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1 mars 2017 - N°164
Avec sa houpette (vraie ou fausse ?) blonde peroxydée, ses cravates
un brin voyantes et sa façon d'apostropher son entourage à la manière
d'un catcheur vitupérant contre le public avant de monter sur le ring,
le personnage paraît sortir droit d'un film de série B. Sauf que Donald
Trump, loin d'être le second couteau d'une quelconque fiction, s'est vu
officiellement investi du titre de 45ème président des États-Unis le 20
janvier dernier. Depuis, sur fond de manifestations monstres, de désaveux
judiciaires, de menaces à peine voilées lancées à rencontre de ceux - les
journalistes - qu'il considère comme ses pires ennemis, de polémiques et
de désaccords mis sur la place publique par les députés de son propre
camp et de bourdes diplomatiques à répétition, le sulfureux locataire
milliardaire de la Maison Blanche a mis a exécution un certain nombre de
ses mesures controversées. « Je respecte mes promesses faites au peuple
américain » revendique celui qui doit sa fortune à l'immobilier pour justifier
la rafale de décisions qu'il a prises en matière d'immigration, d'économie
ou de diplomatie depuis son entrée en fonction. Pour ses détracteurs,
un tourbillon effréné d'affaires politiques, de nominations douteuses, de
décrets (une bonne vingtaine) et de projets de loi contraires aux principes
fondateurs de la démocratie américaine, de démissions (deux de ses
ministres ont jeté l'éponge avant même d'être confirmés à leur poste par
le Sénat) et de mensonges ! Pour le magnat, troisième génération de la
dynastie Trump qui apparaît jusqu'à la caricature comme l'incarnation de
ce rêve américain où argent, célébrité et pouvoir s'imbriquent étroitement,
un premier bilan en forme d'autosatisfecit. « Je ne crois pas qu'il y ait jamais
eu un président qui, en si peu de temps, ait fait ce que nous avons fait » !
Depuis quarante pourtant, et même si Donald Trump se félicite d'avoir
55% d'opinions favorables (un pourcentage ne concernant, en réalité,
que ceux ayant voté pour lui) jamais un président américain n'avait pris
le pouvoir avec un niveau d'impopularité aussi élevé I D'où la très vive
inquiétude palpable sur la scène internationale, tant auprès des chefs
d'État que de la sphère économique, quant aux conséquences pouvant
découler d'un mandat exercé par une personnalité aussi imprévisible.
Outre le fait d'entretenir des relations plus que sujettes à caution avec la
Russie de Vladimir Poutine, d'avoir éviter de justesse l'irrémédiable faux-
pas avec la Chine, de célébrer haut et fort le Brexit anglais et de donner
l'impression qu'il considère l'Europe comme quantité négligeable, Trump
n'a-t-il pas réussi, de surcroît, à se brouiller avec l'Australie, alliée historique
des États-Unis, et le Mexique ...
Bref, faut-il que le monde de manière générale et celui de l'économie
en particulier s'attendent à éprouver tout au long cies quatre années à
venir cette « stupeur et ces tremblements » ressentis par l'héroïne du
livre d'Amélie Nothomb lors de sa vie au Japon ? Nous avons demandé à
Christophe Barraud, chef économiste chez Market Securities classé depuis
cinq ans par Bloomberg LP meilleur prévisionnisteau monde de l'économie
américaine et, depuis 2015, meilleur prévisionniste de l'économie
européenne, de nous apporter son éclairage et ses commentaires.
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1 mars 2017 - N°164
STRATÉGI E»
Indiscrétions...
DonaldTrump, flr
un«trèscher» ^
Ainsiquele rapporteLeWashington
post, misterTrumpet son épouse à ' • f t ^
Melania (que les mauvaises
languescomparentà l'inénarrable • f c k ^ .
héroïnede la piècedu non moins V H n
inénarrabletandemBarillet&Gredy, W f m
« Potiche» !)ontcoûtépluscherà la M
MaisonBlanchequece que Barack W k «
Obamaluiacoûtéen ... uneannée!
S'appuyanten effet sur un rapportdu gouvernement,notrevénérable
confrèrerévèleque le milliardairedevenule 45e présidentdesÉtats-
Unisauraitdépenséla« bagatelle»de 11,3millionsdedollars(soit10,6
millionsd'euros)depuissoninvestiture.À titre de comparaison,son
prédécesseurnedépensait«que» 12,1milliardsdedollars(11,4millions
d'euros)paranenvirondurantsesdeuxmandats.Selonlesobservateurs,
un montantaussiastronomiqueseraitdupourpartieauxdéplacements
quele coupleTrumpeffectuerégulièrementdanssarésidenceprivéede
Mar-a-Lago,en Floride.Lesquelsnécessitentà chaquefois un dispositif
de sécuritéprohibitif! Maisil faut y voiraussil'impact financierque
représentela protectiondeMelaniaTrumpet de sonfils Barronquiont
choiside restervivreà laTrumpTowerà NewYork,ainsiqueles frais
somptuairesoccasionnésparlesdiversvoyagesdesautresmembresdela
familleTrump.Encomparaison,lestribulationsde KimKardashianet de
son« incroyableFamille» quifont pourtant,depuis2007,lestrèsbelles
heuresdelachaînedetélé-réalitéEntertainmentTélévision,apparaissent
singulièrement«pauvrettes» . . .
Informations Entreprise : Vous qui, depuis cinq ans, êtes
classé meilleur prévisionniste de l'économie américaine par
Bloomberg,aviez-vousprévu l'élection deDonald Trump ?
Christophe Barraud : Pour être totalement franc, non pasdu
tout, mêmesi de manière générale,ce quej'aime faire pour les
électionsest deme référeraux estimations desbookmakers qui
forment lelien entreles paris sportifs et lesmarchés financiers.
Ils apparaissent,en effet, comme de bons indicateurs dans le
sensoù ils ont la plupart du temps un coup d'avance sur les
classiquessondages.Or là, aussi bien lesbookmakers que les
sondages donnaient la victoire à Hillary Clinton. Du reste,
par rapport aux sondages,il n'y a paseu un seul moment où
Donald Trump marquait une avancesur sa rivale démocrate.
D'autant qu'au regard du découpageélectoral, il apparaissait
que celui-ci allait davantage dans le sensd'Hillary Clinton.
Ce qui a été le cas puisqu'il y a eu davantage de gensqui ont
voté en sa faveur. Les observateurs se doutaient néanmoins
qu'il pouvait seproduire un effet surprise en raison dela non-
prise en compte d'un vote enmesure de serévéler quelquepeu
extrême au moment du scrutin, alors même que lesélecteurs
n'avaient pasforcément exprimé unetelle tentation au moment
dela réalisation dessondages.
IE : Dès son entrée en campagne, la montée en puissancede
Donald Trump s'estfaite, d'abord, sur le terrain économique.
Il a promis, en particulier, de ramener les usines aux États-
Unis, debaisserlesimpôts sur lessociétés,mais
surtout en renégociant les accords de libre-
échange et en taxant les importations. Une
telle politique deprotectionnisme sur le slogan
« l'Amérique d'abord » vous paraît-elle jouable
et,surtout, crédible?
CB : Jepense qu'il faut effectuer un tri parmi
toutes ces mesures annoncées. Si l'on prend
celle touchant à rapatrier les entreprises
aux États-Unis, elle apparaît possible sous
certaines conditions à travers un desvolets du
programme de Donald Trump qui consiste
en la mise en œuvre d'une « rapatriation tax »
des profits. Celle-ci est aujourd'hui de 35%.
Trump laisse cependant sous-entendre qu'il
pourrait l'abaisser à 10ou à 15%En échange,
les entreprises doivent ramener et réinvestir une partie des
capitaux rapatriés sur le sol américain. Un tel deal pouvant
s'effectuer soit compagnie par compagnie, ce que certains
pays pratiquent ou ont pratiqué déjà comme la France avec
Toyota, soit de manière plus globale ainsi que l'avait pratiqué
GeorgesBush,en 2004,enabaissantcettetaxe de35à 5%. Une
mesure qui avait permis à son administration de récupérer
ainsi plus de trois cents milliards de dollars. Il n'y avait pas
eu alors véritablement de conditions préalablestandis que là,
potentiellement, la question risque de seposer. Pour l'heure,
nous ne disposons pas de tous les détails pour se prononcer
précisément, mais n'endemeure pasmoins la certitude que si
les entreprises peuvent rapatrier à un taux plus faible, il leur
faudra encontrepartie dépenserX dollars sur lesol américain.
