Outre les missions classiques de la gestion locative et du contentieux, les bailleurs sociaux et les services sociaux qui sont rattachés sont confrontés de plus en plus à des locataires présentant des grandes souffrances et notamment psychiques. La loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017 a défini la liste et la répartition, selon les réservataires, des personnes prioritaires (art.441-1 du CCH) et elle a favorisé, davantage, l’accès dans le logement social des personnes vulnérables. Aujourd’hui, les bailleurs sociaux cherchent à définir leurs rôles auprès de ces populations.
La gestion de ces locataires est complexe car elle fait appel à plusieurs domaines (social, éducatif, santé physique, santé psychique, l’ensemble des droits…) et aucun professionel ne dispose de toutes ces compétences. Nécessairement le traitement repose sur une gestion pluridisciplinaire dont le but est d’amener le locataire à un rétablissement psychique, social et financier afin de préserver : les équilibres de gestion, la jouissance paisible des lieux, le paiement régulier du loyer, l'entretien du logement, la non dégradation des biens. Pour éviter les contentieux liés à la discrimination et pour respecter le droit de priorité, les process ont été renforcés, des nouvelles compétences sont venues compléter les équipes en place, des formations sont dispensées dans ce domaine. En outre, le partenariat avec le secteur de la santé mentale s’est intensifié. Et enfin, certains bailleurs sociaux se sont engagés à construire davantage de logements adaptés pour répondre à l’objectif national de favoriser le parcours résidentiel, le « chez-soi d’abord » et le maintien dans le logement social. Des expérimentations sont en cours... voici tout ce que vous pouvez découvrir dans ce mémoire. Bonne lecture.
Concilier le logement social et la santé mentale : limites et perspectives
1. UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ
FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
Mémoire pour l’obtention du :
MASTER II
Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social
Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU
Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de
sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris-
13- Sorbonne Paris Cité.
Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK
CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE :
LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
2.
3. UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ
FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
Mémoire pour l’obtention du :
MASTER II
Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social
Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU
Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de
sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris-
13- Sorbonne Paris Cité.
Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK
CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE :
LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
4. REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de cette formation, qui
m’ont soutenue pendant toute cette période et particulièrement au moment de la rédaction du
mémoire-action. Tout d’abord, j’adresse mes remerciements :
À ma directrice de mémoire, Mme Marie-Christine AUTRAND, pour son écoute, son
appui, son accompagnement et ses recommandations qui m’ont guidée dans la réflexion
de ce mémoire.
À toute l’équipe enseignante, aux intervenants de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH)
et de l’AFPOLS1
pour la qualité des cours dispensés. Je tiens à saluer Mme Émilie
Vincent enseignante en droit public et Mme Hélène LABOUR, consultante grands
comptes et certifications de l’AFPOLS.
À tous les bailleurs sociaux de la métropole et de la Martinique, aux associations
œuvrant dans le domaine de l’habitat, aux professionnels des établissements de santé
mentale qui ont accepté de m’accorder un entretien dans des délais contraints.
Aux collègues de la promotion qui m’ont permis d’apprécier la diversité des organismes
de logements sociaux, dont les difficultés, les contraintes et les stratégies sont variables
d’un bailleur social à l’autre.
Aux conseillères sociales de l’Association pour le Logement Social2
qui ont pris leurs
responsabilités pour gérer leurs activités, en ne me sollicitant qu’en cas de nécessité.
À mon assistante de direction et aux secrétaires d’accueil qui ont piloté l’ALS lorsque
j’étais en formation.
À mon compagnon pour son soutien indéfectible pendant toute cette période.
1
Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de Logements Sociaux
2
Association inter-bailleur créée en avril 1991 par la SIMAR et par la SMHLM. La SAHLM d’OZANAM a rejoint
l’ALS en janvier 2012. Cette structure est chargée de la gestion sociale des locataires en grande difficulté en
Martinique.
5. AVANT-PROPOS
Ce mémoire-action est le fruit des informations recueillies à partir de divers documents
présentés dans la bibliographie3
. Par ailleurs, il a été alimenté par des entretiens que j’ai menés
auprès des partenaires en métropole et en Martinique (cf. annexes 1 à 1-4 p.55 à 60). Avec
certains professionnels, les réunions se sont tenues sur leurs lieux de travail (exemple : Lille
Métropole Habitat, AORIF, USH etc.) et pour d’autres, nous avons utilisé la visioconférence
(exemple : LOGIREM, la clinique la Recouvrance à Toulouse etc.). J’ai choisi d’interviewer
les professionnels impliqués dans le champ du logement social et de la santé mentale ce qui
oriente, évidemment, l’étude. Ils ont accepté que je reprenne leurs propos dans le corps de ce
document. Cependant, lorsque certaines informations sont sensibles, celles-ci seront présentées
de manière anonyme. J’ai choisi ce sujet car j’interviens dans la gestion des locataires
atteints de troubles mentaux, dont j’observe une constante évolution. Mon objectif est de
proposer un projet viable aux bailleurs sociaux de la Martinique.
Afin de respecter le cadre méthodologique du mémoire-action, toutes les informations
recueillies, auprès des partenaires, ne pourront pas être exploitées. En effet, il s’agit de présenter
un document juridique et opérationnel pour les bailleurs sociaux. Ce mémoire constitue une
base pour poursuivre la réflexion en Martinique. Il est prévu que ce document soit présenté aux
bailleurs sociaux du territoire. Il concerne la gestion locative et sociale et il interpelle la
stratégie globale des organismes HLM.
Enfin, il a été très difficile d’obtenir certaines informations, notamment sur la santé mentale, à
cause des procédures internes et des délais requis par l’Agence Régionale de Santé (service
déconcentré de l’État) et par le centre hospitalier psychiatrique. En raison du coût des études,
certaines données sont, parfois, anciennes. Néanmoins, j’ai eu l’opportunité de participer au
premier séminaire organisé par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM)4
sur le thème
de « la santé mentale : que faire aujourd’hui ? » qui s’est tenu le vendredi 10 mars 2017. C’est
un sujet préoccupant, de par son ampleur, sur notre territoire.
3
Bibliographie page 48
4
Fusion du Conseil Départemental et du Conseil Régional le 24 janvier 2010 conformément à l’article 73 de la
Constitution de 1958.
6. Les écrits n’engagent que leurs auteurs, l’université n’est en rien responsable de ceux-ci.
7. LISTE DES ABRÉVIATIONS
AAH Allocation aux Adultes Handicapés
AFPOLS Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de
Logements Sociaux
ALS Association pour le Logement Social
ALUR Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové
AORIF Association des Organismes de logements sociaux de la Région Ile-de-
France
ARS Agence Régionale de la Santé
CAL Commission d’Attribution des Logements
CCAPEX Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions
CCH Code de la Construction et de l’Habitation
CDC Caisse des Dépôts et Consignations
CDE Convention relative aux Droits de l’Enfant
CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme
CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme
CHRS Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale
CHU Centre d’Hébergement d’Urgence
CLSM Comité Local de Santé Mentale
CMP Centre Médico-Psychologique
DALO Droit au Logement Opposable
DOM Département d’Outre-Mer
DJSCS Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale
EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale
FSL Fonds de Solidarité Logement
HALDE Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité
HLM Habitation à Loyer Modéré
LLHS Lit Halte Soin Santé
MOLLE Loi de Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre les Exclusions
OMS Organisation Mondiale de la Santé
OPHLM Office Public d’Habitation à Loyer Modéré
PDAHI Plan Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion
PDALPD Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes
Défavorisées
SAHLM d’OZANAM Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré d’OZANAM
SAMSAH Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
Psychiatrique
SIAO Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation
SIMAR Société Immobilière de la Martinique
SMHLM Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré
SYPLO Système Priorité Logement
USH Union Sociale pour l’Habitat
8. SOMMAIRE
Pages
Introduction 1
Titre 1 : Accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental 4
Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux 5
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 5
Section 2 : Le traitement des demandes de logement social 10
Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement social 15
des demandeurs atteints de troubles mentaux
Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer l’accès 15
dans le logement social
Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social 20
Titre 2 : Maintien dans les lieux des locataires atteints de troubles mentaux 25
Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux 26
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 26
Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative 31
Chapitre 2 : Les alternatives développées suite aux contraintes du secteur de la santé 37
mentale
Section 1 : Des contraintes fortes pour les bailleurs sociaux suite à la 37
« desinstitutionnalisation » de la santé mentale
Section 2 : Renforcer les outils et les instances de pilotage dans le cadre du 42
maintien dans les lieux
Conclusion 46
Bibliographie 48
Table des matières 52
Annexes 54
9. 1
INTRODUCTION
La santé mentale est un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreux organismes de
logements sociaux. Dès les années 2000, des sociétés telles que Lille Métropole Habitat,
LOGIREM à Marseille et les bailleurs sociaux de la Communauté Urbaine de Lyon se sont
penchés sur cette question. Les initiatives prises par ces sociétés ont alimenté la réflexion de
l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) dès 20065
, dont l’étude a été réactualisée en
septembre 20166
.
La santé est un droit reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par l’Union
Européenne et par la France. Le préambule de la Constitution de l’OMS pose le principe
suivant : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste
pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »7
. En 2001, le dernier rapport de
l’OMS8
, sur la santé mentale de la population mondiale, indiquait que 450 millions de personnes
souffraient de troubles mentaux. Globalement, dans le monde, une personne sur quatre
présenterait un trouble mental.
En 2011, le Collège Européen de Neuropsychopharmacologie démontrait que près de
165 millions d’européens étaient affectés par des troubles mentaux soit plus de 38 % de la
population9. Plus d’une personne sur trois, en Europe, tout comme en France, présente
ou a présenté un trouble de santé mentale et seulement un tiers des individus est traité. Ce
taux est plus important en Europe qu’au niveau mondial. Selon la classification internationale
des maladies, les troubles mentaux sont au cinquième rang des 22 maladies les plus
fréquentes10. Cette taxonomie est identique au niveau européen et français.
L’étude de l’Observatoire de la Santé en Martinique rappelle que 28.6 % de la population
martiniquaise a été confrontée à un trouble mental (hors risque suicidaire)11
en 2002. La
répartition des patients entre le parc privé et le parc social n’est pas mentionnée à cause des
risques de stigmatisation. Cependant, une estimation peut être réalisée. En effet, en 2015, les
5
USH, L’accès et le maintien dans le logement des personnes ayant des difficultés de santé mentale, les collections
d’Actualités Habitat, n° 103, mars 2006, 51 pages
6
USH, Juliette FURET, Isabelle SERY, Habitat social et santé mentale : cadre juridique et institutionnel, pratiques
et ressources, Repères n° 24 politique sociale, 27 septembre 2016, 80 pages
7
Organisation Mondiale de la Santé, www.who.int/fr/
8
OMS, Rapport sur la santé dans le monde : nouvelle conception, nouveaux espoirs, Genève, 2001, 172 pages
9
Synthèse du Collège Européen de Neuropsychopharmacologie, The size and burden of mental and otherdisorders
of the brain in Europe, 5 septembre 2011, 25 pages
10
Après les maladies infectieuses, les tumeurs, les maladies du sang et les troubles endocriniens.
