Décoder la culture brésilienne (Revue de l'actualité du commerce international)
1. NOUER LES PREMIERS CONTACTS
Le premier contact est le plus souvent très spontané
et chaleureux de par la convivialité naturelle des
Brésiliens, y compris dans la sphère professionnelle.
Cet art de l'accueil peut même nous apparaître
intrusif, à nous Français, tant la distance inter-
personnelle est réduite. Par exemple, il est
parfaitement naturel au Brésil de saluer
« doublement », la bise ou la poignée de
main étant le plus souvent accompagnée
d'une accolade, sans intention parti-
culière. Cette distance interpersonnelle,
réduite par rapport aux mœurs françaises,
se retrouve dans toutes les activités de la vie quoti-
dienne. Pour nouer le lien, il est donc important
d'accepter et de pratiquer cet abraço, qui caractérisera
le rapprochement et le lien amical avec l'interlocuteur
brésilien. Il s'agira d'une étape évolutive vers une
communication plus « informelle et directe ».
Dans la vie de tous les jours, comme dans le cadre
professionnel, les Brésiliens se montrent générale-
ment très disponibles et arrangeants : on voit
rarement un Brésilien refuser de vous recevoir pour
vous écouter et discuter, même s’il est occupé à faire
autre chose... Il arrêtera ce qu’il est en train de faire
pour se tourner vers vous. Cette caractéristique
culturelle rend les Brésiliens beaucoup plus « poly-
chroniques » que les Français. En effet, dans le monde
du travail, les Brésiliens sont tout à fait capables
d’effectuer plusieurs tâches en même
temps, avec cependant parfois certaines
difficultés à établir des priorités ou à
respecter rigoureusement des impé-
ratifs. Cette disponibilité, l'étranger doit
savoir la reconnaître, la respecter, mais
surtout la refléter pour ne pas blesser, le
moment de la réciprocité venu. Tout cela bien sûr
dans les limites imposées par la rigueur profession-
nelle, rigueur dont la définition même se retrouve
donc parfois en débat.
Dans ce contexte, un manager étranger plutôt orienté
« résultats » au détriment d'un management plus « par-
ticipatif », pourrait instaurer des relations trop
formelles. Dans une culture où l'esprit de groupe et
e Brésil est une société relativement moderne, capitaliste,
ouverte à la technologie, où la plus grande partie de la
population est chrétienne. Ce sont là des caractéristiques qui,
clairement, rapprochent cette société de celles d’Europe occi-
dentale, et notamment de la France. Cependant, l’appréhension
de la culture brésilienne, unique de par ses origines multicul-
turelles, peut réserver bien des surprises, en particulier sur le
plan professionnel.
Les Brésiliens peuvent se révéler très différents de nous,
Français, dans leur manière de penser, de communiquer et de
travailler. Ainsi, pour éviter tout faux pas, tisser un lien de confiance durable et garantir le succès d'un projet au
Brésil, il est fortement conseillé de posséder les outils nécessaires au décodage et à l’appréhension de la culture
brésilienne.
L Guillaume Sarrazin
g.sarrazin@intellso.com
Guillaume Sarrazin est le fondateur d’Intellso 1
, consultant,
expert du Brésil, spécialiste dans la veille économique du
marché brésilien et en formation interculturelle sur le Brésil.
Diplômé en Intelligence économique et conférencier auprès
de la FIA / FIPE (International MBA, écoles brésiliennes en
Management), Guillaume Sarrazin est co-auteur d'un
ouvrage en management interculturel brésilien, Bien coopé-
rer avec vos interlocuteurs brésiliens, dont la parution est
prévue au 1er
semestre 2014.
74 Accomex n° 110-111 - Brésil
Décoder la culture brésilienne, ou
l'art de communiquer avec les
Brésiliens
(1) Intellso est une société spécialisée dans la veille économique du marché brésilien ; elle élabore des études de marchés et des études de faisabilité et
propose des plans d'affaires : http://www.intellso.com
2. les relations humaines ont de l'importance, cela
entraînerait un climat de tension défavorable et
contre-productif.
