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Damien de Oliveira / DIGITAL 4A 
Quentin Guérin / COMAL 4R1 
Roxane Harault / COMAL 4M1 
Jeanne Monin / COMAL 4R1 
Eva Sanchez / COMAL 4R1 
_____ 
Mai / juin 2014, 
Smartphones, tablettes, Twitter, QR codes, TV interactive 
QUEL PRIX À PAYER 
POUR ÊTRE CONNECTÉ? 
Directeur de recherches : M. Olivier Creusy
« Pour évaluer une nouvelle technologie, ou le progrès en 
général, il faut pouvoir discerner ce que l’on y perd 
et ce que l’on y gagne.» 
- Marshall McLuhan 
2 
| PREAMBULE
Il est indéniable que les nouvelles technologies font aujourd’hui partie intégrante de nos 
vies. Depuis la démocratisation de l’accès à Internet, tous nos services essentiels se 
déplacent dans la virtualité, donnant lieu à un nouvel ordre mondial. Après l’imprimerie, la 
radio et la télévision, une nouvelle révolution de l’information est née. En l’espace 
seulement d’une vingtaine d’années, Internet a bouleversé et redéfini nos sociétés comme 
jamais. Nous utilisons pratiquement tous le web pour nous connecter et partager, au même 
titre que nous utilisons l’oxygène contenu dans l’air pour respirer. Mais l’effet de ce 
développement accéléré des technologies sur nos vies reste encore quelque chose de flou. 
Il suffit de s’intéresser à notre relation de plus en plus co-dépendante avec les appareils 
électroniques, notamment l’ordinateur, pour s’apercevoir de la façon dont la nouvelle 
technologie nous affecte. Que ce soit personnellement, socialement ou en tant que société, 
toute activité numérique a des répercussions sur nos comportements. Nous voyons la 
manière dont le web a été mis à profit pour transformer des empires médiatiques, renverser 
des gouvernements corrompus ou permettre aux gens de faire des choses exceptionnelles, 
comme l’illustre Aleks Krotoski dans Untangling the Web. Mais quels sont donc les effets de 
son utilisation sur notre personne, nos enfants, la société ? Qu’est-ce que cela nous coûte 
réellement d’être connecté en permanence ? L’une des plus grandes idées reçues 
consisterait à incriminer le web de nous retirer quelque chose d’essentiellement humain, et 
nous rendre ainsi antisocial. En théorie, la technologie ne nous fait rien en tant que telle. Elle 
reflète simplement notre humanité dans son sens strict. Quoi qu’il se passe, nous le faisons à 
nous même puisque nous sommes censés pouvoir contrôler la machine. Mais qui contrôle 
réellement cette technologie ? L’internaute lambda, la Silicon Valley et son empire Google, 
nos gouvernements ? La réalité est bien plus complexe que cela. 
Nous vivons dorénavant dans un monde régi par la multiplicité des écrans, l’immédiateté 
et la connexion permanente. La baisse des coûts des équipements et l’augmentation 
exponentielle de leurs performances poussent ainsi le consommateur occidental à adopter 
un nouveau mode de vie. Smartphones, tablettes, réseaux sociaux, big data ou encore e-commerce 
sont les outils d’un monde de plus en plus connecté. Parallèlement, le temps est 
considéré comme un bien parmi les plus précieux et les journées ne font que 24 heures. Il 
est peut-être donc temps de prendre du recul. Au fond, à quoi renonce-t-on vraiment dans 
3
cette nouvelle ère ? À la culture, au sommeil, aux relations sociales, à l’engagement citoyen, 
au vagabondage de l’esprit ? 
4 
| PREAMBLE 
There is no denying that new technologies nowadays are an integral part of our lives. 
Since the democratization of the Internet access, all our essential services are being moved 
into virtuality, leaving room for a new worldwide order. After printing, radio and television, a 
new information revolution is born. Over the last few years, Internet has revolutionized and 
redefined our society as never before. We use almost all the World Wide Web to connect 
and share in the same situation we use the oxygen in the air to breathe. However, the effect 
of this rapid development of technology on our lives remains mostly unclear. 
We just have to look at our increasingly co-dependent relationship with the devices, such 
as the computer, to see how new technology affects us. Either it is personally, socially or as a 
society, each digital activity affects our behavior. We see how the web has been harnessed 
to transform media empires, overthrow corrupt governments or allow people to do 
extraordinary things, as highlighted by Aleks Krotoski. But what it is doing to us, to our kids, 
to society? What does it cost to be always connected? One of the biggest misconceptions is 
to accuse the web to take something essentially human from us, making us antisocial. In 
theory, the technology does nothing to us. It simply reflects our humanity in its strict sense. 
Whatever it is that happens, we are doing to ourselves since we are supposed to control the 
machine. But who really controls this technology? The average Internet user, the Silicon 
Valley and its Google Empire, our governments? The reality is much more complex than that. 
We are now living in a world ruled by the multiplicity of screens, the immediacy and the 
permanent connection. Lower equipment costs and the exponential increase in performance 
urge then the Western consumer to adopt a new lifestyle. Smartphones, tablets, social 
networks, big data or e-commerce, are the tools of a world increasingly connected. 
Meanwhile, time is considered as one of the most valuable good and the days last only 24 
hours. It is probably time to step back. Basically, what do we really give up or miss in this 
new era? Culture, sleep, social relationships, civic engagement, mind-wandering?
5 
| REMERCIEMENTS 
En préambule, nous souhaiterions remercier tout particulièrement Monsieur Olivier Creusy, 
intervenant référent de l’ISCOM et directeur de recherches dirigées, pour sa disponibilité, 
ses idées et son encadrement au sein de ce travail de mémoire collectif. 
Nous aimerions également remercier Madame Danielle Rapoport, psychosociologue et 
intervenante à l’ISCOM, pour nous avoir conseillés et organisé un double entretien avec le 
docteur Valleur. 
Enfin, nos remerciements vont également à : 
Docteur Marc Valleur, psychiatre et médecin en chef à l'Hôpital Marmottan, pour avoir pris 
le temps de répondre à toutes nos interrogations et nous avoir fait profiter de son 
expérience et de ses conseils. 
Michael Stora, psychologue et co-fondateur de l’Observatoire des Mondes Numériques en 
Sciences Humaines, pour sa convivialité ainsi que son regard critique et constructif envers 
l’addiction au numérique. 
Gérard Pavy, psychologue-clinicien, pour nous avoir reçus chez lui et accordé un entretien 
qui nous aura permis de mieux appréhender le phénomène d’addiction. 
Delphine Trotignon, professeure des écoles en maternelle, pour son témoignage sur l’usage 
des nouvelles technologies à l’école. 
Paul Jorion, chercheur en sciences sociales, pour son expertise sur les problématiques 
actuelles et à venir concernant Internet et ses apports. 
Dimitri Carbonnelle, fondateur de l’Ivosphere, entreprise spécialisée dans les objets 
connectés, pour le temps qu’il nous a accordé et son point de vue de professionnel.
6 
SOMMAIRE 
Préface/Preamble ............................................................................................ 3 
Remerciements ................................................................................................ 5 
Sommaire ......................................................................................................... 6 
Introduction ..................................................................................................... 9 
I] L’HOMO MODERNUS ................................................................................... 11 
A/ Un nouvel Homme .............................................................................................. 11 
1. Un « être réseau » .................................................................................................. 11 
2. L’homme dans la révolution des moyens de communication ................................ 11 
3. L’âge de l’accès : l’information en libre service ...................................................... 12 
B/ Un individu au centre de la révolution numérique ............................................... 16 
1. L’Homme est l’avenir du web ................................................................................. 16 
2. Une protection des données difficiles : la vie privée en danger ............................ 18 
3. Nouvelle logique d’introspection de soi : le quantified self ................................... 21 
C/ Internet a bouleversé nos économies .................................................................. 27 
1. Internet, moteur d’une révolution industrielle ....................................................... 27 
2. De nouvelles perspectives grâce à la robotisation ................................................. 30 
II] L’HOMME EN TANT QU’INTERNAUTE ....................................................... 32 
A/ Notre rapport à la technologie ............................................................................ 32 
1. Corps virtuel et corps réel ....................................................................................... 32 
2. La technologie comme architecte de notre intimité ............................................... 36 
3. Les risques de l’anonymat ....................................................................................... 39 
B/ Dénaturation du lien social ................................................................................. 42 
1. Conversation versus connexion ............................................................................... 43 
2. Être seuls ensembles ............................................................................................... 45 
3. Bilan et préconisations ........................................................................................... 48
C/ Des nouvelles formes d’engagement ................................................................... 51 
1. Des communautés et solidarités émergentes ......................................................... 51 
2. Internet comme nouveau référent ......................................................................... 54 
III] ARTS ET CULTURES NUMÉRIQUES ............................................................. 57 
A/ Accès à la culture : influence du numérique sur la culture .................................... 57 
1. Évolution des pratiques culturelles ......................................................................... 57 
2. Une culture du divertissement ................................................................................ 66 
B/ La culture s’adapte au numérique ........................................................................ 67 
1. Réponses des établissements culturels à la digitalisation croissante ..................... 67 
2. L’avenir de l’alliance entre le numérique et la culture ........................................... 80 
C/ Internet dans notre culture quotidienne .............................................................. 86 
1. La culture internet ................................................................................................... 86 
2. Le numérique comme source d'inspiration ............................................................. 89 
IV] ÉDUCATION ET APPRENTISSAGE ................................................................ 95 
A/ Le nouveau sens de l’information ........................................................................ 95 
1. L’information horizontale ........................................................................................ 96 
2. La valeur de l’information ....................................................................................... 97 
3. Vers une nouvelle forme d’instruction ................................................................... 100 
B/ L’enseignement à l’ère numérique .................................................................... 102 
1. Une remise à niveau nécessaire ............................................................................ 102 
2. Le rôle de l’école dans l’apprentissage au numérique .......................................... 105 
3. La nouvelle pédagogie : vers l’école 3.0 ................................................................ 109 
4. Le numérique au service de l’apprentissage : exemples ...................................... 118 
5. Le rôle des parents ................................................................................................ 124 
C/ L’impact du numérique sur notre cerveau ............................................................ 127 
1. Les écrans : un support de lecture bien différent ................................................. 127 
2. Internet : un média adapté à notre cerveau ? ..................................................... 130 
3. Nouvelles habitudes, nouveau cerveau ............................................................... 131 
7
V] TEMPS DE CONNEXION ............................................................................ 135 
A/ Le temps et les technologies numériques ............................................................. 135 
1. Les technologies numériques, un nouveau rapport au temps ......................... 135 
2. Les nouvelles technologies numériques, gain ou perte de temps ? ................. 137 
3. Une nouvelle gestion du temps de travail et de la vie privée .......................... 139 
4. De nouvelles opportunités économiques ? ...................................................... 141 
5. L’abolition des temps morts ............................................................................. 142 
B/ De nouvelles formes d'addiction .......................................................................... 144 
1. L'omniprésence crée une dépendance ............................................................... 144 
2. Entre dépendance et addiction ........................................................................... 145 
3. L'addiction à Internet, rumeur ou réalité ? ........................................................ 148 
4. L'addiction aux jeux vidéo, un phénomène fréquent ......................................... 152 
5. Les traitements et formes de thérapies .............................................................. 159 
C/ Le temps de la déconnexion ................................................................................ 161 
1. Le caractère anxiogène des technologies numériques ....................................... 161 
2. Besoin de déconnecter........................................................................................ 162 
3. Trouver le juste milieu ....................................................................................... 163 
Conclusion .................................................................................................... 166 
Bibliographie ................................................................................................ 169 
Annexes ........................................................................................................ 178 
8
9 
/ Introduction 
Nous entendons souvent dire qu’à chaque siècle correspond un lot d’innovations, 
notamment technologiques depuis la révolution industrielle. De cette façon, le siècle dernier 
se caractérise par l’amélioration des transports, les progrès en médecine mais avant tout et 
surtout par les avancées en terme de communication. L’invention du télégraphe, du 
téléphone, de la radio et de la télévision a permis d’ouvrir la voie à une intégration des 
technologies sans précédent. Découverte majeure de la fin du XXème siècle, l’Internet a 
donné naissance à une nouvelle société de l’information, entraînant avec elle de nouveaux 
pouvoirs, de nouveaux enjeux et de nouveaux défis. 
D’abord le fruit d’une collaboration entre le ministère de la Défense des États-Unis et des 
chercheurs d’université, Arpanet est devenu dans les années 90 l’Internet moderne. Le 25 
décembre 1990, dans un laboratoire informatique du CERN à Genève, Sir Tim Berners-Lee a 
mis en marche le World Wide Web (WWW). Précisons qu’Internet est un réseau 
d’ordinateurs interconnectés, le web n’étant qu’une application de ce réseau. Le web aura 
donc permis à Internet de se démocratiser et de bouleverser tous les modèles traditionnels 
existants. Ce qui était réservé à quelques initiés de la programmation a été progressivement 
rendu public et accessible à travers le monde entier. Face à cette révolution Internet, nous 
sommes alors entrés dans ce que nous appelons la « nouvelle économie ». Le passage aux 
années 2000 est ainsi marqué par l’éclatement de la bulle Internet. Vous l’aurez compris, en 
l’espace de 20 ans, Internet a affecté des millénaires d’évolutions. Si cet historique se veut 
intentionnellement succinct, c’est parce que l’enjeu n’est pas de vous raconter 
techniquement comment Internet a été créé. Nous souhaitons plutôt ici décrypter nos 
usages depuis son apparition et la manière dont la connexion s’est ancrée dans notre 
quotidien. 
À l’heure de l’accès universel au haut débit et de la discussion instantanée, le numérique, 
plus communément le digital, est partout aujourd’hui. On compte environ 2,7 milliards 
d’internautes dans le monde, soit 35% de la population mondiale, dont 1,9 milliards sur les 
réseaux sociaux. En France, nous sommes 43,2 millions d’utilisateurs d’Internet, soit 8 
français sur 10, selon une étude de Médiamétrie. Par ailleurs, la population est de plus en 
plus équipée, avec pas moins de 6,5 écrans en moyenne par foyer en France, des temps de
connexion qui augmentent et un Internet mobile en plein essor. 800 millions d’internautes 
dans le monde se connectent chaque mois pour jeter un coup d’oeil à la vie réelle via 
YouTube, qui reçoit l’équivalent de 72 heures de vidéos par minute. De plus en plus de 
contenus et d’informations qui amènent de nouvelles perceptions du temps et de 
nombreuses préoccupations. Ces dernières années par exemple, la protection des données 
personnelles sur Internet et le droit à l’oubli sont au coeur des débats. Nous sommes 
conscients des bienfaits de la technologie mais nous sommes encore confus sur ce 
qu’Internet nous fait vraiment. Or, tout le monde est maintenant suffisamment familiarisé 
avec les nouvelles technologies pour avoir une opinion dessus, mais personne ne sait 
vraiment si on a raison ou tort. 
C’est dans ce cadre que nous pouvons nous poser la question suivante : quel est le prix 
(culturel, social, relationnel, économique...) à payer pour être connecté ? L’enjeu est de 
comprendre ici quels sont les effets aussi bien positifs que négatifs engendrés par les 
nouvelles technologies dans nos vies. Ce travail de recherches vise à dresser une synthèse 
sur notre univers de plus en plus connecté. 
Pour répondre à cette problématique, nous allons dans un premier temps nous intéresser 
à la condition de l’Homme dans le monde numérique, au sens large. Puis, nous étudierons 
l’Homme en tant qu’internaute en envisageant les enjeux sociaux, avant de nous concentrer 
sur l’aspect culturel. Nous aborderons alors les termes d’éducation et d’apprentissage à 
l’heure du tout numérique. Et enfin, nous verrons en quoi la notion de temps a 
complètement évolué aujourd’hui. 
Nous avons eu l’opportunité d’assister à l’évolution de l’informatique et à sa transition 
vers le web 2.0, davantage participatif, simple et interactif. Partout, on nous décrit comme la 
génération Y, celle qui a évolué avec l’apparition d’Internet et de ses usages. Si vous nous 
permettez l’analogie, nous avons connu « le web en noir et blanc ». C’est pour cette raison 
qu’il nous paraît naturel d’étudier les effets de cette connectivité croissante. Dorénavant, 
nous parlons d’ailleurs de « digital natives ». Les enfants sont nés avec le web et à leurs yeux 
cela a toujours existé. Pour beaucoup d’entre eux, Facebook est le web. Se connecter, c’est 
aller sur Facebook. On ne peut pas parler de nouvelle génération sans connexion. 
10 
Nous commencerons donc par traiter de l’Homme au sein du monde numérique.
11 
I] L’Homo modernus 
A / Un nouvel homme 
1. « Un être réseau » 1 
Serions-nous entrés dans l’ère de l’Homo Numericus comme le suggère les nombreuses 
occurrences dans les médias ? À l’instar du récent exemple du magazine Newsweek2 
abandonnant son édition papier au profit d’une version entièrement numérique, la mutation 
vers le « tout digital » ou « le tout numérique » est en marche. 
Étymologiquement, « numérique » ou « numérus », « nombre », désigne la codification 
des signaux anciens analogiques en suite de nombres dans l’optique de les transformer en 
fichiers informatiques. « La révolution numérique », débutée dans les années 1970, n’est 
plus, aujourd’hui, qu’une question de technique. La numérisation, la dématérialisation, 
l’abolition des frontières spatio-temporelles, l’accroissement des capacités de stockage et la 
multiplication des usages ont profondément changé le visage et l’économie du monde. 
Par rapport à tous les autres grands changements sociétaux, ce nouveau paradigme 
témoigne d’un bouleversement profond et rapide de la société. En France, les utilisateurs 
d’Internet sont passés de 150 000 à 26 millions3 de 1995 en 2005. En 2013, le ratio des 
foyers équipés à Internet atteignait 80% de la population. Pour autant, chaque profonde 
mutation soulève de nombreuses oppositions. Les cultes de la dématérialisation et du « tout 
digital » relèvent ainsi de nombreuses questions techniques, éthiques et économiques. 
L’Homme est aujourd’hui devenu en quelque sorte un nouvel homme, « un être réseau ». 
2. L’homme dans la révolution des moyens de communication 
Aujourd’hui, avec Internet et pour reprendre la théorie du « village planétaire » de 
Marshall McLuhan4 le monde n’est qu’un seul et même village, une seule et même 
communauté « où l’on vivrait dans un même temps, au même rythme et donc dans un même 
1 CROUZET, Thierry, J'ai Débranché : comment revivre sans Internet après une overdose, 2012 
2 Newsweek est un magazine d’informations hebdomadaire américain 
3 Chiffres de ComScore Inc. 
4 Herbert Marshall MCLUHAN (1911-1980) est un sociologue canadien, philosophe, professeur de littérature et 
théoricien de la communication. Il est l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias.
espace »5. Le temps et l’espace se sont contractés. La fluidité, l’ouverture et l’instantanéité 
ont remplacé les barrières spatio-temporelles. Les Hommes peuvent communiquer entre 
eux en temps réel 24h/24, peu importe l’endroit où ils se trouvent. Le contact est de plus en 
plus fluide grâce à l’amélioration constante du réseau (la 4G en est un exemple). Nous 
sommes tous conscients qu’avant l’arrivée d’Internet, les seules rencontres rendues 
possibles étaient celles liées à nos cercles d’amis, notre cellule familiale et notre milieu 
professionnel. Aujourd’hui, il est désormais possible de rencontrer des personnes qui n’ont 
aucun lien avec notre entourage. Internet permet de relier les gens entre eux plus 
facilement et d’échanger de nombreuses informations (photos, vidéos, dialogue, etc.) 
12 
3. « L’âge de l’accès » 6 : l’information en libre service 
En plus de la modification de l’espace-temps, l’accès aux richesses de ce monde s’est 
aussi profondément assoupli. Pour reprendre la formule de Jérémy Rifkin7 définissant la 
nouvelle culture capitaliste, nous serions rentrés dans « l’âge de l’accès » où les marchés 
laissent place aux réseaux, les biens aux services, les vendeurs aux prestataires de services et 
les acheteurs aux utilisateurs. Ce changement aurait été fortement influencé et facilité par la 
révolution numérique. Dans le contexte de l’accès à l’information, la notion de propriété a 
substitué à la notion d’accès ; et la notion d’achat à la notion d’usage. Ce nouveau mode de 
consommation a bénéficié aux industries culturelles mais aussi à celles de l’information et de 
la communication. 
Selon une étude dédiée aux collectivités territoriales et aux technologies de 
l’information et de la communication8, l’équipement des territoires en matériel numérique 
via des infrastructures très haut débit, constitue un projet prioritaire de l’État. En effet, les 
technologies du numérique sont perçues comme des atouts pour l’attractivité des 
territoires. Ainsi, en mai 2008, Nicolas Sarkozy demandait un rapport détaillé sur « le défi du 
numérique »9 puisque, nous le citons : « les nouvelles technologies représentent un gisement 
considérable de productivité et de croissance pour notre pays ». La numérisation et 
5 Propos de Marshall MCLUHAN 
6 RIFKIN Jeremy, L’âge de l’accès : La nouvelle culture du capitalisme, 2000, Editions La découverte 
7 Jeremy RIFKIN est un essayiste américain, spécialiste de prospective (économique et scientifique) 
8 http://www.collectivites-locales.gouv.fr/rapports-et-etudes-sur-numerique-et-telecommunications 
9 Article du Monde, Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France, 05/2011
l’administration de toutes les institutions, publiques ou commerciales, permettent une 
ouverture et un accès à un nombre de données illimitées. Les capacités de stockage et 
d’archivage se sont démultipliées. Considéré comme « un continuum numérique », les 
réseaux de télécommunications sont à l’origine d’interconnexions toujours croissantes. 
Internet permet l’échange et la diffusion de toutes les données ou documents numérisés 
disponibles sur plusieurs supports : s’il y a 46 millions d’internautes, il existe aussi 4 millions 
de mobinautes en 2013 en France. 
Une récente étude ComScore10 fait état du rapport qu’entretiennent les français avec le 
numérique. Cette étude intitulée « 2023 France Digital Future in Focus » s’intéresse aux 
pratiques numériques des français aussi bien en terme de comportements en ligne, mobile 
et réseaux sociaux. Les chiffres de cette étude reflètent au mieux cette tendance 
grandissante du « tout numérique » comme vous pouvez le constater : 
- En France, les internautes passent en moyenne 26,9 heures par mois sur Internet et les 
13 
seniors sont ceux qui passent le plus de temps en ligne. 
