SlideShare une entreprise Scribd logo
1  sur  181
Télécharger pour lire hors ligne
UNIVERSITE PARIS-DAUPHINE
EXECUTIVE DOCTORATE BUSINESS ADMINISTRATION
LA DETENTION D’ACTIFS DE TRESORERIE
DANS LES SOCIETES COTEES :
FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT SUR LA PERFORMANCE
Document de soutenance de Thesis
pour l’obtention du diplôme de
DOCTOR IN BUSINESS ADMINISTRATION
Soutenue publiquement le 18 juin 2013 par
Guillaume RENARD
JURY
Directeur de Recherche : Monsieur Jean-François CASTA
Professeur à l’Université Paris-Dauphine
Rapporteurs : Monsieur Hubert DE LA BRUSLERIE
Professeur à l’Université Paris-Dauphine
Monsieur Olivier RAMOND
Professeur à l’Université Paris Est - Créteil Val de Marne
L’Université Paris-Dauphine
n’entend donner aucune
approbation ni improbation aux
opinions émises dans les thesis :
ces opinions doivent être
considérées comme propres à leurs
auteurs.
REMERCIEMENTS
Je tiens tout d’abord à remercier l’Université Paris-Dauphine qui m’a permis
d’entreprendre une Thesis, tout en poursuivant mon activité de directeur financier chez
L’Oréal.
Je remercie particulièrement Monsieur le Professeur Jean-François CASTA, qui
m'a fait l'honneur d'être mon directeur de recherche. Son encadrement patient et
exigeant tout au long de ces quatre années, sa compréhension envers un doctorant
professionnel et ses nombreux conseils m’ont été des plus précieux pour la conduite de
cette recherche.
Cette thèse n’aurait pas pu être réalisée sans Monsieur le Professeur Hubert de la
BRUSLERIE, qui m’a intégré ces cinq dernières années dans son équipe de l’UE
d’analyse financière et ingénierie financière et qui a accepté d’être rapporteur. Les
échanges avec mes étudiants du Master 1 Finance, m’ont aussi permis d’enrichir ma
réflexion académique.
Les professeurs du CREPA (GFR Management & Organisation) ont également contribué
à faire avancer ma recherche lors des séminaires doctoraux. Je souhaite évidemment
remercier Monsieur le Professeur Pierre ROMELAER et Monsieur Emmanuel MONOD,
co-directeurs du programme Executive Doctorate de l’Université Paris-Dauphine. Les
doctorants, notamment lors de la conférence à la Case Western Reserve University de
Cleveland, m’ont aussi aidé dans le cheminement de mon travail, particulièrement Ali
HANDJANI pour ses utiles observations sur ma thesis.
Mes remerciements s’adressent également à Monsieur le Professeur Olivier RAMOND
de l’Université Paris Est - Créteil, qui a accepté d’être rapporteur. Ma reconnaissance va
aussi à Luc PAUGAM, Professeur Assistant à l’ESSEC. Ses conseils, lorsqu’il était
doctorant à l’Université Paris-Dauphine m’ont permis de développer mes connaissances
sur les méthodes de recherche quantitatives.
Enfin, ce travail n’aurait pu aboutir sans la présence permanente de mes proches. Toutes
mes pensées vont à ma famille et à mes amis qui ont cheminé avec moi lors de ce travail et
ont su donner du sens à mes réalisations.
SOMMAIRE
Remerciements..............................................................................................................................2
Sommaire........................................................................................................................................3
Table des acronymes et des sigles ............................................................................................4
Format de présentation...............................................................................................................5
Introduction...................................................................................................................................8
Première partie
Revue de la littérature sur la détention de trésorerie.........................................................23
Deuxième partie
Méthodologie, constitution d’un échantillon de 8.200 entreprises et statistiques
descriptives par zone/secteur..................................................................................................59
Troisième partie
Facteurs explicatifs du niveau de trésorerie : origine légale et structure financière ...87
Quatrième partie
Impact de la détention de trésorerie sur la performance et la valeur boursière, un
outil de résistance en période de crise .................................................................................117
Conclusions générales..............................................................................................................143
Annexes.......................................................................................................................................150
Bibliographie .............................................................................................................................161
Table des matières ...................................................................................................................170
Liste des tableaux.....................................................................................................................174
Liste des figures........................................................................................................................176
Liste des graphiques ................................................................................................................177
Liste des annexes......................................................................................................................178
4
TABLE DES ACRONYMES ET DES SIGLES
AMF Autorité des Marchés Financiers
AMO Afrique Moyen-Orient
BFR Besoin en Fonds de Roulement
CAC Cotation Assistée en Continu (Indice boursier France)
EBIT Earning Before Interests and Taxes
FTSE Financial Times Stock Exchange (Indice boursier Royaume Uni)
IFRS International Financial Reporting Standards
LIBOR London InterBank Offered Rate
LSDV Least Squares Dummy Variable (Moindres carrés avec variables indicatrices)
MCO Moindres Carrés Ordinaires
Md Milliard
NWC Net Working Capital (Besoin en fonds de roulement)
PdM Part de Marché
PIB Produit Intérieur Brut
QER Quantité Economique de Réapprovisionnement
RIM Research In Motion
R&D Recherche et Développement
ROA Return on Asset
ROI Return on Investment
S&P Standard & Poor’s (Indice boursier Etats-Unis)
SIC Standard Industrial Classification
UK United Kingdom (Royaume-Uni)
VAN Valeur Actuelle Nette
VMP Valeur Mobilière de Placement
WACC Weighted Average Cost of Capital (Coût moyen pondéré du capital)
FORMAT DE PRESENTATION
Expressions latines et abréviations
Afin d’alléger la discussion de notre étude, les abréviations latines « i.e. » (ita est), « e.g., »
(exempli gratia), « cf. » (confer) et « et al. » (et alii) sont utilisées respectivement pour «
c’est-à dire », « par exemple », « voir » et « et les autres » et seront indiquées en italique.
Citations et traductions
Les citations sont reproduites en italique, elles sont systématiquement traduites de
l’anglais par en bas de page.
Présentation des données statistiques
Pour faciliter leur lecture dans les tableaux, les données statistiques communiquées dans
la partie empirique de cette étude sont présentées selon les normes anglo-saxonnes (par
exemple : 8,030.27 au lieu de 8.030,27). Dans le texte, les commentaires sont rédigés
selon les normes françaises.
Référencement des équations mathématiques
La numérotation des équations mathématiques est réinitialisée au début de chaque partie.
La référence d’une équation fait figurer, en tête du numéro de l’équation, le numéro de la
partie, (e.g. l’équation n°8 de la partie 1 est référencée 1.8).
« The three most important things you need to measure in a business are customer satisfaction,
employee satisfaction, and cash flow. If you're growing customer satisfaction, your global market
share is sure to grow too. Employee satisfaction gets you productivity, quality, pride, and creativity.
And cash flow is the pulse »1
Jack Welch (1993)
1
Propos de Jack Welch dans le livre de Ticky et Sherman (1993). Traduction proposée : « Les trois choses les
plus importantes qui doivent être mesurées dans un business sont la satisfaction du client, la satisfaction des employés et
le cash-flow. Si vous accroissez la satisfaction du client, vous pouvez être sûr que votre part de marché globale croîtra
aussi. La satisfaction des employés vous apportera de la productivité, qualité, reconnaissance et créativité. Et le cash-
flow sera le fuel».
INTRODUCTION
INTRODUCTION
u cours des dernières décennies, les grands groupes industriels ont accumulé
d’importantes réserves de trésorerie2. Selon l’Autorité des marchés financiers3,
les 1.000 premiers groupes cotés dans le monde disposent fin 2011 de plus de
2.000 milliards de dollars de trésorerie. Ces actifs atteignent même 4.000
milliards de dollars sur le périmètre plus large des entreprises non financières (Hogan
Lovells, 2011)4.
Comment expliquer cette pratique de gestion ? Les taux d’intérêt étant proches de leurs
niveaux historiques les plus bas, les grands groupes devraient normalement avoir un
large recours à l’endettement avec une accumulation de trésorerie modérée, parce que
faiblement rémunérée. En réalité, ce phénomène trouverait son origine dans la crise et le
ralentissement économique : les managers ont une logique très financière et placent la
barre très haute en matière d'objectif de rentabilité de leurs investissements (ROI5). Les
entreprises écartent, par précaution, des projets qui auraient été recevables il y a vingt
ans pour se désendetter et conserver des actifs de trésorerie (Batsch, 2006).
2 « Le mot trésorerie est ambigu car il est utilisé pour désigner deux notions distinctes » (Colasse, 1982, p189). Pour
parler de la trésorerie dans cette thèse, on utilise indifféremment le terme de liquidités. Par « actifs
liquides » ou « actifs de trésorerie », il faut entendre l’ensemble des disponibilités et des valeurs mobilières
de placement court terme.
3 L’Autorité des marchés financiers (AMF) est l'institution française en charge de veiller à la bonne
application des règles qui régissent le marché boursier français (règles d'admission, fonctionnement du
marché et des intervenants, suivi de l'information communiquée au marché...).
4 Etude du cabinet Hogan Lovells, réalisée en 2011, sur le niveau de trésorerie dans les entreprises non
financières. Hogan Lovells est l'un des 10 premiers prestataires de services juridiques mondiaux.
5 Le ROI (Return on Investment) mesure les liquidités (ou potentielles liquidités) générées par un
investissement.
A
INTRODUCTION
9
Une étude du Journal of Finance (Bates, Kahle et Stulz, 2009) met en évidence une forte
hausse du ratio de trésorerie6 des entreprises américaines qui a été multiplié par deux en
trente ans de 10% des actifs de l’entreprise en 1980 à 23% en 2006. L’intérêt grandissant
porté à cette accumulation de trésorerie n’est pas réservé aux seuls académiques (Fresard,
2010 ; Duchin, 2010 ; Bigello et al., 2012). Les médias reprennent également le sujet : le
Financial Times (2011) titre en pleine crise financière « Corporate finance: rivers of riches:
multinationals are replete with cash – how they spend it will be crucial to the global economy »7
.
Le débat est aussi repris par les gouvernements. Ils émettent de sérieux doutes sur
l’utilité de tels niveaux de détention d’actifs liquides et sont effrayés par les conséquences
d’une accumulation trop massive. En France, après publication par le pétrolier Total de
nouveaux bénéfices record et d’une détention de trésorerie toujours plus importante (16
milliards d’euros fin 2010), Nicolas Sarkozy, propose d’en reverser une partie aux salariés.
Aux Etats-Unis, dans son discours devant le congrès américain en février 2011, Barrack
Obama interpelle les groupes cotés et leur demande de redistribuer leurs liquidités dans
l’économie en dépensant leurs milliers de milliards de dollars de trésorerie.
Le sujet de la détention de trésorerie n’est pas récent et existe depuis le début du XXème
siècle. En 1916, Henry Ford, qui réalise d'énormes gains de productivité grâce à la mise
en place des premières chaînes d'assemblage, fait plus de 100 millions de dollars de
bénéfices. Avec le cash-flow généré, il choisit non pas de rémunérer ses actionnaires mais
d'augmenter ses salariés, de diminuer le prix de ses voitures et de conserver une partie
sous forme de trésorerie comme précaution pour répondre aux besoins inattendus. Les
actionnaires traînent Ford en justice. La Cour Suprême du Michigan leur donne raison et
oblige le constructeur automobile à reverser ce surplus de trésorerie sous forme de
dividendes. Un siècle plus tard, Apple8 se retrouve dans la même situation. La société
californienne détient fin 2012 plus de 100 milliards de dollars de trésorerie9 et de
6 Le ratio de trésorerie est mesuré en rapportant le montant total des encaisses et équivalents (liquidités et
investissements à court terme) au montant des actifs de l’entreprise.
7 Traduction proposée : « Finance d’entreprise: de considérables réserves de liquidités dans les multinationales –
l’utilisation de ces réserves sera cruciale pour l’économie », de Richard Milne et Anousha Sakoui, dans le
Financial Times du 22 Mai 2011.
8 Apple a annoncé début 2012, pour la première fois depuis 1995, le versement de 35 milliards de dollars
dividendes. La firme va aussi lancer un programme de rachat d’actions à hauteur de 10 milliards de dollars.
9 La notion de trésorerie (ou de liquidité) dans cette thèse correspond à l’ensemble des disponibilités et des
valeurs mobilières de placement court terme.
INTRODUCTION
10
placements long terme10
. La demande pressante de ses actionnaires oblige Apple à les
rémunérer pour la première fois depuis les années 80, i.e. verser une partie de ses actifs de
trésorerie sous forme de dividendes et de rachats d’actions.
PLACE DE LA DETENTION DE TRESORERIE DANS LA
THEORIE CLASSIQUE DE LA FINANCE
Pourquoi les entreprises détiennent de tels niveaux de trésorerie ? Comment
s’effectue cette accumulation ? Quels sont les facteurs qui influencent ces choix ?
Ces questions sont au cœur de la Finance d’entreprise.
Selon Martynova et Renneboog (2009), les disponibilités internes, en opposition avec
l’endettement et les augmentations de capital, représentent la part la plus importante des
sources de financement. Une étude réalisée en 2012 par JP Morgan11, montre que la
moitié des sociétés industrielles et commerciales de l'indice S&P 500 (Etats-Unis) et
environ 40 % des entreprises du FTSE 100 (Royaume-Uni) sont financées à plus de 90 %
par des capitaux propres (réserves ou augmentations de capital). Contrairement au coût
de la dette, le coût des capitaux propres est resté élevé, car les primes de risque sont
historiquement excessives, pénalisant l'investissement et la croissance. Les entreprises
tendent à conserver leur trésorerie pour minimiser ces coûts.
Pour analyser les politiques de détention de trésorerie, il apparait essentiel de comprendre
comment sont financées les entreprises et quelles sont les implications de ces choix de
financement. Selon Damodaran (2001), une des premières missions de gouvernance des
comités exécutifs est de mettre en application leurs orientations stratégiques en
choisissant la meilleure répartition des cash-flows entre :
(i) le désendettement : remboursement de la dette et des frais financiers,
10 Les placements long terme sont des immobilisations financières (prise de participation avec gains réalisés
à long terme).
11 Dixième étude mondiale sur la gestion de trésorerie (2009), réalisée par J.P. Morgan Asset Management
avec l’Association of Corporate Treasurers (ACT), révèle les nouvelles tendances et principales
préoccupations des trésoriers d’entreprise à travers le monde. L’étude JP Morgan est disponible sur le site :
www.jpmorganassetmanegement.fr
INTRODUCTION
11
(ii) l’investissement dans les outils de production,
(iii)les acquisitions (paiement avec des liquidités, mais également finançable par
endettement ou augmentation de capital),
(iv)le versement de dividendes ou le rachat d’actions pour la valeur actionnariale,
(v) la détention de trésorerie.
Figure 1 : Processus de décision d’utilisation des cash-flows
La détention de trésorerie peut s’appréhender selon deux théories en opposition : la
théorie financière classique et des courants plus récents présentant la trésorerie comme
une flexibilité financière.
Théorie financière classique
Le modèle classique de la Finance ne laisse place à aucune constitution de
trésorerie. La valeur actionnariale ayant pris de l’importance dans les années 80/90,
l’actionnaire est considéré comme le créancier résiduel qui touche les liquidités restantes
une fois toutes les opérations de financement et d’investissement réalisées. Dans un
monde parfait à la Modigliani-Miller (1958), la détention de niveaux élevés de trésorerie
est d’ailleurs sans intérêt pour l’entreprise. Les sociétés peuvent s’adresser facilement aux
marchés de capitaux pour financer leurs projets d’investissement rentables et ceci
moyennant des coûts faibles.
Ce concept de créancier résiduel s’est développé dans la théorie économique des contrats.
Pour Grossman et Hart (1986), avoir la propriété d'un actif et donc être le créancier
résiduel signifie exercer le contrôle résiduel. Mais, les contrats ne sont pas complets et
INTRODUCTION
12
n’envisagent pas toutes les éventualités qui résultent des actions de chaque acteur, ce qui
est d’ailleurs impossible dans un univers de rationalité limitée dès lors que la transaction
est un peu complexe. Donner aux comités exécutifs des grands groupes, la responsabilité
de gérer la partie non spécifiée du contrat (i.e. contrôle résiduel), est un arrangement qui
évite les renégociations ex-post et de ce fait économise les coûts de transaction, mais avec
le plus souvent des objectifs divergents entre les actionnaires et les managers sur
l’affectation du bénéfice résiduel (Milgrom, Roberts, 1992). Une des conséquences est
l’accumulation d’actifs de trésorerie par les managers pour obtenir un gain en
termes de pouvoir discrétionnaire sur les décisions d’investissement de la firme Ces
niveaux de trésorerie anormalement élevées sont perçus comme négatifs pour
l’entreprise :
(i) ils ne permettent pas d’optimiser l’effet de levier : baisse de la rentabilité
financière, avec une rémunération des liquidités inférieure au coût du capital,
(ii) ils sont soupçonnés d’offrir aux dirigeants une trop grande latitude d’action
(Jensen, 1986), au détriment des actionnaires : acquisitions réalisées par les
managers pour accroitre leur périmètre et leur pouvoir (i.e. empire building12),
gestion progressive de la distribution de dividendes pour maintenir le cours de
bourse et assurer leur rémunération variable (i.e. bonus, stock-options, actions
gratuites).
Théories les plus récentes : la trésorerie comme une flexibilité financière
En période de crise, les dirigeants remettent en avant leur droit à accumuler de la
trésorerie. Comment expliquer cette pratique de management ?
Selon Bertoneche (2012), professeur de Finance à la Harvard Business School, les
managers recherchent de la flexibilité financière. Un faible endettement permet plus de
réactivité dans un environnement imprévisible. Lors de périodes de crise, durant
lesquelles l'accès aux marchés des capitaux est restreint, voire impossible, les avantages
financiers et fiscaux de l'endettement sont atténués. Bertoneche (2012) précise : « se
12 La volonté de se bâtir un empire (empire building) constitue l’une des principales motivations pour les
fusions-acquisitions, d’après la théorie économique. Pour des questions de rémunération ou simplement de
prestige, les dirigeants auraient tendance à élargir exagérément les frontières de l’entreprise dont ils ont la
charge.
INTRODUCTION
13
réserver la possibilité de recourir à la dette équivaut à l'achat d'une option. La valeur de cette
option est d'autant plus élevée que l'incertitude et la volatilité s'accroissent. » Cependant,
beaucoup d'entreprises utilisent leurs capacités d'emprunt pour optimiser leurs
performances, plutôt que de conserver cette opportunité pour les périodes de crise.
L’expression « Cash is king »13
est très souvent utilisée par les managers. Elle fait référence
à l'importance de la trésorerie dans la santé financière de l’entreprise, comme
précaution pour répondre aux besoins inattendus. L’effet de levier permet certes
d’accroitre la rentabilité des capitaux propres mais génère un risque. Dans un contexte de
crise, les marges se réduisent et ne permettent pas toujours d’absorber les frais financiers
(i.e. effet de massue). Les actifs de trésorerie servent alors de tampon. Ils peuvent
également permettre de réaliser des opérations à court terme, des achats ou des
acquisitions.
Ainsi, cette recherche opposera deux théories : la théorie financière classique qui
explique la constitution de trésorerie comme une conséquence des coûts d’agence
(i.e. empire building) avec un effet négatif sur l’entreprise, et les courants les plus
récents plaçant la détention de trésorerie comme une flexibilité financière.
LA DETENTION DE TRESORERIE DANS LA
LITTERATURE ACADEMIQUE
Malgré le rôle essentiel de la trésorerie dans les opérations d’investissement et de
financement, les recherches en Finance ont traditionnellement peu exploré le phénomène.
Ce sont des recherches récentes qui remettent le sujet à l’ordre du jour, notamment suite
à l’accumulation de niveaux de trésorerie record (e.g. Apple ou l’étude de Bates et al.,
2009) et à l’intérêt porté à ces actifs de trésorerie par les médias et les cercles politiques.
13 « Cash is king » : expression prononcée pour la première fois par le Directeur Général de Volvo, Gustaf
Gyllenhammar, suite au krach boursier de 1987.
INTRODUCTION
14
Historique des recherches sur la détention de trésorerie
Les premières études sur la détention de trésorerie datent de 1936 : Keynes précise déjà
les deux principaux bénéfices de détenir des actifs liquides, i.e. diminuer les coûts de
transaction et avoir un matelas pour répondre aux besoins inattendus. Ces recherches
les plus anciennes s’intéressent principalement aux déterminants de la détention de
trésorerie : motif de transaction, motif de précaution et modèle des économies
d’échelle.
Selon les motifs de transaction, pour réaliser leurs opérations courantes de financement
ou d’investissement, les entreprises ont besoin de trésorerie. N’opérant pas dans un
marché parfait, les firmes subissent des coûts de transaction pour se procurer ces
liquidités : taux d’intérêt pour l’endettement, taxes et commissions pour les ventes
d’actifs. Ainsi, pour diminuer ces coûts, les entreprises conservent par précaution un
niveau suffisant de trésorerie pour répondre à ces besoins courants ou inattendus.
Dans le modèle des économies d’échelle, les grandes entreprises ont un accès facilité aux
marchés de capitaux leur permettant d’emprunter à des niveaux de rémunération plus
favorables. Elles bénéficient également de mutualisation entre leurs activités leur
permettant une mise à disposition plus rapide d’actifs de trésorerie. Ainsi, dans ce modèle,
les entreprises les plus grandes disposent de plus faibles niveaux de trésorerie.
Baumol (1952) et Miller et Orr (1966) développent un premier modèle de « Trade-off » 14
(compromis) sur le niveau de trésorerie qui serait le résultat d’un équilibre entre son coût
de détention et ses bénéfices : réduction des coûts de transaction et des taux d’intérêts
pour se procurer des liquidités sur le marché.
Malgré ces théories expliquant la nécessité pour les entreprises de détenir un niveau
minimum de trésorerie, ces théories classiques considèrent la trésorerie comme un
élément non stratégique pour la gestion de l’entreprise.
Des études plus récentes introduisent la notion de gouvernance et se situent dans
des postures comparative et institutionnelle. Jensen (1986) place le dirigeant comme
14 Modèle du Trade-off (Compromis) qui prédit que les firmes identifient un niveau optimal d’endettement
en évaluant les coûts et les bénéfices d’une unité additionnelle de la dette. Parmi, les bénéfices de la dette,
nous pouvons citer la déduction des taxes des intérêts ainsi que la réduction des problèmes
d’autofinancement. Les coûts de la dette incluent les coûts potentiels de faillite et les conflits d’agence entre
les actionnaires et les obligataires. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
INTRODUCTION
15
acteur dans le choix d’accumuler de la trésorerie. A l’encontre de l’intérêt des
actionnaires, les managers accumulent des actifs de trésorerie pour accroître leur pouvoir,
augmenter leur autonomie et poursuivre des intérêts personnels. Ils peuvent réaliser des
investissements que les marchés refuseraient de financer. L’accumulation d’actifs liquides
pourrait en partie s’expliquer par ces conflits managers/actionnaires qui génèrent des
coûts d’agence.
Les recherches se sont ensuite appuyées sur des théories d’optimisation de la
structure financière (Kim et al., 1998, Opler et al, 1999, Almeida et al., 2004). Elles
reprennent les modèles développés dans les années 70/80 mettant en évidence l’influence
de l’endettement sur l’optimisation des structures financières et les transposent à la
trésorerie :
(i) la théorie du compromis (Myers, 1977) permet de définir un niveau optimal de
trésorerie, résultant du compromis entre le coût et le bénéfice de la trésorerie ;
(ii) dans la théorie du financement hiérarchique15 (Myers et Maljuf, 1984), il n’y a
pas de niveau optimal de trésorerie, car elle agit comme un fond régulateur
entre les bénéfices retenus et les besoins d’investissement de l’entreprise. Dans
ce modèle, la structure financière et le niveau de trésorerie de l’entreprise sont
un résultat des opérations de financement et d’investissement : sont d’abord
privilégiées pour une opération financière, les liquidités, puis la dette et enfin
le recours à des capitaux externes.
Les recherches les plus récentes se sont développées suite à l’intérêt des managers pour la
détention d’actifs de trésorerie, comme un maillon central de leur stratégie financière.
Harvey et Graham (2001), Bancel et Mittoo (2004), Bertoneche (2012) interrogent les
managers et révèlent que le principal moteur les poussant à conserver des disponibilités,
est le désir de préserver leur flexibilité financière. La détention de trésorerie permet ainsi
de sécuriser la possibilité de financer leurs futures opportunités de croissance. Il s’agit
d’une remise en cause des théories financières classiques de la structure financière
(Modigliani, Miller, 1958).
15 Modèle du Pecking Order (Financement hiérarchique) : selon cette théorie, il n’existe pas de niveau
optimal de dettes ou de structure financière. L’entreprise a recours dans la mesure du possible à l’émission
de la dette sans risque ; ensuite, elle émet de la dette risquée ou des obligations convertibles avant de
recourir à l’émission d’actions. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
INTRODUCTION
16
Les principaux courants de littérature sur la détention de trésorerie
Cette revue de la littérature peut également s’analyser par thème. Deux principaux
courants de recherche permettent de réaliser une classification :
(i) le premier s’intéresse à la compréhension des déterminants des niveaux de
trésorerie observés. Les chercheurs essaient d’identifier les facteurs explicatifs et
les circonstances associées à la constitution d’actifs liquides ;
(ii) le deuxième groupe de recherche analyse ce que les entreprises font de cette
trésorerie et évalue son influence sur la performance et la valeur de l’entreprise.
(i) Le premier courant a permis d’identifier avec succès les nombreux
déterminants à l’origine de la détention d’actifs de trésorerie. Un nombre
considérable d’études précisent les variables qui prédisent une augmentation des
niveaux de trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999). Ces études
mettent en évidence trois motifs différents à l’origine de la détention de
trésorerie :
- les entreprises retiennent de la trésorerie par principe de précaution. Afin
d’avoir des ressources internes leur permettant de mieux résister aux chocs,
particulièrement lorsque les accès aux financements externes se restreignent.
Bates, Kahle et Stulz (2009) observent que les petites firmes ont plus de trésorerie
car plus soumises aux chocs financiers avec de fortes volatilités de cash-flows et
peu d’accès aux capitaux externes. Ces recherches placent les actifs liquides
comme un instrument de flexibilité financière ;
- d’autres analyses démontrent le rôle de la qualité de la gouvernance (Harford
et al., 2008). Les entreprises localisées dans des pays avec des actionnaires
minoritaires moins protégés détiennent des niveaux de trésorerie plus élevés.
Jensen (1986) parle de coûts d’agence avec des managers qui tendent à conserver
des trésoreries excessives pour accroître leurs pouvoirs. Il prend l’exemple des
compagnies pétrolières qui ont accumulé d’importants niveaux de trésorerie et
ont réalisé des diversifications hasardeuses dans les années 70 : acquisition de
sociétés dans des secteurs moins profitables que celui de l’industrie pétrolière (i.e.
effet dilutif). Jensen cite les exemples d’achats de Marcor (secteur de la
distribution) par Mobil ou de Reliance Electric (secteur industriel) par Exxon ;
INTRODUCTION
17
- la fiscalité peut également être à l’origine de l’accumulation d’actifs de trésorerie.
Par exemple, les multinationales américaines ne peuvent pas rapatrier leurs
liquidités aux Etats-Unis sans se faire taxer lourdement (e.g. Apple dont la
majorité de sa trésorerie est en dehors des Etats-Unis). Le poids de la fiscalité
concerne à la fois les pays dans lesquels la multinationale fait ses bénéfices, mais
également le pays siège.
(ii) Le second courant de recherche permet de mesurer les conséquences de la
détention de trésorerie sur l’entreprise. Selon Fresard (2010), la trésorerie
permettrait d’accroitre la valeur, mais également la performance de
l’entreprise.
La détention de trésorerie permet par exemple de réaliser une acquisition dans un
secteur innovant ou méconnu de l’entreprise ou encore d’investir dans une rénovation
de l’outil industriel ou de distribution. C’est par exemple le cas de L’Oréal qui en
rachetant Kiehl’s en 2000 ou The Body Shop en 2006 a pu développer un modèle de
distribution en propre qu’elle ne maitrisait pas en interne ; ou encore Apple qui
rachète de petites start-up pour maintenir son niveau d’innovation.
Les effets de la trésorerie sur la valeur de l’entreprise se sont considérablement
élargis lorsque les firmes ont dû faire face à de fortes contraintes financières.
Cependant, dans un contexte difficile, avec une mauvaise gouvernance, la détention
de trésorerie peut avoir un impact négatif sur la valeur de l’entreprise. En l’absence
d’intérêts communs avec les actionnaires, les managers tendent à dépenser
rapidement leur trésorerie et détruire de la valeur dans des acquisitions non
rentables, réduisant le retour sur investissement des actionnaires (Jensen, 1986).
QUESTIONS DE RECHERCHE
Les records de niveaux de trésorerie des entreprises industrielles commencent à inquiéter
les politiques et les professionnels de la Finance. Les observateurs émettent des doutes
INTRODUCTION
18
sur la rationalité des entreprises à détenir autant de trésorerie16. L’objectif de cette
recherche est d’abord d’observer et de comprendre comment se réalise l’accumulation de
trésorerie dans les groupes cotés. Elle mesure ensuite l’influence de la détention de ces
actifs de trésorerie sur la performance de la firme, lui permettant de mieux résister aux
contraintes financières.
Pour évaluer les déterminants du niveau de trésorerie, deux axes d’analyse sont étudiés :
l’origine légale et les modèles de structure financière (Trade-off et Pecking order). Pour
