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UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ
FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
Mémoire pour l’obtention du :
MASTER II
Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social
Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU
Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de
sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris-
13- Sorbonne Paris Cité.
Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK
CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE :
LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ
FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES
Mémoire pour l’obtention du :
MASTER II
Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social
Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU
Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de
sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris-
13- Sorbonne Paris Cité.
Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK
CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE :
LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de cette formation, qui
m’ont soutenue pendant toute cette période et particulièrement au moment de la rédaction du
mémoire-action. Tout d’abord, j’adresse mes remerciements :
 À ma directrice de mémoire, Mme Marie-Christine AUTRAND, pour son écoute, son
appui, son accompagnement et ses recommandations qui m’ont guidée dans la réflexion
de ce mémoire.
 À toute l’équipe enseignante, aux intervenants de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH)
et de l’AFPOLS1
pour la qualité des cours dispensés. Je tiens à saluer Mme Émilie
Vincent enseignante en droit public et Mme Hélène LABOUR, consultante grands
comptes et certifications de l’AFPOLS.
 À tous les bailleurs sociaux de la métropole et de la Martinique, aux associations
œuvrant dans le domaine de l’habitat, aux professionnels des établissements de santé
mentale qui ont accepté de m’accorder un entretien dans des délais contraints.
 Aux collègues de la promotion qui m’ont permis d’apprécier la diversité des organismes
de logements sociaux, dont les difficultés, les contraintes et les stratégies sont variables
d’un bailleur social à l’autre.
 Aux conseillères sociales de l’Association pour le Logement Social2
qui ont pris leurs
responsabilités pour gérer leurs activités, en ne me sollicitant qu’en cas de nécessité.
 À mon assistante de direction et aux secrétaires d’accueil qui ont piloté l’ALS lorsque
j’étais en formation.
 À mon compagnon pour son soutien indéfectible pendant toute cette période.
1
Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de Logements Sociaux
2
Association inter-bailleur créée en avril 1991 par la SIMAR et par la SMHLM. La SAHLM d’OZANAM a rejoint
l’ALS en janvier 2012. Cette structure est chargée de la gestion sociale des locataires en grande difficulté en
Martinique.
AVANT-PROPOS
Ce mémoire-action est le fruit des informations recueillies à partir de divers documents
présentés dans la bibliographie3
. Par ailleurs, il a été alimenté par des entretiens que j’ai menés
auprès des partenaires en métropole et en Martinique (cf. annexes 1 à 1-4 p.55 à 60). Avec
certains professionnels, les réunions se sont tenues sur leurs lieux de travail (exemple : Lille
Métropole Habitat, AORIF, USH etc.) et pour d’autres, nous avons utilisé la visioconférence
(exemple : LOGIREM, la clinique la Recouvrance à Toulouse etc.). J’ai choisi d’interviewer
les professionnels impliqués dans le champ du logement social et de la santé mentale ce qui
oriente, évidemment, l’étude. Ils ont accepté que je reprenne leurs propos dans le corps de ce
document. Cependant, lorsque certaines informations sont sensibles, celles-ci seront présentées
de manière anonyme. J’ai choisi ce sujet car j’interviens dans la gestion des locataires
atteints de troubles mentaux, dont j’observe une constante évolution. Mon objectif est de
proposer un projet viable aux bailleurs sociaux de la Martinique.
Afin de respecter le cadre méthodologique du mémoire-action, toutes les informations
recueillies, auprès des partenaires, ne pourront pas être exploitées. En effet, il s’agit de présenter
un document juridique et opérationnel pour les bailleurs sociaux. Ce mémoire constitue une
base pour poursuivre la réflexion en Martinique. Il est prévu que ce document soit présenté aux
bailleurs sociaux du territoire. Il concerne la gestion locative et sociale et il interpelle la
stratégie globale des organismes HLM.
Enfin, il a été très difficile d’obtenir certaines informations, notamment sur la santé mentale, à
cause des procédures internes et des délais requis par l’Agence Régionale de Santé (service
déconcentré de l’État) et par le centre hospitalier psychiatrique. En raison du coût des études,
certaines données sont, parfois, anciennes. Néanmoins, j’ai eu l’opportunité de participer au
premier séminaire organisé par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM)4
sur le thème
de « la santé mentale : que faire aujourd’hui ? » qui s’est tenu le vendredi 10 mars 2017. C’est
un sujet préoccupant, de par son ampleur, sur notre territoire.
3
Bibliographie page 48
4
Fusion du Conseil Départemental et du Conseil Régional le 24 janvier 2010 conformément à l’article 73 de la
Constitution de 1958.
Les écrits n’engagent que leurs auteurs, l’université n’est en rien responsable de ceux-ci.
LISTE DES ABRÉVIATIONS
AAH Allocation aux Adultes Handicapés
AFPOLS Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de
Logements Sociaux
ALS Association pour le Logement Social
ALUR Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové
AORIF Association des Organismes de logements sociaux de la Région Ile-de-
France
ARS Agence Régionale de la Santé
CAL Commission d’Attribution des Logements
CCAPEX Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions
CCH Code de la Construction et de l’Habitation
CDC Caisse des Dépôts et Consignations
CDE Convention relative aux Droits de l’Enfant
CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme
CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme
CHRS Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale
CHU Centre d’Hébergement d’Urgence
CLSM Comité Local de Santé Mentale
CMP Centre Médico-Psychologique
DALO Droit au Logement Opposable
DOM Département d’Outre-Mer
DJSCS Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale
EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale
FSL Fonds de Solidarité Logement
HALDE Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité
HLM Habitation à Loyer Modéré
LLHS Lit Halte Soin Santé
MOLLE Loi de Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre les Exclusions
OMS Organisation Mondiale de la Santé
OPHLM Office Public d’Habitation à Loyer Modéré
PDAHI Plan Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion
PDALPD Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes
Défavorisées
SAHLM d’OZANAM Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré d’OZANAM
SAMSAH Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés
Psychiatrique
SIAO Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation
SIMAR Société Immobilière de la Martinique
SMHLM Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré
SYPLO Système Priorité Logement
USH Union Sociale pour l’Habitat
SOMMAIRE
Pages
Introduction 1
Titre 1 : Accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental 4
Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux 5
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 5
Section 2 : Le traitement des demandes de logement social 10
Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement social 15
des demandeurs atteints de troubles mentaux
Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer l’accès 15
dans le logement social
Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social 20
Titre 2 : Maintien dans les lieux des locataires atteints de troubles mentaux 25
Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux 26
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 26
Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative 31
Chapitre 2 : Les alternatives développées suite aux contraintes du secteur de la santé 37
mentale
Section 1 : Des contraintes fortes pour les bailleurs sociaux suite à la 37
« desinstitutionnalisation » de la santé mentale
Section 2 : Renforcer les outils et les instances de pilotage dans le cadre du 42
maintien dans les lieux
Conclusion 46
Bibliographie 48
Table des matières 52
Annexes 54
1
INTRODUCTION
La santé mentale est un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreux organismes de
logements sociaux. Dès les années 2000, des sociétés telles que Lille Métropole Habitat,
LOGIREM à Marseille et les bailleurs sociaux de la Communauté Urbaine de Lyon se sont
penchés sur cette question. Les initiatives prises par ces sociétés ont alimenté la réflexion de
l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) dès 20065
, dont l’étude a été réactualisée en
septembre 20166
.
La santé est un droit reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par l’Union
Européenne et par la France. Le préambule de la Constitution de l’OMS pose le principe
suivant : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste
pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »7
. En 2001, le dernier rapport de
l’OMS8
, sur la santé mentale de la population mondiale, indiquait que 450 millions de personnes
souffraient de troubles mentaux. Globalement, dans le monde, une personne sur quatre
présenterait un trouble mental.
En 2011, le Collège Européen de Neuropsychopharmacologie démontrait que près de
165 millions d’européens étaient affectés par des troubles mentaux soit plus de 38 % de la
population9. Plus d’une personne sur trois, en Europe, tout comme en France, présente
ou a présenté un trouble de santé mentale et seulement un tiers des individus est traité. Ce
taux est plus important en Europe qu’au niveau mondial. Selon la classification internationale
des maladies, les troubles mentaux sont au cinquième rang des 22 maladies les plus
fréquentes10. Cette taxonomie est identique au niveau européen et français.
L’étude de l’Observatoire de la Santé en Martinique rappelle que 28.6 % de la population
martiniquaise a été confrontée à un trouble mental (hors risque suicidaire)11
en 2002. La
répartition des patients entre le parc privé et le parc social n’est pas mentionnée à cause des
risques de stigmatisation. Cependant, une estimation peut être réalisée. En effet, en 2015, les
5
USH, L’accès et le maintien dans le logement des personnes ayant des difficultés de santé mentale, les collections
d’Actualités Habitat, n° 103, mars 2006, 51 pages
6
USH, Juliette FURET, Isabelle SERY, Habitat social et santé mentale : cadre juridique et institutionnel, pratiques
et ressources, Repères n° 24 politique sociale, 27 septembre 2016, 80 pages
7
Organisation Mondiale de la Santé, www.who.int/fr/
8
OMS, Rapport sur la santé dans le monde : nouvelle conception, nouveaux espoirs, Genève, 2001, 172 pages
9
Synthèse du Collège Européen de Neuropsychopharmacologie, The size and burden of mental and otherdisorders
of the brain in Europe, 5 septembre 2011, 25 pages
10
Après les maladies infectieuses, les tumeurs, les maladies du sang et les troubles endocriniens.
11
Observatoire de la Santé en Martinique, santé mentale et suicide, janvier 2002, 4 pages
2
trois principaux bailleurs sociaux12
, de la Martinique, disposaient de 30 900 logements. Ils
géraient 83 43013
habitants. Ainsi, plus de 23 000 personnes seraient potentiellement
confrontées à un trouble mental dans le parc social.
Habituellement, les troubles mentaux se répartissent en trois catégories. Les troubles
psychosociaux14
peuvent, éventuellement, conduire à des névroses15. Le sujet est, alors,
conscient de la souffrance dont il se plaint. Les psychoses16 se caractérisent par le fait que le
sujet n'est pas conscient de l'altération de sa perception ou de son jugement. Par ailleurs, il ne
sait pas qu’il est malade ce qui le fait s'opposer à une prise en charge thérapeutique. Ce sont les
psychoses qui inquiètent les bailleurs sociaux en raison des retentissements sur le groupe
immobilier. En effet, les voisins peuvent subir des nuisances sonores17
et olfactives18
. En outre,
le bailleur social enregistre des répercussions sur l’état du logement qui se dégrade, sur
l’hygiène de la résidence (cafards, rats etc.) et sur la sécurité des habitants (cf. extrait d’un
article de presse annexe 2 p. 61 et photos des logements dégradés, annexe 3 p. 62).
Par ailleurs, les bailleurs sociaux doivent gérer une pluralité de situations liée à l’isolement et
au comportement atypique de ces locataires. Le public est hétérogène. Il rencontre des
difficultés pour comprendre, pour faire les démarches ou pour maintenir les efforts sur le long
terme. Enfin, l’absence de référent familial, l’éreintement des aidants et l’abandon de la cellule
familiale complexifient le traitement de ces dossiers et conduisent, parfois, à l’épuisement de
certains salariés.
De plus, « dans les DOM, le niveau de ressources des ménages qui habitent dans les logements
sociaux gérés par les HLM et les SEM est inférieur à celui constaté en France métropolitaine.
49,7 % ont un niveau de ressources inférieur à 20 % du plafond PLUS, soit presque deux fois
et demie plus qu’en France métropolitaine »19
. Et, de manière plus générale, les situations
d’exclusion sont plus prégnantes en Martinique qu’en métropole. Par exemple, en 2015,
12
Société Immobilière de la Martinique (SIMAR), Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré (SMHLM),
Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré OZANAM (SAHLM D’OZANAM).
13
30 900 logements en Martinique multiplié par la taille moyenne des ménages dans les DOM soit 2.7 personnes,
sources : SOeS, RPLS au 1er
janvier 2016, p. 2 et enquête OPS, DGALN-CRESGE, 2012, Paris, p. 130
14
Exemples de troubles psychosociaux : Isolement, difficulté ou exclusion professionnelle, problèmes
économiques et sociaux etc.
15
Exemples de névrose : angoisses, phobies, troubles obsessionnels compulsifs, dépression, paranoïa etc.
16
Exemples de psychose : schizophrénie, bipolarité, syndrome de Diogène, troubles délirants, hallucinations,
démence etc.
17
Les nuisances sonores sont multiples : disputes à répétition, insultes, cris, musique trop forte etc.
18
Les nuisances olfactives concernent les détritus entassés dans le logement, les déchets ramenés de l’extérieur, la
projection de produits (type ALCALI) pour les rites magico-religieux assimilés à de la sorcellerie.
19
Ministère du Logement et de l’Egalité des Territoires, Rapport national sur la situation du logement en France,
l’occupation du parc social en 2012 et son évolution, Tome 1, 2012, Paris, p.169
3
le taux de chômage était de 19 % en Martinique tandis qu’il était de 10 % en métropole20.
Selon les données sur les revenus fiscaux de 2011 de l’Institut de la Statistique et des Études
Économiques, à la Martinique, le revenu fiscal médian21
atteint 1 100 euros, nettement moins
que pour les territoires de métropole où le revenu médian, le plus bas est de 1 270 euros à Seine-
Saint-Denis. Par conséquent, les plus pauvres de la Martinique sont loin d’avoir
les niveaux de vie des plus pauvres de la métropole. Les locataires du parc social sont
également concernés par ces difficultés socio-économiques. Or, une longue période de précarité
peut conduire à des « troubles mentaux caractérisés. Un lien de causalité est alors
identifiable »22
et nécessite une mise en cohérence les politiques de santé mentale et d’inclusion
sociale notamment par le logement23
. Cette orientation est d’autant plus forte lorsqu’il s’agit de
personnes âgées24
. En effet, la SAHLM d’OZANAM constate que « 50 % des locataires ont
plus de 50 ans et certains ont besoin de soins psychiques en raison des démences »25
.
Les troubles mentaux des locataires concernent autant les bailleurs sociaux de la métropole que
ceux des départements d’outre-mer. Toutefois, elle dénote une acuité plus forte en
Martinique, en raison du contexte socio-économique et de l’organisation psychiatrique
qui impacte la gestion des bailleurs sociaux. Outre le respect des dispositions réglementaires
nationales, les bailleurs sociaux vont, également, au-delà de la gestion contractuelle pour
trouver des solutions innovantes. Les réponses apportées sont variables d’un bailleur social à
l’autre. Les caractéristiques communes reposent sur la volonté des dirigeants. Ces derniers
développent des projets inédits puis ils osent impulser les partenaires médico-sociaux. « C’est
sur le terrain, que les législations et les différents professionnels du logement social et de la
santé mentale se croisent »26
. Dans ce contexte, les bailleurs sociaux définissent les stratégies
relatives à l’accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental (partie
1). Puis, ils déterminent les conditions liées au maintien dans les lieux de ces locataires (partie
2).
20
Institut d’Émission d’Outre-Mer, rapport 2015 sur la Martinique, édition 2016, 180 pages
21
Revenu médian : la moitié de la population a un revenu inférieur, l’autre moitié à un revenu supérieur.
