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l’enjeu du mois
Rubrique
46
enjeuX les eCHos / juin 2015
Finance Le développement des
technologies numériques et l’arrivée
de concurrents venus du Web secouent
un secteur qui a trop longtemps vécu
sur ses acquis. De la banque de détail
à la banque d’investissement, tous les
acteurs cherchent à se réagencer.
le digital
fait sauter la
banque
n n n
L’enjeu du mois
Après l’hôtellerie, la grande distribution, la musique, est-ce au tour de la banque de voir
son modèle totalement remis en cause? Elle bouge, en tout cas. L’industrie financière
est certes à part, protégée en un sens par les fortes contraintes réglementaires et
techniques qui s’imposent à elle. Mais le consommateur veut une autre banque,
mobile, accessible, transparente. Les établissements revoient leur relation au client
(p. 48). Ce qui ne signifie pas forcément la fin de l’agence, comme le montre notre
reportage sur la côte Ouest des Etats-Unis (p.52).
En banque d’investissement, les grands comptes, eux aussi, ont de nouvelles exi-
gences. Ils réclament une offre qui prenne en compte tous leurs besoins, et à des
tarifs très compétitifs. Avec des règles prudentielles toujours plus strictes, la ren-
tabilité va souffrir et les banquiers d’affaires devront faire preuve d’inventivité (p.54).
Moyennant quoi la banque devrait éviter, au moins dans l’immédiat, l’«ubérisation»
radicale mise en scène dans notre fiction, située en 2045 (p.56). K. D. M.
FLORENCE BAUCHARD, ISABELLE LESNIAK, GUILLAUME MAUJEAN ET LUCIE ROBEQUAIN À PORTLAND
ILLUSTRATIONS: KAROLIS STRAUTNIEKAS
 47
ENJEUX LES ECHOS / juin 2015
48
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
Faire un virement en deux clics, consulter son solde
régulièrement: depuis qu’il a un téléphone portable,
Kévin, 23 ans, salarié en alternance dans le privé,
n’a plus besoin d’aller à son agence pour gérer son
compte bancaire. Quant à Pierre-Yves, 49 ans, pro-
fesseur de lycée en région parisienne, il est ravi
d’avoir transféré son compte principal à la banque
en ligne ING Direct et recommandé à son fils de
18 ans d’en faire autant. « Depuis 2012, mes frais
bancaires ont baissé, je peux retirer des espèces
dans n’importe quel distributeur sans pénalité, et
j’ai un conseiller en ligne quand j’en ai besoin.»
A l’heure d’Internet et du smartphone, le client, quel
que soit son âge, n’est plus le même. Nomade, impa-
tient, mieux informé, il est de plus en plus exigeant
sur l’accessibilité et la qualité du conseil, même si ses
visites en agence se raréfient. En même temps, il
rechigne à payer pour un service de plus en plus imma-
tériel, auquel s’intéressent en outre de près les géants
d’Internet et de la téléphonie. Après l’industrie du
tourisme, les producteurs de biens culturels et la grande
distribution, la banque va-t-elle à son tour voir son
modèle économique totalement remis en cause?
Préservées par des exigences réglementaires de pro-
tection des déposants et une certaine inertie des clients,
les banques françaises ont longtemps fait le gros dos.
Mais plutôt que de subir un changement de paradigme,
elles commencent à bouger. D’autant que leurs prin-
cipaux moteurs de rentabilité toussent. La baisse des
taux d’intérêt – à des niveaux inédits – les prive d’une
de leurs principales sources de bénéfices: la rémuné-
ration du placement des dépôts a chuté. «Engagé
depuis cinq ans, ce phénomène est appelé à durer»,
souligne Jérôme Barrué, partenaire du cabinet Roland
Berger. Quant aux commissions, elles sont contestées
à la fois par le régulateur et le consommateur. Résul-
tat: les banques doivent absolument alléger leurs coûts
et trouver d’autres sources de profit, sans perdre le
contact avec le client. Le départ à la retraite des effec-
tifs recrutés lors du massif essor bancaire des années
70-80 va certes simplifier la rationalisation de leurs
activités. Une aubaine pour rattraper par la peau du
cou un consommateur courtisé et déjà séduit par des
acteurs alternatifs et… glamours. Aujourd’hui, les
Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA), les opé-
rateurs de téléphonie et une armada de start-up s’at-
taquent aux paiements électroniques. Demain, d’autres
prérogatives bancaires pourraient être visées.
dANS L’ESPRiT «BOUTiQUE»
La Banque postale, BNP Paribas, le Crédit agricole,
LCL, la Société générale et consorts: depuis trois
ans, les majors de la banque de détail en France ont
amorcé leur métamorphose. Les réseaux se
contractent, les concepts d’agence évoluent, les mis-
sions et le modèle de rémunération des conseillers
aussi. Avec une obsession du service inspirée de
l’hôtellerie, des Apple Stores ou encore d’Amazon.
A Paris, le Crédit agricole de la rue des Martyrs, dans
le IXe
arrondissement, fait partie des huit agences
Remue-ménage dans les agences: à l’heure d’Internet et du smartphone, les grands
réseaux ont compris qu’ils devaient revoir leur offre produit, personnaliser
leurs conseils et même repenser leurs locaux. Le tout avec l’obsession du service.
LA BANQUE DE DÉTAIL
REMET LE CLIENT EN AVANT
DE LA CARTE BANCAIRE AU CROWDFUNDING, PRÈS D’UN DEMI-SIÈCLE D’INNOVATIONS
1967
Première carte
de paiement en
France, lancée par
six banques.
1968
Premier
distributeur
automatique de
billets à Paris. En
2014, la France en
compte 58640.
1971
Première carte à
piste magnétique.
1973
Lancement du
paiement par carte
à l’étranger.
1974
Roland Moreno
invente la carte à
puce. Ce système
apporte une
sécurité renforcée
par rapport à la
piste magnétique.
En 2014, les
82,2 millions de
cartes bancaires en
circulation en France
représentent près de
50% des paiements,
contre 13% pour les
chèques.
1980
Premiers terminaux
de paiement
électronique.
1984
Création du
groupement des
 49
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
pilotes du programme Ambitions 2015
de la banque verte. Depuis l’automne der-
nier, les locaux ont fait peau neuve et
fonctionnent en continu. Dans l’agence
devenue «boutique», des salons vitrés
aux tons clairs ont remplacé les bureaux
à l’ancienne. Les ordinateurs sont munis
d’un bras articulé pour pouvoir partager
plus facilement leur contenu avec le client,
ainsi associé à la «co-construction» de
ses projets! A l’entrée, plus de guichet,
mais une simple borne d’accueil où le
client s’annonce nominativement, avant
de s’installer dans un petit salon confor-
table équipé en wi-fi. Là, il peut feuilleter
un journal, regarder la météo et autres
informations sur un grand écran plat, ou
consulter son compte sur une tablette gra-
cieusement mise à disposition, en atten-
dant son rendez-vous. Entre-temps, le
conseiller chargé de l’accueil ce jour là – la
fonction est devenue tournante dans un
souci de polyvalence – lui aura proposé un café. Bilan
de l’opération: «Un changement qualitatif apprécié
autant par les clients que par les collaborateurs ou les
commerçants du quartier», selon la directrice de
l’agence, Marilyne Veronese. D’ailleurs, l’indice de
satisfaction client dépasse la moyenne du réseau tra-
ditionnel d’Ile-de-France. Et le nombre d’incivilités
a baissé. C’est aussi une véritable révolution pour les
collaborateurs de l’agence, qui doivent
développer leurs compétences pour être
davantage conseiller que vendeur, dans
une approche plus collaborative avec le
client et leurs collègues. «A l’instar du
secteur du luxe, nous avons suivi des for-
mations comportementales, de l’accueil
jusqu’à la clôture de l’entretien avec le
client pour tendre vers l’excellence rela-
tionnelle», explique Marilyne Veronese.
Et la rémunération n’est plus fixée en fonc-
tion du nombre de produits vendus! Aux
Etats-Unis, la banque Umpqua a poussé
très loin ces principes (lire p. 52).
Mais l’heure n’est plus au modèle
unique. Sur les traces de la grande dis-
tribution, les établissements bancaires
multiplient les formats d’agence et les
modes d’interaction avec les clients, du
mail jusqu’aux services proposés unique-
ment en ligne. Indispensable pour main-
tenir ou retrouver la proximité avec la
clientèle. Pour sa part, BNP Paribas a distingué trois
formats: l’«express» – le plus basique – pour les
opérations simples (virement, retrait, etc.), unique-
ment en zone urbaine; le «conseil» pour la grosse
cavalerie avec si besoin des spécialistes métiers joi-
gnables par visioconférence; et, enfin, le «projet»
pour s’entretenir, en direct, avec ces mêmes spécia-
listes installés dans un espace plus important n n n
cartes bancaires.
L’interbancarité
permet d’utiliser
sa carte dans
n’importe quel
distributeur.
1999
Lancement du
porte-monnaie
électronique Moneo
pour les petits
montants. Ce
dernier n’a jamais
trouvé son marché.
Quinze ans après,
les banques
l’abandonnent pour
se tourner vers le
paiement sans
contact.
2000
Le néerlandais ING
lance la première
banque entièrement
en ligne dans
l’Hexagone.
Depuis, les sites
se multiplient.
Cette année,
ils représentent
une ouverture
de compte sur trois
en France.
2004
Paypal, le système
de paiement
électronique sans
communiquer ses
coordonnées
bancaires, ouvre un
bureau en France.
Un café branché?
Non, c’est une
agence du Crédit
Agricole Ile-
de-France,
avec borne
d’accueil tactile
et salons aux
teintes claires.
CHIFFRES CLÉS
5,5
millions de
personnes ont
consulté un site
bancaire en
février 2015.
SOURCE: MÉDIAMÉTRIE
37862
agences en 2013,
soit 581 par million
d’habitants.
SOURCE: BCE
371000
salariés, dont 70%
dans la banque de
détail.
SOURCE: FBF
YVESFORESTIER/ALKAMA/CRÉDITAGRICOLE
50
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
en ville. Les procédures se digitalisent. SMS,
mail, chat, application dédiée ou visioconférence: les
canaux d’échange avec le client se multiplient; le suivi
de ses opérations doit se faire sans rupture. D’ici à fin
2019, l’ensemble du réseau BNP Paribas aura été
converti. Montant de l’investissement: 210 millions
d’euros et 700 à 1000 recrutements supplémentaires
de conseillers spécialisés. Objectif: «Dépasser le seuil
d’un client sur deux très satisfait, donc une augmen-
tation de 20% par rapport à la situation actuelle»,
prévoit Raphaèle Leroy, responsable des relations
consommateurs de BNP Paribas en France.
