Essai d'analyse d'un slogan d'une révolution ouraganBen Gayess.A
1. Forces de la Tunisie libre.ﻗﻮﻯ ﺗﻮﻧﺲ ﺍﻟﺤﺮّﺓ
Abdelmajid Ben Gayess
Essai d'analyse d'un slogan d'une révolution ouragan***Ben Gayess.A
La révolution tunisienne est caractérisée par quatre qualités: un soulèvement
spontané et pacifique, un slogan central et une organisation spontanée. Tout le
monde a adopté le slogan: " Travail; Liberté; Dignité". Ce slogan n'est que le
concentré des aspirations des révoltés. Mais, les essais d'analyse et de synthèse de
ce slogan sont rares et/ou superficiels. En fait, c'est l'aspect politique qui est le plus
médiatisé; les partis politiques et les "personnalités nationales" sont plutôt occupés
par la polémique sur le volet constitutionnel et par la campagne électorale que par
l'analyse et la conception des itinéraires à suivre afin de réaliser les aspirations de la
révolution. Le plancher de la révolution(T- L- D) reste-il dans les objectifs des
politiciens-constitutionnels? Est-ce que les priorités de la révolution sont
réaménagées ? S'agit-il d'un début de détournement du chemin de la révolution? Les
partis politiques (anciens et émergeant) ne sont-ils pas un filet tendu pour étouffer
les structures de base(comités de révolution des quartiers)?
Pour répondre à ces questions, il est impératif de se référer au slogan de la rue, de
l'analyser et de le confronter aux projets présentés par les différentes parties. Il est
aussi important de vérifier l'efficacité et la longévité des outils organisationnels pour
mener à bien les objectifs de la révolution.
Le slogan: Il est important de vérifier la pertinence, l'interaction, la priorité et les
horizons de ce slogan. Il est à rappeler que ce dernier n'est pas nouveau, c'est un
slogan qui date depuis 1956 et était réclamé par les générations précédentes à
maintes reprises (émeutes de 1978;1984) et par différentes catégories sociales
(ouvriers, étudiants, élèves). En dépit des quelques améliorations (niveau de vie,
scolarisation, infrastructures de base, acquis sociaux), la persistance de ce slogan
historique est une preuve que le fondement économique, politique et social est resté
invariable.
Le droit au travail reste un axe central des réclamations populaires. Jadis, la
paupérisation du monde agricole était à l'origine d'un exode rural intense. Mais le
contexte était plus ou moins favorable à la création de postes d’emploi: émergence
du secteur industriel (textile, sidérurgie, industrie extractive, industrie
agroalimentaire) et de services, d'une part, et l'offre en main d'œuvre non qualifiée
des les pays pétroliers et européens, d’autre part. Durant deux décennies (60 et 70),
le rôle économique et social de l'état était prépondérant voire déterminant pour
absorber le flux de la main d'œuvre additionnelle. Or, depuis l'adoption du
programme d'ajustement structurel (PAS),ce rôle c'est rétréci au profit du secteur
privé qui a pris la relève en matière d’investissement et de création d’entreprise .En
effet, l'investissement privé a pris progressivement la relève dans tous les secteurs
(agricole, industriel, touristique, éducation, santé),le budget de l'état s'est vu orienté
plutôt vers l'infrastructure de base(routes, barrages, conservation des eaux et du sol,
universités)et le fonctionnement des l’appareil de l’état. Ainsi, le rôle régulateur de
l'état en matière de promotion de l'emploi est déréglé. L'investissement
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2. privé(mobilisation du capital intérieur ou les IDE)n'était pas en mesure de satisfaire
les besoins des demandeurs d'emploi, surtout que ces derniers sont devenus des
demandeurs qualitatifs (diplômés du supérieur ou des techniciens performants),par
conséquent des exigences financières importantes(salaires, couvertures sociales).La
force du Capital est devenue tellement écrasante, en parfaite collaboration avec la
famille régnante, que l'état s'est contentée à le servir gracieusement[facilité
d'installation et de délocalisation ;subventions ;accompagnement financier ,fiscal et
social ;zones de libres échanges ;limogeage du mouvement syndical par multiples
moyens(bureaucratie, négociations sociales périodiques à fréquences lointaines,
interdictions de grèves),limogeage de la partie civile...].En plus, la famille ZABA et
collaborateurs sont tellement avares que, certains investisseurs se sont recroquevillés
ou se sont retirés de la scène nationale afin d'éviter le piège du rapt. Bref, une
politique dite : "laisser faire, laisser passer", car en parallèle au désengagement de
l'état, le secteur privé n'a que partiellement contribué à la promotion de l’emploi
(quantitative et qualitative). Le modeste transfert technologique (robotisation et
haute technologie) vient compliqué et/ou justifié la modestie de cette promotion. La
fermeture des frontières (pays du golfe, UE des 27) avait compliqué encore les
alternatives de l'emploi aux jeunes tunisiens. Les conséquences néfastes directes et
indirectes ne sont pas à démontrer: chômage, exode rural, migration clandestine,
endettement familial, corruption, banditisme, protestations individuelles ou de
groupes...etc. Nulle personne n'avait le droit de protester contre les choix
stratégiques de l'état, ni de critiquer les dérives des commis de l'état et la non
transparence de gestion de plusieurs dossiers(offres des grands marchés, les
avantages de privatisation de certaines unités de production...).Les médias et la
partie civile (partis, syndicats, associations, ONG…) étaient classés en trois
catégories: une première acquise bénéficiaire de nombreux avantages; une seconde
collaboratrice, camouflée sous le titre de "libre et indépendante", qui traite
superficiellement quelques sujets sociaux, bénéficiaire elle aussi de quelques miettes
financières et une troisième catégorie opposante, mise sous l'épée de la censure ou
de la dissolution. Dans une telle situation, peut-on parler de liberté ?