- L’ordinateur est utilisé majoritairement dans le cadre du travail, les mobiles durant les 
temps de transport et les tablettes en soirée au foyer. 
- 7,7% du trafic internet se fait désormais depuis des mobiles ou des tablettes : 4,6% sur 
mobiles et 2,7% sur tablettes. 
- Un français effectue en moyenne 134 requêtes sur un moteur de recherche par mois. 
- 71% des mobinautes sur les réseaux sociaux lisent les contenus de personnes de leurs 
connaissances. 56% postent des statuts sur leurs profils. 
- Plus de 10% des usagers mobiles français avec smartphones ont acheté un produit ou 
service depuis leur téléphone. 
- 61% des français se sentent à l’aise dans leurs usages du numérique, dont 76 % parmi les 
parents. 
- 43% des français sont à l’aise pour accompagner leurs enfants dans leurs usages des 
technologies numériques 
- 69% des français réclament plus d’informations sur la protection de la vie privée et des 
données sur Internet. 
10 ComScore est le leader mondial dans la mesure du monde numérique et une source privilégiée de l'analyse 
d'affaires numériques. Chiffres de janvier 2014.
- 56% des français réclament plus d’informations sur le fonctionnement d’Internet (+6 
14 
points par rapport à 2011). 
- 56% des français réclament plus d’informations par rapport aux démarches 
administratives sur Internet (+4 points par rapport à 2011). 
- Chacun des 27,5 millions de foyers français dépense en moyenne 1560€ par an en accès 
Internet et téléphonie mobile. 
- Il y aura 7,3 milliards de mobiles en service en 2014, soit plus de terminaux que 
d’humains. 
Cette étude montre une accélération dans l'appropriation des usages, mais aussi une prise 
de conscience des responsabilités afférentes. Nous pouvons constater que les français ont 
mûri. En effet, ils se rendent compte que les potentialités offertes par le numérique peuvent 
devenir des pouvoirs et des leviers d'action, de création de valeur. Ils ont plus d'appétit pour 
de la formation, de l'accompagnement ou de l'éducation au numérique. Pour autant, face à 
ces mutations permanentes, même s’ils sont de plus en plus nombreux à se sentir à l’aise 
avec les technologies numériques, ils se déclarent très prudents vis à vis de ces nouvelles 
pratiques. De plus, l’INRIA11 avec TNS Sofres (institut d’études marketing et d’opinion) a 
publié au mois de mars son baromètre édition 2014 : les français et le numérique. Pour cette 
étude récurrente, 1145 personnes de 14 ans et plus ont été interrogées, dans toute la 
France. Les résultats indiquent la volonté des français d’être des citoyens actifs avec de 
nouveaux pouvoirs relatifs aux pratiques numériques tout comme une préoccupation de 
nouvelles responsabilités par rapport au vécu en ligne. 
La nécessité de l’action et de l’utilité des EPN (espaces publics numériques) est 
directement soulignée par cette étude en terme d’initiation pour les enfants mais aussi des 
adultes et en terme d’éducation au numérique par rapport à des peurs exprimées : vie 
privée, appropriation du numérique par les jeunes générations, etc. En effet, 42% des 
français sont prêts à être accompagnés dans leur découverte du numérique, dans des lieux 
spécifiques tels que des espaces publics numériques. Cependant, on remarque qu’il existe 
une fracture numérique en France : les équipements, les pratiques, les connaissances et les 
compétences diffèrent selon les critères socio-économiques. Par exemple 20% des Français 
sont « éloignés des technologies ». Bien qu’accessible et riche en informations, Internet ne 
11 2ème édition du baromètre Inria TNS-Sofres sur les Français, mars 2014
fait pas l’unanimité auprès des Français. Le rendez-vous annuel de TNS Sofres a également 
permis de dégager 4 profils-type du rapport des français et le numérique : 
- Les déconnectés (20% de la population) : ils n’identifient pas les innovations numériques 
dans leur vie, ne comprennent pas de quoi il s’agit. Le profil type correspond aux 
personnes de 65 ans et plus, vivant seules ou sans enfants, pas équipées. 
- Les distants (17% de la population) : ils savent que ces innovations existent mais n’ont 
pas le sentiment d’être concernés. Le profil type comprend plutôt des jeunes (à 21 % 
seulement entre 35 et 64 ans), plus souvent des femmes, peu équipés, trouvant les 
outils numériques plutôt « gadgets ». 
- Les usagers (29% de la population) : le numérique a changé beaucoup de choses dans 
leur quotidien mais ils disent pouvoir s’en passer. Des profils plutôt jeunes (34 % des 
personnes âgées de moins de 65 ans), moyennement équipés avec des produits qui ont 
fait leurs preuves. 
- Les homo numericus (34% de la population) : les outils numériques leur sont devenus 
indispensables dans leur vie de tous les jours. Un profil jeune (48 % des personnes âgées 
de moins de 35 ans), plutôt masculin, PCS+, dans des foyers avec enfants (à 41 %). Ils se 
disent curieux et enthousiastes mais également prudents. Ils se sentent en plus forte 
proportion, confiants, passionnés et dépendants. 
Si l’aménagement d’un territoire numérique est aussi politique qu’économique, la 
révolution numérique, à l’origine d’un « village monde » caractérisé par l’accès, peut être 
considérée comme profondément humaniste et humaine. L’interactivité, les échanges et 
l’accès à l’information et aux données, replacent l’Homme au centre de tout, créateur et 
bénéficiaire, dans tous les aspects de sa vie publique et privée. 
15
16 
B / Un individu au centre de la révolution numérique 
1. L’homme est l’avenir du web 
Cette vision humaniste peut être appuyée par les prospectives et conclusions du récent 
sommet du web, tenu en décembre 2013. Ce sommet affirme que pour les dix prochaines 
années, « l’individu est l’avenir du web ». En effet, tout sera fait pour faciliter la vie des 
individus et les outils seront de plus en plus personnalisés. Bien plus qu’une adaptation des 
outils à l’Homme, la révolution numérique a replacé l’Homme au centre et lui a donné un 
pouvoir de plus en plus grand, de la production de contenu à une parole libre et entendue, 
profitant ainsi à de nombreuses marques. De surcroît, depuis ce virage numérique, le digital 
a tout changé pour les entreprises, tous secteurs confondus et par conséquence a 
considérablement bouleversé toute l’orchestration des différentes stratégies de 
communication. Cette relation constante métamorphose le rapport consommateur/marque 
et place l’internaute/consommateur comme un acteur important en terme de réputation et 
d’image. Cependant, nous pouvons constater une prise de conscience incontestable d’un 
grand nombre d’individus au regard du stockage de données personnelles par les marques. 
Toutes ces données forment ce que l’on appelle le Big Data. Elles permettent aux marques 
de tirer un maximum d’insights12 et d’outils décisionnels mais soulève la question des limites 
de la protection des données et du respect de la vie privée. 
Aujourd’hui, une nouvelle génération s’ancre petit à petit dans notre société et remplace 
la génération Y, appelée également « génération des écouteurs ». Cette génération Z 
désigne l’ensemble des individus nés à partir de 1995 qui ont grandi avec Internet et les 
réseaux sociaux. Cette nouvelle génération est différente de la précédente dans la mesure 
où l’hyperconnexion est quelque chose innée et ancrée dans leur mode de vie. 
En 2012, le Figaro écrit un article intitulé : « Génération Z » : des connaissances 
superficielles. Basé sur le rapport « Apprendre autrement à l’ère du numérique » de l’ancien 
député UMP Jean-Michel Fourgous, cet article explique que les individus de la génération Z 
« passent essentiellement leurs temps à échanger, s’amuser, flirter via les réseaux sociaux, à 
naviguer au hasard ». De plus, il évoque aussi un brassage d’informations plus qu’une réelle 
12 Expériences vécues
compréhension. Cette génération est souvent critiquée quant à son manque d’éducation. 
Or, d’après Eric Delcroix, spécialiste du web 2.0 et des réseaux sociaux, il estime qu’il ne 
s’agit pas d’une caractéristique typique de la génération Z et que cette critique peut être 
adressée à l’ensemble des utilisateurs d’Internet. 
En raison de son hyperconnectivité, cette génération Z sera-t-elle vraiment plus difficile à 
gérer que la génération Y ? « En tout cas, elle implique un management qui sera 
complètement différent, assure Delcroix. Lorsque la génération Z arrivera sur le monde du 
travail, c’est la génération Y qui dirigera, et les individus de cette génération sont plus 
ouverts sur le monde digital que ceux de la génération X, actuellement en place. Ce qui va se 
passer sera très simple : la génération Z va profiter de cette ouverture et dira : « Vous me 
suivez, ou je dégage ». » 
Par ailleurs, une autre caractéristique de cette génération est qu’elle fonctionne 
beaucoup par plaisir. Par exemple, une adolescente qui réalise un livre de cuisine, ce n’est 
pas pour autant qu’elle veut devenir cuisinière. Elle le fait simplement parce que ça lui fait 
plaisir.13 La génération Z, ayant toujours vécu dans un temps de crise ne peut se souvenir 
d’un monde sans crise et de surcroît se responsabilise plus vite. Comme exemple significatif, 
nous retrouvons la série « Vice Versa » 14 de Canal +, dans laquelle les parents et les enfants 
inversent leur rôle. Très caricatural, cette série représente néanmoins bien la réalité et 
montre ainsi une grande capacité d’ouverture et de responsabilité de la génération Z. 
Cette génération est aussi très critiquée pour leur incapacité à faire la distinction entre 
vie réelle et vie virtuelle. Ainsi, ils serraient bloqués dans le « virtuel ». Cependant, de 
nombreux spécialistes ne sont pas d’accord avec cette affirmation et expliquent que cette 
caractéristique est propre à cette génération et qu’elle en devient un moyen de s’intégrer 
dans la société. 
17 
13 Le Figaro, propos recueillis dans l’article Génération Z : des connaissances superficielles, 2012 
14 Programme court réalisé en partenariat avec le Centre National du Livre.
Nous pouvons constater de nombreux problèmes en ce qui concerne les réseaux sociaux 
au niveau de la compréhension entre adultes et jeunes, qui seraient uniquement une simple 
projection des peurs des adultes. Ces nouvelles technologies peuvent faire peur aux parents 
puisqu’elles sont perçues comme des outils d’amusement et moins comme de fantastiques 
outils éducatifs (l’iPad par exemple). L’arrivée de cette nouvelle génération a contribué à 
accélérer cette phase de transition que représente le passage à l’âge adulte. 
Avec les possibilités infinies des réseaux sociaux, l’instantanéité sur le monde que 
permet Internet, et cette confrontation constante que peut avoir la génération Z avec les 
adultes, les enfants ont comme « grandi plus vite ». Ainsi créer et se faire plaisir seraient les 
mots d’ordre de cette génération de tous les possibles. 
Nous en arrivons ainsi à étudier les dérives de ce village planétaire et de cet accès illimité 
aux données et aux informations entre infobésité, espionnage, uniformisation du monde, 
perte de repères et excès. 
18 
2. Une protection des données difficiles : la vie privée en danger 
La France fait certainement partie des premiers exportateurs mondiaux de vie privée. 
« Sur le réseau, nous renonçons à être des sujets autogouvernés pour adopter le statut 
juridique de l’animal domestique ».15 La protection des données personnelles reste une 
préoccupation prépondérante quant à la vie privée de chacun. En effet, plus de 72 % des 
français pensent que le numérique a des effets négatifs sur la vie privée16. Récemment, 
Facebook a dû payer une amende de 20 millions de dollars pour avoir utilisé les données 
personnelles à des fins commerciales. En effet, Facebook a utilisé des noms d’utilisateurs et 
leurs portraits afin d’appuyer des messages sponsorisés mais sans demander la permission 
des utilisateurs en question. 
De plus, certains chiffres peuvent faire peur. En effet, en 2011, la valeur additionnée de 
Google et Facebook dépassait les 220 milliards d’euros17 : de quoi leur permettre d’acheter 
toutes les maisons d’édition, tous les éditeurs de journaux et toutes les télévisions du 
monde. Le chiffre d’affaires de Google, estimé à environ 45 milliards d’euros en 2013, est 
15 BELLANGER, Pierre (PDG de la radio Skyrock), La Souveraineté numérique, 2014, Édition Stock 
16 Chiffres de TNS SOFRES, 2013 
17 Propos recueillis dans Internet rend-il bête ? de CARR Nicholas, 2011, Editions Robert Lafont
désormais supérieur au pic des recettes de la presse quotidienne et magazine américaine qui 
eut lieu en 200718. C’est grâce au stockage des données que ce géant du net réussit à 
s’imposer et développer un nombre incalculable de services afin de devenir le partenaire 
numéro 1 de l’individu. 
L’exploitation des données se fait par différents biais, notamment grâce aux nombreuses 
applications présentes sur nos smartphones qui récoltent en permanence les données 
personnelles. Par exemple, les comptes bancaires sont auscultés par Bankin19, Google 
Maps20 recueille les géolocalisations. Cependant, tout cela ne nous pose aucun problème 
dans la mesure où nous estimons que toutes ces applications nous rendent gracieusement 
un service et nous acceptons donc l’exploitation de nos données personnelles et cette 
intrusion dans notre vie privée. Vincent Glad, spécialiste de la culture web pour Les Inrocks21 
ou Slate.fr22 résume bien cette problématique que l’on a d’accepter cette intrusion dans nos 
vies : « Une appli, c’est comme un ami à qui on raconte un secret en lui faisant jurer de ne 
jamais le répéter. On sait bien qu’une fois sur deux, il le fera. Mais bon, c’est comme ça, c’est 
la vie. » Facebook est ainsi la plus grosse entreprise au monde, avec 1,3 milliard d’employés 
et se nourrit constamment de nos profils personnels pour ensuite les revendre à des 
annonceurs. Des chercheurs de Berkeley ont ainsi démontré qu’avec les « likes » il était 
facile de déterminer l’orientation sexuelle, mais aussi l’origine ethnique ou même encore ses 
habitudes alimentaires. De plus, les statuts Facebook permettent aussi de cibler davantage 
les moments de déprime. « Il n’y a qu’un pas entre identifier ces vulnérabilités, et chercher à 
les créer » alerte la sociologue américaine Zeynep Tufekci. 
Depuis presque un an, on est abreuvé de révélations sur l’espionnage de nos 
conversations par la NSA23. Tous ces périls restent « virtuels » mais nous ne sommes peut-être 
pas assez conscients que nous laissons derrière nous une multitude de données 
personnelles. En fin de compte, personne ne comprend bien comment toutes ces données 
personnelles seront utilisées. Ce phénomène s’observe également dans les objets connectés. 
18 Propos recueillis dans Internet rend-il bête ? de CARR Nicholas, 2011, Editions Robert Lafont 
19 Bankin est une application gratuite permettant d’avoir une visibilité instantanée sur toutes ses dépenses 
20 Google Maps permet d’afficher des plans et de trouver des commerces à proximité 
21 Actualités culturelles, politiques et société, critiques d'albums, films, musique, cinéma et littérature 
22 Slate.fr est un magazine d’actualité en ligne dans les domaines politiques, économiques et technologiques 
23 NSA: National Security Agency, organisme gouvernemental du département de la Défense des États-Unis 
19
Notre monde s’appuie de plus en plus sur l’interconnexion via l’outil informatique : peu à 
peu nous affirmons et développons notre dépendance. Nous devenons même passifs devant 
des tâches que seul l’ordinateur peut réaliser. Serions-nous entrés dans l’ère des machines 
intelligentes et autonomes, capables de se substituer à l’homme ? 
D’autre part, Mark Zuckerberg, le brillant fondateur de Facebook, a d’ailleurs proclamé 
la fin de la vie privée et institué la transparence permise par son réseau comme la nouvelle 
norme sociale. Dans la vie réelle, on connaît votre identité mais votre vote est secret. Sur le 
réseau, on connaît votre opinion mais pas votre identité. La révolution numérique a 
engendré de nombreuses métamorphoses de la société, des hommes et des usages. Comme 
dans tous changements, apports et dérives se côtoient. Si certaines dérives semblent 
importantes, souvenons-nous de la phrase du sociologue américain Paul Lazarsfeld24 : 
« L’intégration se fait par rejet partiel. On n’aime pas mais on s’adapte quand même. » Jean- 
Louis Missika, sociologue et professeur de français au conservatoire des arts et métiers, 
évoque à ce sujet l’épisode de la télévision perçue, à l’époque comme un frein à l’échange 
dans les familles et vue aujourd’hui comme le ciment du lien social. L’important pour lui et 
dans cette révolution est d’inventer « une hygiène numérique ». En effet, le terme 
révolution, s’il évoque une rupture ou un changement, se définit, en physique, comme un 
cercle, c’est à dire une évolution revenant toujours à son point de départ. Depuis des siècles, 
l’Homme est confronté à de multiples changements mais paraît toujours subsister. À 
l’époque tayloriste, on redoutait que la révolution industrielle et ses ouvriers deviennent 
peu à peu des machines ; aujourd’hui on est désormais bien rentrés dans une ère où le 
service prédomine: un service où l’homme est au centre de l’échange. Si la dématérialisation 
fait craindre une perte des réalités et de liens véritables, il reste aux Hommes de s’y adapter 
une fois de plus en mobilisant leur caractère stratège en ce qu’ils anticipent l’avenir et leur 
caractère tacticien en ce qu’ils s’adaptent et composent avec le présent. 
« Toute notre vie quotidienne est améliorée : organisation de rendez-vous, coordination 
d’agendas, réservations, comparaisons de prix, partage de ressources, organisation 
d’événements, les courses… Avec le résogiciel, le monde se coordonne autour de nous en un 
20 
24 LAZARSFELD, Paul (1901-1976) est un sociologue américain, d'origine autrichienne. Il est particulièrement 
connu pour l'importance de ses travaux sur les effets des médias sur la société.
flux constant et efficace d’informations échangées » 25. Nous pouvons également remarquer 
une tendance à maitriser constamment ses efforts, son activité et ainsi « avoir la main » sur 
ses propres données personnelles. 
21 
3. Nouvelle logique d’introspection de soi : le quantified self26 
Le quantified self est une pratique à mi-chemin entre le réel et le virtuel qui consiste à 
mesurer grâce à des capteurs ou des objets connectés reliés à un smartphone, l’ensemble 
des variable de son existence, appelé aussi « la data ». Tout est aujourd’hui mesurable, le 
nombre de calories avalées au cours d’un repas, le nombre de kilomètres parcouru dans la 
journée, la qualité de son sommeil, la qualité de son brossage des dents, etc., pour ainsi 
avoir un résumé entier de sa vie sous la forme d’un graphique. Cette innovation, perçue 
comme futuriste indique aujourd’hui la voie d’une modernité banale, accessible et utile. En 
août 2013, on découvrait sur le compte Instagram du dictateur syrien Bachar el-Assad que sa 
femme avait elle aussi succombée au désir du « tout connecté » en s’offrant un Jawbone Up 
capable de traquer tous les kilomètres parcourus dans son palais mais aussi d’analyser la 
qualité de son sommeil. En effet, de nombreuses personnes médiatiques ont tendance à 
promouvoir ces objets comme un effet de « cool attitude » et incitent ainsi leur utilisation. 
Même si cette tendance de la vie « data » est d’abord restée réservée à une communauté de 
« geeks », elle ne cesse ces dernières années de se démocratiser auprès des individus grâce 
à la pénétration importante d’objets connectés dans divers secteurs comme la santé, le 
bien-être et le sport. En effet, l’exemple le plus significatif reste l’application et le bracelet 
Nike Plus qui comptabilisent plus de 20 millions d’utilisateurs et permet d’immortaliser ses 
performances sportives mais aussi de les partager avec ses amis. Le marché du quantified 
self reste donc un marché porteur et serait estimé à plus de 3 milliards d’euros au cours de 
l’année 2014. De plus, d’après le cabinet International Data Council, chaque individu portera 
en moyenne 3,5 produits connectés d’ici 202027. 
« Cette nouvelle logique d’introspection de soi par les chiffres permettrait ainsi d’entretenir 
une certaine illusion d’une reprise de contrôle aux vertus auto thérapeutiques et pourrait 
25 BELLANGER, Pierre, La Souveraineté numérique, 2014, Édition Stock 
26 Désigne la pratique de la « mesure de soi » 
27 Selon IDATE, cabinet de Recherche et analyse de télécommunications, Internet et les sociétés de médias
s’apparenter à un journal intime » 28. D’après un sondage OptinionWay29 de 2013, à la 
croisée de l’auto-coaching et de l’introspection numérique, la mesure électronique du 
quantified self à coup de bracelets connectés serait d’ailleurs déjà envisagée par plus de 54% 
des français comme un moyen crédible de mieux gérer leur santé. Une techno-vision du 
monde qui, d’après le sociologue Fabien Kiszach, trouverait sa source dans la pensée 
cybernétique et l’idéologie de la Silicon Valley30 : « Le sous-texte de ce mouvement est que 
l’humanité vivra mieux si elle abandonne le contrôle de soi, de la planète et de ses ressources 
à une intelligence supérieure qui accorde les humains en fonction de leurs besoins. » 
De plus, petit à petit nous pouvons observer que les objets connectés font surface dans 
notre vie et réinventent totalement quelque chose parfois perçu comme anodin. En effet, la 
mairie d’Issy vient de mettre en place, en avril dernier une application de balade numérique 
afin de découvrir le fort d’Issy en réalité augmentée. D’un simple regard, le promeneur muni 
de cet objet est facilement géolocalisable et peut découvrir l’histoire du site mais aussi le 
projet d’éco-quartier numérique. Avec cette application, Issy est la première ville d’Europe à 
innover autour du phénomène des Google Glass31. 
De cette manière, les utilisateurs d’objets de quantified self s’inscrivent dans une 
volonté de contrôle d’eux-mêmes, dans une perspective de changement. C’est comme 
devenir son propre coach, c’est à dire une orientation vers l’action. Pour les individus qui se 
mesurent, les chiffres sont enchanteurs, ce sont des points d’appui à leur storytelling intime. 
Les usages croissants des objets connectés ont aussi un sens social fort car ils permettent de 
recréer un certain « collectif », parfois perçu comme rassurant. 