mesurer l’influence de la détention de trésorerie sur la performance, cette thèse s’intéresse
également à l’avantage compétitif des actifs de trésorerie comme garant pour améliorer la
part de marché de l’entreprise et particulièrement dans un contexte de stress
financier comme la crise financière de 2007/2008 et le rationnement du crédit.
D’un point de vue épistémologique, ce travail doctoral s’inscrit dans une approche
positiviste (Comte, 1853) fondée sur une méthodologie hypothético-déductive (Gill et
Johnson, 2010). Elle teste de manière empirique 2 théories en opposition :
(i) d’un côté la théorie classique de la Finance (Modigliani, Miller, 1958) pour qui
la détention de niveaux élevés de trésorerie est sans intérêt car les sociétés
peuvent s’adresser facilement aux marchés de capitaux pour financer leurs
projets,
(ii) de l’autre les courants les plus récents (Fresard, 2010) qui mettent en avant une
influence positive des actifs de trésorerie sur la performance de l’entreprise.
Les études antérieures relatives aux déterminants sont principalement restées sur des
données américaines annuelles. La particularité de nos travaux est de porter :
(i) sur un périmètre mondial, en discutant les éventuelles disparités par zone
géographique et par secteur,
(ii) sur une période annuelle (2003-2010), mais également trimestrielle (2006-
2009), permettant d’éviter les window-dressing17 de fin d’année.
16 “Behind Those Stockpiles of Corporate Cash,” by Mark Hulbert, Wall Street Journal, October 22, 2006.
“Looking for Trouble,” The Economist, April 21, 2005. “The Corporate Savings Glut”, The Economist, July
7, 2005. “Companies Are Piling Up Cash”, by Diana B. Henriques, New York Times, March 4, 2008.
17 Le windows dressing est le terme retenu pour qualifier les habillages de bilan d’entreprise ou autres
fonds. Ces opérations se réalisent avant la fin d’un exercice et donc assez régulièrement en fin d’année.
INTRODUCTION
19
Quatre questions vont articuler notre recherche :
1°- Quels sont les déterminants de la détention de trésorerie, par zone et par
secteur ?
Question 1 : influence de l’origine légale sur le niveau de trésorerie ?
Question 2 : le niveau de trésorerie est-il un compromis (modèle du Trade-off) entre le
coût et le bénéfice de sa détention ou le résultat d’un financement hiérarchique (modèle du
Pecking order) ?
2° - Quel est l’impact de la détention de trésorerie sur la performance/valeur de
l’entreprise, par zone et par secteur ?
Question 3 : permet-elle de gagner des parts de marché et d’accroitre la valeur boursière
sur l’ensemble des zones géographiques et des secteurs d’activité ? Comment valoriser la
valeur marginale d’un euro de trésorerie selon les régions ?
Question 4 : est-elle un avantage compétitif en cas de fort stress financier (e.g. crise
financière de 2007/2008) ?
Nous utilisons la base Worldscope18 de la plateforme Thomson One Banker19. Le travail
empirique est réalisé sur 65 pays avec un échantillon de 8.200 entreprises industrielles
représentant 50% de la capitalisation boursière mondiale. La période analysée est
2003/2010 (base annuelle) et 2006/2009 (base trimestrielle) afin de prendre en compte le
comportement des firmes pendant la période de crise financière de 2008.
Notre recherche est organisée en quatre parties :
La [1ere Partie] s’intéresse à la détention de trésorerie dans la littérature : les
différents courants de recherche et les théories expliquant l’accumulation sur le long
terme de niveaux élevés de trésorerie (Bates, Kahle et Stulz, 2009).
L’entreprise pourra par exemple réaliser des cessions temporaires de titres permettant de faire apparaître
des liquidités, en lieu et place de titres.
18 Worldscope : base de données financière regroupant plus de 40.000 sociétés internationales dont les
données ont été retraitées, 18 ans d'historique. Comprend les données trimestrielles.
19 Thomson One Banker est une plate-forme d'interrogation de banques de données d'informations
financières et boursières présentant principalement les comptes des sociétés cotées sur au moins 10 ans.
INTRODUCTION
20
La [2eme
partie] détaille la méthodologie et la constitution d’un échantillon de
comptes consolidés de 8.200 entreprises industrielles cotées représentant 50% de la
capitalisation boursière mondiale (65 pays). Des statistiques descriptives du niveau de
trésorerie sont données par pays, par zone et par secteur sur une période annuelle
(2003/2010) et trimestrielle (2006/2009).
Dans la [3eme
Partie], à partir de l’échantillon constitué, cette recherche s’intéresse de
manière empirique aux facteurs explicatifs de la détention de trésorerie selon deux
axes d’analyse :
(i) l’influence de l’environnement juridique : les différentes politiques de gestion de
trésorerie selon les pays, mettent en évidence l’influence de la réglementation (La
Porta et al. 1998) et des politiques fiscales sur les décisions des managers ;
(ii) l’influence des modèles de structure financière du Trade-off (Myers, 1977) et du
Pecking order (Myers et Maljuf, 1984).
La [4eme
Partie] étudie empiriquement selon les continents, l’influence positive du
niveau de trésorerie sur la performance des entreprises : gain de part de marché,
hausse de la valeur boursière et matelas pour résister aux crises. Ce constat remet en
cause les courants classiques de la Finance (Modigliani et Miller, 1958) et de l’agence
(Jensen 1986). Ce travail doctoral démontre également l’avantage compétitif des actifs de
trésorerie en période de stress financier (étude trimestrielle pendant la crise financière
2007/2008). Enfin, ce chapitre analyse plus particulièrement la détention de trésorerie
dans l’industrie des « smartphones », du fait du niveau record de réserves dans ce secteur.
Ainsi, cette thesis repose sur une approche empirique d’analyse de données comptables,
permettant de tester deux théories en opposition. Les parties développées, s’articulent de
manière à approfondir une analyse logique, mais incontestablement partielle, des enjeux
théoriques et empiriques de la détention de trésorerie. La revue de littérature, proposée
dans la première partie, permet d’identifier, d’une part, les différentes problématiques et
réponses académiques apportées et, d’autre part, de relever les pistes inexplorées pour
lesquelles des propositions de réponses sont concrétisées dans la troisième et quatrième
partie sur une base de données définie en deuxième partie. Les troisième et quatrième
parties constituent l’aboutissement empirique des hypothèses et développements
théoriques formulés dans la première partie, elles permettent d’accepter ou de réfuter
chacune des deux théories énoncées. La figure 2 résume l’articulation de la recherche.
Figure 2 : Articulation de la Recherche
Etude de la littérature sur la détention d’actifs de trésorerie
Les courants de littérature
 Premier courant :
Déterminants de la détention d’actifs
de trésorerie
 Deuxième courant :
Impact de la trésorerie sur la valeur
et la performance de l’entreprise
Les théories expliquant
l’accumulation de trésorerie
 Trade-off (compromis de
structure financière)
 Pecking order (financement
hiérarchique)
 Agence (empire building)
1ère
Partie
3/4ème
Parties2ème
Partie
Impact de la crise sur le
niveau de trésorerie
Matelas pour résister aux
crises
Constitution de l’échantillon : 8.200 entreprises
Impact de l’origine légale sur
le niveau de trésorerie
Gouvernance -
Environnement juridique
Etude
empirique
quantitative
-
Base de
données
Worldscope
(comptes
consolidés)
Analyse des déterminants des
niveaux de trésorerie
Modèle Structure financière :
Trade-off et Pecking order
Les déterminants de la détention
d’actifs de trésorerie
Territoire:
Monde
6 Zones
65 Pays
Impact positif des réserves de
trésorerie sur l’entreprise
Secteur
Industrie
Codes SIC
2000-3999
Sociétés
cotées
(50% de la
capitalisation
mondiale)
Impact sur la performance
(gain de Part de marché)
Impact sur la Valeur
(hausse de la valeur boursière)
Période
Annuelle
2003/2010
Trimestrielle
2006/2009
PREMIERE PARTIE
PREMIERE PARTIE
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE
TRESORERIE
a première section de cette partie permet de définir la notion de trésorerie (I).
Elle fait une revue des différents courants de littérature : à la fois ceux des
années 50/60 (II), mais aussi les recherches les plus récentes développées dans
les journaux académiques depuis le milieu des années 90 (III). Enfin, ce chapitre définit le
cadre épistémologique de cette thesis (IV).
I- ACTIFS DE TRESORERIE : DEFINITION ET
CONSTAT SUR UNE ACCUMULATION MASSIVE
DANS LES GRANDS GROUPES INDUSTRIELS
1.1. DEFINITION DES ACTIFS DE TRESORERIE
La trésorerie ou les disponibilités au sens strict du terme se définissent comme les
réserves conservées par les entreprises au niveau de leurs postes comptables caisse
et banque. Il s’agit de liquidités détenues en numéraire et des soldes créditeurs des
comptes chèques bancaires. Elles correspondent aux actifs les plus liquides qui servent
aux opérations journalières de l’entreprise.
Le terme trésorerie au sens large évoque l’ensemble des actifs qui peuvent être
transformés en monnaie au moindre coût. Elle inclue les disponibilités, mais également les
L
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
24
valeurs mobilières de placement20 qui sont les seuls éléments que l’on peut véritablement
mesurer dans toutes les entreprises, le reste relève d’options stratégiques qui sont à la
discrétion de chaque firme.
Il est à noter que tout actif peut être évalué par son degré de liquidité. Dans certains
articles de presse, peuvent être considérées comme des liquidités les placements long
terme. Par exemple, les 100 milliards de trésorerie d’Apple, mentionnés dans les revues
économiques, incluent des immobilisations financières non disponibles à court terme.
Dans ce travail de recherche, nous ne prendrons pas en considération ces immobilisations
financières.
Koulayom (1997) fait la distinction entre une trésorerie d’actif et une trésorerie hors-bilan
La « trésorerie actif » correspond aux postes comptables assimilables à des liquidités, i.e.
les disponibilités et les valeurs mobilières de placement. Selon cette définition, la
trésorerie est vue comme un emploi ou une ressource en attente d’allocation. La
« trésorerie hors-bilan » est une trésorerie potentielle. Elle inclut les lignes de crédits
confirmées, la capacité d’endettement non utilisée et le montant des engagements liés à
des accords formels ou informels entre l’entreprise et les parties prenantes.
L’ensemble de cette thèse fera référence uniquement aux disponibilités y compris
les investissements court-terme, mais hors immobilisations financières long terme
et trésorerie hors-bilan. Tout au long de ce travail, nous utiliserons indifféremment
les termes actifs de trésorerie, trésorerie, actifs liquides ou liquidités.
Niveau optimum de trésorerie
Selon Quiry et Le Fur21 (2011), l’accumulation de trésorerie n’est pas forcément un choix
de l’entreprise, mais une contrainte qu’elle subit du fait de décalages/retards de paiements
des fournisseurs, de résultats immobilisés à l’étranger pour des raisons fiscales, de fonds
bloqués dans des dépôts de garantie et paiement en avance. L’objectif « zéro trésorerie »
n’est donc pas si évident à réaliser.
20 Les valeurs mobilières de placement sont des biens transformables à tout moment en disponibilités mais
qui comportent malgré tout un risque de perte en capital.
21 Pascal Quiry et Yann Le Fur, « Pourquoi détenir du cash ?», lettre Vernimmen avril 2011
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
25
Le niveau de trésorerie qu’une entreprise doit maintenir dépend également de la nature de
son activité. Une entreprise de restauration ou de distribution a besoin de plus de
liquidités qu’une société de production car ses clients règlent comptant.
La taille de la firme intervient également. Les grands groupes bénéficient d’économies
d’échelle leur permettant de maintenir un taux de détention de trésorerie sur chiffre
d’affaires moins élevé. Le système financier intervient également au niveau des volumes :
quand les paiements sont réalisés uniquement par virement bancaire, l’entreprise n’a pas
la nécessité de posséder autant de trésorerie qu’une entreprise sans système de paiement.
Valeur de la trésorerie
Le taux de rentabilité minimal demandé à un investissement est le coût du capital. Ce
principe peut être appliqué aux titres financiers sans risque : le coût du capital doit être le
taux d’intérêt sans risque. Dans le cas où l’entreprise ne connaitrait pas avec certitudes
ses rentrées de liquidités, une prime de risque doit être associée.
D’un point de vue théorique, l’investissement en actifs financiers ne réduit pas la valeur de
l’entreprise. En effet, la distribution des disponibilités augmente le risque et donc le coût
du capital. Cependant, dans certains cas, la trésorerie peut affecter négativement la valeur
de l’entreprise si elle est placée à un taux d’intérêt inférieur à celui du marché ou si
l’entreprise sous-utilise l’effet de levier, c'est-à-dire qu’elle n’utilise pas suffisamment les
dettes pour financer son actif. La détention des titres peut également inciter les dirigeants
à accepter des investissements dans des projets à rentabilité inférieure aux normes. Tous
ces aspects seront développés en détails dans la troisième section de cette partie pour les
courants de recherche ; et testés de manière empirique dans la quatrième partie, i.e. impact
de la détention de trésorerie sur la performance.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
26
1.2. LES DERNIERES ETUDES SUR LE NIVEAU DE TRESORERIE
DES ENTREPRISES COTEES
Etude sur les entreprises industrielles américaines sur la période 1980/2006
Une étude récente du Journal of Finance (Bates, Kahle, Stulz, 2009) met en
évidence une accumulation massive - et année après année - de trésorerie dans les
grands groupes américains cotés : sur une période de 25 ans, le ratio Cash/Actif des
sociétés américaines a doublé en passant de 10% en 1980 à 23% en 2006. Les actifs de
trésorerie des sociétés non financières représentaient 1.700 milliards de dollars fin 2006,
soit 9% de leur capitalisation boursière, i.e. bien plus que les dettes cumulées de ces
mêmes entreprises. L’endettement net des entreprises côtés est aujourd’hui négatif, même
si la trésorerie et les dettes ne se trouvent pas forcément dans les mêmes firmes. A titre
d’exemple, Microsoft et Exxon possédaient fin 2006 plus de 30 milliards de dollars
disponibles sur leurs comptes bancaires, sans quasiment aucun endettement. Inversement,
General Motors, avant d’être mis sous le régime du « chapter eleven22 » et malgré une
forte pression de son endettement sur sa structure financière, possédait également
d’importants niveaux de trésorerie.
L’étude de Bates et al. détermine par statistique descriptive des groupes d’entreprises
selon leur taux de détention de trésorerie. En premier lieu, le niveau de trésorerie dépend
de la taille de l’entreprise (cf. modèle des économies d’échelle) : les plus petites possèdent
des taux de trésorerie plus élevés (35% de Cash/Actif), tandis que les plus grandes ont des
taux de détention moindres (10% de Cash/Actif).
Le niveau de trésorerie dépend également de la volatilité des cash-flows, i.e. des
contraintes financières. Les entreprises avec une incertitude sur leurs rentrées de cash-
flows possèdent plus de réserves (40% de ratio Cash/Actif), tandis que les entreprises à
faible volatilité ont des taux de détention bien moindres (7%). Autre constat réalisé par
Bates et al. (2009), les entreprises les plus récentes, introduites en bourse dans les années
2000, possèdent plus d’actifs de trésorerie (35% de Cash/Actif) que celles créées dans les
années 60 (seulement 10% de Cash/Actif).
22 Le « chapter eleven » (chapitre 11) de la loi sur les faillites des États-Unis permet aux entreprises de se
réorganiser sous la protection de cette même loi.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
27
Entreprises françaises sur la période 1999/2005
Laurent Batsch (2006) fait un constat similaire en France : les grandes entreprises
françaises épargnent de plus en plus. Entre 1999 et 2005, les dividendes et rachats
d'actions des entreprises du CAC 40 sont passés de 14 à 24 milliards d'euros. Dans le
même temps, les investissements ont chuté dans des proportions beaucoup plus
importantes : de 120 milliards en 1999 à 77 milliards en 2005. Il n'y a donc pas de réelle
substitution entre investissements et dividendes. Les grands groupes ont une logique très
financière et placent la barre très haute en matière d'objectif de rentabilité de leurs
investissements. Cela les amène à écarter des projets qui auraient été recevables il y a
10/15 ans pour se désendetter et conserver des actifs de trésorerie.
La réduction des coûts au cours des dernières années a permis une amélioration de la
profitabilité et une hausse du niveau de trésorerie. Cependant, après avoir réalisé leurs
opérations d’investissement et de financement, les managers ne versent plus la totalité de
leur bonus de liquidation à leurs actionnaires. Ils limitent les investissements dans l’outil
de production, les acquisitions potentielles ou la rémunération des actionnaires, pour
conserver une partie des liquidités dans l’entreprise permettant une réduction du ratio
d’endettement net ([Dettes – Cash] / Actif).
Grands groupes côtés internationaux en 2011
Selon des documents déposés auprès des autorités de marchés, les 1.000 premiers
groupes cotés dans le monde disposent de 2.086 milliards de dollars d’actifs de
trésorerie fin 2011. Les grands groupes ont accumulé d’importants niveaux de trésorerie
et veulent désormais l’utiliser soit pour consolider leur position, soit pour se diversifier au
vue des croissances potentielles limitées dans leur secteur. La plupart des transactions
réalisées depuis le 1er janvier 2010 a été financée par des actifs liquides. Cette détention de
trésorerie est le fruit des économies de coûts et du strict contrôle des dépenses
d'investissement réalisés au plus fort de la récession.
A titre d’exemple, grâce la cession d’Alcon à Novartis (28 Mds de francs suisses), Nestle a
pu réaliser en 2010 des acquisitions comme celle de l’activité des pizzas surgelés à
l’américain Kraft pour un montant de 4 Mds de francs suisses, mais l’opération lui a
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
28
surtout permis de réduire son endettement et d’accroitre sa trésorerie à 8 Mds de francs
suisses. Nestlé se retrouve ainsi fin 2010 sans aucune dette. Que faire de cette trésorerie
alors que le groupe dégage déjà avec son activité régulière plus de cash-flows que ses
besoins d’investissements ? La situation est jugée peu optimale par les investisseurs
compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt. Une partie des fonds permettra de satisfaire
les actionnaires, via les rachats d’actions, une partie devrait également permettre
d’accélérer certains investissements. Nestlé dispose déjà des sommes nécessaires pour
financer ses investissements industriels. La question des acquisitions se posera également
comme le rachat d’actions L’Oréal à la famille Bettencourt, lui permettant d’être
actionnaire majoritaire de la société de cosmétiques. A contrario, L’Oréal accumule
également de forts niveaux de trésorerie pour pouvoir racheter ses propres actions, afin
de conserver son indépendance vis-à-vis du géant suisse.
Alcatel-Lucent accumulent également de forts niveaux trésorerie – évalués à 5 milliards
d’euros fin 2011 - pour rassurer les tiers sur sa situation financière alors que sa dette est
notée par les agences de notation « non investment grade ». L’investissement ne suit pas
nécessairement le désinvestissement aussi rapidement que chez Danone où la cession de
l’activité biscuits (vente de Lu à Kraft Foods) et le renforcement dans la nutrition infantile
(acquisition du Numico) ont été réalisés simultanément courant 2007.
En 2004, pressé par ses actionnaires, Microsoft a été obligé d’annoncer le versement d’un
dividende exceptionnel de 32 milliards de dollars et un plan de rachat d’actions de 30
milliards tant il est vrai que ce groupe n’avait pas convaincu de sa capacité à réinvestir au
coût du capital ses excédents de trésorerie.
Plus récemment, fin mars 2012, la réserve d’Apple atteint le chiffre record de 100
milliards de dollars de trésorerie et de placements long terme, ceci sans verser un
dollar de dividende à ses actionnaires. Suite à la publication de ces comptes du premier
trimestre 2012, Apple doit annoncer de premiers versements de coupons et un plan à trois
ans de rémunération des actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’action.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
29
1.3. LA DETENTION DE TRESORERIE : UNE MINE D’OR POUR
L’ECONOMIE
De nombreux comités exécutifs se retrouvent dans la situation du PDG de DSM23 qui
possède en 2011, 2 milliards d’euros de trésorerie : «We are sitting on cash – and cash we
need to spend. The market isn’t pressuring us but we need to act in a certain time frame. We want
to do acquisitions. »24
Moins de trois ans après les jours les plus noirs de la crise financière, les grands groupes
ont des actifs de trésorerie évalués à plusieurs milliers de milliards de dollars. Ils
deviennent une préoccupation des gouvernements. Les entreprises ont plusieurs
possibilités d’utilisation de ces actifs de trésorerie : réaliser des acquisitions, restituer
l’argent aux actionnaires ou investir et embaucher. La forte hausse des
fusions/acquisitions sur le premier semestre 2011 (+30%) est un premier signe de
frémissement d’utilisation de ces liquidités. Le choix d’affectation de la trésorerie est
crucial pour l’économie. La croissance pourrait être freinée, si les entreprises décident de
conserver leurs actifs liquides.
Pendant la crise financière de 2008, les sociétés avaient des niveaux de dettes si
importants qu’elles n’avaient pas pu rembourser leurs prêts. Les grands argentiers ne
veulent plus se retrouver dans des situations aussi difficiles et tendent à reconstituer
d’importants niveaux de trésorerie. La détention de ces actifs de trésorerie est liée à
une méfiance des industries vis-à-vis du système financier et des banques. Après la
crise financière, beaucoup de prêteurs se sont retirés. L’industriel Siemens s’est ainsi
retrouvé seul et a dû fonder sa propre institution financière pour réduire sa dépendance
vis-à-vis des prêteurs. Beaucoup d’entreprises sont sceptiques sur le fait que le système
financier puisse les aider en cas de difficulté financière. Ainsi, les sociétés sont beaucoup
plus prudentes que par le passé car elles ont vécu la volatilité des marchés depuis une
23 DSM (Dutch State Mines) est une entreprise des Pays-Bas, membre de l'indice Euronext 100. Les
activités de DSM sont regroupées dans quatre secteurs : nutrition, produits pharmaceutiques, matières
performantes et chimie industrielle
24 Traduction proposée : « Nous sommes assis sur des disponibilités et nous avons besoin de le dépenser. Le Marché
ne nous met pas la pression mais nous avons besoin d’agir dans un délai imparti. Nous devons réaliser des
acquisitions. »
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
30
quinzaine d’années. Avoir de la trésorerie pourrait être une assurance contre le risque de
contrainte financière.
Cependant, les taux d’intérêts étant à leur niveau historique les plus bas, la
trésorerie ne rapportent pas. Il semblerait légitime d’en utiliser une partie pour
développer l’activité, via des investissements ou des opérations de fusions acquisitions,
ou d’en redistribuer une partie aux actionnaires via des dividendes ou des rachats
d’actions.
Impact de la trésorerie sur les rachats d’actions et les fusions acquisitions
Dans chaque cycle économique, après la crise, les fusions acquisitions reviennent toujours
rapidement. Selon une étude du Financial Times25 , à fin avril 2011, la valeur des
acquisitions atteignaient 1.200 milliards de dollars, mais un montant inférieur au pic de
1.900 milliards de dollars sur la même période en 2007. C’est en Europe que les
opérations sont les moins nombreuses avec -50% versus 2007. La confiance est surtout
revenue aux Etats-Unis avec par exemple l’achat de T- Mobile par AT&T pour une
valeur de 39 milliards de dollars. Les deals en Europe ont inclus des acquisitions inter
continents comme le rachat de la société américaine de biotechnologie Genzyme par le
français Sanofi-Aventis ou du suisse Nycomed par le japonais Takeda Pharmaceutical. Il
n’y a pas de meilleur environnement pour réaliser un deal avec des taux d’intérêt très bas
et des liquidités à disposition. Les investisseurs rappellent l’expression « Use it or Lose
it »26
.
Pour la plupart des banques, le faible rendement de la trésorerie devrait inciter les
entreprises à agir, soit en réalisant des acquisitions, soit en reversant ces actifs aux
actionnaires au travers de rachats d’actions ou de versement de dividendes. Selon Birinyi
Associate27, les rachats d’actions ont fortement augmenté depuis début 2011 (+50% sur le
premier semestre 2011 versus 2010), mais ils posent toujours la question sur l’incapacité
du management à trouver de la croissance interne. Les investisseurs ne sont pas
25 Article de Milne Richard et Sakoui Anousha dans le Financial Times du 22 Mai 2011: “Corporate
finance: rivers of riches: multinationals are replete with cash – how they spend it will be crucial to the
global economy”
26 Traduction proposée : « Il vaut mieux dépenser les liquidités, sans quoi elles seront perdues ».
27 Birinyi Associate est une firme d’étude et de recherche des marchés financiers.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
31
favorables à ces rachats. Ils accordent leur préférence aux entreprises qui investissent ou
éventuellement reversent leurs surplus de trésorerie sous forme de dividendes.
L’importante pression mise sur les sociétés ne provient pas des actionnaires, qui restent
satisfaits de pouvoir disposer d’actifs de trésorerie. Ceux-ci leur donnent la possibilité de
réaliser de potentiels plans d’investissement. En réalité, la pression provient surtout
des politiques comme Nicolas Sarkozy en France ou George Osborne, le chancelier de
l’échiquier de Grande Bretagne, qui s’étonne fin 2011 que les compagnies anglaises
avaient l’équivalent en trésorerie de 5% de croissance du PIB de l’Angleterre. Dans son
discours du mois de février 2011 à la Chambre du Commerce, Barrack Obama demande
aux entreprises américaines d’aider l’enclenchement du cycle vertueux, dans lequel elles
pourraient réembaucher, créant ainsi plus de la croissance et donc plus de profit : « Now
is the time to invest in America. Today, American companies have nearly $2 trillion sitting on
their balance sheets. I know that many of you have told me that you are waiting for demand to rise
before you get off the sidelines and expand ... I want to encourage you to get in the game. »28
. Tous
les dirigeants insistent auprès des entreprises de la nécessité de reverser ces actifs liquides
dans l’économie, mais sans qu’il y ait d’actions concrètes de la part des firmes.
Du fait d’un contexte économique difficile, les managers restent très prudents sur le
retour à la croissance. La hausse du chômage et de la dette européenne ont participé à ce
sentiment. Les entreprises se posent la question sur les cibles potentielles mais en réalité
il y a peu d’actifs attractifs qui soient à vendre. Le principe de prudence se fait également
sentir dans les moyens de financement des opérations d’acquisition avec une
augmentation des achats en actions.
Pour des raisons fiscales, les multinationales américaines ne peuvent pas forcément
rapatrier leurs actifs de trésorerie détenus à l’étranger et les utilisent pour réaliser des
acquisitions. C’est par exemple le cas de Microsoft en rachetant Skype pour 8,5 milliards
de dollars avec des comptes offshore.
28 Traduction proposée : « Il est temps d’investir dans l’Amérique. Aujourd’hui les compagnies américaines ont 2
000 milliards de dollars qui dorment dans leurs comptes. Je sais que beaucoup d’entre vous m’ont dit attendre que la
demande reprenne avant d’investir mais je veux vous encourager à rentrer dans le jeu ».
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
32
En conclusion, les politiques et les médias interpellent les entreprises afin qu’elles
reversent une partie de leur trésor de guerre dans l’économie, mais il y a relativement peu
de signes d’exubérance dans les fusions acquisitions. Malgré un contexte économique
plus favorable ou de marché boursier mieux valorisé, l’incertitude
macroéconomique rend les entreprises très prudentes. Elles préfèrent par
précaution conserver leurs actifs de trésorerie.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
33
II- LES COURANTS DE LITTERATURE DES ANNEES
50/60 ET L’EMERGENCE DE LA GESTION DE
TRESORERIE
Historiquement, le niveau de trésorerie optimum est un niveau de liquidités proche de
zéro. Dans le modèle classique de la Finance (Modigliani et Miller, 1958), la firme n’a
aucun intérêt à conserver de la trésorerie, car elle peut se la procurer sur le marché à un
coût raisonnable. Dans ce modèle, la détention de trésorerie est considérée comme
négative pour le développement de l’entreprise.
Baumol (1952) et Miller/Orr (1966) établissent des modèles avec un niveau de
trésorerie optimum proche de zéro. Ils prennent également en compte l’impact
positif de la détention de trésorerie comme évitant les coûts de transaction pour se
procurer des liquidités sur le marché. Ainsi, ils déterminent un niveau plus fin
d’optimisation avec un niveau minimum de trésorerie comme tampon, en fonction des
taux d’intérêts, comparés aux coûts de la vente des actifs financiers.
2.1. LES COURANTS DE LITTERATURE DES ANNEES 50/60
2.1.1. Modèle de Baumol
Le modèle développé par Baumol à l’Université de Princeton en 1952 reprend une
approche de QER (quantité économique de réapprovisionnement) pour évaluer un niveau
optimal de liquidité. Les intérêts financiers sont comparés au coût de la vente des actifs
financiers.
Baumol met en évidence deux coûts liés à la détention de disponibilités :
(i) Le premier est le coût d’opportunité, qui correspond au manque à gagner lié à
la détention de trésorerie, qui aurait pu être rémunéré à un taux d’intérêt k.
Avec c, le niveau optimal de trésorerie.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
34
En partant d’un niveau de disponibilité moyen = c/2,
(1.1)
(ii) Le deuxième coût de détention de trésorerie est le coût de transaction pour se
procurer des liquidités sur le marché, coût inversement proportionnel au
niveau de disponibilités dans l’entreprise. Si T est le niveau de trésorerie
nécessaire pour l’entreprise, ce coût correspond au nombre de transaction
(T/c) par le coût unitaire fixe (F) pour réaliser une transaction.
(1.2)
Le niveau de disponibilités est optimisé, soit réduit à son minimum, lorsque le coût de
transaction est égal au coût d’opportunité, soit :
L’équation est nommée modèle de Baumol.
Le niveau optimal de la trésorerie est ainsi une fonction croissante du niveau courant
annuel de liquidités et du coût unitaire de la vente d’actifs financiers, et une fonction
décroissante du taux d’intérêt annuel. Ce modèle suppose que l’entreprise utilise mais ne
reçoit pas de nouvelles disponibilités dans son cycle d’exploitation
2.1.2. Modèle de Miller et Orr
En 1966, Miller et Orr développent un autre modèle. Leur approche est basée sur les
entrées/sorties de liquidités. Il détermine une fourchette à l’intérieur de laquelle le niveau
de trésorerie est optimum, dans laquelle les coûts de transactions et les taux d’intérêts
sont réduits à leur minimum. L’écart entre les limites supérieure et inférieure est appelé le
spread. L’entreprise achète des actifs lorsque la limite supérieure est atteinte, ce qui