Le sort de tout participant à l'un de ces fléaux sociaux ou opposant aux choix de
l'état, ci-dessus énumérés, était cerné entre la poursuite judiciaire, le licenciement, la
tracasserie fiscale et l'emprisonnement. Or, il est communément admis que la
libéralisation économique est tributaire d'une large liberté d'initiative et d'un climat
favorable à l'investissement. Ces deux conditions n'étaient pas à l'ordre du jour d'un
régime qui gouverne à travers une personne perverse et sanguinaire. Un régime qui
carbure grâce à un parti de mouchards opportunistes et une instance policière bien
étoffée, étoffant toutes les voix contestataires. D'ailleurs, la liberté n'est elle pas le
synonyme de "accès à.." !Accès à l'information, à la scolarisation, au travail, à
l'investissement, à la culture, à un environnement sain, à une santé mentale et
physique équilibrée, à l'activité communautaire et politique, aux loisirs...Dans un
régime où le secteur privé est quasi dominant, l'accès à ces besoins et droits vitaux,
essence même de l'humanité, sont payants donc cet accès est tributaire d'une
mobilisation financière, chose qui manque aux victimes du chômage permanent et
déguisé. En fait, le chômeur tunisien est caractérisé par son jeune âge, sa qualité
professionnelle et son haut niveau éducationnel; malheureusement, ce potentiel
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3. humain est sous une double privation: le travail et la liberté. La situation était aussi à
haut risque pour l'investisseur à cause de la politique de rapt pratiquée par les
mafiosi des familles ZABA-TRABELSI. Une telle situation est un géant écran opaque,
un dense brouillard placé entre les individus et les horizons. L'adrénaline circulait à
haut débit dans les artères des individus privés de travail et de liberté, la dépression
est phénoménale, les conflits sociaux se propageaient rapidement. Rien, qu'à suivre
les débats télévisés, à lire les articles dans les journaux et les commentaires sur les
toiles sociales pour se rendre compte du haut niveau du stress, d'une part, et de
vérifier la grandeur de la valeur intrinsèque du tunisien tant assoiffé.
Quant à la dignité, peut-on oser parler de dignité, en tant que valeur humaine, tant
qu'on est privé des deux droits existentiels: le travail et la liberté? Peut-on vivre dans
la dignité tout en étant démuni de citoyenneté? Peut-on aspirer à la dignité sous un
amas de devoirs sans bénéficier des droits élémentaires (droit de culte, droit de
réflexion, droit de partage des richesses, droit de participer...)?
Le Tunisien a le droit et le devoir de participer à la conception de la Tunisie libre. Les
jeunes ont amorcé la révolution vers des objectifs clairs: Travail, liberté et dignité. La
réalisation de ces objectifs est surement conditionnée par la conception d'un
programme qui touche aux aspects économique, environnemental, social, culturel,
politique...Un programme qui prend en considération les réelles potentialités des
régions (naturelles et humaines) pour qu'il soit en mesure de répondre aux objectifs
de la révolution. Une telle tâche contre les intérêts des uns(contre révolution) et
ardue aux yeux de ceux qui hébergent dans les palais d'ivoire(la partitocratie), mais
elle est faisable quand on décentralise la gestion du cycle de planification.
L'implication des populations dans la conception, l'exécution et le suivi des projets
locaux et régionaux est une approche qui a montré sa faisabilité et son efficience.
Pour cette raison, les structures locales et régionales ont un rôle moteur dans le
processus de développement. La révolution tunisienne a montré que le peuple est
positivement sensible à l'autogestion et qu'il est fortement participatif. Pourquoi ne
pas développer cet esprit et ses structures? Pourquoi, cet entêtement des structures
stéréotypées à centraliser le pouvoir de planification, de décision et de gestion?
Pourquoi les partis politiques fassent-ils ce vilain jeu : l’usage de la force du pouvoir
financier dans la répartition des pouvoirs ? Pourquoi ce double sevrage et cette
myriade de manipulateurs: à ce que la dictature faisait, vient s'ajouter les
manipulateurs opportunistes (gouvernement provisoire et partis politiques)? La
révolution n’est elle pas d'un caractère social, par conséquent il n’y a plus place à la
polémique idéologique et aux partis politiques?
Enfin, l'objectif global qu'est la dignité, peut on l'atteindre tant qu'on le citoyen est
privé de travail, de liberté d'opinion, d'organisation et de participation à la vie
communautaire?
Abdelmajid Ben Gayess
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