Sachant que cette mesure n'engagepersonne d'autre que les
États-Unis ! Pour lecoup, cette partie-là sembleeffectivement à
peu prèscrédible. En revanche,ence qui concernela deuxième
partie plus axéesur le volet protectionniste, est-ceque Donald
Trump va appliquer une taxe pour tout le monde à un même
prix ? Cela paraît compliqué ... Il faut toutefois remettre
dans le contexte global le fait que Trump ne se montre pas
vraiment en rupture par rapport à aux actions misesen œuvre
par l'administration d'Obama pendant sa dernière année
d'exercice,enparticulier auniveau dela Chine. Sil'on regarde
ce qu'afait l'administration Obama à son encontre, elle lui a
refusé le bénéfice du statut d'économie de marché, a instauré
une taxe d'importation de522% sur saproduction d'acier plat
laminé àfroid, adéposécontre elleune plainte àl'OMC pour des
subventionsjugéesillégalesà sesproducteurs d'aluminium, ou
bien encoreàbloquer sesacquisitions danscertains secteurs,en
particulier lerachat delafiliale américaine d'Aixtron, fabricant
de composantsdestinés aumarché dessemi-conducteurs basé
en Allemagne, par le groupe chinois Grand Chip Investment,
en invoquant desrisques pour la sécurité nationale. On peut
donc s'attendre à ce que Donald Trump augmente les taxes
dans tous lessecteursoù il y a ce quel'on appelledu dumping,
dans le secteur de l'acier surtout, mais également dans celui
du charbon que celui-ci, précisons-le,veut développer. Il me
paraît donc nécessaired'aller dans la nuance et nepas sedire
que le Président Trump va appliquer le même pourcentage
à tout le monde parce que, dans lesfaits, il y aura forcément
des conséquencesde réciprocité. D'autant qu'aujourd'hui, le
monde n'a plus rien à voir avecce qu'il était il y a cinq ou six
ans. Il apparaît désormais de plus en plus globalisé, avecle
déploiement d'interconnexions un peu partout.
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•
IE : Depuis sonélection, les misesengarde sesont
multipliées au sujet deconflits d'intérêt potentiels
entre la fonction de président de Donald Trump
et ses sociétés qui forment un conglomérat
opaque et non coté (NDLR : le Washington Post
a comptabilisé pas moins de 111sociétésréparties
dans vingt pays). En réponse à ces salves de
critiques, Donald Trump a dit alors qu'il laisserait
à ses fils et à des tiers la gestion de son groupe.
Mais au regard de certaines nominations, quel
crédit pourra-t-on accorderà sesdécisionstant en
matière de stratégie économique intérieure qu'à
l'international ?
CB : Jepensequ'il y alesnominations quel'on peut
estimer àjuste titre critiquables et lesfaits concrets.
Certes, Donald Trump a pris un certain nombre
d'engagementstrès clivants comme sur la question
del'immigration. Mais force estdeconstaterquela
réellesurprise tient surtout àcequepar rapport aux
politiques professionnels, Donald Trump cherche
à appliquer ce qu'il avait dit lors de sa campagne.
Par là-même, entermes decrédibilité, même si son
équipe est fortement sujette à suspicion, force est
de reconnaître l'existence d'une continuité entre
les promessesfaites dans son programme et les
mesures prises depuis son élection. À mon sens,
ce qui va surtout apparaître comme le révélateur
de ses réelles intentions tiendra à son plan de
taxation desménageset desentreprises ainsi qu'à
la manière dont il compte financer le déficit. Il faut
donc voir audétriment dequelsautres secteursces
mesures pourront être misesenvigueur parc qu'il
faudra bien que Trump trouve les moyens de les
subventionner. C'estlà où,à mon avis,la crédibilité
de ses décisions pourra être mise en question
plutôt qu'en raison du pedigree des membres de
son équipe.
IE : Donald Trump multiplie les décrets depuis
son investiture officielle le 20janvier dernier. Sauf
que, pour l'heure en tout cas,un certain nombre
d'entre eux, en particulier celui qui suspend pour
quatre mois la venue deréfugiés auxÉtats-Unis et
interdit pour trois mois l'entréesur le solaméricain
desressortissants deSyrie et desix autrespaysdu
monde musulman, sont retoqués par les juges.
Faut-il y voir les prémisses d'un long bras de fer
entre Trump et le pouvoir judiciaire ?
CB : La chose qui me paraît certaine tient à ce
qu'il est trop tôt encore pour se prononcer. On
voit cependant que déjà, sur la question de la
remise en causedu principe de la Chine unique,
Donald Trump a opéré une marche arrière deux
semainesaprès! Il faut avoir en tête qu'il n'est pas
un politique, et c'est d'ailleurs là où le décalage
peut s'avérergênant. Étant d'abord un homme de
marché et de finance, il a l'habitude de prendre
desdécisions rapides. Saufque dans une fonction
présidentielle, cela aboutit à une trop grande
précipitation sur des sujets qui nécessitent une
réflexion préalableenprofondeur.
IE : Donald Trump semble vouloir gérer les
États-Unis comme s'il s'agissait d'une grande
entreprise. Une telle posture vous paraît-
elle réaliste au vu de l'histoire et du système
institutionnel dece pays?
CB : En fait, nous sommes actuellement en
un tel territoire inconnu où il s'avèredifficile
là encore d'apporter une réponse claire. Nous
sommes, pour l'heure, dans une phase de
mise entre parenthèses. Si l'on regarde les
sondages, on est quasiment au plus haut des
opinions favorables à l'égard d'un Président
élu depuis le début des années 2000. Il y a
un engouement réel pour la posture adoptée
par Trump, très différente de celle de ses
prédécesseurs à la Maison Blanche. La
question, ensuite, est de savoir si cela peut
convenir au peuple américain dans son
ensemble, d'autant que celui-ci avait à choisir
entre deux personnalités se situant à des
années-lumière l'une de l'autre. Pour avoir
bien étudier les deux programmes, celui de
Trump sedémarquait enparticulier sur le fait
d'offrir à toute personne désireuse de créer
son entreprise les moyens pour y parvenir,
la développer et pouvoir gagner beaucoup
d'argent. À côté, le programme de Clinton
s'estbasé beaucoup plus sur la redistribution
afin de compenser les effets négatifs entre les
plus riches et les plus pauvres. Au final, les
américains ont préféré choisir Trump, ce qui
signifie que, quelque part, ils avaient envie
d'essayer autre chose. Qu'est-ce qui va faire
que celava fonctionner ou pas? Cette question
induit plusieurs choses. À commencer par
celle de savoir si les gens, à titre individuel,
auront la capacité à garder le moral ? En ira-
t-il de même pour les entreprises ? Et sur
le plan international, si effectivement des
problématiques apparaissent en lien avec
l'augmentation des taxes sur les produits
étrangers, quelles seront les conséquences
et les répercussions exactes ? Dans les faits,
est-ce qu'une personnalité comme celle de
Donald Trump qui dirige d'une manière
totalement différente neva pasamener le pays
droit dans le mur ? En l'état, personne n'est en
mesure dele savoir !
IE : Loin de désarmer, les manifestations anti-
Trump ne cessent de gagner en intensité non
seulement sur le solaméricain, mais également
un peu partout dans le monde. Peuvent-elles,
à terme, réussir à former un véritable contre-
pouvoir à la politique économique et sociale
volue par Donald Trump jusqu'à l'obliger à
revoir sa copie ?
CB : Pour l'heure, il y a un certain nombre
de points à identifier sur lesquels Donald
Trump a d'ores et déjà effectué une marche
arrière. Avant qu'il soit élu, tout le monde
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1 mars 2017 - N°164
STRATÉGI[ m m
disait que onze millions d'immigrés allaient être reconduits
à la frontière. Or, quelques jours après son investiture, ce
chiffre a été ramené à trois millions. Lequel, soulignons-le,
correspond à celui comptabilisé sousla présidence Obama.
De même, pour ce qui concerne l'Obamacare. Trump
avait promis pendant sa campagne de l'abroger purement
et simplement. Mais une fois élu, il décide de finalement
en conserver une bonne partie ... Des reculs qui n'ont
rien à voir avec les manifestations, mais qui sont dus à la
résistance opposée à ces mesures au sein même du parti
des Républicains où existe un véritable contre-pouvoir.
D'ailleurs, sur la question destaxes, on constate aujourd'hui
que sur ce problème fiscal, rien ne s'est produit dans les
premiers jours de la prise de fonction de Trump, tout
simplement parce qu'il y a une pléthore de discussions à
mener au préalable pour savoir comment, combien, ainsi
que le plan de financement. On voit bien que si Donald
Trump avait prioritairement en tête le pétrole et le secteur
de l'énergie, d'autres Républicains pensent en premier lieu
ausecteur dela santé et aux questions qui tendent davantage
vers la sociale démocratie. Mais il est clair que plus les gens
vont interférer en manifestant et plus Trump aura tendance
à prendre en compte leurs revendications.
IE : Son élection a été accueillie très favorablement par
l'industrie pétrolière. Au niveau tant national qu'international,
quel sera selon vous l'impact de son mandat sur les marchés
pétroliers ?
CB : En termes d'offres, le premier point se rapporte au fait
qu'en enlevant la déréglementation, il permet davantage
de possibilité au niveau des forages tout en amenuisant,
au final, des frais dans le sensoù celle-ci coûte cher. Il y a
également un volet sur la création de deux nouveaux projets
de pipeline, Keystone XL et Dakota Access,qui permettront
d'aller beaucoup plus vite et, en conséquence, de réduire
les coûts. Il y a tout un tas d'entreprises pétrolières qui
pourront ainsi produire et en tirer beaucoup plus de profits
grâce à cette augmentation du nombre de puits en activité.