22
P. Jean-Parquet, Souffrance psychique et exclusion sociale, rapport remis au secrétaire d’Etat à la lutte contre la
précarité et l’exclusion auprès du Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, septembre 2003,
p.26, 59 pages
23
IGAS, François CHEREQUE et Simon VANACKERE, Évaluation de la première année de mise en œuvre du
plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale – janvier 2014, 255 pages
24
https://www.insee.fr/fr/statistiques/2128984. Actuellement, près d’une personne sur quatre a plus de 60 ans en
Martinique. En 2030, près de 40 % de la population en Martinique sera âgée de plus de 60 ans contre 30 % en
métropole.
25
Propos recueillis auprès d’Isabelle Louison, responsable de la gestion locative à la SAHLM D’OZANAM
26
Propos recueillis auprès de Louis Valère MARIELE de l’Association des Organismes HLM de la Région Ile-
de-France (AORIF).
4
TITRE 1 :
ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL
DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
5
Les bailleurs sociaux gèrent, de plus en plus, des ménages vulnérables susceptibles de présenter
des troubles mentaux27
(chapitre 1). Pour anticiper les demandes de logement social émanant
de ce public, les organismes HLM s’organisent, avec les partenaires, pour déterminer les
prérequis nécessaires (chapitre 2).
Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux
Les contraintes législatives et réglementaires en Martinique sont identiques à celles de la
métropole. En effet, la loi s’applique sur tout le territoire français. Ces dispositions fondent les
responsabilités juridiques des bailleurs sociaux dans le cadre de l’accès dans le logement social
(section 1). Par conséquent, les conditions de traitement des demandes de logement social ont
été clarifiées (section 2).
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux doivent respecter les principes de non-discrimination et le droit de priorité
réservé aux personnes handicapées (1). Pour favoriser l’accès dans le logement social de ce
public, différents dispositifs ont été mis en place (2).
Paragraphe 1 : Les principes de non-discrimination et le droit de priorité
En droit interne, le préambule de la Constitution de 1946 dispose, en son article 10, que « la
Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ».
« Elle garantit à tous… la sécurité matérielle [et] le repos…». « Tout être humain qui, en raison
de son âge, de son état physique ou mental…a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens
convenables d’existence » (art. 11). Ces articles concernent indirectement le logement.
Puis, la loi du 6 juillet 198928 tendant à améliorer les rapports locatifs entre les locataires et les
propriétaires reconnaît que le droit au logement est un « droit fondamental ». « Aucune personne
ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire29. Au terme du
dudit article 225-1 du code pénal, tel que modifié, par la loi du 18 novembre 2016 relative à la
27
En Martinique, en 1991, un seul demandeur atteint d’un trouble mental avait été signalé par un bailleur social
à l’ALS. En 2016, 77 dossiers, relatifs à des demandeurs, ont été orientés à l’ALS contre 25 en 2008.
28
Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 « tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°
86-1290 du 23 décembre 1986 », JORF du 8 juillet 1989
29
Art. 225-1 du code pénal
TITRE 1 : ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL
DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
6
« modernisation de la justice du XXIe siècle »30
, la discrimination concerne «… toute distinction
opérée entre les personnes physiques sur le fondement…de leur état de santé, de leur perte
d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques… ». L’interdiction de
discrimination porte, entre autres, sur le refus d’attribuer un logement aux personnes
handicapées alors que les critères d’attribution sont réunis. Le non-respect de ces dispositions
est sanctionné pénalement de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant
aller jusqu’à trois ans (art. 225-2 du code pénal).
Par ailleurs, la loi du 21 décembre 200131 vise à accorder une priorité dans l’attribution
des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur
charge une personne handicapée.
Enfin, la loi égalité citoyenneté du 27 janvier 201732 dispose que les personnes en situation
de handicap telle que définie à l’article L.114 du code de l’action sociale et des familles sont
prioritaires quant à l’attribution d’un logement social (art.70 a). Ainsi, « constitue un
handicap…une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions
physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un
trouble de santé invalidant ». Par conséquent, la notion de « handicap » est un terme
générique qui englobe diverses situations, dont le public est prioritaire pour l’attribution
d’un logement social.
Trois indicateurs permettent, aux bailleurs sociaux, de prendre en compte le critère de priorité.
 Le droit de priorité s’impose, lorsque la rubrique « handicap » de la demande de logement
social est dûment complétée par les demandeurs. En effet, le candidat devra fournir la carte
d’invalidité ou l’attestation relative à la reconnaissance du handicap (art.L.441-1 du CCH)
ou un certificat médical.
 Le droit de priorité peut être pris en compte, lorsqu’un établissement de santé mentale a
proposé un candidat ou lorsque les candidats sont reçus lors de l’entretien avant l’attribution
des logements et qu’un handicap a été repéré. Le chargé d’attribution pourra approfondir ce
sujet avec le demandeur. Toutefois, les troubles mentaux des candidats ne sont pas
« immédiatement visibles ». De plus, ces troubles ne sont pas « permanents ».
30
Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, JORF n°0269 du 19
novembre 2016, texte n° 1
31
Loi, n° 2001-1247 du 21 décembre 2001 « visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements
sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation
de handicap », JORF n°299, texte n°2
32
Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, « relative à l’égalité et à la citoyenneté », JORF n°0024, texte n°1
7
Cependant, tous les demandeurs ne sont pas reçus avant l’attribution, d’où la difficulté à déceler
un éventuel « handicap ».
Selon le Défenseur des droits33
« il est difficile d’avoir des preuves relatives à la
discrimination liée à un refus d’attribution d’un logement pour un demandeur handicapé ».
Aucune affaire juridique, pour motif de discrimination liée au handicap, ne concerne les
bailleurs sociaux interrogés. Toutefois, trois délibérations relatives à un handicap et à l’accès
dans un logement social ont été émises par le Défenseur des droits34
.
 La délibération du 14 mai 200735 relative à un refus d’attribution d’un logement social
en raison du mode de vie du demandeur, dont la réclamante était mère handicapée et élevait
seule son enfant. La commission d’attribution de logement social (CAL) de l’OPHLM a
ajourné sa demande car son « mode de vie est incompatible avec une jouissance paisible d’un
logement, ainsi qu’avec l’obligation d’user de la chose louée en « bon père de famille » au
sens des articles 1719 et 1728 du code civil laquelle rend impossible toute attribution de
logement d’une offre de logements adaptés…». En l’absence d’infraction et à la demande du
maire, la police municipale a réalisé une enquête sur la famille. Cela constitue une atteinte au
respect de la vie privée36
. Par ailleurs, le rapport date de 3 ans et n’a pas été réactualisé. La
décision d’ajournement est donc discriminatoire. L’organisme HLM doit adopter des règles
précises, vérifiables et réexaminer le dossier de la réclamante. Le bailleur social doit
rendre compte à l’autorité administrative dans un délai de 3 mois.
 La délibération du 2 juillet 200737 enjoint, un autre, organisme HLM a attribué un
logement au rez-de-chaussée en raison de la « lourdeur du handicap du plaignant » malgré le
refus de la commission d’attribution pour cause de saturation et d’un faible taux de rotation
du parc social. En effet, les critères de priorité n’ont pas été pris en compte par cette instance.
33
La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été créée en 2005. Elle a été
dissoute le 1 mai 2011. Les missions ont été transférées au Défenseur des droits. C’est une autorité administrative
constitutionnelle indépendante chargée « de veiller au respect des droits et des libertés [des individus] et des
organismes investis d’une mission de service public » art 71.1 de la Constitution de 1958.
34
Après avoir contacté le Défenseur des droits, je n’ai pas pu obtenir des délibérations plus récentes.
35
HALDE, délibération relative à un refus d’attribution de logement social en raison du mode de vie de la
réclamante, n°2007-112 du 14 mai 2007
36
Art. 9 du code civil et articles 8 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de
l’Homme (CESDH).
37
HALDE, délibération relative au refus d’attribution d’un logement social pour cause de saturation du parc en
dépit du handicap de la plaignante, n°2007-1979 du 2 juillet 2007
8
 Enfin, la délibération du 18 juin 200738 relative au refus d’attribution de logement pour
pénurie de logements et cumul de handicap (mère plus enfant) entraînent une difficulté
à trouver un logement adapté. La HALDE déclare irrecevable ces motifs. Outre les articles
cités précédemment, la HALDE fait référence également à l’article 9 de la Convention relative
aux Droits de l’Enfant (CDE) qui impose aux États parties de veiller « à ce que l’enfant ne
soit pas séparé de ses parents contre leur gré… à moins que cette séparation soit nécessaire
dans l’intérêt de l’enfant ». Les arguments avancés par les bailleurs sociaux mettent en
évidence que le dispositif d’attribution pour les personnes handicapées est ineffectif et que
l’ordre de priorité des candidats est inexistant. Par conséquent, ces bailleurs sociaux ont violé
les dispositions de la CESDH (art. 8 et 14), de la CDE (art.9) ainsi que les obligations relatives
aux critères de priorité. Les organismes HLM doivent proposer un logement dans un délai
de 4 mois.
Pour éviter les risques de discrimination liés à l’accès dans un logement social des personnes
handicapées, les bailleurs sociaux s’engagent, de plus en plus, à fixer les critères de priorité des
candidats. Par ailleurs, ils veillent à la bonne affectation des logements destinés aux demandeurs
handicapés. À défaut, ils assurent une recherche effective de logement adapté. En outre,
différents dispositifs visent à favoriser l’accès dans le logement social des personnes
vulnérables.
Paragraphe 2 : Les dispositifs destinés à favoriser l’accès dans le logement social des
personnes vulnérables
La loi « Besson » du 31 mai 1990 relative à la mise en œuvre du droit au logement (art.1) et la
loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (art.33) ont favorisé l’accès au logement
social des personnes défavorisées cumulant des difficultés. Puis, la loi de Mobilisation pour
le Logement et la Lutte contre les Exclusions (MOLLE) du 25 mars 2009 a favorisé le
parcours résidentiel39. Celui-ci a été rendu effectif par la loi pour l’Accès au Logement et
un Urbanisme Rénové (ALUR) du 24 mars 2014. En effet, cette loi a rapproché le Plan
Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées (PDALPD) et le Plan
38
HALDE, délibération relative au refus d’attribution de logement pour pénurie de logement et cumul de
handicap, n° 2007-162 du 18 juin 2007
39
Le parcours résidentiel consiste à accompagner les locataires, tout au long de leur vie, en leur proposant des
logements adaptés à leur situation, aux revenus, aux évolutions de la composition des ménages, à l’âge et à la
santé, en facilitant les mutations au sein du parc social. Le parcours résidentiel s’entend depuis la rue, en passant
par l’hébergement, le logement social, jusqu’à permettre aux locataires de devenir propriétaire.
9
Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion (PDAHI40
). En Martinique, ces
documents de pilotage ont été prorogés jusqu’en décembre 2017. L’axe 6.1 vise à développer
la coopération entre les associations et les bailleurs sociaux afin de favoriser le parcours
résidentiel des personnes sans logement ou hébergées pour obtenir un logement social.
Ainsi, selon certains bailleurs sociaux « les structures chargées de l’accueil demandent de plus
en plus de logements sociaux ». Or, ces publics sont confrontés, plus souvent, à des troubles
psychosociaux et à des troubles mentaux41
. En outre, le Service d’Insertion d’Accueil et
d’Orientation (SIAO42
), de la Martinique, a sollicité auprès de l’État, « la généralisation du
logiciel SYPLO (Système Priorité Logement) ». C’est un outil de gestion et de pilotage du
contingent des logements sociaux réservés aux populations défavorisées.
Enfin, la loi du 5 mars 2007 relative au Droit Au Logement Opposable (DALO) reconnaît
aux personnes handicapées le droit de saisir l’État pour obtenir un logement social. Cela
concerne, notamment, les personnes logées dans un local manifestement sur-occupé ou non-
décent, lorsqu’elles ont à charge une personne handicapée ou sont elles-mêmes handicapées,
ou si elles sont hébergées dans une structure d’hébergement ou logées temporairement.
En conclusion, les organismes HLM, ont commencé, dès 1990, à accueillir davantage de
demandeurs défavorisés mais autonomes. Depuis les années 2000, avec l’élargissement du
public et grâce aux outils de pilotage (ex : PDALPD, PDAHI, SIAO, DALO), de plus en plus,
des personnes vulnérables, moins autonomes, obtiennent un logement social, dont les
candidats atteints d’un trouble mental. Par conséquent, les bailleurs sociaux doivent être
vigilants quant au respect des critères de priorité et de non-discrimination. De ce fait, ils ont
défini les conditions de traitement des demandes de logement social.
40
Plan d’hébergement est élaboré par la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale (DJSCS :
service déconcentré de l’Etat) chargé de gérer tout le dispositif d’hébergement.
41
Vincent GIRARD, Pascale ESTECAHANDY, Pierre CHAUVIN, rapport sur la santé des personnes sans chez
soi remis à Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de la Santé et des Sports novembre 2009, 231
pages
42
Le Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation est chargé d’orienter les personnes sans logement ou les
personnes hébergées vers un habitat plus stable.
10
Section 2 : Le traitement des demandes de logement social
Pour respecter les objectifs de priorité, de parcours résidentiel et éviter les risques de
discrimination, les bailleurs sociaux de la Martinique ont adapté leurs pratiques. En effet, ils
soumettent, également, certaines analyses de demande de logement social à des intervenants
sociaux (1) pour que les décisions de la commission d’attribution soient argumentées (2).
Paragraphe 1 : Une analyse complémentaire de la demande de logement par des
intervenants sociaux
Les bailleurs sociaux de la Martinique ont clarifié la procédure de gestion des demandeurs
atteints d’un trouble mental. Celle-ci s’effectue en trois phases.
§ L’instruction de la demande par le bailleur social
L’analyse de la demande de logement social est réalisée par le chargé d’attribution. En dépit du
caractère prioritaire, les demandeurs atteints d’un trouble mental relèvent, au même titre,
que les autres demandeurs, des critères d’attribution fixés par le CCH43. En effet, il ne faut
pas confondre le droit de priorité avec le droit d’attribution. Or, si, le demandeur ne mentionne
pas qu’il est handicapé ou s’il a refusé ce statut ou s’il ne perçoit pas l’Allocation Adulte
Handicapée (AAH), les règles relatives aux critères de priorité ne s’imposeront pas au bailleur
social. Lors de l’entretien préalable, si le chargé d’attribution constate qu’un demandeur a des
difficultés de compréhension, qu’il tient des propos incohérents, qu’il a une hygiène douteuse,
ou qu’il est agressif ou si sa réaction semble disproportionnée pendant l’entretien, le candidat
sera orienté vers l’Association pour le Logement Social (cf. présentation succincte de l’ALS,
annexe 4 p.63). Si celui-ci (ou un membre de la famille) dispose de l’AAH, mais dont le
handicap n’est pas visible physiquement, il sera également dirigé vers l’ALS.
§ L’analyse et les orientations préalables à l’attribution effectuées par l’ALS
Les demandes de logements sont adressées par les mairies et par la Collectivité Territoriale de
la Martinique (pour les PLAI44
) et exceptionnellement par la commission de médiation du
DALO. Les bailleurs sociaux orientent toute demande quelle que soit la catégorie de
financement du logement social45
à l’ALS (cf. annexe 5 p. 64).