11
Observatoire de la Santé en Martinique, santé mentale et suicide, janvier 2002, 4 pages
10. 2
trois principaux bailleurs sociaux12
, de la Martinique, disposaient de 30 900 logements. Ils
géraient 83 43013
habitants. Ainsi, plus de 23 000 personnes seraient potentiellement
confrontées à un trouble mental dans le parc social.
Habituellement, les troubles mentaux se répartissent en trois catégories. Les troubles
psychosociaux14
peuvent, éventuellement, conduire à des névroses15. Le sujet est, alors,
conscient de la souffrance dont il se plaint. Les psychoses16 se caractérisent par le fait que le
sujet n'est pas conscient de l'altération de sa perception ou de son jugement. Par ailleurs, il ne
sait pas qu’il est malade ce qui le fait s'opposer à une prise en charge thérapeutique. Ce sont les
psychoses qui inquiètent les bailleurs sociaux en raison des retentissements sur le groupe
immobilier. En effet, les voisins peuvent subir des nuisances sonores17
et olfactives18
. En outre,
le bailleur social enregistre des répercussions sur l’état du logement qui se dégrade, sur
l’hygiène de la résidence (cafards, rats etc.) et sur la sécurité des habitants (cf. extrait d’un
article de presse annexe 2 p. 61 et photos des logements dégradés, annexe 3 p. 62).
Par ailleurs, les bailleurs sociaux doivent gérer une pluralité de situations liée à l’isolement et
au comportement atypique de ces locataires. Le public est hétérogène. Il rencontre des
difficultés pour comprendre, pour faire les démarches ou pour maintenir les efforts sur le long
terme. Enfin, l’absence de référent familial, l’éreintement des aidants et l’abandon de la cellule
familiale complexifient le traitement de ces dossiers et conduisent, parfois, à l’épuisement de
certains salariés.
De plus, « dans les DOM, le niveau de ressources des ménages qui habitent dans les logements
sociaux gérés par les HLM et les SEM est inférieur à celui constaté en France métropolitaine.
49,7 % ont un niveau de ressources inférieur à 20 % du plafond PLUS, soit presque deux fois
et demie plus qu’en France métropolitaine »19
. Et, de manière plus générale, les situations
d’exclusion sont plus prégnantes en Martinique qu’en métropole. Par exemple, en 2015,
12
Société Immobilière de la Martinique (SIMAR), Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré (SMHLM),
Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré OZANAM (SAHLM D’OZANAM).
13
30 900 logements en Martinique multiplié par la taille moyenne des ménages dans les DOM soit 2.7 personnes,
sources : SOeS, RPLS au 1er
janvier 2016, p. 2 et enquête OPS, DGALN-CRESGE, 2012, Paris, p. 130
14
Exemples de troubles psychosociaux : Isolement, difficulté ou exclusion professionnelle, problèmes
économiques et sociaux etc.
15
Exemples de névrose : angoisses, phobies, troubles obsessionnels compulsifs, dépression, paranoïa etc.
16
Exemples de psychose : schizophrénie, bipolarité, syndrome de Diogène, troubles délirants, hallucinations,
démence etc.
17
Les nuisances sonores sont multiples : disputes à répétition, insultes, cris, musique trop forte etc.
18
Les nuisances olfactives concernent les détritus entassés dans le logement, les déchets ramenés de l’extérieur, la
projection de produits (type ALCALI) pour les rites magico-religieux assimilés à de la sorcellerie.
19
Ministère du Logement et de l’Egalité des Territoires, Rapport national sur la situation du logement en France,
l’occupation du parc social en 2012 et son évolution, Tome 1, 2012, Paris, p.169
11. 3
le taux de chômage était de 19 % en Martinique tandis qu’il était de 10 % en métropole20.
Selon les données sur les revenus fiscaux de 2011 de l’Institut de la Statistique et des Études
Économiques, à la Martinique, le revenu fiscal médian21
atteint 1 100 euros, nettement moins
que pour les territoires de métropole où le revenu médian, le plus bas est de 1 270 euros à Seine-
Saint-Denis. Par conséquent, les plus pauvres de la Martinique sont loin d’avoir
les niveaux de vie des plus pauvres de la métropole. Les locataires du parc social sont
également concernés par ces difficultés socio-économiques. Or, une longue période de précarité
peut conduire à des « troubles mentaux caractérisés. Un lien de causalité est alors
identifiable »22
et nécessite une mise en cohérence les politiques de santé mentale et d’inclusion
sociale notamment par le logement23
. Cette orientation est d’autant plus forte lorsqu’il s’agit de
personnes âgées24
. En effet, la SAHLM d’OZANAM constate que « 50 % des locataires ont
plus de 50 ans et certains ont besoin de soins psychiques en raison des démences »25
.
Les troubles mentaux des locataires concernent autant les bailleurs sociaux de la métropole que
ceux des départements d’outre-mer. Toutefois, elle dénote une acuité plus forte en
Martinique, en raison du contexte socio-économique et de l’organisation psychiatrique
qui impacte la gestion des bailleurs sociaux. Outre le respect des dispositions réglementaires
nationales, les bailleurs sociaux vont, également, au-delà de la gestion contractuelle pour
trouver des solutions innovantes. Les réponses apportées sont variables d’un bailleur social à
l’autre. Les caractéristiques communes reposent sur la volonté des dirigeants. Ces derniers
développent des projets inédits puis ils osent impulser les partenaires médico-sociaux. « C’est
sur le terrain, que les législations et les différents professionnels du logement social et de la
santé mentale se croisent »26
. Dans ce contexte, les bailleurs sociaux définissent les stratégies
relatives à l’accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental (partie
1). Puis, ils déterminent les conditions liées au maintien dans les lieux de ces locataires (partie
2).
20
Institut d’Émission d’Outre-Mer, rapport 2015 sur la Martinique, édition 2016, 180 pages
21
Revenu médian : la moitié de la population a un revenu inférieur, l’autre moitié à un revenu supérieur.
22
P. Jean-Parquet, Souffrance psychique et exclusion sociale, rapport remis au secrétaire d’Etat à la lutte contre la
précarité et l’exclusion auprès du Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, septembre 2003,
p.26, 59 pages
23
IGAS, François CHEREQUE et Simon VANACKERE, Évaluation de la première année de mise en œuvre du
plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale – janvier 2014, 255 pages
24
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2128984. Actuellement, près d’une personne sur quatre a plus de 60 ans en
Martinique. En 2030, près de 40 % de la population en Martinique sera âgée de plus de 60 ans contre 30 % en
métropole.
25
Propos recueillis auprès d’Isabelle Louison, responsable de la gestion locative à la SAHLM D’OZANAM
26
Propos recueillis auprès de Louis Valère MARIELE de l’Association des Organismes HLM de la Région Ile-
de-France (AORIF).
12. 4
TITRE 1 :
ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL
DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
13. 5
Les bailleurs sociaux gèrent, de plus en plus, des ménages vulnérables susceptibles de présenter
des troubles mentaux27
(chapitre 1). Pour anticiper les demandes de logement social émanant
de ce public, les organismes HLM s’organisent, avec les partenaires, pour déterminer les
prérequis nécessaires (chapitre 2).
Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux
Les contraintes législatives et réglementaires en Martinique sont identiques à celles de la
métropole. En effet, la loi s’applique sur tout le territoire français. Ces dispositions fondent les
responsabilités juridiques des bailleurs sociaux dans le cadre de l’accès dans le logement social
(section 1). Par conséquent, les conditions de traitement des demandes de logement social ont
été clarifiées (section 2).
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux doivent respecter les principes de non-discrimination et le droit de priorité
réservé aux personnes handicapées (1). Pour favoriser l’accès dans le logement social de ce
public, différents dispositifs ont été mis en place (2).
Paragraphe 1 : Les principes de non-discrimination et le droit de priorité
En droit interne, le préambule de la Constitution de 1946 dispose, en son article 10, que « la
Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
« Elle garantit à tous… la sécurité matérielle [et] le repos…». « Tout être humain qui, en raison
de son âge, de son état physique ou mental…a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens
convenables d’existence » (art. 11). Ces articles concernent indirectement le logement.
Puis, la loi du 6 juillet 198928 tendant à améliorer les rapports locatifs entre les locataires et les
propriétaires reconnaît que le droit au logement est un « droit fondamental ». « Aucune personne
ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire29. Au terme du
dudit article 225-1 du code pénal, tel que modifié, par la loi du 18 novembre 2016 relative à la
27
En Martinique, en 1991, un seul demandeur atteint d’un trouble mental avait été signalé par un bailleur social
à l’ALS. En 2016, 77 dossiers, relatifs à des demandeurs, ont été orientés à l’ALS contre 25 en 2008.
28
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 « tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°
86-1290 du 23 décembre 1986 », JORF du 8 juillet 1989
29
Art. 225-1 du code pénal
TITRE 1 : ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL
DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
14. 6
« modernisation de la justice du XXIe siècle »30
, la discrimination concerne «… toute distinction
opérée entre les personnes physiques sur le fondement…de leur état de santé, de leur perte
d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques… ». L’interdiction de
discrimination porte, entre autres, sur le refus d’attribuer un logement aux personnes
handicapées alors que les critères d’attribution sont réunis. Le non-respect de ces dispositions
est sanctionné pénalement de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant
aller jusqu’à trois ans (art. 225-2 du code pénal).
Par ailleurs, la loi du 21 décembre 200131 vise à accorder une priorité dans l’attribution
des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur
charge une personne handicapée.
Enfin, la loi égalité citoyenneté du 27 janvier 201732 dispose que les personnes en situation
de handicap telle que définie à l’article L.114 du code de l’action sociale et des familles sont
prioritaires quant à l’attribution d’un logement social (art.70 a). Ainsi, « constitue un
handicap…une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant ». Par conséquent, la notion de « handicap » est un terme
générique qui englobe diverses situations, dont le public est prioritaire pour l’attribution
d’un logement social.
Trois indicateurs permettent, aux bailleurs sociaux, de prendre en compte le critère de priorité.
Le droit de priorité s’impose, lorsque la rubrique « handicap » de la demande de logement
social est dûment complétée par les demandeurs. En effet, le candidat devra fournir la carte
d’invalidité ou l’attestation relative à la reconnaissance du handicap (art.L.441-1 du CCH)
ou un certificat médical.
Le droit de priorité peut être pris en compte, lorsqu’un établissement de santé mentale a
proposé un candidat ou lorsque les candidats sont reçus lors de l’entretien avant l’attribution
des logements et qu’un handicap a été repéré. Le chargé d’attribution pourra approfondir ce
sujet avec le demandeur. Toutefois, les troubles mentaux des candidats ne sont pas
« immédiatement visibles ». De plus, ces troubles ne sont pas « permanents ».
30
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, JORF n°0269 du 19
novembre 2016, texte n° 1
31
Loi, n° 2001-1247 du 21 décembre 2001 « visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements
sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation
de handicap », JORF n°299, texte n°2
32
Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, « relative à l’égalité et à la citoyenneté », JORF n°0024, texte n°1
15. 7
Cependant, tous les demandeurs ne sont pas reçus avant l’attribution, d’où la difficulté à déceler
un éventuel « handicap ».