Après, cela va s'inscrire dans un élan puisque si le niveau le
plus bas du nombre de puits de pétrole a été atteint fin mai
2016 au moment de l'effondrement des prix, nous sommes
actuellement en hausse de 90% par rapport à ce niveau le
plus bas puisque le pétrole est passéde 28 dollars le baril à
53/55 dollars. Le programme de Donald Trump consiste en
tout cas clairement à augmenter la production via moins de
réglementation, une baissedescoûtset la réactivation de deux
projets deconstruction denouveaux oléoducs. Il peut y avoir
également un dispositif fiscal concernant des compagnies
pétrolières qui lespousseà produire davantage. Globalement,
il va y avoir un choc d'offres positif. En effet, si en septembre
2016, le marché était à 8,5 millions en volume d'offre de
pétrole américain, il s'élève actuellement à 9 millions. En
outre, cette évolution de l'offre dépend du prix et de ce que
vont faire lesautres pays.En cemoment, il y aun mouvement
concerté de tous lespaysde l'OPEC et decertains autres pays
non membres consistant à réduire l'offre. Sil'offre de pétrole
de dollars.Quantau magazineForbes,au regardde sonclassementdes400
personneslesplusrichesdu mondeendatede septembre2016,il l'a estimée
à 3,7 milliardsdedollars(contre4,5 l'annéeprécédente).Une« érosion» qui,
ducoup,afait dégringolernotremagnatdela35eà la156eplacedecetrèsen
vuebaromètre.Vexé,misterTrump(alorsenpleinecampagneprésidentielle)a
ripostévia un rageur« Forbesestun magazineenfaillite qui nesait pasquoi
il parle».
Entout étatdecause,cettediminutiondepatrimoinetrouveraitsonexplication
dans la baissedu marchéimmobilier new-yorkais,amenantles experts
oeuvrantpourle comptedu mensuelà minorerlavaleurdesonzebiensque
Trumppossèdedansla villeoùil a vu lejour en1946.Enparticulierla célèbre
TrumpTowerquia vusavaleurnette (dettesincluses)passerde530 millions
à 371 millionsde dollars.Enoutre, sur lesvingt-huit actifsestimés,dontle
spectaculairedomainede Mar-a-Lagoen Floride,dix-huit ont égalementvu
leurcotediminuer.Lemagazinesouligne,parailleurs,quecetécartentreleur
chiffrageet celuicommuniquéparDonaldTrumps'expliqueprincipalementpar
la valeurde la marqueTrump.Sile magnatl'estimeà plusieursmilliardsde
dollars,Forbes,en revanche,serefuseàla valoriser.
Fortune
Combienpèseaujuste lemilliardaire Trump?
À encroirecelui-ci,sonpatrimoinesechiffreraitauxalentoursdesdix milliards
de dollars.Bloomberg,poursapart,l'évalueplusmodestementà 2,9milliards
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1 mars 2017 - N°164
américaine compense un peu cette réduction, au
final c'est tout de même cette baisse concertée
qui prend le pas ! Ce qui explique pourquoi le
prix global de l'offre demeure au-dessus des 50
dollars malgré la hausse de l'offre américaine.
IE : Trump a d'ores et déjà ordonné un black-out
médiatiqueetuncontrôlepolitiqueauxchercheurs
de l'Agence de protection de l'environnement
ainsi qu'à l'agence de recherche du ministère
de l'Agriculture qui devront lui soumettre leurs
travaux avant toute publication. Faut-il craindre
qu'il n'aille encore plus loin en supprimant toutes
les politiques environnementales et revenir sur
les engagements climatiques d'Obama pris lors
de la COP 21 pour satisfaire à la pression de
l'industrie pétrolière ?
CB : C'est effectivement un vrai risque, même
s'il ne fait pas l'objet d'un focus spécifique
en ce moment dans la mesure où la grande
interrogation actuelle se rapporte à la teneur de
son programme fiscal ainsi qu'à l'immigration
et aux impacts que cela aura à la fois sur les
entreprises et sur les ménages. Si les effets
se révèlent négatifs, il apparaît certain que
tout le monde va lui tomber dessus ! Quant à
l'environnement, il est clair que beaucoup de
questions se posent parce que ce sujet n'entre
pas du tout dans son programme. Il n'y croit de
toute façon pas ... On verra donc jusqu'où ira la
contestation, mais parmi tous les risques induits
par la présidence Trump, celui touchant aux
questions environnementales va susciter à coup
sûr les réactions les plus virulentes sur le plan
international.
IE : Lalutte contre l'immigration clandestine doit,
assure-t-il, aider les Américains en supprimant
une concurrence déloyale. Pensez-vous que c'est
là où se situe aujourd'hui le problème pour ceux
ayant voté en faveur de sa candidature ?
CB : Jene sais pas s'il s'agit-là dela préoccupation
première de ceux ayant voté Trump, mais
potentiellement il y en a une partie pour qui
l'immigration pose un problème. Quant à la
question plus spécifique desétrangers setrouvant
en situation irrégulière sur le territoire américain,
il s'agit clairement aujourd'hui d'un souci pour
les États-Unis, comme c'est d'ailleurs le cas pour
des pays comme l'Angleterre et la France. Est-ce
que dans la réalité, le fait d'avoir élu Trump va
changer la donne économiquement parlant ? Je
répondrai par la négative parce que ce ne sont pas
forcément tous ces petits jobs majoritairement
exercés par des immigrés qui érodent le marché
américain de l'emploi. Il y a plutôt un souci de
fond ayant trait à la formation. En outre, l'autre
question consiste à savoir si le problème vient des
étrangers se trouvant sur le sol américain ou de
l'absence devolonté réelle des autorités à intégrer
ce type de population ?
IE : Avec son projet de construction d'un mur
à la frontière mexicaine qu'il souhaite faire
financer par le Mexique, Donald Trump a
provoqué une grave crise diplomatique entre
les deux pays. Là encore, va-t-il devoir reculer ?
CB : Il y a plusieurs choses à prendre en
considération. La première est que Trump,
dans les faits, se révèle d'abord un négociateur.
Il a en effet toujours mis en avant cet « art de
la négociation » dont il avait du reste fait un
livre (NDLR : co-écrit avec le journaliste
Tony Schwartz) dans les années 1980 et
qu'il cherche à mettre aujourd'hui en œuvre
avec les partenaires internationaux. Quitte
à mettre la pression sur des pays comme la
Chine ou le Mexique. Un peu comme il l'avait
d'ailleurs pratiqué en pré-campagne sur le
chapitre des droits de douane. Mais dans les
faits, il n'a encore signé aucune ordonnance
là-dessus. Est-ce que cela peut provoquer une
crise diplomatique ? Oui, bien sûr parce que
tout dépend de la manière dont va évoluer
l'interlocuteur qui se trouve en face, avec des
hauts et des bas pour finalement finir sur des
discussions constructives. Maintenant, sa
volonté de faire payer le mur par le Mexique
me paraît compliqué dans la mesure où,
par rapport au peuple mexicain, une option
aussi anti-démocratique est parfaitement
inacceptable. Par contre, l'amener à payer de
manière indirecte comme par exemple l'envoi
de subventions minorées ou via des taxes
accrues sur certaines importations pourrait
s'avérer une possibilité.
IE : Parlons dela Russie. Selon vos observations,
celle-ci a-t-elle pu réellement interférer au
profit de Donald Trump dans le déroulement
et les résultats de l'élection présidentielle ?
CB : À dire vrai, personne ne peut répondre de
manière catégorique dans un sens ou dans un
autre. La seule chose, en revanche, que l'on sait
c'est qu'il y a des enquêtes en cours menées sur
la base de fortes suspicions. Reste maintenant
pour les juges à assembler les pièces du puzzle
afin d'établir cequ'il s'estréellement passé. Cela
génère évidemment beaucoup de fantasmes
dans les médias et couler beaucoup d'encre,
mais j'avoue ne pas être forcément bien placé
pour me mettre à spéculer sur la question.
IE : Alors que Barack Obama avait réagi
fortement en sanctionnant la Russie avec
l'expulsion de35 diplomates considérés comme
des espions, Donald Trump a de son côté
dénoncé une «chasse aux sorcières politique».
Sur Twitter, celui-ci a redit sa volonté de
rapprochement avec Moscou, malgré cette
affaire devenue éminemment politique. «Avoir
une bonne relation avecla Russie est une bonne
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1 mars 2017 - N°164
L'œilsur...
ChristopheBarraud,
Chef économiste et stratégiste chez Market Securities.
Fiche d'identité
Genre: masculin
Âge: 30 ans
Signes particuliers : matièregriseélevée,prodesstats
ChristopheBarraud,jeunehommeposéet courtois,estun petit géniedesstats.Éludepuis2012
meilleurprévisionnisteparl'agenceBloombergpourles statistiquesaméricaines,ainsiquepour
lesdonnéeseuropéennesdepuisdeuxans,ChristopheBarraud,chef économisteet stratégiste
chezMarketSecurities,aime lesdéfis,et plus particulièrementles paris.Qu'ilssoientsportifs
ou boursiers,le jeune homme de trente ans originaire du Sud-Est,analyseet observeces
donnéesavecprécision.Loind'avoir prisla grossetête, mêmesi celle-ciest bienpleine,c'est
avechumilitéet simplicitéqu'il donnesonavissurl'économie.Cefan defootball, d'automobile
et de karting,s'yest intéressédèsle lycée.Il abordela Boursecomme unterrain de jeu, tout
en poursuivantsesétudesd'Économieappliquéeà Nice,puis de Financesà Paris.Il créeet
développeen parallèlesonentrepriseindividuelle parle biaisd'un site Internet d'aideaux
pronosticssportifs (tennis,football, rugby) et politique,de 2004à 2006.Convaincuque le
marchédesparissportifs constitueun cadred'observationsimplifié suffisammentproche
desmarchésboursiers,il décidede traiter lathéorie de l'efficienceinformationnellecommesujet
de thèse,de 2009à 2012.Il concentreson attention sur la forme faible de l'efficienceinformationnelleet plus précisémentsur
uneanomalieconnuesouslenom du « FavouriteLongshotBias»,qui a été recenséeaussibiendanslecadredesparissportifs queceluidesmarchésboursiers.