22 
« C’est ludique, il y a comme 
un jeu vidéo de toi-même. » 
28 Propos tirées dans un article de GQ Magazine d’avril 2014 
29 OpinionWay est un institut d'études précurseur depuis sa création en mars 2000 
30 La Silicon Valley est un pôle mondial d'innovation technologique sur la côte ouest des États-Unis 
31 Information recueillie dans un article de Direct Matin, le 23 avril 2014
« Un soi envisagé comme une machine en potentielle défaillance permanente, sollicité par 
une multitude de micro-défis et de bilans statistiques »32. Cette maîtrise de soi permet 
d’affronter le réel lorsqu’on a le sentiment d’avoir de moins en moins de prise sur celui-ci. 
Cependant, ces victoires ne sont pas forcément au rendez-vous puisque le quantified self 
semble annoncer le retour d’un étrange culte de la performance, sorte d’écho amplifié du 
slogan des bracelets connecté Nike Fuel Band « Motivé, partout, tout le temps ». Une 
dynamique amplifiée par l’effet addictif des potentialités toujours plus ludiques des objets 
connectés. GQ Magazine, dans son interview d’avril dernier résume bien cela : « À un 
moment, j’étais tellement obsédé par ce que j’avalais que, pendant les repas, je flashais avec 
mon téléphone tous les codes-barres des aliments que je mangeais pour que l’application 
m’indique leur valeur calorique précise. Ma copine m’a demandé de me calmer, mais ça a été 
dur de décrocher. Et si j’ai sauvé mon couple, j’ai directement repris trois kilos. » De 
nombreuses marques comme Alarmclock ont capitalisé sur ce phénomène de « tension 
permanente » qui grâce à toutes les données connectées tente de vous sortir du lit en vous 
annonçant toutes les nouvelles les plus déprimantes à votre sujet tels que le nombre de 
jours qu’il vous reste à vivre, l’étendue de votre découvert bancaire, etc. La data nous place 
aujourd’hui dans une position d’exposition permanente et se montrer aux autres fait partie 
intégrante de la valorisation sociale. « Contrairement à ce que l’on pense, les gens partagent 
encore assez peu leur données sur les réseaux sociaux. De l’ordre de 7 à 10% » explique 
Hubert Guillaud, auteur de son ouvrage De la mesure à la démesure de soi. 
De fait, comme l’annonçait le penseur Jean Baudrillard dans son essai La Société de 
consommation (1970) : « le corps ainsi réapproprié l’est d’emblée en fonction d’objectifs 
capitalistes : autrement dit, s’il est investi, c’est pour le faire fructifier. » Car si les 
observations critiques du quantified self s’inquiètent déjà de voir un jour ce type d’outils 
mobilisés pour traquer nos chutes de productivité au bureau par exemple, ce sont des 
sociétés d’assurance qui semblent être les premières à vouloir s’engouffrer dans la brèche. 
Virgile Brodziak, chargé de la stratégie digitale chez Publicis affirme même « ils sont de plus 
en plus nombreux à nous contacter pour mettre en place des partenariats afin d’avoir accès à 
ces informations. » Preuve qu’à l’heure de la vie data, l’expression « donner c’est donner » 
prend désormais tout son sens. Ainsi, les objets connectés vont devenir une norme après les 
23 
32 Citation tirée d'un article de GQ Magazine d’avril 2014, dossier spécial consacré au quantified self
biens technologiques. En effet, avec plus de 15,8 millions de Smartphones vendus en 201333, 
la démocratisation du mobile donne une passerelle pour tout connecter et ainsi vivre dans 
cet environnement du tout digital. 
Toutes ces avancées technologiques et notamment dans le secteur des smartphones 
ont alerté le gouvernement. La CNIL 34 a publié des recommandations quant à la 
communication et le partage des données recueillies. En effet, le quantified self mesure 
principalement les performances dans le domaine du sport ou encore du bien-être de 
l’individu, et la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) voit dans cet 
engouement un problème d ‘éthique et de stockage de données personnelles. La 
Commission donne ainsi une liste de recommandations quant à leur usage. Tout d’abord, 
elle recommande d’utiliser un pseudonyme pour partager ses données et éviter de donner 
sa propre identité et de ne pas automatiser le partage des données vers d’autres services. 
Elle recommande aussi de ne publier les données qu’en direction de cercles de confiance et 
d’effacer ses données personnelles lorsqu’un service n’est plus utilisé. L’organisme met 
également en garde les utilisateurs sur la prolifération de leurs données via les réseaux 
sociaux, et rappelle que la frontière peut être floue entre le médical et le simple suivi de son 
bien-être. En effet, une donnée peut sembler anodine pour un utilisateur au moment où il la 
partage, mais receler beaucoup d'informations pour un spécialiste qui pourrait y avoir accès 
par la suite. Aux États-Unis, une loi permettra d’avoir la possibilité de faire disparaître les 
photos ou commentaires embarrassants sur les réseaux sociaux. Le texte, surnommé «loi-gomme 
», a été promulgué en début d’année par le gouverneur de Californie Jerry Brown, 
mais n'entrera en vigueur qu'en 201535, le temps pour les sites Internet concernés de 
s'adapter. Les opposants à la loi affirment que le texte pourrait avoir des effets pervers, en 
obligeant les sites à récolter encore plus d'informations personnelles auprès des internautes, 
notamment leur âge et leur localisation. 
De plus, ce sujet est au coeur de l'un des axes du programme de recherche de la 
Direction des Études, de l'Innovation et de la Prospective du Gouvernement en ce qui 
24 
33 Chiffres de TNS SOFRES 
34 CNIL: Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés 
35 Chiffres tirés de l’article Les ados californiens vont avoir droit à l'oubli sur Internet du site stratégies.fr de 
septembre 2013
concerne la thématique « Santé et bien-être dans le monde numérique ». Une preuve de 
plus de l’importance grandissante de cette problématique. 
Quant au rapport entre l’Homme et la machine, divers penseurs majoritairement 
américains l’ont résumé en une question que chacun devra bientôt se poser : votre savoir-faire 
est-il complémentaire du savoir-faire de votre ordinateur, ou votre ordinateur fait-il un 
25 
meilleur travail sans vous ? 
Le philosophe William Bates, professeur d’histoire des technologies à l’université de 
Californie, à Berkeley relativise cependant cette angoisse : « Depuis le début de la 
civilisation, les humains sont construits par la culture dans laquelle ils évoluent, et donc par la 
technologie qui en fait partie. C’est ce qui nous distingue des animaux. Il serait naïf de croire 
que le cerveau humain était jadis plus « naturel » ou plus « libre », et que les nouvelles 
technologies nous auraient dépossédé de quelque chose. » Selon Dimitri Carbonnelle, 
fondateur de Livosphere36, tous ces objets apportent un nouveau service et deviendront 
indispensables dans notre quotidien. C’est d’ailleurs dans le secteur de la santé que ces 
objets commencent vivement à s’imposer mais aussi dans l’équipement de la maison 
Ci-dessous la journée type d’un utilisateur d’objets connectés (GQ Magazine – avril 2014) : 
CHRONIQUE D’UNE JOURNÉE CONNECTÉE 
Du lever au coucher, gadgets et applis vous donnent de 
vos nouvelles et vous conseillent de faire encore un effort. 
8H – PREMIER RÉFLEXE 
Checker sur Beddit, un optimisateur de sommeil glissé sous le matelas, comment s’est 
déroulée cette nuit en termes de rythmes cardiaques, de ronflements… Ça tombe bien, 
votre copine qui n’a pas dormi de la nuit voulait vous en parler. 
8H30 – APRÈS LE PETIT-DEJ 
Vous sautez sur votre balance Withings. Tiens, vous avez encore pris 500 grammes. Mais 
vous respirez car la balance indique le taux de CO2 de votre salle de bain et s’inscrit dans 
une norme tout à fait acceptable. 
36 Livosphere a pour mission d’accompagner les entreprises souhaitant développer un objet connecté
9H – FACE À LA PENDERIE 
Aucun dilemme : tous vos vêtements viennent de chez Cityzen Sciences, une start-up 
française qui commercialise des habits conçus à partir d’un textile qui vous prévient à la 
moindre de vos défaillances organiques. 
9H30 – VOTRE FIANCÉE 
Elle s’habille. Vous la trouvez si mince que vous vous félicitez de lui avoir offert un SmartBra 
de Microsoft, ce soutien-gorge muni d’un électrocardiographe qui, en cas de pulsion 
alimentaire incontrôlée de son propriétaire, se met à vibrer… 
12H – À LA CANTINE 
Vous ne prenez pas les mêmes couverts que les autres mais votre fourchette Hapifork. Elle a 
la particularité de vibrer entre deux bouchées trop rapprochées. Seul hic : vos collègues vous 
trouvent aujourd’hui excessivement bavard. 
15H – SÉANCE JOGGING 
Entre deux dossiers, vous partez, vos baskets aux pieds, votre bracelet Nike Fuel Band au 
poignet et l’appli Nike Fuel activée. Au fout d’une demie heure, vous trouvez que la 
boulangerie est située excessivement loin. 
16H- À MI-PARCOURS 
Vous vérifiez, grâce à votre ceinture Lumiback, le temps passé debout depuis le début de la 
journée : oui, seulement une heure et demie. Vous pouvez rester au bureau encore une 
heure ou deux. 
18H – ALCOOTEST 
Retour à la maison. L’heure de se détendre avec un bon verre de bourbon. Drinking Diary, 
cette appli censée vous guider dans votre consommation d’alcool, vous annonce que vous 
êtes déjà à votre septième unité de la semaine. Et on n’est que mercredi. 
19H – S’HYDRATER 
Pour accompagner cet abus d’alcool, vous gardez à portée de main votre BluFit, gourde 
connectée qui vous préviendra à l’aide d’un signal sonore en cas de déshydratation. Pensez 
aussi à vous restaurer à l’occasion. 
21H – PASSAGE À VIDE 
Sur un coup de tête (après trois verres quand même) vous décidez de partager votre flore 
bactériologique avec vos amis internautes grâce à l’appli uBiome. Aucun like pour le 
moment. 
26
22H – LE FEU DE L’ACTION 
Chaud comme la braise, vous installez votre Sex Counter, cockring dissimulant un 
accéléromètre pour mesurer et enregistrer votre durabilité en amour. Étrangement, vous 
n’avez jamais jugé pertinent de partager ces performances. 
23H – BILAN DU SOIR 
C’est l’heure de votre graphique du bonheur quotidien grâce à Hapilabs, application 
permettant de noter de 1 à 10 chaque moment de votre vie qui, de plus en plus, vous fait 
penser à une « École des Fans » qui ne voudrait jamais s’arrêter. 
C’est ainsi qu’on pourrait penser que cette digitalisation massive de notre société et le 
développement rapide des objets connectés dans notre quotidien bouleverseraient notre 
économie et supprimeraient de nombreux postes. Or, d’après une étude du cabinet 
McKinsey, Internet a créé 25 % des emplois en France depuis 1995 et pourrait créer 450.000 
emplois à l’horizon 2015. 
27 
C/ Internet a bouleversé nos économies 
1. Internet, moteur d’une révolution industrielle 
Inventé au début de la décennie, le web a complètement bouleversé notre économie. En 
effet, le nombre de start-ups françaises ne cesse de s’installer et viennent déstabiliser les 
positions des acteurs traditionnels, lesquels réagissent à leur tour en investissant 
massivement dans Internet et en adaptant leurs structures. 
Internet est le moteur d'une révolution industrielle, certes, mais il n'est pas sûr que celle-ci 
modifie les préceptes de l'économie traditionnelle. Le numérique serait seulement un 
nouveau moyen de se développer et d’offrir de nouveaux services utiles. De plus, plus de 
73% des français pensent que le numérique est utile pour l’économie (+4 points par rapport 
à 2011) et 65% des français pensent que le numérique a des conséquences positives sur 
l’emploi. Enfin, 64% pensent que les français ont l’esprit d’entreprendre et de créer des 
entreprises dans le domaine du numérique37. Le baromètre Inria TNS-Sofres fait état de cet 
engouement dans divers secteurs d’activités et prouve ainsi que le numérique offre de 
nouvelles possibilités de développement. Ci-après une infographie reflétant ce point : 
37 Chiffres tirés du baromètre Inria TNS SOFRES
28
Face à cet engouement du « tout numérique », de nombreuses start-ups réussissent à 
s’imposer et facilitent l’appropriation de ces nouvelles compétences vers les industries 
traditionnelles. Par exemple, en France, la jeune société Dataiku38 a mis au point une suite 
29 
38 Dataiku permet de créer ces propres applications prédictives.
logicielle qui permettra à des cadres sans formation informatique de se lancer dans la 
gestion de base de données et l’analyse prédictive : « Nos clients potentiels, [affirme Florian 
Douetteau, patron de Dataiku], sont les entreprises industrielles qui possèdent des stocks de 
données dont ils ne font rien, et qui veulent les exploiter pour résoudre des problèmes de 
façon innovante. » Il cite l’exemple d’un gestionnaire de parcmètres souhaitant, à partir des 
données de stationnement, modéliser la circulation automobile dans des milliers de villes. 
C’est dans l’industrie musicale notamment que nous pouvons observer un net 
bouleversement. En effet, aujourd’hui nous sommes tous conscients qu’il suffit d’être 
connecté au réseau pour disposer de millions de titres. En effet, les habitudes de 
consommation ne sont plus les mêmes et les acteurs culturels assistent impuissants au 
déclin de plusieurs supports tels que le CD et le DVD. Dans un premier temps, cette 
substitution au numérique s’est faite en faveur du téléchargement légal, avec iTunes par 
exemple ou encore via le téléchargement illégale avec Megaupload notamment. Désormais, 
nous pouvons observer que cette tendance a évolué vers un nouveau mode de 
consommation, le streaming. Dans cette optique, le consommateur opte pour avoir un accès 
à un large catalogue, la plupart du temps quasiment gratuit, démontrant ainsi que le 
streaming est un mode de consommation lié à la découverte. Nous pouvons citer Deezer et 
Spotify qui aujourd’hui ont réussi à s’imposer comme des références dans les sites de 
streaming musical. Ce format d’écoute a généré sur l’année 2013 un chiffre d’affaire de plus 
d’1 milliard de dollars39. De plus, ce phénomène devrait se poursuivre avec l’envolée des 
abonnements payants qui ont déjà séduit 28 millions d’individus dans le monde40. 
Cependant internet ne reste pas le seul moteur de création d’emploi. En effet, même si 
l’apparition des robots dans nos industries et dans notre vie quotidienne provoquent 
certaines angoisses dans le fait qu’ils remplaceront peut-être l’humain dans les entreprises, 
elle reste néanmoins un moyen de faciliter l’Homme dans son travail. 
30 
2. De nouvelles perspectives grâce à la robotisation 
Les progrès de la robotique sont généralement pointés du doigt. En effet, 
39 Chiffres 2013 de l’International Federation of Phonographic Industry. 
40 Informations et chiffres tirés du site Frenchweb (http://frenchweb.fr/deezer-spotify-la-musique-en-streaming- 
genere-plus-de-1-milliard-de-dollars-de-chiffre-daffaires/146000)
l'automatisation des chaînes de production a tendance à mettre des travailleurs humains sur 
le côté. Or, selon un rapport de la Fédération Internationale de la Robotique (IFR), les robots 
industriels auraient, au contraire, un impact positif sur l'emploi. Selon les estimations 2013 
de l'IFR, il y a plus de 12 millions de robots dans le monde. Ces robots peuvent avoir un rôle 
d’aide pour des tâches pouvant être difficiles pour l’Homme mais ils peuvent également 
travailler pour nous. Après avoir remplacé l'Homme dans certaines usines, notamment sur 
les chaînes de montage, les robots s'attaquent désormais à de nouveaux métiers. Par 
exemple, un robot pompier, appelé Robokivu a été inventé à Tokyo, capable de secourir une 
victime et même d’établir un pronostic vital. Nous avons aussi Roomba, un robot femme de 
ménage qui a déjà été vendu à plus de 4 millions d’exemplaires dans le monde. Il y a aussi 
EMILY qui est un robot bouée conçu pour aller chercher des victimes sur le point de se 
noyer. Dans le but d'assister les sauveteurs, il localise les personnes en détresse grâce à son 
sonar en détectant les mouvements anormaux des nageurs en difficulté. 
Ainsi, la robotique semble particulièrement bien placée pour créer un grand nombre 
d'emplois dans le futur. En effet, il ne faut surtout pas considérer que les robots remplacent 
les humains mais les voir comme « facilitateurs » de travail puisque ces robots permettent 
de soulager le travail du salarié en lui évitant certaines tâches rébarbatives. L'IFR chiffre 
d'ailleurs à 1 million le nombre de postes qui devraient être créés au cours des cinq 
prochaines années. Ces prévisions concernent en particulier l'électronique grand public, 
l'alimentaire ainsi que les énergies vertes (solaires et éoliennes). De la même manière, 
comme l'indique l'IFR, « la robotique va faire des incursions dans les grandes industries de 
services, en particulier les soins de santé, où une population vieillissante aura besoin des 
services de soutien, pour lequel les fournisseurs de soins humains seront trop peu nombreux. 
Les robots vont également jouer un rôle important dans le transport et la fourniture de 
services à domicile. Ils vont également contribuer à protéger les maisons et bureaux et 
surveiller l'environnement à la fois dans la routine et des opérations d'urgence. » Pour finir, 
« il ne faut jamais perdre de vue qu'il faudra toujours des humains pour créer des robots, ne 
serait-ce que pour les entretenir. On part toujours de l'existant c'est-à-dire des Hommes qui, 
eux, disposent des connaissances indispensables pour construire ces robots. » 41 
31 
41 L4M: http://www.l4m.fr/emag/dossier/societe-3/la-robotique-creation-destruction-emploi-11095
32 
II] L’Homme en tant qu’internaute 
L’impact de l’usage des nouvelles technologies sur nos rapports sociaux est immense et 
suscite un débat permanent. Craindre la technologie ou bien lui faire confiance les yeux 
fermés, tels sont les deux attitudes que nous retrouvons. Encore très récemment, le dernier 
film de Spike Jonze, Her (2014) nous invite dans un futur proche, où le virtuel remplace les 
interactions humaines. Nous y reviendrons. Les liens entre réel et virtuel sont très étroits, à 
tel point qu’il est impossible de séparer les pratiques sociales des usages technologiques. 
Avec l’avènement du monde virtuel, nos relations sociales ont été complètement redéfinies. 
Internet et les nouvelles technologies inventent de nouveaux espaces et enrichissent les 
modalités du lien social, illustrant ainsi notre rapport changeant à la technologie. 
A / Notre rapport à la technologie 
1. Corps réel et corps virtuel 
« Le XXème siècle s’est clos sur une prophétie terrible : celle de la disparition du corps dans 
les sociétés en réseaux » explique le sociologue Antonio Casilli dans Les Liaisons numériques 
(2010). Il examine dans son livre les transformations de nos relations sociales et des formes 
de la sociabilité à l’heure d’Internet. À travers des exemples comme Second Life, plateforme 
sociétale virtuelle permettant de vivre « une seconde vie », il montre le désir d’un corps 
projeté, amélioré et augmenté. La notion de corps virtuel est selon lui un mythe qu’il faut 
démentir. Le corps est bel et bien présent au centre de notre quotidien. Cette théorie de la 
disparition du corps lorsqu’on est connecté en ligne est erronée, puisque le corps réel passe 
d’abord par la projection d’une identité, d’une représentation de soi. Le terme d’identité est 
très important quand on parle de nos comportements en ligne. Internet n’est pas seulement 
un lieu de recherche d’informations, c’est également un espace de communication où on 
échange des mails, partage des photos et parle avec ses amis, autrement dit un fait social. 
Ce que le web fait si bien, c’est de donner à une personne la possibilité de séparer les 
catégories sociales auxquelles elle appartient, de se réinventer. Le web est un endroit où 
nous pouvons redéfinir qui nous sommes, qui nous avons été, et ce que nous pouvons 
devenir. Son anonymat permet aux résidents numériques d’essayer de nouvelles peaux. 
Cette représentation de l’homme en tant qu’internaute se fait ni plus ni moins par
l’intermédiaire d’un avatar. À l’origine, le terme désigne l’apparence que prend un 
internaute dans un univers virtuel, notamment celui du jeu vidéo ou des forums. Il s’agit 
aujourd’hui de manière plus générique de l’image que l’on utilise pour se représenter, d’où 
le terme de corps dit virtuel. Cette image et identité en ligne résument les informations sur 
soi. On retrouve aussi cette notion d’avatar sur les sites marchands qui disposent d’un chat 
en ligne où des conseillers renseignent l’internaute, comme s’il était en magasin physique. 
Quasiment tous les internautes disposent maintenant d’un avatar, de smileys ou d’une 
photo personnelle avec le développement des plateformes de réseaux sociaux. Autant de 
traces qui introduisent la notion de corps dans les réseaux informatiques. Si on prend 
l’exemple des photos de profil sur Facebook, nous les utilisons comme une effigie pour se 
présenter aux autres. L’avatar qu’on utilise est un raccourci de ce que l’on est, dans lequel 
on projette quelque part un certain narcissisme, l’idée d’un corps loin de toute faiblesse. Les 
films grands publics tels Tron ou Matrix n’ont été que les représentations les plus 
immatérielles de ce fantasme postmoderne du corps virtuel et immortel. 