Selon le Défenseur des droits33
« il est difficile d’avoir des preuves relatives à la
discrimination liée à un refus d’attribution d’un logement pour un demandeur handicapé ».
Aucune affaire juridique, pour motif de discrimination liée au handicap, ne concerne les
bailleurs sociaux interrogés. Toutefois, trois délibérations relatives à un handicap et à l’accès
dans un logement social ont été émises par le Défenseur des droits34
.
La délibération du 14 mai 200735 relative à un refus d’attribution d’un logement social
en raison du mode de vie du demandeur, dont la réclamante était mère handicapée et élevait
seule son enfant. La commission d’attribution de logement social (CAL) de l’OPHLM a
ajourné sa demande car son « mode de vie est incompatible avec une jouissance paisible d’un
logement, ainsi qu’avec l’obligation d’user de la chose louée en « bon père de famille » au
sens des articles 1719 et 1728 du code civil laquelle rend impossible toute attribution de
logement d’une offre de logements adaptés…». En l’absence d’infraction et à la demande du
maire, la police municipale a réalisé une enquête sur la famille. Cela constitue une atteinte au
respect de la vie privée36
. Par ailleurs, le rapport date de 3 ans et n’a pas été réactualisé. La
décision d’ajournement est donc discriminatoire. L’organisme HLM doit adopter des règles
précises, vérifiables et réexaminer le dossier de la réclamante. Le bailleur social doit
rendre compte à l’autorité administrative dans un délai de 3 mois.
La délibération du 2 juillet 200737 enjoint, un autre, organisme HLM a attribué un
logement au rez-de-chaussée en raison de la « lourdeur du handicap du plaignant » malgré le
refus de la commission d’attribution pour cause de saturation et d’un faible taux de rotation
du parc social. En effet, les critères de priorité n’ont pas été pris en compte par cette instance.
33
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été créée en 2005. Elle a été
dissoute le 1 mai 2011. Les missions ont été transférées au Défenseur des droits. C’est une autorité administrative
constitutionnelle indépendante chargée « de veiller au respect des droits et des libertés [des individus] et des
organismes investis d’une mission de service public » art 71.1 de la Constitution de 1958.
34
Après avoir contacté le Défenseur des droits, je n’ai pas pu obtenir des délibérations plus récentes.
35
HALDE, délibération relative à un refus d’attribution de logement social en raison du mode de vie de la
réclamante, n°2007-112 du 14 mai 2007
36
Art. 9 du code civil et articles 8 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l’Homme (CESDH).
37
HALDE, délibération relative au refus d’attribution d’un logement social pour cause de saturation du parc en
dépit du handicap de la plaignante, n°2007-1979 du 2 juillet 2007
16. 8
Enfin, la délibération du 18 juin 200738 relative au refus d’attribution de logement pour
pénurie de logements et cumul de handicap (mère plus enfant) entraînent une difficulté
à trouver un logement adapté. La HALDE déclare irrecevable ces motifs. Outre les articles
cités précédemment, la HALDE fait référence également à l’article 9 de la Convention relative
aux Droits de l’Enfant (CDE) qui impose aux États parties de veiller « à ce que l’enfant ne
soit pas séparé de ses parents contre leur gré… à moins que cette séparation soit nécessaire
dans l’intérêt de l’enfant ». Les arguments avancés par les bailleurs sociaux mettent en
évidence que le dispositif d’attribution pour les personnes handicapées est ineffectif et que
l’ordre de priorité des candidats est inexistant. Par conséquent, ces bailleurs sociaux ont violé
les dispositions de la CESDH (art. 8 et 14), de la CDE (art.9) ainsi que les obligations relatives
aux critères de priorité. Les organismes HLM doivent proposer un logement dans un délai
de 4 mois.
Pour éviter les risques de discrimination liés à l’accès dans un logement social des personnes
handicapées, les bailleurs sociaux s’engagent, de plus en plus, à fixer les critères de priorité des
candidats. Par ailleurs, ils veillent à la bonne affectation des logements destinés aux demandeurs
handicapés. À défaut, ils assurent une recherche effective de logement adapté. En outre,
différents dispositifs visent à favoriser l’accès dans le logement social des personnes
vulnérables.
Paragraphe 2 : Les dispositifs destinés à favoriser l’accès dans le logement social des
personnes vulnérables
La loi « Besson » du 31 mai 1990 relative à la mise en œuvre du droit au logement (art.1) et la
loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (art.33) ont favorisé l’accès au logement
social des personnes défavorisées cumulant des difficultés. Puis, la loi de Mobilisation pour
le Logement et la Lutte contre les Exclusions (MOLLE) du 25 mars 2009 a favorisé le
parcours résidentiel39. Celui-ci a été rendu effectif par la loi pour l’Accès au Logement et
un Urbanisme Rénové (ALUR) du 24 mars 2014. En effet, cette loi a rapproché le Plan
Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées (PDALPD) et le Plan
38
HALDE, délibération relative au refus d’attribution de logement pour pénurie de logement et cumul de
handicap, n° 2007-162 du 18 juin 2007
39
Le parcours résidentiel consiste à accompagner les locataires, tout au long de leur vie, en leur proposant des
logements adaptés à leur situation, aux revenus, aux évolutions de la composition des ménages, à l’âge et à la
santé, en facilitant les mutations au sein du parc social. Le parcours résidentiel s’entend depuis la rue, en passant
par l’hébergement, le logement social, jusqu’à permettre aux locataires de devenir propriétaire.
17. 9
Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion (PDAHI40
). En Martinique, ces
documents de pilotage ont été prorogés jusqu’en décembre 2017. L’axe 6.1 vise à développer
la coopération entre les associations et les bailleurs sociaux afin de favoriser le parcours
résidentiel des personnes sans logement ou hébergées pour obtenir un logement social.
Ainsi, selon certains bailleurs sociaux « les structures chargées de l’accueil demandent de plus
en plus de logements sociaux ». Or, ces publics sont confrontés, plus souvent, à des troubles
psychosociaux et à des troubles mentaux41
. En outre, le Service d’Insertion d’Accueil et
d’Orientation (SIAO42
), de la Martinique, a sollicité auprès de l’État, « la généralisation du
logiciel SYPLO (Système Priorité Logement) ». C’est un outil de gestion et de pilotage du
contingent des logements sociaux réservés aux populations défavorisées.
Enfin, la loi du 5 mars 2007 relative au Droit Au Logement Opposable (DALO) reconnaît
aux personnes handicapées le droit de saisir l’État pour obtenir un logement social. Cela
concerne, notamment, les personnes logées dans un local manifestement sur-occupé ou non-
décent, lorsqu’elles ont à charge une personne handicapée ou sont elles-mêmes handicapées,
ou si elles sont hébergées dans une structure d’hébergement ou logées temporairement.
En conclusion, les organismes HLM, ont commencé, dès 1990, à accueillir davantage de
demandeurs défavorisés mais autonomes. Depuis les années 2000, avec l’élargissement du
public et grâce aux outils de pilotage (ex : PDALPD, PDAHI, SIAO, DALO), de plus en plus,
des personnes vulnérables, moins autonomes, obtiennent un logement social, dont les
candidats atteints d’un trouble mental. Par conséquent, les bailleurs sociaux doivent être
vigilants quant au respect des critères de priorité et de non-discrimination. De ce fait, ils ont
défini les conditions de traitement des demandes de logement social.
40
Plan d’hébergement est élaboré par la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale (DJSCS :
service déconcentré de l’Etat) chargé de gérer tout le dispositif d’hébergement.
41
Vincent GIRARD, Pascale ESTECAHANDY, Pierre CHAUVIN, rapport sur la santé des personnes sans chez
soi remis à Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de la Santé et des Sports novembre 2009, 231
pages
42
Le Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation est chargé d’orienter les personnes sans logement ou les
personnes hébergées vers un habitat plus stable.
18. 10
Section 2 : Le traitement des demandes de logement social
Pour respecter les objectifs de priorité, de parcours résidentiel et éviter les risques de
discrimination, les bailleurs sociaux de la Martinique ont adapté leurs pratiques. En effet, ils
soumettent, également, certaines analyses de demande de logement social à des intervenants
sociaux (1) pour que les décisions de la commission d’attribution soient argumentées (2).
Paragraphe 1 : Une analyse complémentaire de la demande de logement par des
intervenants sociaux
Les bailleurs sociaux de la Martinique ont clarifié la procédure de gestion des demandeurs
atteints d’un trouble mental. Celle-ci s’effectue en trois phases.
§ L’instruction de la demande par le bailleur social
L’analyse de la demande de logement social est réalisée par le chargé d’attribution. En dépit du
caractère prioritaire, les demandeurs atteints d’un trouble mental relèvent, au même titre,
que les autres demandeurs, des critères d’attribution fixés par le CCH43. En effet, il ne faut
pas confondre le droit de priorité avec le droit d’attribution. Or, si, le demandeur ne mentionne
pas qu’il est handicapé ou s’il a refusé ce statut ou s’il ne perçoit pas l’Allocation Adulte
Handicapée (AAH), les règles relatives aux critères de priorité ne s’imposeront pas au bailleur
social. Lors de l’entretien préalable, si le chargé d’attribution constate qu’un demandeur a des
difficultés de compréhension, qu’il tient des propos incohérents, qu’il a une hygiène douteuse,
ou qu’il est agressif ou si sa réaction semble disproportionnée pendant l’entretien, le candidat
sera orienté vers l’Association pour le Logement Social (cf. présentation succincte de l’ALS,
annexe 4 p.63). Si celui-ci (ou un membre de la famille) dispose de l’AAH, mais dont le
handicap n’est pas visible physiquement, il sera également dirigé vers l’ALS.
§ L’analyse et les orientations préalables à l’attribution effectuées par l’ALS
Les demandes de logements sont adressées par les mairies et par la Collectivité Territoriale de
la Martinique (pour les PLAI44
) et exceptionnellement par la commission de médiation du
DALO. Les bailleurs sociaux orientent toute demande quelle que soit la catégorie de
financement du logement social45
à l’ALS (cf. annexe 5 p. 64).
43
Art. L.441 à L.441-2-9 et articles L.442-1 à L.442-12
44
Prêt Locatif Aidé d’Intégration correspondant en Martinique au Logement Locatif Très Social (LLTS)
45
PLAI, Prêt Locatif à Usage Social, Prêt Locatif Social
19. 11
L’analyse effectuée par l’ALS repose sur les dispositions du CCH, décrites
précédemment, et sur le code de l’action sociale et des familles46. À ce titre, l’ALS a créé,
en 2010, le « passeport-logement de l’hébergement au logement » (cf. annexe 6 p.65). Il intègre
des indicateurs permettant d’évaluer la capacité des ménages à accéder à un logement. Il repose
sur un diagnostic partagé de l’évolution de la situation du demandeur de l’hébergement au
logement. C’est également, un outil d’évaluation qui précise le degré d’autonomie et si
l’objectif est atteint ou non pour chaque item. Les trois grands domaines évalués correspondent
à la capacité à occuper et à utiliser un logement de manière autonome (ex : capacité à
entretenir son espace de vie), la capacité à assumer financièrement le logement et la capacité
à vivre en collectif. Même, si le demandeur n’est pas issu d’une structure d’hébergement, ces
items seront analysés. Ce « passeport-logement » a été synthétisé en deux pages (cf. annexe 7
p.66).
