3. L’ancien Président tunisien Ben Ali et sa femme sont accusés de
détournement de fonds publics, usages de stupéfiants et transfert
illicite de devises dès l’été 2011.
Il a aussi été jugé pour « usage de violence » dans l’affaire de
« Barraket Essahel » (1991) et pour homicide volontaire dans la
répression des manifestations de 2011.
En tout, il a été condamné à plus de 70 ans de prison et plus de 70
millions de dollars d’amendes.
Les enjeux de l’extradition: pas d’accord bilatéral avec l’Arabie
Saoudite, en dépit de l’art. 8.2 de la Convention Contre la Torture
ratifiée par les deux pays.
Les procès de l’ancien
Président
4.
5. L’ancien Président et plus de 40 anciens hauts fonctionnaires sont
jugés devant les tribunaux militaires de Sfax, du Kef et de Tunis
courant 2012/2013 pour homicide volontaire dans la répression des
manifestations de 2011.
Compétence des tribunaux militaires pour tous crimes commis par
forces de sécurité.
Difficultés du point de vue des normes internationales résultant de la
nature militaire des procès:
Les victimes sont des civils;
Les magistrats militaires dépendent du Ministère de la Défense;
Contraire au Projet de principes sur l’administration de la justice
par les tribunaux militaires (Commission des Droits de l’Homme
de l’ONU); et aux Principes de Lutte contre l’Impunité (art. 29).
Les procès militaires du
Kef et de Tunis
6. Autres difficultés:
Procès par contumace et défaillances dans la défense des accusés
(culpabilité par association; absence de principe d’inculpation pour
responsabilité du responsable hiérarchique dans le droit tunisien);
Participation limitée des victimes (locaux exigus, regroupement au hasard
des dossiers, pas de protection des victimes et témoins);
Impunité : certains accusés ont été promus par la suite, aucun fonctionnaire
subalterne n’a été condamné…
Lacunes dans l’examen des éléments de preuves, peu d’examens
médicolégaux: contribution limitée à l’établissement des faits.
Indépendance en question: le Conseil de la Magistrature Militaire décide de
la révocation ou nomination des juges.
Les procès militaires
7. Cependant des améliorations avec l’adoption des décrets loi
n°69 et 70 de juillet 2011:
- les tribunaux militaires sont obligés d’appliquer le Code de
Procédure Pénale ordinaire
- la composition est mixte: juges civils et militaires.
- meilleur accès des victimes à la justice: droit de participer et
de porter plainte auprès des tribunaux militaires, de se constituer
en partie civile, ainsi que d’obtenir réparations.
Les procès militaires
8.
9.
10. 1e affaire de torture devant les tribunaux tunisiens: en novembre
2012, condamnation de A. Kallel et 3 autres ex-officiers pour
« violences contre autrui » à 4 ans de prison dans l’affaire de Barraket
Essahel (1991).
Crime de torture inclut dans le droit tunisien depuis 1999 après
ratification de la CAT en 1988 (art. 101.2 du Code Pénal) mais non
appliqué au nom du principe de non rétroactivité. Cela n’est plus
possible avec la nouvelle constitution et la loi de JT.
La défense a fait appel au nom du principe de prescription: rejeté.
La peine est réduite de moitié par la cour d’appel en avril 2012.
Khallel libéré en juillet 2013 pour l’affaire du financement du RCD.
Les procès des anciens
dignitaires
11. Enjeux du point de vue du droit international:
L’obstacle de la rétroactivité pour les crimes de torture: article 22
de la nouvelle Constitution, et art. 148.9.
La prescription pour les violations graves des droits de
l’homme (délai de 15 ans selon la loi tunisienne).
Les apports et enjeux du point de vue de la justice
transitionnelle.
Les procès des anciens
dignitaires
13. Présidée par feu M. Abdelfateh Amor.
A enquêté sur plus de 5000 cas de corruption, transférant
certains dossiers à la justice.
A contribué à l’établissement de la vérité sur le système de
spoliation du régime.
A fait des recommandations sur la non-répétition, la
confiscation et le retour des avoirs spoliés (réparations?).