SAVOIR SE METTRE À L'HEURE BRÉSILIENNE
Une autre notion importante, car quotidienne, à intégrer
rapidement, est la différence de rapport au temps entre
les Brésiliens et les Français, les premiers ayant un sens
très relatif de la ponctualité. Rarement un Brésilien
arrivera à l'heure à un rendez-vous, sans pour autant
avoir le sentiment d'être en retard. C'est ainsi que va le
train brésilien, sans horaire précis de départ ni d'arrivée,
et l'étranger n'a d'autre choix que de s'y faire
pour ne pas « y laisser tous ses cheveux ».
DÉVELOPPER SON RÉSEAU
Cette proximité et cette convivialité permet-
tent de développer rapidement des cercles
de connaissances et d’intégrer plus facile-
ment des réseaux d'affaires. Au Brésil,
ces réseaux sont incontournables pour se
construire socialement et professionnelle-
ment sur le long terme.
De manière générale, les rapports humains sont donc
moins protocolaires qu’en France, à tel point que
même certaines règles établies apparaissent discuta-
bles, voire contournables. En effet, dans un pays régi
par une administration nébuleuse, on peut être rapi-
dement frappé de découvrir qu'il semble toujours
exister un jeitinho (littéralement, « petite façon de
faire »), sorte de moyen parallèle d'obtenir simplement
ou plus rapidement quelque chose d'a priori présenté
comme impossible. Cette notion, apparemment
dénuée de vertu, semble alimenter l'inébranlable pos-
itivisme brésilien.
A contrario, il sera d'autant plus important, dans la
sphère professionnelle, de bien poser le cadre pour ne
pas laisser, là où il n'y en a pas, de place à ce jeitinho.
MOBILISER LES ÉQUIPES
Les Brésiliens ont une faculté naturelle à transmettre
de l’énergie positive autour d’un projet commun.
Portés par leur volontarisme et leur optimisme inné,
ils sauront voir grand et mobiliser leur équipe pour
l'amener à se surpasser. Un Brésilien motivé engagera
toute sa force et toute son émotion dans un projet, en
y laissant parfois un peu de rigueur... Cependant, bien
canalisée, cette énergie donnera à l'entreprise le
souffle nécessaire pour surmonter les crises et initier
de nouveaux projets, même dans un contexte difficile.
Il est donc primordial, pour un manager, de savoir
« mettre les formes » pour nourrir et préserver ce
volontarisme en toute situation.
La mobilisation et la cohésion des équipes dépen-
dront donc de la qualité de l'ambiance de travail
émanant du manager, dont l’intérêt sera toujours
d’encourager plutôt que de dénoncer ou contraindre.
APPRENDRE À S’IMPOSER
La structure patriarcale, encore très ancrée dans la
société brésilienne, entretient l'existence d'une hiérar-
chie verticale dans de nombreuses
organisations publiques et privées. Mais
cette hiérarchie, où le chef ultime et respec-
té est seul décideur, n'empêche pas le
développement de relations simples et
informelles entre les collaborateurs des
différents niveaux de la pyramide. Le chef
brésilien est, le plus souvent, proche de ses
équipes ; il intervient aussi bien dans la
sphère professionnelle que personnelle, et
sait faire preuve d’empathie et d’affection. Il
sait écouter et communiquer avec patience
en toutes circonstances et n'hésite pas à
appeler ses collaborateurs par leurprénom.
Il a cette capacité fondamentale de « souplesse » et de
« relativité » dans les relations et situations profession-
nelles, ce qui l'aide à canaliser l’émotion et la
motivation des équipes lors de réunions internes.
Cette faculté du « bon chef » est appelée en portugais
ter jogo de cintura (« avoir du jeu de hanche »).