Depuis peu, un infirmier psychiatrique, bénévole, travaille à l’ALS. Il apporte son expertise tant
dans les analyses préalables que dans l’accompagnement des locataires. Les conseillères
sociales sont habilitées à intervenir dans tous les domaines de la vie quotidienne pour conseiller,
orienter et résoudre les difficultés des ménages par la mise en place de diverses « prestations »47
,
dont le demandeur de logement social et, en particulier les « personnes handicapées »47
.
Ainsi, les conseillères sociales sollicitent les partenaires médico-sociaux (Caisse
d’Allocations familiales, structures d’hébergement etc.) pour obtenir les informations
nécessaires afin d’alimenter le diagnostic socio-économique qui sera adressé au bailleur social
concerné. Elles organisent, ensuite, un entretien avec le demandeur au siège de l’ALS. Puis
elles effectuent une visite à domicile, seules ou accompagnées de l’infirmier psychiatrique,
d’une collègue ou du partenaire qui a proposé le candidat. L’objectif est d’apprécier la situation
du logement. Après cette visite à domicile, les conseillères sociales émettent un avis argumenté
pouvant être favorable, réservé ou défavorable quant à l’attribution d’un logement social (cf.
annexe 5 situation C p.64).
Pendant cette phase, le demandeur est informé des responsabilités qui lui incomberont en
qualité de futur locataire et des conséquences en cas de non-respect. Puis la conseillère sociale
lui explique l’état de ses difficultés, les actions qui seront mises en œuvre ainsi que la décision
de l’ALS après avoir consulté les partenaires médico-sociaux.
46
Art. L.114-1, L115-1 à L.115-3, L.116-1 L.116-2 du code de l’action sociale et des familles
47
Art. 116-1 du code de l’action sociale et des familles
20. 12
§ L’animation d’une réunion médico-sociale
L’ALS réunit l’ensemble des partenaires concernés, dans le cadre d’une « réunion de
concertation ». Les partenaires mobilisés sont tous ceux qui peuvent apporter une réponse aux
difficultés rencontrées par le demandeur (secteur social, médical, de l’hébergement, de
l’addiction, personnes âgées etc.).
L’objectif de la réunion de concertation est de rendre compte du diagnostic de l’ALS. Si l’avis
est défavorable ou réservé, l’ALS préconisera le report de l’entrée dans le logement social. En
effet, cette option est prise, lorsque le demandeur n’est pas stabilisé sur le plan psychique.
L’ALS proposera une orientation vers les structures d’hébergement ou vers les établissements
hospitaliers ou vers le parc privé. Ces choix reposent sur le principe de « bienveillance » du
demandeur pour assurer le bien-être du ménage et des autres locataires. En effet, il s’agira
d’éviter, d’éventuelles, nuisances sonores et olfactives ou une possible dégradation des lieux
ou une probable procédure d’expulsion. Pour renoncer au logement social, les candidats (ou les
tiers responsables) rédigent une lettre d’annulation. À l’issue de cette réunion de concertation,
un compte rendu est réalisé et adressé à tous les partenaires concernés.
L’ALS veille à respecter le principe du droit au logement en recherchant des solutions
adaptées, sans nier les règles relatives au parcours résidentiel, à la non-discrimination, au
droit de priorité accordé aux locataires atteints d’un trouble mental. L’équilibre est
précaire, mais l’avis se veut le plus juste possible et s’inscrit dans le cadre d’une
concertation avec les partenaires. L’ALS dispose d’un délai d’un mois, renouvelable une
fois pour remettre ces conclusions au bailleur social concerné.
En Martinique, l’analyse est réalisée par l’ALS puis restituée aux partenaires, tandis qu’en
métropole, le secteur de la santé mentale (ex : hôpital psychiatrique) a mis en place des
commissions d’évaluation pluridisciplinaire. « La commission d’évaluation médico-sociale
est souveraine pour évaluer l’autonomie d’un demandeur. Le bailleur social n’assiste pas à ces
commissions. Mais le secteur médico-social sera chargé de l’accompagnement après l’entrée
dans les lieux. De plus, cela n’empêche pas le bailleur social de recevoir le candidat lors de
l’entretien préalable à l’attribution » comme le confirme Lille Métropole Habitat. Toutefois,
les bailleurs sociaux rappellent que le diagnostic remis concerne des données fournies à un
instant “T”. De ce fait, les situations sont susceptibles d’évoluer. Les éléments d’appréciation,
transmis aux bailleurs sociaux, sont ceux qui pourraient avoir un impact sur l’intégration dans
la résidence. La commission d’attribution statuera en fonction de ces informations.
21. 13
Paragraphe 2 : Les décisions de la commission d’attribution des logements
En Martinique, les commissions d’attribution des logements valident, ou non, l’avis de l’ALS.
Nonobstant du caractère prioritaire, la commission d’attribution peut prendre quatre décisions
(art.R.441-3 du CCH). Celles-ci peuvent concerner un seul candidat ou plusieurs
demandeurs qui seront classés par ordre de priorité. L’attribution d’un logement peut
s’effectuer sous conditions suspensives. Dans ce cadre, la commission fixe le délai pendant
lequel le demandeur pourra communiquer les documents réclamés. Ce délai ne peut être
inférieur à dix jours à compter de la notification de la décision. Puis, la commission peut
rejeter la demande pour irrecevabilité du dossier, notamment, lorsque le demandeur n’a pas
un titre de séjour régulier de plus de trois mois, ou s’il dépasse les plafonds de ressources requis
pour l’attribution d’un logement.
Issus de la pratique, les motifs de non-attribution sont plus nombreux. En effet, cela
concerne :
Les dossiers incomplets ou si les informations sur la demande de logement sont inexactes,
L’inadaptation du logement à la taille du ménage (sur-occupation ou sous-occupation),
La localisation du logement aux besoins du ménage (trop éloigné des équipements
répondant aux besoins des demandeurs),
Les demandeurs bénéficiant, déjà, d’un logement adapté ou si le candidat est propriétaire
d’un bien, compatible à la taille et aux ressources du ménage,
L’absence d’une offre correspondant aux souhaits du demandeur, après que le bailleur
social ait suggéré au candidat d’élargir le territoire de recherche,
L’inadéquation du profil du demandeur avec la catégorie du logement,
Le refus exprimé par le demandeur avant que la commission d’attribution se réunisse, ou
s’il exprime le souhait de radier sa demande.
La commission d’attribution analyse, également, le taux d’effort, le reste à vivre et la capacité du
locataire à s’adapter dans un logement collectif avant de prononcer une non-attribution. Le
taux d’effort correspond à l’effort financier consenti par le ménage pour se loger48
. Le seuil de 30 %
de taux d’effort est un seuil d’alerte pour les bailleurs sociaux de la Martinique. Ils refusent,
éventuellement, un demandeur lorsque ce taux d’effort est supérieur à 30 %. Cela signifie que les
ressources sont insuffisantes pour payer les charges courantes (eau, électricité, loyer etc.). Une
48
Calcul du taux d’effort : (loyer + charges – allocation logement / ressources mensuelles)*100
22. 14
attention particulière est alors portée sur le reste à vivre49
. Il se rapporte à la somme disponible,
chaque jour, pour chaque membre d’un ménage, une fois réglé les dépenses incompressibles. « Le
seuil de 10 à 15 € par jour et par personne constitue un seuil d’alerte » selon Christophe CANU50
.
Par conséquent, les demandeurs risquent d’avoir des difficultés pour honorer le loyer. En outre,
lorsqu’un candidat est en incapacité de s’adapter à un logement collectif, la commission
d’attribution peut adresser une notification de non-attribution. Cette décision est prise en s’appuyant
du diagnostic circonstancié de l’ALS. Parfois, ce dossier est alimenté des témoignages écrits des
voisins, des copies des mains courantes pour troubles de voisinage, pour détérioration des biens ou
pour violences physiques ou verbales envers les tiers.
Certains bailleurs sociaux de la métropole ont complété cette liste de non-attribution. En effet,
le candidat qui refuse l’accompagnement médico-social lui permettant une bonne intégration dans
le logement, ou le demandeur qui est dans l’incapacité de comprendre les clauses contractuelles et
de signer le contrat de location, une décision de non-attribution pourra être prise51
. Il en est de même,
lorsque le groupe immobilier est confronté à des difficultés économiques et sociales, alors que
l’objectif est de respecter les critères de mixité sociale (art. 441-1 du CCH). Dans ce cas, le bailleur
social doit prouver, par exemple, par des articles de presse, que la résidence connaît des difficultés
sociales importantes. Par conséquent, en cas de nécessité, tous les critères de droit commun
peuvent être mobilisés pour écarter, légalement, un demandeur et l’orienter vers des
structures plus adaptées.
Le règlement de fonctionnement et la charte d’attribution ont le mérite de définir les critères de
priorité et ceux qui sont relatifs au parcours résidentiel. Puis, la charte d’attribution fixe les objectifs
de mixité sociale et détermine les motifs de rejet et de non-attribution. Cette transparence est
nécessaire pour sécuriser les notifications, garantir les droits des demandeurs et l’égalité de
traitement. De plus, cela limite d’éventuels recours contentieux. Pour se prémunir de ces risques,
les bailleurs sociaux, de la métropole, ont spécifié les prérequis nécessaires pour réussir l’accès dans
le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental.
49
Calcul du reste à vivre : [ressources mensuelles – (loyer + provision pour charges) - allocation logement – dépenses
incompressibles] / nombre d’occupants/30 jours. Les dépenses incompressibles concernent l’eau, l’électricité, les assurances,
la mutuelle, la taxe d’habitation, l’impôt sur le revenu, les remboursements d’emprunts etc…
50
Christophe CANU, USH, direction des études économiques et financières, intervenant en économie du logement social à
l’université de Paris 13
51
Le droit des contrats rappelle que les parties s’obligent à respecter l’autonomie de la volonté, la liberté et l’équilibre
contractuels. Le bailleur social en qualité de « sachant » est responsable devant la loi. Lorsqu’un demandeur est atteint d’un
trouble mental, le bailleur social ne peut pas respecter ces principes contractuels.
23. 15
Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement
social des demandeurs atteints de troubles mentaux
Dans le cadre de l’accès dans le logement social, les bailleurs sociaux ont construit un
partenariat institutionnel et médico-social (section 1). Puis, pour satisfaire aux critères de
priorité et de non-discrimination, ils ont diversifié l’offre alternative au logement social (section
2).
Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer
l’accès dans le logement social
Les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), la Préfecture, le Conseil
Départemental et les bailleurs sociaux ont arrêté la liste des personnes prioritaires (1).