Aucune banque traditionnelle n’est encore, toute-
fois, passée au 100% numérique. «Si la banque au
quotidien est entièrement digitalisée, observe Oliver
Gavalda, directeur du pôle caisses régionales Crédit
agricole SA, 80% des opérations complexes se passent
toujours en agence.» Mais toutes les banques de réseau
testent différentes formules à travers des filiales
dédiées: du site 100% mobile de BNP Paribas (Hello
Bank) à des concepts multisupport comme BforBank
du Crédit agricole ou Boursorama de la Société
générale. Leur clientèle type: un CSP+ urbain, tren-
tenaire, multibancarisé. «Cela reste un marché de
niche et à faible valeur ajoutée», estime Axel Reinaud,
du Boston Consulting Group. Même s’il est toujours
en croissance. «Aujourd’hui, une ouverture de compte
sur trois s’effectue auprès d’une banque en ligne»,
souligne Marie Cheval, PDG de Boursorama, qui
constate une très nette accélération depuis l’automne
2013. Les pure players comme le néerlandais ING,
présent en France depuis quinze ans, sont rares. Leur
palette de produits reste relativement simple, même
si elle s’enrichit progressivement. Mais leur rapport
qualité/prix pour des services de base est imbattable
et leur vaut une très bonne cote auprès des consom-
mateurs. «Boursorama a un taux de recommandation
de ses clients de 92%», ajoute Marie Cheval (voir aussi
la rubrique Money, p.96).
UN COMPTE CHEZ LE BURALISTE, C’EST NICKEL
Depuis deux ans, la banque à distance attire de nou-
veaux acteurs. En 2014, l’assureur Axa a lancé Soon
avec trois start-up. Un concept low cost sur mobile
plutôt destiné aux jeunes, doté d’une innovation venue
des Etats-Unis, qui permet de connaître son solde
en temps réel. Pas de campagne marketing classique,
mais un teasing via un partenariat avec Facebook.
n n n
2009
Création du Bitcoin,
par un mystérieux
Satoshi Nakamoto
– sans doute
un pseudo.
Un an après, il est
possible d’échanger
cette crypto-
monnaie contre
de l’argent.
2011
Le groupe Carte
Bleue agrée le
premier terminal
pour les paiements
sans contact.
2012
Le Crédit agricole,
le CIC, BNP Paribas
et Crédit du Nord
lancent la carte de
paiement sans
contact.
2013
BNP Paribas lance
la première banque
à distance 100%
mobile.
2015
BNP Paribas, le
groupe BPCE, la
Banque postale et
la Société générale
testent le paiement
sur mobile avec
Android.
La plate-forme de
crowdfunding
Kickstarter arrive
sur le marché
français.
Débat sur
la portabilité
du numéro de
compte bancaire,
pour faciliter
le changement
d’établissement.
KAROLISSTRAUTNIEKAS
 51
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
La Financière des paiements électroniques, cofondée
par l’ancien directeur de la communication de la
Société générale, Hugues Le Bret, propose depuis
quelques mois le compte Nickel, qui se bloque une
fois vide. Ainsi, plus d’agios pour découvert. Parti-
cularité: il se souscrit auprès des buralistes. «Destiné
initialement à une clientèle plutôt populaire, le
compte Nickel a également séduit des catégories plus
aisées qui l’utilisent comme deuxième ou troisième
banque pour acheter sur Internet ou voyager à l’étran-
ger, explique Hugues Le Bret. Dès septembre, nous
nous adresserons également aux 12-18 ans, chez les-
quels il y a une forte demande de comptes bloqués.»
Le concept suscite beaucoup d’intérêt chez les acteurs
traditionnels. Le Crédit agricole et la Banque postale
envisagent de lancer leur propre version. Et Hugues
Le Bret a déjà reçu une dizaine de demandes pour
adapter son produit dans d’autres pays européens.
Ces incursions restent toutefois limitées.
En revanche, une concurrence autrement plus
sérieuse se précise sur les paiements électroniques.
Systèmes de paiement, monnaies virtuelles, vire-
ments, paiements sans contact à partir d’un télé-
phone ou d’une montre…Les initiatives fourmillent,
que ce soit au sein des GAFA, des opérateurs télécoms
ou dans l’industrie en pleine explosion des «fintechs»
(start-up spécialisées dans les services financiers).
Les banques suivent ces évolutions de près, y compris
via des incubateurs comme ceux du Crédit agricole
ou de BNP Paribas, voire des prises de participation.
Boursorama a racheté en début d’année la jeune
pousse Fiduceo, spécialisée dans l’agrégation
de comptes bancaires et de données de facturation.
«Un signe assez fort du rapprochement de ces deux
mondes », estime Sylvain
Fagnent, du cabinet de conseil
Octo. Et ce n’est qu’un début.
Les paiements ne sont pas des
services à forte valeur ajoutée,
mais une activité à fort volume.
L’intérêt pour les nouveaux
entrants ? Les données qui y
sont liées, les fameuses «data»…
Certaines banques sont prêtes
à s’associer avec ces challengers, d’autant qu’elles
n’ont ni leur agilité ni leur maîtrise de l’exploitation
des données personnelles. Leur crainte: «être can-
tonnées à un rôle technique», note Bruno de Saint-
Florent, du cabinet Oliver Wyman. Sans profiter de
la manne des dites données. Pierre Janin, le directeur
général d’Axa Banque, reste serein: «Les GAFA ne
sont pas vraiment une menace, leur enjeu étant essen-
tiellement une captation des données en tant que
telles. En revanche, leur capacité à interagir avec les
clients doit nous inspirer!»
Au-delà des paiements, d’autres fonctions histo-
riques des banques sont également attaquées. Comme
le prêt entre particuliers ou le crowdfunding, qui
court-circuitent les prêteurs traditionnels. Après
l’américain Prêt d’Union, Kickstarter vient d’arriver
en France. Et demain, d’autres prestations pourraient
être proposées: notation des conseillers, coffre-fort
électronique (pour l’archivage sécurisé de documents
personnels) ou d’autres outils de simplification, d’op-
timisation et de personnalisation de gestion de
l’épargne. A des coûts très compétitifs!
L’arrivée de nouvelles générations de clients nées
à l’ère du numérique devrait
accélérer le chamboulement du
secteur. Techniques, culturelles
ou réglementaires, les barrières
à l’entrée restent néanmoins
fortes. «Les banques classiques
sont les seules à fournir des ser-
vices globaux», observe Julien
Maldonato, directeur conseil
chez Deloitte. En dépit du défi-
cit d’image lié aux excès du début des années 2000,
les établissements bancaires bénéficient encore d’un
capital de confiance essentiel quand on parle
d’argent. Et les exigences de la réglementation
restent suffisamment sévères pour ralentir l’émer-
gence de challengers. Il suffit de voir les réticences
des organismes de supervision bancaire, voire des
Etats, à laisser prospérer le fameux Bitcoin, la plus
médiatique des devises virtuelles. Au nom de la
protection du consommateur et de la lutte contre
le blanchiment d’argent. Florence Bauchard
CE QUE ÇA VA CHANGER
Les banquiers vont devoir s’adapter
Trouver d’autres sources de profit: la rémunération
des dépôts et les commissions sont en berne.
Alimenter le marché du crédit, malgré des ratios
(solvabilité et fonds propres) plus exigeants.
Revoir le management et la prise en charge du client.
Former massivement le personnel pour monter en compétences.
Investir dans les technologies numériques.
Exploiter les données clients (Big Data).
Résister à la concurrence d’outsiders sur les paiements.
Les clients vont en profiter
Des tarifs plus transparents.
Des services moins chers.
Un conseil personnalisé plus pointu et réactif.
Un accès simplifié sur de multiples canaux.
Des modalités de paiement et de financement
plus variées et plus souples.
La concurrence est la plus
active dans les paiements
électroniques, à faible
valeur ajoutée mais
générateurs de Big Data.
52
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
Le réseau bancaire Umpqua, originaire de l’Oregon, mise à fond sur le facteur humain.
Il essaime des agences d’un nouveau type, qui organisent des soirées ciné pour les enfants
ou des séances de coaching pour les PME. Les clients adorent, les employés aussi.
A PORTLAND, ON CROIT
ENCORE AUX AGENCES
La cycliste a posé son vélo près des ordinateurs.
Avachie dans un canapé, elle passe des coups de fil
en avalant un thé et quelques cookies. A côté d’elle
somnolent deux jeunes, café à la main. Comme eux,
les habitants de Portland sont nombreux à venir tuer
le temps chez Umpqua. La banque – car c’est en
une– n’y trouve rien à redire. Pure produit de Port-
land –l’une des villes les plus innovantes, voire alter-
natives, d’Amérique–, elle aspire à être tout ce que
les banques traditionnelles ne sont pas: un lieu de
rencontre où il fait bon flâner et qui participe à la
vie du quartier. Par leur
design, les agences ne sont
pas très différentes des
magasins Apple. Lumi-
neuses et branchées, elles
proposent des tablettes et
des ordinateurs en libre-
service, ainsi que les jour-
naux du jour. « Nous ne
parlons pas d’agence ban-
caire, mais de magasin,
corrige d’ailleurs Eve Cal-
lahan, vice-présidente chez
Umpqua. L’idée est que les
gens vivent une expérience
différente et qu’ils aient
envie de revenir. Pourquoi
les banques s’interdiraient-
elles d’être sympas ? »
La musique invite à la
détente. Au fond de l’agence se trouve une biblio-
thèque, où l’on vient se réfugier les jours de pluie.
Les visiteurs peuvent même embarquer les livres
qu’ils n’ont pas finis. Des chocolats sont offerts aux
guichets pour conclure chaque échange. «C’est tout
bête, mais c’est l’une des choses les plus appréciées
chez nous», observe Eve Callahan.
Les artisans du coin sont invités à exposer leurs pro-
duits en vitrine. Ils sont vendus par les agents d’Ump-
qua sans la moindre commission. Les PME peuvent
également réserver une salle gratuitement pour leurs
réunions, quand bien même elles ne sont pas clientes
de l’établissement. «Le pari, bien sûr, c’est qu’elles
penseront à nous quand elles voudront grandir et se
financer», remarque la vice-présidente. Des événe-
ments sont aussi organisés en soirée. Les directeurs
d’agence disposent d’une petite cagnotte pour faire ce
que bon leur semble. «Tout dépend du quartier où
ils se trouvent. Dans un quartier familial, nous ferons
le choix de soirées cinéma pour les enfants. Dans
d’autres, ce sera plutôt des cours de yoga ou des séances
de coaching pour les PME», précise Eve Callahan. La
banque ne dépense en revanche pratiquement aucun
centime dans le marketing
traditionnel: elle n’envoie
pas de courrier pour vendre
ses crédits autos et immo-
biliers, comme le font les
autres banques. «Tout ça,
c’est du marketing passif.