43
Art. L.441 à L.441-2-9 et articles L.442-1 à L.442-12
44
Prêt Locatif Aidé d’Intégration correspondant en Martinique au Logement Locatif Très Social (LLTS)
45
PLAI, Prêt Locatif à Usage Social, Prêt Locatif Social
11
L’analyse effectuée par l’ALS repose sur les dispositions du CCH, décrites
précédemment, et sur le code de l’action sociale et des familles46. À ce titre, l’ALS a créé,
en 2010, le « passeport-logement de l’hébergement au logement » (cf. annexe 6 p.65). Il intègre
des indicateurs permettant d’évaluer la capacité des ménages à accéder à un logement. Il repose
sur un diagnostic partagé de l’évolution de la situation du demandeur de l’hébergement au
logement. C’est également, un outil d’évaluation qui précise le degré d’autonomie et si
l’objectif est atteint ou non pour chaque item. Les trois grands domaines évalués correspondent
à la capacité à occuper et à utiliser un logement de manière autonome (ex : capacité à
entretenir son espace de vie), la capacité à assumer financièrement le logement et la capacité
à vivre en collectif. Même, si le demandeur n’est pas issu d’une structure d’hébergement, ces
items seront analysés. Ce « passeport-logement » a été synthétisé en deux pages (cf. annexe 7
p.66).
Depuis peu, un infirmier psychiatrique, bénévole, travaille à l’ALS. Il apporte son expertise tant
dans les analyses préalables que dans l’accompagnement des locataires. Les conseillères
sociales sont habilitées à intervenir dans tous les domaines de la vie quotidienne pour conseiller,
orienter et résoudre les difficultés des ménages par la mise en place de diverses « prestations »47
,
dont le demandeur de logement social et, en particulier les « personnes handicapées »47
.
Ainsi, les conseillères sociales sollicitent les partenaires médico-sociaux (Caisse
d’Allocations familiales, structures d’hébergement etc.) pour obtenir les informations
nécessaires afin d’alimenter le diagnostic socio-économique qui sera adressé au bailleur social
concerné. Elles organisent, ensuite, un entretien avec le demandeur au siège de l’ALS. Puis
elles effectuent une visite à domicile, seules ou accompagnées de l’infirmier psychiatrique,
d’une collègue ou du partenaire qui a proposé le candidat. L’objectif est d’apprécier la situation
du logement. Après cette visite à domicile, les conseillères sociales émettent un avis argumenté
pouvant être favorable, réservé ou défavorable quant à l’attribution d’un logement social (cf.
annexe 5 situation C p.64).
Pendant cette phase, le demandeur est informé des responsabilités qui lui incomberont en
qualité de futur locataire et des conséquences en cas de non-respect. Puis la conseillère sociale
lui explique l’état de ses difficultés, les actions qui seront mises en œuvre ainsi que la décision
de l’ALS après avoir consulté les partenaires médico-sociaux.
46
Art. L.114-1, L115-1 à L.115-3, L.116-1 L.116-2 du code de l’action sociale et des familles
47
Art. 116-1 du code de l’action sociale et des familles
12
§ L’animation d’une réunion médico-sociale
L’ALS réunit l’ensemble des partenaires concernés, dans le cadre d’une « réunion de
concertation ». Les partenaires mobilisés sont tous ceux qui peuvent apporter une réponse aux
difficultés rencontrées par le demandeur (secteur social, médical, de l’hébergement, de
l’addiction, personnes âgées etc.).
L’objectif de la réunion de concertation est de rendre compte du diagnostic de l’ALS. Si l’avis
est défavorable ou réservé, l’ALS préconisera le report de l’entrée dans le logement social. En
effet, cette option est prise, lorsque le demandeur n’est pas stabilisé sur le plan psychique.
L’ALS proposera une orientation vers les structures d’hébergement ou vers les établissements
hospitaliers ou vers le parc privé. Ces choix reposent sur le principe de « bienveillance » du
demandeur pour assurer le bien-être du ménage et des autres locataires. En effet, il s’agira
d’éviter, d’éventuelles, nuisances sonores et olfactives ou une possible dégradation des lieux
ou une probable procédure d’expulsion. Pour renoncer au logement social, les candidats (ou les
tiers responsables) rédigent une lettre d’annulation. À l’issue de cette réunion de concertation,
un compte rendu est réalisé et adressé à tous les partenaires concernés.
L’ALS veille à respecter le principe du droit au logement en recherchant des solutions
adaptées, sans nier les règles relatives au parcours résidentiel, à la non-discrimination, au
droit de priorité accordé aux locataires atteints d’un trouble mental. L’équilibre est
précaire, mais l’avis se veut le plus juste possible et s’inscrit dans le cadre d’une
concertation avec les partenaires. L’ALS dispose d’un délai d’un mois, renouvelable une
fois pour remettre ces conclusions au bailleur social concerné.
En Martinique, l’analyse est réalisée par l’ALS puis restituée aux partenaires, tandis qu’en
métropole, le secteur de la santé mentale (ex : hôpital psychiatrique) a mis en place des
commissions d’évaluation pluridisciplinaire. « La commission d’évaluation médico-sociale
est souveraine pour évaluer l’autonomie d’un demandeur. Le bailleur social n’assiste pas à ces
commissions. Mais le secteur médico-social sera chargé de l’accompagnement après l’entrée
dans les lieux. De plus, cela n’empêche pas le bailleur social de recevoir le candidat lors de
l’entretien préalable à l’attribution » comme le confirme Lille Métropole Habitat. Toutefois,
les bailleurs sociaux rappellent que le diagnostic remis concerne des données fournies à un
instant “T”. De ce fait, les situations sont susceptibles d’évoluer. Les éléments d’appréciation,
transmis aux bailleurs sociaux, sont ceux qui pourraient avoir un impact sur l’intégration dans
la résidence. La commission d’attribution statuera en fonction de ces informations.
13
Paragraphe 2 : Les décisions de la commission d’attribution des logements
En Martinique, les commissions d’attribution des logements valident, ou non, l’avis de l’ALS.
Nonobstant du caractère prioritaire, la commission d’attribution peut prendre quatre décisions
(art.R.441-3 du CCH). Celles-ci peuvent concerner un seul candidat ou plusieurs
demandeurs qui seront classés par ordre de priorité. L’attribution d’un logement peut
s’effectuer sous conditions suspensives. Dans ce cadre, la commission fixe le délai pendant
lequel le demandeur pourra communiquer les documents réclamés. Ce délai ne peut être
inférieur à dix jours à compter de la notification de la décision. Puis, la commission peut
rejeter la demande pour irrecevabilité du dossier, notamment, lorsque le demandeur n’a pas
un titre de séjour régulier de plus de trois mois, ou s’il dépasse les plafonds de ressources requis
pour l’attribution d’un logement.
Issus de la pratique, les motifs de non-attribution sont plus nombreux. En effet, cela
concerne :
 Les dossiers incomplets ou si les informations sur la demande de logement sont inexactes,
 L’inadaptation du logement à la taille du ménage (sur-occupation ou sous-occupation),
 La localisation du logement aux besoins du ménage (trop éloigné des équipements
répondant aux besoins des demandeurs),
 Les demandeurs bénéficiant, déjà, d’un logement adapté ou si le candidat est propriétaire
d’un bien, compatible à la taille et aux ressources du ménage,
 L’absence d’une offre correspondant aux souhaits du demandeur, après que le bailleur
social ait suggéré au candidat d’élargir le territoire de recherche,
 L’inadéquation du profil du demandeur avec la catégorie du logement,
 Le refus exprimé par le demandeur avant que la commission d’attribution se réunisse, ou
s’il exprime le souhait de radier sa demande.
La commission d’attribution analyse, également, le taux d’effort, le reste à vivre et la capacité du
locataire à s’adapter dans un logement collectif avant de prononcer une non-attribution. Le
taux d’effort correspond à l’effort financier consenti par le ménage pour se loger48
. Le seuil de 30 %
de taux d’effort est un seuil d’alerte pour les bailleurs sociaux de la Martinique. Ils refusent,
éventuellement, un demandeur lorsque ce taux d’effort est supérieur à 30 %. Cela signifie que les
ressources sont insuffisantes pour payer les charges courantes (eau, électricité, loyer etc.). Une
48
Calcul du taux d’effort : (loyer + charges – allocation logement / ressources mensuelles)*100
14
attention particulière est alors portée sur le reste à vivre49
. Il se rapporte à la somme disponible,
chaque jour, pour chaque membre d’un ménage, une fois réglé les dépenses incompressibles. « Le
seuil de 10 à 15 € par jour et par personne constitue un seuil d’alerte » selon Christophe CANU50
.
Par conséquent, les demandeurs risquent d’avoir des difficultés pour honorer le loyer. En outre,
lorsqu’un candidat est en incapacité de s’adapter à un logement collectif, la commission
d’attribution peut adresser une notification de non-attribution. Cette décision est prise en s’appuyant
du diagnostic circonstancié de l’ALS. Parfois, ce dossier est alimenté des témoignages écrits des
voisins, des copies des mains courantes pour troubles de voisinage, pour détérioration des biens ou
pour violences physiques ou verbales envers les tiers.
Certains bailleurs sociaux de la métropole ont complété cette liste de non-attribution. En effet,
le candidat qui refuse l’accompagnement médico-social lui permettant une bonne intégration dans
le logement, ou le demandeur qui est dans l’incapacité de comprendre les clauses contractuelles et
de signer le contrat de location, une décision de non-attribution pourra être prise51
. Il en est de même,
lorsque le groupe immobilier est confronté à des difficultés économiques et sociales, alors que
l’objectif est de respecter les critères de mixité sociale (art. 441-1 du CCH). Dans ce cas, le bailleur
social doit prouver, par exemple, par des articles de presse, que la résidence connaît des difficultés
sociales importantes. Par conséquent, en cas de nécessité, tous les critères de droit commun
peuvent être mobilisés pour écarter, légalement, un demandeur et l’orienter vers des
structures plus adaptées.
Le règlement de fonctionnement et la charte d’attribution ont le mérite de définir les critères de
priorité et ceux qui sont relatifs au parcours résidentiel. Puis, la charte d’attribution fixe les objectifs
de mixité sociale et détermine les motifs de rejet et de non-attribution. Cette transparence est
nécessaire pour sécuriser les notifications, garantir les droits des demandeurs et l’égalité de
traitement. De plus, cela limite d’éventuels recours contentieux. Pour se prémunir de ces risques,
les bailleurs sociaux, de la métropole, ont spécifié les prérequis nécessaires pour réussir l’accès dans
le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental.
49
Calcul du reste à vivre : [ressources mensuelles – (loyer + provision pour charges) - allocation logement – dépenses
incompressibles] / nombre d’occupants/30 jours. Les dépenses incompressibles concernent l’eau, l’électricité, les assurances,
la mutuelle, la taxe d’habitation, l’impôt sur le revenu, les remboursements d’emprunts etc…
50
Christophe CANU, USH, direction des études économiques et financières, intervenant en économie du logement social à
l’université de Paris 13
51
Le droit des contrats rappelle que les parties s’obligent à respecter l’autonomie de la volonté, la liberté et l’équilibre
contractuels. Le bailleur social en qualité de « sachant » est responsable devant la loi. Lorsqu’un demandeur est atteint d’un
trouble mental, le bailleur social ne peut pas respecter ces principes contractuels.
15
Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement
social des demandeurs atteints de troubles mentaux
Dans le cadre de l’accès dans le logement social, les bailleurs sociaux ont construit un
partenariat institutionnel et médico-social (section 1). Puis, pour satisfaire aux critères de
priorité et de non-discrimination, ils ont diversifié l’offre alternative au logement social (section
2).
Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer
l’accès dans le logement social
Les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), la Préfecture, le Conseil
Départemental et les bailleurs sociaux ont arrêté la liste des personnes prioritaires (1).
Parallèlement, ils ont participé à la structuration du partenariat médico-social préalablement à
toute attribution de logement (2).
Paragraphe 1 : Déterminer les ordres de priorité des publics vulnérables
L’accord collectif, créé par la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et, modifié
par la loi du 27 janvier 2017 est intégré à l’article L.441-1-1 du CCH. Cet article précise que
« l’établissement public de coopération intercommunale… disposant d’un programme local de
l’habitat adopté peut proposer aux organismes disposant d’un patrimoine locatif social… de
conclure pour trois ans un accord collectif intercommunal ». Il permet de définir :
 pour chaque organisme, un engagement annuel quantifié d’attribution de logements
aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3
et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de
l’article L. 441-1 ;
 les moyens d’accompagnement et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre et au
suivi de cet engagement annuel ».
Compte tenu des nouveaux publics prioritaires issus de la loi Égalité Citoyenneté, la Métropole
du Grand Lyon a, déjà, modifié cet accord collectif intercommunal. L’objectif est de « créer
une entente entre les partenaires et de limiter la concurrence entre la longue liste des personnes
prioritaires. Ainsi, les partenaires ont défini les critères de priorité et ils ont déterminé un
quota pour chaque catégorie dans la limite des 25 % de logements destinés aux personnes
défavorisées ». Par ailleurs, « une convention a été signée avec les réservataires, pour céder
leurs droits aux personnes prioritaires tels que définis dans le présent accord ».
16
La Communauté d’Agglomération du Sud de la Martinique (CAESM), la Communauté
d’Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et la Communauté d’Agglomération
du Pays Nord Martinique (CAP NORD) sont dotées d’un plan local de l’habitat. La mise en
place de l’accord collectif intercommunal limiterait le nombre de demandeurs vulnérables
hors contingents. Cela permettrait de satisfaire aux exigences réglementaires et éviterait
d’éventuels recours juridiques. Par conséquent, les bailleurs sociaux, de la Martinique,
pourraient s’équiper d’un logiciel de la cotation de la demande. Les bailleurs de la métropole
ont, également, impulsé la structuration du partenariat médico-social.
Paragraphe 2 : Structurer le partenariat médico-social en amont de l’attribution
Les bailleurs sociaux ont identifié les partenaires à mobiliser qui pourraient intervenir dans le
cadre de l’accès et du maintien dans les lieux des personnes atteintes d’un trouble mental. Pour
formaliser ce partenariat, une charte relative au secret professionnel, un guide sur la santé
mentale et le logement ainsi que des conventions signées avec le secteur de la santé mentale ont
été élaborés.
§ Phase 1 : la création d’un réseau médico-social
Selon les bailleurs sociaux interrogés52, « dans un premier temps, il s’agira de mobiliser
l’Agence Régionale de la Santé (ARS), la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion
Sociale (DJSCS), les EPCI, le Conseil Départemental et les communes concernées. Ces
partenaires dresseront l’inventaire des associations du secteur de la précarité et de la santé
mentale. Des rencontres seront programmées, pour apprendre à se connaître et comprendre
les missions et les limites des structures sociales et médicales. Il s’agira de présenter le rôle
et les contraintes du bailleur social ». Cette phase peut durer 2 ans53
à 4 ans54
. « Ce type de
partenariat s’inscrit nécessairement dans le temps pour développer l’interconnaissance et
mettre en place des formations communes. Dans une première phase, les dirigeants seront
impliqués, puis dans une deuxième phase, les agents opérationnels seront mobilisés. Le but est
de créer des réseaux médico-sociaux autour du bailleur social ». Selon les territoires, la mise
en place de ce partenariat a été à l’initiative des bailleurs sociaux55
ou du secteur de la santé
mentale, comme dans le département de l’Isère ou sur proposition de la commune (Mairie de
Nanterre).