Parallèlement, ils ont participé à la structuration du partenariat médico-social préalablement à
toute attribution de logement (2).
Paragraphe 1 : Déterminer les ordres de priorité des publics vulnérables
L’accord collectif, créé par la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et, modifié
par la loi du 27 janvier 2017 est intégré à l’article L.441-1-1 du CCH. Cet article précise que
« l’établissement public de coopération intercommunale… disposant d’un programme local de
l’habitat adopté peut proposer aux organismes disposant d’un patrimoine locatif social… de
conclure pour trois ans un accord collectif intercommunal ». Il permet de définir :
pour chaque organisme, un engagement annuel quantifié d’attribution de logements
aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3
et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de
l’article L. 441-1 ;
les moyens d’accompagnement et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre et au
suivi de cet engagement annuel ».
Compte tenu des nouveaux publics prioritaires issus de la loi Égalité Citoyenneté, la Métropole
du Grand Lyon a, déjà, modifié cet accord collectif intercommunal. L’objectif est de « créer
une entente entre les partenaires et de limiter la concurrence entre la longue liste des personnes
prioritaires. Ainsi, les partenaires ont défini les critères de priorité et ils ont déterminé un
quota pour chaque catégorie dans la limite des 25 % de logements destinés aux personnes
défavorisées ». Par ailleurs, « une convention a été signée avec les réservataires, pour céder
leurs droits aux personnes prioritaires tels que définis dans le présent accord ».
24. 16
La Communauté d’Agglomération du Sud de la Martinique (CAESM), la Communauté
d’Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et la Communauté d’Agglomération
du Pays Nord Martinique (CAP NORD) sont dotées d’un plan local de l’habitat. La mise en
place de l’accord collectif intercommunal limiterait le nombre de demandeurs vulnérables
hors contingents. Cela permettrait de satisfaire aux exigences réglementaires et éviterait
d’éventuels recours juridiques. Par conséquent, les bailleurs sociaux, de la Martinique,
pourraient s’équiper d’un logiciel de la cotation de la demande. Les bailleurs de la métropole
ont, également, impulsé la structuration du partenariat médico-social.
Paragraphe 2 : Structurer le partenariat médico-social en amont de l’attribution
Les bailleurs sociaux ont identifié les partenaires à mobiliser qui pourraient intervenir dans le
cadre de l’accès et du maintien dans les lieux des personnes atteintes d’un trouble mental. Pour
formaliser ce partenariat, une charte relative au secret professionnel, un guide sur la santé
mentale et le logement ainsi que des conventions signées avec le secteur de la santé mentale ont
été élaborés.
§ Phase 1 : la création d’un réseau médico-social
Selon les bailleurs sociaux interrogés52, « dans un premier temps, il s’agira de mobiliser
l’Agence Régionale de la Santé (ARS), la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion
Sociale (DJSCS), les EPCI, le Conseil Départemental et les communes concernées. Ces
partenaires dresseront l’inventaire des associations du secteur de la précarité et de la santé
mentale. Des rencontres seront programmées, pour apprendre à se connaître et comprendre
les missions et les limites des structures sociales et médicales. Il s’agira de présenter le rôle
et les contraintes du bailleur social ». Cette phase peut durer 2 ans53
à 4 ans54
. « Ce type de
partenariat s’inscrit nécessairement dans le temps pour développer l’interconnaissance et
mettre en place des formations communes. Dans une première phase, les dirigeants seront
impliqués, puis dans une deuxième phase, les agents opérationnels seront mobilisés. Le but est
de créer des réseaux médico-sociaux autour du bailleur social ». Selon les territoires, la mise
en place de ce partenariat a été à l’initiative des bailleurs sociaux55
ou du secteur de la santé
mentale, comme dans le département de l’Isère ou sur proposition de la commune (Mairie de
Nanterre).
52
Liste des bailleurs sociaux interrogés présentée en annexe 1 page 55
53
Bailleurs sociaux relevant du secteur de l’AORIF à Paris
54
Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon
55
AORIF, Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon
25. 17
Les bailleurs sociaux considèrent que ces rencontres développent une « culture et un langage
communs ainsi qu’une autre posture professionnelle ». Le réseau garanti « l’articulation, la
mutualisation des connaissances et des compétences. Il apporte des réponses en termes de
relais, de nouvelles approches en matière de méthodologie. Chaque partenaire subit des
injonctions paradoxales. À travers les réseaux, il s’agit de voir comment les gommer pour aller
tous dans le même sens. C’est décider ensemble de prendre soin d’une personne avec chacun
ses propres moyens. Au vu de la complexité des situations, la gestion est nécessairement
pluridisciplinaire. Le traitement des situations est complexe car il faut connaître le secteur de
la santé mentale et du logement. C’est la politique des petits pas quotidiens qui va permettre
de résoudre certaines difficultés. Cela limite les impayés de loyer et réduit l’état de
dégradation des logements. De plus, cela permet d’orienter les locataires vers d’autres
solutions de relogement en cas d’expulsion ». L’expérience est considérée comme « positive »
car elle permet « d’ancrer le partenariat ».
En revanche, quelques écueils subsistent préalablement et après à la mise en place d’un
réseau médico-social. En effet, il s’agit d’abord de « convaincre le Conseil d’Administration,
la gestion locative, les concierges, le contentieux, les élus et l’ARS » pour qu’ils s’engagent.
Certains bailleurs sociaux regrettent « l’absence de l’ARS », alors que « la mise en place de
cette coordination permet de limiter les coûts financiers ». De plus, le réseau « est
consommateur de temps en raison de nombreuses réunions ». En outre, les bailleurs sociaux
constatent « un turn-over dans le secteur social et médical ce qui [les] obligent à réexpliquer
et à recréer la relation de confiance pour que la collaboration reprenne ». Enfin, l’AORIF
rappelle que « le partenariat ne se décrète pas, que les relations se tissent par affinité, que les
parties adhèrent dès qu’il y a une logique de gagnant-gagnant ». Par conséquent, le bailleur
social doit pouvoir offrir des logements destinés à l’accès pour que les partenaires
interviennent dans le cadre du maintien dans les lieux. Cette coopération repose sur le
partage de certaines informations qui se heurte aux dispositions relatives au secret
professionnel.
§ Phase 2 : l’élaboration d’une charte relative au secret professionnel (cf. annexe 8 p.67)
Le secret professionnel est issu du code de la santé publique (R.4127-4 et R.4127-35). Il est
« institué dans l’intérêt des patients et s’impose à tout médecin dans les conditions établies par
la loi ». De plus, l’article 226-13 du code pénal dispose que « la révélation d’une information
à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit
en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et
26. 18
de 15 000 euros d’amende », sauf dispositions contraires prévues par la loi. Les bailleurs
sociaux interrogés sont unanimes sur la question du secret professionnel. « La santé ne fait pas
partie de leurs compétences, par conséquent, ils n’ont pas besoin de connaître la pathologie du
demandeur ou du locataire. Le bailleur social n’a pas de compétence pour déterminer si une
personne souffre d’un trouble mental ou non ». Pour permettre au réseau de fonctionner, les
organismes HLM ont participé à la rédaction d’une charte relative au secret professionnel.
Celle-ci rappelle le cadre juridique, l’engagement des partenaires et les modalités de partage
des informations. Lorsque les partenaires ont déterminé ces principes de base, ils ont élaboré
un guide sur la « santé mentale et le logement ».
§ Phase 3 : la rédaction d’un guide santé mentale et logement
Ce guide permet de définir les bases d’un partenariat autour du projet d’accès et de maintien
dans le logement. En complément de ce guide, les bailleurs sociaux ont participé à la réalisation
« d’un annuaire des partenaires du territoire » afin de pouvoir travailler concrètement. Certains
ont développé, avec les partenaires concernés, une plateforme internet pour favoriser les
échanges et valoriser les pratiques, tels que le SPEL (Santé Psychique et Logement) de la
Métropole du Grand Lyon ou le Centre de Ressources sur le Handicap Psychique (CREHPSY)
de Lille Métropole Habitat. Pour rendre ce partenariat plus opérationnel, des conventions sont
signées directement entre les bailleurs et le secteur de la santé mentale pour préparer les
demandeurs atteints d’un trouble mental à obtenir un logement social.
§ Phase 4 : la mise en place d’une convention partenariale avec le secteur de la santé
mentale
Certains bailleurs sociaux56
ont signé des conventions avec l’hôpital psychiatrique et/ou les
services ambulatoires57
(cf. annexe 9 p.68) pour favoriser l’accès dans le logement social des
demandeurs « stabilisés ». La stabilisation n’est jamais pérenne. Cette convention définit le
rôle et les responsabilités du bailleur social et du partenaire qui a présenté le candidat.
Cette convention détermine les modalités opérationnelles, en vue d’harmoniser les pratiques
sur le territoire. Souvent un référent chargé de la convention ou de la charte partenariale sera
désigné au sein des organismes HLM et des établissements sanitaires. La préparation à l’accès
dans le logement social est assurée par une équipe médico-sociale du secteur hospitalier.
56
Lille Métropole Habitat, Métropole du Grand Lyon, bailleurs sociaux de Paris, AORIF, LOGIREM.
57
Le Centre Médico-Psychologique (CMP) est destiné aux adultes à partir de 18 ans. C’est une unité de soins
composée d’une équipe pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues, infirmiers, psychiatres) chargée
de l’organisation des soins à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique.
27. 19
En cas d’attribution, le contrat de location sera signé directement avec le demandeur. Puis, un
contrat d’objectifs et de moyens sera signé entre le demandeur, le référent médical et le
bailleur social. Dans le cadre de ce contrat, chacun déterminera des engagements concrets. Des
rencontres régulières entre les signataires seront programmées en vue de suivre la mise en
œuvre des actions définies préalablement. Ces actions seront adaptées en fonction de chaque
locataire. En cas de non-respect du contrat d’objectif, les partenaires se réuniront pour
déterminer les nouvelles solutions à entreprendre. En Martinique, le contrat d’objectifs et de
moyens est tripartite. Il est signé entre le bailleur social, l’ALS et la structure qui a présenté le
candidat. Ce contrat n’est jamais signé avec un organisme de santé. En outre, il est signé,
uniquement, lorsque l’avis de l’ALS est défavorable alors que la commission a validé
l’attribution d’un logement. Il n’a pas de caractère généraliste comme en métropole.
Pour faciliter la gestion des demandeurs vulnérables, certains bailleurs sociaux exigent la mise
en place d’une tutelle ou d’une curatelle avant l’attribution d’un logement. Le délai
d’instruction, en Martinique, pour une mesure de protection (cf. annexe 10 p.69) est d’un an et
plus, tandis qu’il est de 3 à 6 mois à Paris, Toulouse, Lyon, Lille et Marseille. Certains
psychiatres rappellent que « ces mesures de protection ne doivent pas être systématiques,
puisque qu’il n’y a pas de corrélation entre l’incapacité et le trouble mental, d’autant plus que
celui-ci peut être épisodique ». En d’autres termes, le trouble mental ne provoque pas toujours
une incapacité à penser et à agir en toute cohérence.