Notre but, c’est de provo-
quer des expériences »,
explique-t-elle.
Le plus fascinant reste
encore ce téléphone «vin-
tage» planté au milieu de
chaque agence. Il permet
d’accéder directement au
PDG, Ray Davis. Difficile
d’y croire avant d’essayer.
Mais c’est bien lui qui
répond lorsque l’on soulève
le combiné. Il reçoit envi-
ron cinq appels par semaine. «La plupart du temps,
ce sont des enfants ou des journalistes qui veulent
vérifier que c’est bien moi au bout du fil, sourit-il.
Mais j’ai aussi des gens en colère contre leur banquier
qui exigent de moi des solutions immédiates.»
Cette proximité serait difficilement concevable dans
une grande banque nationale. Umpqua compte à
peine un demi-million de clients. Elle possède
350antennes et n’affiche guère plus de 22 milliards
d’actifs. Mais son modèle est suffisamment révolu-
tionnaire pour attirer l’attention de la presse nationale,
et avec elle celle des géants de Wall Street. Ray Davis,
AARONLEITZPHOTOS:
 53
ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
qui a repris la banque en 1994 avec une quarantaine
d’employés, en a embauché cent fois plus depuis.
Plutôt que de singer les géants de l’industrie bancaire,
il a cherché à copier ce qui se faisait de mieux dans
la distribution et l’hôtellerie. Alors que l’on ne jure
plus que par la banque en ligne, lui reste convaincu
que le futur exige, aussi, un retour de l’humain.
Une intuition qu’il n’est pas le seul à avoir, puisqu’au
Royaume-Uni, Vernon Hill tente d’imposer le même
modèle avec Metro Bank. «Ray Davis a passé plusieurs
mois à décortiquer les modèles de Gap, de la chaîne
hôtelière de luxe Four Seasons et du Ritz Carlton. Il a
voulu gommer tous les aspects qui énervent tant les
clients des banques», raconte Eve Callahan. Rien de
plus agaçant, par
exemple, que de venir
négocier un prêt et d’ap-
prendre que l’expert du
sujet est parti déjeuner
pour une heure. Umpqua
a donc imposé le concept
d’employé «universel»:
les agents doivent être
polyvalents et répondre
à toutes les demandes
qui leur sont soumises.
Rien ne les prédisposait
à ça: «Nous ne recrutons
pas particulièrement des
financiers. Nous préfé-
rons débaucher des ven-
deurs chez Apple et Star-
bucks, qui ont une vraie
culture du service »,
déclare Eve Callahan.
Une fois leur contrat
signé, ils reçoivent une
formation au Ritz Carlton
pour parfaire leurs
qualités d’accueil. Ils
passent ensuite plusieurs
semaines dans une université propre à Umpqua, pour
se familiariser avec les métiers de la banque. Le luxe
a un prix: comme Apple, Umpqua assume des tarifs
supérieurs à la concurrence. «Nous ne cherchons pas
à être les moins chers du marché», reconnaît Eve Cal-
lahan. Les clients perçoivent des taux de rémunération
un peu moins élevés que dans les autres banques et
acquittent des commissions un peu supérieures.
Pour certains analystes, le pari est perdu d’avance:
les Américains rendent de moins en moins visite à
leurs conseillers. Ils essaient de faire le plus d’opé-
rations possible sur leur téléphone ou leur ordinateur.
Les transactions effectuées en agence baissent d’en-
viron 10% par an aux Etats-Unis. Le modèle d’Ump-
qua est pourtant florissant, en tous cas pour l’instant:
au cours de la dernière décennie, il a vu ses revenus
augmenter de 13% par an en moyenne. Les crédits
ont augmenté de 8% l’an dernier, tout comme les
dépôts bancaires. Présent dans cinq Etats (Oregon,
Washington, Californie, Nevada et Idaho), il est en
train de s’étendre vers l’Utah et l’Arizona, pour viser
à terme New York, puis Londres. La preuve qu’il y a
au moins une niche à occuper.
Les employés semblent aussi heureux que leurs
clients: chaque année, Umpqua figure parmi les
meilleures entreprises des Etats-Unis en qualité de
vie au travail (classement Fortune). Les journées ne
débutent pas comme dans les autres entreprises :
dans toutes les agences ont lieu
des «moments de motivation»,
qui permettent de souder les
équipes. Les batailles de chamallows sont courantes,
tout comme les jeux de chaises musicales. Pour inté-
grer les salariés à la vie de quartier, la banque les
encourage à consacrer chaque année 40 heures de
leur temps de travail à une cause personnelle (projet
humanitaire, association scolaire, etc.). Plus de 80%
des salariés y recourent. La notoriété d’Umpqua
s’étend bien au-delà des cercles financiers: «Je ferais
tout pour qu’ils me recrutent ! » s’exclame Scott
Thompson, un quadragénaire de Portland, qui a long-
temps travaillé pour Amazon et Intel. Rares sont les
banques, américaines ou européennes, qui par-
viennent à susciter un tel engouement aujourd’hui…
Lucie Robequain, envoyée spéciaLe à poRtLand
Nous recrutons des
vendeurs de chez
Starbucks ou Apple pour
leur culture du service.»
eve callahan, vice-présidente d’Umpqua
54
ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
La crise financière de 2008 a provoqué un séisme dans l’univers feutré des
banques de financement et d’investissement car les Etats et les autorités de
régulation ont décidé de leur serrer la vis. Voici comment elles se réorganisent.
UNRÉGIMESÉVÈREPOURLA
BANQUE D’INVESTISSEMENT
C’est ce qu’on appelle une cure d’amaigrissement dras-
tique! Après la crise financière de 2008, déclenchée
par la faillite de Lehman Brothers, plus rien ne sera
comme avant dans la banque d’investissement. Aux
Etats-Unis comme en Europe, les Etats ont peu appré-
cié d’être pris en otage par des établissements financiers
«trop gros pour faire faillite». Les contribuables ont
peu goûté de devoir renflouer un secteur qu’ils jugent
sévèrement, révèlent les études d’opinion.
Le Congrès à Washington, le Parlement européen
et les Vingt-Huit à Bruxelles, le G20, tous ont consi-
dérablement durci les règles du jeu. Certaines dis-
positions ne font qu’entrer en vigueur; mais elles
vont modifier le métier en profondeur. Selon la
dernière étude annuelle du cabinet Oliver Wyman
et de Morgan Stanley, publiée le 19 mars, les
banques d’investissement ont réduit la taille de leur
bilan de 20% depuis 2010 dans le monde, en se
débarrassant de leurs activités les moins rentables
et de leurs produits risqués, pour se conformer aux
nouvelles réglementations.
Et la diète n’est pas terminée: selon ce rapport, il
leur faut encore diminuer leurs capacités de 5 à 8%.
Les banques de financement et d’investissement
(BFI) continuent certes de peser lourd dans cette
industrie. Selon le Boston Consulting Group, près
de la moitié des revenus des banques, au niveau
international, provient encore des activités de finan-
cement des entreprises. La question, c’est de savoir
quels services justifieront ces revenus à l’avenir.
TOUJOURS PLUS dE CONTRAiNTES
RÉGLEmENTAiRES
La crise a entraîné une inflation des réglementa-
tions. Le G20 et son Conseil de stabilité financière
ont, en 2010, publié les accords de Bâle III, tirant
la leçon du manque de liquidité et des faillites sur-
venues après 2007. Désormais, les grandes banques
internationales sont contraintes d’augmenter la
quantité et la qualité de leurs fonds propres et de
mieux gérer leur risque de liquidité. Via des coussins
KAROLISSTRAUNIEKAS
 55
ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
de sécurité. Un LCR (Liquidity Coverage Ratio)
d’un mois pour faire face aux problèmes de court
terme, et un NSFR (Net Stable Funding Ratio)
pour ceux de moyen terme (un an). « Les activités
de BFI sont celles qui ont été le plus impactées par
le tsunami réglementaire, reconnaît Laurent
Mignon, directeur général de Natixis, dont la
banque d’investissement représente 40% de l’acti-
vité. Il va falloir vivre avec. »
Car le mouvement est loin d’être terminé ! «Dès
la fin de l’année, les banques de la zone euro vont
devoir financer au prorata de leur bilan le méca-
nisme de résolution unique destiné à soutenir éven-
tuellement les établissements en difficulté, indique
Jean Beunardeau, patron de la filiale française
d’HSBC, où la BFI génère 60% du résultat et
emploie 1 400 personnes. Cela nous désavantage
car les concurrents américains n’auront pas cette
contrainte. » La Commission européenne a aussi
ouvert une consultation publique sur le fonction-
nement des marchés de titrisation, cette opération
qui consiste à transférer des actifs financiers à
d’autres investisseurs en les transformant en obli-
gations, par exemple. Cela pourrait déboucher sur
l’élaboration d’un cadre européen pour des opéra-
tions «simples, transparentes et standardisées».
AdiEU AUX RENTABiLiTÉS
À dEUX CHiFFRES
L’ensemble des réglementations
a déjà coûté plusieurs points de
rentabilité aux BFI. Sept ans
après la crise, les deux tiers ont
une rentabilité inférieure au
coût du capital, selon une étude
récente menée par le Boston
Consulting Group auprès de
250 établissements (« Global
Corporate Banking 2015 »).
Malgré les vastes plans de
réduction des coûts menés
depuis 2008, en Europe occi-
dentale en particulier, la plu-
part souffrent de profits néga-
tifs ou en baisse. « On ne peut
plus promettre aux action-
naires un Return on Equity
(rentabilité des capitaux
propres) de 20 ou 30% comme
dans les années fastes. Dans le
monde, le ROE est tombé à 7%
en 2014, selon notre étude. En
Europe, il tourne plutôt autour
de 10%, et pourrait atteindre
4% à 8% d’ici trois ans», prédit Gwenhaël Le Bou-
lay, associé au Boston Consulting Group.
En plus des contraintes réglementaires, l’explosion
des coûts des litiges pèse sur la rentabilité. Entre
2013 et 2014, les frais liés aux procédures légales
sont passés de 9 à 19% des dépenses des BFI, selon
le BCG ! Il n’y a qu’à se souvenir des amendes
monstres infligées à JP Morgan par les régulateurs
américains. « Dans d’autres secteurs, un tel envi-
ronnement provoquerait inévitablement des fusions,
poursuit Gwenhaël Le Boulay. Mais pas dans la
banque, où les régulateurs refusent de laisser se
constituer des géants, dont la faillite entraînerait
des risques systémiques encore plus importants
qu’aujourd’hui.»
dES BiLANS NETTOYÉS
À LA PAiLLE dE FER
La crise a accéléré la «désintermédiation». Pour
limiter la consommation de fonds propres, les
banques ne conservent plus à leur bilan les crédits
qu’elles octroient. Dans cette logique «asset light»,
Natixis a imposé «une gestion stricte de ses ressources
rares: bilan, fonds propres et liquidité», précise son
patron Laurent Mignon. «Le travail des BFI consiste
de plus en plus à aider les entreprises à aller sur les
marchés de capitaux et de moins en moins à leur
prêter à long terme sur leur bilan», considère Jean
Beunardeau. «Au lieu de porter
les actifs jusqu’à échéance et de
financer l’économie réelle à par-
tir des dépôts collectés, les BFI
souscrivent les opérations et les
structurent pour qu’elles
puissent être titrisées et vendues
à des investisseurs: assureurs,
hedge funds, fonds souverains»,
détaille Damien Leurent, asso-
cié chez Deloitte.