Il aboutit ainsià desconclusionstranchéesconcernantsavalidité. Mêmes'il n'aencorejamaismis lespiedssur le sol américain,son espritde synthèseet de
prévisionnisteluiest dédié.Plusconnuet demandéà l'étrangerqu'en France,il participe,depuis2011,à diversesconférencesainsiqu'àlarédactiond'articleset
à lacoordinationderevueséconomiquesjournalières,hebdomadaireset trimestrielles.Il fournit ainsiun suividynamiqueéconomiquedesÉtats-Unis,de lazone
Euroet de laChine.Cethommequimurmuredesprévisionséconomiquesà l'oreilledu marché,estsansaucundoute,à suivreà deprès.
chose, pas une mauvaise chose. Seuls les gens stupides, ou
les imbéciles penseraient que c'est mal!», a-t-il écrit dans une
série de tweets. En quoi un tel rapprochement serait bénéfique
aux États-Unis, d'autant qu'il a choisi comme directeur du
renseignement Dan Coats, un sénateur personnellement visé
par dessanctions russes ?
CB : D'un point de vue économique, il existe aujourd'hui
des sanctions réciproques entre la Russie et les États-Unis.
Mais il est clair que si s'instaurent de meilleures relations, le
commerce extérieur entre lesdeux paysenprofitera forcément.
Je pense néanmoins que cela ne dépend pas des sanctions
seulement américaines, mais aussi et surtout de celles que son
voisin européen lui impose. Par conséquent, ce que souhaite
sans doute la Russie est d'obtenir un appui dans l'optique
d'une amélioration des relations avec l'Europe. Demeure
cependant l'obstacle de l'Ukraine, même si dernièrement, on
relève moins de reportages et de débats sur la question. Il est
vrai que si, pendant la présidence Obama, existait un certain
nombre de tensions économiques par ricochet à la situation
géopolitique, savoir pour l'heure quelle tournure exacte vont
prendre les relations entre les États-Unis et la Russie apparaît
hasardeuse.
IE : Après avoir provoqué l'ire de la Chine suite à son
échange téléphonique avec Tsai Ing-wen, la présidente de
Taïwan que Pékin considère comme une province chinoise,
Donald Trump a fait volte-face après une longue conversation
téléphonique avecle président Xi en reconnaissant le principe
d'une seuleChine. Pourquoi une telle reculade ?
CB : Déjà, il faut savoir que les diplomates chinois se
sentent perdus par rapport à Donald Trump. En effet,
ils arrivent face à un individu qui est capable de tout. Ils
ne savent donc pas s'ils doivent sourire du personnage
ou, au contraire, éprouver de la crainte à l'écoute de ses
déclarations, mais tout en ayant cependant confiance dans
la possibilité de pouvoir négocier avec lui sur un certain
nombre de choses, secteur par secteur. À la condition
irréfragable, bien entendu, que le principe d'une seule
Chine demeure le fil rouge à toute négociation ! Sauf que si
Trump n'a cessé de dire et répéter qu'il était plus enclin à
vouloir se désengager desconflits qu'à en créer, le fait pour
lui, ensuite, dejouer Taïwan contre la Chine ne peut qu'être
générateur justement de conflit. Est-ce parce qu'il n'a pas
bien cerné le risque d'aller titiller les limites des relations
entre les États ? Ou l'a-t-il fait volontairement, histoire de
voir jusqu'où il peut aller ? Avec une personnalité comme
la sienne, toutes les supputations sont permises.
IE : Donald Trump s'estréjoui haut et fort du Brexit anglais
qu'il n'a pas hésité à qualifier de « fantastique ». Au point
d'inviter en priorité la première ministre britannique
Theresa May dans l'optique de conclure très rapidement
un accord commercial spécifique. Tenterait-il, par ce biais,
à détricoter les accords de libre-échange ?
CB : Le veut-il vraiment ? Là encore, c'est toute une
stratégie à vérifier sur le long terme. Même si l'on peut
se livrer à d'infinies suppositions, je ne suis pas persuadé
pour autant que l'on puisse l'affirmer. Ce qu'il est possible,
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en l'état, de dire serapporte au fait que le Brexit
arrive dans un cadre de mouvement global
d'émancipation des peuples. Peut-il se révéler
pour autant utile aux États-Unis ? Une chose
est sûre : avecce Brexit, le Royaume-Uni se met
à mal avecpratiquement tout le monde. Autant
alors que Trump ait la primeur, sachant que
l'Angleterre va peut-être conserver le marché
commun. Se dire cependant que la stratégie de
Donald Trump consiste à détricoter l'Europe
et les accords de libre-échange des autres
pays pour mieux ensuite pouvoir négocier
de manière individuelle n'a franchement
rien d'une certitude. Il sait parfaitement
qu'en faisant voler l'Union Européenne et les
accords de libre-échange, se produira une crise
mondiale où tout le monde sera perdant !
IE : Comme autrefois la séparation entre
l'Occident et le bloc communiste, on a la
sensation qu'avec le Brexit et l'élection de
Donald Trump va se révéler comme une
fracture entre deux visions et approches du
monde : celle des anglo-saxons et celle de notre
« vieux » continent, autrement dit l'Europe.
Partagez-vous cette opinion ?
CB : La question liminaire est de savoir, au
fond, si les Anglais ont vraiment la volonté
de se détacher totalement de l'Europe pour
former un bloc à part ? À dire vrai, je ne suis
pas persuadé, en dépit de ses déclarations à
l'emporte-pièce, que Lheresa May le veuille
réellement. En fait, elle y est surtout contrainte
par l'attitude des États membres de l'Union
Européenne. Ceux-ci veulent qu'il y ait de la
« casse » pour l'Angleterre afin que l'on ne
puisse pas dire que l'Europe a capitulé. En
tout état de cause, pour les peuples européens,
le Brexit peut se révéler une opportunité en
mettant définitivement fin à la montée des
partis populistes. En effet, si l'on montre
explicitement que le fait pour un pays de
sortir du marché commun va lui occasionner
un coût énorme, il y a toutes les chances pour
que cela calme fortement les ardeurs de ceux
prônant une sortie de l'Europe. Après, il y a
deux paramètres à prendre en considération.
Le premier tient à la question de savoir ce que
veut exactement le Royaume-Uni ? Le second
tient à ce que veut l'Europe ? L'Europe veut
d'ores et déjà qu'il y ait un coût parce qu'elle
n'est pas prête à sacrifier la contribution
économique qui incombait au Royaume-Uni
jusque-là. De plus, ce que le Royaume-Uni
veut absolument garder touche à l'accès aux
banques, quitte à perdre d'autres privilèges.
Quant à la question de l'immigration, si
l'Angleterre refuse, avec le Brexit, de continuer
à admettre sur son territoire des ressortissants
de l'Union Européenne, il lui faudra bien
compenser avec le recours à une main d'œuvre
venant d'ailleurs dans la mesure où ce pays
a toujours reposé sur un principe de flot
permanent de gens qui entrent et sortent.
IE : Les entreprises européennes, notamment
françaises, ne cachent pas leur méfiance et
leurs appréhensions vis-à-vis de la politique
voulue par le président Trump. Ont-elles
raison de l'être ?
CB : Oui, clairement. Mais sachant qu'il faut
voir dans la position de Donald Trump comme
un appel du pied vis-à-vis des entreprises.
Celui-ci leur laisse, en effet, entendre la
possibilité de signer des accords immédiats.
L'idée étant de prendre ainsi des parts de
marché, enparticulier àl'Europe, ou d'offrir un
marché porteur de potentiels, avec davantage
de déréglementations. Demeure ensuite la
question de savoir si l'impact, au-delà del'effet
de signer des accords avec les États-Unis, ne
se traduira pas par une incertitude politique
pour les entreprises européennes. Sachant
qu'il faut placer ce sentiment d'inquiétude
davantage sur le plan du degré d'incertitude
politique qui atteint actuellement en Europe
des niveaux encore jamais atteints. En France,
si l'on regarde les sondages, il apparaît que
quel que soit le candidat élu, celui-ci aura du
mal à avoir une réelle majorité pour gouverner.
Même problématique en Italie avec la tenue
d'élections anticipées prévues, en principe,
cet été. Ou encore en Allemagne avec les
élections fédérales en septembre où, au regard
des derniers sondages, la réélection d'Angela
Merkel n'est désormais en rien assurée.
IE : Pensez-vous, à l'instar de certains
observateurs, que Donald Trump n'ira pas
au bout de son mandat ?