Enfin, le secteur médico-social veille également « à ne pas loger des demandeurs dans des
quartiers dits « toxiques », c’est-à-dire connus pour la délinquance, le trafic de drogue, les
nuisances sonores, ne serait-ce que les allées et venues des scooters etc. Pour certaines
personnes vulnérables les risques seraient multiples : déstabilisation psychique, crises à
répétition, consommation de produits illicites, squat du logement, maltraitance, abus de
faiblesse etc. » selon Valérie CHANFREAU de la clinique la recouvrance à Toulouse. Juliette
FURET de l’USH rappelle que « chacun d’entre nous, connaît dans son entourage familial,
amical, professionnel ou dans sa résidence une personne qui a décroché. Confrontés à cette
problématique de santé mentale, les organismes HLM construisent, également, des logements
adaptés ». En effet, certains bailleurs sociaux ont développé une offre alternative au logement
social.
28. 20
Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social
Le taux de couverture en matière d’hébergement est de 0.4 lit en Martinique pour 1 000
habitants contre 1,6 lit en métropole en 201558. Compte tenu du « déficit de structure
d’hébergement, il y a un glissement, depuis fort longtemps, des populations en grande difficulté
vers le logement social », selon un des bailleurs sociaux de la Martinique. De plus, Diane
MONTROSE, conseillère territoriale de l’Assemblée de Martinique, membre du Conseil
d’Administration chez les bailleurs sociaux, « considère que l’arsenal législatif dans le
logement social est conséquent ainsi que celui de la santé mentale. Cette difficulté est encore
plus forte lorsque les personnes ont des troubles de comorbidité (par exemple trouble mental
plus addiction). Il est, alors, très difficile de faire cohabiter des gens ordinaires qui ont un droit
de quiétude avec des locataires ayant des troubles de santé mentale. Par conséquent, pour
respecter le principe du droit au logement, il est nécessaire, aussi, de réhabiliter le parc privé
inoccupé et de développer les alternatives à l’accès au logement social ». Dans ce cadre, les
bailleurs sociaux, de la métropole, favorisent la promotion de structures d’hébergement et de
logement adaptés (1) à des personnes atteintes d’un trouble mental. En outre, ils mettent à la
disposition des associations des logements « ordinaires » (2).
Paragraphe 1 : La promotion des structures d’hébergement et de logement adaptés
La promotion d’habitat spécifique ne constitue pas l’activité principale des bailleurs sociaux.
Néanmoins, divers financements sont mobilisables par les organismes HLM pour construire
des places d’hébergement ou des logements-foyers.
§ Les financements mobilisables par les bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux, de la Martinique, peuvent solliciter une subvention accordée dans le cadre
de la Ligne Budgétaire Unique (LBU) versée par l’État aux opérateurs de logements sociaux
d’outre-mer. Par ailleurs, ils peuvent mobiliser d’autres subventions exceptionnelles auprès
d’Action Logement, des Fondations, de la Sécurité Sociale, de la Caisse d’Allocations
Familiales, des collectivités territoriales concernées ainsi qu’auprès de la Caisse de Garantie du
Logement Locatif Social qui dispose d’un fonds de soutien à l’innovation. Enfin, ils concluent
des prêts auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Il s’agit du prêt locatif
d’urgence et du prêt locatif aidé d’intégration.
58
ARS, fichier statiss, Martinique, 2015
29. 21
Le Prêt Locatif d’Urgence (PLU) permet de financer des travaux d’amélioration, de
réhabilitation et parfois la construction et l’acquisition de foncier destinés pour des
Centres d’Hébergement d’Urgence (CHU), des Centres d’Hébergement et de Réadaptation
Sociale (CHRS), des Lits en Halte Soin Santé (LHSS) et des hôtels sociaux. Lorsqu’il s’agit
d’une réhabilitation, la durée de remboursement du prêt s’étend de 5 à 25 ans. S’il s’agit
d’une construction, l’amortissement doit être remboursé au maximum sur 40 ans pour le bâti
et 50 ans pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est indexé sur le taux du livret A. Le
remboursement du capital et des intérêts commencent avec un différé de 24 mois. Les fonds
seront versés dans la phase de préfinancement et au plus tard deux mois avant la première
échéance.
Le Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI) est destiné à financer la construction des
logements-foyers, des CHU, des CHRS et des LLHS. La durée du prêt est de 40 ans
maximum pour le bâti et de 50 ans maximum pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est
indexé sur le taux du livret A. Pendant les premières années (3 ans) le taux est fixe. Les
modalités de mobilisation des fonds et le différé d’amortissement sont identiques au PLU.
Le parc d’hébergement est très étendu. Néanmoins, en Martinique, les partenaires médico-
sociaux ont sollicité, davantage, la construction de logements-foyers.
§ La construction de logements-foyers
Les logements-foyers sont des logements meublés, intégrant des espaces privés et des espaces
collectifs. L’article L.633-1 du CCH dispose que les logements-foyers font l’objet d’une
convention à l’aide personnalisée au logement. Il existe divers types de logements-foyers.
Certains foyers de vie avec hébergement sont destinés aux personnes handicapées. Ces
établissements accueillent des adultes handicapés ayant une certaine autonomie et bénéficiant
d’activités adaptées afin de maintenir leurs capacités. En pension complète, la somme laissée à
l’hébergé est équivalente à 30 % de ses ressources dont le plancher est de 243,27 €. Le surplus
des frais d’hébergement et d’entretien est pris en charge par le Conseil Départemental et par la
Sécurité Sociale. Par conséquent, le bailleur social doit s’assurer que ces partenaires assumeront
leurs responsabilités financières, puisque cela aura une incidence sur le paiement du loyer.
Les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et ayant
des troubles de santé mentale sont des maisons de retraites médicalisées qui proposent un
suivi psychiatrique. La CDC finance ce type d’établissement dans le cadre du prêt locatif social.
30. 22
La promotion de ce type de bien est indispensable au vu du vieillissement de la population
martiniquaise, notamment dans le logement social. La Martinique ne dispose d’aucun
EPHAD psychiatrique.
Les résidences sociales59 sont destinées à de l’hébergement temporaire. L’accueil est proposé
pour un mois renouvelable sans limitation de durée. Ces logements sont attribués aux personnes
en difficulté sociale et économique et/ou ayant des troubles psychosociaux. Un
accompagnement médico-social est mis en place. Récemment, la SMHLM de la Martinique a
affecté 50 logements à la Croix-Rouge. Ces résidences ne connaissent pas de difficultés
majeures car « l’association est présente et intervient rapidement en cas de crise. Le paiement
du loyer est régulier. La gestion est assurée intégralement par cette association ce qui est
« confortable » pour le bailleur social ».
Les maisons relais accueillent des personnes ayant de faibles ressources. Ces ménages sont
isolés, désocialisés ou en situation d’exclusion et dont l’accès à un logement autonome n’est
pas envisageable. Ces personnes sont aussi celles qui ont fréquenté régulièrement les centres
d’hébergement. Il s’agit de proposer un logement stable à durée illimitée. Un hôte ayant des
compétences en matière sociale et d’insertion assure la gestion de la résidence dans la journée.
Il dispose, à ce titre, des coordonnées des différents intervenants (médecins, psychiatres,
travailleur social etc.) qu’il peut mobiliser.
Les partenaires médico-sociaux interrogés60
sollicitent « les bailleurs sociaux, car ils disposent
de l’ingénierie nécessaire pour élaborer un programme de construction, pour rechercher les
financements et pour suivre les travaux. De plus, ils proposent des loyers moins élevés que dans
le parc privé. Par ailleurs ils sont plus sensibles à la question des personnes vulnérables que
le secteur privé ». Lors de la construction ou de la réhabilitation de logements destinés à des
personnes ayant des troubles mentaux, les partenaires médico-sociaux souhaiteraient être
consultés pour apporter des recommandations destinées à adapter les logements. Il s’agit
notamment de veiller au renforcement des normes acoustiques, de s’assurer de l’accessibilité
dans la résidence et dans le logement pour les intervenants médico-sociaux. Par ailleurs, ils
souhaiteraient être associés pour arrêter la taille des logements (type studio ou T2 ou de grands
59
Décret n° 94-1129 du 23 décembre 1994, « modifiant le code de la construction et de l'habitation et relatif aux
conventions passées entre l'Etat, l'organisme propriétaire et l'organisme gestionnaire pour les logements-foyers
dénommés résidences sociales », JORF n°299 du 27 décembre 1994
60
Liste des partenaires médico-sociaux annexe 1 pages 55 et 56
31. 23
logements dont chaque chambre aurait sa salle de bains) et pour fixer la taille des résidences.
Dans la mesure du possible, cela doit être des petites unités de vie (10 à 15 logements environ).
Ces structures devraient être réparties équitablement sur l’ensemble du territoire, implantées à
proximité des centres de soins, des commerces et des services pour faciliter, également, l’usage
des transports en commun.
La production d’habitat spécifique constitue une alternative permettant de stabiliser les
demandeurs avant qu’ils n’accèdent à un logement social. Les demandeurs atteints de troubles
mentaux impactent la direction de la construction, du patrimoine et indirectement les directions
fonctionnelles. Les bailleurs sociaux mettent, également, à la disposition des associations des
logements « ordinaires » pour loger ces demandeurs.
Paragraphe 2 : La mise à disposition de logements ordinaires gérés par les associations
Cette solution repose sur la rédaction d’une convention et l’engagement entre un bailleur social
et une association gestionnaire ou un établissement public administratif tel que les centres
communaux d’action sociale. Ces derniers sont chargés de payer les loyers au bailleur social.
Ce moyen est recherché car le logement existe déjà. Le bailleur social proposera, également,
des logements vacants difficiles à relouer ou trop excentrés de la ville. Les partenaires médico-
sociaux suggèrent la mise à disposition de logements qui seront mobilisés pour les appartements
de coordination thérapeutiques, pour les familles gouvernantes et pour le bail glissant.
Les appartements de coordination thérapeutique proposent un hébergement « à titre
temporaire pour des personnes en situation de fragilité psychologique et sociale et nécessitant
des soins et un suivi médical, de manière à assurer le suivi et la coordination des soins,
l’observance des traitements et à permettre un accompagnement psychologique et une aide à
l’insertion »61
. Ces appartements sont gérés par des associations et financés par l’hôpital
psychiatrique. Les logements attribués ne peuvent pas être considérés comme le domicile du
patient.
Le dispositif de familles gouvernantes est né d’une initiative associative (Union Nationale
des Associations Familiales). Les ménages bénéficiant d’une tutelle ou curatelle cumulent,
souvent, de nombreux handicaps. Ils sont très fortement désocialisés et sont dans l’incapacité
61
Décret n° 2002-1227 du 3 octobre 2002 relatif aux appartements de coordination thérapeutique
32. 24
de gérer les aspects de la vie quotidienne. Le bailleur social peut mettre à la disposition de cette
association un logement pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes. La gestion du quotidien sera
assurée par une gouvernante.