Ce modèle, courant aux Etats-
Unis depuis la fin des années
70, gagne l’Europe où les
banques restent toutefois les
principales pourvoyeuses de
fonds des entreprises. Si ce
mouvement a l’avantage de
transférer les risques vers les
marchés, les BFI voient leurs
revenus de l’activité de finance-
ment baisser, comme le souligne
une analyse des Echos Etudes
(ex-Eurostaf) de mai 2013 :
«Dans un prêt traditionnel, la
banque a des revenus n n n
Notre travail
consiste de plus
en plus à aider les
entreprises à aller sur
les marchés de capitaux.»
Jean Beunardeau, HSBC France
JEAN-CHRISTOPHEMARMARA
56
ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
n n n
En descendant le perron de
l’Elysée, ce 8 juin 2045, Jean-
Frédéric Oudafé sent un
énorme poids s’abattre sur ses
épaules. Il vient d’acter la dis-
parition de SBP, la dernière
banque privée de France,
adossée sous la contrainte des
pouvoirs publics à La Banque
postale. Comment un établis-
sement qui pesait encore
5000 milliards d’euros d’actifs
et 300000 employés en 2015
en est-il arrivé là ? Dix fois,
cent fois, le patron refait le
film dans sa tête.
Il se souvient que le premier
acte du déclin de l’industrie
bancaire a été signé ici
même, à l’Elysée. A
peine élue à la prési-
dence de la Répu-
blique, Marine Le Pen
a mis en œuvre ses pro-
messes de campagne:
la France est sortie de
l’euro, la taxe Tobin a
été triplée, les banques
françaises ont été scin-
dées en deux. En quelques
mois, la place de Paris s’est
vidée. La haute finance a
migré vers Londres, New York
ou Singapour. Seule la banque
des particuliers et des PME a
tenu, un temps, le choc.
Inquiets des risques d’une
nouvelle faillite bancaire, les
régulateurs ont ensuite durci
le ton. Aux termes de la
réforme Bâle V, les banques
devaient détenir pas moins de
25 euros de fonds propres pour
accorder 100 euros de crédit…
La moitié des établissements
ont échoué aux stress tests de
la Banque centrale euro-
péenne. Une BCE qui ne leur
a pas facilité la tâche, en abais-
sant ses taux jusqu’à –2%. Les
conditions financières n’étaient
pas commodes. Les conditions
commerciales… pires.
Car Apple Pay et Orange Money
se sont imposés comme des
géants de la finance. Les cartes
bancaires ont progressivement
disparu. On a d’abord payé
avec les smartphones, sup-
plantés quelques années plus
tard par des puces directement
implantées sous la peau. En
2035, la France ne comptait
déjà plus que 10000 agences
bancaires, quatre fois moins
qu’à leur pic. Peu à
peu, les banques ont
été cantonnées à la
gestion de l’épargne.
Puis les «robots ban-
quiers » leur ont
donné le coup de
grâce. En agrégeant
l’ensemble des don-
nées personnelles,
les algorithmes conce-
vaient en quelques secondes
les plans d’épargne et les
portefeuilles d’investissement
des clients. Les conseillers
traditionnels ne pouvaient
plus lutter.
Jean-Frédéric Oudafé doit se
rendre à l’évidence: la banque
est devenue en quelques décen-
nies la sidérurgie du xxie
siècle.
Il aimerait revenir trente ans
en arrière. Mais même si c’était
possible, pourrait-il anticiper
tous ces bouleversements ?
Saurait-il les contrer? Il monte
dans sa Google Car, sans
réponse à ses questions. Les
nouveaux facteurs ont du pain
sur la planche!
2045 : la banque, c’est fini
récurrents qui viennent de la marge nette
d’intérêt alors que, dans les opérations de placement,
la rémunération est assurée par des commissions
ponctuelles.» Selon les analystes d’Oddo Securities,
la désintermédiation a déjà entraîné entre 12 et 18%
de baisse des profits. « Les banques n’ont d’autre
choix que de gérer plus activement leurs encours»,
estime Marc Van Caeneghem, associé chez Deloitte.
PLACE AUX OPÉRATiONS dE PLUS
EN PLUS STANdARdiSÉES
«Avant la crise, la banque d’investissement fabriquait
du cousu main: les opérations étaient souvent struc-
turées et complexes, explique Marc Van Caeneghem.
Aujourd’hui, les opérations ont tendance à se stan-
dardiser tant dans leurs caractéristiques que dans
leur processus de traitement, via les chambres de
compensation (plates-formes organisées, plus trans-
parentes que le gré à gré, NDLR). Les procédures
sont de plus en plus industrielles.» Pour maintenir
une certaine rentabilité en limitant leurs coûts de
structure, les établissements s’efforcent de construire
de véritables usines, capables de gérer un gros volume
d’opérations standardisées portant sur des produits
nettement moins exotiques qu’auparavant – certains
dérivés de crédits très complexes et potentiellement
dangereux ont disparu.
Mais les BFI doivent parallèlement pouvoir pro-
poser quelques spécialités sophistiquées, à forte
valeur ajoutée, tarifées en conséquence. «Les deux
logiques doivent coexister, juge Jean Beunardeau.
Sur les marchés des changes, les opérations courantes
peuvent passer par des plates-formes automatisées,
mais quand un client a besoin de financer son déve-
loppement dans des devises particulières, il faut
pouvoir lui fournir du conseil sur mesure.» Comme
le résume Pierre Reboul, du cabinet Roland Berger,
il s’agit de «concilier l’esprit du supermarché et de
celui de la boutique. C’est peut-être l’esprit du rachat
par la Société générale, en avril, des activités de
“futures” de l’acteur américain du courtage Jefferies
(énergie, métaux, produits agricoles), très prisé par
une catégorie de clientèle institutionnelle parfois
réticente à s’adresser aux gros historiques, comme
Morgan Stanley ou Deutsche Bank.»
dES ÉTABLiSSEmENTS RECENTRÉS
SUR LEURS SPÉCiALiTÉS
«Aujourd’hui, on ne peut plus être la banque de tout
le monde, sur tous les produits et dans toutes les
régions», expose Gwenhaël Le Boulay, du Boston
Consulting Group. La plupart des BFI ont choisi de
se séparer d’activités n’ayant pas une masse critique,
La fiction de Guillaume maujean
Rédacteur en chef du
service finances et
marchés des Echos.
DR
 57
ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015
L’ENJEU dU mOiS
La banque du futur
sur lesquelles elles étaient moins
légitimes. Crédit agricoleCIB a
transféré la gestion de ses dérivés
actions aux équipes de BNP Pari-
bas – une première! Natixis a mis
fin à certaines activités corporate
en Allemagne et en Grande-
Bretagne pour se recentrer sur la
France, l’Italie et l’Espagne, et
abandonné certaines activités
d’arbitrage ou de shipping (finan-
cement du transport maritime).
Beaucoup se sont désengagés du
négoce dans l’énergie.
A contrario, les BFI valorisent
plus que jamais leurs points
forts: les dérivés pour BNP Pari-
bas, la dette pour le Crédit agri-
cole, le financement de projets,
d’avions et des matières pre-
mières chez Natixis. «En période
de ressources rares, chaque BFI
doit se demander comment les
optimiser et bien définir son mix
de produits, résume Laurent
Mignon. La BFI de demain sera
dominée par les soucis de clarté
stratégique, d’efficacité et de simplicité.»
L’iNTERNATiONAL, PROCHAiNE
SOURCE dE REVENUS
Jean Beunardeau en est convaincu: la banque d’in-
vestissement doit être encore plus internationale car,
« lorsque l’environnement est tendu et le client
sophistiqué, le “bon” investisseur se trouve souvent
à l’autre bout du monde». Le patron d’HSBC France
illustre sa réflexion par deux exemples récents :
«Quand le Mexique a émis une dette en euros à cent
ans, on n’a pas fait appel à des investisseurs mexicains
ni même américains ou latino-américains, mais à
des investisseurs en euros localisés en Europe, au
Moyen-Orient, en Asie. De même, quand Altice/
Numericable a émis une obligation à haut rendement
pour financer l’achat de SFR, il n’a pas eu d’autre
choix que de solliciter des Américains: ils étaient les
seuls à accepter le risque inhérent à un opération
classée “subinvestment grade”, pour un montant
aussi colossal que 12 milliards d’euros.»
Natixis aussi a renforcé son internationalisation:
son plan stratégique prévoit qu’elle tirera plus de la
moitié des revenus de l’étranger à l’horizon 2017.
Dans cette logique, la banque a récemment pris part
au financement du rachat du Club Med par son client
chinois Fosun et figuré parmi les quatre banques
(deux chinoises et deux occiden-
tales) derrière la méga-acqui-
sition du numéro 1 mondial du
porc, l’américain Smithfield, par
le chinois Shuanghui.
Cette tendance se heurte néan-
moins aux différences de régle-
mentations nationales. «Quand
vous êtes patron d’une BFI et
que vous voulez accompagner
vos clients partout dans le
monde, les écarts d’exigence et
de périmètre entre les zones
géographiques sont un casse-
tête, explique Marc Van Cae-
neghem, de Deloitte. Alors qu’il
s’agit en théorie d’un métier
mondial avec une même logique
transfrontières, l’activité est en
réalité de plus en plus découpée
selon les contraintes territo-
riales particulières.»
LE GRANd RETOUR
dE LA RELATiON CLiENT
In fine, dans un contexte aussi
tendu, la seule manière pour les banques d’aug-
menter leurs revenus est de facturer davantage des
services collant parfaitement à la demande des
clients. «Les BFI doivent encore gagner en intimité
avec eux, pour mieux anticiper leurs besoins et leur
rendre des services à forte valeur ajoutée», préconise
Pierre Reboul, de Roland Berger. Plus réputée pour
son expertise technique que pour la qualité de ses
relations clientèle, la Société générale vient de créer
une équipe chargée de soigner un réseau de plu-
sieurs centaines de grands clients, notamment
étrangers, qui ne bénéficiaient pas d’un suivi per-
sonnalisé et pouvaient se voir proposer des produits
de façon disparate.