permet aux disponibilités de revenir au point de non-retour. Lorsque la limite inférieure
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
35
est atteinte, l’entreprise doit vendre des titres financiers, de manière à augmenter ses
liquidités. Le spread est d’autant plus élevé que les cash-flows sont volatiles.
Ces modèles (Baumol, 1952 ; Miller et Orr, 1966) mettent en évidence un compromis
entre le coût et le bénéfice de la trésorerie.
2.2. L’EMERGENCE DE LA GESTION DE TRESORERIE
Avant d’étudier les différents courants de recherche sur la détention d’actifs de trésorerie,
nous analysons l’émergence de la fonction gestion de trésorerie dans la firme industrielle.
2.2.1. Mise en place de la fonction trésorerie dans
l’entreprise industrielle
L’accumulation de trésorerie dans les industries fait ressortir un manque de confiance des
entreprises dans le système financier. Ce constat pose la question de la finalité des
entreprises industrielles. Thiry (1991) précise que « les industries ne se considèrent pas comme
des institutions financières, cependant elles mettent en place une gestion de trésorerie qui fait
l’interface entre son activité et les marchés financiers. »
La création de la fonction de gestion de trésorerie permet aux entreprises de se
financer entre elles ou d’accéder directement aux marchés financiers sans
intermédiation bancaire. Elle concerne surtout les grands groupes côtés, qui se
prémunissent des risques de volatilité des taux de change, des taux d’intérêts ou du prix
des matières premières. Cependant, cette fonction existe dans toutes les sociétés de
manière plus ou moins structurée.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
36
Jusqu’à une période récente, les firmes utilisaient au maximum leur capacité
d’endettement. En cas de réalisation d’un risque comme la baisse de la rentabilité
économique, l’entreprise se retrouvait proche de la faillite avec des frais financiers bien
supérieurs au résultat opérationnel. L’accumulation de trésorerie et sa gestion permet de
se prémunir de ces risques. « Le rôle du financier d’entreprise consiste à répartir la substance de
l’entreprise, c’est-à-dire son espérance de rentabilité et son risque entre les différents investisseurs
financiers de l’entreprise, il transforme une matière préétablie ; il ne crée pas de richesse. »
(Vernimmen, 1994).
Levasseur (1979) est un des premiers chercheurs à mettre en évidence le rôle de la
gestion de trésorerie, comme un véritable outil dans la stratégie de l’entreprise. En
cas de baisse de la rentabilité économique, les actifs de trésorerie permettent d’assurer un
remboursement de la dette. En économisant les coûts de transaction, la gestion de
trésorerie va permettre à l’entreprise de pouvoir investir dans des projets rentables qu’elle
n’aurait pas pu financer sans cette fonction. Ainsi, la fonction de gestion de trésorerie
permet de réaliser la meilleure allocation des ressources. Elle est un véritable outil
stratégique, source de création de richesse.
Selon la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1985), les actifs de trésorerie
peuvent être considérés comme l’actif non spécifique29 le plus parfait. Un des premiers
postulats de la théorie des coûts de transaction est la présence d’asymétries d’information.
Celles-ci sont à l’origine de la décision d’internaliser les départements de gestion de
trésorerie Les établissements bancaires sont rémunérés via d’importantes commissions à
des prix qui dépassent très largement la valeur des services s’ils étaient réalisés en
interne. En entretenant une activité de trésorerie, l’entreprise entend minimiser le coût de
son financement en neutralisant au mieux les risques financiers. La mise en œuvre d’actifs
spécifiques dans un environnement incertain peut conduire à la constitution de garanties
sous forme de trésorerie de manière à diminuer le risque.
29 La spécificité des actifs équivaut à leur possibilité de redéploiement vers un autre usage.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
37
2.2.2. Le rôle opérationnel du trésorier
La fonction de trésorerie a évolué dans le temps. De La Bruslerie (2003) met en évidence
plusieurs étapes. Le métier de trésorier est apparu dans les grands groupes dans les
années 60. Son rôle consistait à surveiller les relations avec les établissements financiers.
Ce métier s’intégrait au sein des directions comptables. Le principe de la trésorerie
« zéro » appliqué ensuite par de nombreuses entreprises dès le début des années 70
marque le début de la deuxième période. La fonction de trésorerie commence à être
reconnue comme une entité de la fonction financière. Pour assumer pleinement son
objectif, elle met place des systèmes d’information spécifiques quantifiés en jour de valeur.
En réalité, la « gestion de trésorerie » est véritablement apparue dans les années 80 du
fait d’une révolution à la fois technique et financière. Pour Lisambert (1978), « L’objectif de
la gestion de trésorerie est de minimiser les frais financiers, ou, de façon plus précise, de ne payer
aux organismes prêteurs que les intérêts dus ».
De La Bruslerie (2003) poursuit son analyse : « Le rôle du trésorier peut se scinder
en deux grandes missions : la gestion des liquidités et la gestion des risques
financiers ».
Le trésorier est le garant de la solvabilité de l’entreprise à la fois vis-à-vis de la direction
générale, comme vis-à-vis des partenaires financiers et bancaires avec lesquels le trésorier
négocie des financements. La contrainte de solvabilité est une condition de survie de
l’entreprise. La traduction juridique de l’insolvabilité est l’état de cessation de paiement.
Dans la majorité des cas, une telle cessation aboutit à la liquidation de l’entreprise. La
contrainte de solvabilité se gère à long terme et à court terme. La responsabilité de la
direction financière, notamment dans le cadre du plan d’investissement et de financement
est de prévoir et de mettre en place les conditions structurelles du respect de la
solvabilité. La gestion de l’équilibre financier actuel et prévisionnel s’effectue dans le
cadre de la politique de financement avec des opérations de haut de bilan. La contrainte de
solvabilité se gère aussi de manière opérationnelle. Le trésorier intervient en veillant à
toujours avoir une encaisse suffisante pour faire face aux paiements. Ainsi, en phase avec
les courants de recherche des années 50/60, l’optimisation de la gestion de trésorerie
passe par l’affichage traditionnelle de deux principes : la règle de l’unité de caisse et la
trésorerie zéro. De la Bruslerie (2003) les définie comme suit :
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
38
(i) « le principe de l’unité de caisse veut que la gestion efficace passe par une centralisation
unique des flux dans l’encaisse de l’entreprise. » Une encaisse positive excédentaire qui
cohabiterait avec une trésorerie négative entraînerait des frais financiers inutiles.
(ii) « le principe de la trésorerie zéro est une règle de bonne gestion. Les excédents de trésorerie
impliquent des coûts d’opportunité. » Les déficits de liquidités, s’ils ne peuvent être
comblés par le recourt au découvert bancaire, signifient l’incapacité à faire face aux
paiements imprévus.
La gestion des risques financiers concerne les risques de change et les risques de
taux d’intérêt. Le principe d’action est la couverture des risques avec une question sur
l’étendue de cette couverture : totale ou partielle. Cependant, réduire les risques augmente
les coûts. L’interrogation sur la capacité des partenaires à respecter leurs engagements
financiers fait également partie de la gestion de trésorerie. De nombreux trésoriers, en
raison de leur savoir-faire sur les marchés financiers, participent aux opérations de haut
de bilan : financement de projet, restructuration de la dette. Le trésorier participe ainsi de
plus en plus à des opérations d’ingénierie financière.
Une des préoccupations stratégiques majeures des grandes entreprises est de se
constituer un niveau de trésorerie suffisant leur permettant de satisfaire les
contraintes de rapidité et de flexibilité d’une action stratégique dans un
environnement incertain. Un niveau suffisant et optimum permettrait d’avoir un
avantage compétitif en période de crise pour maintenir ses dépenses publicitaires, investir
en R&D ou réaliser des acquisitions. En conséquence, les entreprises peuvent disposer
d’un niveau important de trésorerie parce qu’elles le décident en ne versant pas l’ensemble
de leur bénéfice en dividendes ou en ne rachetant pas leurs propres actions.
Ce choix est piloté. En période de résultats moins favorables, la trésorerie permet
d’assurer une meilleure gestion en permettant au minimum le remboursement des
emprunts et le renouvellement des investissements, voire des distributions de coupons
pour les actionnaires. Cette maîtrise de l’avenir permet de gérer le cours de bourse avec
moins d’aléas et rassure les actionnaires.
La crise de liquidités de l’automne 2008 a démontré que ces réserves de trésorerie
pouvaient disparaître beaucoup plus rapidement que les années nécessaires à leurs
constitutions. Dans certains secteurs très soumis à la crise (comme l’automobile), les
entreprises ont eu du mal à gérer leurs soldes de trésorerie les incitant pour l’avenir à se
reconstituer de nouvelles réserves.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
39
Même très endettées, certaines entreprises préfèrent conserver une trésorerie fortement
positive pour rassurer leurs actionnaires (e.g. Ford détient fin 2010 26 milliards d’euros de
trésorerie pour une dette de 46 milliards). Le taux d’endettement de l’entreprise se
retrouve ainsi au niveau optimal permettant de bénéficier de l’effet de levier. Les actifs de
trésorerie ne détruisent pas directement de la valeur mais le non versement de dividendes
ou de rachats d’action empêche la création de valeur.
L’efficacité de la gestion financière de l’entreprise, et par conséquent de sa trésorerie,
dépend de l’environnement financier qui fixe des variables clés telles que le taux d’intérêt
et les modalités contractuelles avec le secteur bancaire qui vont affecter le coût des
financements et la rentabilité des placements. La place de la fonction de trésorerie conduit
à s’interroger sur la prééminence de la fonction financière dans le cadre de la politique
générale de la firme. Elle s’explique par son influence favorable sur les autres activités de
l’entreprise, de sorte que son objectif en termes de gestion à moyen terme est de
compenser son coût de fonctionnement avec les produits financiers et les économies de
coûts résultant d’une gestion prudente.
La transformation du système financier a poussé les entreprises à s’intéresser de
plus en plus à des activités de gestion de trésorerie non pas pour en faire un centre
de profit, mais pour saisir des opportunités temporaires et gérer les risques
financiers plus élevés. La mise en place de la fonction de trésorerie a pendant longtemps
visé une trésorerie zéro, mais elle participe de plus en plus à l’accumulation d’actifs de
trésorerie, comme outil de développement.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
40
III- LES DERNIERS COURANTS DE RECHERCHE SUR
LA DETENTION DE TRESORERIE
Les recherches en Finance n’accordent traditionnellement que peu d’intérêt à la
question de la détention de trésorerie car perçue comme une simple dette négative.
Peu d’études ont été réalisées car les théories classiques de la Finance (Modigliani, Miller,
1958) partent de l’hypothèse d’un accès permanent à la dette comme variable de gestion.
Dans cet environnement, la trésorerie n’a pas d’intérêt stratégique.
La crise financière de 2007/2008 avec les difficultés pour les entreprises d’accéder aux
capitaux externes a relancé l’intérêt de posséder des actifs de trésorerie en
interne (Acharya, Almeida, Campello, 2007).
Dans cette section, les recherches sur la détention d’actifs de trésorerie sont classifiées en
deux catégories. Les premières (3.1) concernent les déterminants en identifiant les
facteurs explicatifs et circonstances qui conduisent les entreprises à accumuler de la
trésorerie. Les secondes recherches (3.2) s’intéressent à l’utilisation de ces actifs de
trésorerie et leur impact sur la performance de l’entreprise. Certains champs restent
encore à explorer et sont détaillés en conclusion de cette première partie.
3.1. LES THEORIES DETERMINANT L’ACCUMULATION DES
RESERVES DE TRESORERIE
3.1.1. Classification des déterminants de la
détention de trésorerie
En 1936, Keynes énonce déjà trois raisons expliquant la préférence des individus pour la
liquidité : la transaction, la précaution et la spéculation. Les théories financières
reprennent cette classification en élargissant les déterminants en six catégories :
(i) L’impact du coût de transaction (motif de transaction) : les modèles de la
Finance (Baumol (1952), Miller et Orr (1966)) démontrent une optimisation des
coûts de transaction par paiement en espèces. Il s’agit d’économie d'échelle sur les
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
41
transactions poussant les entreprises à conserver de la trésorerie. Les espèces
doivent être versées pour payer les factures au moment où elles sont dues. La
responsabilité des managers financiers est d’assurer leurs disponibilités pour
pouvoir réaliser les transactions le moment venu.
(ii) Le motif de précaution : la théorie est également introduite par Keynes (1936).
Par crainte de menaces externes, les firmes avec un niveau de risque plus élevé et
n’ayant peu ou pas accès à des capitaux externes ont tendance à accumuler de la
trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999).
Le principe de précaution concerne également les entreprises qui ont de bonnes
opportunités d’investissements qui conservent de la trésorerie pour réaliser une
acquisition le moment opportun.
Almeida, Campello, Weisbach (2004) montrent que les entreprises avec des
contraintes financières ont tendance à conserver leurs actifs de trésorerie. Han et
Qiu (2007) étendent ce modèle afin de permettre une distribution continue des flux
de trésorerie et démontrent que la volatilité des cash-flows représente une
contrainte financière importante et pousse l’entreprise à augmenter son niveau de
trésorerie.
Le principe de précaution est également nécessaire pour les transactions parce que
les managers financiers ne connaissent pas avec précision les besoins de trésorerie
des transactions à venir. Si toutes les entrées et sorties de liquidités futures étaient
prévisibles avec certitude, il n’y aurait pas de nécessité de constituer des réserves de
trésorerie. Les équilibres de précaution existent donc parce qu’il y a de l’incertitude
et plus l’incertitude est grande, plus la réserve de trésorerie le sera.
Enfin, les actifs de trésorerie de précaution dépendent de la facilité à se procurer des
actifs liquides à l’extérieur de l’entreprise, surtout à se procurer des fonds court
terme en période de crise. Une entreprise avec de bonnes relations avec son
établissement financier pourra compter sur une facilité d’accéder rapidement à de la
trésorerie court terme et pourra ainsi réduire son niveau de réserves de précaution.
(iii) Le motif de spéculation : dans certains secteurs d’activité, des situations
particulières d’instabilité de l’environnement nécessitent de se prémunir et offre à
l’entreprise des possibilités de gain via la spéculation. L’erratique fluctuation du
prix des matières premières en est un exemple. Les fabricants de chocolat comme
Nestlé ou Kraft Foods attendent la baisse du cours des fèves de cacao pour en
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
42
acheter d’importantes quantités. La détention de réserves de trésorerie leur permet
de réaliser ces opérations.
Accumuler de la trésorerie pour réaliser des acquisitions est un autre motif de
spéculation. La nécessité d’avoir une trésorerie en quantité importante permet de
réaliser des acquisitions plus facilement qu’avec des échanges de titres ou le recours
à l’endettement.
Une société dont l’activité est réalisée en majorité dans d’autres devises que celle de
sa publication, peut accumuler de la trésorerie pour palier à l’instabilité des taux de
change. Même si le motif de précaution est dominant, le motif de spéculation permet
aux firmes de se protéger de ces effets de changes. Elles peuvent également réaliser
leurs transactions dans la monnaie locale.
(iv) L’augmentation des tarifs bancaires et d’emprunts ont accentué l’accumulation
de trésorerie. Même si les taux d’intérêts ont fortement baissé ces dernières années,
les difficultés du système financier ont entrainé une pression supplémentaire sur les
entreprises industrielles avec une hausse des tarifs bancaires et d’emprunts.
(v) L’impact fiscal : Foley, Hartzell, Titman et Twite (2007) constatent que les
multinationales américaines subissent une forte pression fiscale dans leur pays
d’origine (les Etats-Unis). Ces entreprises évitent le rapatriement de leurs bénéfices
et sont plus susceptibles d'accumuler de la trésorerie.
(vi) Le coût de l'agence : le niveau de trésorerie est lié à la qualité de la gouvernance.
Selon Jensen (1986), les managers guidés par leur intérêt personnel vont préférer
détenir de la trésorerie plutôt que de verser des dividendes à leurs actionnaires.
Dittmar, Mahrt-Smith, et Servaes (2003) mettent en évidence l’influence du pays
d’origine sur l’accumulation de ces actifs de trésorerie. Les entreprises détiennent
des niveaux de trésorerie plus importants dans les pays avec les coûts d'agence les
plus élevés.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
43
Bates, Kahle, Stulz (2009) tentent d’apporter des réponses complémentaires en réalisant
des corrélations entre le niveau de trésorerie et différentes variables :
(i) la date d’introduction en bourse : les entreprises les plus récentes notamment dans
les nouvelles technologies possèdent plus de trésorerie (fortes profitabilités
dégageant d’importants flux de trésorerie opérationnels) ;
(ii) l’influence de la forte volatilité des cash-flows dans certaines industries nécessitant
une accumulation de réserves les années les plus florissantes pour compenser les
années les plus difficiles ;
(iii)la tendance baissière des stocks suite à l’optimisation des flux logistiques ;
(iv)une baisse des investissements en lien avec une hausse des dépenses R&D (plus
couteux en trésorerie car non amortissables).
La notion de volatilité pourrait être seulement conjoncturelle (en lien avec les crises
financières). En revanche la meilleure gestion des stocks ou le fort poids de la R&D par
rapport aux investissements devraient perdurer dans le temps. L’étude de BKS montre
donc un changement dans la durée des caractéristiques des firmes qui ont entrainé en
conséquence une hausse durable du poids du ratio de trésorerie.
3.1.2. Plusieurs niveaux de trésorerie
En liaison avec ces théories, Koulayom (1997) classifie la trésorerie selon les raisons de sa
constitution : activité, ajustement, opportunité, précaution, spéculation ou transaction. Il
donne les définitions suivantes :
La « trésorerie d’activité » est la trésorerie détenue par l’entreprise pour ses opérations
courantes. Cette trésorerie permet de maintenir l’équilibre financier de l’entreprise.
La « trésorerie d’ajustement » est la part des liquidités qui permet de réaliser un
équilibre entre l’ensemble des recettes et des dépenses. Il s’agit d’une trésorerie minimale
pour l’entreprise.
La « trésorerie d’opportunité » permet de saisir des opportunités d’investissement et
de financement. Cette trésorerie est une ressource en attente d’allocation.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
44
La « trésorerie de précaution » est une liquidité tampon qui permet de répondre aux
besoins inattendus : incertitude liée à l’activité notamment à cause de l’environnement
économique.
La « trésorerie de spéculation » permet à la firme de profiter pleinement des
opportunités liées à l’évolution des taux d’intérêt ou des taux de change. Ces liquidités
placent la gestion de trésorerie comme un .centre de profit.
La « trésorerie de transaction » correspond aux liquidités, nécessaires pour financer les
écarts entre les encaissements et les décaissements.
Lors de l’accumulation de liquidités, une trésorerie excédentaire peut se constituer. Elle
peut être considérée comme discrétionnaire.
La « trésorerie excédentaire » est la part des liquidités détenues par une entreprise au-
delà de ce qui est nécessaire pour assurer les paiements. Elle permet de financer des
opportunités d’investissement ou de financement imprévues.
La « trésorerie discrétionnaire » est celle accumulée par les dirigeants pour accroître
leur pouvoir. Elle leur permet d’agir en fonction de leur propre intérêt : diversification,
avantages en nature.
3.1.3. Théories d’optimisation de la structure
financière
L’analyse des déterminants du niveau de trésorerie a engendré plusieurs théories
d’optimisation de la structure financière. Il n’y a pas de niveau optimal de trésorerie mais
plutôt une optimisation de la répartition « capital/endettement/trésorerie ».
(i) Dans la théorie du Trade-off30
(Compromis, Myers, 1977), les deux critères décisifs
dans la structure du capital sont le niveau de l’impôt et les coûts de l’endettement.
30 Modèle du Trade-off (Compromis) qui prédit que les firmes identifient un niveau optimal d’endettement
en évaluant les coûts et les bénéfices d’une unité additionnelle de la dette. Parmi, les bénéfices de la dette,
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
45
L’impôt favorise la dette aux capitaux propres puisque les intérêts sont déductibles du
bénéfice imposable, contrairement aux dividendes. En contrepartie, un niveau de dettes
trop élevé peut entraîner des difficultés pour l’entreprise (e.g. l’impossibilité de financer de
nouveaux projets profitables). On parle de « coûts du stress financier » qui favorise par
compromis un niveau de détention d’endettement optimum. Ce compromis peut par
extension s’étendre à la trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999).
Pour financer les opportunités de croissance, la détention de trésorerie permet de
constituer une marge de sécurité limitant les coûts liés à la collecte de fonds et évitant la
liquidation des actifs existants. Opérant dans un marché imparfait, les entreprises ont des
difficultés à accéder aux marchés financiers ou supporter un coût de financement externe
très important. En outre, la caractéristique principale de leur environnement est
l'incertitude. Un niveau insuffisant de trésorerie peut contraindre l’entreprise à renoncer à
investir dans des projets rentables ou à soutenir des coûts anormalement élevés de
financement.
Si les décisions sont en ligne avec les intérêts des actionnaires, le seul coût de la trésorerie
est son faible rendement par rapport à d'autres investissements du même risque. Si les
dirigeants ne maximisent pas la richesse des actionnaires, ils augmentent leur trésorerie
pour accroître les actifs sous leur contrôle et ainsi pour être en mesure d'accroître leur
pouvoir discrétionnaire.
Ainsi, la théorie de compromis (Trade-off) est un modèle de structure financière
définissant un niveau optimal de trésorerie, résultat d’un compromis entre ses
coûts et ses bénéfices.
(ii) Selon la théorie du Pecking order31
(financement hiérarchique, Myers et Majluf,
1984), les asymétries d’information entre l’entreprise et les établissements
financiers, sont à l’origine de la structure financière. Pour minimiser ces coûts
nous pouvons citer la déduction des taxes des intérêts ainsi que la réduction des problèmes
d’autofinancement. Les coûts de la dette incluent les coûts potentiels de faillite et les conflits d’agence entre
les actionnaires et les obligataires. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
31 Modèle du Pecking Order (Financement hiérarchique) : selon cette théorie, il n’existe pas de niveau
optimal de dettes ou de structure financière. L’entreprise a recours dans la mesure du possible à l’émission
de la dette sans risque ; ensuite, elle émet de la dette risquée ou des obligations convertibles avant de
recourir à l’émission d’actions. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
46
d’asymétrie, l’autofinancement par la trésorerie est la source privilégiée pour le
financement d’une acquisition ou d’un nouveau projet, puis l’endettement, et enfin
le financement par capitaux propres est le dernier recours.
La théorie du Pecking order conduit à la conclusion qu'il n'existe pas de niveau optimal de
trésorerie. Elle est utilisée comme un tampon entre les bénéfices non répartis et les
besoins d'investissement. Selon cette théorie, le niveau de trésorerie serait tout
simplement le résultat des décisions de financement et d'investissement.
Lorsque les flux de trésorerie opérationnels sont élevés, les entreprises les utilisent pour
financer de nouveaux projets rentables, pour rembourser des dettes, payer des dividendes
et en dernier lieu accumuler de la trésorerie.
Toutes ces théories placent les réserves de trésorerie comme une flexibilité
financière pour les managers dans la gestion des entreprises.
3.1.4. Les actifs de trésorerie : un outil stratégique
pour réduire les coûts de transaction
Même si Levasseur (1979) avait déjà abordé la gestion de trésorerie comme un outil
stratégique, les recherches sur cet intérêt sont plutôt récentes. Coeurderoy et Koulayom
(2007) explorent la problématique du lien entre la stratégie et la possession de trésorerie
au-delà de ce qui est économiquement justifiable pour faire fonctionner l’entreprise. Leur
étude présente le comportement en matière de trésorerie comme la résultante d’une
analyse stratégique basée sur la théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence.
Les opérations régies par les dirigeants d’une entreprise se traduisent par des
décisions sur les mouvements de trésorerie. La trésorerie fournit à la firme un
avantage concurrentiel en renforçant son aptitude à saisir des opportunités pour établir
des barrières à l’entrée ou à se défendre contre les attaques menées par les concurrents
(Porter, 1998). Le choix d’un niveau de trésorerie, la décision d’une politique de
placement ou la gestion des risques financiers constituent une part importante des
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
47
activités d’allocation des ressources que les trésoriers sont amenés à réaliser. La fonction
de la trésorerie consiste à réduire ces coûts de transaction et d’agence.
La théorie de l’agence s’attache à observer les conflits comme nœuds de contrats. Les
relations entre les individus sont génératrices de coûts d’agence. L’agent individuel est
au centre de l’élaboration des contrats qui peuvent opposer les dirigeants et les
actionnaires d’une part et les dirigeants/actionnaires et les créanciers d’autre part.
L’économie des coûts de transaction suppose que l’entreprise ait une structure de
gouvernance. L’appréhension des contrats met en jeu un fournisseur qui cherche à
s’approprier des avantages appartenant à l’acheteur (Williamson, 1975). Pour améliorer
l’efficacité économique des échanges, les transactions doivent être intégrées dans des
structures de gouvernance adaptées, ceci en évaluant les caractéristiques des transactions
selon les attributs (Williamson, 1985) : spécificité des actifs (ce qui équivaut à leur
possibilité de redéploiement vers un autre usage), l’incertitude des agents sur le
déroulement de la transaction (rationalité limitée et asymétrie de l’information) et enfin
de la fréquence des échanges. Les mandants vont engager des coûts de surveillance pour
s’assurer que les mandataires prennent bien en compte leurs intérêts et les mandataires
vont engager des coûts de dédouanement pour rassurer les mandants.
L’excédent de trésorerie relève donc d’une stratégie qui suscite des tensions entre les
différentes parties prenantes de l’entreprise.
La trésorerie assimilable dans la théorie des coûts de transaction à un actif non spécifique,
pose le problème de la structure de gouvernance adéquat. Williamson (1988) soutient que
le degré de spécificité des actifs détermine ses arbitrages entre les différents modes de
financement. Le choix de financement par la dette est réalisé lorsque les actifs à financer
présentent une liquidité élevée. A l’inverse les fonds propres seront privilégiés lorsque les
actifs sont difficilement redéployables.
Le comportement des individus en matière de trésorerie correspondrait à des choix
stratégiques. Du fait de la spécificité des actifs, des relations d’agence et des choix
stratégiques des individus, la détention de trésorerie représente un avantage
compétitif pour la firme. Coeurderoy et Kouolayom parlent de plusieurs types de
risques : le risque industriel des actifs relatif aux coûts irrécouvrables, le risque de free
REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE
48
cash-flow32 ainsi que le risque de non liquidité lié à l’endettement du fait de relations
d’agence entre dirigeants et actionnaires et le risque de perte d’avantage concurrentiel.
3.2. IMPACT DE LA DETENTION DE TRESORERIE SUR LA
PERFORMANCE ET LA VALEUR DE L’ENTREPRISE
Traditionnellement, les recherches en Finance placent la détention de trésorerie
comme un signe de mauvaise gestion de l’entreprise. Tout d’abord, si les
disponibilités sont présentes, cela signifie que la firme n’optimise pas sa capacité
d’endettement et son effet de levier. Cette critique est particulièrement fondée quand les
taux d’intérêt sont bas.
Dans la théorie de l’agence, Jensen (1986) met en évidence des dirigeants qui
suivent leur intérêt personnel. L’accumulation de trésorerie leur permet de réaliser le
moment venue des acquisitions qui accroissent leur pouvoir (« empire building33 ») et
notamment des diversifications hasardeuses qui ne sont pas dans l’intérêt de l’entreprise.
Ces espèces sont conservées sur les comptes courants permet de gérer la distribution de
dividendes « en escalier » en versant de manière progressive le bonus de liquidation,
permettant de gérer le cours de bourse et le maintien du manager à la direction de
l’entreprise. Ainsi le dirigeant devient tout puissant devant l’actionnaire qui perd alors
son pouvoir décisionnel sur la stratégie de l’entreprise.
Couplées avec une gouvernance déficiente, les actifs de trésorerie peuvent être utilisés
pour financer des projets qui bénéficient d’avantage aux dirigeants qu’aux actionnaires.
32 Free cash-flow : il s’agit du cash-flow en excès après le financement de tous les projets à valeur actuelle
nette positive avec un coût du capital raisonnable. Le cash-flow est une source interne dégagée par l’activité
d’une entreprise au cours d’une période de référence. Il est constitué de la différence entre les produits
encaissables et les charges décaissables. Il n’est pas égale au solde de trésorerie qui contient les fonds
réellement entrés ou sortis de caisse et qui dépend ainsi d’un nombre élevé de variables dont certaines sont
le reflet de l’activité de l’entreprise (ventes, achats, crédits clients, crédits fournisseurs) et d’autres plus
directement liées aux aspects purement stratégiques et financiers (investissement, endettement, fonds
propres).
33 La volonté de se bâtir un empire (empire building) constitue l’une des principales motivations pour les
fusions-acquisitions, d’après la théorie économique. Pour des questions de rémunération ou simplement de
prestige, les dirigeants auraient tendance à élargir exagérément les frontières de l’entreprise dont ils ont la
charge. Ils sont incités à privilégier la croissance de leur entreprise au-dessus de la taille optimale parce que
la croissance augmente le volume des ressources passées sous leur contrôle/
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013
EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013