52
Liste des bailleurs sociaux interrogés présentée en annexe 1 page 55
53
Bailleurs sociaux relevant du secteur de l’AORIF à Paris
54
Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon
55
AORIF, Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon
17
Les bailleurs sociaux considèrent que ces rencontres développent une « culture et un langage
communs ainsi qu’une autre posture professionnelle ». Le réseau garanti « l’articulation, la
mutualisation des connaissances et des compétences. Il apporte des réponses en termes de
relais, de nouvelles approches en matière de méthodologie. Chaque partenaire subit des
injonctions paradoxales. À travers les réseaux, il s’agit de voir comment les gommer pour aller
tous dans le même sens. C’est décider ensemble de prendre soin d’une personne avec chacun
ses propres moyens. Au vu de la complexité des situations, la gestion est nécessairement
pluridisciplinaire. Le traitement des situations est complexe car il faut connaître le secteur de
la santé mentale et du logement. C’est la politique des petits pas quotidiens qui va permettre
de résoudre certaines difficultés. Cela limite les impayés de loyer et réduit l’état de
dégradation des logements. De plus, cela permet d’orienter les locataires vers d’autres
solutions de relogement en cas d’expulsion ». L’expérience est considérée comme « positive »
car elle permet « d’ancrer le partenariat ».
En revanche, quelques écueils subsistent préalablement et après à la mise en place d’un
réseau médico-social. En effet, il s’agit d’abord de « convaincre le Conseil d’Administration,
la gestion locative, les concierges, le contentieux, les élus et l’ARS » pour qu’ils s’engagent.
Certains bailleurs sociaux regrettent « l’absence de l’ARS », alors que « la mise en place de
cette coordination permet de limiter les coûts financiers ». De plus, le réseau « est
consommateur de temps en raison de nombreuses réunions ». En outre, les bailleurs sociaux
constatent « un turn-over dans le secteur social et médical ce qui [les] obligent à réexpliquer
et à recréer la relation de confiance pour que la collaboration reprenne ». Enfin, l’AORIF
rappelle que « le partenariat ne se décrète pas, que les relations se tissent par affinité, que les
parties adhèrent dès qu’il y a une logique de gagnant-gagnant ». Par conséquent, le bailleur
social doit pouvoir offrir des logements destinés à l’accès pour que les partenaires
interviennent dans le cadre du maintien dans les lieux. Cette coopération repose sur le
partage de certaines informations qui se heurte aux dispositions relatives au secret
professionnel.
§ Phase 2 : l’élaboration d’une charte relative au secret professionnel (cf. annexe 8 p.67)
Le secret professionnel est issu du code de la santé publique (R.4127-4 et R.4127-35). Il est
« institué dans l’intérêt des patients et s’impose à tout médecin dans les conditions établies par
la loi ». De plus, l’article 226-13 du code pénal dispose que « la révélation d’une information
à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit
en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et
18
de 15 000 euros d’amende », sauf dispositions contraires prévues par la loi. Les bailleurs
sociaux interrogés sont unanimes sur la question du secret professionnel. « La santé ne fait pas
partie de leurs compétences, par conséquent, ils n’ont pas besoin de connaître la pathologie du
demandeur ou du locataire. Le bailleur social n’a pas de compétence pour déterminer si une
personne souffre d’un trouble mental ou non ». Pour permettre au réseau de fonctionner, les
organismes HLM ont participé à la rédaction d’une charte relative au secret professionnel.
Celle-ci rappelle le cadre juridique, l’engagement des partenaires et les modalités de partage
des informations. Lorsque les partenaires ont déterminé ces principes de base, ils ont élaboré
un guide sur la « santé mentale et le logement ».
§ Phase 3 : la rédaction d’un guide santé mentale et logement
Ce guide permet de définir les bases d’un partenariat autour du projet d’accès et de maintien
dans le logement. En complément de ce guide, les bailleurs sociaux ont participé à la réalisation
« d’un annuaire des partenaires du territoire » afin de pouvoir travailler concrètement. Certains
ont développé, avec les partenaires concernés, une plateforme internet pour favoriser les
échanges et valoriser les pratiques, tels que le SPEL (Santé Psychique et Logement) de la
Métropole du Grand Lyon ou le Centre de Ressources sur le Handicap Psychique (CREHPSY)
de Lille Métropole Habitat. Pour rendre ce partenariat plus opérationnel, des conventions sont
signées directement entre les bailleurs et le secteur de la santé mentale pour préparer les
demandeurs atteints d’un trouble mental à obtenir un logement social.
§ Phase 4 : la mise en place d’une convention partenariale avec le secteur de la santé
mentale
Certains bailleurs sociaux56
ont signé des conventions avec l’hôpital psychiatrique et/ou les
services ambulatoires57
(cf. annexe 9 p.68) pour favoriser l’accès dans le logement social des
demandeurs « stabilisés ». La stabilisation n’est jamais pérenne. Cette convention définit le
rôle et les responsabilités du bailleur social et du partenaire qui a présenté le candidat.
Cette convention détermine les modalités opérationnelles, en vue d’harmoniser les pratiques
sur le territoire. Souvent un référent chargé de la convention ou de la charte partenariale sera
désigné au sein des organismes HLM et des établissements sanitaires. La préparation à l’accès
dans le logement social est assurée par une équipe médico-sociale du secteur hospitalier.
56
Lille Métropole Habitat, Métropole du Grand Lyon, bailleurs sociaux de Paris, AORIF, LOGIREM.
57
Le Centre Médico-Psychologique (CMP) est destiné aux adultes à partir de 18 ans. C’est une unité de soins
composée d’une équipe pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues, infirmiers, psychiatres) chargée
de l’organisation des soins à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique.
19
En cas d’attribution, le contrat de location sera signé directement avec le demandeur. Puis, un
contrat d’objectifs et de moyens sera signé entre le demandeur, le référent médical et le
bailleur social. Dans le cadre de ce contrat, chacun déterminera des engagements concrets. Des
rencontres régulières entre les signataires seront programmées en vue de suivre la mise en
œuvre des actions définies préalablement. Ces actions seront adaptées en fonction de chaque
locataire. En cas de non-respect du contrat d’objectif, les partenaires se réuniront pour
déterminer les nouvelles solutions à entreprendre. En Martinique, le contrat d’objectifs et de
moyens est tripartite. Il est signé entre le bailleur social, l’ALS et la structure qui a présenté le
candidat. Ce contrat n’est jamais signé avec un organisme de santé. En outre, il est signé,
uniquement, lorsque l’avis de l’ALS est défavorable alors que la commission a validé
l’attribution d’un logement. Il n’a pas de caractère généraliste comme en métropole.
Pour faciliter la gestion des demandeurs vulnérables, certains bailleurs sociaux exigent la mise
en place d’une tutelle ou d’une curatelle avant l’attribution d’un logement. Le délai
d’instruction, en Martinique, pour une mesure de protection (cf. annexe 10 p.69) est d’un an et
plus, tandis qu’il est de 3 à 6 mois à Paris, Toulouse, Lyon, Lille et Marseille. Certains
psychiatres rappellent que « ces mesures de protection ne doivent pas être systématiques,
puisque qu’il n’y a pas de corrélation entre l’incapacité et le trouble mental, d’autant plus que
celui-ci peut être épisodique ». En d’autres termes, le trouble mental ne provoque pas toujours
une incapacité à penser et à agir en toute cohérence.
Enfin, le secteur médico-social veille également « à ne pas loger des demandeurs dans des
quartiers dits « toxiques », c’est-à-dire connus pour la délinquance, le trafic de drogue, les
nuisances sonores, ne serait-ce que les allées et venues des scooters etc. Pour certaines
personnes vulnérables les risques seraient multiples : déstabilisation psychique, crises à
répétition, consommation de produits illicites, squat du logement, maltraitance, abus de
faiblesse etc. » selon Valérie CHANFREAU de la clinique la recouvrance à Toulouse. Juliette
FURET de l’USH rappelle que « chacun d’entre nous, connaît dans son entourage familial,
amical, professionnel ou dans sa résidence une personne qui a décroché. Confrontés à cette
problématique de santé mentale, les organismes HLM construisent, également, des logements
adaptés ». En effet, certains bailleurs sociaux ont développé une offre alternative au logement
social.
20
Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social
Le taux de couverture en matière d’hébergement est de 0.4 lit en Martinique pour 1 000
habitants contre 1,6 lit en métropole en 201558. Compte tenu du « déficit de structure
d’hébergement, il y a un glissement, depuis fort longtemps, des populations en grande difficulté
vers le logement social », selon un des bailleurs sociaux de la Martinique. De plus, Diane
MONTROSE, conseillère territoriale de l’Assemblée de Martinique, membre du Conseil
d’Administration chez les bailleurs sociaux, « considère que l’arsenal législatif dans le
logement social est conséquent ainsi que celui de la santé mentale. Cette difficulté est encore
plus forte lorsque les personnes ont des troubles de comorbidité (par exemple trouble mental
plus addiction). Il est, alors, très difficile de faire cohabiter des gens ordinaires qui ont un droit
de quiétude avec des locataires ayant des troubles de santé mentale. Par conséquent, pour
respecter le principe du droit au logement, il est nécessaire, aussi, de réhabiliter le parc privé
inoccupé et de développer les alternatives à l’accès au logement social ». Dans ce cadre, les
bailleurs sociaux, de la métropole, favorisent la promotion de structures d’hébergement et de
logement adaptés (1) à des personnes atteintes d’un trouble mental. En outre, ils mettent à la
disposition des associations des logements « ordinaires » (2).
Paragraphe 1 : La promotion des structures d’hébergement et de logement adaptés
La promotion d’habitat spécifique ne constitue pas l’activité principale des bailleurs sociaux.
Néanmoins, divers financements sont mobilisables par les organismes HLM pour construire
des places d’hébergement ou des logements-foyers.
§ Les financements mobilisables par les bailleurs sociaux
Les bailleurs sociaux, de la Martinique, peuvent solliciter une subvention accordée dans le cadre
de la Ligne Budgétaire Unique (LBU) versée par l’État aux opérateurs de logements sociaux
d’outre-mer. Par ailleurs, ils peuvent mobiliser d’autres subventions exceptionnelles auprès
d’Action Logement, des Fondations, de la Sécurité Sociale, de la Caisse d’Allocations
Familiales, des collectivités territoriales concernées ainsi qu’auprès de la Caisse de Garantie du
Logement Locatif Social qui dispose d’un fonds de soutien à l’innovation. Enfin, ils concluent
des prêts auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Il s’agit du prêt locatif
d’urgence et du prêt locatif aidé d’intégration.
58
ARS, fichier statiss, Martinique, 2015
21
 Le Prêt Locatif d’Urgence (PLU) permet de financer des travaux d’amélioration, de
réhabilitation et parfois la construction et l’acquisition de foncier destinés pour des
Centres d’Hébergement d’Urgence (CHU), des Centres d’Hébergement et de Réadaptation
Sociale (CHRS), des Lits en Halte Soin Santé (LHSS) et des hôtels sociaux. Lorsqu’il s’agit
d’une réhabilitation, la durée de remboursement du prêt s’étend de 5 à 25 ans. S’il s’agit
d’une construction, l’amortissement doit être remboursé au maximum sur 40 ans pour le bâti
et 50 ans pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est indexé sur le taux du livret A. Le
remboursement du capital et des intérêts commencent avec un différé de 24 mois. Les fonds
seront versés dans la phase de préfinancement et au plus tard deux mois avant la première
échéance.
 Le Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI) est destiné à financer la construction des
logements-foyers, des CHU, des CHRS et des LLHS. La durée du prêt est de 40 ans
maximum pour le bâti et de 50 ans maximum pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est
indexé sur le taux du livret A. Pendant les premières années (3 ans) le taux est fixe. Les
modalités de mobilisation des fonds et le différé d’amortissement sont identiques au PLU.
Le parc d’hébergement est très étendu. Néanmoins, en Martinique, les partenaires médico-
sociaux ont sollicité, davantage, la construction de logements-foyers.
§ La construction de logements-foyers
Les logements-foyers sont des logements meublés, intégrant des espaces privés et des espaces
collectifs. L’article L.633-1 du CCH dispose que les logements-foyers font l’objet d’une
convention à l’aide personnalisée au logement. Il existe divers types de logements-foyers.
Certains foyers de vie avec hébergement sont destinés aux personnes handicapées. Ces
établissements accueillent des adultes handicapés ayant une certaine autonomie et bénéficiant
d’activités adaptées afin de maintenir leurs capacités. En pension complète, la somme laissée à
l’hébergé est équivalente à 30 % de ses ressources dont le plancher est de 243,27 €. Le surplus
des frais d’hébergement et d’entretien est pris en charge par le Conseil Départemental et par la
Sécurité Sociale. Par conséquent, le bailleur social doit s’assurer que ces partenaires assumeront
leurs responsabilités financières, puisque cela aura une incidence sur le paiement du loyer.
Les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et ayant
des troubles de santé mentale sont des maisons de retraites médicalisées qui proposent un
suivi psychiatrique. La CDC finance ce type d’établissement dans le cadre du prêt locatif social.
22
La promotion de ce type de bien est indispensable au vu du vieillissement de la population
martiniquaise, notamment dans le logement social. La Martinique ne dispose d’aucun
EPHAD psychiatrique.
Les résidences sociales59 sont destinées à de l’hébergement temporaire. L’accueil est proposé
pour un mois renouvelable sans limitation de durée. Ces logements sont attribués aux personnes
en difficulté sociale et économique et/ou ayant des troubles psychosociaux. Un
accompagnement médico-social est mis en place. Récemment, la SMHLM de la Martinique a
affecté 50 logements à la Croix-Rouge. Ces résidences ne connaissent pas de difficultés
majeures car « l’association est présente et intervient rapidement en cas de crise. Le paiement
du loyer est régulier. La gestion est assurée intégralement par cette association ce qui est
« confortable » pour le bailleur social ».
Les maisons relais accueillent des personnes ayant de faibles ressources. Ces ménages sont
isolés, désocialisés ou en situation d’exclusion et dont l’accès à un logement autonome n’est
pas envisageable. Ces personnes sont aussi celles qui ont fréquenté régulièrement les centres
d’hébergement. Il s’agit de proposer un logement stable à durée illimitée. Un hôte ayant des
compétences en matière sociale et d’insertion assure la gestion de la résidence dans la journée.
Il dispose, à ce titre, des coordonnées des différents intervenants (médecins, psychiatres,
travailleur social etc.) qu’il peut mobiliser.
Les partenaires médico-sociaux interrogés60
sollicitent « les bailleurs sociaux, car ils disposent
de l’ingénierie nécessaire pour élaborer un programme de construction, pour rechercher les
financements et pour suivre les travaux. De plus, ils proposent des loyers moins élevés que dans
le parc privé. Par ailleurs ils sont plus sensibles à la question des personnes vulnérables que
le secteur privé ». Lors de la construction ou de la réhabilitation de logements destinés à des
personnes ayant des troubles mentaux, les partenaires médico-sociaux souhaiteraient être
consultés pour apporter des recommandations destinées à adapter les logements. Il s’agit
notamment de veiller au renforcement des normes acoustiques, de s’assurer de l’accessibilité
dans la résidence et dans le logement pour les intervenants médico-sociaux. Par ailleurs, ils
souhaiteraient être associés pour arrêter la taille des logements (type studio ou T2 ou de grands
59
Décret n° 94-1129 du 23 décembre 1994, « modifiant le code de la construction et de l'habitation et relatif aux
conventions passées entre l'Etat, l'organisme propriétaire et l'organisme gestionnaire pour les logements-foyers
dénommés résidences sociales », JORF n°299 du 27 décembre 1994
60
Liste des partenaires médico-sociaux annexe 1 pages 55 et 56
23
logements dont chaque chambre aurait sa salle de bains) et pour fixer la taille des résidences.