«Fini le temps où les traders des marchés de capi-
taux faisaient seulement du deal, à très forte marge,
sans analyser le contexte du client et les liens entre
cette opération de marché et les autres lignes
d’activité, confirme Gwenhaël Le Boulay. Il leur
faut apprécier les besoins des clients dans leur
globalité. » Comme le conclut Laurent Mignon,
« la vraie révolution de la BFI, c’est qu’elle doit
se mettre au service de ses clients et ne faire que
cela ». Ce n’était pas toujours le cas avant la crise :
« Lorsqu’elle faisait du “prop trading” (des
opérations pour compte propre hautement spécu-
latives, NDLR), ce n’était pas dans l’intérêt de sa
clientèle… » ISABELLE LESNIAK
La vraie révolution
de la banque
d’investissement, c’est
qu’elle doit se mettre au
seul service de ses clients.»
Laurent Mignon, Natixis
CHRISTIANHARTMANN/REUTERS
bit.ly/Enjeux-Banque
A quoi ressem­
blera la banque
d’investissement
de demain?
Réponses des
intéressés sur le
site des Echos.

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Le Digital et la Banque

  • 1. l’enjeu du mois Rubrique 46 enjeuX les eCHos / juin 2015 Finance Le développement des technologies numériques et l’arrivée de concurrents venus du Web secouent un secteur qui a trop longtemps vécu sur ses acquis. De la banque de détail à la banque d’investissement, tous les acteurs cherchent à se réagencer. le digital fait sauter la banque
  • 2. n n n L’enjeu du mois Après l’hôtellerie, la grande distribution, la musique, est-ce au tour de la banque de voir son modèle totalement remis en cause? Elle bouge, en tout cas. L’industrie financière est certes à part, protégée en un sens par les fortes contraintes réglementaires et techniques qui s’imposent à elle. Mais le consommateur veut une autre banque, mobile, accessible, transparente. Les établissements revoient leur relation au client (p. 48). Ce qui ne signifie pas forcément la fin de l’agence, comme le montre notre reportage sur la côte Ouest des Etats-Unis (p.52). En banque d’investissement, les grands comptes, eux aussi, ont de nouvelles exi- gences. Ils réclament une offre qui prenne en compte tous leurs besoins, et à des tarifs très compétitifs. Avec des règles prudentielles toujours plus strictes, la ren- tabilité va souffrir et les banquiers d’affaires devront faire preuve d’inventivité (p.54). Moyennant quoi la banque devrait éviter, au moins dans l’immédiat, l’«ubérisation» radicale mise en scène dans notre fiction, située en 2045 (p.56). K. D. M. FLORENCE BAUCHARD, ISABELLE LESNIAK, GUILLAUME MAUJEAN ET LUCIE ROBEQUAIN À PORTLAND ILLUSTRATIONS: KAROLIS STRAUTNIEKAS  47 ENJEUX LES ECHOS / juin 2015
  • 3. 48 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur Faire un virement en deux clics, consulter son solde régulièrement: depuis qu’il a un téléphone portable, Kévin, 23 ans, salarié en alternance dans le privé, n’a plus besoin d’aller à son agence pour gérer son compte bancaire. Quant à Pierre-Yves, 49 ans, pro- fesseur de lycée en région parisienne, il est ravi d’avoir transféré son compte principal à la banque en ligne ING Direct et recommandé à son fils de 18 ans d’en faire autant. « Depuis 2012, mes frais bancaires ont baissé, je peux retirer des espèces dans n’importe quel distributeur sans pénalité, et j’ai un conseiller en ligne quand j’en ai besoin.» A l’heure d’Internet et du smartphone, le client, quel que soit son âge, n’est plus le même. Nomade, impa- tient, mieux informé, il est de plus en plus exigeant sur l’accessibilité et la qualité du conseil, même si ses visites en agence se raréfient. En même temps, il rechigne à payer pour un service de plus en plus imma- tériel, auquel s’intéressent en outre de près les géants d’Internet et de la téléphonie. Après l’industrie du tourisme, les producteurs de biens culturels et la grande distribution, la banque va-t-elle à son tour voir son modèle économique totalement remis en cause? Préservées par des exigences réglementaires de pro- tection des déposants et une certaine inertie des clients, les banques françaises ont longtemps fait le gros dos. Mais plutôt que de subir un changement de paradigme, elles commencent à bouger. D’autant que leurs prin- cipaux moteurs de rentabilité toussent. La baisse des taux d’intérêt – à des niveaux inédits – les prive d’une de leurs principales sources de bénéfices: la rémuné- ration du placement des dépôts a chuté. «Engagé depuis cinq ans, ce phénomène est appelé à durer», souligne Jérôme Barrué, partenaire du cabinet Roland Berger. Quant aux commissions, elles sont contestées à la fois par le régulateur et le consommateur. Résul- tat: les banques doivent absolument alléger leurs coûts et trouver d’autres sources de profit, sans perdre le contact avec le client. Le départ à la retraite des effec- tifs recrutés lors du massif essor bancaire des années 70-80 va certes simplifier la rationalisation de leurs activités. Une aubaine pour rattraper par la peau du cou un consommateur courtisé et déjà séduit par des acteurs alternatifs et… glamours. Aujourd’hui, les Google, Apple, Facebook, Amazon (GAFA), les opé- rateurs de téléphonie et une armada de start-up s’at- taquent aux paiements électroniques. Demain, d’autres prérogatives bancaires pourraient être visées. dANS L’ESPRiT «BOUTiQUE» La Banque postale, BNP Paribas, le Crédit agricole, LCL, la Société générale et consorts: depuis trois ans, les majors de la banque de détail en France ont amorcé leur métamorphose. Les réseaux se contractent, les concepts d’agence évoluent, les mis- sions et le modèle de rémunération des conseillers aussi. Avec une obsession du service inspirée de l’hôtellerie, des Apple Stores ou encore d’Amazon. A Paris, le Crédit agricole de la rue des Martyrs, dans le IXe arrondissement, fait partie des huit agences Remue-ménage dans les agences: à l’heure d’Internet et du smartphone, les grands réseaux ont compris qu’ils devaient revoir leur offre produit, personnaliser leurs conseils et même repenser leurs locaux. Le tout avec l’obsession du service. LA BANQUE DE DÉTAIL REMET LE CLIENT EN AVANT DE LA CARTE BANCAIRE AU CROWDFUNDING, PRÈS D’UN DEMI-SIÈCLE D’INNOVATIONS 1967 Première carte de paiement en France, lancée par six banques. 1968 Premier distributeur automatique de billets à Paris. En 2014, la France en compte 58640. 1971 Première carte à piste magnétique. 1973 Lancement du paiement par carte à l’étranger. 1974 Roland Moreno invente la carte à puce. Ce système apporte une sécurité renforcée par rapport à la piste magnétique. En 2014, les 82,2 millions de cartes bancaires en circulation en France représentent près de 50% des paiements, contre 13% pour les chèques. 1980 Premiers terminaux de paiement électronique. 1984 Création du groupement des
  • 4.  49 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur pilotes du programme Ambitions 2015 de la banque verte. Depuis l’automne der- nier, les locaux ont fait peau neuve et fonctionnent en continu. Dans l’agence devenue «boutique», des salons vitrés aux tons clairs ont remplacé les bureaux à l’ancienne. Les ordinateurs sont munis d’un bras articulé pour pouvoir partager plus facilement leur contenu avec le client, ainsi associé à la «co-construction» de ses projets! A l’entrée, plus de guichet, mais une simple borne d’accueil où le client s’annonce nominativement, avant de s’installer dans un petit salon confor- table équipé en wi-fi. Là, il peut feuilleter un journal, regarder la météo et autres informations sur un grand écran plat, ou consulter son compte sur une tablette gra- cieusement mise à disposition, en atten- dant son rendez-vous. Entre-temps, le conseiller chargé de l’accueil ce jour là – la fonction est devenue tournante dans un souci de polyvalence – lui aura proposé un café. Bilan de l’opération: «Un changement qualitatif apprécié autant par les clients que par les collaborateurs ou les commerçants du quartier», selon la directrice de l’agence, Marilyne Veronese. D’ailleurs, l’indice de satisfaction client dépasse la moyenne du réseau tra- ditionnel d’Ile-de-France. Et le nombre d’incivilités a baissé. C’est aussi une véritable révolution pour les collaborateurs de l’agence, qui doivent développer leurs compétences pour être davantage conseiller que vendeur, dans une approche plus collaborative avec le client et leurs collègues. «A l’instar du secteur du luxe, nous avons suivi des for- mations comportementales, de l’accueil jusqu’à la clôture de l’entretien avec le client pour tendre vers l’excellence rela- tionnelle», explique Marilyne Veronese. Et la rémunération n’est plus fixée en fonc- tion du nombre de produits vendus! Aux Etats-Unis, la banque Umpqua a poussé très loin ces principes (lire p. 52). Mais l’heure n’est plus au modèle unique. Sur les traces de la grande dis- tribution, les établissements bancaires multiplient les formats d’agence et les modes d’interaction avec les clients, du mail jusqu’aux services proposés unique- ment en ligne. Indispensable pour main- tenir ou retrouver la proximité avec la clientèle. Pour sa part, BNP Paribas a distingué trois formats: l’«express» – le plus basique – pour les opérations simples (virement, retrait, etc.), unique- ment en zone urbaine; le «conseil» pour la grosse cavalerie avec si besoin des spécialistes métiers joi- gnables par visioconférence; et, enfin, le «projet» pour s’entretenir, en direct, avec ces mêmes spécia- listes installés dans un espace plus important n n n cartes bancaires. L’interbancarité permet d’utiliser sa carte dans n’importe quel distributeur. 1999 Lancement du porte-monnaie électronique Moneo pour les petits montants. Ce dernier n’a jamais trouvé son marché. Quinze ans après, les banques l’abandonnent pour se tourner vers le paiement sans contact. 2000 Le néerlandais ING lance la première banque entièrement en ligne dans l’Hexagone. Depuis, les sites se multiplient. Cette année, ils représentent une ouverture de compte sur trois en France. 2004 Paypal, le système de paiement électronique sans communiquer ses coordonnées bancaires, ouvre un bureau en France. Un café branché? Non, c’est une agence du Crédit Agricole Ile- de-France, avec borne d’accueil tactile et salons aux teintes claires. CHIFFRES CLÉS 5,5 millions de personnes ont consulté un site bancaire en février 2015. SOURCE: MÉDIAMÉTRIE 37862 agences en 2013, soit 581 par million d’habitants. SOURCE: BCE 371000 salariés, dont 70% dans la banque de détail. SOURCE: FBF YVESFORESTIER/ALKAMA/CRÉDITAGRICOLE