CB : Je vais m'en tenir aux pourcentages
annoncés par lesbookmakers qui disent qu'il
y'a 45% de chances que Donald Trump n'aille
pas au bout de son mandat en raison d'un
risque d'assassinat ou par la mise en œuvre
de la procédure dite d'impeachment. Pour
moi, c'est dans cette procédure que se situe le
vrai risque pour Trump dans la mesure où si,
à un moment donné, est prouvée l'existence
d'une collusion frauduleuse avec la Russie, le
déclenchement de l'impeachment aboutira
presque simultanément à sa destitution. En
effet, un tel acte constitue la ligne à ne surtout
pas franchir, même au regard d'un Congrès
à la majorité majoritairement acquise au
Président élu. En revanche, d'un point de
vue strictement économique, je ne vois pas
Donald Trump provoquer une catastrophe
majeure parce que je le crois tout-à-fait en
capacité de négocier et de réviser ses positions
pour ne pas se mettre tout le monde à dos.
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  • 1. Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 2. Avec sa houpette (vraie ou fausse ?) blonde peroxydée, ses cravates un brin voyantes et sa façon d'apostropher son entourage à la manière d'un catcheur vitupérant contre le public avant de monter sur le ring, le personnage paraît sortir droit d'un film de série B. Sauf que Donald Trump, loin d'être le second couteau d'une quelconque fiction, s'est vu officiellement investi du titre de 45ème président des États-Unis le 20 janvier dernier. Depuis, sur fond de manifestations monstres, de désaveux judiciaires, de menaces à peine voilées lancées à rencontre de ceux - les journalistes - qu'il considère comme ses pires ennemis, de polémiques et de désaccords mis sur la place publique par les députés de son propre camp et de bourdes diplomatiques à répétition, le sulfureux locataire milliardaire de la Maison Blanche a mis a exécution un certain nombre de ses mesures controversées. « Je respecte mes promesses faites au peuple américain » revendique celui qui doit sa fortune à l'immobilier pour justifier la rafale de décisions qu'il a prises en matière d'immigration, d'économie ou de diplomatie depuis son entrée en fonction. Pour ses détracteurs, un tourbillon effréné d'affaires politiques, de nominations douteuses, de décrets (une bonne vingtaine) et de projets de loi contraires aux principes fondateurs de la démocratie américaine, de démissions (deux de ses ministres ont jeté l'éponge avant même d'être confirmés à leur poste par le Sénat) et de mensonges ! Pour le magnat, troisième génération de la dynastie Trump qui apparaît jusqu'à la caricature comme l'incarnation de ce rêve américain où argent, célébrité et pouvoir s'imbriquent étroitement, un premier bilan en forme d'autosatisfecit. « Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu un président qui, en si peu de temps, ait fait ce que nous avons fait » ! Depuis quarante pourtant, et même si Donald Trump se félicite d'avoir 55% d'opinions favorables (un pourcentage ne concernant, en réalité, que ceux ayant voté pour lui) jamais un président américain n'avait pris le pouvoir avec un niveau d'impopularité aussi élevé I D'où la très vive inquiétude palpable sur la scène internationale, tant auprès des chefs d'État que de la sphère économique, quant aux conséquences pouvant découler d'un mandat exercé par une personnalité aussi imprévisible. Outre le fait d'entretenir des relations plus que sujettes à caution avec la Russie de Vladimir Poutine, d'avoir éviter de justesse l'irrémédiable faux- pas avec la Chine, de célébrer haut et fort le Brexit anglais et de donner l'impression qu'il considère l'Europe comme quantité négligeable, Trump n'a-t-il pas réussi, de surcroît, à se brouiller avec l'Australie, alliée historique des États-Unis, et le Mexique ... Bref, faut-il que le monde de manière générale et celui de l'économie en particulier s'attendent à éprouver tout au long cies quatre années à venir cette « stupeur et ces tremblements » ressentis par l'héroïne du livre d'Amélie Nothomb lors de sa vie au Japon ? Nous avons demandé à Christophe Barraud, chef économiste chez Market Securities classé depuis cinq ans par Bloomberg LP meilleur prévisionnisteau monde de l'économie américaine et, depuis 2015, meilleur prévisionniste de l'économie européenne, de nous apporter son éclairage et ses commentaires. Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 3. STRATÉGI E» Indiscrétions... DonaldTrump, flr un«trèscher» ^ Ainsiquele rapporteLeWashington post, misterTrumpet son épouse à ' • f t ^ Melania (que les mauvaises languescomparentà l'inénarrable • f c k ^ . héroïnede la piècedu non moins V H n inénarrabletandemBarillet&Gredy, W f m « Potiche» !)ontcoûtépluscherà la M MaisonBlanchequece que Barack W k « Obamaluiacoûtéen ... uneannée! S'appuyanten effet sur un rapportdu gouvernement,notrevénérable confrèrerévèleque le milliardairedevenule 45e présidentdesÉtats- Unisauraitdépenséla« bagatelle»de 11,3millionsdedollars(soit10,6 millionsd'euros)depuissoninvestiture.À titre de comparaison,son prédécesseurnedépensait«que» 12,1milliardsdedollars(11,4millions d'euros)paranenvirondurantsesdeuxmandats.Selonlesobservateurs, un montantaussiastronomiqueseraitdupourpartieauxdéplacements quele coupleTrumpeffectuerégulièrementdanssarésidenceprivéede Mar-a-Lago,en Floride.Lesquelsnécessitentà chaquefois un dispositif de sécuritéprohibitif! Maisil faut y voiraussil'impact financierque représentela protectiondeMelaniaTrumpet de sonfils Barronquiont choiside restervivreà laTrumpTowerà NewYork,ainsiqueles frais somptuairesoccasionnésparlesdiversvoyagesdesautresmembresdela familleTrump.Encomparaison,lestribulationsde KimKardashianet de son« incroyableFamille» quifont pourtant,depuis2007,lestrèsbelles heuresdelachaînedetélé-réalitéEntertainmentTélévision,apparaissent singulièrement«pauvrettes» . . . Informations Entreprise : Vous qui, depuis cinq ans, êtes classé meilleur prévisionniste de l'économie américaine par Bloomberg,aviez-vousprévu l'élection deDonald Trump ? Christophe Barraud : Pour être totalement franc, non pasdu tout, mêmesi de manière générale,ce quej'aime faire pour les électionsest deme référeraux estimations desbookmakers qui forment lelien entreles paris sportifs et lesmarchés financiers. Ils apparaissent,en effet, comme de bons indicateurs dans le sensoù ils ont la plupart du temps un coup d'avance sur les classiquessondages.Or là, aussi bien lesbookmakers que les sondages donnaient la victoire à Hillary Clinton. Du reste, par rapport aux sondages,il n'y a paseu un seul moment où Donald Trump marquait une avancesur sa rivale démocrate. D'autant qu'au regard du découpageélectoral, il apparaissait que celui-ci allait davantage dans le sensd'Hillary Clinton. Ce qui a été le cas puisqu'il y a eu davantage de gensqui ont voté en sa faveur. Les observateurs se doutaient néanmoins qu'il pouvait seproduire un effet surprise en raison dela non- prise en compte d'un vote enmesure de serévéler quelquepeu extrême au moment du scrutin, alors même que lesélecteurs n'avaient pasforcément exprimé unetelle tentation au moment dela réalisation dessondages. IE : Dès son entrée en campagne, la montée en puissancede Donald Trump s'estfaite, d'abord, sur le terrain économique. Il a promis, en particulier, de ramener les usines aux États- Unis, debaisserlesimpôts sur lessociétés,mais surtout en renégociant les accords de libre- échange et en taxant les importations. Une telle politique deprotectionnisme sur le slogan « l'Amérique d'abord » vous paraît-elle jouable et,surtout, crédible? CB : Jepense qu'il faut effectuer un tri parmi toutes ces mesures annoncées. Si l'on prend celle touchant à rapatrier les entreprises aux États-Unis, elle apparaît possible sous certaines conditions à travers un desvolets du programme de Donald Trump qui consiste en la mise en œuvre d'une « rapatriation tax » des profits. Celle-ci est aujourd'hui de 35%. Trump laisse cependant sous-entendre qu'il pourrait l'abaisser à 10ou à 15%En échange, les entreprises doivent ramener et réinvestir une partie des capitaux rapatriés sur le sol américain. Un tel deal pouvant s'effectuer soit compagnie par compagnie, ce que certains pays pratiquent ou ont pratiqué déjà comme la France avec Toyota, soit de manière plus globale ainsi que l'avait pratiqué GeorgesBush,en 2004,enabaissantcettetaxe de35à 5%. Une mesure qui avait permis à son administration de récupérer ainsi plus de trois cents milliards de dollars. Il n'y avait pas eu alors véritablement de conditions préalablestandis que là, potentiellement, la question risque de seposer. Pour l'heure, nous ne disposons pas de tous les détails pour se prononcer précisément, mais n'endemeure pasmoins la certitude que si les entreprises peuvent rapatrier à un taux plus faible, il leur faudra encontrepartie dépenserX dollars sur lesol américain. Sachant que cette mesure n'engagepersonne d'autre que les États-Unis ! Pour lecoup, cette partie-là sembleeffectivement à peu prèscrédible. En revanche,ence qui concernela deuxième partie plus axéesur le volet protectionniste, est-ceque Donald Trump va appliquer une taxe pour tout le monde à un même prix ? Cela paraît compliqué ... Il faut toutefois remettre dans le contexte global