Contenu connexe

Tendances

Les prix de transfert dans les groupes de sociétés
Les prix de transfert dans les groupes de sociétésLes prix de transfert dans les groupes de sociétés
Les prix de transfert dans les groupes de sociétésFINALIANCE
 
Pour Écrire un Bon Rapport en Informatique
Pour Écrire un Bon Rapport en InformatiquePour Écrire un Bon Rapport en Informatique
Pour Écrire un Bon Rapport en InformatiqueLilia Sfaxi
 
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI Mansouri Khalifa
 
Manuel des TP : Atelier systèmes 2
Manuel des TP : Atelier systèmes 2Manuel des TP : Atelier systèmes 2
Manuel des TP : Atelier systèmes 2Faycel Chaoua
 
Apprendre vba excel(1)
Apprendre vba excel(1)Apprendre vba excel(1)
Apprendre vba excel(1)FIDEL Wisly
 
TD2 - UML - Correction
TD2 - UML - CorrectionTD2 - UML - Correction
TD2 - UML - CorrectionLilia Sfaxi
 
Introduction au statistiques inférentielle
Introduction au statistiques inférentielleIntroduction au statistiques inférentielle
Introduction au statistiques inférentielleTaha Can
 
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...youssef353684
 
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscal
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscalMémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscal
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscalManon Cuylits
 
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27megaplanet20
 
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens.
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens. Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens.
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens. Fabien Gandon
 
rapport de projet de fin d'étude_PFE
rapport de projet de fin d'étude_PFErapport de projet de fin d'étude_PFE
rapport de projet de fin d'étude_PFEDonia Hammami
 
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]jamal yasser
 

Tendances (20)

Les prix de transfert dans les groupes de sociétés
Les prix de transfert dans les groupes de sociétésLes prix de transfert dans les groupes de sociétés
Les prix de transfert dans les groupes de sociétés
 
Pour Écrire un Bon Rapport en Informatique
Pour Écrire un Bon Rapport en InformatiquePour Écrire un Bon Rapport en Informatique
Pour Écrire un Bon Rapport en Informatique
 
Cours bd
Cours bdCours bd
Cours bd
 
Patron observer
Patron observerPatron observer
Patron observer
 
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI
Cours Piles et files en utilisant lesl istes chainées Prof. KHALIFA MANSOURI
 
Manuel des TP : Atelier systèmes 2
Manuel des TP : Atelier systèmes 2Manuel des TP : Atelier systèmes 2
Manuel des TP : Atelier systèmes 2
 
Apprendre vba excel(1)
Apprendre vba excel(1)Apprendre vba excel(1)
Apprendre vba excel(1)
 
TD2 - UML - Correction
TD2 - UML - CorrectionTD2 - UML - Correction
TD2 - UML - Correction
 
Gestion comptes bancaires Spring boot
Gestion comptes bancaires Spring bootGestion comptes bancaires Spring boot
Gestion comptes bancaires Spring boot
 
Introduction au statistiques inférentielle
Introduction au statistiques inférentielleIntroduction au statistiques inférentielle
Introduction au statistiques inférentielle
 
Cours Excel
Cours ExcelCours Excel
Cours Excel
 
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...
[MFE ISCAE] Audit fiscal proposition démarche axée risques Cas industrie chim...
 
pfe book 2023 2024.pdf
pfe book 2023 2024.pdfpfe book 2023 2024.pdf
pfe book 2023 2024.pdf
 
Alphabet arabe
Alphabet arabeAlphabet arabe
Alphabet arabe
 
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscal
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscalMémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscal
Mémoire: l'approche par les risques - parallèle avec le risque fiscal
 
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27
Uml: Diagrammes de classes -- Concepts avances --- 27
 
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens.
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens. Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens.
Données liées et Web sémantique : quand le lien fait sens.
 
rapport de projet de fin d'étude_PFE
rapport de projet de fin d'étude_PFErapport de projet de fin d'étude_PFE
rapport de projet de fin d'étude_PFE
 
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]
Cours master-audit-comptable-financier [www.cours-economie.com]
 
Rapport de stage
Rapport de stageRapport de stage
Rapport de stage
 

Similaire à EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013

Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire
 Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire
Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaireGregoire Epinat
 
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...Céline Berthou
 
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégiqueApport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégiqueGhizlane Niâma
 
Repenser la-formation-des-managers 201006
Repenser la-formation-des-managers 201006Repenser la-formation-des-managers 201006
Repenser la-formation-des-managers 201006meriem haddadi
 
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018Guillaume BROUSSEAU
 
L'année du dpe de l'amdpas
L'année du dpe de l'amdpasL'année du dpe de l'amdpas
L'année du dpe de l'amdpaspascaljan
 
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprises
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprisesL'entreprenariat et les motivations à la création des entreprises
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprisesJadroun Sofiane
 
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfi
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfiStrategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfi
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfiElsa von Licy
 
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...France Stratégie
 
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...contact Elabe
 
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...Kévin Deniau
 
Thèse - CFAR-m - Français
Thèse - CFAR-m - FrançaisThèse - CFAR-m - Français
Thèse - CFAR-m - Françaisbusinessangeleu
 
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...Justine Laurent
 
Classement indépendants patrimoine_scala
Classement indépendants patrimoine_scalaClassement indépendants patrimoine_scala
Classement indépendants patrimoine_scalaglucchini
 
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015Cecile Renault
 
Upec rapport de_stage_zegowitz
Upec rapport de_stage_zegowitzUpec rapport de_stage_zegowitz
Upec rapport de_stage_zegowitzbendaoud
 

Similaire à EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013 (20)

Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire
 Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire
Recherche de la motivation et du bien-être au sein d'une entreprise ferroviaire
 
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...
La créativité - Le coaching d’équipe pour dynamiser la créativité d’une entre...
 