Dans la mesure du possible, cela doit être des petites unités de vie (10 à 15 logements environ).
Ces structures devraient être réparties équitablement sur l’ensemble du territoire, implantées à
proximité des centres de soins, des commerces et des services pour faciliter, également, l’usage
des transports en commun.
La production d’habitat spécifique constitue une alternative permettant de stabiliser les
demandeurs avant qu’ils n’accèdent à un logement social. Les demandeurs atteints de troubles
mentaux impactent la direction de la construction, du patrimoine et indirectement les directions
fonctionnelles. Les bailleurs sociaux mettent, également, à la disposition des associations des
logements « ordinaires » pour loger ces demandeurs.
Paragraphe 2 : La mise à disposition de logements ordinaires gérés par les associations
Cette solution repose sur la rédaction d’une convention et l’engagement entre un bailleur social
et une association gestionnaire ou un établissement public administratif tel que les centres
communaux d’action sociale. Ces derniers sont chargés de payer les loyers au bailleur social.
Ce moyen est recherché car le logement existe déjà. Le bailleur social proposera, également,
des logements vacants difficiles à relouer ou trop excentrés de la ville. Les partenaires médico-
sociaux suggèrent la mise à disposition de logements qui seront mobilisés pour les appartements
de coordination thérapeutiques, pour les familles gouvernantes et pour le bail glissant.
Les appartements de coordination thérapeutique proposent un hébergement « à titre
temporaire pour des personnes en situation de fragilité psychologique et sociale et nécessitant
des soins et un suivi médical, de manière à assurer le suivi et la coordination des soins,
l’observance des traitements et à permettre un accompagnement psychologique et une aide à
l’insertion »61
. Ces appartements sont gérés par des associations et financés par l’hôpital
psychiatrique. Les logements attribués ne peuvent pas être considérés comme le domicile du
patient.
Le dispositif de familles gouvernantes est né d’une initiative associative (Union Nationale
des Associations Familiales). Les ménages bénéficiant d’une tutelle ou curatelle cumulent,
souvent, de nombreux handicaps. Ils sont très fortement désocialisés et sont dans l’incapacité
61
Décret n° 2002-1227 du 3 octobre 2002 relatif aux appartements de coordination thérapeutique
24
de gérer les aspects de la vie quotidienne. Le bailleur social peut mettre à la disposition de cette
association un logement pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes. La gestion du quotidien sera
assurée par une gouvernante.
Le bail glissant est issu de la pratique. Il n’existe pas de définition juridique. Il vise à favoriser
l’accès et l’insertion durable dans un logement des ménages éprouvant des difficultés. Pendant
une période transitoire, l’occupant a le statut de sous-locataire avant de devenir locataire.
L’association gestionnaire est le locataire en titre. Elle assure le paiement du loyer au bailleur
social et effectue l’accompagnement qui est nécessaire. Le bail glissant est une voie d’entrée
dans le logement pour des populations fragiles.
En conclusion de ce premier titre, la mise en place des nouveaux outils de pilotage (ex : DALO,
SIAO) puis l’évolution des textes législatifs a favorisé l’élargissement du public prioritaire dont
les personnes vulnérables et moins autonomes. Afin de respecter les critères de priorité liés à
l’attribution des logements pour les personnes handicapées et pour favoriser le parcours
résidentiel, les bailleurs sociaux ont dû s’adapter. Ils ont renforcé les outils de gestion des
attributions (ex : charte d’attribution des logements réactualisé). Puis, ils ont bâti un partenariat
avec le secteur médico-social construit autour de documents stratégiques (ex : convention avec
l’hôpital psychiatrique). Par ailleurs, certains ont déjà engagé une révision de l’accord collectif
intercommunal. D’autres mobilisent des prêts accordés par la CDC pour diversifier l’offre de
logement adapté ou mettre à la disposition des associations des logements « ordinaires ». Ces
alternatives sécurisent le bailleur social et renforcent la stabilité psychique des demandeurs
avant qu’ils n’accèdent à un logement social.
Cependant, en cours de bail, certains locataires décompensent à cause d’un évènement
traumatique vécu dans le cadre privé ou professionnel. En effet, les bailleurs sociaux ont cité
« le divorce, le décès d’un proche, une ou plusieurs maladies, un accident, le cumul de
difficultés économiques et sociales, les dettes, la perte d’un emploi, la vieillesse etc. ». Les
troubles psychosociaux ou mentaux des locataires, ayant une incidence dans le logement,
impactent la gestion locative et le maintien dans les lieux de ces derniers.
25
TITRE 2 :
MAINTIEN DANS LES LIEUX
DES LOCATAIRES ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
26
Les bailleurs sociaux sont contraints de gérer, dans le temps, les locataires atteints de troubles
mentaux (chapitre 1). Confrontés aux contraintes du secteur de la santé mentale, ils
s’investissent et développent d’autres alternatives pour renforcer la gestion dans le cadre du
maintien dans les lieux (chapitre 2).
Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux
Pour faire face aux conséquences induites par les troubles mentaux, les bailleurs sociaux
engagent leurs responsabilités juridiques (section 1). Ainsi, certains ont développé de nouvelles
stratégies managériales pour la gestion locative (section 2).
Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux
En Martinique, les bailleurs sociaux orientent les dossiers complexes62
à l’ALS (cf. annexes 11
et 11.1 p. 70 et 71). Les conseillères sociales sont chargées d’apporter des réponses sociales et
de mobiliser le secteur médico-social. Cependant, Isabelle Louison responsable de la gestion
locative à la SAHLM d’OZANAM rappelle « qu’initialement, le bailleur social était chargé de
construire des logements sociaux, de les louer et de gérer les locataires qui étaient par principe
autonome. Compte tenu de la dégradation de la santé des êtres humains, du délitement des liens
familiaux, des réductions budgétaires, le bailleur social est contraint de gérer les dommages
collatéraux des troubles de santé mentale et devient le rempart suite aux absences des autres
politiques publiques ». En dépit de cette situation, les responsabilités qui s’imposent aux
bailleurs sociaux concernent la jouissance paisible de la résidence (1) et la prévention des
expulsions (2).
62
Situation traitée en amont par le bailleur social, mais dont les tentatives de réponse ont échouées et dont les
professionnels peuvent être confrontés à une situation de blocage. Les cas présentés sont par exemple : les
locataires souffrant du syndrome de Diogène, tentatives de suicide, incurie, dégradation du logement etc.
TITRE 2 : MAINTIEN DANS LES LIEUX
DES LOCATAIRES ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
27
Paragraphe 1 : Assurer la jouissance paisible de la résidence
Les bailleurs sociaux doivent garantir le droit de jouissance paisible du logement, gérer les
troubles de voisinage et inciter les locataires à signaler les situations de mise en danger d’autrui
ou de maltraitance.
§ Garantir le droit de jouissance paisible du logement
L’obligation de jouissance paisible du logement est un des éléments du contrat de bail qui
s’impose tant au bailleur social qu’aux locataires. En cas de non-respect des clauses
contractuelles par le locataire, le bailleur social pourra entamer la procédure d’expulsion.
Le locataire, dit le « preneur » doit « user de la chose louée en bon père de famille » (art. 1728
du code civil). Cette obligation est reprise à l’article 7 (b) de la loi du 6 juillet 1989 qui impose
au locataire « d’user paisiblement des locaux loués, suivant la destination qui leur a été donnée
par le contrat de location » et ceci, quelle que soit la situation financière, sociale ou médicale
des locataires. Cette disposition est d’ordre public. Elle pèse juridiquement sur le locataire de
la même façon que les autres obligations : payer le loyer et les charges, effectuer l’entretien
courant et assurer les réparations locatives. Le non-respect de ces clauses pourra être sanctionné
par la résiliation du bail (art. L.442-4-1 du CCH). Cette obligation de jouissance paisible
concerne toutes les personnes du foyer. De plus, le locataire ne peut ni dégrader les lieux63
, ni
les transformer sans autorisation du bailleur64
. En cas de destruction, de dégradation, de
détérioration et si l’infraction est reconnue, le locataire engage sa responsabilité pénale65
pouvant conduire à l’expulsion (Cf. annexe 11.1 situation D p. 67). Le non-respect du droit de
jouissance peut constituer un trouble de voisinage qui contraint le bailleur social à intervenir.
§ Gérer les troubles de voisinage
Les troubles de voisinage concernent tous les litiges entre voisins, constituant souvent une
atteinte à la jouissance paisible des lieux. Ainsi, les juges retiennent la théorie jurisprudentielle
du « trouble anormal de voisinage ». « Elle institue une responsabilité objective, une
responsabilité sans faute. Il s’ensuit que l’auteur du trouble ne peut pas s’en exonérer en
prouvant son absence de faute. Seule la preuve du trouble est nécessaire, c’est la naissance
d’un droit à une qualité et une tranquillité de vie66
». En effet, le trouble de voisinage est
sanctionné indépendamment de la nature volontaire ou non de sa cause. Ainsi, même si
63
Art.1735 du code civil
64
Art.7 de la loi du 6 juillet 1989
65
Art. 322-5 du code pénal
66
Cours de Monsieur Luc-Michel NIVOSE- Conseiller à la Cour de cassation – 3ème
chambre civile-
28
l’auteur n’a pas commis de faute ou s’il est atteint d’un trouble psychique cela ne l’exonère pas
de sa responsabilité. Les nuisances prises en compte doivent excéder les inconvénients
normaux du voisinage (ex : tapage diurne répété). Le juge évalue les nuisances en tenant
compte de la nature, de l’intensité, de l’anormalité du trouble, du caractère continu et
permanent des désagréments. Tout en sachant que, vivre dans un immeuble collectif suppose
l’acceptation d’inconvénients considérés comme normaux. Parfois, les retentissements sur le
voisinage peuvent être graves67
.
Le trouble de santé mentale, à l’origine des troubles de voisinage, ne peut pas être évoqué pour
solliciter la résiliation judiciaire du bail d’habitation. Le bailleur social doit se concentrer sur
les clauses contractuelles défaillantes et sur le non-respect des dispositions du code civil et
du code pénal. La résiliation du bail peut être obtenue suite aux conséquences consécutives sur
le logement dont un membre du foyer est atteint d’un trouble mental68
.
Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 24 février 200569 indique que « si un office
public HLM remplit à l’évidence une mission sociale, il ne peut lui être demandé d’assurer la
prise en charge de personnes dont le comportement relève à l’évidence d’un traitement
psychiatrique ». Plus récemment, la Cour d’Appel de Paris du 15 décembre 201670 a
prononcé la résiliation du bail judiciaire en s’appuyant de l’article 7-b de la loi du 6 juillet 1989
et de l’article 1184 du code civil. Les motifs retenus sont le « comportement agressif et anormal
de Monsieur…, qui frappe aux portes de ses voisins de l’immeuble, qui fume dans les parties
communes de la résidence avant de se débarrasser de ses mégots mal éteints sur les
paillassons… au risque de provoquer un incendie. Des mains courantes, des attestations
délivrées par des voisins et le courrier de la tutrice sont versées aux débats ». Par conséquent,
« le rétablissement des relations de voisinage apaisées apparaît compromis ».
Ainsi, les juges sont attachés à la réalité, à la gravité et à la persistance des troubles
allégués jusqu’au jugement. Au-delà du manquement contractuel, ils sanctionnent les
67
Un locataire atteint d’un trouble mental a été victime d’un acte de violence de la part d’un voisin excédé par
les nuisances sonores. Ce dernier a été incarcéré. Son épouse (ayant deux enfants) éprouve des difficultés
financières pour payer le loyer.
68
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon, affaire Ribera et la Régionale Immobilière, 1ère
chambre civile, section
B, n°1817. La résiliation du bail est prononcée à cause des retentissements sur la résidence liés au fils qui n’est
pas stabilisé psychiquement.
69
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Chaulet et OPHLM de Bonneuil sur Marne, 6me
chambre, section
B, 24 février 2005 n°04/01780
70
Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Nadir et la Société d’Economie Mixte Noisy-Le-Sec Habitat,
Pôle 4, chambre 4, 15 décembre 2016, n°14/21300
29
conséquences ayant un retentissement sur l’équilibre financier de l’organisme et sur
l’environnement. En effet, ils tiennent compte de la sécurité de l’ensemble des locataires
que le trouble soit d’origine psychique ou non. En revanche la situation du locataire doit
rester inchangée ou s’aggraver pour que la résiliation judiciaire du bail d’habitation puisse être
prononcée. Pour fournir des preuves, les bailleurs sociaux encouragent les locataires à déposer
une main courante à la police ou à la gendarmerie (ex : pour les troubles de voisinage). En cas
de nécessité, ils invitent, les locataires à porter plainte pour mise en danger d’autrui. En
revanche, pour protéger les locataires vulnérables des signalements pour maltraitance sont
effectués.
§ Gérer les situations de mise en danger d’autrui et de maltraitance
Les locataires peuvent porter plainte pour mise en danger d’autrui. L’article 223-1 du code
pénal dispose que « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de
blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation
manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par
la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Une
copie de ces dépôts de plainte doit être versée dans le dossier d’expulsion constitué par le
bailleur social. En outre, selon le code pénal tout citoyen (dont les salariés des bailleurs
sociaux) doit signaler les crimes71 à la police ou à la gendarmerie « dont il est encore possible
de prévenir ou de limiter les effets » (art. 434-1). De plus, les situations de maltraitance72
doivent être déclarées au Procureur de la République, à la police, à la gendarmerie, au tuteur, à
l’aide sociale à l’enfance (Conseil Départemental). En effet, « le fait, pour quiconque ayant eu
connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles
infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison…d’une déficience
psychique… et de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de
trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » (art.434-3). Les locataires atteints
de troubles mentaux sont fragiles et peuvent subir des préjudices de l’extérieur ou se faire du
tort à eux-mêmes. Dès lors, que le bailleur social est chargé d’assurer la sécurité et la
tranquillité résidentielle (art. L.127-1 du CCH), il veille à favoriser le bien-vivre ensemble.
Toutefois, certaines situations exigent la mise en œuvre de la procédure d’expulsion. Les
dispositifs de prévention des expulsions peuvent être mobilisés soit par les bailleurs sociaux
soit par les locataires.
71
Tentative de viol, vol avec violences aggravés, escroquerie, séquestration etc…
72
Maltraitance physique, psychique ou financière
30
Paragraphe 2 : Les dispositifs de prévention des expulsions
Les bailleurs sociaux de la métropole indiquent que souvent les locataires atteints d’un trouble
mental sont en impayé de loyer. Les organismes HLM enclenchent, plus souvent, la procédure
d’expulsion pour impayé de loyer. Ils doivent, alors, saisir la Commission de Coordination
des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)73. L’objectif est de lutter contre les
expulsions des locataires, de régler les problèmes d’impayés et de prévoir un plan de relogement
pour ceux qui sont en situation difficile. Certains bailleurs sociaux pensent que ces deux outils
ont le « méritent de mobiliser, autour du bailleur social, l’ensemble des partenaires chargé de
régler les difficultés financières des locataires ». Mais, « l’absence de solutions effectives
alimentent » la procédure d’expulsion et cela peut influencer la décision du juge. La CCAPEX
et la charte de prévention des expulsions ont été mis en place, en Martinique, en 2010. En
revanche, le dispositif n’est pas opérationnel. L’État envisage de réactiver, ces outils d’ici 2018.