le fait que Trump ne se montre pas vraiment en rupture par rapport à aux actions misesen œuvre par l'administration d'Obama pendant sa dernière année d'exercice,enparticulier auniveau dela Chine. Sil'on regarde ce qu'afait l'administration Obama à son encontre, elle lui a refusé le bénéfice du statut d'économie de marché, a instauré une taxe d'importation de522% sur saproduction d'acier plat laminé àfroid, adéposécontre elleune plainte àl'OMC pour des subventionsjugéesillégalesà sesproducteurs d'aluminium, ou bien encoreàbloquer sesacquisitions danscertains secteurs,en particulier lerachat delafiliale américaine d'Aixtron, fabricant de composantsdestinés aumarché dessemi-conducteurs basé en Allemagne, par le groupe chinois Grand Chip Investment, en invoquant desrisques pour la sécurité nationale. On peut donc s'attendre à ce que Donald Trump augmente les taxes dans tous lessecteursoù il y a ce quel'on appelledu dumping, dans le secteur de l'acier surtout, mais également dans celui du charbon que celui-ci, précisons-le,veut développer. Il me paraît donc nécessaired'aller dans la nuance et nepas sedire que le Président Trump va appliquer le même pourcentage à tout le monde parce que, dans lesfaits, il y aura forcément des conséquencesde réciprocité. D'autant qu'aujourd'hui, le monde n'a plus rien à voir avecce qu'il était il y a cinq ou six ans. Il apparaît désormais de plus en plus globalisé, avecle déploiement d'interconnexions un peu partout. Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 4. • IE : Depuis sonélection, les misesengarde sesont multipliées au sujet deconflits d'intérêt potentiels entre la fonction de président de Donald Trump et ses sociétés qui forment un conglomérat opaque et non coté (NDLR : le Washington Post a comptabilisé pas moins de 111sociétésréparties dans vingt pays). En réponse à ces salves de critiques, Donald Trump a dit alors qu'il laisserait à ses fils et à des tiers la gestion de son groupe. Mais au regard de certaines nominations, quel crédit pourra-t-on accorderà sesdécisionstant en matière de stratégie économique intérieure qu'à l'international ? CB : Jepensequ'il y alesnominations quel'on peut estimer àjuste titre critiquables et lesfaits concrets. Certes, Donald Trump a pris un certain nombre d'engagementstrès clivants comme sur la question del'immigration. Mais force estdeconstaterquela réellesurprise tient surtout àcequepar rapport aux politiques professionnels, Donald Trump cherche à appliquer ce qu'il avait dit lors de sa campagne. Par là-même, entermes decrédibilité, même si son équipe est fortement sujette à suspicion, force est de reconnaître l'existence d'une continuité entre les promessesfaites dans son programme et les mesures prises depuis son élection. À mon sens, ce qui va surtout apparaître comme le révélateur de ses réelles intentions tiendra à son plan de taxation desménageset desentreprises ainsi qu'à la manière dont il compte financer le déficit. Il faut donc voir audétriment dequelsautres secteursces mesures pourront être misesenvigueur parc qu'il faudra bien que Trump trouve les moyens de les subventionner. C'estlà où,à mon avis,la crédibilité de ses décisions pourra être mise en question plutôt qu'en raison du pedigree des membres de son équipe. IE : Donald Trump multiplie les décrets depuis son investiture officielle le 20janvier dernier. Sauf que, pour l'heure en tout cas,un certain nombre d'entre eux, en particulier celui qui suspend pour quatre mois la venue deréfugiés auxÉtats-Unis et interdit pour trois mois l'entréesur le solaméricain desressortissants deSyrie et desix autrespaysdu monde musulman, sont retoqués par les juges. Faut-il y voir les prémisses d'un long bras de fer entre Trump et le pouvoir judiciaire ? CB : La chose qui me paraît certaine tient à ce qu'il est trop tôt encore pour se prononcer. On voit cependant que déjà, sur la question de la remise en causedu principe de la Chine unique, Donald Trump a opéré une marche arrière deux semainesaprès! Il faut avoir en tête qu'il n'est pas un politique, et c'est d'ailleurs là où le décalage peut s'avérergênant. Étant d'abord un homme de marché et de finance, il a l'habitude de prendre desdécisions rapides. Saufque dans une fonction présidentielle, cela aboutit à une trop grande précipitation sur des sujets qui nécessitent une réflexion préalableenprofondeur. IE : Donald Trump semble vouloir gérer les États-Unis comme s'il s'agissait d'une grande entreprise. Une telle posture vous paraît- elle réaliste au vu de l'histoire et du système institutionnel dece pays? CB : En fait, nous sommes actuellement en un tel territoire inconnu où il s'avèredifficile là encore d'apporter une réponse claire. Nous sommes, pour l'heure, dans une phase de mise entre parenthèses. Si l'on regarde les sondages, on est quasiment au plus haut des opinions favorables à l'égard d'un Président élu depuis le début des années 2000. Il y a un engouement réel pour la posture adoptée par Trump, très différente de celle de ses prédécesseurs à la Maison Blanche. La question, ensuite, est de savoir si cela peut convenir au peuple américain dans son ensemble, d'autant que celui-ci avait à choisir entre deux personnalités se situant à des années-lumière l'une de l'autre. Pour avoir bien étudier les deux programmes, celui de Trump sedémarquait enparticulier sur le fait d'offrir à toute personne désireuse de créer son entreprise les moyens pour y parvenir, la développer et pouvoir gagner beaucoup d'argent. À côté, le programme de Clinton s'estbasé beaucoup plus sur la redistribution afin de compenser les effets négatifs entre les plus riches et les plus pauvres. Au final, les américains ont préféré choisir Trump, ce qui signifie que, quelque part, ils avaient envie d'essayer autre chose. Qu'est-ce qui va faire que celava fonctionner ou pas? Cette question induit plusieurs choses. À commencer par celle de savoir si les gens, à titre individuel, auront la capacité à garder le moral ? En ira- t-il de même pour les entreprises ? Et sur le plan international, si effectivement des problématiques apparaissent en lien avec l'augmentation des taxes sur les produits étrangers, quelles seront les conséquences et les répercussions exactes ? Dans les faits, est-ce qu'une personnalité comme celle de Donald Trump qui dirige d'une manière totalement différente neva pasamener le pays droit dans le mur ? En l'état, personne n'est en mesure dele savoir ! IE : Loin de désarmer, les manifestations anti- Trump ne cessent de gagner en intensité non seulement sur le solaméricain, mais également un peu partout dans le monde. Peuvent-elles, à terme, réussir à former un véritable contre- pouvoir à la politique économique et sociale volue par Donald Trump jusqu'à l'obliger à revoir sa copie ? CB : Pour l'heure, il y a un certain nombre de points à identifier sur lesquels Donald Trump a d'ores et déjà effectué une marche arrière. Avant qu'il soit élu, tout le monde Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 5. STRATÉGI[ m m disait que onze millions d'immigrés allaient être reconduits à la frontière. Or, quelques jours après son investiture, ce chiffre a été ramené à trois millions. Lequel, soulignons-le, correspond à celui comptabilisé sousla présidence Obama. De même, pour ce qui concerne l'Obamacare. Trump avait promis pendant sa campagne de l'abroger purement et simplement. Mais une fois élu, il décide de finalement en conserver une bonne partie ... Des reculs qui n'ont rien à voir avec les manifestations, mais qui sont dus à la résistance opposée à ces mesures au sein même du parti des Républicains où existe un véritable contre-pouvoir. D'ailleurs, sur la question destaxes, on constate aujourd'hui que sur ce problème fiscal, rien ne s'est produit dans les premiers jours de la prise de fonction de Trump, tout simplement parce qu'il y a une pléthore de discussions à mener au préalable pour savoir comment, combien, ainsi que le plan de financement. On voit bien que si Donald Trump avait prioritairement en tête le pétrole et le secteur de l'énergie, d'autres Républicains pensent en premier lieu ausecteur dela santé et aux questions qui tendent davantage vers la sociale démocratie. Mais il est clair que plus les gens vont interférer en manifestant et plus Trump aura tendance à prendre en compte leurs revendications. IE : Son élection a été accueillie très favorablement par l'industrie pétrolière. Au niveau tant national qu'international, quel sera selon vous l'impact de son mandat sur les marchés pétroliers ? CB : En termes d'offres, le premier point se rapporte au fait qu'en enlevant la déréglementation, il permet davantage de possibilité au niveau des forages tout en amenuisant, au final, des frais dans le sensoù celle-ci coûte cher. Il y a également un volet sur la création de deux nouveaux projets de pipeline, Keystone XL et Dakota Access,qui permettront d'aller beaucoup plus vite et, en conséquence, de réduire les coûts. Il y a tout un tas d'entreprises pétrolières qui pourront ainsi produire et en tirer beaucoup plus de profits grâce à cette augmentation du nombre de puits en activité. Après, cela va s'inscrire dans un élan puisque si le niveau le plus bas du nombre de puits de pétrole a été