Sur ses recommandations, elle va également être transformée
en instance permanente de lutte contre la corruption
(présidée par Samir Annabi).
La corruption et crimes économiques font partie du mandat
de la future IVD.
La commission d’enquête sur
les affaires de malversation et
corruption
14. Une innovation pour la justice transitionnelle: comment
intégrer les crimes économiques et la corruption en tant
que violation des droits de l’homme?
Un précédent pour l’Instance Vérité et Dignité.
Difficultés: pressions, expertise, élargissement du
mandat…
La commission d’enquête sur
les affaires de malversation et
corruption
16. Présidée par M. Bouderbala, composée de juristes, psychologues,
avocats…
A investigué sur les crimes commis du 17 décembre 2010 à la fin de
son mandat, en rencontrant les victimes et leurs familles, y compris
en prison et dans les hôpitaux, ainsi que les présumés responsables.
Le rapport final liste les exactions commises, ainsi que les noms des
victimes : 338 morts et 2174 blessés.
Le rapport fait des recommandations en termes de réparations pour
les victimes, de lutte contre l’impunité, et promeut la création d’une
« commission vérité » pour couvrir une période plus large de
violations passées.
Lien entre le travail de la Commission et celui de la future IVD?
La Commission d’enquête sur
les abus et dépassements
17. Rapport final rendu en avril 2012, peu publié: les
conclusions sont mal connues du grand public.
Des pressions exercées sur les membres.
Limitation temporelle.
Multiplication des listes de victimes.
Différence entre une commission d’enquête et une
commission vérité.
La Commission d’enquête
sur les abus et dépassements
20. Amnistie toute personne ayant fait l’objet avant le 14 janvier 2011
d’une condamnation ou d’une poursuite judiciaire notamment
pour « atteinte à sûreté de l’Etat »; violation de loi anti-terroriste;
violation de la loi sur les associations; appartenance à une
organisation illégale...
Prévoit la réintégration et la réhabilitation professionnelle des
bénéficiaires: environ 2500 recrutements dans la fonction
publique.
Prévoit des réparations pour les amnistiés: aucune encore
fournie.
Environ 12 000 bénéficiaires.
Le décret-loi n°1
21. Toujours pas de réparations financière: sit-in et
protestations.
Politisation et fragmentation des « catégories » de
victimes.
Difficultés posées par la réhabilitation professionnelle:
salaire, adaptation, expertise.
Le décret-loi n°1
23. Définit les martyrs et blessés de la révolution comme ceux qui ont
“risqué leur vie pour la concrétiser”, entre le 17/10/10 et le 28/02/11.
Controverses: choix des dates et définition des « martyrs ».
Prévoit pour les familles de martyrs et les blessés incapacités à plus de
6%:
pension mensuelle,
gratuité des soins,
gratuité des transports publics.
Intègre aussi les réparations symboliques: création de monuments,
musées, commémoration, éducation…
Le décret-loi n°97
24. Deux versements, en février et décembre 2011: 6 000 dinars pour les 2749
blessé; 40 000 pour les familles de 347 martyrs.
Manque de clarté des procédures de demande: oublis et abus (duplication
des listes de victimes, multiplication des instances en charge…).
Le montant ne tient pas compte de gravité des blessures: insuffisant pour
soins intensifs. 2 blessés sont morts des suites de leurs blessures en 2012;
tentative de suicide collectif; manifestations....
Isolement social (emploi, éducation).
Convention sur le droit des personnes handicapées ratifiée en 2008:
obligations de la Tunisie. Plus: PIDCP, CAT…
Le décret-loi n°97
25.
26. Dissociation des réparations du processus de recherche de vérité.
Fragmentation du processus et création de “catégories” de
victimes.
Contraintes économiques.
Compréhension strictement financière des réparations,
politisation.
Distinction entre réparations et obligations "normales" de l'état
(développement régional et accès au service de base des
populations)
Enjeux relatifs aux réparations
29. Mesures prises à ce jour : dissolution du RCD, loi électorale, débuts
de la réforme de magistrature (Haute Instance provisoire),
révocation de certains dignitaires et magistrats.... Mais limité et sans
politique cohérente.