En parallèle, on ne peut pas tracer une cartographie sociale sans préciser les territoires 
dans lequel le corps évolue. Nous opposons souvent le monde réel au virtuel en essayant de 
délimiter l’espace physique du cyberespace. Pour le psychologue Yann Leroux, cette 
distinction n’a pas de sens : « Le cyberespace c’est notre monde, ce n’est pas une autre 
réalité, c’est celle avec laquelle on a à faire maintenant. Un espace à comparer avec d’autres 
espaces de réalité comme le rêve ou l’espace imaginaire, mais ce n’est en aucun cas un 
espace qui nous est radicalement différent : les gens s’y comportent de manière similaire à 
celle du monde géographique. Il n’est pas lointain, ce n’est pas un ailleurs à conquérir avec 
des scaphandres et des équipements technologiques. » Nous avons d’ailleurs associé dès le 
début des objets physiques à des usages informatiques : “entrer” en ligne, ouvrir des 
“fenêtres”, créer des “dossiers” sur son “bureau”, ou encore jeter des documents dans la 
“corbeille”. On ne peut donc pas considérer le cyberespace comme un espace déconnecté 
de notre réalité actuelle. On y évolue quotidiennement et cela se voit d’autant plus avec le 
développement du web social. Ce qui était vrai il y a 20 ans s’applique de moins en moins. En 
effet, nous sommes en train de perdre de plus en plus notre capacité d’être n’importe qui en 
ligne, de conserver un semblant d’identité fictive. L’ancien web, lieu où l'identité pouvait 
rester séparée de la vie réelle, est en train de disparaître petit à petit. Selon Sheryl Sandberg, 
directeur d’exploitation de Facebook, et Richard Allan, son directeur de la politique publique 
33
en Europe, les personnes qui sont arrivées sur le web depuis 2003 veulent des interactions 
en ligne soutenues par une identité « authentique ». Et celle-ci est incompatible avec des 
pseudonymes, même bien établis. Les profils Facebook et Google sont d’ores et déjà 
automatiquement liés au vrai nom de la personne et à des liens réels. Christopher Poole, 
fondateur du forum anonyme 4chan, pense que l'approche de Facebook et Google ne tient 
pas compte de la diversité de l'expérience humaine et arrête toute forme d’expérience en 
ligne. Pour lui, les individus sont multiples et notre identité a plusieurs facettes. Selon 
Richard Allan, cependant, ce que les millions de personnes qui sont venues en ligne durant la 
dernière décennie veulent réellement, c’est un endroit sûr où ils ne feront pas l’expérience 
d’un mauvais comportement, où leurs identités seraient volées ou dupées par des 
imposteurs. Il estime que « prétendre à une identité ne fonctionne pas très bien maintenant 
que le web est passé d’un sport minoritaire pour les geeks à une occupation mainstream. » 
Les chercheurs vont désormais jusqu’à affirmer que nous avons un « double habitat » 
développe Antonio Casilli. Il ajoute que le corps réel est un leurre. Nous vivons en face à 
face, mais également dans un espace pourvu d’échanges reposant sur la technologie. 
Le web a repositionné le corps au centre de nos mondes, nous obligeant à nous définir 
même par ce que nous serons après notre mort. En effet, nous laissons derrière notre 
passage sur le web des traces numériques représentant une masse d’informations 
importante. C’est tout le sujet troublant du livre de John Romero, Your Digital Afterlife 
(2011). Les sanctuaires en ligne, les sites dédiés ou les profils Facebook commémoratifs par 
exemple, sont maintenant une source d'information supplémentaire qui n’existait pas 
auparavant. Lors de la disparition d’un utilisateur sur Facebook, tout ce qu’il a publié reste 
visible. Les familles du défunt ont alors le choix de fermer le compte ou le laisser en 
mémorial via un formulaire de décès. Il est assez poignant de recevoir une notification le 
jour de l’anniversaire de cette personne et lire tous les messages de condoléances des 
proches. Nous laissons donc des marques de notre existence de manière différente qui ne 
peuvent s’effacer. Le corps n’est plus, mais le moi virtuel continue de vivre. L’anthropologue 
numérique Genieve Bell, directeur de recherche chez Intel, raconte que la culture de la 
technologie fait même partie intégrante des funérailles chinoises. Traditionnellement, de 
l’argent en papier était brûlé pour aider le défunt à payer ses dettes et franchir l'au-delà. 
Aujourd’hui, ce sont des iPhones, des iPads et des PC en papier qui sont brûlés afin qu'ils 
puissent être utilisés dans l'autre monde. Les notaires recommandent de plus en plus 
34
d’ajouter ses actifs numériques à son testament, y compris les listes de services en ligne avec 
leurs noms d'utilisateur et mots de passe associés. La mini-série britannique Black Mirror 
met en scène de manière dérangeante la façon dont nous vivons avec les technologies et 
celle dont nous pourrions vivre si cela était poussé à l’extrême. Ainsi, l’épisode Be Right 
Back scénarise le thème de la vie après la mort. L’histoire est plutôt banale au début. Un 
couple emménage à la campagne, le mari passe son temps sur les réseaux sociaux et meurt 
peu de temps après dans un accident de voiture. Son épouse apprend après les funérailles 
qu’il est possible de rester en contact avec un défunt via un programme artificiel. Un 
nouveau compagnon est créé - ou plutôt cloné - en utilisant toutes les données numériques 
qu’il a engendré sur les réseaux sociaux et ailleurs. La protagoniste va alors commencer à 
dialoguer avec lui et réapprendre en quelque sorte à vivre avec l’être disparu. Un récit qui se 
rapproche de cette idée d’immortalité de l’être virtuel. Nous reviendrons à ce propos plus en 
détail sur cette série d’anticipation dans l’aspect culturel de notre sujet, le numérique étant 
une grande source d’inspiration. 
Le problème qui se pose quand on aborde les notions de réel et de virtuel, c’est tout de 
suite l’aspect antisocial suspecté des nouvelles technologies. Elles représenteraient une 
menace en se substituant aux rencontres et aux liens directs. « Sans la présence de corps en 
chair et en os, le lien social se trouve mis à mal » précise très tôt David Le Breton, chercheur 
au CRNS, dans son ouvrage L’Adieu au corps (1999). Le fait d’être derrière un écran 
fragiliserait les relations sociales. Dans le même temps, Internet a permis de désintermédier 
la plupart de nos services au quotidien, réduisant ainsi de nombreuses interactions hors-ligne, 
comme le simple fait d’acheter un billet d’avion. Antonio Casilli et d’autres sociologues 
se sont employés à dénoncer par la suite ce mythe. Selon lui, « les échanges en ligne ne 
réduisent pas les rencontres “réelles”, bien au contraire. » 42 Manuel Castells, à qui l’on doit 
le terme de société en réseau est lui aussi catégorique : Internet « ne remplace ni la 
sociabilité en face à face ni la participation sociale, il s’y ajoute. » 43 Disons pour synthétiser 
que les nouvelles technologies transforment la nature du lien social et lui font prendre un 
nouveau sens. Il peut effectivement se trouver mis à mal dans d’autres circonstances 
abordées en partie B. Néanmoins, la plupart des études contemporaines sur les effets 
35 
42 CASILLI, Antonio, Les Liaisons numériques: Vers une nouvelle sociabilité?, Paris, Seuil, 2010. 
43 CASTELLS, Manuel, The Internet and the network society, Blackwell, 2002.
sociaux de l'utilisation des nouvelles technologies montrent qu’il y a avant tout plus de peur 
que de mal. 
Les sphères réelles et virtuelles ne sont finalement pas si différentes que cela. Ce qu’on 
observe dans le virtuel n’est autre que le prolongement de ce qu’il se passe déjà dans le 
monde réel. Le simple fait de parler de virtuel est même dépassé, tant ce qui se passe dans 
le virtuel est connecté au monde réel. De l’imprimerie au fax en passant par le télégraphe, 
toutes les technologies, anciennes comme nouvelles, font partie de la réalité des hommes. 
L’impact des réseaux sociaux sur les récentes révolutions arabes ou les élections 
présidentielles aux États-Unis sont de bons exemples du caractère indissociable entre réel et 
virtuel de nos jours. Les communautés en ligne ont beau être virtuelles, leur existence n’en 
demeure pas moins réelle et les résultats de leurs actions tangibles. Reste à savoir comment 
nous définissons nos relations en ligne comparées au réel. Que ce soit avec les autres ou 
envers les moteurs de recherche, notre rapport à la technologie passe également par une 
relation décomplexée avec la machine et une facilité croissante à se confier. 
36 
2. La technologie comme architecte de notre intimité 
Nous venons de voir qu’Internet transformait les relations sociales et que les liens 
numériques avaient leurs spécificités. Les moteurs de recherche nous donnent exactement 
ce que nous voulons quand nous le voulons, moyennant un simple clic. Le web est une sorte 
de bibliothèque géante tellement accessible que nous traitons Google comme un remède à 
tout. Nous lui posons des questions sur tout et n’importe quoi. Nous nous souvenons de 
moins en moins de choses, comme par exemple d’adresses ou de dates d’anniversaires, 
parce que nous savons que nous pouvons les retrouver. Nous commençons donc à 
considérer Google exactement comme un membre de notre groupe social, un nouveau 
compagnon. Il est vrai que nous entretenons un rapport particulier avec le web. Quand nous 
sommes malades par exemple, nous allons quasiment tous chercher des informations en 
ligne avant même de consulter un médecin. Chercher des renseignements sur la santé est un 
comportement très habituel chez l’internaute, comme l’atteste le succès du site Doctissimo. 
Assurément, il faut se méfier de l’information qu’on y trouve mais ce qui est intéressant, 
c’est notre propension à faire confiance à la communauté en ligne.
Cette facilité à se confier à l’écran est d’autant plus vraie sur les réseaux sociaux car ils 
incitent à donner davantage d’informations personnelles et raconter ce que l’on est. On 
partage plus aisément un nombre important de photos et vidéos ou des statuts témoignant 
de ce que l’on fait, aime ou pense. Étant donné que nous continuons à recouper nos vies 
avec la technologie, nos identités physiques et virtuelles évoluent de la même façon, et il 
devient donc impossible de séparer les conséquences qui affectent l’une et l'autre. Réel et 
virtuel ne forment plus qu’un. Quelque chose dit ou fait, aussi bien en ligne qu’hors ligne, 
peut facilement être pris hors contexte et se retrouver de l’autre côté. Les statuts et photos 
Facebook qui ont conduit à des licenciements sont très nombreux par exemple. Les 
plateformes de réseaux sociaux comme Facebook permettent surtout d’exposer notre 
intimité au grand jour, tout en contrôlant notre image pour se présenter sous son meilleur 
profil. C’est ce que Serge Tisseron, psychiatre et psychologue, appelle l’extimité, par 
opposition à l’intimité. Il définit ce terme comme le désir de rendre visible certains aspects 
de sa vie qui étaient jusque là considérés comme intimes, telles des informations sur sa 
famille ou ses relations amoureuses. Nous entretenons donc un nouveau rapport aux autres. 
Ce besoin d’extimité serait caractéristique de tout un chacun et essentiel au développement 
de l’individu. Il renforcerait la quête d’une bonne image de soi. Nous faisons ainsi en sorte 
de choisir et partager le contenu le plus approprié pour nous définir et nous mettre en 
valeur. Le psychologue-clinicien Gérard Pavy nous expliquait lors d’un entretien, que nous 
étions tous pris dans ce phénomène de mise en scène et de captation narcissique. On veut 
s’exposer devant l’autre, montrer à nos amis qu’on réussit dans la vie. Mais même la notion 
d’amitié se retrouve biaisée aujourd’hui par de nouveaux liens. 
Nous pouvons effectivement nous demander si un ami qu’on se fait en ligne est un vrai 
ami. Quand on voit que les internautes ont en moyenne 177 amis sur Facebook, si ce n’est 
plus, on comprend que le terme “amis“ a pris une connotation différente. Nous comptons 
tous des “amis“ que nous connaissons à peine dans notre liste de contacts, des 
connaissances en somme qui font partie de notre réseau et ont accès à notre quotidien. Ils 
ne sont pas nécessairement nos amis au sens propre mais nous estimons qu’ils peuvent 
alimenter ou valoriser notre cercle élargi. En réalité, on n’a pas plus d’amis sur réseau qu’on 
en a dans la vie. L’amitié numérique ou le « friending » ne remplace pas l’amitié que nous 
connaissons. « Sans parler de mettre une échelle, je pense qu’il faut plutôt les envisager 
37
comme deux types de liens. Le lien virtuel est un nouveau lien, mais il n’est pas négatif » 44 
nous confiait Michael Stora, psychologue. Il s’agit simplement d’une nouvelle modalité où 
l’on voit se mélanger en ligne des liens faibles et des liens forts. 
Les jeunes adolescents sont encore plus sujets à se confier aux nouvelles technologies 
car ils sont dans une période importante de recherche de soi-même. Le développement 
affectif et biologique chez l’adolescent passe inévitablement par le web et les textos. Les 
adolescents étant très pudiques, ils se confient plus facilement derrière un écran car on peut 
s’y dévoiler sans gêne. Ils osent raconter des secrets, faire des confidences amoureuses et 
rechercher des informations qu’ils n’oseraient pas demander à leurs parents. Internet 
représente pour eux un formidable partenaire, à l’abri des regards du groupe. Nous avons 
nous même fait partie de la génération MSN, cette messagerie instantanée tombée en 
désuétude où nous discutions avec nos amis. Aujourd’hui, les pratiques restent les mêmes 
mais le discours s’est élargi et déplacé sur un nombre extraordinaires de plateformes. 
Facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, Vine et consorts ont remplacé le MSN que nous 
fréquentions. Un simple réseau social comme Snapchat, surfant sur le droit à l’oubli, montre 
le rapport désinhibé que nous entretenons avec la technologie. Envoyer des photos de 
grimaces est devenu pratique commune sur smartphone. Cette application permet l’envoi 
de photos ou de vidéos dites éphémères car elles s’autodétruisent 10 secondes après 
ouverture. Les sentiments que nous font ressentir les machines sont différents de ceux que 
nous ressentons en face à face. La connexion nous désinhibe dans le sens où l’on se permet 
des choses avec moins de retenue dès lors que la perception de l’autre est moins tangible. 
D’un autre côté, le fait de se confier et de partager de l’information intime peut 
alimenter notre avidité d’espionnage de l’autre. Le court-métrage choc Noah écrit et réalisé 
par Patrick Cederberg et Walter Woodman, dépeint le quotidien d’un ado sur Internet de 
manière réellement troublante. Sorti en septembre dernier et prix du meilleur court-métrage 
au Toronto International Film Festival, il montre la vie en ligne d’un certain Noah 
Lennox et du déclin de la relation avec sa petite amie. L’action a lieu uniquement à travers 
l’écran d’ordinateur et le téléphone de Noah. On l’observe petit à petit développer une 
addiction malsaine, cliquer d’une page à l’autre et scruter la vie de sa copine. Le film suscite 
38 
44 Cf. annexe 2, page 178, interview de Michael STORA, psychologue et fondateur-président de l’OMNSH.
pas mal de questions sur les effets de la vie en ligne sur les jeunes. Les réseaux sociaux 
permettent de voir de plus en plus qui fait quoi, à quel endroit, à quel moment, avec les 
services de géolocalisation notamment. Certains de ces usages abusifs peuvent alors dériver 
vers d’autres formes et devenir dangereux. Il ne faut pas ignorer que l’évolution continue 
des nouvelles technologies nous expose également à des risques toujours renouvelés. 
39 
3. La question de l’anonymat 
Certes, il y a cette nouvelle tendance dans l’identité web qui nous contraint de plus en 
plus à naviguer à visage découvert, mais l’anonymat numérique est toujours de vigueur pour 
le meilleur comme pour le pire. Nous avons vu dans un certain sens que les nouvelles 
technologies nous désinhibaient. Nous sommes tellement décomplexés derrière un clavier 
que nous pouvons oublier que nous sommes finalement en présence d’un autre être 
humain, physiquement non présent mais bien réel. Le fait que l’écran fasse intermédiaire 
peut nous rendre plus facilement vulnérables. Comme n’importe qui peut emprunter 
l’identité qu’il souhaite, cela mène parfois à profiter d’autrui. Les enfants notamment 
peuvent rapidement devenir des proies potentielles pour des personnes malintentionnées 
sur la toile. Les exemples de “cyberbullying” sont à ce sujet très fréquents. Le suicide très 
médiatisé d’Amanda Todd en 2012, victime d’harcèlement en ligne par un pédophile, illustre 
ce qui peut arriver quand la technologie favorise des comportements déviants. Outre les 
prédateurs sexuels, d’autres comportements anonymes sont préoccupants. Les mails 
frauduleux (phishing), les usurpations d’identité, ou encore l’harcèlement moral 
représentent autant de dangers sur Internet, dont il convient d’être prudent. 
Insuffisamment informés, les enfants ne 
sont pas à l’abri de mauvaises rencontres en 
ligne. De nombreux films en ont exposé les 
décors, à l’instar de Trust (2010) de David 
Schwimmer. Il raconte l’histoire d’une jeune 
fille de 14 ans qui rencontre un garçon sur 
Internet prétendant avoir 16 ans, mais qui 
n’est autre qu’un pédophile. Au fur et à 
mesure de ses conversations en ligne, la jeune
fille s’éprend de lui. Elle réalise par la suite qu’il n’est pas ce qu’il prétendait être mais 
continue d’être fascinée par l’homme. Ils se rencontrent à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il 
abuse d’elle physiquement et que nous assistions impuissants à l’anéantissement de toute 
une famille. On voit bien à travers cet exemple les pièges de l’anonymat sur Internet. Les 
autorités ont pris très au sérieux ce genre de comportements et sensibilisent les parents au 
sujet de la connexion de leurs enfants. Ils se doivent d’être vigilants et prévenants sur le fait 
qu’on puisse tomber sur n’importe qui en ligne. Pour l’anecdote, au mois de novembre 
dernier, l’association Terre des Hommes est parvenue à traquer des pédocriminels en 
utilisant les mêmes méthodes. Ils ont eu l’idée de créer une fille virtuelle appelée Sweetie 
afin de lutter contre le tourisme sexuel par webcam interposée, très courant aux Philippines. 
Une jeune fille de 10 ans entièrement réalisée en image de synthèse a ainsi permis de piéger 
plus de 20 000 pédophiles qui pensaient s’offrir les services pornographiques de cet enfant. 
Parmi eux, plus de 1000 personnes ont pu être directement identifiées et signalées auprès 
d’Interpol. 
Mais les liaisons dangereuses entre Internet et les jeunes générations peuvent 
également s’exercer entre les adolescents eux-mêmes. Le film Chatroom (2010) réalisé par 
Hideo Nakata aborde à juste titre les dérives de l’anonymat chez les jeunes. Il met l’accent 
sur la possibilité de se construire une nouvelle vie en ligne avec le personnage de William, un 
adolescent perturbé qui passe la plupart de son temps sur Internet. Cet adolescent décide 
un jour d’ouvrir un forum de discussion et de créer une « chatroom » afin de discuter 
librement sous un pseudonyme. Ces espaces de discussion en ligne sont matérialisés avec 
brio par le cinéaste par autant de chambres différentes qui donnent sur un même couloir. 
William rejoint alors quatre autres jeunes sur le forum qui vont commencer à discuter, sans 
se connaître les uns des autres. Mais ses intentions sont loin d’être innocentes. Il va se servir 
de ce cyberespace comme d’un appât puisqu’il est résolu à influencer le groupe par 
n’importe quel moyen possible. Une fois devenu référent du groupe, il va aller jusqu’à 
détruire psychologiquement le plus faible d’entre eux. On se rend donc compte que l’un des 
plus grands dangers d’Internet, c’est bien cette distance avec la réalité, qui déresponsabilise 
complètement l’internaute et tend à minimiser la portée de ses actes. 
L’anonymat en ligne est donc souvent critiqué et vu comme une invitation à 
l’irresponsabilité puisqu’il permet de faire ou dire ce que l’on veut, puis de disparaître plus 
40
ou moins sans laisser d’adresse. Nous disons bien plus ou moins car dans l’absolu, 
l’anonymat en tant que tel n’existe pas. On laisse toujours des traces derrière nous, à 
l’exception de quelques experts. Certaines parties du web ont donc dégénéré en espace où il 
est devenu acceptable de livrer anonymement des propos injurieux et se défouler 
allégrement. Les commentaires désobligeants voire racistes sont aujourd’hui monnaie 
courante sur YouTube ou les plateformes de jeux vidéo en ligne. C’est pour toutes ces 
raisons liées à l’identité que l’anonymat numérique fascine autant qu’il inquiète. D’un côté 
les blogueurs et les militants le défendent et de l’autre, des politiques souhaitent le 
supprimer. « Sur Internet, l’anonymat ne doit pas être une protection et la liberté 
d’expression, un alibi » a déclaré le chef de l’État en décembre dernier. Tel est donc tout 
l’enjeu de l’anonymat. « Nous sommes très attachés à la liberté. Mais lorsqu’au nom de la 
liberté, on met en cause des valeurs fondamentales, des principes essentiels, il faut aussi y 
mettre les limites » ajoute le président. Malgré toutes ces dérives, il faut néanmoins nuancer 
le propos car notre rapport à l’anonymat reste essentiel et ce pour de multiples raisons. 
Tout d’abord, l’anonymat se veut garant de liberté d’expression dans les régimes non 
démocratiques, bien qu’Internet soit fortement contrôlé dans ces régimes. À titre 
d’exemple, la Chine a filtré le Printemps Arabe sur Twitter et a supprimé toutes les 
expressions renvoyant à la "fuite nucléaire" après le raz de marée japonais et l’explosion de 
la centrale Fukushima. C’est pourquoi, sous le couvert de l’anonymat et d’un serveur tiers, 
des personnes opprimées peuvent ainsi contourner la censure et défendre leurs intérêts. Par 
ailleurs, l’anonymat permet de se protéger des institutions qui fondent toutes leurs 
économies sur l’exploitation de nos données personnelles. Tous les services numériques, 
que ce soit des réseaux sociaux ou des applications smartphones, gardent une énorme 
quantité d’informations sur nous. Un des meilleurs moyens de se rendre compte à quel point 
le commerce des données personnelles est précieux, c’est de regarder le prix payé lorsque le 
service change de mains. Ce n’est pas pour rien que Mark Zuckerberg, fondateur de 
Facebook, a racheté le service de messagerie WhatsApp au mois de février pour pas moins 
de 19 milliards de dollars. On sait pertinemment que Google scanne quant à lui tout le 
contenu de nos e-mails afin d’y trouver des mots clés et de nous proposer des publicités 
ciblées. Mais nous continuons tous à mettre en ligne des informations privées, ignorant le 
fait que cela puisse éventuellement nous nuire. Nous oublions que ces informations ne 
s'évaporent pas. Nous en donnons toujours plus sur nous-même et nous nous livrons au web 
41
sans retenue, parce que tout le monde le fait. Nous avons vu en première partie que de plus 
en plus d’individus se sentent mal à l’aise d’être tracés partout. Beaucoup de personnes 
cherchent ainsi à préserver leur anonymat sur Internet afin de garder le contrôle de leur 
identité en ligne. Finalement, l’anonymat n’est ni bon, ni mauvais en soi. C’est un outil qui 
peut être utilisé autant pour de bonnes actions que pour des mauvaises. Il est peut être 
encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette importante évolution de la 
communication, mais une chose est sûre, l’anonymat est fortement ancré dans notre 
culture. La montée des mouvements d’hacktivistes tel Anonymous en est l’exemple parfait. 