atteint fin mai 2016 au moment de l'effondrement des prix, nous sommes actuellement en hausse de 90% par rapport à ce niveau le plus bas puisque le pétrole est passéde 28 dollars le baril à 53/55 dollars. Le programme de Donald Trump consiste en tout cas clairement à augmenter la production via moins de réglementation, une baissedescoûtset la réactivation de deux projets deconstruction denouveaux oléoducs. Il peut y avoir également un dispositif fiscal concernant des compagnies pétrolières qui lespousseà produire davantage. Globalement, il va y avoir un choc d'offres positif. En effet, si en septembre 2016, le marché était à 8,5 millions en volume d'offre de pétrole américain, il s'élève actuellement à 9 millions. En outre, cette évolution de l'offre dépend du prix et de ce que vont faire lesautres pays.En cemoment, il y aun mouvement concerté de tous lespaysde l'OPEC et decertains autres pays non membres consistant à réduire l'offre. Sil'offre de pétrole de dollars.Quantau magazineForbes,au regardde sonclassementdes400 personneslesplusrichesdu mondeendatede septembre2016,il l'a estimée à 3,7 milliardsdedollars(contre4,5 l'annéeprécédente).Une« érosion» qui, ducoup,afait dégringolernotremagnatdela35eà la156eplacedecetrèsen vuebaromètre.Vexé,misterTrump(alorsenpleinecampagneprésidentielle)a ripostévia un rageur« Forbesestun magazineenfaillite qui nesait pasquoi il parle». Entout étatdecause,cettediminutiondepatrimoinetrouveraitsonexplication dans la baissedu marchéimmobilier new-yorkais,amenantles experts oeuvrantpourle comptedu mensuelà minorerlavaleurdesonzebiensque Trumppossèdedansla villeoùil a vu lejour en1946.Enparticulierla célèbre TrumpTowerquia vusavaleurnette (dettesincluses)passerde530 millions à 371 millionsde dollars.Enoutre, sur lesvingt-huit actifsestimés,dontle spectaculairedomainede Mar-a-Lagoen Floride,dix-huit ont égalementvu leurcotediminuer.Lemagazinesouligne,parailleurs,quecetécartentreleur chiffrageet celuicommuniquéparDonaldTrumps'expliqueprincipalementpar la valeurde la marqueTrump.Sile magnatl'estimeà plusieursmilliardsde dollars,Forbes,en revanche,serefuseàla valoriser. Fortune Combienpèseaujuste lemilliardaire Trump? À encroirecelui-ci,sonpatrimoinesechiffreraitauxalentoursdesdix milliards de dollars.Bloomberg,poursapart,l'évalueplusmodestementà 2,9milliards Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 6. américaine compense un peu cette réduction, au final c'est tout de même cette baisse concertée qui prend le pas ! Ce qui explique pourquoi le prix global de l'offre demeure au-dessus des 50 dollars malgré la hausse de l'offre américaine. IE : Trump a d'ores et déjà ordonné un black-out médiatiqueetuncontrôlepolitiqueauxchercheurs de l'Agence de protection de l'environnement ainsi qu'à l'agence de recherche du ministère de l'Agriculture qui devront lui soumettre leurs travaux avant toute publication. Faut-il craindre qu'il n'aille encore plus loin en supprimant toutes les politiques environnementales et revenir sur les engagements climatiques d'Obama pris lors de la COP 21 pour satisfaire à la pression de l'industrie pétrolière ? CB : C'est effectivement un vrai risque, même s'il ne fait pas l'objet d'un focus spécifique en ce moment dans la mesure où la grande interrogation actuelle se rapporte à la teneur de son programme fiscal ainsi qu'à l'immigration et aux impacts que cela aura à la fois sur les entreprises et sur les ménages. Si les effets se révèlent négatifs, il apparaît certain que tout le monde va lui tomber dessus ! Quant à l'environnement, il est clair que beaucoup de questions se posent parce que ce sujet n'entre pas du tout dans son programme. Il n'y croit de toute façon pas ... On verra donc jusqu'où ira la contestation, mais parmi tous les risques induits par la présidence Trump, celui touchant aux questions environnementales va susciter à coup sûr les réactions les plus virulentes sur le plan international. IE : Lalutte contre l'immigration clandestine doit, assure-t-il, aider les Américains en supprimant une concurrence déloyale. Pensez-vous que c'est là où se situe aujourd'hui le problème pour ceux ayant voté en faveur de sa candidature ? CB : Jene sais pas s'il s'agit-là dela préoccupation première de ceux ayant voté Trump, mais potentiellement il y en a une partie pour qui l'immigration pose un problème. Quant à la question plus spécifique desétrangers setrouvant en situation irrégulière sur le territoire américain, il s'agit clairement aujourd'hui d'un souci pour les États-Unis, comme c'est d'ailleurs le cas pour des pays comme l'Angleterre et la France. Est-ce que dans la réalité, le fait d'avoir élu Trump va changer la donne économiquement parlant ? Je répondrai par la négative parce que ce ne sont pas forcément tous ces petits jobs majoritairement exercés par des immigrés qui érodent le marché américain de l'emploi. Il y a plutôt un souci de fond ayant trait à la formation. En outre, l'autre question consiste à savoir si le problème vient des étrangers se trouvant sur le sol américain ou de l'absence devolonté réelle des autorités à intégrer ce type de population ? IE : Avec son projet de construction d'un mur à la frontière mexicaine qu'il souhaite faire financer par le Mexique, Donald Trump a provoqué une grave crise diplomatique entre les deux pays. Là encore, va-t-il devoir reculer ? CB : Il y a plusieurs choses à prendre en considération. La première est que Trump, dans les faits, se révèle d'abord un négociateur. Il a en effet toujours mis en avant cet « art de la négociation » dont il avait du reste fait un livre (NDLR : co-écrit avec le journaliste Tony Schwartz) dans les années 1980 et qu'il cherche à mettre aujourd'hui en œuvre avec les partenaires internationaux. Quitte à mettre la pression sur des pays comme la Chine ou le Mexique. Un peu comme il l'avait d'ailleurs pratiqué en pré-campagne sur le chapitre des droits de douane. Mais dans les faits, il n'a encore signé aucune ordonnance là-dessus. Est-ce que cela peut provoquer une crise diplomatique ? Oui, bien sûr parce que tout dépend de la manière dont va évoluer l'interlocuteur qui se trouve en face, avec des hauts et des bas pour finalement finir sur des discussions constructives. Maintenant, sa volonté de faire payer le mur par le Mexique me paraît compliqué dans la mesure où, par rapport au peuple mexicain, une option aussi anti-démocratique est parfaitement inacceptable. Par contre, l'amener à payer de manière indirecte comme par exemple l'envoi de subventions minorées ou via des taxes accrues sur certaines importations pourrait s'avérer une possibilité. IE : Parlons dela Russie. Selon vos observations, celle-ci a-t-elle pu réellement interférer au profit de Donald Trump dans le déroulement et les résultats de l'élection présidentielle ? CB : À dire vrai, personne ne peut répondre de manière catégorique dans un sens ou dans un autre. La seule chose, en revanche, que l'on sait c'est qu'il y a des enquêtes en cours menées sur la base de fortes suspicions. Reste maintenant pour les juges à assembler les pièces du puzzle afin d'établir cequ'il s'estréellement passé. Cela génère évidemment beaucoup de fantasmes dans les médias et couler beaucoup d'encre, mais j'avoue ne pas être forcément bien placé pour me mettre à spéculer sur la question. IE : Alors que Barack Obama avait réagi fortement en sanctionnant la Russie avec l'expulsion de35 diplomates considérés comme des espions, Donald Trump a de son côté dénoncé une «chasse aux sorcières politique». Sur Twitter, celui-ci a redit sa volonté de rapprochement avec Moscou, malgré cette affaire devenue éminemment politique. «Avoir une bonne relation avecla Russie est une bonne Mm | Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 7. L'œilsur... ChristopheBarraud, Chef économiste et stratégiste chez Market Securities. Fiche d'identité Genre: masculin Âge: 30 ans Signes particuliers : matièregriseélevée,prodesstats ChristopheBarraud,jeunehommeposéet courtois,estun petit géniedesstats.