  • 5. 50 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 en ville. Les procédures se digitalisent. SMS, mail, chat, application dédiée ou visioconférence: les canaux d’échange avec le client se multiplient; le suivi de ses opérations doit se faire sans rupture. D’ici à fin 2019, l’ensemble du réseau BNP Paribas aura été converti. Montant de l’investissement: 210 millions d’euros et 700 à 1000 recrutements supplémentaires de conseillers spécialisés. Objectif: «Dépasser le seuil d’un client sur deux très satisfait, donc une augmen- tation de 20% par rapport à la situation actuelle», prévoit Raphaèle Leroy, responsable des relations consommateurs de BNP Paribas en France. Aucune banque traditionnelle n’est encore, toute- fois, passée au 100% numérique. «Si la banque au quotidien est entièrement digitalisée, observe Oliver Gavalda, directeur du pôle caisses régionales Crédit agricole SA, 80% des opérations complexes se passent toujours en agence.» Mais toutes les banques de réseau testent différentes formules à travers des filiales dédiées: du site 100% mobile de BNP Paribas (Hello Bank) à des concepts multisupport comme BforBank du Crédit agricole ou Boursorama de la Société générale. Leur clientèle type: un CSP+ urbain, tren- tenaire, multibancarisé. «Cela reste un marché de niche et à faible valeur ajoutée», estime Axel Reinaud, du Boston Consulting Group. Même s’il est toujours en croissance. «Aujourd’hui, une ouverture de compte sur trois s’effectue auprès d’une banque en ligne», souligne Marie Cheval, PDG de Boursorama, qui constate une très nette accélération depuis l’automne 2013. Les pure players comme le néerlandais ING, présent en France depuis quinze ans, sont rares. Leur palette de produits reste relativement simple, même si elle s’enrichit progressivement. Mais leur rapport qualité/prix pour des services de base est imbattable et leur vaut une très bonne cote auprès des consom- mateurs. «Boursorama a un taux de recommandation de ses clients de 92%», ajoute Marie Cheval (voir aussi la rubrique Money, p.96). UN COMPTE CHEZ LE BURALISTE, C’EST NICKEL Depuis deux ans, la banque à distance attire de nou- veaux acteurs. En 2014, l’assureur Axa a lancé Soon avec trois start-up. Un concept low cost sur mobile plutôt destiné aux jeunes, doté d’une innovation venue des Etats-Unis, qui permet de connaître son solde en temps réel. Pas de campagne marketing classique, mais un teasing via un partenariat avec Facebook. n n n 2009 Création du Bitcoin, par un mystérieux Satoshi Nakamoto – sans doute un pseudo. Un an après, il est possible d’échanger cette crypto- monnaie contre de l’argent. 2011 Le groupe Carte Bleue agrée le premier terminal pour les paiements sans contact. 2012 Le Crédit agricole, le CIC, BNP Paribas et Crédit du Nord lancent la carte de paiement sans contact. 2013 BNP Paribas lance la première banque à distance 100% mobile. 2015 BNP Paribas, le groupe BPCE, la Banque postale et la Société générale testent le paiement sur mobile avec Android. La plate-forme de crowdfunding Kickstarter arrive sur le marché français. Débat sur la portabilité du numéro de compte bancaire, pour faciliter le changement d’établissement. KAROLISSTRAUTNIEKAS
  • 6.  51 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur La Financière des paiements électroniques, cofondée par l’ancien directeur de la communication de la Société générale, Hugues Le Bret, propose depuis quelques mois le compte Nickel, qui se bloque une fois vide. Ainsi, plus d’agios pour découvert. Parti- cularité: il se souscrit auprès des buralistes. «Destiné initialement à une clientèle plutôt populaire, le compte Nickel a également séduit des catégories plus aisées qui l’utilisent comme deuxième ou troisième banque pour acheter sur Internet ou voyager à l’étran- ger, explique Hugues Le Bret. Dès septembre, nous nous adresserons également aux 12-18 ans, chez les- quels il y a une forte demande de comptes bloqués.» Le concept suscite beaucoup d’intérêt chez les acteurs traditionnels. Le Crédit agricole et la Banque postale envisagent de lancer leur propre version. Et Hugues Le Bret a déjà reçu une dizaine de demandes pour adapter son produit dans d’autres pays européens. Ces incursions restent toutefois limitées. En revanche, une concurrence autrement plus sérieuse se précise sur les paiements électroniques. Systèmes de paiement, monnaies virtuelles, vire- ments, paiements sans contact à partir d’un télé- phone ou d’une montre…Les initiatives fourmillent, que ce soit au sein des GAFA, des opérateurs télécoms ou dans l’industrie en pleine explosion des «fintechs» (start-up spécialisées dans les services financiers). Les banques suivent ces évolutions de près, y compris via des incubateurs comme ceux du Crédit agricole ou de BNP Paribas, voire des prises de participation. Boursorama a racheté en début d’année la jeune pousse Fiduceo, spécialisée dans l’agrégation de comptes bancaires et de données de facturation. «Un signe assez fort du rapprochement de ces deux mondes », estime Sylvain Fagnent, du cabinet de conseil Octo. Et ce n’est qu’un début. Les paiements ne sont pas des services à forte valeur ajoutée, mais une activité à fort volume. L’intérêt pour les nouveaux entrants ? Les données qui y sont liées, les fameuses «data»… Certaines banques sont prêtes à s’associer avec ces challengers, d’autant qu’elles n’ont ni leur agilité ni leur maîtrise de l’exploitation des données personnelles. Leur crainte: «être can- tonnées à un rôle technique», note Bruno de Saint- Florent, du cabinet Oliver Wyman. Sans profiter de la manne des dites données. Pierre Janin, le directeur général d’Axa Banque, reste serein: «Les GAFA ne sont pas vraiment une menace, leur enjeu étant essen- tiellement une captation des données en tant que telles. En revanche, leur capacité à interagir avec les clients doit nous inspirer!» Au-delà des paiements, d’autres fonctions histo- riques des banques sont également attaquées. Comme le prêt entre particuliers ou le crowdfunding, qui court-circuitent les prêteurs traditionnels. Après l’américain Prêt d’Union, Kickstarter vient d’arriver en France. Et demain, d’autres prestations pourraient être proposées: notation des conseillers, coffre-fort électronique (pour l’archivage sécurisé de documents personnels) ou d’autres outils de simplification, d’op- timisation et de personnalisation de gestion de l’épargne. A des coûts très compétitifs! L’arrivée de nouvelles générations de clients nées à l’ère du numérique devrait accélérer le chamboulement du secteur. Techniques, culturelles ou réglementaires, les barrières à l’entrée restent néanmoins fortes. «Les banques classiques sont les seules à fournir des ser- vices globaux», observe Julien Maldonato, directeur conseil chez Deloitte. En dépit du défi- cit d’image lié aux excès du début des années 2000, les établissements bancaires bénéficient encore d’un capital de confiance essentiel quand on parle d’argent. Et les exigences de la réglementation restent suffisamment sévères pour ralentir l’émer- gence de challengers. Il suffit de voir les réticences des organismes de supervision bancaire, voire des Etats, à laisser prospérer le fameux Bitcoin, la plus médiatique des devises virtuelles. Au nom de la protection du consommateur et de la lutte contre le blanchiment d’argent. Florence Bauchard CE QUE ÇA VA CHANGER Les banquiers vont devoir s’adapter Trouver d’autres sources de profit: la rémunération des dépôts et les commissions sont en berne. Alimenter le marché du crédit, malgré des ratios (solvabilité et fonds propres) plus exigeants. Revoir le management et la prise en charge du client. Former massivement le personnel pour monter en compétences. Investir dans les technologies numériques. Exploiter les données clients (Big Data). Résister à la concurrence d’outsiders sur les paiements. Les clients vont en profiter Des tarifs plus transparents. Des services moins chers. Un conseil personnalisé plus pointu et réactif. Un accès simplifié sur de multiples canaux. Des modalités de paiement et de financement plus variées et plus souples. La concurrence est la plus active dans les paiements électroniques, à faible valeur ajoutée mais générateurs de Big Data.