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégiqueApport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique
Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique
 
Finance par-[-www.heights-book.blogspot.com-]
Finance  par-[-www.heights-book.blogspot.com-]Finance  par-[-www.heights-book.blogspot.com-]
Finance par-[-www.heights-book.blogspot.com-]
 
Repenser la-formation-des-managers 201006
Repenser la-formation-des-managers 201006Repenser la-formation-des-managers 201006
Repenser la-formation-des-managers 201006
 
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018
Edias - Temps partagé - rapport - juin 2018
 
Dfcg
DfcgDfcg
Dfcg
 
Dfcg
DfcgDfcg
Dfcg
 
Dfcg
DfcgDfcg
Dfcg
 
L'année du dpe de l'amdpas
L'année du dpe de l'amdpasL'année du dpe de l'amdpas
L'année du dpe de l'amdpas
 
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprises
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprisesL'entreprenariat et les motivations à la création des entreprises
L'entreprenariat et les motivations à la création des entreprises
 
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfi
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfiStrategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfi
Strategie Decisions Incertitude Actes conference fnege xerfi
 
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...
Évaluation des ordonnances du 22 septembre 2017 relatives au dialogue social ...
 
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...
Baromètre 2023 de l’Institut de l’Entreprise sur la relation des Français à l...
 
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...
Pourquoi un entrepreneur est-il entrepreneur ? - Thèse professionnelle Kévin ...
 
Thèse - CFAR-m - Français
Thèse - CFAR-m - FrançaisThèse - CFAR-m - Français
Thèse - CFAR-m - Français
 
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...
Croissance durable : les bénéfices de l'économie circulaire pour la filière b...
 
Classement indépendants patrimoine_scala
Classement indépendants patrimoine_scalaClassement indépendants patrimoine_scala
Classement indépendants patrimoine_scala
 
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015
Rapport d'activité Cécile Renault 10,2015
 
Upec rapport de_stage_zegowitz
Upec rapport de_stage_zegowitzUpec rapport de_stage_zegowitz
Upec rapport de_stage_zegowitz
 

Dernier

systeme expert_systeme expert_systeme expert
systeme expert_systeme expert_systeme expertsysteme expert_systeme expert_systeme expert
systeme expert_systeme expert_systeme expertChristianMbip
 
Annie Ernaux Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
Annie   Ernaux  Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .Annie   Ernaux  Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
Annie Ernaux Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .Txaruka
 
Fondation Louis Vuitton. pptx
Fondation      Louis      Vuitton.   pptxFondation      Louis      Vuitton.   pptx
Fondation Louis Vuitton. pptxTxaruka
 
Evaluation du systeme d'Education. Marocpptx
Evaluation du systeme d'Education. MarocpptxEvaluation du systeme d'Education. Marocpptx
Evaluation du systeme d'Education. MarocpptxAsmaa105193
 
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptxSAID MASHATE
 
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSETCours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSETMedBechir
 
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSET
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSETCours SE Gestion des périphériques - IG IPSET
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSETMedBechir
 
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptxSaint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptxMartin M Flynn
 
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directeLe Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directeXL Groupe
 
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIE
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIEBONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIE
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIEgharebikram98
 
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadershipFormation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadershipM2i Formation
 
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.Franck Apolis
 
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptx
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptxPrésentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptx
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptxrababouerdighi
 

Dernier (14)

systeme expert_systeme expert_systeme expert
systeme expert_systeme expert_systeme expertsysteme expert_systeme expert_systeme expert
systeme expert_systeme expert_systeme expert
 
Annie Ernaux Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
Annie   Ernaux  Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .Annie   Ernaux  Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
Annie Ernaux Extérieurs. pptx. Exposition basée sur un livre .
 
Fondation Louis Vuitton. pptx
Fondation      Louis      Vuitton.   pptxFondation      Louis      Vuitton.   pptx
Fondation Louis Vuitton. pptx
 
Evaluation du systeme d'Education. Marocpptx
Evaluation du systeme d'Education. MarocpptxEvaluation du systeme d'Education. Marocpptx
Evaluation du systeme d'Education. Marocpptx
 
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx
666148532-Formation-Habilitation-ELECTRIQUE-ENTREPRISE-MARS-2017.pptx
 
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSETCours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
Cours SE Le système Linux : La ligne de commande bash - IG IPSET
 
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSET
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSETCours SE Gestion des périphériques - IG IPSET
Cours SE Gestion des périphériques - IG IPSET
 
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptxSaint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
Saint Georges, martyr, et la lègend du dragon.pptx
 
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directeLe Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
Le Lean sur une ligne de production : Formation et mise en application directe
 
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIE
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIEBONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIE
BONNES PRATIQUES DE FABRICATION RESUME SIMPLIFIE
 
Pâques de Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
Pâques de Sainte Marie-Euphrasie PelletierPâques de Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
Pâques de Sainte Marie-Euphrasie Pelletier
 
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadershipFormation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
Formation M2i - Comprendre les neurosciences pour développer son leadership
 
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.
A3iFormations, organisme de formations certifié qualiopi.
 
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptx
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptxPrésentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptx
Présentation_ Didactique 1_SVT (S4) complet.pptx
 

