sous tous ses aspects :
individuelle, familiale, communautaire, nationale..
Palliatifs curatifs préventifs promoteur de la santé
5. 5
Socio-anthropologie de
l’alimentation et du corps « ados »
La Question :
Qu’est ce qui détermine le comportement alimentaire ?
Approche anthropologique cognitive de l’acte alimentaire.
Objectif :
Comprendre les représentations alimentaires et corporelles
d’une population contemporaine de jeunes français.
Phases :
1. Niveau théorique
2. Analyse de Terrain :
▪ Entretiens au domicile de 30 jeunes (15 – 25 ans) en France (2005 /2007).
▪ Méthode des récits de vie.
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1. Approche anthropologique
cognitive de l’acte alimentaire
« Penser Manger » concerne un dispositif
constitué de ressources :
1. matérielles ( budget, cuisine)
2. humaines (maman, collège, lycée)
3. symboliques (identitaire)
Ce sont des éléments amplificateurs de la
pensée humaine.
7. 7
Les Ados dans un Réseau
• Des échanges
informels
• Participation à la
décision :
personnes
différentes ( médecin
pas seul décideur de la santé
dans l’assiette !)
• Groupe de
personnes aux
compétences
multiples (parents,
professeurs)
• Des conditions
favorables à
l’alimentation santé
(les revenus, pour certains la
quantité prime avant la qualité)
Collège-
Lycée
Universi
té
Environn
ement
Médical
Job
extra
Professio
nnel Industries
Agroalime
ntaires
Ados
11 – 24 ans Médias
NTI
Interactions
Famille
Amis
8. 8
Le réseau assure une
« auto-organisation »
• pose les conditions pour « apprendre à
apprendre »
• induit la possibilité de remettre en cause le
principe de fonctionnement de décision
alimentaire :
Innovation alimentaire (douleur/ plaisir ):
Normes familiales sont des réinterprétations des normes socio - culturelles
nutritionnelles.
Gestion de la connaissance (fait sens dans une
situation): les régimes, quand prise de poids.
9. 9
Le succès d’une innovation ?
• D. Valadier au Lycée L’Empéri à Salons de Provence
Plus de 15 hors d’œuvres
sont présentés chaque jour.
Sans surcoût
Fonds, soupes, hachages
sont faits sur place.
Viande hachée
pour la moussaka
Coulis d’écrevisse
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Les « outils » de gestion, des
pilotes pour l’action ?
• La culture : support de construction progressive
de représentations partagées.
Elle permet d’explorer des nouvelles pratiques.
Régule l’anxiété et restaure la confiance
alimentaire.
« Les individus agissent le plus souvent en
fonction des critères sur lesquels ils se sentent
jugés. »
(Choix publiques stratégiques et systèmes sociaux.
Étude de l’art sur les théories de la décision et méthodologies de l’approche système, Collectif, 2003.)
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Information et Rationalité
• Information est l’interprétation d’une donnée - concept
clé à mobiliser, surabondante
A quoi sert cette information aliment/ santé?
A « fabriquer » le corps bio-culturel - A montrer le corps - A socialiser - A rassurer-
A investir son corps
• Le traitement non rationnel de l’information :
Rationalité a posteriori :
« L’alimentation santé c’est quand je serai malade. » Seb., 24 ans - Valeur santé : curatif
uniquement
Rationalité en actes :
Une mise à l’épreuve du corps pour installer une maîtrise de sa pensée par l’acte => L’ascétisme
• Passage de l’information à une mise en contexte : La
connaissance
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Connaissance ou
don du sens à l’action
• La connaissance :
• Le fruit des apprentissages,
se construit dans
l’interaction.
• regroupe les compétences
et habiletés des individus.