Avec l’anonymat, l’internaute a une liberté d’expression jusque là inégalée. Par le biais de 
nouvelles communautés comme les forums, de nouvelles structures se créent contribuant à 
la dénaturation du lien social, substituant parfois le réel au lien purement virtuel. 
42 
B / Dénaturation du lien social 
« Nous avons cru inventer une société de communication, nous avons en fait inventé une 
société de solitude » prononçait il y a quelques années le publicitaire Jacques Séguéla. 
N’étant plus à une provocation près, il a même défini Internet comme « la plus grande 
saloperie jamais inventée par les hommes » en octobre 2009, sur le plateau de France 2. Au-delà 
du caractère relatif de ces propos, il est vrai qu’Internet peut dans certains cas affaiblir 
le lien social et constituer un facteur d’isolement pour de nombreuses personnes. C’est tout 
l’objet de la thèse de Sherry Turkle, ethnographe et directrice du département technologie 
et autonomie au MIT, qui a récemment publié un livre intitulé Alone Together : Pourquoi 
nous attendons plus de la technologie et moins l’un de l’autre (2011). 
Alone Together est le résultat de pas moins de 15 années d’études sur le monde 
numérique, où Sherry Turkle dissèque l’ambivalence des nouvelles technologies. Elle n’en 
est pas à son premier livre sur le sujet puisqu’elle est l’auteure de The Second Self (1984) 
consacré à l’impact des ordinateurs personnels sur nos vies, mais aussi de Life on the Screen 
(1995) sur la question d’identité aux débuts d’Internet. 15 ans après, elle présente la façon 
dont nos appareils électroniques changent nos rapports à l’autre. Selon elle, l'utilisation des 
nouvelles technologies a autant le pouvoir d’isoler et de compromettre les relations sociales 
que de nous réunir. Elle ne blâme en aucun cas leur utilisation mais elle fait comprendre
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Nouvelles technologies, pratiques et usages // Quel est le prix à payer à être connecté ?

  • 1. Damien de Oliveira / DIGITAL 4A Quentin Guérin / COMAL 4R1 Roxane Harault / COMAL 4M1 Jeanne Monin / COMAL 4R1 Eva Sanchez / COMAL 4R1 _____ Mai / juin 2014, Smartphones, tablettes, Twitter, QR codes, TV interactive QUEL PRIX À PAYER POUR ÊTRE CONNECTÉ? Directeur de recherches : M. Olivier Creusy
  • 2. « Pour évaluer une nouvelle technologie, ou le progrès en général, il faut pouvoir discerner ce que l’on y perd et ce que l’on y gagne.» - Marshall McLuhan 2 | PREAMBULE
  • 3. Il est indéniable que les nouvelles technologies font aujourd’hui partie intégrante de nos vies. Depuis la démocratisation de l’accès à Internet, tous nos services essentiels se déplacent dans la virtualité, donnant lieu à un nouvel ordre mondial. Après l’imprimerie, la radio et la télévision, une nouvelle révolution de l’information est née. En l’espace seulement d’une vingtaine d’années, Internet a bouleversé et redéfini nos sociétés comme jamais. Nous utilisons pratiquement tous le web pour nous connecter et partager, au même titre que nous utilisons l’oxygène contenu dans l’air pour respirer. Mais l’effet de ce développement accéléré des technologies sur nos vies reste encore quelque chose de flou. Il suffit de s’intéresser à notre relation de plus en plus co-dépendante avec les appareils électroniques, notamment l’ordinateur, pour s’apercevoir de la façon dont la nouvelle technologie nous affecte. Que ce soit personnellement, socialement ou en tant que société, toute activité numérique a des répercussions sur nos comportements. Nous voyons la manière dont le web a été mis à profit pour transformer des empires médiatiques, renverser des gouvernements corrompus ou permettre aux gens de faire des choses exceptionnelles, comme l’illustre Aleks Krotoski dans Untangling the Web. Mais quels sont donc les effets de son utilisation sur notre personne, nos enfants, la société ? Qu’est-ce que cela nous coûte réellement d’être connecté en permanence ? L’une des plus grandes idées reçues consisterait à incriminer le web de nous retirer quelque chose d’essentiellement humain, et nous rendre ainsi antisocial. En théorie, la technologie ne nous fait rien en tant que telle. Elle reflète simplement notre humanité dans son sens strict. Quoi qu’il se passe, nous le faisons à nous même puisque nous sommes censés pouvoir contrôler la machine. Mais qui contrôle réellement cette technologie ? L’internaute lambda, la Silicon Valley et son empire Google, nos gouvernements ? La réalité est bien plus complexe que cela. Nous vivons dorénavant dans un monde régi par la multiplicité des écrans, l’immédiateté et la connexion permanente. La baisse des coûts des équipements et l’augmentation exponentielle de leurs performances poussent ainsi le consommateur occidental à adopter un nouveau mode de vie. Smartphones, tablettes, réseaux sociaux, big data ou encore e-commerce sont les outils d’un monde de plus en plus connecté. Parallèlement, le temps est considéré comme un bien parmi les plus précieux et les journées ne font que 24 heures. Il est peut-être donc temps de prendre du recul. Au fond, à quoi renonce-t-on vraiment dans 3
  • 4. cette nouvelle ère ? À la culture, au sommeil, aux relations sociales, à l’engagement citoyen, au vagabondage de l’esprit ? 4 | PREAMBLE There is no denying that new technologies nowadays are an integral part of our lives. Since the democratization of the Internet access, all our essential services are being moved into virtuality, leaving room for a new worldwide order. After printing, radio and television, a new information revolution is born. Over the last few years, Internet has revolutionized and redefined our society as never before. We use almost all the World Wide Web to connect and share in the same situation we use the oxygen in the air to breathe. However, the effect of this rapid development of technology on our lives remains mostly unclear. We just have to look at our increasingly co-dependent relationship with the devices, such as the computer, to see how new technology affects us. Either it is personally, socially or as a society, each digital activity affects our behavior. We see how the web has been harnessed to transform media empires, overthrow corrupt governments or allow people to do extraordinary things, as highlighted by Aleks Krotoski. But what it is doing to us, to our kids, to society? What does it cost to be always connected? One of the biggest misconceptions is to accuse the web to take something essentially human from us, making us antisocial. In theory, the technology does nothing to us. It simply reflects our humanity in its strict sense. Whatever it is that happens, we are doing to ourselves since we are supposed to control the machine. But who really controls this technology? The average Internet user, the Silicon Valley and its Google Empire, our governments? The reality is much more complex than that. We are now living in a world ruled by the multiplicity of screens, the immediacy and the permanent connection. Lower equipment costs and the exponential increase in performance urge then the Western consumer to adopt a new lifestyle. Smartphones, tablets, social networks, big data or e-commerce, are the tools of a world increasingly connected. Meanwhile, time is considered as one of the most valuable good and the days last only 24 hours. It is probably time to step back. Basically, what do we really give up or miss in this new era? Culture, sleep, social relationships, civic engagement, mind-wandering?
  • 5. 5 | REMERCIEMENTS En préambule, nous souhaiterions remercier tout particulièrement Monsieur Olivier Creusy, intervenant référent de l’ISCOM et directeur de recherches dirigées, pour sa disponibilité, ses idées et son encadrement au sein de ce travail de mémoire collectif. Nous aimerions également remercier Madame Danielle Rapoport, psychosociologue et intervenante à l’ISCOM, pour nous avoir conseillés et organisé un double entretien avec le docteur Valleur. Enfin, nos remerciements vont également à : Docteur Marc Valleur, psychiatre et médecin en chef à l'Hôpital Marmottan, pour avoir pris le temps de répondre à toutes nos interrogations et nous avoir fait profiter de son expérience et de ses conseils. Michael Stora, psychologue et co-fondateur de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines, pour sa convivialité ainsi que son regard critique et constructif envers l’addiction au numérique. Gérard Pavy, psychologue-clinicien, pour nous avoir reçus chez lui et accordé un entretien qui nous aura permis de mieux appréhender le phénomène d’addiction. Delphine Trotignon, professeure des écoles en maternelle, pour son témoignage sur l’usage des nouvelles technologies à l’école. Paul Jorion, chercheur en sciences sociales, pour son expertise sur les problématiques actuelles et à venir concernant Internet et ses apports. Dimitri Carbonnelle, fondateur de l’Ivosphere, entreprise spécialisée dans les objets connectés, pour le temps qu’il nous a accordé et son point de vue de professionnel.
  • 6. 6 SOMMAIRE Préface/Preamble ............................................................................................ 3 Remerciements ................................................................................................ 5 Sommaire ......................................................................................................... 6 Introduction ..................................................................................................... 9 I] L’HOMO MODERNUS ................................................................................... 11 A/ Un nouvel Homme .............................................................................................. 11 1. Un « être réseau » .................................................................................................. 11 2. L’homme dans la révolution des moyens de communication ................................ 11 3. L’âge de l’accès : l’information en libre service ...................................................... 12 B/ Un individu au centre de la révolution numérique ............................................... 16 1. L’Homme est l’avenir du web ................................................................................. 16 2. Une protection des données difficiles : la vie privée en danger ............................ 18 3. Nouvelle logique d’introspection de soi : le quantified self ................................... 21 C/ Internet a bouleversé nos économies .................................................................. 27 1. Internet, moteur d’une révolution industrielle ....................................................... 27 2. De nouvelles perspectives grâce à la robotisation ................................................. 30 II] L’HOMME EN TANT QU’INTERNAUTE ....................................................... 32 A/ Notre rapport à la technologie ............................................................................ 32 1. Corps virtuel et corps réel ....................................................................................... 32 2. La technologie comme architecte de notre intimité ............................................... 36 3. Les risques de l’anonymat ....................................................................................... 39 B/ Dénaturation du lien social ................................................................................. 42 1. Conversation versus connexion ............................................................................... 43 2. Être seuls ensembles ............................................................................................... 45 3. Bilan et préconisations ........................................................................................... 48
  • 7. C/ Des nouvelles formes d’engagement ................................................................... 51 1. Des communautés et solidarités émergentes ......................................................... 51 2. Internet comme nouveau référent ......................................................................... 54 III] ARTS ET CULTURES NUMÉRIQUES ............................................................. 57 A/ Accès à la culture : influence du numérique sur la culture .................................... 57 1. Évolution des pratiques culturelles ......................................................................... 57 2. Une culture du divertissement ................................................................................ 66 B/ La culture s’adapte au numérique ........................................................................ 67 1. Réponses des établissements culturels à la digitalisation croissante ..................... 67 2. L’avenir de l’alliance entre le numérique et la culture ........................................... 80 C/ Internet dans notre culture quotidienne .............................................................. 86 1. La culture internet ................................................................................................... 86 2. Le numérique comme source d'inspiration ............................................................. 89 IV] ÉDUCATION ET APPRENTISSAGE ................................................................ 95 A/ Le nouveau sens de l’information ........................................................................ 95 1. L’information horizontale ........................................................................................ 96 2. La valeur de l’information ....................................................................................... 97 3. Vers une nouvelle forme d’instruction ................................................................... 100 B/ L’enseignement à l’ère numérique .................................................................... 102 1. Une remise à niveau nécessaire ............................................................................ 102 2. Le rôle de l’école dans l’apprentissage au numérique .......................................... 105 3. La nouvelle pédagogie : vers l’école 3.0 ................................................................ 109 4. Le numérique au service de l’apprentissage : exemples ...................................... 118 5. Le rôle des parents ................................................................................................ 124 C/ L’impact du numérique sur notre cerveau ............................................................ 127 1. Les écrans : un support de lecture bien différent ................................................. 127 2. Internet : un média adapté à notre cerveau ? ..................................................... 130 3. Nouvelles habitudes, nouveau cerveau ............................................................... 131 7
  • 8. V] TEMPS DE CONNEXION ............................................................................ 135 A/ Le temps et les technologies numériques ............................................................. 135 1. Les technologies numériques, un nouveau rapport au temps ......................... 135 2. Les nouvelles technologies numériques, gain ou perte de temps ? ................. 137 3. Une nouvelle gestion du temps de travail et de la vie privée .......................... 139 4. De nouvelles opportunités économiques ? ...................................................... 141 5. L’abolition des temps morts ............................................................................. 142 B/ De nouvelles formes d'addiction .......................................................................... 144 1. L'omniprésence crée une dépendance ............................................................... 144 2. Entre dépendance et addiction ........................................................................... 145 3. L'addiction à Internet, rumeur ou réalité ? ........................................................ 148 4. L'addiction aux jeux vidéo, un phénomène fréquent ......................................... 152 5. Les traitements et formes de thérapies .............................................................. 159 C/ Le temps de la déconnexion ................................................................................ 161 1. Le caractère anxiogène des technologies numériques ....................................... 161 2. Besoin de déconnecter........................................................................................ 162 3. Trouver le juste milieu ....................................................................................... 163 Conclusion .................................................................................................... 166 Bibliographie ................................................................................................ 169 Annexes ........................................................................................................ 178 8
  • 9. 9 / Introduction Nous entendons souvent dire qu’à chaque siècle correspond un lot d’innovations, notamment technologiques depuis la révolution industrielle. De cette façon, le siècle dernier se caractérise par l’amélioration des transports, les progrès en médecine mais avant tout et surtout par les avancées en terme de communication. L’invention du télégraphe, du téléphone, de la radio et de la télévision a permis d’ouvrir la voie à une intégration des technologies sans précédent. Découverte majeure de la fin du XXème siècle, l’Internet a donné naissance à une nouvelle société de l’information, entraînant avec elle de nouveaux pouvoirs, de nouveaux enjeux et de nouveaux défis. D’abord le fruit d’une collaboration entre le ministère de la Défense des États-Unis et des chercheurs d’université, Arpanet est devenu dans les années 90 l’Internet moderne. Le 25 décembre 1990, dans un laboratoire informatique du CERN à Genève, Sir Tim Berners-Lee a mis en marche le World Wide Web (WWW). Précisons qu’Internet est un réseau d’ordinateurs interconnectés, le web n’étant qu’une application de ce réseau. Le web aura donc permis à Internet de se démocratiser et de bouleverser tous les modèles traditionnels existants. Ce qui était réservé à quelques initiés de la programmation a été progressivement rendu public et accessible à travers le monde entier. Face à cette révolution Internet, nous sommes alors entrés dans ce que nous appelons la « nouvelle économie ». Le passage aux années 2000 est ainsi marqué par l’éclatement de la bulle Internet. Vous l’aurez compris, en l’espace de 20 ans, Internet a affecté des millénaires d’évolutions. Si cet historique se veut intentionnellement succinct, c’est parce que l’enjeu n’est pas de vous raconter techniquement comment Internet a été créé. Nous souhaitons plutôt ici décrypter nos usages depuis son apparition et la manière dont la connexion s’est ancrée dans notre quotidien. À l’heure de l’accès universel au haut débit et de la discussion instantanée, le numérique, plus communément le digital, est partout aujourd’hui. On compte environ 2,7 milliards d’internautes dans le monde, soit 35% de la population mondiale, dont 1,9 milliards sur les réseaux sociaux. En France, nous sommes 43,2 millions d’utilisateurs d’Internet, soit 8 français sur 10, selon une étude de Médiamétrie. Par ailleurs, la population est de plus en plus équipée, avec pas moins de 6,5 écrans en moyenne par foyer en France, des temps de
  • 10. connexion qui augmentent et un Internet mobile en plein essor. 800 millions d’internautes dans le monde se connectent chaque mois pour jeter un coup d’oeil à la vie réelle via YouTube, qui reçoit l’équivalent de 72 heures de vidéos par minute. De plus en plus de contenus et d’informations qui amènent de nouvelles perceptions du temps et de nombreuses préoccupations. Ces dernières années par exemple, la protection des données personnelles sur Internet et le droit à l’oubli sont au coeur des débats. Nous sommes conscients des bienfaits de la technologie mais nous sommes encore confus sur ce qu’Internet nous fait vraiment. Or, tout le monde est maintenant suffisamment familiarisé avec les nouvelles technologies pour avoir une opinion dessus, mais personne ne sait vraiment si on a raison ou tort. C’est dans ce cadre que nous pouvons nous poser la question suivante : quel est le prix (culturel, social, relationnel, économique...) à payer pour être connecté ? L’enjeu est de comprendre ici quels sont les effets aussi bien positifs que négatifs engendrés par les nouvelles technologies dans nos vies. Ce travail de recherches vise à dresser une synthèse sur notre univers de plus en plus connecté. Pour répondre à cette problématique, nous allons dans un premier temps nous intéresser à la condition de l’Homme dans le monde numérique, au sens large. Puis, nous étudierons l’Homme en tant qu’internaute en envisageant les enjeux sociaux, avant de nous concentrer sur l’aspect culturel. Nous aborderons alors les termes d’éducation et d’apprentissage à l’heure du tout numérique. Et enfin, nous verrons en quoi la notion de temps a complètement évolué aujourd’hui. Nous avons eu l’opportunité d’assister à l’évolution de l’informatique et à sa transition vers le web 2.0, davantage participatif, simple et interactif. Partout, on nous décrit comme la génération Y, celle qui a évolué avec l’apparition d’Internet et de ses usages. Si vous nous permettez l’analogie, nous avons connu « le web en noir et blanc ». C’est pour cette raison qu’il nous paraît naturel d’étudier les effets de cette connectivité croissante. Dorénavant, nous parlons d’ailleurs de « digital natives ». Les enfants sont nés avec le web et à leurs yeux cela a toujours existé. Pour beaucoup d’entre eux, Facebook est le web. Se connecter, c’est aller sur Facebook. On ne peut pas parler de nouvelle génération sans connexion. 10 Nous commencerons donc par traiter de l’Homme au sein du monde numérique.
  • 11. 11 I] L’Homo modernus A / Un nouvel homme 1. « Un être réseau » 1 Serions-nous entrés dans l’ère de l’Homo Numericus comme le suggère les nombreuses occurrences dans les médias ? À l’instar du récent exemple du magazine Newsweek2 abandonnant son édition papier au profit d’une version entièrement numérique, la mutation vers le « tout digital » ou « le tout numérique » est en marche. Étymologiquement, « numérique » ou « numérus », « nombre », désigne la codification des signaux anciens analogiques en suite de nombres dans l’optique de les transformer en fichiers informatiques. « La révolution numérique », débutée dans les années 1970, n’est plus, aujourd’hui, qu’une question de technique. La numérisation, la dématérialisation, l’abolition des frontières spatio-temporelles, l’accroissement des capacités de stockage et la multiplication des usages ont profondément changé le visage et l’économie du monde. Par rapport à tous les autres grands changements sociétaux, ce nouveau paradigme témoigne d’un bouleversement profond et rapide de la société. En France, les utilisateurs d’Internet sont passés de 150 000 à 26 millions3 de 1995 en 2005. En 2013, le ratio des foyers équipés à Internet atteignait 80% de la population. Pour autant, chaque profonde mutation soulève de nombreuses oppositions. Les cultes de la dématérialisation et du « tout digital » relèvent ainsi de nombreuses questions techniques, éthiques et économiques. L’Homme est aujourd’hui devenu en quelque sorte un nouvel homme, « un être réseau ». 2. L’homme dans la révolution des moyens de communication Aujourd’hui, avec Internet et pour reprendre la théorie du « village planétaire » de Marshall McLuhan4 le monde n’est qu’un seul et même village, une seule et même communauté « où l’on vivrait dans un même temps, au même rythme et donc dans un même 1 CROUZET, Thierry, J'ai Débranché : comment revivre sans Internet après une overdose, 2012 2 Newsweek est un magazine d’informations hebdomadaire américain 3 Chiffres de ComScore Inc. 4 Herbert Marshall MCLUHAN (1911-1980) est un sociologue canadien, philosophe, professeur de littérature et théoricien de la communication. Il est l'un des fondateurs des études contemporaines sur les médias.