  • 7. 52 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur Le réseau bancaire Umpqua, originaire de l’Oregon, mise à fond sur le facteur humain. Il essaime des agences d’un nouveau type, qui organisent des soirées ciné pour les enfants ou des séances de coaching pour les PME. Les clients adorent, les employés aussi. A PORTLAND, ON CROIT ENCORE AUX AGENCES La cycliste a posé son vélo près des ordinateurs. Avachie dans un canapé, elle passe des coups de fil en avalant un thé et quelques cookies. A côté d’elle somnolent deux jeunes, café à la main. Comme eux, les habitants de Portland sont nombreux à venir tuer le temps chez Umpqua. La banque – car c’est en une– n’y trouve rien à redire. Pure produit de Port- land –l’une des villes les plus innovantes, voire alter- natives, d’Amérique–, elle aspire à être tout ce que les banques traditionnelles ne sont pas: un lieu de rencontre où il fait bon flâner et qui participe à la vie du quartier. Par leur design, les agences ne sont pas très différentes des magasins Apple. Lumi- neuses et branchées, elles proposent des tablettes et des ordinateurs en libre- service, ainsi que les jour- naux du jour. « Nous ne parlons pas d’agence ban- caire, mais de magasin, corrige d’ailleurs Eve Cal- lahan, vice-présidente chez Umpqua. L’idée est que les gens vivent une expérience différente et qu’ils aient envie de revenir. Pourquoi les banques s’interdiraient- elles d’être sympas ? » La musique invite à la détente. Au fond de l’agence se trouve une biblio- thèque, où l’on vient se réfugier les jours de pluie. Les visiteurs peuvent même embarquer les livres qu’ils n’ont pas finis. Des chocolats sont offerts aux guichets pour conclure chaque échange. «C’est tout bête, mais c’est l’une des choses les plus appréciées chez nous», observe Eve Callahan. Les artisans du coin sont invités à exposer leurs pro- duits en vitrine. Ils sont vendus par les agents d’Ump- qua sans la moindre commission. Les PME peuvent également réserver une salle gratuitement pour leurs réunions, quand bien même elles ne sont pas clientes de l’établissement. «Le pari, bien sûr, c’est qu’elles penseront à nous quand elles voudront grandir et se financer», remarque la vice-présidente. Des événe- ments sont aussi organisés en soirée. Les directeurs d’agence disposent d’une petite cagnotte pour faire ce que bon leur semble. «Tout dépend du quartier où ils se trouvent. Dans un quartier familial, nous ferons le choix de soirées cinéma pour les enfants. Dans d’autres, ce sera plutôt des cours de yoga ou des séances de coaching pour les PME», précise Eve Callahan. La banque ne dépense en revanche pratiquement aucun centime dans le marketing traditionnel: elle n’envoie pas de courrier pour vendre ses crédits autos et immo- biliers, comme le font les autres banques. «Tout ça, c’est du marketing passif. Notre but, c’est de provo- quer des expériences », explique-t-elle. Le plus fascinant reste encore ce téléphone «vin- tage» planté au milieu de chaque agence. Il permet d’accéder directement au PDG, Ray Davis. Difficile d’y croire avant d’essayer. Mais c’est bien lui qui répond lorsque l’on soulève le combiné. Il reçoit envi- ron cinq appels par semaine. «La plupart du temps, ce sont des enfants ou des journalistes qui veulent vérifier que c’est bien moi au bout du fil, sourit-il. Mais j’ai aussi des gens en colère contre leur banquier qui exigent de moi des solutions immédiates.» Cette proximité serait difficilement concevable dans une grande banque nationale. Umpqua compte à peine un demi-million de clients. Elle possède 350antennes et n’affiche guère plus de 22 milliards d’actifs. Mais son modèle est suffisamment révolu- tionnaire pour attirer l’attention de la presse nationale, et avec elle celle des géants de Wall Street. Ray Davis, AARONLEITZPHOTOS:
  • 8.  53 ENJEUX LES ECHOS / Juin 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur qui a repris la banque en 1994 avec une quarantaine d’employés, en a embauché cent fois plus depuis. Plutôt que de singer les géants de l’industrie bancaire, il a cherché à copier ce qui se faisait de mieux dans la distribution et l’hôtellerie. Alors que l’on ne jure plus que par la banque en ligne, lui reste convaincu que le futur exige, aussi, un retour de l’humain. Une intuition qu’il n’est pas le seul à avoir, puisqu’au Royaume-Uni, Vernon Hill tente d’imposer le même modèle avec Metro Bank. «Ray Davis a passé plusieurs mois à décortiquer les modèles de Gap, de la chaîne hôtelière de luxe Four Seasons et du Ritz Carlton. Il a voulu gommer tous les aspects qui énervent tant les clients des banques», raconte Eve Callahan. Rien de plus agaçant, par exemple, que de venir négocier un prêt et d’ap- prendre que l’expert du sujet est parti déjeuner pour une heure. Umpqua a donc imposé le concept d’employé «universel»: les agents doivent être polyvalents et répondre à toutes les demandes qui leur sont soumises. Rien ne les prédisposait à ça: «Nous ne recrutons pas particulièrement des financiers. Nous préfé- rons débaucher des ven- deurs chez Apple et Star- bucks, qui ont une vraie culture du service », déclare Eve Callahan. Une fois leur contrat signé, ils reçoivent une formation au Ritz Carlton pour parfaire leurs qualités d’accueil. Ils passent ensuite plusieurs semaines dans une université propre à Umpqua, pour se familiariser avec les métiers de la banque. Le luxe a un prix: comme Apple, Umpqua assume des tarifs supérieurs à la concurrence. «Nous ne cherchons pas à être les moins chers du marché», reconnaît Eve Cal- lahan. Les clients perçoivent des taux de rémunération un peu moins élevés que dans les autres banques et acquittent des commissions un peu supérieures. Pour certains analystes, le pari est perdu d’avance: les Américains rendent de moins en moins visite à leurs conseillers. Ils essaient de faire le plus d’opé- rations possible sur leur téléphone ou leur ordinateur. Les transactions effectuées en agence baissent d’en- viron 10% par an aux Etats-Unis. Le modèle d’Ump- qua est pourtant florissant, en tous cas pour l’instant: au cours de la dernière décennie, il a vu ses revenus augmenter de 13% par an en moyenne. Les crédits ont augmenté de 8% l’an dernier, tout comme les dépôts bancaires. Présent dans cinq Etats (Oregon, Washington, Californie, Nevada et Idaho), il est en train de s’étendre vers l’Utah et l’Arizona, pour viser à terme New York, puis Londres. La preuve qu’il y a au moins une niche à occuper. Les employés semblent aussi heureux que leurs clients: chaque année, Umpqua figure parmi les meilleures entreprises des Etats-Unis en qualité de vie au travail (classement Fortune). Les journées ne débutent pas comme dans les autres entreprises : dans toutes les agences ont lieu des «moments de motivation», qui permettent de souder les équipes. Les batailles de chamallows sont courantes, tout comme les jeux de chaises musicales. Pour inté- grer les salariés à la vie de quartier, la banque les encourage à consacrer chaque année 40 heures de leur temps de travail à une cause personnelle (projet humanitaire, association scolaire, etc.). Plus de 80% des salariés y recourent. La notoriété d’Umpqua s’étend bien au-delà des cercles financiers: «Je ferais tout pour qu’ils me recrutent ! » s’exclame Scott Thompson, un quadragénaire de Portland, qui a long- temps travaillé pour Amazon et Intel. Rares sont les banques, américaines ou européennes, qui par- viennent à susciter un tel engouement aujourd’hui… Lucie Robequain, envoyée spéciaLe à poRtLand Nous recrutons des vendeurs de chez Starbucks ou Apple pour leur culture du service.» eve callahan, vice-présidente d’Umpqua
  • 9. 54 ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur La crise financière de 2008 a provoqué un séisme dans l’univers feutré des banques de financement et d’investissement car les Etats et les autorités de régulation ont décidé de leur serrer la vis. Voici comment elles se réorganisent. UNRÉGIMESÉVÈREPOURLA BANQUE D’INVESTISSEMENT C’est ce qu’on appelle une cure d’amaigrissement dras- tique! Après la crise financière de 2008, déclenchée par la faillite de Lehman Brothers, plus rien ne sera comme avant dans la banque d’investissement. Aux Etats-Unis comme en Europe, les Etats ont peu appré- cié d’être pris en otage par des établissements financiers «trop gros pour faire faillite». Les contribuables ont peu goûté de devoir renflouer un secteur qu’ils jugent sévèrement, révèlent les études d’opinion. Le Congrès à Washington, le Parlement européen et les Vingt-Huit à Bruxelles, le G20, tous ont consi- dérablement durci les règles du jeu. Certaines dis- positions ne font qu’entrer en vigueur; mais elles vont modifier le métier en profondeur. Selon la dernière étude annuelle du cabinet Oliver Wyman et de Morgan Stanley, publiée le 19 mars, les banques d’investissement ont réduit la taille de leur bilan de 20% depuis 2010 dans le monde, en se débarrassant de leurs activités les moins rentables et de leurs produits risqués, pour se conformer aux nouvelles réglementations. Et la diète n’est pas terminée: selon ce rapport, il leur faut encore diminuer leurs capacités de 5 à 8%. Les banques de financement et d’investissement (BFI) continuent certes de peser lourd dans cette industrie. Selon le Boston Consulting Group, près de la moitié des revenus des banques, au niveau international, provient encore des activités de finan- cement des entreprises. La question, c’est de savoir quels services justifieront ces revenus à l’avenir. TOUJOURS PLUS dE CONTRAiNTES RÉGLEmENTAiRES La crise a entraîné une inflation des réglementa- tions. Le G20 et son Conseil de stabilité financière ont, en 2010, publié les accords de Bâle III, tirant la leçon du manque de liquidité et des faillites sur- venues après 2007. Désormais, les grandes banques internationales sont contraintes d’augmenter la quantité et la qualité de leurs fonds propres et de mieux gérer leur risque de liquidité. Via des coussins KAROLISSTRAUNIEKAS
  • 10.  55 ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur de sécurité. Un LCR (Liquidity Coverage Ratio) d’un mois pour faire face aux problèmes de court terme, et un NSFR (Net Stable Funding Ratio) pour ceux de moyen terme (un an). « Les activités de BFI sont celles qui ont été le plus impactées par le tsunami réglementaire, reconnaît Laurent Mignon, directeur général de Natixis, dont la banque d’investissement représente 40% de l’acti- vité. Il va falloir vivre avec. » Car le mouvement est loin d’être terminé ! «Dès la fin de l’année, les banques de la zone euro vont devoir financer au prorata de leur bilan le méca- nisme de résolution unique destiné à soutenir éven- tuellement les établissements en difficulté, indique Jean Beunardeau, patron de la filiale française d’HSBC, où la BFI génère 60% du résultat et emploie 1 400 personnes. Cela nous désavantage car les concurrents américains n’auront pas cette contrainte. » La Commission européenne a aussi ouvert une consultation publique sur le fonction- nement des marchés de titrisation, cette opération qui consiste à transférer des actifs financiers à d’autres investisseurs en les transformant en obli- gations, par exemple. Cela pourrait déboucher sur l’élaboration d’un cadre européen pour des opéra- tions «simples, transparentes et standardisées». AdiEU AUX RENTABiLiTÉS À dEUX CHiFFRES L’ensemble des réglementations a déjà coûté plusieurs points de rentabilité aux BFI. Sept ans après la crise, les deux tiers ont une rentabilité inférieure au coût du capital, selon une étude récente menée par le Boston Consulting Group auprès de 250 établissements (« Global Corporate Banking 2015 »). Malgré les vastes plans de réduction des coûts menés depuis 2008, en Europe occi- dentale en particulier, la plu- part souffrent de profits néga- tifs ou en baisse. « On ne peut plus promettre aux action- naires un Return on Equity (rentabilité des capitaux propres) de 20 ou 30% comme dans les années fastes. Dans le monde, le ROE est tombé à 7% en 2014, selon notre étude. En Europe, il tourne plutôt autour