Le bail glissant est issu de la pratique. Il n’existe pas de définition juridique. Il vise à favoriser
l’accès et l’insertion durable dans un logement des ménages éprouvant des difficultés. Pendant
une période transitoire, l’occupant a le statut de sous-locataire avant de devenir locataire.
L’association gestionnaire est le locataire en titre. Elle assure le paiement du loyer au bailleur
social et effectue l’accompagnement qui est nécessaire. Le bail glissant est une voie d’entrée
dans le logement pour des populations fragiles.
En conclusion de ce premier titre, la mise en place des nouveaux outils de pilotage (ex : DALO,
SIAO) puis l’évolution des textes législatifs a favorisé l’élargissement du public prioritaire dont
les personnes vulnérables et moins autonomes. Afin de respecter les critères de priorité liés à
l’attribution des logements pour les personnes handicapées et pour favoriser le parcours
résidentiel, les bailleurs sociaux ont dû s’adapter. Ils ont renforcé les outils de gestion des
attributions (ex : charte d’attribution des logements réactualisé). Puis, ils ont bâti un partenariat
avec le secteur médico-social construit autour de documents stratégiques (ex : convention avec
l’hôpital psychiatrique). Par ailleurs, certains ont déjà engagé une révision de l’accord collectif
intercommunal. D’autres mobilisent des prêts accordés par la CDC pour diversifier l’offre de
logement adapté ou mettre à la disposition des associations des logements « ordinaires ». Ces
alternatives sécurisent le bailleur social et renforcent la stabilité psychique des demandeurs
avant qu’ils n’accèdent à un logement social.
Cependant, en cours de bail, certains locataires décompensent à cause d’un évènement
traumatique vécu dans le cadre privé ou professionnel. En effet, les bailleurs sociaux ont cité
« le divorce, le décès d’un proche, une ou plusieurs maladies, un accident, le cumul de
difficultés économiques et sociales, les dettes, la perte d’un emploi, la vieillesse etc. ». Les
troubles psychosociaux ou mentaux des locataires, ayant une incidence dans le logement,
impactent la gestion locative et le maintien dans les lieux de ces derniers.
34. 26
Les bailleurs sociaux sont contraints de gérer, dans le temps, les locataires atteints de troubles
mentaux (chapitre 1). Confrontés aux contraintes du secteur de la santé mentale, ils
s’investissent et développent d’autres alternatives pour renforcer la gestion dans le cadre du
maintien dans les lieux (chapitre 2).
Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux
Pour faire face aux conséquences induites par les troubles mentaux, les bailleurs sociaux
engagent leurs responsabilités juridiques (section 1). Ainsi, certains ont développé de nouvelles
stratégies managériales pour la gestion locative (section 2).
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux
En Martinique, les bailleurs sociaux orientent les dossiers complexes62
à l’ALS (cf. annexes 11
et 11.1 p. 70 et 71). Les conseillères sociales sont chargées d’apporter des réponses sociales et
de mobiliser le secteur médico-social. Cependant, Isabelle Louison responsable de la gestion
locative à la SAHLM d’OZANAM rappelle « qu’initialement, le bailleur social était chargé de
construire des logements sociaux, de les louer et de gérer les locataires qui étaient par principe
autonome. Compte tenu de la dégradation de la santé des êtres humains, du délitement des liens
familiaux, des réductions budgétaires, le bailleur social est contraint de gérer les dommages
collatéraux des troubles de santé mentale et devient le rempart suite aux absences des autres
politiques publiques ». En dépit de cette situation, les responsabilités qui s’imposent aux
bailleurs sociaux concernent la jouissance paisible de la résidence (1) et la prévention des
expulsions (2).
62
Situation traitée en amont par le bailleur social, mais dont les tentatives de réponse ont échouées et dont les
professionnels peuvent être confrontés à une situation de blocage. Les cas présentés sont par exemple : les
locataires souffrant du syndrome de Diogène, tentatives de suicide, incurie, dégradation du logement etc.
TITRE 2 : MAINTIEN DANS LES LIEUX
DES LOCATAIRES ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
35. 27
Paragraphe 1 : Assurer la jouissance paisible de la résidence
Les bailleurs sociaux doivent garantir le droit de jouissance paisible du logement, gérer les
troubles de voisinage et inciter les locataires à signaler les situations de mise en danger d’autrui
ou de maltraitance.
§ Garantir le droit de jouissance paisible du logement
L’obligation de jouissance paisible du logement est un des éléments du contrat de bail qui
s’impose tant au bailleur social qu’aux locataires. En cas de non-respect des clauses
contractuelles par le locataire, le bailleur social pourra entamer la procédure d’expulsion.
Le locataire, dit le « preneur » doit « user de la chose louée en bon père de famille » (art. 1728
du code civil). Cette obligation est reprise à l’article 7 (b) de la loi du 6 juillet 1989 qui impose
au locataire « d’user paisiblement des locaux loués, suivant la destination qui leur a été donnée
par le contrat de location » et ceci, quelle que soit la situation financière, sociale ou médicale
des locataires. Cette disposition est d’ordre public. Elle pèse juridiquement sur le locataire de
la même façon que les autres obligations : payer le loyer et les charges, effectuer l’entretien
courant et assurer les réparations locatives. Le non-respect de ces clauses pourra être sanctionné
par la résiliation du bail (art. L.442-4-1 du CCH). Cette obligation de jouissance paisible
concerne toutes les personnes du foyer. De plus, le locataire ne peut ni dégrader les lieux63
, ni
les transformer sans autorisation du bailleur64
. En cas de destruction, de dégradation, de
détérioration et si l’infraction est reconnue, le locataire engage sa responsabilité pénale65
pouvant conduire à l’expulsion (Cf. annexe 11.1 situation D p. 67). Le non-respect du droit de
jouissance peut constituer un trouble de voisinage qui contraint le bailleur social à intervenir.
§ Gérer les troubles de voisinage
Les troubles de voisinage concernent tous les litiges entre voisins, constituant souvent une
atteinte à la jouissance paisible des lieux. Ainsi, les juges retiennent la théorie jurisprudentielle
du « trouble anormal de voisinage ». « Elle institue une responsabilité objective, une
responsabilité sans faute. Il s’ensuit que l’auteur du trouble ne peut pas s’en exonérer en
prouvant son absence de faute. Seule la preuve du trouble est nécessaire, c’est la naissance
d’un droit à une qualité et une tranquillité de vie66
». En effet, le trouble de voisinage est
sanctionné indépendamment de la nature volontaire ou non de sa cause. Ainsi, même si
63
Art.1735 du code civil
64
Art.7 de la loi du 6 juillet 1989
65
Art. 322-5 du code pénal
66
Cours de Monsieur Luc-Michel NIVOSE- Conseiller à la Cour de cassation – 3ème
chambre civile-
36. 28
l’auteur n’a pas commis de faute ou s’il est atteint d’un trouble psychique cela ne l’exonère pas
de sa responsabilité. Les nuisances prises en compte doivent excéder les inconvénients
normaux du voisinage (ex : tapage diurne répété). Le juge évalue les nuisances en tenant
compte de la nature, de l’intensité, de l’anormalité du trouble, du caractère continu et
permanent des désagréments. Tout en sachant que, vivre dans un immeuble collectif suppose
l’acceptation d’inconvénients considérés comme normaux. Parfois, les retentissements sur le
voisinage peuvent être graves67
.
Le trouble de santé mentale, à l’origine des troubles de voisinage, ne peut pas être évoqué pour
solliciter la résiliation judiciaire du bail d’habitation. Le bailleur social doit se concentrer sur
les clauses contractuelles défaillantes et sur le non-respect des dispositions du code civil et
du code pénal. La résiliation du bail peut être obtenue suite aux conséquences consécutives sur
le logement dont un membre du foyer est atteint d’un trouble mental68
.
Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 24 février 200569 indique que « si un office
public HLM remplit à l’évidence une mission sociale, il ne peut lui être demandé d’assurer la
prise en charge de personnes dont le comportement relève à l’évidence d’un traitement
psychiatrique ». Plus récemment, la Cour d’Appel de Paris du 15 décembre 201670 a
prononcé la résiliation du bail judiciaire en s’appuyant de l’article 7-b de la loi du 6 juillet 1989
et de l’article 1184 du code civil. Les motifs retenus sont le « comportement agressif et anormal
de Monsieur…, qui frappe aux portes de ses voisins de l’immeuble, qui fume dans les parties
communes de la résidence avant de se débarrasser de ses mégots mal éteints sur les
paillassons… au risque de provoquer un incendie. Des mains courantes, des attestations
délivrées par des voisins et le courrier de la tutrice sont versées aux débats ». Par conséquent,
« le rétablissement des relations de voisinage apaisées apparaît compromis ».
Ainsi, les juges sont attachés à la réalité, à la gravité et à la persistance des troubles
allégués jusqu’au jugement. Au-delà du manquement contractuel, ils sanctionnent les
67
Un locataire atteint d’un trouble mental a été victime d’un acte de violence de la part d’un voisin excédé par
les nuisances sonores. Ce dernier a été incarcéré. Son épouse (ayant deux enfants) éprouve des difficultés
financières pour payer le loyer.
68
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon, affaire Ribera et la Régionale Immobilière, 1ère
chambre civile, section
B, n°1817. La résiliation du bail est prononcée à cause des retentissements sur la résidence liés au fils qui n’est
pas stabilisé psychiquement.
69
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Chaulet et OPHLM de Bonneuil sur Marne, 6me
chambre, section
B, 24 février 2005 n°04/01780
70
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Nadir et la Société d’Economie Mixte Noisy-Le-Sec Habitat,
Pôle 4, chambre 4, 15 décembre 2016, n°14/21300
37. 29
conséquences ayant un retentissement sur l’équilibre financier de l’organisme et sur
l’environnement. En effet, ils tiennent compte de la sécurité de l’ensemble des locataires
que le trouble soit d’origine psychique ou non. En revanche la situation du locataire doit
rester inchangée ou s’aggraver pour que la résiliation judiciaire du bail d’habitation puisse être
prononcée. Pour fournir des preuves, les bailleurs sociaux encouragent les locataires à déposer
une main courante à la police ou à la gendarmerie (ex : pour les troubles de voisinage). En cas
de nécessité, ils invitent, les locataires à porter plainte pour mise en danger d’autrui. En
revanche, pour protéger les locataires vulnérables des signalements pour maltraitance sont
effectués.
§ Gérer les situations de mise en danger d’autrui et de maltraitance
Les locataires peuvent porter plainte pour mise en danger d’autrui. L’article 223-1 du code
pénal dispose que « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de
blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par
la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Une
copie de ces dépôts de plainte doit être versée dans le dossier d’expulsion constitué par le
bailleur social. En outre, selon le code pénal tout citoyen (dont les salariés des bailleurs
sociaux) doit signaler les crimes71 à la police ou à la gendarmerie « dont il est encore possible
de prévenir ou de limiter les effets » (art. 434-1). De plus, les situations de maltraitance72
doivent être déclarées au Procureur de la République, à la police, à la gendarmerie, au tuteur, à
l’aide sociale à l’enfance (Conseil Départemental). En effet, « le fait, pour quiconque ayant eu
connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles
infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison…d’une déficience
psychique… et de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de
trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » (art.434-3). Les locataires atteints
de troubles mentaux sont fragiles et peuvent subir des préjudices de l’extérieur ou se faire du
tort à eux-mêmes. Dès lors, que le bailleur social est chargé d’assurer la sécurité et la
tranquillité résidentielle (art. L.127-1 du CCH), il veille à favoriser le bien-vivre ensemble.