EDBA Paris-Dauphine Thesis Guillaume Renard 18 juin 2013

  • 1. UNIVERSITE PARIS-DAUPHINE EXECUTIVE DOCTORATE BUSINESS ADMINISTRATION LA DETENTION D’ACTIFS DE TRESORERIE DANS LES SOCIETES COTEES : FACTEURS EXPLICATIFS ET IMPACT SUR LA PERFORMANCE Document de soutenance de Thesis pour l’obtention du diplôme de DOCTOR IN BUSINESS ADMINISTRATION Soutenue publiquement le 18 juin 2013 par Guillaume RENARD JURY Directeur de Recherche : Monsieur Jean-François CASTA Professeur à l’Université Paris-Dauphine Rapporteurs : Monsieur Hubert DE LA BRUSLERIE Professeur à l’Université Paris-Dauphine Monsieur Olivier RAMOND Professeur à l’Université Paris Est - Créteil Val de Marne
  • 2. L’Université Paris-Dauphine n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans les thesis : ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
  • 3. REMERCIEMENTS Je tiens tout d’abord à remercier l’Université Paris-Dauphine qui m’a permis d’entreprendre une Thesis, tout en poursuivant mon activité de directeur financier chez L’Oréal. Je remercie particulièrement Monsieur le Professeur Jean-François CASTA, qui m'a fait l'honneur d'être mon directeur de recherche. Son encadrement patient et exigeant tout au long de ces quatre années, sa compréhension envers un doctorant professionnel et ses nombreux conseils m’ont été des plus précieux pour la conduite de cette recherche. Cette thèse n’aurait pas pu être réalisée sans Monsieur le Professeur Hubert de la BRUSLERIE, qui m’a intégré ces cinq dernières années dans son équipe de l’UE d’analyse financière et ingénierie financière et qui a accepté d’être rapporteur. Les échanges avec mes étudiants du Master 1 Finance, m’ont aussi permis d’enrichir ma réflexion académique. Les professeurs du CREPA (GFR Management & Organisation) ont également contribué à faire avancer ma recherche lors des séminaires doctoraux. Je souhaite évidemment remercier Monsieur le Professeur Pierre ROMELAER et Monsieur Emmanuel MONOD, co-directeurs du programme Executive Doctorate de l’Université Paris-Dauphine. Les doctorants, notamment lors de la conférence à la Case Western Reserve University de Cleveland, m’ont aussi aidé dans le cheminement de mon travail, particulièrement Ali HANDJANI pour ses utiles observations sur ma thesis. Mes remerciements s’adressent également à Monsieur le Professeur Olivier RAMOND de l’Université Paris Est - Créteil, qui a accepté d’être rapporteur. Ma reconnaissance va aussi à Luc PAUGAM, Professeur Assistant à l’ESSEC. Ses conseils, lorsqu’il était doctorant à l’Université Paris-Dauphine m’ont permis de développer mes connaissances sur les méthodes de recherche quantitatives. Enfin, ce travail n’aurait pu aboutir sans la présence permanente de mes proches. Toutes mes pensées vont à ma famille et à mes amis qui ont cheminé avec moi lors de ce travail et ont su donner du sens à mes réalisations.
  • 4. SOMMAIRE Remerciements..............................................................................................................................2 Sommaire........................................................................................................................................3 Table des acronymes et des sigles ............................................................................................4 Format de présentation...............................................................................................................5 Introduction...................................................................................................................................8 Première partie Revue de la littérature sur la détention de trésorerie.........................................................23 Deuxième partie Méthodologie, constitution d’un échantillon de 8.200 entreprises et statistiques descriptives par zone/secteur..................................................................................................59 Troisième partie Facteurs explicatifs du niveau de trésorerie : origine légale et structure financière ...87 Quatrième partie Impact de la détention de trésorerie sur la performance et la valeur boursière, un outil de résistance en période de crise .................................................................................117 Conclusions générales..............................................................................................................143 Annexes.......................................................................................................................................150 Bibliographie .............................................................................................................................161 Table des matières ...................................................................................................................170 Liste des tableaux.....................................................................................................................174 Liste des figures........................................................................................................................176 Liste des graphiques ................................................................................................................177 Liste des annexes......................................................................................................................178
  • 5. 4 TABLE DES ACRONYMES ET DES SIGLES AMF Autorité des Marchés Financiers AMO Afrique Moyen-Orient BFR Besoin en Fonds de Roulement CAC Cotation Assistée en Continu (Indice boursier France) EBIT Earning Before Interests and Taxes FTSE Financial Times Stock Exchange (Indice boursier Royaume Uni) IFRS International Financial Reporting Standards LIBOR London InterBank Offered Rate LSDV Least Squares Dummy Variable (Moindres carrés avec variables indicatrices) MCO Moindres Carrés Ordinaires Md Milliard NWC Net Working Capital (Besoin en fonds de roulement) PdM Part de Marché PIB Produit Intérieur Brut QER Quantité Economique de Réapprovisionnement RIM Research In Motion R&D Recherche et Développement ROA Return on Asset ROI Return on Investment S&P Standard & Poor’s (Indice boursier Etats-Unis) SIC Standard Industrial Classification UK United Kingdom (Royaume-Uni) VAN Valeur Actuelle Nette VMP Valeur Mobilière de Placement WACC Weighted Average Cost of Capital (Coût moyen pondéré du capital)
  • 6. FORMAT DE PRESENTATION Expressions latines et abréviations Afin d’alléger la discussion de notre étude, les abréviations latines « i.e. » (ita est), « e.g., » (exempli gratia), « cf. » (confer) et « et al. » (et alii) sont utilisées respectivement pour « c’est-à dire », « par exemple », « voir » et « et les autres » et seront indiquées en italique. Citations et traductions Les citations sont reproduites en italique, elles sont systématiquement traduites de l’anglais par en bas de page. Présentation des données statistiques Pour faciliter leur lecture dans les tableaux, les données statistiques communiquées dans la partie empirique de cette étude sont présentées selon les normes anglo-saxonnes (par exemple : 8,030.27 au lieu de 8.030,27). Dans le texte, les commentaires sont rédigés selon les normes françaises. Référencement des équations mathématiques La numérotation des équations mathématiques est réinitialisée au début de chaque partie. La référence d’une équation fait figurer, en tête du numéro de l’équation, le numéro de la partie, (e.g. l’équation n°8 de la partie 1 est référencée 1.8).
  • 7. « The three most important things you need to measure in a business are customer satisfaction, employee satisfaction, and cash flow. If you're growing customer satisfaction, your global market share is sure to grow too. Employee satisfaction gets you productivity, quality, pride, and creativity. And cash flow is the pulse »1 Jack Welch (1993) 1 Propos de Jack Welch dans le livre de Ticky et Sherman (1993). Traduction proposée : « Les trois choses les plus importantes qui doivent être mesurées dans un business sont la satisfaction du client, la satisfaction des employés et le cash-flow. Si vous accroissez la satisfaction du client, vous pouvez être sûr que votre part de marché globale croîtra aussi. La satisfaction des employés vous apportera de la productivité, qualité, reconnaissance et créativité. Et le cash- flow sera le fuel».
  • 9. INTRODUCTION u cours des dernières décennies, les grands groupes industriels ont accumulé d’importantes réserves de trésorerie2. Selon l’Autorité des marchés financiers3, les 1.000 premiers groupes cotés dans le monde disposent fin 2011 de plus de 2.000 milliards de dollars de trésorerie. Ces actifs atteignent même 4.000 milliards de dollars sur le périmètre plus large des entreprises non financières (Hogan Lovells, 2011)4. Comment expliquer cette pratique de gestion ? Les taux d’intérêt étant proches de leurs niveaux historiques les plus bas, les grands groupes devraient normalement avoir un large recours à l’endettement avec une accumulation de trésorerie modérée, parce que faiblement rémunérée. En réalité, ce phénomène trouverait son origine dans la crise et le ralentissement économique : les managers ont une logique très financière et placent la barre très haute en matière d'objectif de rentabilité de leurs investissements (ROI5). Les entreprises écartent, par précaution, des projets qui auraient été recevables il y a vingt ans pour se désendetter et conserver des actifs de trésorerie (Batsch, 2006). 2 « Le mot trésorerie est ambigu car il est utilisé pour désigner deux notions distinctes » (Colasse, 1982, p189). Pour parler de la trésorerie dans cette thèse, on utilise indifféremment le terme de liquidités. Par « actifs liquides » ou « actifs de trésorerie », il faut entendre l’ensemble des disponibilités et des valeurs mobilières de placement court terme. 3 L’Autorité des marchés financiers (AMF) est l'institution française en charge de veiller à la bonne application des règles qui régissent le marché boursier français (règles d'admission, fonctionnement du marché et des intervenants, suivi de l'information communiquée au marché...). 4 Etude du cabinet Hogan Lovells, réalisée en 2011, sur le niveau de trésorerie dans les entreprises non financières. Hogan Lovells est l'un des 10 premiers prestataires de services juridiques mondiaux. 5 Le ROI (Return on Investment) mesure les liquidités (ou potentielles liquidités) générées par un investissement. A
  • 10. INTRODUCTION 9 Une étude du Journal of Finance (Bates, Kahle et Stulz, 2009) met en évidence une forte hausse du ratio de trésorerie6 des entreprises américaines qui a été multiplié par deux en trente ans de 10% des actifs de l’entreprise en 1980 à 23% en 2006. L’intérêt grandissant porté à cette accumulation de trésorerie n’est pas réservé aux seuls académiques (Fresard, 2010 ; Duchin, 2010 ; Bigello et al., 2012). Les médias reprennent également le sujet : le Financial Times (2011) titre en pleine crise financière « Corporate finance: rivers of riches: multinationals are replete with cash – how they spend it will be crucial to the global economy »7 . Le débat est aussi repris par les gouvernements. Ils émettent de sérieux doutes sur l’utilité de tels niveaux de détention d’actifs liquides et sont effrayés par les conséquences d’une accumulation trop massive. En France, après publication par le pétrolier Total de nouveaux bénéfices record et d’une détention de trésorerie toujours plus importante (16 milliards d’euros fin 2010), Nicolas Sarkozy, propose d’en reverser une partie aux salariés. Aux Etats-Unis, dans son discours devant le congrès américain en février 2011, Barrack Obama interpelle les groupes cotés et leur demande de redistribuer leurs liquidités dans l’économie en dépensant leurs milliers de milliards de dollars de trésorerie. Le sujet de la détention de trésorerie n’est pas récent et existe depuis le début du XXème siècle. En 1916, Henry Ford, qui réalise d'énormes gains de productivité grâce à la mise en place des premières chaînes d'assemblage, fait plus de 100 millions de dollars de bénéfices. Avec le cash-flow généré, il choisit non pas de rémunérer ses actionnaires mais d'augmenter ses salariés, de diminuer le prix de ses voitures et de conserver une partie sous forme de trésorerie comme précaution pour répondre aux besoins inattendus. Les actionnaires traînent Ford en justice. La Cour Suprême du Michigan leur donne raison et oblige le constructeur automobile à reverser ce surplus de trésorerie sous forme de dividendes. Un siècle plus tard, Apple8 se retrouve dans la même situation. La société californienne détient fin 2012 plus de 100 milliards de dollars de trésorerie9 et de 6 Le ratio de trésorerie est mesuré en rapportant le montant total des encaisses et équivalents (liquidités et investissements à court terme) au montant des actifs de l’entreprise. 7 Traduction proposée : « Finance d’entreprise: de considérables réserves de liquidités dans les multinationales – l’utilisation de ces réserves sera cruciale pour l’économie », de Richard Milne et Anousha Sakoui, dans le Financial Times du 22 Mai 2011. 8 Apple a annoncé début 2012, pour la première fois depuis 1995, le versement de 35 milliards de dollars dividendes. La firme va aussi lancer un programme de rachat d’actions à hauteur de 10 milliards de dollars. 9 La notion de trésorerie (ou de liquidité) dans cette thèse correspond à l’ensemble des disponibilités et des valeurs mobilières de placement court terme.
  • 11. INTRODUCTION 10 placements long terme10 . La demande pressante de ses actionnaires oblige Apple à les rémunérer pour la première fois depuis les années 80, i.e. verser une partie de ses actifs de trésorerie sous forme de dividendes et de rachats d’actions. PLACE DE LA DETENTION DE TRESORERIE DANS LA THEORIE CLASSIQUE DE LA FINANCE Pourquoi les entreprises détiennent de tels niveaux de trésorerie ? Comment s’effectue cette accumulation ? Quels sont les facteurs qui influencent ces choix ? Ces questions sont au cœur de la Finance d’entreprise. Selon Martynova et Renneboog (2009), les disponibilités internes, en opposition avec l’endettement et les augmentations de capital, représentent la part la plus importante des sources de financement. Une étude réalisée en 2012 par JP Morgan11, montre que la moitié des sociétés industrielles et commerciales de l'indice S&P 500 (Etats-Unis) et environ 40 % des entreprises du FTSE 100 (Royaume-Uni) sont financées à plus de 90 % par des capitaux propres (réserves ou augmentations de capital). Contrairement au coût de la dette, le coût des capitaux propres est resté élevé, car les primes de risque sont historiquement excessives, pénalisant l'investissement et la croissance. Les entreprises tendent à conserver leur trésorerie pour minimiser ces coûts. Pour analyser les politiques de détention de trésorerie, il apparait essentiel de comprendre comment sont financées les entreprises et quelles sont les implications de ces choix de financement. Selon Damodaran (2001), une des premières missions de gouvernance des comités exécutifs est de mettre en application leurs orientations stratégiques en choisissant la meilleure répartition des cash-flows entre : (i) le désendettement : remboursement de la dette et des frais financiers, 10 Les placements long terme sont des immobilisations financières (prise de participation avec gains réalisés à long terme). 11 Dixième étude mondiale sur la gestion de trésorerie (2009), réalisée par J.P. Morgan Asset Management avec l’Association of Corporate Treasurers (ACT), révèle les nouvelles tendances et principales préoccupations des trésoriers d’entreprise à travers le monde. L’étude JP Morgan est disponible sur le site : www.jpmorganassetmanegement.fr
  • 12. INTRODUCTION 11 (ii) l’investissement dans les outils de production, (iii)les acquisitions (paiement avec des liquidités, mais également finançable par endettement ou augmentation de capital), (iv)le versement de dividendes ou le rachat d’actions pour la valeur actionnariale, (v) la détention de trésorerie. Figure 1 : Processus de décision d’utilisation des cash-flows La détention de trésorerie peut s’appréhender selon deux théories en opposition : la théorie financière classique et des courants plus récents présentant la trésorerie comme une flexibilité financière. Théorie financière classique Le modèle classique de la Finance ne laisse place à aucune constitution de trésorerie. La valeur actionnariale ayant pris de l’importance dans les années 80/90, l’actionnaire est considéré comme le créancier résiduel qui touche les liquidités restantes une fois toutes les opérations de financement et d’investissement réalisées. Dans un monde parfait à la Modigliani-Miller (1958), la détention de niveaux élevés de trésorerie est d’ailleurs sans intérêt pour l’entreprise. Les sociétés peuvent s’adresser facilement aux marchés de capitaux pour financer leurs projets d’investissement rentables et ceci moyennant des coûts faibles. Ce concept de créancier résiduel s’est développé dans la théorie économique des contrats. Pour Grossman et Hart (1986), avoir la propriété d'un actif et donc être le créancier résiduel signifie exercer le contrôle résiduel. Mais, les contrats ne sont pas complets et
  • 13. INTRODUCTION 12 n’envisagent pas toutes les éventualités qui résultent des actions de chaque acteur, ce qui est d’ailleurs impossible dans un univers de rationalité limitée dès lors que la transaction est un peu complexe. Donner aux comités exécutifs des grands groupes, la responsabilité de gérer la partie non spécifiée du contrat (i.e. contrôle résiduel), est un arrangement qui évite les renégociations ex-post et de ce fait économise les coûts de transaction, mais avec le plus souvent des objectifs divergents entre les actionnaires et les managers sur l’affectation du bénéfice résiduel (Milgrom, Roberts, 1992). Une des conséquences est l’accumulation d’actifs de trésorerie par les managers pour obtenir un gain en termes de pouvoir discrétionnaire sur les décisions d’investissement de la firme Ces niveaux de trésorerie anormalement élevées sont perçus comme négatifs pour l’entreprise : (i) ils ne permettent pas d’optimiser l’effet de levier : baisse de la rentabilité financière, avec une rémunération des liquidités inférieure au coût du capital, (ii) ils sont soupçonnés d’offrir aux dirigeants une trop grande latitude d’action (Jensen, 1986), au détriment des actionnaires : acquisitions réalisées par les managers pour accroitre leur périmètre et leur pouvoir (i.e. empire building12), gestion progressive de la distribution de dividendes pour maintenir le cours de bourse et assurer leur rémunération variable (i.e. bonus, stock-options, actions gratuites). Théories les plus récentes : la trésorerie comme une flexibilité financière En période de crise, les dirigeants remettent en avant leur droit à accumuler de la trésorerie. Comment expliquer cette pratique de management ? Selon Bertoneche (2012), professeur de Finance à la Harvard Business School, les managers recherchent de la flexibilité financière. Un faible endettement permet plus de réactivité dans un environnement imprévisible. Lors de périodes de crise, durant lesquelles l'accès aux marchés des capitaux est restreint, voire impossible, les avantages financiers et fiscaux de l'endettement sont atténués. Bertoneche (2012) précise : « se 12 La volonté de se bâtir un empire (empire building) constitue l’une des principales motivations pour les fusions-acquisitions, d’après la théorie économique. Pour des questions de rémunération ou simplement de prestige, les dirigeants auraient tendance à élargir exagérément les frontières de l’entreprise dont ils ont la charge.
  • 14. INTRODUCTION 13 réserver la possibilité de recourir à la dette équivaut à l'achat d'une option. La valeur de cette option est d'autant plus élevée que l'incertitude et la volatilité s'accroissent. » Cependant, beaucoup d'entreprises utilisent leurs capacités d'emprunt pour optimiser leurs performances, plutôt que de conserver cette opportunité pour les périodes de crise. L’expression « Cash is king »13 est très souvent utilisée par les managers. Elle fait référence à l'importance de la trésorerie dans la santé financière de l’entreprise, comme précaution pour répondre aux besoins inattendus. L’effet de levier permet certes d’accroitre la rentabilité des capitaux propres mais génère un risque. Dans un contexte de crise, les marges se réduisent et ne permettent pas toujours d’absorber les frais financiers (i.e. effet de massue). Les actifs de trésorerie servent alors de tampon. Ils peuvent également permettre de réaliser des opérations à court terme, des achats ou des acquisitions. Ainsi, cette recherche opposera deux théories : la théorie financière classique qui explique la constitution de trésorerie comme une conséquence des coûts d’agence (i.e. empire building) avec un effet négatif sur l’entreprise, et les courants les plus récents plaçant la détention de trésorerie comme une flexibilité financière. LA DETENTION DE TRESORERIE DANS LA LITTERATURE ACADEMIQUE Malgré le rôle essentiel de la trésorerie dans les opérations d’investissement et de financement, les recherches en Finance ont traditionnellement peu exploré le phénomène. Ce sont des recherches récentes qui remettent le sujet à l’ordre du jour, notamment suite à l’accumulation de niveaux de trésorerie record (e.g. Apple ou l’étude de Bates et al., 2009) et à l’intérêt porté à ces actifs de trésorerie par les médias et les cercles politiques. 13 « Cash is king » : expression prononcée pour la première fois par le Directeur Général de Volvo, Gustaf Gyllenhammar, suite au krach boursier de 1987.
  • 15. INTRODUCTION 14 Historique des recherches sur la détention de trésorerie Les premières études sur la détention de trésorerie datent de 1936 : Keynes précise déjà les deux principaux bénéfices de détenir des actifs liquides, i.e. diminuer les coûts de transaction et avoir un matelas pour répondre aux besoins inattendus. Ces recherches les plus anciennes s’intéressent principalement aux déterminants de la détention de trésorerie : motif de transaction, motif de précaution et modèle des économies d’échelle. Selon les motifs de transaction, pour réaliser leurs opérations courantes de financement ou d’investissement, les entreprises ont besoin de trésorerie. N’opérant pas dans un marché parfait, les firmes subissent des coûts de transaction pour se procurer ces liquidités : taux d’intérêt pour l’endettement, taxes et commissions pour les ventes d’actifs. Ainsi, pour diminuer ces coûts, les entreprises conservent par précaution un niveau suffisant de trésorerie pour répondre à ces besoins courants ou inattendus. Dans le modèle des économies d’échelle, les grandes entreprises ont un accès facilité aux marchés de capitaux leur permettant d’emprunter à des niveaux de rémunération plus favorables. Elles bénéficient également de mutualisation entre leurs activités leur permettant une mise à disposition plus rapide d’actifs de trésorerie. Ainsi, dans ce modèle, les entreprises les plus grandes disposent de plus faibles niveaux de trésorerie. Baumol (1952) et Miller et Orr (1966) développent un premier modèle de « Trade-off » 14 (compromis) sur le niveau de trésorerie qui serait le résultat d’un équilibre entre son coût de détention et ses bénéfices : réduction des coûts de transaction et des taux d’intérêts pour se procurer des liquidités sur le marché. Malgré ces théories expliquant la nécessité pour les entreprises de détenir un niveau minimum de trésorerie, ces théories classiques considèrent la trésorerie comme un élément non stratégique pour la gestion de l’entreprise. Des études plus récentes introduisent la notion de gouvernance et se situent dans des postures comparative et institutionnelle. Jensen (1986) place le dirigeant comme 14 Modèle du Trade-off (Compromis) qui prédit que les firmes identifient un niveau optimal d’endettement en évaluant les coûts et les bénéfices d’une unité additionnelle de la dette. Parmi, les bénéfices de la dette, nous pouvons citer la déduction des taxes des intérêts ainsi que la réduction des problèmes d’autofinancement. Les coûts de la dette incluent les coûts potentiels de faillite et les conflits d’agence entre les actionnaires et les obligataires. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
  • 16. INTRODUCTION 15 acteur dans le choix d’accumuler de la trésorerie. A l’encontre de l’intérêt des actionnaires, les managers accumulent des actifs de trésorerie pour accroître leur pouvoir, augmenter leur autonomie et poursuivre des intérêts personnels. Ils peuvent réaliser des investissements que les marchés refuseraient de financer. L’accumulation d’actifs liquides pourrait en partie s’expliquer par ces conflits managers/actionnaires qui génèrent des coûts d’agence. Les recherches se sont ensuite appuyées sur des théories d’optimisation de la structure financière (Kim et al., 1998, Opler et al, 1999, Almeida et al., 2004). Elles reprennent les modèles développés dans les années 70/80 mettant en évidence l’influence de l’endettement sur l’optimisation des structures financières et les transposent à la trésorerie : (i) la théorie du compromis (Myers, 1977) permet de définir un niveau optimal de trésorerie, résultant du compromis entre le coût et le bénéfice de la trésorerie ; (ii) dans la théorie du financement hiérarchique15 (Myers et Maljuf, 1984), il n’y a pas de niveau optimal de trésorerie, car elle agit comme un fond régulateur entre les bénéfices retenus et les besoins d’investissement de l’entreprise. Dans ce modèle, la structure financière et le niveau de trésorerie de l’entreprise sont un résultat des opérations de financement et d’investissement : sont d’abord privilégiées pour une opération financière, les liquidités, puis la dette et enfin le recours à des capitaux externes. Les recherches les plus récentes se sont développées suite à l’intérêt des managers pour la détention d’actifs de trésorerie, comme un maillon central de leur stratégie financière. Harvey et Graham (2001), Bancel et Mittoo (2004), Bertoneche (2012) interrogent les managers et révèlent que le principal moteur les poussant à conserver des disponibilités, est le désir de préserver leur flexibilité financière. La détention de trésorerie permet ainsi de sécuriser la possibilité de financer leurs futures opportunités de croissance. Il s’agit d’une remise en cause des théories financières classiques de la structure financière (Modigliani, Miller, 1958). 15 Modèle du Pecking Order (Financement hiérarchique) : selon cette théorie, il n’existe pas de niveau optimal de dettes ou de structure financière. L’entreprise a recours dans la mesure du possible à l’émission de la dette sans risque ; ensuite, elle émet de la dette risquée ou des obligations convertibles avant de recourir à l’émission d’actions. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
  • 17. INTRODUCTION 16 Les principaux courants de littérature sur la détention de trésorerie Cette revue de la littérature peut également s’analyser par thème. Deux principaux courants de recherche permettent de réaliser une classification : (i) le premier s’intéresse à la compréhension des déterminants des niveaux de trésorerie observés. Les chercheurs essaient d’identifier les facteurs explicatifs et les circonstances associées à la constitution d’actifs liquides ; (ii) le deuxième groupe de recherche analyse ce que les entreprises font de cette trésorerie et évalue son influence sur la performance et la valeur de l’entreprise. (i) Le premier courant a permis d’identifier avec succès les nombreux déterminants à l’origine de la détention d’actifs de trésorerie. Un nombre considérable d’études précisent les variables qui prédisent une augmentation des niveaux de trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999). Ces études mettent en évidence trois motifs différents à l’origine de la détention de trésorerie : - les entreprises retiennent de la trésorerie par principe de précaution. Afin d’avoir des ressources internes leur permettant de mieux résister aux chocs, particulièrement lorsque les accès aux financements externes se restreignent. Bates, Kahle et Stulz (2009) observent que les petites firmes ont plus de trésorerie car plus soumises aux chocs financiers avec de fortes volatilités de cash-flows et peu d’accès aux capitaux externes. Ces recherches placent les actifs liquides comme un instrument de flexibilité financière ; - d’autres analyses démontrent le rôle de la qualité de la gouvernance (Harford et al., 2008). Les entreprises localisées dans des pays avec des actionnaires minoritaires moins protégés détiennent des niveaux de trésorerie plus élevés. Jensen (1986) parle de coûts d’agence avec des managers qui tendent à conserver des trésoreries excessives pour accroître leurs pouvoirs. Il prend l’exemple des compagnies pétrolières qui ont accumulé d’importants niveaux de trésorerie et ont réalisé des diversifications hasardeuses dans les années 70 : acquisition de sociétés dans des secteurs moins profitables que celui de l’industrie pétrolière (i.e. effet dilutif). Jensen cite les exemples d’achats de Marcor (secteur de la distribution) par Mobil ou de Reliance Electric (secteur industriel) par Exxon ;
  • 18. INTRODUCTION 17 - la fiscalité peut également être à l’origine de l’accumulation d’actifs de trésorerie. Par exemple, les multinationales américaines ne peuvent pas rapatrier leurs liquidités aux Etats-Unis sans se faire taxer lourdement (e.g. Apple dont la majorité de sa trésorerie est en dehors des Etats-Unis). Le poids de la fiscalité concerne à la fois les pays dans lesquels la multinationale fait ses bénéfices, mais également le pays siège. (ii) Le second courant de recherche permet de mesurer les conséquences de la détention de trésorerie sur l’entreprise. Selon Fresard (2010), la trésorerie permettrait d’accroitre la valeur, mais également la performance de l’entreprise. La détention de trésorerie permet par exemple de réaliser une acquisition dans un secteur innovant ou méconnu de l’entreprise ou encore d’investir dans une rénovation de l’outil industriel ou de distribution. C’est par exemple le cas de L’Oréal qui en rachetant Kiehl’s en 2000 ou The Body Shop en 2006 a pu développer un modèle de distribution en propre qu’elle ne maitrisait pas en interne ; ou encore Apple qui rachète de petites start-up pour maintenir son niveau d’innovation. Les effets de la trésorerie sur la valeur de l’entreprise se sont considérablement élargis lorsque les firmes ont dû faire face à de fortes contraintes financières. Cependant, dans un contexte difficile, avec une mauvaise gouvernance, la détention de trésorerie peut avoir un impact négatif sur la valeur de l’entreprise. En l’absence d’intérêts communs avec les actionnaires, les managers tendent à dépenser rapidement leur trésorerie et détruire de la valeur dans des acquisitions non rentables, réduisant le retour sur investissement des actionnaires (Jensen, 1986). QUESTIONS DE RECHERCHE Les records de niveaux de trésorerie des entreprises industrielles commencent à inquiéter les politiques et les professionnels de la Finance. Les observateurs émettent des doutes