Tel est l'art du chef brésilien de s'imposer sans
s'opposer en recherchant toujours, avec le tact néces-
saire, le consensus collectif.
GARANTIR LE SUCCÈS DU PROJET SUR DU LONG
TERME
Le succès d'un projet avec une équipe brésilienne ne
pourra être garanti sur le long terme qu'au prix de
contacts multiples et diversifiés (réunions spon-
tanées, conférences téléphoniques à distance, etc.).
Plus ces échanges seront nombreux et fréquents,
meilleurs seront l'investissement de chacun et donc
l'avancée du projet.
Il est aussi conseillé de privilégier le travail collaboratif
avec un management par consensus, la mobilisation
et la cohésion des équipes restant la clé du succès.
Ainsi, le temps investi dans les relations humaines et
la communication rendra l'ambiance de travail propice
à la productivité et donc à la gestion des délais.
75
Zoomsur...L’interview!EnpratiqueAnalyses
3. Accomex n° 110-111 - Brésil76
Dans la manière de communiquer Dans la manière de travailler
Privilégier une culture de l’oral plus que de l’écrit.
Il faut éviter de communiquer uniquement par mail…
surtout lorsque la relation se fait à distance. Investir
dans les rapports humains et favoriser les rencontres
physiques éviteront de nombreuses incompréhensions
et tensions dans les rapports.
Ne pas mal réagir aux abraços. Si cela devait se
produire, ne soyez pas surpris, cela ne fera que ren-
forcer vos relations avec vos collaborateurs.
Privilégier les rendez-vous en tête-à-tête, pour vous
aider à tisser plus rapidement des liens de confiance
et accélérer certaines prises de décisions. Exclure de
son agenda ce type de rendez-vous pourrait être un
handicap.
Ne pas rentrer immédiatement dans le vif du sujet.
Même dans les situations les plus tendues, même si
vous êtes pressés, forcez-vous à laisser un peu de
place à l’informel.
Savoir faire preuve de souplesse en toute circons-
tance et évitez de vous opposer frontalement, ce qui
au final serait contre-productif. Dans votre manière
de communiquer, vous devez chercher à développer
flexibilité et souplesse.
La logique n’a pas toujours cours au Brésil. Tenez-
en compte et ne soyez pas surpris. Cela est en partie
dû au profil culturel du Brésilien qui est extraverti,
sensible, susceptible, n’aime pas trop le formalisme
et préfère recourir au jeitinho.
Faire bonne impression est crucial, et négliger cet
aspect pourrait très rapidement se retourner contre
vous
Établir des contacts et se faire accepter dès le
premier jour. Il est facile de faire un faux pas dès le
premier jour au Brésil, et cela est souvent dû à notre
manière d’agir. Même si cela peut sembler difficile
pour certains, il est important d’aller vers l’autre, et
d’éviter de s’enfermer, de s’isoler. Le Brésilien est, de
nature, très accueillant, alors profitez-en !
Déléguer « et » superviser, avec tact et intelligence
pour ne pas paraître trop intrusif, pour ne pas brider
la motivation et le volontarisme. Pour cela, il faut à
tout prix privilégier le dialogue, ne pas s’isoler et être
disponible et à l’écoute.
Maintenir le contact avec ses équipes : si possible
tisser une relation personnelle et plus informelle, mais
sans aller trop loin. Le contact physique est important,
il faut le privilégier, surtout lorsque vous souhaitez des
réponses urgentes ou mobiliser une équipe.
Se mettre à l'heure brésilienne
Garder un esprit ouvert et tolérant : pas de colère,
mais sourire ! le Brésilien n’aime pas les mauvaises nou-
velles et évite la tension et le stress dans le travail ;
évitez donc d’instaurer une ambiance de travail sous
pression.
Source : Extrait de l'ouvrage Bien coopérer avec vos interculturels brésiliens, Ed. Afnor, parution prévue au 1er semestre
2014.
Tableau 1
Quelques recommandations et pièges à éviter