Toutefois, certaines situations exigent la mise en œuvre de la procédure d’expulsion. Les
dispositifs de prévention des expulsions peuvent être mobilisés soit par les bailleurs sociaux
soit par les locataires.
71
Tentative de viol, vol avec violences aggravés, escroquerie, séquestration etc…
72
Maltraitance physique, psychique ou financière
38. 30
Paragraphe 2 : Les dispositifs de prévention des expulsions
Les bailleurs sociaux de la métropole indiquent que souvent les locataires atteints d’un trouble
mental sont en impayé de loyer. Les organismes HLM enclenchent, plus souvent, la procédure
d’expulsion pour impayé de loyer. Ils doivent, alors, saisir la Commission de Coordination
des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)73. L’objectif est de lutter contre les
expulsions des locataires, de régler les problèmes d’impayés et de prévoir un plan de relogement
pour ceux qui sont en situation difficile. Certains bailleurs sociaux pensent que ces deux outils
ont le « méritent de mobiliser, autour du bailleur social, l’ensemble des partenaires chargé de
régler les difficultés financières des locataires ». Mais, « l’absence de solutions effectives
alimentent » la procédure d’expulsion et cela peut influencer la décision du juge. La CCAPEX
et la charte de prévention des expulsions ont été mis en place, en Martinique, en 2010. En
revanche, le dispositif n’est pas opérationnel. L’État envisage de réactiver, ces outils d’ici 2018.
Outre la CCAPEX, en cas d’expulsion, le locataire peut saisir la commission de médiation
du DALO. Les locataires menacés d’expulsion, dont ceux qui sont atteints d’un trouble mental,
sans possibilité de relogement peuvent saisir cette instance pour obtenir un autre logement
social (cf. annexe 5 situation B p. 64). En effet, les bailleurs sociaux interrogés constatent
qu’après une expulsion « certains locataires reviennent dans le parc social ». Enfin, la
circulaire du 22 mars 201774
, relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la
prévention des expulsions, favorise l’articulation entre la CCAPEX, la charte de prévention des
expulsions et la commission de médiation du DALO. Elle vise un objectif de « zéro expulsion
sans relogement ». L’État souhaite éviter les « coûts conséquents pour les finances publiques…
[liés à] l’hébergement et à l’indemnisation des bailleurs ».
Pour conclure, certains bailleurs sociaux déclarent que la procédure d’expulsion n’est pas
évidente à mener en raison de tous ces dispositifs (CCAPEX, charte de prévention des
expulsions, DALO). En outre, « le suivi et la constitution du dossier d’expulsion, notamment,
pour trouble de voisinage est complexe car l’évaluation du trouble anormal de voisinage reste
à l’appréciation du juge ». Par conséquent, certains organismes HLM considèrent qu’ils sont
« souvent déboutés ». Freinés par la procédure d’expulsion et contraints de gérer les locataires
atteints d’un trouble mental, les bailleurs sociaux ont voulu renforcer la gestion locative.
73
La CCAPEX a été introduite par la loi « Besson » et la loi MOLLE du 25 mars 2009 l’a rendue obligatoire.
Puis, elle a été renforcée suite à la loi ALUR du 24 mars 2014 (art.27).
74
Circulaire du 22 mars 2017 « relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la prévention des
expulsions locatives », n° NOR : LHAL1709078C
39. 31
Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative
Les bailleurs sociaux ont engagé une démarche de réorganisation des services à la clientèle (1)
et ils ont défini la procédure de traitement d’un dossier lié à un trouble de santé mentale (2).
Paragraphe 1 : La réorganisation des services à la clientèle
Les risques psychosociaux vécus par certains salariés ont conduit certains bailleurs sociaux à
mettre en place des actions de sensibilisation et de formation sur la santé mentale. En outre, ils
ont renforcé la gestion locative par la mise à disposition de compétences médico-sociales.
§ La prévention des risques psychosociaux des salariés
Nadine PONCIN75
rappelle que « tout employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit
prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des
salariés ». Diverses mesures peuvent être mises en place par les bailleurs sociaux : actions de
prévention, d’information, de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens
adaptés etc76
. Selon LOGIREM « les dirigeants des organismes HLM s’impliquent de plus en
plus dans la gestion des locataires ayant des troubles de santé mentale en raison des risques
psychosociaux éprouvés par les salariés ». Les risques psychosociaux correspondent à des
risques professionnels qui pénalisent l’intégrité physique et mentale des salariés. Par exemple,
face à ces locataires, les interventions administratives du bailleur social sont considérées,
parfois, comme « inopérantes, inefficaces ou inadaptées ». Par ailleurs, le personnel se retrouve
en difficulté face à ce public pour établir une relation d’échange, d’où une « incompréhension
de la situation » et la difficulté à trouver les « bons outils » ou « le bon interlocuteur ». La
crainte est liée à la perception des troubles de santé mentale et au risque d’être confronté à un
« comportement menaçant ou agressif » ou d’être « en situation de danger ». Or, seulement « 3
à 5 % des violences commises à l’encontre des personnes et des biens sont imputables aux
personnes ayant un trouble mental »77
. Par conséquent, le danger provient majoritairement des
personnes « ordinaires ». Les risques cités, par les bailleurs sociaux interrogés, sont les
violences (insultes, menaces, agression verbale et physique) et le stress pouvant conduire à
l’épuisement des professionnels. Cela se traduit par une hausse des arrêts de travail, une
irritabilité, une nonchalance, un refus de respecter les règles etc. Toutefois, la perception de ces
75
Avocate au barreau de Paris spécialisée en droit social, intervenante à l’Université de Paris 13
76
Art. L.4121-1 à L.4121-5 du code du travail.
77
Haute Autorité de Santé, Dangerosité psychiatrique, Saint-Denis La Plaine, mars 2011, p.5, 29 pages
40. 32
risques intègre aussi une part de subjectivité du salarié. Pour prévenir ces risques, les dirigeants
ont mis en place des actions de sensibilisation et de formation destinées aux salariés.
§ Les actions de sensibilisation et de formation des salariés
L’AFPOLS propose des formations adaptées relatives à la gestion du stress, aux situations de
conflits, aux troubles de voisinage, aux troubles de santé mentale etc. Ces formations
concernent prioritairement la gestion locative, le service contentieux et les concierges. Elles
visent à rappeler le cadre réglementaire du bailleur social, à mieux comprendre ces
phénomènes, à monter en compétence, à renforcer l’efficience de la société et à changer le
regard des collaborateurs sur la santé mentale. Les bailleurs sociaux de la métropole ont indiqué
que pour conserver cette émulation, « des réunions thématiques, inter-institutions, sont mises
en place sur le syndrome de Diogène, la bipolarité, l’incurie… car pour chaque trouble, les
réponses, les comportements et l’approche sont différents. Ces rencontres favorisent les
synergies et permettent de développer des colloques annuels sur des thématiques différentes ».
Ainsi, Lille Métropole Habitat participe, régulièrement, aux réflexions menées sur les
thématiques suivantes :
Comment sensibiliser les bailleurs et faire en sorte que le handicap psychique soit
comme les autres handicaps, intégré dans la cité ?
Quelles sont les conditions favorables à l’accès au logement et au maintien dans
celui-ci ? Comment les mettre en œuvre ?
En outre, certains organismes HLM ont renforcé les compétences de la gestion locative par le
financement d’une équipe sociale ou médico-sociale.
§ Le renforcement des compétences de la gestion locative
En complément des interventions du secteur médico-social, les bailleurs sociaux ont renforcé
la gestion locative en recrutant des conseillères en économie sociale et familiale. D’autres ont
créé un service destiné à « l’innovation sociale, au développement social ou à la gestion
sociale ». Paris Habitat dispose d’une direction de la cohésion sociale avec 30 salariés (ratio de
2.4 salariés pour 10 000 logements). Elle a créé une filiale chargée de gérer les différents centres
d’hébergement. Lille Métropole Habitat (30 000 logements) compte trois salariés dont une
responsable des produits spécifiques (gestion des foyers et établissements médico-sociaux). La
SIMAR de la Martinique est la seule société à avoir embauché trois conseillères sociales
affectées à une mission sociale (10 000 logements).
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Ainsi, comme l’ont indiqué Daniel GLAESNER et Christophe PALLOT78
, compte tenu de la
paupérisation grandissante, « la performance globale d’une entreprise se mesure, également,
par la capacité des salariés à travailler dans un cadre pluridisciplinaire. Il s’agit, d’une part,
de respecter la réglementation en vigueur, et d’autre part, de mobiliser et de s’appuyer sur
d’autres compétences internes et/ou externes ». À ce titre, les bailleurs sociaux de Paris
financent avec l’ARS et la mairie l’intervention d’une équipe mobile, externe, composée d’un
psychiatre, d’un infirmier, d’une assistante sociale et d’un chargé de projet, tous à temps
plein, pour gérer 80 à 100 locataires par an. La société Est Métropole Habitat (14 000
logements) implanté à Lyon s’est dotée d’une équipe mobile, interne, constitué d’un infirmier,
d’un psychiatre et d’un travailleur social. L’objectif est d’analyser les caractéristiques de la
population locative concernée et d’apporter une réponse globale permettant de rétablir la
situation sociale, financière et psychique du locataire. Par ailleurs, les bailleurs sociaux ont
clarifié la procédure de traitement des locataires atteint d’un trouble mental.
Paragraphe 2 : Les différentes phases de traitement d’un dossier lié à trouble mental
Selon les bailleurs sociaux interrogés le traitement d’un dossier lié à un trouble mental
s’effectue en six phases.
La phase d’identification des problèmes est cruciale. En effet, elle permet de distinguer les
troubles liés à l’incivilité, à la délinquance et ceux relevant de la santé mentale. Les réponses et
les partenaires à mobiliser seront différents. En effet, selon LOGIREM, « les situations
présentées dans les réseaux de santé ne relèvent pas toutes de la psychiatrie, seulement un tiers
des situations sont des souffrances psychosociales ».
La phase de qualification de la situation (nature des problèmes, fréquences, analyses des
remontées d’informations des concierges, des habitants, des partenaires etc.) permet de
déterminer les actions à entreprendre en interne (convocation du locataire, rappel au
règlement intérieur des résidences etc.) et/ou en externe par la mobilisation des partenaires
concernés. Lille Métropole Habitat précise également que « tous les locataires ne peuvent pas
être psychiatrisés, par conséquent, le bailleur social doit bien qualifier la situation pour
orienter uniquement les locataires qui posent problème ».
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Intervenants de l’AFPOLS, en management des organismes HLM, à l’Université de Paris 13