  • 19. INTRODUCTION 18 sur la rationalité des entreprises à détenir autant de trésorerie16. L’objectif de cette recherche est d’abord d’observer et de comprendre comment se réalise l’accumulation de trésorerie dans les groupes cotés. Elle mesure ensuite l’influence de la détention de ces actifs de trésorerie sur la performance de la firme, lui permettant de mieux résister aux contraintes financières. Pour évaluer les déterminants du niveau de trésorerie, deux axes d’analyse sont étudiés : l’origine légale et les modèles de structure financière (Trade-off et Pecking order). Pour mesurer l’influence de la détention de trésorerie sur la performance, cette thèse s’intéresse également à l’avantage compétitif des actifs de trésorerie comme garant pour améliorer la part de marché de l’entreprise et particulièrement dans un contexte de stress financier comme la crise financière de 2007/2008 et le rationnement du crédit. D’un point de vue épistémologique, ce travail doctoral s’inscrit dans une approche positiviste (Comte, 1853) fondée sur une méthodologie hypothético-déductive (Gill et Johnson, 2010). Elle teste de manière empirique 2 théories en opposition : (i) d’un côté la théorie classique de la Finance (Modigliani, Miller, 1958) pour qui la détention de niveaux élevés de trésorerie est sans intérêt car les sociétés peuvent s’adresser facilement aux marchés de capitaux pour financer leurs projets, (ii) de l’autre les courants les plus récents (Fresard, 2010) qui mettent en avant une influence positive des actifs de trésorerie sur la performance de l’entreprise. Les études antérieures relatives aux déterminants sont principalement restées sur des données américaines annuelles. La particularité de nos travaux est de porter : (i) sur un périmètre mondial, en discutant les éventuelles disparités par zone géographique et par secteur, (ii) sur une période annuelle (2003-2010), mais également trimestrielle (2006- 2009), permettant d’éviter les window-dressing17 de fin d’année. 16 “Behind Those Stockpiles of Corporate Cash,” by Mark Hulbert, Wall Street Journal, October 22, 2006. “Looking for Trouble,” The Economist, April 21, 2005. “The Corporate Savings Glut”, The Economist, July 7, 2005. “Companies Are Piling Up Cash”, by Diana B. Henriques, New York Times, March 4, 2008. 17 Le windows dressing est le terme retenu pour qualifier les habillages de bilan d’entreprise ou autres fonds. Ces opérations se réalisent avant la fin d’un exercice et donc assez régulièrement en fin d’année.
  • 20. INTRODUCTION 19 Quatre questions vont articuler notre recherche : 1°- Quels sont les déterminants de la détention de trésorerie, par zone et par secteur ? Question 1 : influence de l’origine légale sur le niveau de trésorerie ? Question 2 : le niveau de trésorerie est-il un compromis (modèle du Trade-off) entre le coût et le bénéfice de sa détention ou le résultat d’un financement hiérarchique (modèle du Pecking order) ? 2° - Quel est l’impact de la détention de trésorerie sur la performance/valeur de l’entreprise, par zone et par secteur ? Question 3 : permet-elle de gagner des parts de marché et d’accroitre la valeur boursière sur l’ensemble des zones géographiques et des secteurs d’activité ? Comment valoriser la valeur marginale d’un euro de trésorerie selon les régions ? Question 4 : est-elle un avantage compétitif en cas de fort stress financier (e.g. crise financière de 2007/2008) ? Nous utilisons la base Worldscope18 de la plateforme Thomson One Banker19. Le travail empirique est réalisé sur 65 pays avec un échantillon de 8.200 entreprises industrielles représentant 50% de la capitalisation boursière mondiale. La période analysée est 2003/2010 (base annuelle) et 2006/2009 (base trimestrielle) afin de prendre en compte le comportement des firmes pendant la période de crise financière de 2008. Notre recherche est organisée en quatre parties : La [1ere Partie] s’intéresse à la détention de trésorerie dans la littérature : les différents courants de recherche et les théories expliquant l’accumulation sur le long terme de niveaux élevés de trésorerie (Bates, Kahle et Stulz, 2009). L’entreprise pourra par exemple réaliser des cessions temporaires de titres permettant de faire apparaître des liquidités, en lieu et place de titres. 18 Worldscope : base de données financière regroupant plus de 40.000 sociétés internationales dont les données ont été retraitées, 18 ans d'historique. Comprend les données trimestrielles. 19 Thomson One Banker est une plate-forme d'interrogation de banques de données d'informations financières et boursières présentant principalement les comptes des sociétés cotées sur au moins 10 ans.
  • 21. INTRODUCTION 20 La [2eme partie] détaille la méthodologie et la constitution d’un échantillon de comptes consolidés de 8.200 entreprises industrielles cotées représentant 50% de la capitalisation boursière mondiale (65 pays). Des statistiques descriptives du niveau de trésorerie sont données par pays, par zone et par secteur sur une période annuelle (2003/2010) et trimestrielle (2006/2009). Dans la [3eme Partie], à partir de l’échantillon constitué, cette recherche s’intéresse de manière empirique aux facteurs explicatifs de la détention de trésorerie selon deux axes d’analyse : (i) l’influence de l’environnement juridique : les différentes politiques de gestion de trésorerie selon les pays, mettent en évidence l’influence de la réglementation (La Porta et al. 1998) et des politiques fiscales sur les décisions des managers ; (ii) l’influence des modèles de structure financière du Trade-off (Myers, 1977) et du Pecking order (Myers et Maljuf, 1984). La [4eme Partie] étudie empiriquement selon les continents, l’influence positive du niveau de trésorerie sur la performance des entreprises : gain de part de marché, hausse de la valeur boursière et matelas pour résister aux crises. Ce constat remet en cause les courants classiques de la Finance (Modigliani et Miller, 1958) et de l’agence (Jensen 1986). Ce travail doctoral démontre également l’avantage compétitif des actifs de trésorerie en période de stress financier (étude trimestrielle pendant la crise financière 2007/2008). Enfin, ce chapitre analyse plus particulièrement la détention de trésorerie dans l’industrie des « smartphones », du fait du niveau record de réserves dans ce secteur. Ainsi, cette thesis repose sur une approche empirique d’analyse de données comptables, permettant de tester deux théories en opposition. Les parties développées, s’articulent de manière à approfondir une analyse logique, mais incontestablement partielle, des enjeux théoriques et empiriques de la détention de trésorerie. La revue de littérature, proposée dans la première partie, permet d’identifier, d’une part, les différentes problématiques et réponses académiques apportées et, d’autre part, de relever les pistes inexplorées pour lesquelles des propositions de réponses sont concrétisées dans la troisième et quatrième partie sur une base de données définie en deuxième partie. Les troisième et quatrième parties constituent l’aboutissement empirique des hypothèses et développements théoriques formulés dans la première partie, elles permettent d’accepter ou de réfuter chacune des deux théories énoncées. La figure 2 résume l’articulation de la recherche.
  • 22. Figure 2 : Articulation de la Recherche Etude de la littérature sur la détention d’actifs de trésorerie Les courants de littérature  Premier courant : Déterminants de la détention d’actifs de trésorerie  Deuxième courant : Impact de la trésorerie sur la valeur et la performance de l’entreprise Les théories expliquant l’accumulation de trésorerie  Trade-off (compromis de structure financière)  Pecking order (financement hiérarchique)  Agence (empire building) 1ère Partie 3/4ème Parties2ème Partie Impact de la crise sur le niveau de trésorerie Matelas pour résister aux crises Constitution de l’échantillon : 8.200 entreprises Impact de l’origine légale sur le niveau de trésorerie Gouvernance - Environnement juridique Etude empirique quantitative - Base de données Worldscope (comptes consolidés) Analyse des déterminants des niveaux de trésorerie Modèle Structure financière : Trade-off et Pecking order Les déterminants de la détention d’actifs de trésorerie Territoire: Monde 6 Zones 65 Pays Impact positif des réserves de trésorerie sur l’entreprise Secteur Industrie Codes SIC 2000-3999 Sociétés cotées (50% de la capitalisation mondiale) Impact sur la performance (gain de Part de marché) Impact sur la Valeur (hausse de la valeur boursière) Période Annuelle 2003/2010 Trimestrielle 2006/2009
  • 24. PREMIERE PARTIE REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE a première section de cette partie permet de définir la notion de trésorerie (I). Elle fait une revue des différents courants de littérature : à la fois ceux des années 50/60 (II), mais aussi les recherches les plus récentes développées dans les journaux académiques depuis le milieu des années 90 (III). Enfin, ce chapitre définit le cadre épistémologique de cette thesis (IV). I- ACTIFS DE TRESORERIE : DEFINITION ET CONSTAT SUR UNE ACCUMULATION MASSIVE DANS LES GRANDS GROUPES INDUSTRIELS 1.1. DEFINITION DES ACTIFS DE TRESORERIE La trésorerie ou les disponibilités au sens strict du terme se définissent comme les réserves conservées par les entreprises au niveau de leurs postes comptables caisse et banque. Il s’agit de liquidités détenues en numéraire et des soldes créditeurs des comptes chèques bancaires. Elles correspondent aux actifs les plus liquides qui servent aux opérations journalières de l’entreprise. Le terme trésorerie au sens large évoque l’ensemble des actifs qui peuvent être transformés en monnaie au moindre coût. Elle inclue les disponibilités, mais également les L
  • 25. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 24 valeurs mobilières de placement20 qui sont les seuls éléments que l’on peut véritablement mesurer dans toutes les entreprises, le reste relève d’options stratégiques qui sont à la discrétion de chaque firme. Il est à noter que tout actif peut être évalué par son degré de liquidité. Dans certains articles de presse, peuvent être considérées comme des liquidités les placements long terme. Par exemple, les 100 milliards de trésorerie d’Apple, mentionnés dans les revues économiques, incluent des immobilisations financières non disponibles à court terme. Dans ce travail de recherche, nous ne prendrons pas en considération ces immobilisations financières. Koulayom (1997) fait la distinction entre une trésorerie d’actif et une trésorerie hors-bilan La « trésorerie actif » correspond aux postes comptables assimilables à des liquidités, i.e. les disponibilités et les valeurs mobilières de placement. Selon cette définition, la trésorerie est vue comme un emploi ou une ressource en attente d’allocation. La « trésorerie hors-bilan » est une trésorerie potentielle. Elle inclut les lignes de crédits confirmées, la capacité d’endettement non utilisée et le montant des engagements liés à des accords formels ou informels entre l’entreprise et les parties prenantes. L’ensemble de cette thèse fera référence uniquement aux disponibilités y compris les investissements court-terme, mais hors immobilisations financières long terme et trésorerie hors-bilan. Tout au long de ce travail, nous utiliserons indifféremment les termes actifs de trésorerie, trésorerie, actifs liquides ou liquidités. Niveau optimum de trésorerie Selon Quiry et Le Fur21 (2011), l’accumulation de trésorerie n’est pas forcément un choix de l’entreprise, mais une contrainte qu’elle subit du fait de décalages/retards de paiements des fournisseurs, de résultats immobilisés à l’étranger pour des raisons fiscales, de fonds bloqués dans des dépôts de garantie et paiement en avance. L’objectif « zéro trésorerie » n’est donc pas si évident à réaliser. 20 Les valeurs mobilières de placement sont des biens transformables à tout moment en disponibilités mais qui comportent malgré tout un risque de perte en capital. 21 Pascal Quiry et Yann Le Fur, « Pourquoi détenir du cash ?», lettre Vernimmen avril 2011
  • 26. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 25 Le niveau de trésorerie qu’une entreprise doit maintenir dépend également de la nature de son activité. Une entreprise de restauration ou de distribution a besoin de plus de liquidités qu’une société de production car ses clients règlent comptant. La taille de la firme intervient également. Les grands groupes bénéficient d’économies d’échelle leur permettant de maintenir un taux de détention de trésorerie sur chiffre d’affaires moins élevé. Le système financier intervient également au niveau des volumes : quand les paiements sont réalisés uniquement par virement bancaire, l’entreprise n’a pas la nécessité de posséder autant de trésorerie qu’une entreprise sans système de paiement. Valeur de la trésorerie Le taux de rentabilité minimal demandé à un investissement est le coût du capital. Ce principe peut être appliqué aux titres financiers sans risque : le coût du capital doit être le taux d’intérêt sans risque. Dans le cas où l’entreprise ne connaitrait pas avec certitudes ses rentrées de liquidités, une prime de risque doit être associée. D’un point de vue théorique, l’investissement en actifs financiers ne réduit pas la valeur de l’entreprise. En effet, la distribution des disponibilités augmente le risque et donc le coût du capital. Cependant, dans certains cas, la trésorerie peut affecter négativement la valeur de l’entreprise si elle est placée à un taux d’intérêt inférieur à celui du marché ou si l’entreprise sous-utilise l’effet de levier, c'est-à-dire qu’elle n’utilise pas suffisamment les dettes pour financer son actif. La détention des titres peut également inciter les dirigeants à accepter des investissements dans des projets à rentabilité inférieure aux normes. Tous ces aspects seront développés en détails dans la troisième section de cette partie pour les courants de recherche ; et testés de manière empirique dans la quatrième partie, i.e. impact de la détention de trésorerie sur la performance.
  • 27. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 26 1.2. LES DERNIERES ETUDES SUR LE NIVEAU DE TRESORERIE DES ENTREPRISES COTEES Etude sur les entreprises industrielles américaines sur la période 1980/2006 Une étude récente du Journal of Finance (Bates, Kahle, Stulz, 2009) met en évidence une accumulation massive - et année après année - de trésorerie dans les grands groupes américains cotés : sur une période de 25 ans, le ratio Cash/Actif des sociétés américaines a doublé en passant de 10% en 1980 à 23% en 2006. Les actifs de trésorerie des sociétés non financières représentaient 1.700 milliards de dollars fin 2006, soit 9% de leur capitalisation boursière, i.e. bien plus que les dettes cumulées de ces mêmes entreprises. L’endettement net des entreprises côtés est aujourd’hui négatif, même si la trésorerie et les dettes ne se trouvent pas forcément dans les mêmes firmes. A titre d’exemple, Microsoft et Exxon possédaient fin 2006 plus de 30 milliards de dollars disponibles sur leurs comptes bancaires, sans quasiment aucun endettement. Inversement, General Motors, avant d’être mis sous le régime du « chapter eleven22 » et malgré une forte pression de son endettement sur sa structure financière, possédait également d’importants niveaux de trésorerie. L’étude de Bates et al. détermine par statistique descriptive des groupes d’entreprises selon leur taux de détention de trésorerie. En premier lieu, le niveau de trésorerie dépend de la taille de l’entreprise (cf. modèle des économies d’échelle) : les plus petites possèdent des taux de trésorerie plus élevés (35% de Cash/Actif), tandis que les plus grandes ont des taux de détention moindres (10% de Cash/Actif). Le niveau de trésorerie dépend également de la volatilité des cash-flows, i.e. des contraintes financières. Les entreprises avec une incertitude sur leurs rentrées de cash- flows possèdent plus de réserves (40% de ratio Cash/Actif), tandis que les entreprises à faible volatilité ont des taux de détention bien moindres (7%). Autre constat réalisé par Bates et al. (2009), les entreprises les plus récentes, introduites en bourse dans les années 2000, possèdent plus d’actifs de trésorerie (35% de Cash/Actif) que celles créées dans les années 60 (seulement 10% de Cash/Actif). 22 Le « chapter eleven » (chapitre 11) de la loi sur les faillites des États-Unis permet aux entreprises de se réorganiser sous la protection de cette même loi.
  • 28. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 27 Entreprises françaises sur la période 1999/2005 Laurent Batsch (2006) fait un constat similaire en France : les grandes entreprises françaises épargnent de plus en plus. Entre 1999 et 2005, les dividendes et rachats d'actions des entreprises du CAC 40 sont passés de 14 à 24 milliards d'euros. Dans le même temps, les investissements ont chuté dans des proportions beaucoup plus importantes : de 120 milliards en 1999 à 77 milliards en 2005. Il n'y a donc pas de réelle substitution entre investissements et dividendes. Les grands groupes ont une logique très financière et placent la barre très haute en matière d'objectif de rentabilité de leurs investissements. Cela les amène à écarter des projets qui auraient été recevables il y a 10/15 ans pour se désendetter et conserver des actifs de trésorerie. La réduction des coûts au cours des dernières années a permis une amélioration de la profitabilité et une hausse du niveau de trésorerie. Cependant, après avoir réalisé leurs opérations d’investissement et de financement, les managers ne versent plus la totalité de leur bonus de liquidation à leurs actionnaires. Ils limitent les investissements dans l’outil de production, les acquisitions potentielles ou la rémunération des actionnaires, pour conserver une partie des liquidités dans l’entreprise permettant une réduction du ratio d’endettement net ([Dettes – Cash] / Actif). Grands groupes côtés internationaux en 2011 Selon des documents déposés auprès des autorités de marchés, les 1.000 premiers groupes cotés dans le monde disposent de 2.086 milliards de dollars d’actifs de trésorerie fin 2011. Les grands groupes ont accumulé d’importants niveaux de trésorerie et veulent désormais l’utiliser soit pour consolider leur position, soit pour se diversifier au vue des croissances potentielles limitées dans leur secteur. La plupart des transactions réalisées depuis le 1er janvier 2010 a été financée par des actifs liquides. Cette détention de trésorerie est le fruit des économies de coûts et du strict contrôle des dépenses d'investissement réalisés au plus fort de la récession. A titre d’exemple, grâce la cession d’Alcon à Novartis (28 Mds de francs suisses), Nestle a pu réaliser en 2010 des acquisitions comme celle de l’activité des pizzas surgelés à l’américain Kraft pour un montant de 4 Mds de francs suisses, mais l’opération lui a
  • 29. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 28 surtout permis de réduire son endettement et d’accroitre sa trésorerie à 8 Mds de francs suisses. Nestlé se retrouve ainsi fin 2010 sans aucune dette. Que faire de cette trésorerie alors que le groupe dégage déjà avec son activité régulière plus de cash-flows que ses besoins d’investissements ? La situation est jugée peu optimale par les investisseurs compte tenu de la faiblesse des taux d’intérêt. Une partie des fonds permettra de satisfaire les actionnaires, via les rachats d’actions, une partie devrait également permettre d’accélérer certains investissements. Nestlé dispose déjà des sommes nécessaires pour financer ses investissements industriels. La question des acquisitions se posera également comme le rachat d’actions L’Oréal à la famille Bettencourt, lui permettant d’être actionnaire majoritaire de la société de cosmétiques. A contrario, L’Oréal accumule également de forts niveaux de trésorerie pour pouvoir racheter ses propres actions, afin de conserver son indépendance vis-à-vis du géant suisse. Alcatel-Lucent accumulent également de forts niveaux trésorerie – évalués à 5 milliards d’euros fin 2011 - pour rassurer les tiers sur sa situation financière alors que sa dette est notée par les agences de notation « non investment grade ». L’investissement ne suit pas nécessairement le désinvestissement aussi rapidement que chez Danone où la cession de l’activité biscuits (vente de Lu à Kraft Foods) et le renforcement dans la nutrition infantile (acquisition du Numico) ont été réalisés simultanément courant 2007. En 2004, pressé par ses actionnaires, Microsoft a été obligé d’annoncer le versement d’un dividende exceptionnel de 32 milliards de dollars et un plan de rachat d’actions de 30 milliards tant il est vrai que ce groupe n’avait pas convaincu de sa capacité à réinvestir au coût du capital ses excédents de trésorerie. Plus récemment, fin mars 2012, la réserve d’Apple atteint le chiffre record de 100 milliards de dollars de trésorerie et de placements long terme, ceci sans verser un dollar de dividende à ses actionnaires. Suite à la publication de ces comptes du premier trimestre 2012, Apple doit annoncer de premiers versements de coupons et un plan à trois ans de rémunération des actionnaires sous forme de dividendes et de rachats d’action.
  • 30. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 29 1.3. LA DETENTION DE TRESORERIE : UNE MINE D’OR POUR L’ECONOMIE De nombreux comités exécutifs se retrouvent dans la situation du PDG de DSM23 qui possède en 2011, 2 milliards d’euros de trésorerie : «We are sitting on cash – and cash we need to spend. The market isn’t pressuring us but we need to act in a certain time frame. We want to do acquisitions. »24 Moins de trois ans après les jours les plus noirs de la crise financière, les grands groupes ont des actifs de trésorerie évalués à plusieurs milliers de milliards de dollars. Ils deviennent une préoccupation des gouvernements. Les entreprises ont plusieurs possibilités d’utilisation de ces actifs de trésorerie : réaliser des acquisitions, restituer l’argent aux actionnaires ou investir et embaucher. La forte hausse des fusions/acquisitions sur le premier semestre 2011 (+30%) est un premier signe de frémissement d’utilisation de ces liquidités. Le choix d’affectation de la trésorerie est crucial pour l’économie. La croissance pourrait être freinée, si les entreprises décident de conserver leurs actifs liquides. Pendant la crise financière de 2008, les sociétés avaient des niveaux de dettes si importants qu’elles n’avaient pas pu rembourser leurs prêts. Les grands argentiers ne veulent plus se retrouver dans des situations aussi difficiles et tendent à reconstituer d’importants niveaux de trésorerie. La détention de ces actifs de trésorerie est liée à une méfiance des industries vis-à-vis du système financier et des banques. Après la crise financière, beaucoup de prêteurs se sont retirés. L’industriel Siemens s’est ainsi retrouvé seul et a dû fonder sa propre institution financière pour réduire sa dépendance vis-à-vis des prêteurs. Beaucoup d’entreprises sont sceptiques sur le fait que le système financier puisse les aider en cas de difficulté financière. Ainsi, les sociétés sont beaucoup plus prudentes que par le passé car elles ont vécu la volatilité des marchés depuis une 23 DSM (Dutch State Mines) est une entreprise des Pays-Bas, membre de l'indice Euronext 100. Les activités de DSM sont regroupées dans quatre secteurs : nutrition, produits pharmaceutiques, matières performantes et chimie industrielle 24 Traduction proposée : « Nous sommes assis sur des disponibilités et nous avons besoin de le dépenser. Le Marché ne nous met pas la pression mais nous avons besoin d’agir dans un délai imparti. Nous devons réaliser des acquisitions. »
  • 31. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 30 quinzaine d’années. Avoir de la trésorerie pourrait être une assurance contre le risque de contrainte financière. Cependant, les taux d’intérêts étant à leur niveau historique les plus bas, la trésorerie ne rapportent pas. Il semblerait légitime d’en utiliser une partie pour développer l’activité, via des investissements ou des opérations de fusions acquisitions, ou d’en redistribuer une partie aux actionnaires via des dividendes ou des rachats d’actions. Impact de la trésorerie sur les rachats d’actions et les fusions acquisitions Dans chaque cycle économique, après la crise, les fusions acquisitions reviennent toujours rapidement. Selon une étude du Financial Times25 , à fin avril 2011, la valeur des acquisitions atteignaient 1.200 milliards de dollars, mais un montant inférieur au pic de 1.900 milliards de dollars sur la même période en 2007. C’est en Europe que les opérations sont les moins nombreuses avec -50% versus 2007. La confiance est surtout revenue aux Etats-Unis avec par exemple l’achat de T- Mobile par AT&T pour une valeur de 39 milliards de dollars. Les deals en Europe ont inclus des acquisitions inter continents comme le rachat de la société américaine de biotechnologie Genzyme par le français Sanofi-Aventis ou du suisse Nycomed par le japonais Takeda Pharmaceutical. Il n’y a pas de meilleur environnement pour réaliser un deal avec des taux d’intérêt très bas et des liquidités à disposition. Les investisseurs rappellent l’expression « Use it or Lose it »26 . Pour la plupart des banques, le faible rendement de la trésorerie devrait inciter les entreprises à agir, soit en réalisant des acquisitions, soit en reversant ces actifs aux actionnaires au travers de rachats d’actions ou de versement de dividendes. Selon Birinyi Associate27, les rachats d’actions ont fortement augmenté depuis début 2011 (+50% sur le premier semestre 2011 versus 2010), mais ils posent toujours la question sur l’incapacité du management à trouver de la croissance interne. Les investisseurs ne sont pas 25 Article de Milne Richard et Sakoui Anousha dans le Financial Times du 22 Mai 2011: “Corporate finance: rivers of riches: multinationals are replete with cash – how they spend it will be crucial to the global economy” 26 Traduction proposée : « Il vaut mieux dépenser les liquidités, sans quoi elles seront perdues ». 27 Birinyi Associate est une firme d’étude et de recherche des marchés financiers.
  • 32. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 31 favorables à ces rachats. Ils accordent leur préférence aux entreprises qui investissent ou éventuellement reversent leurs surplus de trésorerie sous forme de dividendes. L’importante pression mise sur les sociétés ne provient pas des actionnaires, qui restent satisfaits de pouvoir disposer d’actifs de trésorerie. Ceux-ci leur donnent la possibilité de réaliser de potentiels plans d’investissement. En réalité, la pression provient surtout des politiques comme Nicolas Sarkozy en France ou George Osborne, le chancelier de l’échiquier de Grande Bretagne, qui s’étonne fin 2011 que les compagnies anglaises avaient l’équivalent en trésorerie de 5% de croissance du PIB de l’Angleterre. Dans son discours du mois de février 2011 à la Chambre du Commerce, Barrack Obama demande aux entreprises américaines d’aider l’enclenchement du cycle vertueux, dans lequel elles pourraient réembaucher, créant ainsi plus de la croissance et donc plus de profit : « Now is the time to invest in America. Today, American companies have nearly $2 trillion sitting on their balance sheets. I know that many of you have told me that you are waiting for demand to rise before you get off the sidelines and expand ... I want to encourage you to get in the game. »28 . Tous les dirigeants insistent auprès des entreprises de la nécessité de reverser ces actifs liquides dans l’économie, mais sans qu’il y ait d’actions concrètes de la part des firmes. Du fait d’un contexte économique difficile, les managers restent très prudents sur le retour à la croissance. La hausse du chômage et de la dette européenne ont participé à ce sentiment. Les entreprises se posent la question sur les cibles potentielles mais en réalité il y a peu d’actifs attractifs qui soient à vendre. Le principe de prudence se fait également sentir dans les moyens de financement des opérations d’acquisition avec une augmentation des achats en actions. Pour des raisons fiscales, les multinationales américaines ne peuvent pas forcément rapatrier leurs actifs de trésorerie détenus à l’étranger et les utilisent pour réaliser des acquisitions. C’est par exemple le cas de Microsoft en rachetant Skype pour 8,5 milliards de dollars avec des comptes offshore. 28 Traduction proposée : « Il est temps d’investir dans l’Amérique. Aujourd’hui les compagnies américaines ont 2 000 milliards de dollars qui dorment dans leurs comptes. Je sais que beaucoup d’entre vous m’ont dit attendre que la demande reprenne avant d’investir mais je veux vous encourager à rentrer dans le jeu ».
  • 33. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 32 En conclusion, les politiques et les médias interpellent les entreprises afin qu’elles reversent une partie de leur trésor de guerre dans l’économie, mais il y a relativement peu de signes d’exubérance dans les fusions acquisitions. Malgré un contexte économique plus favorable ou de marché boursier mieux valorisé, l’incertitude macroéconomique rend les entreprises très prudentes. Elles préfèrent par précaution conserver leurs actifs de trésorerie.
  • 34. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 33 II- LES COURANTS DE LITTERATURE DES ANNEES 50/60 ET L’EMERGENCE DE LA GESTION DE TRESORERIE Historiquement, le niveau de trésorerie optimum est un niveau de liquidités proche de zéro. Dans le modèle classique de la Finance (Modigliani et Miller, 1958), la firme n’a aucun intérêt à conserver de la trésorerie, car elle peut se la procurer sur le marché à un coût raisonnable. Dans ce modèle, la détention de trésorerie est considérée comme négative pour le développement de l’entreprise. Baumol (1952) et Miller/Orr (1966) établissent des modèles avec un niveau de trésorerie optimum proche de zéro. Ils prennent également en compte l’impact positif de la détention de trésorerie comme évitant les coûts de transaction pour se procurer des liquidités sur le marché. Ainsi, ils déterminent un niveau plus fin d’optimisation avec un niveau minimum de trésorerie comme tampon, en fonction des taux d’intérêts, comparés aux coûts de la vente des actifs financiers. 2.1. LES COURANTS DE LITTERATURE DES ANNEES 50/60 2.1.1. Modèle de Baumol Le modèle développé par Baumol à l’Université de Princeton en 1952 reprend une approche de QER (quantité économique de réapprovisionnement) pour évaluer un niveau optimal de liquidité. Les intérêts financiers sont comparés au coût de la vente des actifs financiers. Baumol met en évidence deux coûts liés à la détention de disponibilités : (i) Le premier est le coût d’opportunité, qui correspond au manque à gagner lié à la détention de trésorerie, qui aurait pu être rémunéré à un taux d’intérêt k. Avec c, le niveau optimal de trésorerie.
  • 35. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 34 En partant d’un niveau de disponibilité moyen = c/2, (1.1) (ii) Le deuxième coût de détention de trésorerie est le coût de transaction pour se procurer des liquidités sur le marché, coût inversement proportionnel au niveau de disponibilités dans l’entreprise. Si T est le niveau de trésorerie nécessaire pour l’entreprise, ce coût correspond au nombre de transaction (T/c) par le coût unitaire fixe (F) pour réaliser une transaction. (1.2) Le niveau de disponibilités est optimisé, soit réduit à son minimum, lorsque le coût de transaction est égal au coût d’opportunité, soit : L’équation est nommée modèle de Baumol. Le niveau optimal de la trésorerie est ainsi une fonction croissante du niveau courant annuel de liquidités et du coût unitaire de la vente d’actifs financiers, et une fonction décroissante du taux d’intérêt annuel. Ce modèle suppose que l’entreprise utilise mais ne reçoit pas de nouvelles disponibilités dans son cycle d’exploitation 2.1.2. Modèle de Miller et Orr En 1966, Miller et Orr développent un autre modèle. Leur approche est basée sur les entrées/sorties de liquidités. Il détermine une fourchette à l’intérieur de laquelle le niveau de trésorerie est optimum, dans laquelle les coûts de transactions et les taux d’intérêts sont réduits à leur minimum. L’écart entre les limites supérieure et inférieure est appelé le spread. L’entreprise achète des actifs lorsque la limite supérieure est atteinte, ce qui permet aux disponibilités de revenir au point de non-retour. Lorsque la limite inférieure