  • 12. espace »5. Le temps et l’espace se sont contractés. La fluidité, l’ouverture et l’instantanéité ont remplacé les barrières spatio-temporelles. Les Hommes peuvent communiquer entre eux en temps réel 24h/24, peu importe l’endroit où ils se trouvent. Le contact est de plus en plus fluide grâce à l’amélioration constante du réseau (la 4G en est un exemple). Nous sommes tous conscients qu’avant l’arrivée d’Internet, les seules rencontres rendues possibles étaient celles liées à nos cercles d’amis, notre cellule familiale et notre milieu professionnel. Aujourd’hui, il est désormais possible de rencontrer des personnes qui n’ont aucun lien avec notre entourage. Internet permet de relier les gens entre eux plus facilement et d’échanger de nombreuses informations (photos, vidéos, dialogue, etc.) 12 3. « L’âge de l’accès » 6 : l’information en libre service En plus de la modification de l’espace-temps, l’accès aux richesses de ce monde s’est aussi profondément assoupli. Pour reprendre la formule de Jérémy Rifkin7 définissant la nouvelle culture capitaliste, nous serions rentrés dans « l’âge de l’accès » où les marchés laissent place aux réseaux, les biens aux services, les vendeurs aux prestataires de services et les acheteurs aux utilisateurs. Ce changement aurait été fortement influencé et facilité par la révolution numérique. Dans le contexte de l’accès à l’information, la notion de propriété a substitué à la notion d’accès ; et la notion d’achat à la notion d’usage. Ce nouveau mode de consommation a bénéficié aux industries culturelles mais aussi à celles de l’information et de la communication. Selon une étude dédiée aux collectivités territoriales et aux technologies de l’information et de la communication8, l’équipement des territoires en matériel numérique via des infrastructures très haut débit, constitue un projet prioritaire de l’État. En effet, les technologies du numérique sont perçues comme des atouts pour l’attractivité des territoires. Ainsi, en mai 2008, Nicolas Sarkozy demandait un rapport détaillé sur « le défi du numérique »9 puisque, nous le citons : « les nouvelles technologies représentent un gisement considérable de productivité et de croissance pour notre pays ». La numérisation et 5 Propos de Marshall MCLUHAN 6 RIFKIN Jeremy, L’âge de l’accès : La nouvelle culture du capitalisme, 2000, Editions La découverte 7 Jeremy RIFKIN est un essayiste américain, spécialiste de prospective (économique et scientifique) 8 http://www.collectivites-locales.gouv.fr/rapports-et-etudes-sur-numerique-et-telecommunications 9 Article du Monde, Le défi numérique - Comment renforcer la compétitivité de la France, 05/2011
  • 13. l’administration de toutes les institutions, publiques ou commerciales, permettent une ouverture et un accès à un nombre de données illimitées. Les capacités de stockage et d’archivage se sont démultipliées. Considéré comme « un continuum numérique », les réseaux de télécommunications sont à l’origine d’interconnexions toujours croissantes. Internet permet l’échange et la diffusion de toutes les données ou documents numérisés disponibles sur plusieurs supports : s’il y a 46 millions d’internautes, il existe aussi 4 millions de mobinautes en 2013 en France. Une récente étude ComScore10 fait état du rapport qu’entretiennent les français avec le numérique. Cette étude intitulée « 2023 France Digital Future in Focus » s’intéresse aux pratiques numériques des français aussi bien en terme de comportements en ligne, mobile et réseaux sociaux. Les chiffres de cette étude reflètent au mieux cette tendance grandissante du « tout numérique » comme vous pouvez le constater : - En France, les internautes passent en moyenne 26,9 heures par mois sur Internet et les 13 seniors sont ceux qui passent le plus de temps en ligne. - L’ordinateur est utilisé majoritairement dans le cadre du travail, les mobiles durant les temps de transport et les tablettes en soirée au foyer. - 7,7% du trafic internet se fait désormais depuis des mobiles ou des tablettes : 4,6% sur mobiles et 2,7% sur tablettes. - Un français effectue en moyenne 134 requêtes sur un moteur de recherche par mois. - 71% des mobinautes sur les réseaux sociaux lisent les contenus de personnes de leurs connaissances. 56% postent des statuts sur leurs profils. - Plus de 10% des usagers mobiles français avec smartphones ont acheté un produit ou service depuis leur téléphone. - 61% des français se sentent à l’aise dans leurs usages du numérique, dont 76 % parmi les parents. - 43% des français sont à l’aise pour accompagner leurs enfants dans leurs usages des technologies numériques - 69% des français réclament plus d’informations sur la protection de la vie privée et des données sur Internet. 10 ComScore est le leader mondial dans la mesure du monde numérique et une source privilégiée de l'analyse d'affaires numériques. Chiffres de janvier 2014.
  • 14. - 56% des français réclament plus d’informations sur le fonctionnement d’Internet (+6 14 points par rapport à 2011). - 56% des français réclament plus d’informations par rapport aux démarches administratives sur Internet (+4 points par rapport à 2011). - Chacun des 27,5 millions de foyers français dépense en moyenne 1560€ par an en accès Internet et téléphonie mobile. - Il y aura 7,3 milliards de mobiles en service en 2014, soit plus de terminaux que d’humains. Cette étude montre une accélération dans l'appropriation des usages, mais aussi une prise de conscience des responsabilités afférentes. Nous pouvons constater que les français ont mûri. En effet, ils se rendent compte que les potentialités offertes par le numérique peuvent devenir des pouvoirs et des leviers d'action, de création de valeur. Ils ont plus d'appétit pour de la formation, de l'accompagnement ou de l'éducation au numérique. Pour autant, face à ces mutations permanentes, même s’ils sont de plus en plus nombreux à se sentir à l’aise avec les technologies numériques, ils se déclarent très prudents vis à vis de ces nouvelles pratiques. De plus, l’INRIA11 avec TNS Sofres (institut d’études marketing et d’opinion) a publié au mois de mars son baromètre édition 2014 : les français et le numérique. Pour cette étude récurrente, 1145 personnes de 14 ans et plus ont été interrogées, dans toute la France. Les résultats indiquent la volonté des français d’être des citoyens actifs avec de nouveaux pouvoirs relatifs aux pratiques numériques tout comme une préoccupation de nouvelles responsabilités par rapport au vécu en ligne. La nécessité de l’action et de l’utilité des EPN (espaces publics numériques) est directement soulignée par cette étude en terme d’initiation pour les enfants mais aussi des adultes et en terme d’éducation au numérique par rapport à des peurs exprimées : vie privée, appropriation du numérique par les jeunes générations, etc. En effet, 42% des français sont prêts à être accompagnés dans leur découverte du numérique, dans des lieux spécifiques tels que des espaces publics numériques. Cependant, on remarque qu’il existe une fracture numérique en France : les équipements, les pratiques, les connaissances et les compétences diffèrent selon les critères socio-économiques. Par exemple 20% des Français sont « éloignés des technologies ». Bien qu’accessible et riche en informations, Internet ne 11 2ème édition du baromètre Inria TNS-Sofres sur les Français, mars 2014
  • 15. fait pas l’unanimité auprès des Français. Le rendez-vous annuel de TNS Sofres a également permis de dégager 4 profils-type du rapport des français et le numérique : - Les déconnectés (20% de la population) : ils n’identifient pas les innovations numériques dans leur vie, ne comprennent pas de quoi il s’agit. Le profil type correspond aux personnes de 65 ans et plus, vivant seules ou sans enfants, pas équipées. - Les distants (17% de la population) : ils savent que ces innovations existent mais n’ont pas le sentiment d’être concernés. Le profil type comprend plutôt des jeunes (à 21 % seulement entre 35 et 64 ans), plus souvent des femmes, peu équipés, trouvant les outils numériques plutôt « gadgets ». - Les usagers (29% de la population) : le numérique a changé beaucoup de choses dans leur quotidien mais ils disent pouvoir s’en passer. Des profils plutôt jeunes (34 % des personnes âgées de moins de 65 ans), moyennement équipés avec des produits qui ont fait leurs preuves. - Les homo numericus (34% de la population) : les outils numériques leur sont devenus indispensables dans leur vie de tous les jours. Un profil jeune (48 % des personnes âgées de moins de 35 ans), plutôt masculin, PCS+, dans des foyers avec enfants (à 41 %). Ils se disent curieux et enthousiastes mais également prudents. Ils se sentent en plus forte proportion, confiants, passionnés et dépendants. Si l’aménagement d’un territoire numérique est aussi politique qu’économique, la révolution numérique, à l’origine d’un « village monde » caractérisé par l’accès, peut être considérée comme profondément humaniste et humaine. L’interactivité, les échanges et l’accès à l’information et aux données, replacent l’Homme au centre de tout, créateur et bénéficiaire, dans tous les aspects de sa vie publique et privée. 15
  • 16. 16 B / Un individu au centre de la révolution numérique 1. L’homme est l’avenir du web Cette vision humaniste peut être appuyée par les prospectives et conclusions du récent sommet du web, tenu en décembre 2013. Ce sommet affirme que pour les dix prochaines années, « l’individu est l’avenir du web ». En effet, tout sera fait pour faciliter la vie des individus et les outils seront de plus en plus personnalisés. Bien plus qu’une adaptation des outils à l’Homme, la révolution numérique a replacé l’Homme au centre et lui a donné un pouvoir de plus en plus grand, de la production de contenu à une parole libre et entendue, profitant ainsi à de nombreuses marques. De surcroît, depuis ce virage numérique, le digital a tout changé pour les entreprises, tous secteurs confondus et par conséquence a considérablement bouleversé toute l’orchestration des différentes stratégies de communication. Cette relation constante métamorphose le rapport consommateur/marque et place l’internaute/consommateur comme un acteur important en terme de réputation et d’image. Cependant, nous pouvons constater une prise de conscience incontestable d’un grand nombre d’individus au regard du stockage de données personnelles par les marques. Toutes ces données forment ce que l’on appelle le Big Data. Elles permettent aux marques de tirer un maximum d’insights12 et d’outils décisionnels mais soulève la question des limites de la protection des données et du respect de la vie privée. Aujourd’hui, une nouvelle génération s’ancre petit à petit dans notre société et remplace la génération Y, appelée également « génération des écouteurs ». Cette génération Z désigne l’ensemble des individus nés à partir de 1995 qui ont grandi avec Internet et les réseaux sociaux. Cette nouvelle génération est différente de la précédente dans la mesure où l’hyperconnexion est quelque chose innée et ancrée dans leur mode de vie. En 2012, le Figaro écrit un article intitulé : « Génération Z » : des connaissances superficielles. Basé sur le rapport « Apprendre autrement à l’ère du numérique » de l’ancien député UMP Jean-Michel Fourgous, cet article explique que les individus de la génération Z « passent essentiellement leurs temps à échanger, s’amuser, flirter via les réseaux sociaux, à naviguer au hasard ». De plus, il évoque aussi un brassage d’informations plus qu’une réelle 12 Expériences vécues
  • 17. compréhension. Cette génération est souvent critiquée quant à son manque d’éducation. Or, d’après Eric Delcroix, spécialiste du web 2.0 et des réseaux sociaux, il estime qu’il ne s’agit pas d’une caractéristique typique de la génération Z et que cette critique peut être adressée à l’ensemble des utilisateurs d’Internet. En raison de son hyperconnectivité, cette génération Z sera-t-elle vraiment plus difficile à gérer que la génération Y ? « En tout cas, elle implique un management qui sera complètement différent, assure Delcroix. Lorsque la génération Z arrivera sur le monde du travail, c’est la génération Y qui dirigera, et les individus de cette génération sont plus ouverts sur le monde digital que ceux de la génération X, actuellement en place. Ce qui va se passer sera très simple : la génération Z va profiter de cette ouverture et dira : « Vous me suivez, ou je dégage ». » Par ailleurs, une autre caractéristique de cette génération est qu’elle fonctionne beaucoup par plaisir. Par exemple, une adolescente qui réalise un livre de cuisine, ce n’est pas pour autant qu’elle veut devenir cuisinière. Elle le fait simplement parce que ça lui fait plaisir.13 La génération Z, ayant toujours vécu dans un temps de crise ne peut se souvenir d’un monde sans crise et de surcroît se responsabilise plus vite. Comme exemple significatif, nous retrouvons la série « Vice Versa » 14 de Canal +, dans laquelle les parents et les enfants inversent leur rôle. Très caricatural, cette série représente néanmoins bien la réalité et montre ainsi une grande capacité d’ouverture et de responsabilité de la génération Z. Cette génération est aussi très critiquée pour leur incapacité à faire la distinction entre vie réelle et vie virtuelle. Ainsi, ils serraient bloqués dans le « virtuel ». Cependant, de nombreux spécialistes ne sont pas d’accord avec cette affirmation et expliquent que cette caractéristique est propre à cette génération et qu’elle en devient un moyen de s’intégrer dans la société. 17 13 Le Figaro, propos recueillis dans l’article Génération Z : des connaissances superficielles, 2012 14 Programme court réalisé en partenariat avec le Centre National du Livre.
  • 18. Nous pouvons constater de nombreux problèmes en ce qui concerne les réseaux sociaux au niveau de la compréhension entre adultes et jeunes, qui seraient uniquement une simple projection des peurs des adultes. Ces nouvelles technologies peuvent faire peur aux parents puisqu’elles sont perçues comme des outils d’amusement et moins comme de fantastiques outils éducatifs (l’iPad par exemple). L’arrivée de cette nouvelle génération a contribué à accélérer cette phase de transition que représente le passage à l’âge adulte. Avec les possibilités infinies des réseaux sociaux, l’instantanéité sur le monde que permet Internet, et cette confrontation constante que peut avoir la génération Z avec les adultes, les enfants ont comme « grandi plus vite ». Ainsi créer et se faire plaisir seraient les mots d’ordre de cette génération de tous les possibles. Nous en arrivons ainsi à étudier les dérives de ce village planétaire et de cet accès illimité aux données et aux informations entre infobésité, espionnage, uniformisation du monde, perte de repères et excès. 18 2. Une protection des données difficiles : la vie privée en danger La France fait certainement partie des premiers exportateurs mondiaux de vie privée. « Sur le réseau, nous renonçons à être des sujets autogouvernés pour adopter le statut juridique de l’animal domestique ».15 La protection des données personnelles reste une préoccupation prépondérante quant à la vie privée de chacun. En effet, plus de 72 % des français pensent que le numérique a des effets négatifs sur la vie privée16. Récemment, Facebook a dû payer une amende de 20 millions de dollars pour avoir utilisé les données personnelles à des fins commerciales. En effet, Facebook a utilisé des noms d’utilisateurs et leurs portraits afin d’appuyer des messages sponsorisés mais sans demander la permission des utilisateurs en question. De plus, certains chiffres peuvent faire peur. En effet, en 2011, la valeur additionnée de Google et Facebook dépassait les 220 milliards d’euros17 : de quoi leur permettre d’acheter toutes les maisons d’édition, tous les éditeurs de journaux et toutes les télévisions du monde. Le chiffre d’affaires de Google, estimé à environ 45 milliards d’euros en 2013, est 15 BELLANGER, Pierre (PDG de la radio Skyrock), La Souveraineté numérique, 2014, Édition Stock 16 Chiffres de TNS SOFRES, 2013 17 Propos recueillis dans Internet rend-il bête ? de CARR Nicholas, 2011, Editions Robert Lafont
  • 19. désormais supérieur au pic des recettes de la presse quotidienne et magazine américaine qui eut lieu en 200718. C’est grâce au stockage des données que ce géant du net réussit à s’imposer et développer un nombre incalculable de services afin de devenir le partenaire numéro 1 de l’individu. L’exploitation des données se fait par différents biais, notamment grâce aux nombreuses applications présentes sur nos smartphones qui récoltent en permanence les données personnelles. Par exemple, les comptes bancaires sont auscultés par Bankin19, Google Maps20 recueille les géolocalisations. Cependant, tout cela ne nous pose aucun problème dans la mesure où nous estimons que toutes ces applications nous rendent gracieusement un service et nous acceptons donc l’exploitation de nos données personnelles et cette intrusion dans notre vie privée. Vincent Glad, spécialiste de la culture web pour Les Inrocks21 ou Slate.fr22 résume bien cette problématique que l’on a d’accepter cette intrusion dans nos vies : « Une appli, c’est comme un ami à qui on raconte un secret en lui faisant jurer de ne jamais le répéter. On sait bien qu’une fois sur deux, il le fera. Mais bon, c’est comme ça, c’est la vie. » Facebook est ainsi la plus grosse entreprise au monde, avec 1,3 milliard d’employés et se nourrit constamment de nos profils personnels pour ensuite les revendre à des annonceurs. Des chercheurs de Berkeley ont ainsi démontré qu’avec les « likes » il était facile de déterminer l’orientation sexuelle, mais aussi l’origine ethnique ou même encore ses habitudes alimentaires. De plus, les statuts Facebook permettent aussi de cibler davantage les moments de déprime. « Il n’y a qu’un pas entre identifier ces vulnérabilités, et chercher à les créer » alerte la sociologue américaine Zeynep Tufekci. Depuis presque un an, on est abreuvé de révélations sur l’espionnage de nos conversations par la NSA23. Tous ces périls restent « virtuels » mais nous ne sommes peut-être pas assez conscients que nous laissons derrière nous une multitude de données personnelles. En fin de compte, personne ne comprend bien comment toutes ces données personnelles seront utilisées. Ce phénomène s’observe également dans les objets connectés. 18 Propos recueillis dans Internet rend-il bête ? de CARR Nicholas, 2011, Editions Robert Lafont 19 Bankin est une application gratuite permettant d’avoir une visibilité instantanée sur toutes ses dépenses 20 Google Maps permet d’afficher des plans et de trouver des commerces à proximité 21 Actualités culturelles, politiques et société, critiques d'albums, films, musique, cinéma et littérature 22 Slate.fr est un magazine d’actualité en ligne dans les domaines politiques, économiques et technologiques 23 NSA: National Security Agency, organisme gouvernemental du département de la Défense des États-Unis 19
  • 20. Notre monde s’appuie de plus en plus sur l’interconnexion via l’outil informatique : peu à peu nous affirmons et développons notre dépendance. Nous devenons même passifs devant des tâches que seul l’ordinateur peut réaliser. Serions-nous entrés dans l’ère des machines intelligentes et autonomes, capables de se substituer à l’homme ? D’autre part, Mark Zuckerberg, le brillant fondateur de Facebook, a d’ailleurs proclamé la fin de la vie privée et institué la transparence permise par son réseau comme la nouvelle norme sociale. Dans la vie réelle, on connaît votre identité mais votre vote est secret. Sur le réseau, on connaît votre opinion mais pas votre identité. La révolution numérique a engendré de nombreuses métamorphoses de la société, des hommes et des usages. Comme dans tous changements, apports et dérives se côtoient. Si certaines dérives semblent importantes, souvenons-nous de la phrase du sociologue américain Paul Lazarsfeld24 : « L’intégration se fait par rejet partiel. On n’aime pas mais on s’adapte quand même. » Jean- Louis Missika, sociologue et professeur de français au conservatoire des arts et métiers, évoque à ce sujet l’épisode de la télévision perçue, à l’époque comme un frein à l’échange dans les familles et vue aujourd’hui comme le ciment du lien social. L’important pour lui et dans cette révolution est d’inventer « une hygiène numérique ». En effet, le terme révolution, s’il évoque une rupture ou un changement, se définit, en physique, comme un cercle, c’est à dire une évolution revenant toujours à son point de départ. Depuis des siècles, l’Homme est confronté à de multiples changements mais paraît toujours subsister. À l’époque tayloriste, on redoutait que la révolution industrielle et ses ouvriers deviennent peu à peu des machines ; aujourd’hui on est désormais bien rentrés dans une ère où le service prédomine: un service où l’homme est au centre de l’échange. Si la dématérialisation fait craindre une perte des réalités et de liens véritables, il reste aux Hommes de s’y adapter une fois de plus en mobilisant leur caractère stratège en ce qu’ils anticipent l’avenir et leur caractère tacticien en ce qu’ils s’adaptent et composent avec le présent. « Toute notre vie quotidienne est améliorée : organisation de rendez-vous, coordination d’agendas, réservations, comparaisons de prix, partage de ressources, organisation d’événements, les courses… Avec le résogiciel, le monde se coordonne autour de nous en un 20 24 LAZARSFELD, Paul (1901-1976) est un sociologue américain, d'origine autrichienne. Il est particulièrement connu pour l'importance de ses travaux sur les effets des médias sur la société.