Outre la CCAPEX, en cas d’expulsion, le locataire peut saisir la commission de médiation
du DALO. Les locataires menacés d’expulsion, dont ceux qui sont atteints d’un trouble mental,
sans possibilité de relogement peuvent saisir cette instance pour obtenir un autre logement
social (cf. annexe 5 situation B p. 64). En effet, les bailleurs sociaux interrogés constatent
qu’après une expulsion « certains locataires reviennent dans le parc social ». Enfin, la
circulaire du 22 mars 201774
, relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la
prévention des expulsions, favorise l’articulation entre la CCAPEX, la charte de prévention des
expulsions et la commission de médiation du DALO. Elle vise un objectif de « zéro expulsion
sans relogement ». L’État souhaite éviter les « coûts conséquents pour les finances publiques…
[liés à] l’hébergement et à l’indemnisation des bailleurs ».
Pour conclure, certains bailleurs sociaux déclarent que la procédure d’expulsion n’est pas
évidente à mener en raison de tous ces dispositifs (CCAPEX, charte de prévention des
expulsions, DALO). En outre, « le suivi et la constitution du dossier d’expulsion, notamment,
pour trouble de voisinage est complexe car l’évaluation du trouble anormal de voisinage reste
à l’appréciation du juge ». Par conséquent, certains organismes HLM considèrent qu’ils sont
« souvent déboutés ». Freinés par la procédure d’expulsion et contraints de gérer les locataires
atteints d’un trouble mental, les bailleurs sociaux ont voulu renforcer la gestion locative.
73
La CCAPEX a été introduite par la loi « Besson » et la loi MOLLE du 25 mars 2009 l’a rendue obligatoire.
Puis, elle a été renforcée suite à la loi ALUR du 24 mars 2014 (art.27).
74
Circulaire du 22 mars 2017 « relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la prévention des
expulsions locatives », n° NOR : LHAL1709078C
31
Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative
Les bailleurs sociaux ont engagé une démarche de réorganisation des services à la clientèle (1)
et ils ont défini la procédure de traitement d’un dossier lié à un trouble de santé mentale (2).
Paragraphe 1 : La réorganisation des services à la clientèle
Les risques psychosociaux vécus par certains salariés ont conduit certains bailleurs sociaux à
mettre en place des actions de sensibilisation et de formation sur la santé mentale. En outre, ils
ont renforcé la gestion locative par la mise à disposition de compétences médico-sociales.
§ La prévention des risques psychosociaux des salariés
Nadine PONCIN75
rappelle que « tout employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit
prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des
salariés ». Diverses mesures peuvent être mises en place par les bailleurs sociaux : actions de
prévention, d’information, de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens
adaptés etc76
. Selon LOGIREM « les dirigeants des organismes HLM s’impliquent de plus en
plus dans la gestion des locataires ayant des troubles de santé mentale en raison des risques
psychosociaux éprouvés par les salariés ». Les risques psychosociaux correspondent à des
risques professionnels qui pénalisent l’intégrité physique et mentale des salariés. Par exemple,
face à ces locataires, les interventions administratives du bailleur social sont considérées,
parfois, comme « inopérantes, inefficaces ou inadaptées ». Par ailleurs, le personnel se retrouve
en difficulté face à ce public pour établir une relation d’échange, d’où une « incompréhension
de la situation » et la difficulté à trouver les « bons outils » ou « le bon interlocuteur ». La
crainte est liée à la perception des troubles de santé mentale et au risque d’être confronté à un
« comportement menaçant ou agressif » ou d’être « en situation de danger ». Or, seulement « 3
à 5 % des violences commises à l’encontre des personnes et des biens sont imputables aux
personnes ayant un trouble mental »77
. Par conséquent, le danger provient majoritairement des
personnes « ordinaires ». Les risques cités, par les bailleurs sociaux interrogés, sont les
violences (insultes, menaces, agression verbale et physique) et le stress pouvant conduire à
l’épuisement des professionnels. Cela se traduit par une hausse des arrêts de travail, une
irritabilité, une nonchalance, un refus de respecter les règles etc. Toutefois, la perception de ces
75
Avocate au barreau de Paris spécialisée en droit social, intervenante à l’Université de Paris 13
76
Art. L.4121-1 à L.4121-5 du code du travail.
77
Haute Autorité de Santé, Dangerosité psychiatrique, Saint-Denis La Plaine, mars 2011, p.5, 29 pages
32
risques intègre aussi une part de subjectivité du salarié. Pour prévenir ces risques, les dirigeants
ont mis en place des actions de sensibilisation et de formation destinées aux salariés.
§ Les actions de sensibilisation et de formation des salariés
L’AFPOLS propose des formations adaptées relatives à la gestion du stress, aux situations de
conflits, aux troubles de voisinage, aux troubles de santé mentale etc. Ces formations
concernent prioritairement la gestion locative, le service contentieux et les concierges. Elles
visent à rappeler le cadre réglementaire du bailleur social, à mieux comprendre ces
phénomènes, à monter en compétence, à renforcer l’efficience de la société et à changer le
regard des collaborateurs sur la santé mentale. Les bailleurs sociaux de la métropole ont indiqué
que pour conserver cette émulation, « des réunions thématiques, inter-institutions, sont mises
en place sur le syndrome de Diogène, la bipolarité, l’incurie… car pour chaque trouble, les
réponses, les comportements et l’approche sont différents. Ces rencontres favorisent les
synergies et permettent de développer des colloques annuels sur des thématiques différentes ».
Ainsi, Lille Métropole Habitat participe, régulièrement, aux réflexions menées sur les
thématiques suivantes :
 Comment sensibiliser les bailleurs et faire en sorte que le handicap psychique soit
comme les autres handicaps, intégré dans la cité ?
 Quelles sont les conditions favorables à l’accès au logement et au maintien dans
celui-ci ? Comment les mettre en œuvre ?
En outre, certains organismes HLM ont renforcé les compétences de la gestion locative par le
financement d’une équipe sociale ou médico-sociale.
§ Le renforcement des compétences de la gestion locative
En complément des interventions du secteur médico-social, les bailleurs sociaux ont renforcé
la gestion locative en recrutant des conseillères en économie sociale et familiale. D’autres ont
créé un service destiné à « l’innovation sociale, au développement social ou à la gestion
sociale ». Paris Habitat dispose d’une direction de la cohésion sociale avec 30 salariés (ratio de
2.4 salariés pour 10 000 logements). Elle a créé une filiale chargée de gérer les différents centres
d’hébergement. Lille Métropole Habitat (30 000 logements) compte trois salariés dont une
responsable des produits spécifiques (gestion des foyers et établissements médico-sociaux). La
SIMAR de la Martinique est la seule société à avoir embauché trois conseillères sociales
affectées à une mission sociale (10 000 logements).
33
Ainsi, comme l’ont indiqué Daniel GLAESNER et Christophe PALLOT78
, compte tenu de la
paupérisation grandissante, « la performance globale d’une entreprise se mesure, également,
par la capacité des salariés à travailler dans un cadre pluridisciplinaire. Il s’agit, d’une part,
de respecter la réglementation en vigueur, et d’autre part, de mobiliser et de s’appuyer sur
d’autres compétences internes et/ou externes ». À ce titre, les bailleurs sociaux de Paris
financent avec l’ARS et la mairie l’intervention d’une équipe mobile, externe, composée d’un
psychiatre, d’un infirmier, d’une assistante sociale et d’un chargé de projet, tous à temps
plein, pour gérer 80 à 100 locataires par an. La société Est Métropole Habitat (14 000
logements) implanté à Lyon s’est dotée d’une équipe mobile, interne, constitué d’un infirmier,
d’un psychiatre et d’un travailleur social. L’objectif est d’analyser les caractéristiques de la
population locative concernée et d’apporter une réponse globale permettant de rétablir la
situation sociale, financière et psychique du locataire. Par ailleurs, les bailleurs sociaux ont
clarifié la procédure de traitement des locataires atteint d’un trouble mental.
Paragraphe 2 : Les différentes phases de traitement d’un dossier lié à trouble mental
Selon les bailleurs sociaux interrogés le traitement d’un dossier lié à un trouble mental
s’effectue en six phases.
La phase d’identification des problèmes est cruciale. En effet, elle permet de distinguer les
troubles liés à l’incivilité, à la délinquance et ceux relevant de la santé mentale. Les réponses et
les partenaires à mobiliser seront différents. En effet, selon LOGIREM, « les situations
présentées dans les réseaux de santé ne relèvent pas toutes de la psychiatrie, seulement un tiers
des situations sont des souffrances psychosociales ».
La phase de qualification de la situation (nature des problèmes, fréquences, analyses des
remontées d’informations des concierges, des habitants, des partenaires etc.) permet de
déterminer les actions à entreprendre en interne (convocation du locataire, rappel au
règlement intérieur des résidences etc.) et/ou en externe par la mobilisation des partenaires
concernés. Lille Métropole Habitat précise également que « tous les locataires ne peuvent pas
être psychiatrisés, par conséquent, le bailleur social doit bien qualifier la situation pour
orienter uniquement les locataires qui posent problème ».
78
Intervenants de l’AFPOLS, en management des organismes HLM, à l’Université de Paris 13
Concilier le logement social et la santé mentale : limites et perspectives
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  • 1. UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES Mémoire pour l’obtention du : MASTER II Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris- 13- Sorbonne Paris Cité. Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE : LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
  • 2.
  • 3. UNIVERSITÉ DE PARIS 13 NORD-SORBONNE PARIS CITÉ FACULTÉ DE DROIT SCIENCES POLITIQUES ET SOCIALES Mémoire pour l’obtention du : MASTER II Droit Immobilier, Parcours Droit et Management du Logement et de l’Habitat Social Codirecteurs de la formation : Mesdames les professeurs M.C. AUTRAND et A.PENNEAU Directeur de mémoire : Madame Marie-Christine AUTRAND, professeur de droit privé et de sciences criminelles, Faculté de Droit, Sciences Politiques et Sociales de l’Université de Paris- 13- Sorbonne Paris Cité. Année 2016/2017 Auteur : Mme Kalthoum BEN M’BAREK CONCILIER LE LOGEMENT SOCIAL ET LA SANTE MENTALE : LES PERSPECTIVES EN MARTINIQUE
  • 4. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué au succès de cette formation, qui m’ont soutenue pendant toute cette période et particulièrement au moment de la rédaction du mémoire-action. Tout d’abord, j’adresse mes remerciements :  À ma directrice de mémoire, Mme Marie-Christine AUTRAND, pour son écoute, son appui, son accompagnement et ses recommandations qui m’ont guidée dans la réflexion de ce mémoire.  À toute l’équipe enseignante, aux intervenants de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) et de l’AFPOLS1 pour la qualité des cours dispensés. Je tiens à saluer Mme Émilie Vincent enseignante en droit public et Mme Hélène LABOUR, consultante grands comptes et certifications de l’AFPOLS.  À tous les bailleurs sociaux de la métropole et de la Martinique, aux associations œuvrant dans le domaine de l’habitat, aux professionnels des établissements de santé mentale qui ont accepté de m’accorder un entretien dans des délais contraints.  Aux collègues de la promotion qui m’ont permis d’apprécier la diversité des organismes de logements sociaux, dont les difficultés, les contraintes et les stratégies sont variables d’un bailleur social à l’autre.  Aux conseillères sociales de l’Association pour le Logement Social2 qui ont pris leurs responsabilités pour gérer leurs activités, en ne me sollicitant qu’en cas de nécessité.  À mon assistante de direction et aux secrétaires d’accueil qui ont piloté l’ALS lorsque j’étais en formation.  À mon compagnon pour son soutien indéfectible pendant toute cette période. 1 Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de Logements Sociaux 2 Association inter-bailleur créée en avril 1991 par la SIMAR et par la SMHLM. La SAHLM d’OZANAM a rejoint l’ALS en janvier 2012. Cette structure est chargée de la gestion sociale des locataires en grande difficulté en Martinique.
  • 5. AVANT-PROPOS Ce mémoire-action est le fruit des informations recueillies à partir de divers documents présentés dans la bibliographie3 . Par ailleurs, il a été alimenté par des entretiens que j’ai menés auprès des partenaires en métropole et en Martinique (cf. annexes 1 à 1-4 p.55 à 60). Avec certains professionnels, les réunions se sont tenues sur leurs lieux de travail (exemple : Lille Métropole Habitat, AORIF, USH etc.) et pour d’autres, nous avons utilisé la visioconférence (exemple : LOGIREM, la clinique la Recouvrance à Toulouse etc.). J’ai choisi d’interviewer les professionnels impliqués dans le champ du logement social et de la santé mentale ce qui oriente, évidemment, l’étude. Ils ont accepté que je reprenne leurs propos dans le corps de ce document. Cependant, lorsque certaines informations sont sensibles, celles-ci seront présentées de manière anonyme. J’ai choisi ce sujet car j’interviens dans la gestion des locataires atteints de troubles mentaux, dont j’observe une constante évolution. Mon objectif est de proposer un projet viable aux bailleurs sociaux de la Martinique. Afin de respecter le cadre méthodologique du mémoire-action, toutes les informations recueillies, auprès des partenaires, ne pourront pas être exploitées. En effet, il s’agit de présenter un document juridique et opérationnel pour les bailleurs sociaux. Ce mémoire constitue une base pour poursuivre la réflexion en Martinique. Il est prévu que ce document soit présenté aux bailleurs sociaux du territoire. Il concerne la gestion locative et sociale et il interpelle la stratégie globale des organismes HLM. Enfin, il a été très difficile d’obtenir certaines informations, notamment sur la santé mentale, à cause des procédures internes et des délais requis par l’Agence Régionale de Santé (service déconcentré de l’État) et par le centre hospitalier psychiatrique. En raison du coût des études, certaines données sont, parfois, anciennes. Néanmoins, j’ai eu l’opportunité de participer au premier séminaire organisé par la Collectivité Territoriale de Martinique (CTM)4 sur le thème de « la santé mentale : que faire aujourd’hui ? » qui s’est tenu le vendredi 10 mars 2017. C’est un sujet préoccupant, de par son ampleur, sur notre territoire. 3 Bibliographie page 48 4 Fusion du Conseil Départemental et du Conseil Régional le 24 janvier 2010 conformément à l’article 73 de la Constitution de 1958.
  • 6. Les écrits n’engagent que leurs auteurs, l’université n’est en rien responsable de ceux-ci.