  • 36. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 35 est atteinte, l’entreprise doit vendre des titres financiers, de manière à augmenter ses liquidités. Le spread est d’autant plus élevé que les cash-flows sont volatiles. Ces modèles (Baumol, 1952 ; Miller et Orr, 1966) mettent en évidence un compromis entre le coût et le bénéfice de la trésorerie. 2.2. L’EMERGENCE DE LA GESTION DE TRESORERIE Avant d’étudier les différents courants de recherche sur la détention d’actifs de trésorerie, nous analysons l’émergence de la fonction gestion de trésorerie dans la firme industrielle. 2.2.1. Mise en place de la fonction trésorerie dans l’entreprise industrielle L’accumulation de trésorerie dans les industries fait ressortir un manque de confiance des entreprises dans le système financier. Ce constat pose la question de la finalité des entreprises industrielles. Thiry (1991) précise que « les industries ne se considèrent pas comme des institutions financières, cependant elles mettent en place une gestion de trésorerie qui fait l’interface entre son activité et les marchés financiers. » La création de la fonction de gestion de trésorerie permet aux entreprises de se financer entre elles ou d’accéder directement aux marchés financiers sans intermédiation bancaire. Elle concerne surtout les grands groupes côtés, qui se prémunissent des risques de volatilité des taux de change, des taux d’intérêts ou du prix des matières premières. Cependant, cette fonction existe dans toutes les sociétés de manière plus ou moins structurée.
  • 37. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 36 Jusqu’à une période récente, les firmes utilisaient au maximum leur capacité d’endettement. En cas de réalisation d’un risque comme la baisse de la rentabilité économique, l’entreprise se retrouvait proche de la faillite avec des frais financiers bien supérieurs au résultat opérationnel. L’accumulation de trésorerie et sa gestion permet de se prémunir de ces risques. « Le rôle du financier d’entreprise consiste à répartir la substance de l’entreprise, c’est-à-dire son espérance de rentabilité et son risque entre les différents investisseurs financiers de l’entreprise, il transforme une matière préétablie ; il ne crée pas de richesse. » (Vernimmen, 1994). Levasseur (1979) est un des premiers chercheurs à mettre en évidence le rôle de la gestion de trésorerie, comme un véritable outil dans la stratégie de l’entreprise. En cas de baisse de la rentabilité économique, les actifs de trésorerie permettent d’assurer un remboursement de la dette. En économisant les coûts de transaction, la gestion de trésorerie va permettre à l’entreprise de pouvoir investir dans des projets rentables qu’elle n’aurait pas pu financer sans cette fonction. Ainsi, la fonction de gestion de trésorerie permet de réaliser la meilleure allocation des ressources. Elle est un véritable outil stratégique, source de création de richesse. Selon la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1985), les actifs de trésorerie peuvent être considérés comme l’actif non spécifique29 le plus parfait. Un des premiers postulats de la théorie des coûts de transaction est la présence d’asymétries d’information. Celles-ci sont à l’origine de la décision d’internaliser les départements de gestion de trésorerie Les établissements bancaires sont rémunérés via d’importantes commissions à des prix qui dépassent très largement la valeur des services s’ils étaient réalisés en interne. En entretenant une activité de trésorerie, l’entreprise entend minimiser le coût de son financement en neutralisant au mieux les risques financiers. La mise en œuvre d’actifs spécifiques dans un environnement incertain peut conduire à la constitution de garanties sous forme de trésorerie de manière à diminuer le risque. 29 La spécificité des actifs équivaut à leur possibilité de redéploiement vers un autre usage.
  • 38. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 37 2.2.2. Le rôle opérationnel du trésorier La fonction de trésorerie a évolué dans le temps. De La Bruslerie (2003) met en évidence plusieurs étapes. Le métier de trésorier est apparu dans les grands groupes dans les années 60. Son rôle consistait à surveiller les relations avec les établissements financiers. Ce métier s’intégrait au sein des directions comptables. Le principe de la trésorerie « zéro » appliqué ensuite par de nombreuses entreprises dès le début des années 70 marque le début de la deuxième période. La fonction de trésorerie commence à être reconnue comme une entité de la fonction financière. Pour assumer pleinement son objectif, elle met place des systèmes d’information spécifiques quantifiés en jour de valeur. En réalité, la « gestion de trésorerie » est véritablement apparue dans les années 80 du fait d’une révolution à la fois technique et financière. Pour Lisambert (1978), « L’objectif de la gestion de trésorerie est de minimiser les frais financiers, ou, de façon plus précise, de ne payer aux organismes prêteurs que les intérêts dus ». De La Bruslerie (2003) poursuit son analyse : « Le rôle du trésorier peut se scinder en deux grandes missions : la gestion des liquidités et la gestion des risques financiers ». Le trésorier est le garant de la solvabilité de l’entreprise à la fois vis-à-vis de la direction générale, comme vis-à-vis des partenaires financiers et bancaires avec lesquels le trésorier négocie des financements. La contrainte de solvabilité est une condition de survie de l’entreprise. La traduction juridique de l’insolvabilité est l’état de cessation de paiement. Dans la majorité des cas, une telle cessation aboutit à la liquidation de l’entreprise. La contrainte de solvabilité se gère à long terme et à court terme. La responsabilité de la direction financière, notamment dans le cadre du plan d’investissement et de financement est de prévoir et de mettre en place les conditions structurelles du respect de la solvabilité. La gestion de l’équilibre financier actuel et prévisionnel s’effectue dans le cadre de la politique de financement avec des opérations de haut de bilan. La contrainte de solvabilité se gère aussi de manière opérationnelle. Le trésorier intervient en veillant à toujours avoir une encaisse suffisante pour faire face aux paiements. Ainsi, en phase avec les courants de recherche des années 50/60, l’optimisation de la gestion de trésorerie passe par l’affichage traditionnelle de deux principes : la règle de l’unité de caisse et la trésorerie zéro. De la Bruslerie (2003) les définie comme suit :
  • 39. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 38 (i) « le principe de l’unité de caisse veut que la gestion efficace passe par une centralisation unique des flux dans l’encaisse de l’entreprise. » Une encaisse positive excédentaire qui cohabiterait avec une trésorerie négative entraînerait des frais financiers inutiles. (ii) « le principe de la trésorerie zéro est une règle de bonne gestion. Les excédents de trésorerie impliquent des coûts d’opportunité. » Les déficits de liquidités, s’ils ne peuvent être comblés par le recourt au découvert bancaire, signifient l’incapacité à faire face aux paiements imprévus. La gestion des risques financiers concerne les risques de change et les risques de taux d’intérêt. Le principe d’action est la couverture des risques avec une question sur l’étendue de cette couverture : totale ou partielle. Cependant, réduire les risques augmente les coûts. L’interrogation sur la capacité des partenaires à respecter leurs engagements financiers fait également partie de la gestion de trésorerie. De nombreux trésoriers, en raison de leur savoir-faire sur les marchés financiers, participent aux opérations de haut de bilan : financement de projet, restructuration de la dette. Le trésorier participe ainsi de plus en plus à des opérations d’ingénierie financière. Une des préoccupations stratégiques majeures des grandes entreprises est de se constituer un niveau de trésorerie suffisant leur permettant de satisfaire les contraintes de rapidité et de flexibilité d’une action stratégique dans un environnement incertain. Un niveau suffisant et optimum permettrait d’avoir un avantage compétitif en période de crise pour maintenir ses dépenses publicitaires, investir en R&D ou réaliser des acquisitions. En conséquence, les entreprises peuvent disposer d’un niveau important de trésorerie parce qu’elles le décident en ne versant pas l’ensemble de leur bénéfice en dividendes ou en ne rachetant pas leurs propres actions. Ce choix est piloté. En période de résultats moins favorables, la trésorerie permet d’assurer une meilleure gestion en permettant au minimum le remboursement des emprunts et le renouvellement des investissements, voire des distributions de coupons pour les actionnaires. Cette maîtrise de l’avenir permet de gérer le cours de bourse avec moins d’aléas et rassure les actionnaires. La crise de liquidités de l’automne 2008 a démontré que ces réserves de trésorerie pouvaient disparaître beaucoup plus rapidement que les années nécessaires à leurs constitutions. Dans certains secteurs très soumis à la crise (comme l’automobile), les entreprises ont eu du mal à gérer leurs soldes de trésorerie les incitant pour l’avenir à se reconstituer de nouvelles réserves.
  • 40. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 39 Même très endettées, certaines entreprises préfèrent conserver une trésorerie fortement positive pour rassurer leurs actionnaires (e.g. Ford détient fin 2010 26 milliards d’euros de trésorerie pour une dette de 46 milliards). Le taux d’endettement de l’entreprise se retrouve ainsi au niveau optimal permettant de bénéficier de l’effet de levier. Les actifs de trésorerie ne détruisent pas directement de la valeur mais le non versement de dividendes ou de rachats d’action empêche la création de valeur. L’efficacité de la gestion financière de l’entreprise, et par conséquent de sa trésorerie, dépend de l’environnement financier qui fixe des variables clés telles que le taux d’intérêt et les modalités contractuelles avec le secteur bancaire qui vont affecter le coût des financements et la rentabilité des placements. La place de la fonction de trésorerie conduit à s’interroger sur la prééminence de la fonction financière dans le cadre de la politique générale de la firme. Elle s’explique par son influence favorable sur les autres activités de l’entreprise, de sorte que son objectif en termes de gestion à moyen terme est de compenser son coût de fonctionnement avec les produits financiers et les économies de coûts résultant d’une gestion prudente. La transformation du système financier a poussé les entreprises à s’intéresser de plus en plus à des activités de gestion de trésorerie non pas pour en faire un centre de profit, mais pour saisir des opportunités temporaires et gérer les risques financiers plus élevés. La mise en place de la fonction de trésorerie a pendant longtemps visé une trésorerie zéro, mais elle participe de plus en plus à l’accumulation d’actifs de trésorerie, comme outil de développement.
  • 41. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 40 III- LES DERNIERS COURANTS DE RECHERCHE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE Les recherches en Finance n’accordent traditionnellement que peu d’intérêt à la question de la détention de trésorerie car perçue comme une simple dette négative. Peu d’études ont été réalisées car les théories classiques de la Finance (Modigliani, Miller, 1958) partent de l’hypothèse d’un accès permanent à la dette comme variable de gestion. Dans cet environnement, la trésorerie n’a pas d’intérêt stratégique. La crise financière de 2007/2008 avec les difficultés pour les entreprises d’accéder aux capitaux externes a relancé l’intérêt de posséder des actifs de trésorerie en interne (Acharya, Almeida, Campello, 2007). Dans cette section, les recherches sur la détention d’actifs de trésorerie sont classifiées en deux catégories. Les premières (3.1) concernent les déterminants en identifiant les facteurs explicatifs et circonstances qui conduisent les entreprises à accumuler de la trésorerie. Les secondes recherches (3.2) s’intéressent à l’utilisation de ces actifs de trésorerie et leur impact sur la performance de l’entreprise. Certains champs restent encore à explorer et sont détaillés en conclusion de cette première partie. 3.1. LES THEORIES DETERMINANT L’ACCUMULATION DES RESERVES DE TRESORERIE 3.1.1. Classification des déterminants de la détention de trésorerie En 1936, Keynes énonce déjà trois raisons expliquant la préférence des individus pour la liquidité : la transaction, la précaution et la spéculation. Les théories financières reprennent cette classification en élargissant les déterminants en six catégories : (i) L’impact du coût de transaction (motif de transaction) : les modèles de la Finance (Baumol (1952), Miller et Orr (1966)) démontrent une optimisation des coûts de transaction par paiement en espèces. Il s’agit d’économie d'échelle sur les
  • 42. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 41 transactions poussant les entreprises à conserver de la trésorerie. Les espèces doivent être versées pour payer les factures au moment où elles sont dues. La responsabilité des managers financiers est d’assurer leurs disponibilités pour pouvoir réaliser les transactions le moment venu. (ii) Le motif de précaution : la théorie est également introduite par Keynes (1936). Par crainte de menaces externes, les firmes avec un niveau de risque plus élevé et n’ayant peu ou pas accès à des capitaux externes ont tendance à accumuler de la trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999). Le principe de précaution concerne également les entreprises qui ont de bonnes opportunités d’investissements qui conservent de la trésorerie pour réaliser une acquisition le moment opportun. Almeida, Campello, Weisbach (2004) montrent que les entreprises avec des contraintes financières ont tendance à conserver leurs actifs de trésorerie. Han et Qiu (2007) étendent ce modèle afin de permettre une distribution continue des flux de trésorerie et démontrent que la volatilité des cash-flows représente une contrainte financière importante et pousse l’entreprise à augmenter son niveau de trésorerie. Le principe de précaution est également nécessaire pour les transactions parce que les managers financiers ne connaissent pas avec précision les besoins de trésorerie des transactions à venir. Si toutes les entrées et sorties de liquidités futures étaient prévisibles avec certitude, il n’y aurait pas de nécessité de constituer des réserves de trésorerie. Les équilibres de précaution existent donc parce qu’il y a de l’incertitude et plus l’incertitude est grande, plus la réserve de trésorerie le sera. Enfin, les actifs de trésorerie de précaution dépendent de la facilité à se procurer des actifs liquides à l’extérieur de l’entreprise, surtout à se procurer des fonds court terme en période de crise. Une entreprise avec de bonnes relations avec son établissement financier pourra compter sur une facilité d’accéder rapidement à de la trésorerie court terme et pourra ainsi réduire son niveau de réserves de précaution. (iii) Le motif de spéculation : dans certains secteurs d’activité, des situations particulières d’instabilité de l’environnement nécessitent de se prémunir et offre à l’entreprise des possibilités de gain via la spéculation. L’erratique fluctuation du prix des matières premières en est un exemple. Les fabricants de chocolat comme Nestlé ou Kraft Foods attendent la baisse du cours des fèves de cacao pour en
  • 43. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 42 acheter d’importantes quantités. La détention de réserves de trésorerie leur permet de réaliser ces opérations. Accumuler de la trésorerie pour réaliser des acquisitions est un autre motif de spéculation. La nécessité d’avoir une trésorerie en quantité importante permet de réaliser des acquisitions plus facilement qu’avec des échanges de titres ou le recours à l’endettement. Une société dont l’activité est réalisée en majorité dans d’autres devises que celle de sa publication, peut accumuler de la trésorerie pour palier à l’instabilité des taux de change. Même si le motif de précaution est dominant, le motif de spéculation permet aux firmes de se protéger de ces effets de changes. Elles peuvent également réaliser leurs transactions dans la monnaie locale. (iv) L’augmentation des tarifs bancaires et d’emprunts ont accentué l’accumulation de trésorerie. Même si les taux d’intérêts ont fortement baissé ces dernières années, les difficultés du système financier ont entrainé une pression supplémentaire sur les entreprises industrielles avec une hausse des tarifs bancaires et d’emprunts. (v) L’impact fiscal : Foley, Hartzell, Titman et Twite (2007) constatent que les multinationales américaines subissent une forte pression fiscale dans leur pays d’origine (les Etats-Unis). Ces entreprises évitent le rapatriement de leurs bénéfices et sont plus susceptibles d'accumuler de la trésorerie. (vi) Le coût de l'agence : le niveau de trésorerie est lié à la qualité de la gouvernance. Selon Jensen (1986), les managers guidés par leur intérêt personnel vont préférer détenir de la trésorerie plutôt que de verser des dividendes à leurs actionnaires. Dittmar, Mahrt-Smith, et Servaes (2003) mettent en évidence l’influence du pays d’origine sur l’accumulation de ces actifs de trésorerie. Les entreprises détiennent des niveaux de trésorerie plus importants dans les pays avec les coûts d'agence les plus élevés.
  • 44. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 43 Bates, Kahle, Stulz (2009) tentent d’apporter des réponses complémentaires en réalisant des corrélations entre le niveau de trésorerie et différentes variables : (i) la date d’introduction en bourse : les entreprises les plus récentes notamment dans les nouvelles technologies possèdent plus de trésorerie (fortes profitabilités dégageant d’importants flux de trésorerie opérationnels) ; (ii) l’influence de la forte volatilité des cash-flows dans certaines industries nécessitant une accumulation de réserves les années les plus florissantes pour compenser les années les plus difficiles ; (iii)la tendance baissière des stocks suite à l’optimisation des flux logistiques ; (iv)une baisse des investissements en lien avec une hausse des dépenses R&D (plus couteux en trésorerie car non amortissables). La notion de volatilité pourrait être seulement conjoncturelle (en lien avec les crises financières). En revanche la meilleure gestion des stocks ou le fort poids de la R&D par rapport aux investissements devraient perdurer dans le temps. L’étude de BKS montre donc un changement dans la durée des caractéristiques des firmes qui ont entrainé en conséquence une hausse durable du poids du ratio de trésorerie. 3.1.2. Plusieurs niveaux de trésorerie En liaison avec ces théories, Koulayom (1997) classifie la trésorerie selon les raisons de sa constitution : activité, ajustement, opportunité, précaution, spéculation ou transaction. Il donne les définitions suivantes : La « trésorerie d’activité » est la trésorerie détenue par l’entreprise pour ses opérations courantes. Cette trésorerie permet de maintenir l’équilibre financier de l’entreprise. La « trésorerie d’ajustement » est la part des liquidités qui permet de réaliser un équilibre entre l’ensemble des recettes et des dépenses. Il s’agit d’une trésorerie minimale pour l’entreprise. La « trésorerie d’opportunité » permet de saisir des opportunités d’investissement et de financement. Cette trésorerie est une ressource en attente d’allocation.
  • 45. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 44 La « trésorerie de précaution » est une liquidité tampon qui permet de répondre aux besoins inattendus : incertitude liée à l’activité notamment à cause de l’environnement économique. La « trésorerie de spéculation » permet à la firme de profiter pleinement des opportunités liées à l’évolution des taux d’intérêt ou des taux de change. Ces liquidités placent la gestion de trésorerie comme un .centre de profit. La « trésorerie de transaction » correspond aux liquidités, nécessaires pour financer les écarts entre les encaissements et les décaissements. Lors de l’accumulation de liquidités, une trésorerie excédentaire peut se constituer. Elle peut être considérée comme discrétionnaire. La « trésorerie excédentaire » est la part des liquidités détenues par une entreprise au- delà de ce qui est nécessaire pour assurer les paiements. Elle permet de financer des opportunités d’investissement ou de financement imprévues. La « trésorerie discrétionnaire » est celle accumulée par les dirigeants pour accroître leur pouvoir. Elle leur permet d’agir en fonction de leur propre intérêt : diversification, avantages en nature. 3.1.3. Théories d’optimisation de la structure financière L’analyse des déterminants du niveau de trésorerie a engendré plusieurs théories d’optimisation de la structure financière. Il n’y a pas de niveau optimal de trésorerie mais plutôt une optimisation de la répartition « capital/endettement/trésorerie ». (i) Dans la théorie du Trade-off30 (Compromis, Myers, 1977), les deux critères décisifs dans la structure du capital sont le niveau de l’impôt et les coûts de l’endettement. 30 Modèle du Trade-off (Compromis) qui prédit que les firmes identifient un niveau optimal d’endettement en évaluant les coûts et les bénéfices d’une unité additionnelle de la dette. Parmi, les bénéfices de la dette,
  • 46. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 45 L’impôt favorise la dette aux capitaux propres puisque les intérêts sont déductibles du bénéfice imposable, contrairement aux dividendes. En contrepartie, un niveau de dettes trop élevé peut entraîner des difficultés pour l’entreprise (e.g. l’impossibilité de financer de nouveaux projets profitables). On parle de « coûts du stress financier » qui favorise par compromis un niveau de détention d’endettement optimum. Ce compromis peut par extension s’étendre à la trésorerie (Opler, Pinkowitz, Stulz, Williamson, 1999). Pour financer les opportunités de croissance, la détention de trésorerie permet de constituer une marge de sécurité limitant les coûts liés à la collecte de fonds et évitant la liquidation des actifs existants. Opérant dans un marché imparfait, les entreprises ont des difficultés à accéder aux marchés financiers ou supporter un coût de financement externe très important. En outre, la caractéristique principale de leur environnement est l'incertitude. Un niveau insuffisant de trésorerie peut contraindre l’entreprise à renoncer à investir dans des projets rentables ou à soutenir des coûts anormalement élevés de financement. Si les décisions sont en ligne avec les intérêts des actionnaires, le seul coût de la trésorerie est son faible rendement par rapport à d'autres investissements du même risque. Si les dirigeants ne maximisent pas la richesse des actionnaires, ils augmentent leur trésorerie pour accroître les actifs sous leur contrôle et ainsi pour être en mesure d'accroître leur pouvoir discrétionnaire. Ainsi, la théorie de compromis (Trade-off) est un modèle de structure financière définissant un niveau optimal de trésorerie, résultat d’un compromis entre ses coûts et ses bénéfices. (ii) Selon la théorie du Pecking order31 (financement hiérarchique, Myers et Majluf, 1984), les asymétries d’information entre l’entreprise et les établissements financiers, sont à l’origine de la structure financière. Pour minimiser ces coûts nous pouvons citer la déduction des taxes des intérêts ainsi que la réduction des problèmes d’autofinancement. Les coûts de la dette incluent les coûts potentiels de faillite et les conflits d’agence entre les actionnaires et les obligataires. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités. 31 Modèle du Pecking Order (Financement hiérarchique) : selon cette théorie, il n’existe pas de niveau optimal de dettes ou de structure financière. L’entreprise a recours dans la mesure du possible à l’émission de la dette sans risque ; ensuite, elle émet de la dette risquée ou des obligations convertibles avant de recourir à l’émission d’actions. Ce modèle peut par extension être étendu aux liquidités.
  • 47. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 46 d’asymétrie, l’autofinancement par la trésorerie est la source privilégiée pour le financement d’une acquisition ou d’un nouveau projet, puis l’endettement, et enfin le financement par capitaux propres est le dernier recours. La théorie du Pecking order conduit à la conclusion qu'il n'existe pas de niveau optimal de trésorerie. Elle est utilisée comme un tampon entre les bénéfices non répartis et les besoins d'investissement. Selon cette théorie, le niveau de trésorerie serait tout simplement le résultat des décisions de financement et d'investissement. Lorsque les flux de trésorerie opérationnels sont élevés, les entreprises les utilisent pour financer de nouveaux projets rentables, pour rembourser des dettes, payer des dividendes et en dernier lieu accumuler de la trésorerie. Toutes ces théories placent les réserves de trésorerie comme une flexibilité financière pour les managers dans la gestion des entreprises. 3.1.4. Les actifs de trésorerie : un outil stratégique pour réduire les coûts de transaction Même si Levasseur (1979) avait déjà abordé la gestion de trésorerie comme un outil stratégique, les recherches sur cet intérêt sont plutôt récentes. Coeurderoy et Koulayom (2007) explorent la problématique du lien entre la stratégie et la possession de trésorerie au-delà de ce qui est économiquement justifiable pour faire fonctionner l’entreprise. Leur étude présente le comportement en matière de trésorerie comme la résultante d’une analyse stratégique basée sur la théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence. Les opérations régies par les dirigeants d’une entreprise se traduisent par des décisions sur les mouvements de trésorerie. La trésorerie fournit à la firme un avantage concurrentiel en renforçant son aptitude à saisir des opportunités pour établir des barrières à l’entrée ou à se défendre contre les attaques menées par les concurrents (Porter, 1998). Le choix d’un niveau de trésorerie, la décision d’une politique de placement ou la gestion des risques financiers constituent une part importante des
  • 48. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 47 activités d’allocation des ressources que les trésoriers sont amenés à réaliser. La fonction de la trésorerie consiste à réduire ces coûts de transaction et d’agence. La théorie de l’agence s’attache à observer les conflits comme nœuds de contrats. Les relations entre les individus sont génératrices de coûts d’agence. L’agent individuel est au centre de l’élaboration des contrats qui peuvent opposer les dirigeants et les actionnaires d’une part et les dirigeants/actionnaires et les créanciers d’autre part. L’économie des coûts de transaction suppose que l’entreprise ait une structure de gouvernance. L’appréhension des contrats met en jeu un fournisseur qui cherche à s’approprier des avantages appartenant à l’acheteur (Williamson, 1975). Pour améliorer l’efficacité économique des échanges, les transactions doivent être intégrées dans des structures de gouvernance adaptées, ceci en évaluant les caractéristiques des transactions selon les attributs (Williamson, 1985) : spécificité des actifs (ce qui équivaut à leur possibilité de redéploiement vers un autre usage), l’incertitude des agents sur le déroulement de la transaction (rationalité limitée et asymétrie de l’information) et enfin de la fréquence des échanges. Les mandants vont engager des coûts de surveillance pour s’assurer que les mandataires prennent bien en compte leurs intérêts et les mandataires vont engager des coûts de dédouanement pour rassurer les mandants. L’excédent de trésorerie relève donc d’une stratégie qui suscite des tensions entre les différentes parties prenantes de l’entreprise. La trésorerie assimilable dans la théorie des coûts de transaction à un actif non spécifique, pose le problème de la structure de gouvernance adéquat. Williamson (1988) soutient que le degré de spécificité des actifs détermine ses arbitrages entre les différents modes de financement. Le choix de financement par la dette est réalisé lorsque les actifs à financer présentent une liquidité élevée. A l’inverse les fonds propres seront privilégiés lorsque les actifs sont difficilement redéployables. Le comportement des individus en matière de trésorerie correspondrait à des choix stratégiques. Du fait de la spécificité des actifs, des relations d’agence et des choix stratégiques des individus, la détention de trésorerie représente un avantage compétitif pour la firme. Coeurderoy et Kouolayom parlent de plusieurs types de risques : le risque industriel des actifs relatif aux coûts irrécouvrables, le risque de free
  • 49. REVUE DE LA LITTERATURE SUR LA DETENTION DE TRESORERIE 48 cash-flow32 ainsi que le risque de non liquidité lié à l’endettement du fait de relations d’agence entre dirigeants et actionnaires et le risque de perte d’avantage concurrentiel. 3.2. IMPACT DE LA DETENTION DE TRESORERIE SUR LA PERFORMANCE ET LA VALEUR DE L’ENTREPRISE Traditionnellement, les recherches en Finance placent la détention de trésorerie comme un signe de mauvaise gestion de l’entreprise. Tout d’abord, si les disponibilités sont présentes, cela signifie que la firme n’optimise pas sa capacité d’endettement et son effet de levier. Cette critique est particulièrement fondée quand les taux d’intérêt sont bas. Dans la théorie de l’agence, Jensen (1986) met en évidence des dirigeants qui suivent leur intérêt personnel. L’accumulation de trésorerie leur permet de réaliser le moment venue des acquisitions qui accroissent leur pouvoir (« empire building33 ») et notamment des diversifications hasardeuses qui ne sont pas dans l’intérêt de l’entreprise. Ces espèces sont conservées sur les comptes courants permet de gérer la distribution de dividendes « en escalier » en versant de manière progressive le bonus de liquidation, permettant de gérer le cours de bourse et le maintien du manager à la direction de l’entreprise. Ainsi le dirigeant devient tout puissant devant l’actionnaire qui perd alors son pouvoir décisionnel sur la stratégie de l’entreprise. Couplées avec une gouvernance déficiente, les actifs de trésorerie peuvent être utilisés pour financer des projets qui bénéficient d’avantage aux dirigeants qu’aux actionnaires. 32 Free cash-flow : il s’agit du cash-flow en excès après le financement de tous les projets à valeur actuelle nette positive avec un coût du capital raisonnable. Le cash-flow est une source interne dégagée par l’activité d’une entreprise au cours d’une période de référence. Il est constitué de la différence entre les produits encaissables et les charges décaissables. Il n’est pas égale au solde de trésorerie qui contient les fonds réellement entrés ou sortis de caisse et qui dépend ainsi d’un nombre élevé de variables dont certaines sont le reflet de l’activité de l’entreprise (ventes, achats, crédits clients, crédits fournisseurs) et d’autres plus directement liées aux aspects purement stratégiques et financiers (investissement, endettement, fonds propres). 33 La volonté de se bâtir un empire (empire building) constitue l’une des principales motivations pour les fusions-acquisitions, d’après la théorie économique. Pour des questions de rémunération ou simplement de prestige, les dirigeants auraient tendance à élargir exagérément les frontières de l’entreprise dont ils ont la charge. Ils sont incités à privilégier la croissance de leur entreprise au-dessus de la taille optimale parce que la croissance augmente le volume des ressources passées sous leur contrôle/