  • 21. flux constant et efficace d’informations échangées » 25. Nous pouvons également remarquer une tendance à maitriser constamment ses efforts, son activité et ainsi « avoir la main » sur ses propres données personnelles. 21 3. Nouvelle logique d’introspection de soi : le quantified self26 Le quantified self est une pratique à mi-chemin entre le réel et le virtuel qui consiste à mesurer grâce à des capteurs ou des objets connectés reliés à un smartphone, l’ensemble des variable de son existence, appelé aussi « la data ». Tout est aujourd’hui mesurable, le nombre de calories avalées au cours d’un repas, le nombre de kilomètres parcouru dans la journée, la qualité de son sommeil, la qualité de son brossage des dents, etc., pour ainsi avoir un résumé entier de sa vie sous la forme d’un graphique. Cette innovation, perçue comme futuriste indique aujourd’hui la voie d’une modernité banale, accessible et utile. En août 2013, on découvrait sur le compte Instagram du dictateur syrien Bachar el-Assad que sa femme avait elle aussi succombée au désir du « tout connecté » en s’offrant un Jawbone Up capable de traquer tous les kilomètres parcourus dans son palais mais aussi d’analyser la qualité de son sommeil. En effet, de nombreuses personnes médiatiques ont tendance à promouvoir ces objets comme un effet de « cool attitude » et incitent ainsi leur utilisation. Même si cette tendance de la vie « data » est d’abord restée réservée à une communauté de « geeks », elle ne cesse ces dernières années de se démocratiser auprès des individus grâce à la pénétration importante d’objets connectés dans divers secteurs comme la santé, le bien-être et le sport. En effet, l’exemple le plus significatif reste l’application et le bracelet Nike Plus qui comptabilisent plus de 20 millions d’utilisateurs et permet d’immortaliser ses performances sportives mais aussi de les partager avec ses amis. Le marché du quantified self reste donc un marché porteur et serait estimé à plus de 3 milliards d’euros au cours de l’année 2014. De plus, d’après le cabinet International Data Council, chaque individu portera en moyenne 3,5 produits connectés d’ici 202027. « Cette nouvelle logique d’introspection de soi par les chiffres permettrait ainsi d’entretenir une certaine illusion d’une reprise de contrôle aux vertus auto thérapeutiques et pourrait 25 BELLANGER, Pierre, La Souveraineté numérique, 2014, Édition Stock 26 Désigne la pratique de la « mesure de soi » 27 Selon IDATE, cabinet de Recherche et analyse de télécommunications, Internet et les sociétés de médias
  • 22. s’apparenter à un journal intime » 28. D’après un sondage OptinionWay29 de 2013, à la croisée de l’auto-coaching et de l’introspection numérique, la mesure électronique du quantified self à coup de bracelets connectés serait d’ailleurs déjà envisagée par plus de 54% des français comme un moyen crédible de mieux gérer leur santé. Une techno-vision du monde qui, d’après le sociologue Fabien Kiszach, trouverait sa source dans la pensée cybernétique et l’idéologie de la Silicon Valley30 : « Le sous-texte de ce mouvement est que l’humanité vivra mieux si elle abandonne le contrôle de soi, de la planète et de ses ressources à une intelligence supérieure qui accorde les humains en fonction de leurs besoins. » De plus, petit à petit nous pouvons observer que les objets connectés font surface dans notre vie et réinventent totalement quelque chose parfois perçu comme anodin. En effet, la mairie d’Issy vient de mettre en place, en avril dernier une application de balade numérique afin de découvrir le fort d’Issy en réalité augmentée. D’un simple regard, le promeneur muni de cet objet est facilement géolocalisable et peut découvrir l’histoire du site mais aussi le projet d’éco-quartier numérique. Avec cette application, Issy est la première ville d’Europe à innover autour du phénomène des Google Glass31. De cette manière, les utilisateurs d’objets de quantified self s’inscrivent dans une volonté de contrôle d’eux-mêmes, dans une perspective de changement. C’est comme devenir son propre coach, c’est à dire une orientation vers l’action. Pour les individus qui se mesurent, les chiffres sont enchanteurs, ce sont des points d’appui à leur storytelling intime. Les usages croissants des objets connectés ont aussi un sens social fort car ils permettent de recréer un certain « collectif », parfois perçu comme rassurant. 22 « C’est ludique, il y a comme un jeu vidéo de toi-même. » 28 Propos tirées dans un article de GQ Magazine d’avril 2014 29 OpinionWay est un institut d'études précurseur depuis sa création en mars 2000 30 La Silicon Valley est un pôle mondial d'innovation technologique sur la côte ouest des États-Unis 31 Information recueillie dans un article de Direct Matin, le 23 avril 2014
  • 23. « Un soi envisagé comme une machine en potentielle défaillance permanente, sollicité par une multitude de micro-défis et de bilans statistiques »32. Cette maîtrise de soi permet d’affronter le réel lorsqu’on a le sentiment d’avoir de moins en moins de prise sur celui-ci. Cependant, ces victoires ne sont pas forcément au rendez-vous puisque le quantified self semble annoncer le retour d’un étrange culte de la performance, sorte d’écho amplifié du slogan des bracelets connecté Nike Fuel Band « Motivé, partout, tout le temps ». Une dynamique amplifiée par l’effet addictif des potentialités toujours plus ludiques des objets connectés. GQ Magazine, dans son interview d’avril dernier résume bien cela : « À un moment, j’étais tellement obsédé par ce que j’avalais que, pendant les repas, je flashais avec mon téléphone tous les codes-barres des aliments que je mangeais pour que l’application m’indique leur valeur calorique précise. Ma copine m’a demandé de me calmer, mais ça a été dur de décrocher. Et si j’ai sauvé mon couple, j’ai directement repris trois kilos. » De nombreuses marques comme Alarmclock ont capitalisé sur ce phénomène de « tension permanente » qui grâce à toutes les données connectées tente de vous sortir du lit en vous annonçant toutes les nouvelles les plus déprimantes à votre sujet tels que le nombre de jours qu’il vous reste à vivre, l’étendue de votre découvert bancaire, etc. La data nous place aujourd’hui dans une position d’exposition permanente et se montrer aux autres fait partie intégrante de la valorisation sociale. « Contrairement à ce que l’on pense, les gens partagent encore assez peu leur données sur les réseaux sociaux. De l’ordre de 7 à 10% » explique Hubert Guillaud, auteur de son ouvrage De la mesure à la démesure de soi. De fait, comme l’annonçait le penseur Jean Baudrillard dans son essai La Société de consommation (1970) : « le corps ainsi réapproprié l’est d’emblée en fonction d’objectifs capitalistes : autrement dit, s’il est investi, c’est pour le faire fructifier. » Car si les observations critiques du quantified self s’inquiètent déjà de voir un jour ce type d’outils mobilisés pour traquer nos chutes de productivité au bureau par exemple, ce sont des sociétés d’assurance qui semblent être les premières à vouloir s’engouffrer dans la brèche. Virgile Brodziak, chargé de la stratégie digitale chez Publicis affirme même « ils sont de plus en plus nombreux à nous contacter pour mettre en place des partenariats afin d’avoir accès à ces informations. » Preuve qu’à l’heure de la vie data, l’expression « donner c’est donner » prend désormais tout son sens. Ainsi, les objets connectés vont devenir une norme après les 23 32 Citation tirée d'un article de GQ Magazine d’avril 2014, dossier spécial consacré au quantified self
  • 24. biens technologiques. En effet, avec plus de 15,8 millions de Smartphones vendus en 201333, la démocratisation du mobile donne une passerelle pour tout connecter et ainsi vivre dans cet environnement du tout digital. Toutes ces avancées technologiques et notamment dans le secteur des smartphones ont alerté le gouvernement. La CNIL 34 a publié des recommandations quant à la communication et le partage des données recueillies. En effet, le quantified self mesure principalement les performances dans le domaine du sport ou encore du bien-être de l’individu, et la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) voit dans cet engouement un problème d ‘éthique et de stockage de données personnelles. La Commission donne ainsi une liste de recommandations quant à leur usage. Tout d’abord, elle recommande d’utiliser un pseudonyme pour partager ses données et éviter de donner sa propre identité et de ne pas automatiser le partage des données vers d’autres services. Elle recommande aussi de ne publier les données qu’en direction de cercles de confiance et d’effacer ses données personnelles lorsqu’un service n’est plus utilisé. L’organisme met également en garde les utilisateurs sur la prolifération de leurs données via les réseaux sociaux, et rappelle que la frontière peut être floue entre le médical et le simple suivi de son bien-être. En effet, une donnée peut sembler anodine pour un utilisateur au moment où il la partage, mais receler beaucoup d'informations pour un spécialiste qui pourrait y avoir accès par la suite. Aux États-Unis, une loi permettra d’avoir la possibilité de faire disparaître les photos ou commentaires embarrassants sur les réseaux sociaux. Le texte, surnommé «loi-gomme », a été promulgué en début d’année par le gouverneur de Californie Jerry Brown, mais n'entrera en vigueur qu'en 201535, le temps pour les sites Internet concernés de s'adapter. Les opposants à la loi affirment que le texte pourrait avoir des effets pervers, en obligeant les sites à récolter encore plus d'informations personnelles auprès des internautes, notamment leur âge et leur localisation. De plus, ce sujet est au coeur de l'un des axes du programme de recherche de la Direction des Études, de l'Innovation et de la Prospective du Gouvernement en ce qui 24 33 Chiffres de TNS SOFRES 34 CNIL: Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés 35 Chiffres tirés de l’article Les ados californiens vont avoir droit à l'oubli sur Internet du site stratégies.fr de septembre 2013
  • 25. concerne la thématique « Santé et bien-être dans le monde numérique ». Une preuve de plus de l’importance grandissante de cette problématique. Quant au rapport entre l’Homme et la machine, divers penseurs majoritairement américains l’ont résumé en une question que chacun devra bientôt se poser : votre savoir-faire est-il complémentaire du savoir-faire de votre ordinateur, ou votre ordinateur fait-il un 25 meilleur travail sans vous ? Le philosophe William Bates, professeur d’histoire des technologies à l’université de Californie, à Berkeley relativise cependant cette angoisse : « Depuis le début de la civilisation, les humains sont construits par la culture dans laquelle ils évoluent, et donc par la technologie qui en fait partie. C’est ce qui nous distingue des animaux. Il serait naïf de croire que le cerveau humain était jadis plus « naturel » ou plus « libre », et que les nouvelles technologies nous auraient dépossédé de quelque chose. » Selon Dimitri Carbonnelle, fondateur de Livosphere36, tous ces objets apportent un nouveau service et deviendront indispensables dans notre quotidien. C’est d’ailleurs dans le secteur de la santé que ces objets commencent vivement à s’imposer mais aussi dans l’équipement de la maison Ci-dessous la journée type d’un utilisateur d’objets connectés (GQ Magazine – avril 2014) : CHRONIQUE D’UNE JOURNÉE CONNECTÉE Du lever au coucher, gadgets et applis vous donnent de vos nouvelles et vous conseillent de faire encore un effort. 8H – PREMIER RÉFLEXE Checker sur Beddit, un optimisateur de sommeil glissé sous le matelas, comment s’est déroulée cette nuit en termes de rythmes cardiaques, de ronflements… Ça tombe bien, votre copine qui n’a pas dormi de la nuit voulait vous en parler. 8H30 – APRÈS LE PETIT-DEJ Vous sautez sur votre balance Withings. Tiens, vous avez encore pris 500 grammes. Mais vous respirez car la balance indique le taux de CO2 de votre salle de bain et s’inscrit dans une norme tout à fait acceptable. 36 Livosphere a pour mission d’accompagner les entreprises souhaitant développer un objet connecté
  • 26. 9H – FACE À LA PENDERIE Aucun dilemme : tous vos vêtements viennent de chez Cityzen Sciences, une start-up française qui commercialise des habits conçus à partir d’un textile qui vous prévient à la moindre de vos défaillances organiques. 9H30 – VOTRE FIANCÉE Elle s’habille. Vous la trouvez si mince que vous vous félicitez de lui avoir offert un SmartBra de Microsoft, ce soutien-gorge muni d’un électrocardiographe qui, en cas de pulsion alimentaire incontrôlée de son propriétaire, se met à vibrer… 12H – À LA CANTINE Vous ne prenez pas les mêmes couverts que les autres mais votre fourchette Hapifork. Elle a la particularité de vibrer entre deux bouchées trop rapprochées. Seul hic : vos collègues vous trouvent aujourd’hui excessivement bavard. 15H – SÉANCE JOGGING Entre deux dossiers, vous partez, vos baskets aux pieds, votre bracelet Nike Fuel Band au poignet et l’appli Nike Fuel activée. Au fout d’une demie heure, vous trouvez que la boulangerie est située excessivement loin. 16H- À MI-PARCOURS Vous vérifiez, grâce à votre ceinture Lumiback, le temps passé debout depuis le début de la journée : oui, seulement une heure et demie. Vous pouvez rester au bureau encore une heure ou deux. 18H – ALCOOTEST Retour à la maison. L’heure de se détendre avec un bon verre de bourbon. Drinking Diary, cette appli censée vous guider dans votre consommation d’alcool, vous annonce que vous êtes déjà à votre septième unité de la semaine. Et on n’est que mercredi. 19H – S’HYDRATER Pour accompagner cet abus d’alcool, vous gardez à portée de main votre BluFit, gourde connectée qui vous préviendra à l’aide d’un signal sonore en cas de déshydratation. Pensez aussi à vous restaurer à l’occasion. 21H – PASSAGE À VIDE Sur un coup de tête (après trois verres quand même) vous décidez de partager votre flore bactériologique avec vos amis internautes grâce à l’appli uBiome. Aucun like pour le moment. 26
  • 27. 22H – LE FEU DE L’ACTION Chaud comme la braise, vous installez votre Sex Counter, cockring dissimulant un accéléromètre pour mesurer et enregistrer votre durabilité en amour. Étrangement, vous n’avez jamais jugé pertinent de partager ces performances. 23H – BILAN DU SOIR C’est l’heure de votre graphique du bonheur quotidien grâce à Hapilabs, application permettant de noter de 1 à 10 chaque moment de votre vie qui, de plus en plus, vous fait penser à une « École des Fans » qui ne voudrait jamais s’arrêter. C’est ainsi qu’on pourrait penser que cette digitalisation massive de notre société et le développement rapide des objets connectés dans notre quotidien bouleverseraient notre économie et supprimeraient de nombreux postes. Or, d’après une étude du cabinet McKinsey, Internet a créé 25 % des emplois en France depuis 1995 et pourrait créer 450.000 emplois à l’horizon 2015. 27 C/ Internet a bouleversé nos économies 1. Internet, moteur d’une révolution industrielle Inventé au début de la décennie, le web a complètement bouleversé notre économie. En effet, le nombre de start-ups françaises ne cesse de s’installer et viennent déstabiliser les positions des acteurs traditionnels, lesquels réagissent à leur tour en investissant massivement dans Internet et en adaptant leurs structures. Internet est le moteur d'une révolution industrielle, certes, mais il n'est pas sûr que celle-ci modifie les préceptes de l'économie traditionnelle. Le numérique serait seulement un nouveau moyen de se développer et d’offrir de nouveaux services utiles. De plus, plus de 73% des français pensent que le numérique est utile pour l’économie (+4 points par rapport à 2011) et 65% des français pensent que le numérique a des conséquences positives sur l’emploi. Enfin, 64% pensent que les français ont l’esprit d’entreprendre et de créer des entreprises dans le domaine du numérique37. Le baromètre Inria TNS-Sofres fait état de cet engouement dans divers secteurs d’activités et prouve ainsi que le numérique offre de nouvelles possibilités de développement. Ci-après une infographie reflétant ce point : 37 Chiffres tirés du baromètre Inria TNS SOFRES
  • 28. 28
  • 29. Face à cet engouement du « tout numérique », de nombreuses start-ups réussissent à s’imposer et facilitent l’appropriation de ces nouvelles compétences vers les industries traditionnelles. Par exemple, en France, la jeune société Dataiku38 a mis au point une suite 29 38 Dataiku permet de créer ces propres applications prédictives.
  • 30. logicielle qui permettra à des cadres sans formation informatique de se lancer dans la gestion de base de données et l’analyse prédictive : « Nos clients potentiels, [affirme Florian Douetteau, patron de Dataiku], sont les entreprises industrielles qui possèdent des stocks de données dont ils ne font rien, et qui veulent les exploiter pour résoudre des problèmes de façon innovante. » Il cite l’exemple d’un gestionnaire de parcmètres souhaitant, à partir des données de stationnement, modéliser la circulation automobile dans des milliers de villes. C’est dans l’industrie musicale notamment que nous pouvons observer un net bouleversement. En effet, aujourd’hui nous sommes tous conscients qu’il suffit d’être connecté au réseau pour disposer de millions de titres. En effet, les habitudes de consommation ne sont plus les mêmes et les acteurs culturels assistent impuissants au déclin de plusieurs supports tels que le CD et le DVD. Dans un premier temps, cette substitution au numérique s’est faite en faveur du téléchargement légal, avec iTunes par exemple ou encore via le téléchargement illégale avec Megaupload notamment. Désormais, nous pouvons observer que cette tendance a évolué vers un nouveau mode de consommation, le streaming. Dans cette optique, le consommateur opte pour avoir un accès à un large catalogue, la plupart du temps quasiment gratuit, démontrant ainsi que le streaming est un mode de consommation lié à la découverte. Nous pouvons citer Deezer et Spotify qui aujourd’hui ont réussi à s’imposer comme des références dans les sites de streaming musical. Ce format d’écoute a généré sur l’année 2013 un chiffre d’affaire de plus d’1 milliard de dollars39. De plus, ce phénomène devrait se poursuivre avec l’envolée des abonnements payants qui ont déjà séduit 28 millions d’individus dans le monde40. Cependant internet ne reste pas le seul moteur de création d’emploi. En effet, même si l’apparition des robots dans nos industries et dans notre vie quotidienne provoquent certaines angoisses dans le fait qu’ils remplaceront peut-être l’humain dans les entreprises, elle reste néanmoins un moyen de faciliter l’Homme dans son travail. 30 2. De nouvelles perspectives grâce à la robotisation Les progrès de la robotique sont généralement pointés du doigt. En effet, 39 Chiffres 2013 de l’International Federation of Phonographic Industry. 40 Informations et chiffres tirés du site Frenchweb (http://frenchweb.fr/deezer-spotify-la-musique-en-streaming- genere-plus-de-1-milliard-de-dollars-de-chiffre-daffaires/146000)
  • 31. l'automatisation des chaînes de production a tendance à mettre des travailleurs humains sur le côté. Or, selon un rapport de la Fédération Internationale de la Robotique (IFR), les robots industriels auraient, au contraire, un impact positif sur l'emploi. Selon les estimations 2013 de l'IFR, il y a plus de 12 millions de robots dans le monde. Ces robots peuvent avoir un rôle d’aide pour des tâches pouvant être difficiles pour l’Homme mais ils peuvent également travailler pour nous. Après avoir remplacé l'Homme dans certaines usines, notamment sur les chaînes de montage, les robots s'attaquent désormais à de nouveaux métiers. Par exemple, un robot pompier, appelé Robokivu a été inventé à Tokyo, capable de secourir une victime et même d’établir un pronostic vital. Nous avons aussi Roomba, un robot femme de ménage qui a déjà été vendu à plus de 4 millions d’exemplaires dans le monde. Il y a aussi EMILY qui est un robot bouée conçu pour aller chercher des victimes sur le point de se noyer. Dans le but d'assister les sauveteurs, il localise les personnes en détresse grâce à son sonar en détectant les mouvements anormaux des nageurs en difficulté. Ainsi, la robotique semble particulièrement bien placée pour créer un grand nombre d'emplois dans le futur. En effet, il ne faut surtout pas considérer que les robots remplacent les humains mais les voir comme « facilitateurs » de travail puisque ces robots permettent de soulager le travail du salarié en lui évitant certaines tâches rébarbatives. L'IFR chiffre d'ailleurs à 1 million le nombre de postes qui devraient être créés au cours des cinq prochaines années. Ces prévisions concernent en particulier l'électronique grand public, l'alimentaire ainsi que les énergies vertes (solaires et éoliennes). De la même manière, comme l'indique l'IFR, « la robotique va faire des incursions dans les grandes industries de services, en particulier les soins de santé, où une population vieillissante aura besoin des services de soutien, pour lequel les fournisseurs de soins humains seront trop peu nombreux. Les robots vont également jouer un rôle important dans le transport et la fourniture de services à domicile. Ils vont également contribuer à protéger les maisons et bureaux et surveiller l'environnement à la fois dans la routine et des opérations d'urgence. » Pour finir, « il ne faut jamais perdre de vue qu'il faudra toujours des humains pour créer des robots, ne serait-ce que pour les entretenir. On part toujours de l'existant c'est-à-dire des Hommes qui, eux, disposent des connaissances indispensables pour construire ces robots. » 41 31 41 L4M: http://www.l4m.fr/emag/dossier/societe-3/la-robotique-creation-destruction-emploi-11095
  • 32. 32 II] L’Homme en tant qu’internaute L’impact de l’usage des nouvelles technologies sur nos rapports sociaux est immense et suscite un débat permanent. Craindre la technologie ou bien lui faire confiance les yeux fermés, tels sont les deux attitudes que nous retrouvons. Encore très récemment, le dernier film de Spike Jonze, Her (2014) nous invite dans un futur proche, où le virtuel remplace les interactions humaines. Nous y reviendrons. Les liens entre réel et virtuel sont très étroits, à tel point qu’il est impossible de séparer les pratiques sociales des usages technologiques. Avec l’avènement du monde virtuel, nos relations sociales ont été complètement redéfinies. Internet et les nouvelles technologies inventent de nouveaux espaces et enrichissent les modalités du lien social, illustrant ainsi notre rapport changeant à la technologie. A / Notre rapport à la technologie 1. Corps réel et corps virtuel « Le XXème siècle s’est clos sur une prophétie terrible : celle de la disparition du corps dans les sociétés en réseaux » explique le sociologue Antonio Casilli dans Les Liaisons numériques (2010). Il examine dans son livre les transformations de nos relations sociales et des formes de la sociabilité à l’heure d’Internet. À travers des exemples comme Second Life, plateforme sociétale virtuelle permettant de vivre « une seconde vie », il montre le désir d’un corps projeté, amélioré et augmenté. La notion de corps virtuel est selon lui un mythe qu’il faut démentir. Le corps est bel et bien présent au centre de notre quotidien. Cette théorie de la disparition du corps lorsqu’on est connecté en ligne est erronée, puisque le corps réel passe d’abord par la projection d’une identité, d’une représentation de soi. Le terme d’identité est très important quand on parle de nos comportements en ligne. Internet n’est pas seulement un lieu de recherche d’informations, c’est également un espace de communication où on échange des mails, partage des photos et parle avec ses amis, autrement dit un fait social. Ce que le web fait si bien, c’est de donner à une personne la possibilité de séparer les catégories sociales auxquelles elle appartient, de se réinventer. Le web est un endroit où nous pouvons redéfinir qui nous sommes, qui nous avons été, et ce que nous pouvons devenir. Son anonymat permet aux résidents numériques d’essayer de nouvelles peaux. Cette représentation de l’homme en tant qu’internaute se fait ni plus ni moins par
  • 33. l’intermédiaire d’un avatar. À l’origine, le terme désigne l’apparence que prend un internaute dans un univers virtuel, notamment celui du jeu vidéo ou des forums. Il s’agit aujourd’hui de manière plus générique de l’image que l’on utilise pour se représenter, d’où le terme de corps dit virtuel. Cette image et identité en ligne résument les informations sur soi. On retrouve aussi cette notion d’avatar sur les sites marchands qui disposent d’un chat en ligne où des conseillers renseignent l’internaute, comme s’il était en magasin physique. Quasiment tous les internautes disposent maintenant d’un avatar, de smileys ou d’une photo personnelle avec le développement des plateformes de réseaux sociaux. Autant de traces qui introduisent la notion de corps dans les réseaux informatiques. Si on prend l’exemple des photos de profil sur Facebook, nous les utilisons comme une effigie pour se présenter aux autres. L’avatar qu’on utilise est un raccourci de ce que l’on est, dans lequel on projette quelque part un certain narcissisme, l’idée d’un corps loin de toute faiblesse. Les films grands publics tels Tron ou Matrix n’ont été que les représentations les plus immatérielles de ce fantasme postmoderne du corps virtuel et immortel. En parallèle, on ne peut pas tracer une cartographie sociale sans préciser les territoires dans lequel le corps évolue. Nous opposons souvent le monde réel au virtuel en essayant de délimiter l’espace physique du cyberespace. Pour le psychologue Yann Leroux, cette distinction n’a pas de sens : « Le cyberespace c’est notre monde, ce n’est pas une autre réalité, c’est celle avec laquelle on a à faire maintenant. Un espace à comparer avec d’autres espaces de réalité comme le rêve ou l’espace imaginaire, mais ce n’est en aucun cas un espace qui nous est radicalement différent : les gens s’y comportent de manière similaire à celle du monde géographique. Il n’est pas lointain, ce n’est pas un ailleurs à conquérir avec des scaphandres et des équipements technologiques. » Nous avons d’ailleurs associé dès le début des objets physiques à des usages informatiques : “entrer” en ligne, ouvrir des “fenêtres”, créer des “dossiers” sur son “bureau”, ou encore jeter des documents dans la “corbeille”. On ne peut donc pas considérer le cyberespace comme un espace déconnecté de notre réalité actuelle. On y évolue quotidiennement et cela se voit d’autant plus avec le développement du web social. Ce qui était vrai il y a 20 ans s’applique de moins en moins. En effet, nous sommes en train de perdre de plus en plus notre capacité d’être n’importe qui en ligne, de conserver un semblant d’identité fictive. L’ancien web, lieu où l'identité pouvait rester séparée de la vie réelle, est en train de disparaître petit à petit. Selon Sheryl Sandberg, directeur d’exploitation de Facebook, et Richard Allan, son directeur de la politique publique 33
  • 34. en Europe, les personnes qui sont arrivées sur le web depuis 2003 veulent des interactions en ligne soutenues par une identité « authentique ». Et celle-ci est incompatible avec des pseudonymes, même bien établis. Les profils Facebook et Google sont d’ores et déjà automatiquement liés au vrai nom de la personne et à des liens réels. Christopher Poole, fondateur du forum anonyme 4chan, pense que l'approche de Facebook et Google ne tient pas compte de la diversité de l'expérience humaine et arrête toute forme d’expérience en ligne. Pour lui, les individus sont multiples et notre identité a plusieurs facettes. Selon Richard Allan, cependant, ce que les millions de personnes qui sont venues en ligne durant la dernière décennie veulent réellement, c’est un endroit sûr où ils ne feront pas l’expérience d’un mauvais comportement, où leurs identités seraient volées ou dupées par des imposteurs. Il estime que « prétendre à une identité ne fonctionne pas très bien maintenant que le web est passé d’un sport minoritaire pour les geeks à une occupation mainstream. » Les chercheurs vont désormais jusqu’à affirmer que nous avons un « double habitat » développe Antonio Casilli. Il ajoute que le corps réel est un leurre. Nous vivons en face à face, mais également dans un espace pourvu d’échanges reposant sur la technologie. Le web a repositionné le corps au centre de nos mondes, nous obligeant à nous définir même par ce que nous serons après notre mort. En effet, nous laissons derrière notre passage sur le web des traces numériques représentant une masse d’informations importante. C’est tout le sujet troublant du livre de John Romero, Your Digital Afterlife (2011). Les sanctuaires en ligne, les sites dédiés ou les profils Facebook commémoratifs par exemple, sont maintenant une source d'information supplémentaire qui n’existait pas auparavant. Lors de la disparition d’un utilisateur sur Facebook, tout ce qu’il a publié reste visible. Les familles du défunt ont alors le choix de fermer le compte ou le laisser en mémorial via un formulaire de décès. Il est assez poignant de recevoir une notification le jour de l’anniversaire de cette personne et lire tous les messages de condoléances des proches. Nous laissons donc des marques de notre existence de manière différente qui ne peuvent s’effacer. Le corps n’est plus, mais le moi virtuel continue de vivre. L’anthropologue numérique Genieve Bell, directeur de recherche chez Intel, raconte que la culture de la technologie fait même partie intégrante des funérailles chinoises. Traditionnellement, de l’argent en papier était brûlé pour aider le défunt à payer ses dettes et franchir l'au-delà. Aujourd’hui, ce sont des iPhones, des iPads et des PC en papier qui sont brûlés afin qu'ils puissent être utilisés dans l'autre monde. Les notaires recommandent de plus en plus 34
  • 35. d’ajouter ses actifs numériques à son testament, y compris les listes de services en ligne avec leurs noms d'utilisateur et mots de passe associés. La mini-série britannique Black Mirror met en scène de manière dérangeante la façon dont nous vivons avec les technologies et celle dont nous pourrions vivre si cela était poussé à l’extrême. Ainsi, l’épisode Be Right Back scénarise le thème de la vie après la mort. L’histoire est plutôt banale au début. Un couple emménage à la campagne, le mari passe son temps sur les réseaux sociaux et meurt peu de temps après dans un accident de voiture. Son épouse apprend après les funérailles qu’il est possible de rester en contact avec un défunt via un programme artificiel. Un nouveau compagnon est créé - ou plutôt cloné - en utilisant toutes les données numériques qu’il a engendré sur les réseaux sociaux et ailleurs. La protagoniste va alors commencer à dialoguer avec lui et réapprendre en quelque sorte à vivre avec l’être disparu. Un récit qui se rapproche de cette idée d’immortalité de l’être virtuel. Nous reviendrons à ce propos plus en détail sur cette série d’anticipation dans l’aspect culturel de notre sujet, le numérique étant une grande source d’inspiration. Le problème qui se pose quand on aborde les notions de réel et de virtuel, c’est tout de suite l’aspect antisocial suspecté des nouvelles technologies. Elles représenteraient une menace en se substituant aux rencontres et aux liens directs. « Sans la présence de corps en chair et en os, le lien social se trouve mis à mal » précise très tôt David Le Breton, chercheur au CRNS, dans son ouvrage L’Adieu au corps (1999). Le fait d’être derrière un écran fragiliserait les relations sociales. Dans le même temps, Internet a permis de désintermédier la plupart de nos services au quotidien, réduisant ainsi de nombreuses interactions hors-ligne, comme le simple fait d’acheter un billet d’avion. Antonio Casilli et d’autres sociologues se sont employés à dénoncer par la suite ce mythe. Selon lui, « les échanges en ligne ne réduisent pas les rencontres “réelles”, bien au contraire. » 42 Manuel Castells, à qui l’on doit le terme de société en réseau est lui aussi catégorique : Internet « ne remplace ni la sociabilité en face à face ni la participation sociale, il s’y ajoute. » 43 Disons pour synthétiser que les nouvelles technologies transforment la nature du lien social et lui font prendre un nouveau sens. Il peut effectivement se trouver mis à mal dans d’autres circonstances abordées en partie B. Néanmoins, la plupart des études contemporaines sur les effets 35 42 CASILLI, Antonio, Les Liaisons numériques: Vers une nouvelle sociabilité?, Paris, Seuil, 2010. 43 CASTELLS, Manuel, The Internet and the network society, Blackwell, 2002.