Le projet de loi sur l’immunisation de la révolution.
L’assainissement
31. La loi constitutionnelle 06-2011 (petite constitution)
charge l’ANC de voter une loi organique sur la justice
transitionnelle (art. 24).
Un Ministère des droits de l’homme et de la justice
transitionnelle est créé en janvier 2012 avec pour mission
d’organiser le dialogue national et de nommer le comité
technique sur la justice transitionnelle.
Vers la rédaction d’une loi organique
33. 12 membres au total, représentant 5 coalitions de la société
civile:
Centre Kawakibi pour la Transition Démocratique
Réseau Tunisien pour la Justice Transitionnelle
Centre de Tunis pour la Justice Transitionnelle
Centre de Tunisie pour les Droits de l’Homme et la Justice
Transitionnelle
Coordination Nationale Indépendante pour la Justice
Transitionnelle
Et un représentant du Ministère
HCDH, PNUD, ICTJ: observateurs et appui technique
Le comité technique chargé du dialogue
national
35. 6 sous-comités régionaux ont été créés, avec plus de 100
membres au total.
24 consultations dans tous les gouvernorats du pays entre
août et octobre 2012.
Une large campagne de médiatisation.
Des questionnaires pour recueillir les avis et attentes des
participants.
Une première occasion pour les victimes de faire part de leurs
besoins, de partager leurs récits.
Le dialogue national
38. Le projet a été déposé au Ministère le 28
octobre 2012.
Après circulation au sein du gouvernement et
quelques modifications, il a été officiellement
déposé à l’ANC le 22 janvier 2013, modifié.
Les discussions ont débutées en mai 2013 au
sein de la Commission de Législation
Générale.
Adoptée le 15 décembre 2013.
Le projet de loi fondamentale
39. La loi défend le droit à la vérité, le droit aux réparations, la lutte contre l’impunité,
la garantie de non-répétition, et la préservation de la mémoire nationale.
La loi prévoit de créer des chambres spécialisées pour juger les responsables des
violations massives des droits l’homme, à savoir :
Viol et toute forme de violence sexuelle
Homicide volontaire
Torture
Disparition forcée
Exécution arbitraire (art. 8)
Cette liste n’est pas exhaustive. Corruption et crimes économiques
(détournements de fonds publics…) ; Fraude électorale; Exil politique forcé…
Ces crimes sont imprescriptibles, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de délai légal pour les
juger (cf. constitution art. 148).
Les « victimes » incluent aussi les familles et les régions ayant subi une
marginalisation systématique.
Ce que prévoit la loi
40. enquêter sur les violations commises du 1e juillet 1955 au 15
décembre 2013;
recueillir les récits des victimes ;
fournir une liste définitive des victimes ;
identifier les responsabilités de l’Etat et de ses institutions ;
comprendre les causes profondes des violations ;
créer une base de donnée sur les violations ;
Le mandat de l’IVD
41. Le mandat de l’IVD
faire des recommandations pour les réparations
(individuelles et collectives), les réformes
démocratiques, et la réconciliation ;
préserver la mémoire nationale et les archives ;
prendre des mesures immédiates pour protéger les
témoins;
faire des recommandations sur la réforme des
institutions et le criblage des administrations, en vue
de garantir la non-répétition, par le biais d’un
« Comité de l’examen de la fonction publique ».
43. La loi prévoit aussi la création d’un « Comité d’arbitrage et de
réconciliation » pour:
Examiner les demandes de réconciliation déposées par les responsables;
Consulter les victimes;
Accorder, sur leur accord, des sentences d’arbitrage pouvant alléger les
peines.
Suspension pour tous les crimes des procédures judiciaires et arrêt
définitif des poursuites ou exécution des peines pour les crimes
économiques si un accord est trouvé.
Danger: impunité?
44. Enfin, la loi prévoit la création d’un « Fond des Victimes de
l’Oppression pour la Réparation et la Réhabilitation » chargé de:
coordonner les programmes de réparations pour les victimes;
fournir une aide sociale et psychologique à ceux dans le besoin
le plus urgent.