Éludepuis2012 meilleurprévisionnisteparl'agenceBloombergpourles statistiquesaméricaines,ainsiquepour lesdonnéeseuropéennesdepuisdeuxans,ChristopheBarraud,chef économisteet stratégiste chezMarketSecurities,aime lesdéfis,et plus particulièrementles paris.Qu'ilssoientsportifs ou boursiers,le jeune homme de trente ans originaire du Sud-Est,analyseet observeces donnéesavecprécision.Loind'avoir prisla grossetête, mêmesi celle-ciest bienpleine,c'est avechumilitéet simplicitéqu'il donnesonavissurl'économie.Cefan defootball, d'automobile et de karting,s'yest intéressédèsle lycée.Il abordela Boursecomme unterrain de jeu, tout en poursuivantsesétudesd'Économieappliquéeà Nice,puis de Financesà Paris.Il créeet développeen parallèlesonentrepriseindividuelle parle biaisd'un site Internet d'aideaux pronosticssportifs (tennis,football, rugby) et politique,de 2004à 2006.Convaincuque le marchédesparissportifs constitueun cadred'observationsimplifié suffisammentproche desmarchésboursiers,il décidede traiter lathéorie de l'efficienceinformationnellecommesujet de thèse,de 2009à 2012.Il concentreson attention sur la forme faible de l'efficienceinformationnelleet plus précisémentsur uneanomalieconnuesouslenom du « FavouriteLongshotBias»,qui a été recenséeaussibiendanslecadredesparissportifs queceluidesmarchésboursiers. Il aboutit ainsià desconclusionstranchéesconcernantsavalidité. Mêmes'il n'aencorejamaismis lespiedssur le sol américain,son espritde synthèseet de prévisionnisteluiest dédié.Plusconnuet demandéà l'étrangerqu'en France,il participe,depuis2011,à diversesconférencesainsiqu'àlarédactiond'articleset à lacoordinationderevueséconomiquesjournalières,hebdomadaireset trimestrielles.Il fournit ainsiun suividynamiqueéconomiquedesÉtats-Unis,de lazone Euroet de laChine.Cethommequimurmuredesprévisionséconomiquesà l'oreilledu marché,estsansaucundoute,à suivreà deprès. chose, pas une mauvaise chose. Seuls les gens stupides, ou les imbéciles penseraient que c'est mal!», a-t-il écrit dans une série de tweets. En quoi un tel rapprochement serait bénéfique aux États-Unis, d'autant qu'il a choisi comme directeur du renseignement Dan Coats, un sénateur personnellement visé par dessanctions russes ? CB : D'un point de vue économique, il existe aujourd'hui des sanctions réciproques entre la Russie et les États-Unis. Mais il est clair que si s'instaurent de meilleures relations, le commerce extérieur entre lesdeux paysenprofitera forcément. Je pense néanmoins que cela ne dépend pas des sanctions seulement américaines, mais aussi et surtout de celles que son voisin européen lui impose. Par conséquent, ce que souhaite sans doute la Russie est d'obtenir un appui dans l'optique d'une amélioration des relations avec l'Europe. Demeure cependant l'obstacle de l'Ukraine, même si dernièrement, on relève moins de reportages et de débats sur la question. Il est vrai que si, pendant la présidence Obama, existait un certain nombre de tensions économiques par ricochet à la situation géopolitique, savoir pour l'heure quelle tournure exacte vont prendre les relations entre les États-Unis et la Russie apparaît hasardeuse. IE : Après avoir provoqué l'ire de la Chine suite à son échange téléphonique avec Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan que Pékin considère comme une province chinoise, Donald Trump a fait volte-face après une longue conversation téléphonique avecle président Xi en reconnaissant le principe d'une seuleChine. Pourquoi une telle reculade ? CB : Déjà, il faut savoir que les diplomates chinois se sentent perdus par rapport à Donald Trump. En effet, ils arrivent face à un individu qui est capable de tout. Ils ne savent donc pas s'ils doivent sourire du personnage ou, au contraire, éprouver de la crainte à l'écoute de ses déclarations, mais tout en ayant cependant confiance dans la possibilité de pouvoir négocier avec lui sur un certain nombre de choses, secteur par secteur. À la condition irréfragable, bien entendu, que le principe d'une seule Chine demeure le fil rouge à toute négociation ! Sauf que si Trump n'a cessé de dire et répéter qu'il était plus enclin à vouloir se désengager desconflits qu'à en créer, le fait pour lui, ensuite, dejouer Taïwan contre la Chine ne peut qu'être générateur justement de conflit. Est-ce parce qu'il n'a pas bien cerné le risque d'aller titiller les limites des relations entre les États ? Ou l'a-t-il fait volontairement, histoire de voir jusqu'où il peut aller ? Avec une personnalité comme la sienne, toutes les supputations sont permises. IE : Donald Trump s'estréjoui haut et fort du Brexit anglais qu'il n'a pas hésité à qualifier de « fantastique ». Au point d'inviter en priorité la première ministre britannique Theresa May dans l'optique de conclure très rapidement un accord commercial spécifique. Tenterait-il, par ce biais, à détricoter les accords de libre-échange ? CB : Le veut-il vraiment ? Là encore, c'est toute une stratégie à vérifier sur le long terme. Même si l'on peut se livrer à d'infinies suppositions, je ne suis pas persuadé pour autant que l'on puisse l'affirmer. Ce qu'il est possible, Tous droits de reproduction réservés PAYS :France PAGE(S) :152-159 SURFACE :748 % PERIODICITE :Trimestriel 1 mars 2017 - N°164
  • 8. en l'état, de dire serapporte au fait que le Brexit arrive dans un cadre de mouvement global d'émancipation des peuples. Peut-il se révéler pour autant utile aux États-Unis ? Une chose est sûre : avecce Brexit, le Royaume-Uni se met à mal avecpratiquement tout le monde. Autant alors que Trump ait la primeur, sachant que l'Angleterre va peut-être conserver le marché commun. Se dire cependant que la stratégie de Donald Trump consiste à détricoter l'Europe et les accords de libre-échange des autres pays pour mieux ensuite pouvoir négocier de manière individuelle n'a franchement rien d'une certitude. Il sait parfaitement qu'en faisant voler l'Union Européenne et les accords de libre-échange, se produira une crise mondiale où tout le monde sera perdant ! IE : Comme autrefois la séparation entre l'Occident et le bloc communiste, on a la sensation qu'avec le Brexit et l'élection de Donald Trump va se révéler comme une fracture entre deux visions et approches du monde : celle des anglo-saxons et celle de notre « vieux » continent, autrement dit l'Europe. Partagez-vous cette opinion ? CB : La question liminaire est de savoir, au fond, si les Anglais ont vraiment la volonté de se détacher totalement de l'Europe pour former un bloc à part ? À dire vrai, je ne suis pas persuadé, en dépit de ses déclarations à l'emporte-pièce, que Lheresa May le veuille réellement. En fait, elle y est surtout contrainte par l'attitude des États membres de l'Union Européenne. Ceux-ci veulent qu'il y ait de la « casse » pour l'Angleterre afin que l'on ne puisse pas dire que l'Europe a capitulé. En tout état de cause, pour les peuples européens, le Brexit peut se révéler une opportunité en mettant définitivement fin à la montée des partis populistes. En effet, si l'on montre explicitement que le fait pour un pays de sortir du marché commun va lui occasionner un coût énorme, il y a toutes les chances pour que cela calme fortement les ardeurs de ceux prônant une sortie de l'Europe. Après, il y a deux paramètres à prendre en considération. Le premier tient à la question de savoir ce que veut exactement le Royaume-Uni ? Le second tient à ce que veut l'Europe ? L'Europe veut d'ores et déjà qu'il y ait un coût parce qu'elle n'est pas prête à sacrifier la contribution économique qui incombait au Royaume-Uni jusque-là. De plus, ce que le Royaume-Uni veut absolument garder touche à l'accès aux banques, quitte à perdre d'autres privilèges. Quant à la question de l'immigration, si l'Angleterre refuse, avec le Brexit, de continuer à admettre sur son territoire des ressortissants de l'Union Européenne, il lui faudra bien compenser avec le recours à une main d'œuvre venant d'ailleurs dans la mesure où ce pays a toujours reposé sur un principe de flot permanent de gens qui entrent et sortent. IE : Les entreprises européennes, notamment françaises, ne cachent pas leur méfiance et leurs appréhensions vis-à-vis de la politique voulue par le président Trump. Ont-elles raison de l'être ? CB : Oui, clairement. Mais sachant qu'il faut voir dans la position de Donald Trump comme un appel du pied vis-à-vis des entreprises. Celui-ci leur laisse, en effet, entendre la possibilité de signer des accords immédiats. L'idée étant de prendre ainsi des parts de marché, enparticulier àl'Europe, ou d'offrir un marché porteur de potentiels, avec davantage de déréglementations. Demeure ensuite la question de savoir si l'impact, au-delà del'effet de signer des accords avec les États-Unis, ne se traduira pas par une incertitude politique pour les entreprises européennes. Sachant qu'il faut placer ce sentiment d'inquiétude davantage sur le plan du degré d'incertitude politique qui atteint actuellement en Europe des niveaux encore jamais atteints. En France, si l'on regarde les sondages, il apparaît que quel que soit le candidat élu, celui-ci aura du mal à avoir une réelle majorité pour gouverner. Même problématique en Italie avec la tenue d'élections anticipées prévues, en principe, cet été. Ou encore en Allemagne avec les élections fédérales en septembre où, au regard des derniers sondages, la réélection d'Angela Merkel n'est désormais en rien assurée. IE : Pensez-vous, à l'instar de certains observateurs, que Donald Trump n'ira pas au bout de son mandat ? CB : Je vais m'en tenir aux pourcentages annoncés par lesbookmakers qui disent qu'il y'a 45% de chances que Donald Trump n'aille pas au bout de son mandat en raison d'un risque d'assassinat ou par la mise en œuvre de la procédure dite d'impeachment. Pour moi, c'est dans cette procédure que se situe le vrai risque pour Trump dans la mesure où si, à un moment donné, est prouvée l'existence d'une collusion frauduleuse avec la Russie, le déclenchement de l'impeachment aboutira presque simultanément à sa destitution. En effet, un tel acte constitue la ligne à ne surtout pas franchir, même au regard d'un Congrès à la majorité majoritairement acquise au Président élu. En revanche, d'un point de vue strictement économique, je ne vois pas Donald Trump provoquer une catastrophe majeure parce que je le crois tout-à-fait en capacité de négocier et de réviser ses positions pour ne pas se mettre tout le monde à dos. 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