• tacite et explicite.
saumon
favouilles
Maquereaux
pannés
Encornets
farcis
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Décision de l’acte alimentaire :
Interactions des connaissances
• Combinaison des Connaissances
Stock de connaissances
( dans l’interaction )
un stock de logique
de processus
donne du sens
à l’action
• La théorie de l’interactionnisme de
l’acte alimentaire est liée à la création
de sens.
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« Sense-making » de l’acte
alimentaire
• Le sens se construit, a posteriori, d’une action (et
dans le cadre d’interactions entre individus avec un minimum de
référentiels communs)
• Le flux de l’action ( manger, c’est bon pour la
santé) prend sens à partir du moment où les
acteurs lui prêtent une attention.
Cette attention peut être stimulée par des
évènements inhabituels.
• Le sens donné par les acteurs n’est pas la vérité
mais une façon de découvrir ce qu’il se passe et
ce qu’il faut faire.
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La structure émerge des actions du
mangeur
• Les actions convergent quand les
représentations individuelles du social sont
structurellement similaires.
Cette construction se fait :
1. au cours de partages d’expériences ( métissages alimentaires)
« Depuis que je suis avec lui, on mange beaucoup de fruits et de
légumes, du jardin de ses parents. » Julia, 24 ans, étudiante.
2. activités faites ensemble ( cuisine en famille)
3. d’histoires racontées sur les événements
( Stratégie du récit)
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De l’origine des PROCESSUS du
comportement alimentaire
L’action alimentaire repose sur :
• La résolution d’une question : Manger.
• La recherche d’une procédure acceptable
de traitement de l’information : acquisition de
connaissances.
• La recherche de compromis dans un exercice
d’adaptation à l’environnement.
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2.Récits alimentaires sur l’adolescence
• Conduites
exo -agressives:
- Aliments provocateurs de
dégoûts: « voodoo » « dark
dog » ( extra génération)
- Convoitise ou possession de
nourriture: « les déjeuners
basketts. »
- Menaces : sur ses biens
alimentaires au restaurant du
collège ou du lycée (intra
génération)
- Les refus de contrainte:
aliments, horaires
Manger en cachette
• Conduites
auto-agressives :
- « Je me grignotais »
(Karine, 19 ans)
- Les restrictions
- L’anorexie
- Les crises de boulimie
2.1. De l’opposition ..à la violence liée à la nourriture
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Récits alimentaires sur l’adolescence
2.2 La distinction sociale et sexualisation alimentaire
• Dépend de la culture : alimentation identitaire –
classification alimentaire - Qu’est ce qu’un corps beau et sain ?
• Le corps incarne les valeurs sociétales dominantes =>
Une matrice adolescente
« Les filles se privent pour obtenir un corps parfait, tandis que les
garçons se font plaisir pour être costauds. [..] Les garçons se réfèrent au
modèle du costaud qui ne se prive pas, les filles, dès 12 ans considèrent
le régime de façon positive car il symbolise le fait de devenir une femme.
Les mères qui rêvent d'une fille mince participent à créer cet état d'esprit. »(4)
Jean-Pierre Poulain (3)
(3) Auteur de « Sociologie de l’alimentation» et « Penser l’alimentation »
(4) Source : « Les filles grignotent, les garçons bâfrent », Le Parisien - 14 mars 2001
19. 19
Récits alimentaires sur l’adolescence
2.3. Lecture phénoménologique des récits de vie
• L’adolescent dans son monde :
un être libre à l’œuvre.
• Le but : retrouver le sens du
comportement.
• 4 portraits d’ados et « d’adulescents » qui
racontent leur jeunesse :
1. Leur monde
2. Leur travail d’intentionnalité
3. Leur trajectoire dans le temps
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Un ascètisme qui conduit à la
débauche
1. Son MONDE
• Mère et père : éducateurs
• Alain, 16 ans, joue en équipe de
France de badminton. Son poids
est « normal ».
• Alimentation équilibrée depuis son
enfance,vit en foyer avec ses
parents.
• Puis internat : sport études à partir
de la 3ème
: 16 h de sport/ sem -
menus calculés par un diététicien.