  • 36. sociaux de l'utilisation des nouvelles technologies montrent qu’il y a avant tout plus de peur que de mal. Les sphères réelles et virtuelles ne sont finalement pas si différentes que cela. Ce qu’on observe dans le virtuel n’est autre que le prolongement de ce qu’il se passe déjà dans le monde réel. Le simple fait de parler de virtuel est même dépassé, tant ce qui se passe dans le virtuel est connecté au monde réel. De l’imprimerie au fax en passant par le télégraphe, toutes les technologies, anciennes comme nouvelles, font partie de la réalité des hommes. L’impact des réseaux sociaux sur les récentes révolutions arabes ou les élections présidentielles aux États-Unis sont de bons exemples du caractère indissociable entre réel et virtuel de nos jours. Les communautés en ligne ont beau être virtuelles, leur existence n’en demeure pas moins réelle et les résultats de leurs actions tangibles. Reste à savoir comment nous définissons nos relations en ligne comparées au réel. Que ce soit avec les autres ou envers les moteurs de recherche, notre rapport à la technologie passe également par une relation décomplexée avec la machine et une facilité croissante à se confier. 36 2. La technologie comme architecte de notre intimité Nous venons de voir qu’Internet transformait les relations sociales et que les liens numériques avaient leurs spécificités. Les moteurs de recherche nous donnent exactement ce que nous voulons quand nous le voulons, moyennant un simple clic. Le web est une sorte de bibliothèque géante tellement accessible que nous traitons Google comme un remède à tout. Nous lui posons des questions sur tout et n’importe quoi. Nous nous souvenons de moins en moins de choses, comme par exemple d’adresses ou de dates d’anniversaires, parce que nous savons que nous pouvons les retrouver. Nous commençons donc à considérer Google exactement comme un membre de notre groupe social, un nouveau compagnon. Il est vrai que nous entretenons un rapport particulier avec le web. Quand nous sommes malades par exemple, nous allons quasiment tous chercher des informations en ligne avant même de consulter un médecin. Chercher des renseignements sur la santé est un comportement très habituel chez l’internaute, comme l’atteste le succès du site Doctissimo. Assurément, il faut se méfier de l’information qu’on y trouve mais ce qui est intéressant, c’est notre propension à faire confiance à la communauté en ligne.
  • 37. Cette facilité à se confier à l’écran est d’autant plus vraie sur les réseaux sociaux car ils incitent à donner davantage d’informations personnelles et raconter ce que l’on est. On partage plus aisément un nombre important de photos et vidéos ou des statuts témoignant de ce que l’on fait, aime ou pense. Étant donné que nous continuons à recouper nos vies avec la technologie, nos identités physiques et virtuelles évoluent de la même façon, et il devient donc impossible de séparer les conséquences qui affectent l’une et l'autre. Réel et virtuel ne forment plus qu’un. Quelque chose dit ou fait, aussi bien en ligne qu’hors ligne, peut facilement être pris hors contexte et se retrouver de l’autre côté. Les statuts et photos Facebook qui ont conduit à des licenciements sont très nombreux par exemple. Les plateformes de réseaux sociaux comme Facebook permettent surtout d’exposer notre intimité au grand jour, tout en contrôlant notre image pour se présenter sous son meilleur profil. C’est ce que Serge Tisseron, psychiatre et psychologue, appelle l’extimité, par opposition à l’intimité. Il définit ce terme comme le désir de rendre visible certains aspects de sa vie qui étaient jusque là considérés comme intimes, telles des informations sur sa famille ou ses relations amoureuses. Nous entretenons donc un nouveau rapport aux autres. Ce besoin d’extimité serait caractéristique de tout un chacun et essentiel au développement de l’individu. Il renforcerait la quête d’une bonne image de soi. Nous faisons ainsi en sorte de choisir et partager le contenu le plus approprié pour nous définir et nous mettre en valeur. Le psychologue-clinicien Gérard Pavy nous expliquait lors d’un entretien, que nous étions tous pris dans ce phénomène de mise en scène et de captation narcissique. On veut s’exposer devant l’autre, montrer à nos amis qu’on réussit dans la vie. Mais même la notion d’amitié se retrouve biaisée aujourd’hui par de nouveaux liens. Nous pouvons effectivement nous demander si un ami qu’on se fait en ligne est un vrai ami. Quand on voit que les internautes ont en moyenne 177 amis sur Facebook, si ce n’est plus, on comprend que le terme “amis“ a pris une connotation différente. Nous comptons tous des “amis“ que nous connaissons à peine dans notre liste de contacts, des connaissances en somme qui font partie de notre réseau et ont accès à notre quotidien. Ils ne sont pas nécessairement nos amis au sens propre mais nous estimons qu’ils peuvent alimenter ou valoriser notre cercle élargi. En réalité, on n’a pas plus d’amis sur réseau qu’on en a dans la vie. L’amitié numérique ou le « friending » ne remplace pas l’amitié que nous connaissons. « Sans parler de mettre une échelle, je pense qu’il faut plutôt les envisager 37
  • 38. comme deux types de liens. Le lien virtuel est un nouveau lien, mais il n’est pas négatif » 44 nous confiait Michael Stora, psychologue. Il s’agit simplement d’une nouvelle modalité où l’on voit se mélanger en ligne des liens faibles et des liens forts. Les jeunes adolescents sont encore plus sujets à se confier aux nouvelles technologies car ils sont dans une période importante de recherche de soi-même. Le développement affectif et biologique chez l’adolescent passe inévitablement par le web et les textos. Les adolescents étant très pudiques, ils se confient plus facilement derrière un écran car on peut s’y dévoiler sans gêne. Ils osent raconter des secrets, faire des confidences amoureuses et rechercher des informations qu’ils n’oseraient pas demander à leurs parents. Internet représente pour eux un formidable partenaire, à l’abri des regards du groupe. Nous avons nous même fait partie de la génération MSN, cette messagerie instantanée tombée en désuétude où nous discutions avec nos amis. Aujourd’hui, les pratiques restent les mêmes mais le discours s’est élargi et déplacé sur un nombre extraordinaires de plateformes. Facebook, Twitter, Instagram, WhatsApp, Vine et consorts ont remplacé le MSN que nous fréquentions. Un simple réseau social comme Snapchat, surfant sur le droit à l’oubli, montre le rapport désinhibé que nous entretenons avec la technologie. Envoyer des photos de grimaces est devenu pratique commune sur smartphone. Cette application permet l’envoi de photos ou de vidéos dites éphémères car elles s’autodétruisent 10 secondes après ouverture. Les sentiments que nous font ressentir les machines sont différents de ceux que nous ressentons en face à face. La connexion nous désinhibe dans le sens où l’on se permet des choses avec moins de retenue dès lors que la perception de l’autre est moins tangible. D’un autre côté, le fait de se confier et de partager de l’information intime peut alimenter notre avidité d’espionnage de l’autre. Le court-métrage choc Noah écrit et réalisé par Patrick Cederberg et Walter Woodman, dépeint le quotidien d’un ado sur Internet de manière réellement troublante. Sorti en septembre dernier et prix du meilleur court-métrage au Toronto International Film Festival, il montre la vie en ligne d’un certain Noah Lennox et du déclin de la relation avec sa petite amie. L’action a lieu uniquement à travers l’écran d’ordinateur et le téléphone de Noah. On l’observe petit à petit développer une addiction malsaine, cliquer d’une page à l’autre et scruter la vie de sa copine. Le film suscite 38 44 Cf. annexe 2, page 178, interview de Michael STORA, psychologue et fondateur-président de l’OMNSH.
  • 39. pas mal de questions sur les effets de la vie en ligne sur les jeunes. Les réseaux sociaux permettent de voir de plus en plus qui fait quoi, à quel endroit, à quel moment, avec les services de géolocalisation notamment. Certains de ces usages abusifs peuvent alors dériver vers d’autres formes et devenir dangereux. Il ne faut pas ignorer que l’évolution continue des nouvelles technologies nous expose également à des risques toujours renouvelés. 39 3. La question de l’anonymat Certes, il y a cette nouvelle tendance dans l’identité web qui nous contraint de plus en plus à naviguer à visage découvert, mais l’anonymat numérique est toujours de vigueur pour le meilleur comme pour le pire. Nous avons vu dans un certain sens que les nouvelles technologies nous désinhibaient. Nous sommes tellement décomplexés derrière un clavier que nous pouvons oublier que nous sommes finalement en présence d’un autre être humain, physiquement non présent mais bien réel. Le fait que l’écran fasse intermédiaire peut nous rendre plus facilement vulnérables. Comme n’importe qui peut emprunter l’identité qu’il souhaite, cela mène parfois à profiter d’autrui. Les enfants notamment peuvent rapidement devenir des proies potentielles pour des personnes malintentionnées sur la toile. Les exemples de “cyberbullying” sont à ce sujet très fréquents. Le suicide très médiatisé d’Amanda Todd en 2012, victime d’harcèlement en ligne par un pédophile, illustre ce qui peut arriver quand la technologie favorise des comportements déviants. Outre les prédateurs sexuels, d’autres comportements anonymes sont préoccupants. Les mails frauduleux (phishing), les usurpations d’identité, ou encore l’harcèlement moral représentent autant de dangers sur Internet, dont il convient d’être prudent. Insuffisamment informés, les enfants ne sont pas à l’abri de mauvaises rencontres en ligne. De nombreux films en ont exposé les décors, à l’instar de Trust (2010) de David Schwimmer. Il raconte l’histoire d’une jeune fille de 14 ans qui rencontre un garçon sur Internet prétendant avoir 16 ans, mais qui n’est autre qu’un pédophile. Au fur et à mesure de ses conversations en ligne, la jeune
  • 40. fille s’éprend de lui. Elle réalise par la suite qu’il n’est pas ce qu’il prétendait être mais continue d’être fascinée par l’homme. Ils se rencontrent à plusieurs reprises jusqu’à ce qu’il abuse d’elle physiquement et que nous assistions impuissants à l’anéantissement de toute une famille. On voit bien à travers cet exemple les pièges de l’anonymat sur Internet. Les autorités ont pris très au sérieux ce genre de comportements et sensibilisent les parents au sujet de la connexion de leurs enfants. Ils se doivent d’être vigilants et prévenants sur le fait qu’on puisse tomber sur n’importe qui en ligne. Pour l’anecdote, au mois de novembre dernier, l’association Terre des Hommes est parvenue à traquer des pédocriminels en utilisant les mêmes méthodes. Ils ont eu l’idée de créer une fille virtuelle appelée Sweetie afin de lutter contre le tourisme sexuel par webcam interposée, très courant aux Philippines. Une jeune fille de 10 ans entièrement réalisée en image de synthèse a ainsi permis de piéger plus de 20 000 pédophiles qui pensaient s’offrir les services pornographiques de cet enfant. Parmi eux, plus de 1000 personnes ont pu être directement identifiées et signalées auprès d’Interpol. Mais les liaisons dangereuses entre Internet et les jeunes générations peuvent également s’exercer entre les adolescents eux-mêmes. Le film Chatroom (2010) réalisé par Hideo Nakata aborde à juste titre les dérives de l’anonymat chez les jeunes. Il met l’accent sur la possibilité de se construire une nouvelle vie en ligne avec le personnage de William, un adolescent perturbé qui passe la plupart de son temps sur Internet. Cet adolescent décide un jour d’ouvrir un forum de discussion et de créer une « chatroom » afin de discuter librement sous un pseudonyme. Ces espaces de discussion en ligne sont matérialisés avec brio par le cinéaste par autant de chambres différentes qui donnent sur un même couloir. William rejoint alors quatre autres jeunes sur le forum qui vont commencer à discuter, sans se connaître les uns des autres. Mais ses intentions sont loin d’être innocentes. Il va se servir de ce cyberespace comme d’un appât puisqu’il est résolu à influencer le groupe par n’importe quel moyen possible. Une fois devenu référent du groupe, il va aller jusqu’à détruire psychologiquement le plus faible d’entre eux. On se rend donc compte que l’un des plus grands dangers d’Internet, c’est bien cette distance avec la réalité, qui déresponsabilise complètement l’internaute et tend à minimiser la portée de ses actes. L’anonymat en ligne est donc souvent critiqué et vu comme une invitation à l’irresponsabilité puisqu’il permet de faire ou dire ce que l’on veut, puis de disparaître plus 40
  • 41. ou moins sans laisser d’adresse. Nous disons bien plus ou moins car dans l’absolu, l’anonymat en tant que tel n’existe pas. On laisse toujours des traces derrière nous, à l’exception de quelques experts. Certaines parties du web ont donc dégénéré en espace où il est devenu acceptable de livrer anonymement des propos injurieux et se défouler allégrement. Les commentaires désobligeants voire racistes sont aujourd’hui monnaie courante sur YouTube ou les plateformes de jeux vidéo en ligne. C’est pour toutes ces raisons liées à l’identité que l’anonymat numérique fascine autant qu’il inquiète. D’un côté les blogueurs et les militants le défendent et de l’autre, des politiques souhaitent le supprimer. « Sur Internet, l’anonymat ne doit pas être une protection et la liberté d’expression, un alibi » a déclaré le chef de l’État en décembre dernier. Tel est donc tout l’enjeu de l’anonymat. « Nous sommes très attachés à la liberté. Mais lorsqu’au nom de la liberté, on met en cause des valeurs fondamentales, des principes essentiels, il faut aussi y mettre les limites » ajoute le président. Malgré toutes ces dérives, il faut néanmoins nuancer le propos car notre rapport à l’anonymat reste essentiel et ce pour de multiples raisons. Tout d’abord, l’anonymat se veut garant de liberté d’expression dans les régimes non démocratiques, bien qu’Internet soit fortement contrôlé dans ces régimes. À titre d’exemple, la Chine a filtré le Printemps Arabe sur Twitter et a supprimé toutes les expressions renvoyant à la "fuite nucléaire" après le raz de marée japonais et l’explosion de la centrale Fukushima. C’est pourquoi, sous le couvert de l’anonymat et d’un serveur tiers, des personnes opprimées peuvent ainsi contourner la censure et défendre leurs intérêts. Par ailleurs, l’anonymat permet de se protéger des institutions qui fondent toutes leurs économies sur l’exploitation de nos données personnelles. Tous les services numériques, que ce soit des réseaux sociaux ou des applications smartphones, gardent une énorme quantité d’informations sur nous. Un des meilleurs moyens de se rendre compte à quel point le commerce des données personnelles est précieux, c’est de regarder le prix payé lorsque le service change de mains. Ce n’est pas pour rien que Mark Zuckerberg, fondateur de Facebook, a racheté le service de messagerie WhatsApp au mois de février pour pas moins de 19 milliards de dollars. On sait pertinemment que Google scanne quant à lui tout le contenu de nos e-mails afin d’y trouver des mots clés et de nous proposer des publicités ciblées. Mais nous continuons tous à mettre en ligne des informations privées, ignorant le fait que cela puisse éventuellement nous nuire. Nous oublions que ces informations ne s'évaporent pas. Nous en donnons toujours plus sur nous-même et nous nous livrons au web 41
  • 42. sans retenue, parce que tout le monde le fait. Nous avons vu en première partie que de plus en plus d’individus se sentent mal à l’aise d’être tracés partout. Beaucoup de personnes cherchent ainsi à préserver leur anonymat sur Internet afin de garder le contrôle de leur identité en ligne. Finalement, l’anonymat n’est ni bon, ni mauvais en soi. C’est un outil qui peut être utilisé autant pour de bonnes actions que pour des mauvaises. Il est peut être encore trop tôt pour tirer des conclusions de cette importante évolution de la communication, mais une chose est sûre, l’anonymat est fortement ancré dans notre culture. La montée des mouvements d’hacktivistes tel Anonymous en est l’exemple parfait. Avec l’anonymat, l’internaute a une liberté d’expression jusque là inégalée. Par le biais de nouvelles communautés comme les forums, de nouvelles structures se créent contribuant à la dénaturation du lien social, substituant parfois le réel au lien purement virtuel. 42 B / Dénaturation du lien social « Nous avons cru inventer une société de communication, nous avons en fait inventé une société de solitude » prononçait il y a quelques années le publicitaire Jacques Séguéla. N’étant plus à une provocation près, il a même défini Internet comme « la plus grande saloperie jamais inventée par les hommes » en octobre 2009, sur le plateau de France 2. Au-delà du caractère relatif de ces propos, il est vrai qu’Internet peut dans certains cas affaiblir le lien social et constituer un facteur d’isolement pour de nombreuses personnes. C’est tout l’objet de la thèse de Sherry Turkle, ethnographe et directrice du département technologie et autonomie au MIT, qui a récemment publié un livre intitulé Alone Together : Pourquoi nous attendons plus de la technologie et moins l’un de l’autre (2011). Alone Together est le résultat de pas moins de 15 années d’études sur le monde numérique, où Sherry Turkle dissèque l’ambivalence des nouvelles technologies. Elle n’en est pas à son premier livre sur le sujet puisqu’elle est l’auteure de The Second Self (1984) consacré à l’impact des ordinateurs personnels sur nos vies, mais aussi de Life on the Screen (1995) sur la question d’identité aux débuts d’Internet. 15 ans après, elle présente la façon dont nos appareils électroniques changent nos rapports à l’autre. Selon elle, l'utilisation des nouvelles technologies a autant le pouvoir d’isoler et de compromettre les relations sociales que de nous réunir. Elle ne blâme en aucun cas leur utilisation mais elle fait comprendre