de 10%, et pourrait atteindre 4% à 8% d’ici trois ans», prédit Gwenhaël Le Bou- lay, associé au Boston Consulting Group. En plus des contraintes réglementaires, l’explosion des coûts des litiges pèse sur la rentabilité. Entre 2013 et 2014, les frais liés aux procédures légales sont passés de 9 à 19% des dépenses des BFI, selon le BCG ! Il n’y a qu’à se souvenir des amendes monstres infligées à JP Morgan par les régulateurs américains. « Dans d’autres secteurs, un tel envi- ronnement provoquerait inévitablement des fusions, poursuit Gwenhaël Le Boulay. Mais pas dans la banque, où les régulateurs refusent de laisser se constituer des géants, dont la faillite entraînerait des risques systémiques encore plus importants qu’aujourd’hui.» dES BiLANS NETTOYÉS À LA PAiLLE dE FER La crise a accéléré la «désintermédiation». Pour limiter la consommation de fonds propres, les banques ne conservent plus à leur bilan les crédits qu’elles octroient. Dans cette logique «asset light», Natixis a imposé «une gestion stricte de ses ressources rares: bilan, fonds propres et liquidité», précise son patron Laurent Mignon. «Le travail des BFI consiste de plus en plus à aider les entreprises à aller sur les marchés de capitaux et de moins en moins à leur prêter à long terme sur leur bilan», considère Jean Beunardeau. «Au lieu de porter les actifs jusqu’à échéance et de financer l’économie réelle à par- tir des dépôts collectés, les BFI souscrivent les opérations et les structurent pour qu’elles puissent être titrisées et vendues à des investisseurs: assureurs, hedge funds, fonds souverains», détaille Damien Leurent, asso- cié chez Deloitte. Ce modèle, courant aux Etats- Unis depuis la fin des années 70, gagne l’Europe où les banques restent toutefois les principales pourvoyeuses de fonds des entreprises. Si ce mouvement a l’avantage de transférer les risques vers les marchés, les BFI voient leurs revenus de l’activité de finance- ment baisser, comme le souligne une analyse des Echos Etudes (ex-Eurostaf) de mai 2013 : «Dans un prêt traditionnel, la banque a des revenus n n n Notre travail consiste de plus en plus à aider les entreprises à aller sur les marchés de capitaux.» Jean Beunardeau, HSBC France JEAN-CHRISTOPHEMARMARA
  • 11. 56 ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur n n n En descendant le perron de l’Elysée, ce 8 juin 2045, Jean- Frédéric Oudafé sent un énorme poids s’abattre sur ses épaules. Il vient d’acter la dis- parition de SBP, la dernière banque privée de France, adossée sous la contrainte des pouvoirs publics à La Banque postale. Comment un établis- sement qui pesait encore 5000 milliards d’euros d’actifs et 300000 employés en 2015 en est-il arrivé là ? Dix fois, cent fois, le patron refait le film dans sa tête. Il se souvient que le premier acte du déclin de l’industrie bancaire a été signé ici même, à l’Elysée. A peine élue à la prési- dence de la Répu- blique, Marine Le Pen a mis en œuvre ses pro- messes de campagne: la France est sortie de l’euro, la taxe Tobin a été triplée, les banques françaises ont été scin- dées en deux. En quelques mois, la place de Paris s’est vidée. La haute finance a migré vers Londres, New York ou Singapour. Seule la banque des particuliers et des PME a tenu, un temps, le choc. Inquiets des risques d’une nouvelle faillite bancaire, les régulateurs ont ensuite durci le ton. Aux termes de la réforme Bâle V, les banques devaient détenir pas moins de 25 euros de fonds propres pour accorder 100 euros de crédit… La moitié des établissements ont échoué aux stress tests de la Banque centrale euro- péenne. Une BCE qui ne leur a pas facilité la tâche, en abais- sant ses taux jusqu’à –2%. Les conditions financières n’étaient pas commodes. Les conditions commerciales… pires. Car Apple Pay et Orange Money se sont imposés comme des géants de la finance. Les cartes bancaires ont progressivement disparu. On a d’abord payé avec les smartphones, sup- plantés quelques années plus tard par des puces directement implantées sous la peau. En 2035, la France ne comptait déjà plus que 10000 agences bancaires, quatre fois moins qu’à leur pic. Peu à peu, les banques ont été cantonnées à la gestion de l’épargne. Puis les «robots ban- quiers » leur ont donné le coup de grâce. En agrégeant l’ensemble des don- nées personnelles, les algorithmes conce- vaient en quelques secondes les plans d’épargne et les portefeuilles d’investissement des clients. Les conseillers traditionnels ne pouvaient plus lutter. Jean-Frédéric Oudafé doit se rendre à l’évidence: la banque est devenue en quelques décen- nies la sidérurgie du xxie siècle. Il aimerait revenir trente ans en arrière. Mais même si c’était possible, pourrait-il anticiper tous ces bouleversements ? Saurait-il les contrer? Il monte dans sa Google Car, sans réponse à ses questions. Les nouveaux facteurs ont du pain sur la planche! 2045 : la banque, c’est fini récurrents qui viennent de la marge nette d’intérêt alors que, dans les opérations de placement, la rémunération est assurée par des commissions ponctuelles.» Selon les analystes d’Oddo Securities, la désintermédiation a déjà entraîné entre 12 et 18% de baisse des profits. « Les banques n’ont d’autre choix que de gérer plus activement leurs encours», estime Marc Van Caeneghem, associé chez Deloitte. PLACE AUX OPÉRATiONS dE PLUS EN PLUS STANdARdiSÉES «Avant la crise, la banque d’investissement fabriquait du cousu main: les opérations étaient souvent struc- turées et complexes, explique Marc Van Caeneghem. Aujourd’hui, les opérations ont tendance à se stan- dardiser tant dans leurs caractéristiques que dans leur processus de traitement, via les chambres de compensation (plates-formes organisées, plus trans- parentes que le gré à gré, NDLR). Les procédures sont de plus en plus industrielles.» Pour maintenir une certaine rentabilité en limitant leurs coûts de structure, les établissements s’efforcent de construire de véritables usines, capables de gérer un gros volume d’opérations standardisées portant sur des produits nettement moins exotiques qu’auparavant – certains dérivés de crédits très complexes et potentiellement dangereux ont disparu. Mais les BFI doivent parallèlement pouvoir pro- poser quelques spécialités sophistiquées, à forte valeur ajoutée, tarifées en conséquence. «Les deux logiques doivent coexister, juge Jean Beunardeau. Sur les marchés des changes, les opérations courantes peuvent passer par des plates-formes automatisées, mais quand un client a besoin de financer son déve- loppement dans des devises particulières, il faut pouvoir lui fournir du conseil sur mesure.» Comme le résume Pierre Reboul, du cabinet Roland Berger, il s’agit de «concilier l’esprit du supermarché et de celui de la boutique. C’est peut-être l’esprit du rachat par la Société générale, en avril, des activités de “futures” de l’acteur américain du courtage Jefferies (énergie, métaux, produits agricoles), très prisé par une catégorie de clientèle institutionnelle parfois réticente à s’adresser aux gros historiques, comme Morgan Stanley ou Deutsche Bank.» dES ÉTABLiSSEmENTS RECENTRÉS SUR LEURS SPÉCiALiTÉS «Aujourd’hui, on ne peut plus être la banque de tout le monde, sur tous les produits et dans toutes les régions», expose Gwenhaël Le Boulay, du Boston Consulting Group. La plupart des BFI ont choisi de se séparer d’activités n’ayant pas une masse critique, La fiction de Guillaume maujean Rédacteur en chef du service finances et marchés des Echos. DR
  • 12.  57 ENJEUX LES ECHOS / JUIN 2015 L’ENJEU dU mOiS La banque du futur sur lesquelles elles étaient moins légitimes. Crédit agricoleCIB a transféré la gestion de ses dérivés actions aux équipes de BNP Pari- bas – une première! Natixis a mis fin à certaines activités corporate en Allemagne et en Grande- Bretagne pour se recentrer sur la France, l’Italie et l’Espagne, et abandonné certaines activités d’arbitrage ou de shipping (finan- cement du transport maritime). Beaucoup se sont désengagés du négoce dans l’énergie. A contrario, les BFI valorisent plus que jamais leurs points forts: les dérivés pour BNP Pari- bas, la dette pour le Crédit agri- cole, le financement de projets, d’avions et des matières pre- mières chez Natixis. «En période de ressources rares, chaque BFI doit se demander comment les optimiser et bien définir son mix de produits, résume Laurent Mignon. La BFI de demain sera dominée par les soucis de clarté stratégique, d’efficacité et de simplicité.» L’iNTERNATiONAL, PROCHAiNE SOURCE dE REVENUS Jean Beunardeau en est convaincu: la banque d’in- vestissement doit être encore plus internationale car, « lorsque l’environnement est tendu et le client sophistiqué, le “bon” investisseur se trouve souvent à l’autre bout du monde». Le patron d’HSBC France illustre sa réflexion par deux exemples récents : «Quand le Mexique a émis une dette en euros à cent ans, on n’a pas fait appel à des investisseurs mexicains ni même américains ou latino-américains, mais à des investisseurs en euros localisés en Europe, au Moyen-Orient, en Asie. De même, quand Altice/ Numericable a émis une obligation à haut rendement pour financer l’achat de SFR, il n’a pas eu d’autre choix que de solliciter des Américains: ils étaient les seuls à accepter le risque inhérent à un opération classée “subinvestment grade”, pour un montant aussi colossal que 12 milliards d’euros.» Natixis aussi a renforcé son internationalisation: son plan stratégique prévoit qu’elle tirera plus de la moitié des revenus de l’étranger à l’horizon 2017. Dans cette logique, la banque a récemment pris part au financement du rachat du Club Med par son client chinois Fosun et figuré parmi les quatre banques (deux chinoises et deux occiden- tales) derrière la méga-acqui- sition du numéro 1 mondial du porc, l’américain Smithfield, par le chinois Shuanghui. Cette tendance se heurte néan- moins aux différences de régle- mentations nationales. «Quand vous êtes patron d’une BFI et que vous voulez accompagner vos clients partout dans le monde, les écarts d’exigence et de périmètre entre les zones géographiques sont un casse- tête, explique Marc Van Cae- neghem, de Deloitte. Alors qu’il s’agit en théorie d’un métier mondial avec une même logique transfrontières, l’activité est en réalité de plus en plus découpée selon les contraintes territo- riales particulières.» LE GRANd RETOUR dE LA RELATiON CLiENT In fine, dans un contexte aussi tendu, la seule manière pour les banques d’aug- menter leurs revenus est de facturer davantage des services collant parfaitement à la demande des clients. «Les BFI doivent encore gagner en intimité avec eux, pour mieux anticiper leurs besoins et leur rendre des services à forte valeur ajoutée», préconise Pierre Reboul, de Roland Berger. Plus réputée pour son expertise technique que pour la qualité de ses relations clientèle, la Société générale vient de créer une équipe chargée de soigner un réseau de plu- sieurs centaines de grands clients, notamment étrangers, qui ne bénéficiaient pas d’un suivi per- sonnalisé et pouvaient se voir proposer des produits de façon disparate. «Fini le temps où les traders des marchés de capi- taux faisaient seulement du deal, à très forte marge, sans analyser le contexte du client et les liens entre cette opération de marché et les autres lignes d’activité, confirme Gwenhaël Le Boulay. Il leur faut apprécier les besoins des clients dans leur globalité. » Comme le conclut Laurent Mignon, « la vraie révolution de la BFI, c’est qu’elle doit se mettre au service de ses clients et ne faire que cela ». Ce n’était pas toujours le cas avant la crise : « Lorsqu’elle faisait du “prop trading” (des opérations pour compte propre hautement spécu- latives, NDLR), ce n’était pas dans l’intérêt de sa clientèle… » ISABELLE LESNIAK La vraie révolution de la banque d’investissement, c’est qu’elle doit se mettre au seul service de ses clients.» Laurent Mignon, Natixis CHRISTIANHARTMANN/REUTERS bit.ly/Enjeux-Banque A quoi ressem­ blera la banque d’investissement de demain? Réponses des intéressés sur le site des Echos.