• Un match perdu suite d’une
blessure, on le hue, il est blessé
moralement .
• Abandon sport étude, se dirige
vers un BEP vente
2. Son travail d’intentionnalité :
Se réapproprier, réinvestir Son
corps, Sa chair.
3. Sa trajectoire de vie, temporalité
• Souhaite vivre sa vie, mais habite
chez ses parents. Il n’a plus envie
de les voir.
• A 19 ans, est en recherche
d’emploi
• Du sport ? Uniquement pour le
plaisir
• Il fume 20 cig/j
• A perdu son armure : ses muscles
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Construction d’une image de soi
basée sur les critères sociaux
1. Son MONDE :
• Mère : gestionnaire de stock
• Père : conducteur d’engins
• Dominique, 11 ans, limite zone de
sous poids.
• Aucun sport.
• Déménagement, suite violences
dans la cité.
• Le soir : esplanade fait du scooter
avec les copains.
• Maman fait le dîner.
• 18 ans : arrêt du BEP et va
travailler.
2. Son travail d’intentionnalité :
• Sa préoccupation : son corps. Il ne
sait comment l’investir.
• Aimerait un corps d’athlète, être
regardé, séduire.
3. Sa trajectoire de vie, temporalité :
• A 19 ans, mécanicien dans un
garage.
• Vit chez ses parents.
• Pas de sport, mais 20 km en
bicyclette pour ses transports.
• Ne fume pas.
• Va investir dans un scooter.
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Volonté de maîtriser sa vie par le
contrôle de son corps
1. Son MONDE :
• Mère : assistante maternelle puis
serveuse.
• Père : contremaître dans une
filature.
• Jessy, collégienne appliquée,
soucieuse de diététique.
• En 2nde
début de contraception
orale, relation casse, prend 7 kg.
=> surveillance de poids.
• Mal dans sa tête, mal dans son
poids (corps).
2. Son travail d’intentionnalité :
• Investir son corps pour le sculpter ,
plaire, se faire aimer et s’aimer.
3. Sa trajectoire de vie, temporalité :
• A 19 ans, BTS de gestion, vit chez
ses parents
• Surveille son poids car se voit trop
grosse, cependant il est « normal ».
• Obsédée par ses aliments :
« Maman, est ce que cela fait
grossir ? »
• Trop de poids car pas assez
d’estime d’elle. « Je devrai faire du
sport. »
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Reprendre le contrôle de son
corps, inscrire ses choix
1. Son MONDE :
• Mère : agent hospitalier
• Père : magasinier
• Charline, depuis sa
préadolescence est en surpoids.
• A 16 ans, bouc émissaire au
collège et sa mère se moque
d’elle.
• Sa mère l’a mise au régime et
impose le « step » et le rameur.
• Au lycée, en internat, avec ses
amies :
« Enfin, il y avait des différences
entre nous, et c’était bien. »
2. Son travail d’intentionnalité :
• Volonté de se réapproprier son
corps, décider elle, seule, du sport ou
du régime , à sa manière.
3. Sa trajectoire de vie, temporalité :
• 22 ans, préparatrice en pharmacie,
• en concubinage depuis peu, accepte
son surpoids grâce à son ami.
• Le forcing maternel => Refus des
régimes et du sport, mais va nager le
vendredi avec une copine…
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Conclusion
• Leur corps ( leur régime) semble être conçu comme l’un
des derniers lieux où ils peuvent exercer leur liberté
individuelle.
• Ceux qui n’ont pas acquis leur autonomie considèrent
que la santé c’est les parents qui gèrent.
• Décalage chez les jeunes entre les pratiques et les
connaissances théoriques.
• Nourrir de plaisir un adolescent c’est prendre soin de sa
santé mentale aussi, car certains : « n’aiment rien… »
Nourrir un adolescent c’est un métier
pluridisciplinaire auquel participent les intendants.