  • 7. LISTE DES ABRÉVIATIONS AAH Allocation aux Adultes Handicapés AFPOLS Association pour la Formation Professionnelle continue des Organismes de Logements Sociaux ALS Association pour le Logement Social ALUR Loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové AORIF Association des Organismes de logements sociaux de la Région Ile-de- France ARS Agence Régionale de la Santé CAL Commission d’Attribution des Logements CCAPEX Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions CCH Code de la Construction et de l’Habitation CDC Caisse des Dépôts et Consignations CDE Convention relative aux Droits de l’Enfant CEDH Cour Européenne des Droits de l’Homme CESDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme CHRS Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale CHU Centre d’Hébergement d’Urgence CLSM Comité Local de Santé Mentale CMP Centre Médico-Psychologique DALO Droit au Logement Opposable DOM Département d’Outre-Mer DJSCS Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale EPCI Établissement Public de Coopération Intercommunale FSL Fonds de Solidarité Logement HALDE Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Égalité HLM Habitation à Loyer Modéré LLHS Lit Halte Soin Santé MOLLE Loi de Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre les Exclusions OMS Organisation Mondiale de la Santé OPHLM Office Public d’Habitation à Loyer Modéré PDAHI Plan Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion PDALPD Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées SAHLM d’OZANAM Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré d’OZANAM SAMSAH Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés Psychiatrique SIAO Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation SIMAR Société Immobilière de la Martinique SMHLM Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré SYPLO Système Priorité Logement USH Union Sociale pour l’Habitat
  • 8. SOMMAIRE Pages Introduction 1 Titre 1 : Accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental 4 Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux 5 Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 5 Section 2 : Le traitement des demandes de logement social 10 Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement social 15 des demandeurs atteints de troubles mentaux Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer l’accès 15 dans le logement social Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social 20 Titre 2 : Maintien dans les lieux des locataires atteints de troubles mentaux 25 Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux 26 Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux 26 Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative 31 Chapitre 2 : Les alternatives développées suite aux contraintes du secteur de la santé 37 mentale Section 1 : Des contraintes fortes pour les bailleurs sociaux suite à la 37 « desinstitutionnalisation » de la santé mentale Section 2 : Renforcer les outils et les instances de pilotage dans le cadre du 42 maintien dans les lieux Conclusion 46 Bibliographie 48 Table des matières 52 Annexes 54
  • 9. 1 INTRODUCTION La santé mentale est un sujet d’actualité préoccupant pour de nombreux organismes de logements sociaux. Dès les années 2000, des sociétés telles que Lille Métropole Habitat, LOGIREM à Marseille et les bailleurs sociaux de la Communauté Urbaine de Lyon se sont penchés sur cette question. Les initiatives prises par ces sociétés ont alimenté la réflexion de l’Union Sociale pour l’Habitat (USH) dès 20065 , dont l’étude a été réactualisée en septembre 20166 . La santé est un droit reconnu par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par l’Union Européenne et par la France. Le préambule de la Constitution de l’OMS pose le principe suivant : « la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité »7 . En 2001, le dernier rapport de l’OMS8 , sur la santé mentale de la population mondiale, indiquait que 450 millions de personnes souffraient de troubles mentaux. Globalement, dans le monde, une personne sur quatre présenterait un trouble mental. En 2011, le Collège Européen de Neuropsychopharmacologie démontrait que près de 165 millions d’européens étaient affectés par des troubles mentaux soit plus de 38 % de la population9. Plus d’une personne sur trois, en Europe, tout comme en France, présente ou a présenté un trouble de santé mentale et seulement un tiers des individus est traité. Ce taux est plus important en Europe qu’au niveau mondial. Selon la classification internationale des maladies, les troubles mentaux sont au cinquième rang des 22 maladies les plus fréquentes10. Cette taxonomie est identique au niveau européen et français. L’étude de l’Observatoire de la Santé en Martinique rappelle que 28.6 % de la population martiniquaise a été confrontée à un trouble mental (hors risque suicidaire)11 en 2002. La répartition des patients entre le parc privé et le parc social n’est pas mentionnée à cause des risques de stigmatisation. Cependant, une estimation peut être réalisée. En effet, en 2015, les 5 USH, L’accès et le maintien dans le logement des personnes ayant des difficultés de santé mentale, les collections d’Actualités Habitat, n° 103, mars 2006, 51 pages 6 USH, Juliette FURET, Isabelle SERY, Habitat social et santé mentale : cadre juridique et institutionnel, pratiques et ressources, Repères n° 24 politique sociale, 27 septembre 2016, 80 pages 7 Organisation Mondiale de la Santé, www.who.int/fr/ 8 OMS, Rapport sur la santé dans le monde : nouvelle conception, nouveaux espoirs, Genève, 2001, 172 pages 9 Synthèse du Collège Européen de Neuropsychopharmacologie, The size and burden of mental and otherdisorders of the brain in Europe, 5 septembre 2011, 25 pages 10 Après les maladies infectieuses, les tumeurs, les maladies du sang et les troubles endocriniens. 11 Observatoire de la Santé en Martinique, santé mentale et suicide, janvier 2002, 4 pages
  • 10. 2 trois principaux bailleurs sociaux12 , de la Martinique, disposaient de 30 900 logements. Ils géraient 83 43013 habitants. Ainsi, plus de 23 000 personnes seraient potentiellement confrontées à un trouble mental dans le parc social. Habituellement, les troubles mentaux se répartissent en trois catégories. Les troubles psychosociaux14 peuvent, éventuellement, conduire à des névroses15. Le sujet est, alors, conscient de la souffrance dont il se plaint. Les psychoses16 se caractérisent par le fait que le sujet n'est pas conscient de l'altération de sa perception ou de son jugement. Par ailleurs, il ne sait pas qu’il est malade ce qui le fait s'opposer à une prise en charge thérapeutique. Ce sont les psychoses qui inquiètent les bailleurs sociaux en raison des retentissements sur le groupe immobilier. En effet, les voisins peuvent subir des nuisances sonores17 et olfactives18 . En outre, le bailleur social enregistre des répercussions sur l’état du logement qui se dégrade, sur l’hygiène de la résidence (cafards, rats etc.) et sur la sécurité des habitants (cf. extrait d’un article de presse annexe 2 p. 61 et photos des logements dégradés, annexe 3 p. 62). Par ailleurs, les bailleurs sociaux doivent gérer une pluralité de situations liée à l’isolement et au comportement atypique de ces locataires. Le public est hétérogène. Il rencontre des difficultés pour comprendre, pour faire les démarches ou pour maintenir les efforts sur le long terme. Enfin, l’absence de référent familial, l’éreintement des aidants et l’abandon de la cellule familiale complexifient le traitement de ces dossiers et conduisent, parfois, à l’épuisement de certains salariés. De plus, « dans les DOM, le niveau de ressources des ménages qui habitent dans les logements sociaux gérés par les HLM et les SEM est inférieur à celui constaté en France métropolitaine. 49,7 % ont un niveau de ressources inférieur à 20 % du plafond PLUS, soit presque deux fois et demie plus qu’en France métropolitaine »19 . Et, de manière plus générale, les situations d’exclusion sont plus prégnantes en Martinique qu’en métropole. Par exemple, en 2015, 12 Société Immobilière de la Martinique (SIMAR), Société Martiniquaise d’Habitation à Loyer Modéré (SMHLM), Société Anonyme d’Habitation à Loyer Modéré OZANAM (SAHLM D’OZANAM). 13 30 900 logements en Martinique multiplié par la taille moyenne des ménages dans les DOM soit 2.7 personnes, sources : SOeS, RPLS au 1er janvier 2016, p. 2 et enquête OPS, DGALN-CRESGE, 2012, Paris, p. 130 14 Exemples de troubles psychosociaux : Isolement, difficulté ou exclusion professionnelle, problèmes économiques et sociaux etc. 15 Exemples de névrose : angoisses, phobies, troubles obsessionnels compulsifs, dépression, paranoïa etc. 16 Exemples de psychose : schizophrénie, bipolarité, syndrome de Diogène, troubles délirants, hallucinations, démence etc. 17 Les nuisances sonores sont multiples : disputes à répétition, insultes, cris, musique trop forte etc. 18 Les nuisances olfactives concernent les détritus entassés dans le logement, les déchets ramenés de l’extérieur, la projection de produits (type ALCALI) pour les rites magico-religieux assimilés à de la sorcellerie. 19 Ministère du Logement et de l’Egalité des Territoires, Rapport national sur la situation du logement en France, l’occupation du parc social en 2012 et son évolution, Tome 1, 2012, Paris, p.169
  • 11. 3 le taux de chômage était de 19 % en Martinique tandis qu’il était de 10 % en métropole20. Selon les données sur les revenus fiscaux de 2011 de l’Institut de la Statistique et des Études Économiques, à la Martinique, le revenu fiscal médian21 atteint 1 100 euros, nettement moins que pour les territoires de métropole où le revenu médian, le plus bas est de 1 270 euros à Seine- Saint-Denis. Par conséquent, les plus pauvres de la Martinique sont loin d’avoir les niveaux de vie des plus pauvres de la métropole. Les locataires du parc social sont également concernés par ces difficultés socio-économiques. Or, une longue période de précarité peut conduire à des « troubles mentaux caractérisés. Un lien de causalité est alors identifiable »22 et nécessite une mise en cohérence les politiques de santé mentale et d’inclusion sociale notamment par le logement23 . Cette orientation est d’autant plus forte lorsqu’il s’agit de personnes âgées24 . En effet, la SAHLM d’OZANAM constate que « 50 % des locataires ont plus de 50 ans et certains ont besoin de soins psychiques en raison des démences »25 . Les troubles mentaux des locataires concernent autant les bailleurs sociaux de la métropole que ceux des départements d’outre-mer. Toutefois, elle dénote une acuité plus forte en Martinique, en raison du contexte socio-économique et de l’organisation psychiatrique qui impacte la gestion des bailleurs sociaux. Outre le respect des dispositions réglementaires nationales, les bailleurs sociaux vont, également, au-delà de la gestion contractuelle pour trouver des solutions innovantes. Les réponses apportées sont variables d’un bailleur social à l’autre. Les caractéristiques communes reposent sur la volonté des dirigeants. Ces derniers développent des projets inédits puis ils osent impulser les partenaires médico-sociaux. « C’est sur le terrain, que les législations et les différents professionnels du logement social et de la santé mentale se croisent »26 . Dans ce contexte, les bailleurs sociaux définissent les stratégies relatives à l’accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental (partie 1). Puis, ils déterminent les conditions liées au maintien dans les lieux de ces locataires (partie 2). 20 Institut d’Émission d’Outre-Mer, rapport 2015 sur la Martinique, édition 2016, 180 pages 21 Revenu médian : la moitié de la population a un revenu inférieur, l’autre moitié à un revenu supérieur. 22 P. Jean-Parquet, Souffrance psychique et exclusion sociale, rapport remis au secrétaire d’Etat à la lutte contre la précarité et l’exclusion auprès du Ministre des Affaires Sociales, du Travail et de la Solidarité, septembre 2003, p.26, 59 pages 23 IGAS, François CHEREQUE et Simon VANACKERE, Évaluation de la première année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale – janvier 2014, 255 pages 24 https://www.insee.fr/fr/statistiques/2128984. Actuellement, près d’une personne sur quatre a plus de 60 ans en Martinique. En 2030, près de 40 % de la population en Martinique sera âgée de plus de 60 ans contre 30 % en métropole. 25 Propos recueillis auprès d’Isabelle Louison, responsable de la gestion locative à la SAHLM D’OZANAM 26 Propos recueillis auprès de Louis Valère MARIELE de l’Association des Organismes HLM de la Région Ile- de-France (AORIF).
  • 12. 4 TITRE 1 : ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
  • 13. 5 Les bailleurs sociaux gèrent, de plus en plus, des ménages vulnérables susceptibles de présenter des troubles mentaux27 (chapitre 1). Pour anticiper les demandes de logement social émanant de ce public, les organismes HLM s’organisent, avec les partenaires, pour déterminer les prérequis nécessaires (chapitre 2). Chapitre 1 : Gestion des demandeurs atteints de troubles mentaux Les contraintes législatives et réglementaires en Martinique sont identiques à celles de la métropole. En effet, la loi s’applique sur tout le territoire français. Ces dispositions fondent les responsabilités juridiques des bailleurs sociaux dans le cadre de l’accès dans le logement social (section 1). Par conséquent, les conditions de traitement des demandes de logement social ont été clarifiées (section 2). Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux Les bailleurs sociaux doivent respecter les principes de non-discrimination et le droit de priorité réservé aux personnes handicapées (1). Pour favoriser l’accès dans le logement social de ce public, différents dispositifs ont été mis en place (2). Paragraphe 1 : Les principes de non-discrimination et le droit de priorité En droit interne, le préambule de la Constitution de 1946 dispose, en son article 10, que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». « Elle garantit à tous… la sécurité matérielle [et] le repos…». « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental…a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence » (art. 11). Ces articles concernent indirectement le logement. Puis, la loi du 6 juillet 198928 tendant à améliorer les rapports locatifs entre les locataires et les propriétaires reconnaît que le droit au logement est un « droit fondamental ». « Aucune personne ne peut se voir refuser la location d’un logement pour un motif discriminatoire29. Au terme du dudit article 225-1 du code pénal, tel que modifié, par la loi du 18 novembre 2016 relative à la 27 En Martinique, en 1991, un seul demandeur atteint d’un trouble mental avait été signalé par un bailleur social à l’ALS. En 2016, 77 dossiers, relatifs à des demandeurs, ont été orientés à l’ALS contre 25 en 2008. 28 Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 « tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 », JORF du 8 juillet 1989 29 Art. 225-1 du code pénal TITRE 1 : ACCES DANS LE LOGEMENT SOCIAL DES DEMANDEURS ATTEINTS D’UN TROUBLE MENTAL
  • 14. 6 « modernisation de la justice du XXIe siècle »30 , la discrimination concerne «… toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement…de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques… ». L’interdiction de discrimination porte, entre autres, sur le refus d’attribuer un logement aux personnes handicapées alors que les critères d’attribution sont réunis. Le non-respect de ces dispositions est sanctionné pénalement de 45 000 euros d’amende et d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à trois ans (art. 225-2 du code pénal). Par ailleurs, la loi du 21 décembre 200131 vise à accorder une priorité dans l’attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne handicapée. Enfin, la loi égalité citoyenneté du 27 janvier 201732 dispose que les personnes en situation de handicap telle que définie à l’article L.114 du code de l’action sociale et des familles sont prioritaires quant à l’attribution d’un logement social (art.70 a). Ainsi, « constitue un handicap…une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant ». Par conséquent, la notion de « handicap » est un terme générique qui englobe diverses situations, dont le public est prioritaire pour l’attribution d’un logement social. Trois indicateurs permettent, aux bailleurs sociaux, de prendre en compte le critère de priorité.  Le droit de priorité s’impose, lorsque la rubrique « handicap » de la demande de logement social est dûment complétée par les demandeurs. En effet, le candidat devra fournir la carte d’invalidité ou l’attestation relative à la reconnaissance du handicap (art.L.441-1 du CCH) ou un certificat médical.  Le droit de priorité peut être pris en compte, lorsqu’un établissement de santé mentale a proposé un candidat ou lorsque les candidats sont reçus lors de l’entretien avant l’attribution des logements et qu’un handicap a été repéré. Le chargé d’attribution pourra approfondir ce sujet avec le demandeur. Toutefois, les troubles mentaux des candidats ne sont pas « immédiatement visibles ». De plus, ces troubles ne sont pas « permanents ». 30 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, JORF n°0269 du 19 novembre 2016, texte n° 1 31 Loi, n° 2001-1247 du 21 décembre 2001 « visant à accorder une priorité dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap », JORF n°299, texte n°2 32 Loi n°2017-86 du 27 janvier 2017, « relative à l’égalité et à la citoyenneté », JORF n°0024, texte n°1
  • 15. 7 Cependant, tous les demandeurs ne sont pas reçus avant l’attribution, d’où la difficulté à déceler un éventuel « handicap ». Selon le Défenseur des droits33 « il est difficile d’avoir des preuves relatives à la discrimination liée à un refus d’attribution d’un logement pour un demandeur handicapé ». Aucune affaire juridique, pour motif de discrimination liée au handicap, ne concerne les bailleurs sociaux interrogés. Toutefois, trois délibérations relatives à un handicap et à l’accès dans un logement social ont été émises par le Défenseur des droits34 .  La délibération du 14 mai 200735 relative à un refus d’attribution d’un logement social en raison du mode de vie du demandeur, dont la réclamante était mère handicapée et élevait seule son enfant. La commission d’attribution de logement social (CAL) de l’OPHLM a ajourné sa demande car son « mode de vie est incompatible avec une jouissance paisible d’un logement, ainsi qu’avec l’obligation d’user de la chose louée en « bon père de famille » au sens des articles 1719 et 1728 du code civil laquelle rend impossible toute attribution de logement d’une offre de logements adaptés…». En l’absence d’infraction et à la demande du maire, la police municipale a réalisé une enquête sur la famille. Cela constitue une atteinte au respect de la vie privée36 . Par ailleurs, le rapport date de 3 ans et n’a pas été réactualisé. La décision d’ajournement est donc discriminatoire. L’organisme HLM doit adopter des règles précises, vérifiables et réexaminer le dossier de la réclamante. Le bailleur social doit rendre compte à l’autorité administrative dans un délai de 3 mois.  La délibération du 2 juillet 200737 enjoint, un autre, organisme HLM a attribué un logement au rez-de-chaussée en raison de la « lourdeur du handicap du plaignant » malgré le refus de la commission d’attribution pour cause de saturation et d’un faible taux de rotation du parc social. En effet, les critères de priorité n’ont pas été pris en compte par cette instance. 33 La Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité (HALDE) a été créée en 2005. Elle a été dissoute le 1 mai 2011. Les missions ont été transférées au Défenseur des droits. C’est une autorité administrative constitutionnelle indépendante chargée « de veiller au respect des droits et des libertés [des individus] et des organismes investis d’une mission de service public » art 71.1 de la Constitution de 1958. 34 Après avoir contacté le Défenseur des droits, je n’ai pas pu obtenir des délibérations plus récentes. 35 HALDE, délibération relative à un refus d’attribution de logement social en raison du mode de vie de la réclamante, n°2007-112 du 14 mai 2007 36 Art. 9 du code civil et articles 8 et 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (CESDH). 37 HALDE, délibération relative au refus d’attribution d’un logement social pour cause de saturation du parc en dépit du handicap de la plaignante, n°2007-1979 du 2 juillet 2007
  • 16. 8  Enfin, la délibération du 18 juin 200738 relative au refus d’attribution de logement pour pénurie de logements et cumul de handicap (mère plus enfant) entraînent une difficulté à trouver un logement adapté. La HALDE déclare irrecevable ces motifs. Outre les articles cités précédemment, la HALDE fait référence également à l’article 9 de la Convention relative aux Droits de l’Enfant (CDE) qui impose aux États parties de veiller « à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré… à moins que cette séparation soit nécessaire dans l’intérêt de l’enfant ». Les arguments avancés par les bailleurs sociaux mettent en évidence que le dispositif d’attribution pour les personnes handicapées est ineffectif et que l’ordre de priorité des candidats est inexistant. Par conséquent, ces bailleurs sociaux ont violé les dispositions de la CESDH (art. 8 et 14), de la CDE (art.9) ainsi que les obligations relatives aux critères de priorité. Les organismes HLM doivent proposer un logement dans un délai de 4 mois. Pour éviter les risques de discrimination liés à l’accès dans un logement social des personnes handicapées, les bailleurs sociaux s’engagent, de plus en plus, à fixer les critères de priorité des candidats. Par ailleurs, ils veillent à la bonne affectation des logements destinés aux demandeurs handicapés. À défaut, ils assurent une recherche effective de logement adapté. En outre, différents dispositifs visent à favoriser l’accès dans le logement social des personnes vulnérables. Paragraphe 2 : Les dispositifs destinés à favoriser l’accès dans le logement social des personnes vulnérables La loi « Besson » du 31 mai 1990 relative à la mise en œuvre du droit au logement (art.1) et la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 (art.33) ont favorisé l’accès au logement social des personnes défavorisées cumulant des difficultés. Puis, la loi de Mobilisation pour le Logement et la Lutte contre les Exclusions (MOLLE) du 25 mars 2009 a favorisé le parcours résidentiel39. Celui-ci a été rendu effectif par la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové (ALUR) du 24 mars 2014. En effet, cette loi a rapproché le Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées (PDALPD) et le Plan 38 HALDE, délibération relative au refus d’attribution de logement pour pénurie de logement et cumul de handicap, n° 2007-162 du 18 juin 2007 39 Le parcours résidentiel consiste à accompagner les locataires, tout au long de leur vie, en leur proposant des logements adaptés à leur situation, aux revenus, aux évolutions de la composition des ménages, à l’âge et à la santé, en facilitant les mutations au sein du parc social. Le parcours résidentiel s’entend depuis la rue, en passant par l’hébergement, le logement social, jusqu’à permettre aux locataires de devenir propriétaire.
  • 17. 9 Départemental d’Accueil, d’Hébergement et d’Insertion (PDAHI40 ). En Martinique, ces documents de pilotage ont été prorogés jusqu’en décembre 2017. L’axe 6.1 vise à développer la coopération entre les associations et les bailleurs sociaux afin de favoriser le parcours résidentiel des personnes sans logement ou hébergées pour obtenir un logement social. Ainsi, selon certains bailleurs sociaux « les structures chargées de l’accueil demandent de plus en plus de logements sociaux ». Or, ces publics sont confrontés, plus souvent, à des troubles psychosociaux et à des troubles mentaux41 . En outre, le Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation (SIAO42 ), de la Martinique, a sollicité auprès de l’État, « la généralisation du logiciel SYPLO (Système Priorité Logement) ». C’est un outil de gestion et de pilotage du contingent des logements sociaux réservés aux populations défavorisées. Enfin, la loi du 5 mars 2007 relative au Droit Au Logement Opposable (DALO) reconnaît aux personnes handicapées le droit de saisir l’État pour obtenir un logement social. Cela concerne, notamment, les personnes logées dans un local manifestement sur-occupé ou non- décent, lorsqu’elles ont à charge une personne handicapée ou sont elles-mêmes handicapées, ou si elles sont hébergées dans une structure d’hébergement ou logées temporairement. En conclusion, les organismes HLM, ont commencé, dès 1990, à accueillir davantage de demandeurs défavorisés mais autonomes. Depuis les années 2000, avec l’élargissement du public et grâce aux outils de pilotage (ex : PDALPD, PDAHI, SIAO, DALO), de plus en plus, des personnes vulnérables, moins autonomes, obtiennent un logement social, dont les candidats atteints d’un trouble mental. Par conséquent, les bailleurs sociaux doivent être vigilants quant au respect des critères de priorité et de non-discrimination. De ce fait, ils ont défini les conditions de traitement des demandes de logement social. 40 Plan d’hébergement est élaboré par la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale (DJSCS : service déconcentré de l’Etat) chargé de gérer tout le dispositif d’hébergement. 41 Vincent GIRARD, Pascale ESTECAHANDY, Pierre CHAUVIN, rapport sur la santé des personnes sans chez soi remis à Madame Roselyne BACHELOT-NARQUIN, Ministre de la Santé et des Sports novembre 2009, 231 pages 42 Le Service d’Insertion d’Accueil et d’Orientation est chargé d’orienter les personnes sans logement ou les personnes hébergées vers un habitat plus stable.
  • 18. 10 Section 2 : Le traitement des demandes de logement social Pour respecter les objectifs de priorité, de parcours résidentiel et éviter les risques de discrimination, les bailleurs sociaux de la Martinique ont adapté leurs pratiques. En effet, ils soumettent, également, certaines analyses de demande de logement social à des intervenants sociaux (1) pour que les décisions de la commission d’attribution soient argumentées (2). Paragraphe 1 : Une analyse complémentaire de la demande de logement par des intervenants sociaux Les bailleurs sociaux de la Martinique ont clarifié la procédure de gestion des demandeurs atteints d’un trouble mental. Celle-ci s’effectue en trois phases. § L’instruction de la demande par le bailleur social L’analyse de la demande de logement social est réalisée par le chargé d’attribution. En dépit du caractère prioritaire, les demandeurs atteints d’un trouble mental relèvent, au même titre, que les autres demandeurs, des critères d’attribution fixés par le CCH43. En effet, il ne faut pas confondre le droit de priorité avec le droit d’attribution. Or, si, le demandeur ne mentionne pas qu’il est handicapé ou s’il a refusé ce statut ou s’il ne perçoit pas l’Allocation Adulte Handicapée (AAH), les règles relatives aux critères de priorité ne s’imposeront pas au bailleur social. Lors de l’entretien préalable, si le chargé d’attribution constate qu’un demandeur a des difficultés de compréhension, qu’il tient des propos incohérents, qu’il a une hygiène douteuse, ou qu’il est agressif ou si sa réaction semble disproportionnée pendant l’entretien, le candidat sera orienté vers l’Association pour le Logement Social (cf. présentation succincte de l’ALS, annexe 4 p.63). Si celui-ci (ou un membre de la famille) dispose de l’AAH, mais dont le handicap n’est pas visible physiquement, il sera également dirigé vers l’ALS. § L’analyse et les orientations préalables à l’attribution effectuées par l’ALS Les demandes de logements sont adressées par les mairies et par la Collectivité Territoriale de la Martinique (pour les PLAI44 ) et exceptionnellement par la commission de médiation du DALO. Les bailleurs sociaux orientent toute demande quelle que soit la catégorie de financement du logement social45 à l’ALS (cf. annexe 5 p. 64). 43 Art. L.441 à L.441-2-9 et articles L.442-1 à L.442-12 44 Prêt Locatif Aidé d’Intégration correspondant en Martinique au Logement Locatif Très Social (LLTS) 45 PLAI, Prêt Locatif à Usage Social, Prêt Locatif Social
  • 19. 11 L’analyse effectuée par l’ALS repose sur les dispositions du CCH, décrites précédemment, et sur le code de l’action sociale et des familles46. À ce titre, l’ALS a créé, en 2010, le « passeport-logement de l’hébergement au logement » (cf. annexe 6 p.65). Il intègre des indicateurs permettant d’évaluer la capacité des ménages à accéder à un logement. Il repose sur un diagnostic partagé de l’évolution de la situation du demandeur de l’hébergement au logement. C’est également, un outil d’évaluation qui précise le degré d’autonomie et si l’objectif est atteint ou non pour chaque item. Les trois grands domaines évalués correspondent à la capacité à occuper et à utiliser un logement de manière autonome (ex : capacité à entretenir son espace de vie), la capacité à assumer financièrement le logement et la capacité à vivre en collectif. Même, si le demandeur n’est pas issu d’une structure d’hébergement, ces items seront analysés. Ce « passeport-logement » a été synthétisé en deux pages (cf. annexe 7 p.66). Depuis peu, un infirmier psychiatrique, bénévole, travaille à l’ALS. Il apporte son expertise tant dans les analyses préalables que dans l’accompagnement des locataires. Les conseillères sociales sont habilitées à intervenir dans tous les domaines de la vie quotidienne pour conseiller, orienter et résoudre les difficultés des ménages par la mise en place de diverses « prestations »47 , dont le demandeur de logement social et, en particulier les « personnes handicapées »47 . Ainsi, les conseillères sociales sollicitent les partenaires médico-sociaux (Caisse d’Allocations familiales, structures d’hébergement etc.) pour obtenir les informations nécessaires afin d’alimenter le diagnostic socio-économique qui sera adressé au bailleur social concerné. Elles organisent, ensuite, un entretien avec le demandeur au siège de l’ALS. Puis elles effectuent une visite à domicile, seules ou accompagnées de l’infirmier psychiatrique, d’une collègue ou du partenaire qui a proposé le candidat. L’objectif est d’apprécier la situation du logement. Après cette visite à domicile, les conseillères sociales émettent un avis argumenté pouvant être favorable, réservé ou défavorable quant à l’attribution d’un logement social (cf. annexe 5 situation C p.64). Pendant cette phase, le demandeur est informé des responsabilités qui lui incomberont en qualité de futur locataire et des conséquences en cas de non-respect. Puis la conseillère sociale lui explique l’état de ses difficultés, les actions qui seront mises en œuvre ainsi que la décision de l’ALS après avoir consulté les partenaires médico-sociaux. 46 Art. L.114-1, L115-1 à L.115-3, L.116-1 L.116-2 du code de l’action sociale et des familles 47 Art. 116-1 du code de l’action sociale et des familles
  • 20. 12 § L’animation d’une réunion médico-sociale L’ALS réunit l’ensemble des partenaires concernés, dans le cadre d’une « réunion de concertation ». Les partenaires mobilisés sont tous ceux qui peuvent apporter une réponse aux difficultés rencontrées par le demandeur (secteur social, médical, de l’hébergement, de l’addiction, personnes âgées etc.). L’objectif de la réunion de concertation est de rendre compte du diagnostic de l’ALS. Si l’avis est défavorable ou réservé, l’ALS préconisera le report de l’entrée dans le logement social. En effet, cette option est prise, lorsque le demandeur n’est pas stabilisé sur le plan psychique. L’ALS proposera une orientation vers les structures d’hébergement ou vers les établissements hospitaliers ou vers le parc privé. Ces choix reposent sur le principe de « bienveillance » du demandeur pour assurer le bien-être du ménage et des autres locataires. En effet, il s’agira d’éviter, d’éventuelles, nuisances sonores et olfactives ou une possible dégradation des lieux ou une probable procédure d’expulsion. Pour renoncer au logement social, les candidats (ou les tiers responsables) rédigent une lettre d’annulation. À l’issue de cette réunion de concertation, un compte rendu est réalisé et adressé à tous les partenaires concernés. L’ALS veille à respecter le principe du droit au logement en recherchant des solutions adaptées, sans nier les règles relatives au parcours résidentiel, à la non-discrimination, au droit de priorité accordé aux locataires atteints d’un trouble mental. L’équilibre est précaire, mais l’avis se veut le plus juste possible et s’inscrit dans le cadre d’une concertation avec les partenaires. L’ALS dispose d’un délai d’un mois, renouvelable une fois pour remettre ces conclusions au bailleur social concerné. En Martinique, l’analyse est réalisée par l’ALS puis restituée aux partenaires, tandis qu’en métropole, le secteur de la santé mentale (ex : hôpital psychiatrique) a mis en place des commissions d’évaluation pluridisciplinaire. « La commission d’évaluation médico-sociale est souveraine pour évaluer l’autonomie d’un demandeur. Le bailleur social n’assiste pas à ces commissions. Mais le secteur médico-social sera chargé de l’accompagnement après l’entrée dans les lieux. De plus, cela n’empêche pas le bailleur social de recevoir le candidat lors de l’entretien préalable à l’attribution » comme le confirme Lille Métropole Habitat. Toutefois, les bailleurs sociaux rappellent que le diagnostic remis concerne des données fournies à un instant “T”. De ce fait, les situations sont susceptibles d’évoluer. Les éléments d’appréciation, transmis aux bailleurs sociaux, sont ceux qui pourraient avoir un impact sur l’intégration dans la résidence. La commission d’attribution statuera en fonction de ces informations.
  • 21. 13 Paragraphe 2 : Les décisions de la commission d’attribution des logements En Martinique, les commissions d’attribution des logements valident, ou non, l’avis de l’ALS. Nonobstant du caractère prioritaire, la commission d’attribution peut prendre quatre décisions (art.R.441-3 du CCH). Celles-ci peuvent concerner un seul candidat ou plusieurs demandeurs qui seront classés par ordre de priorité. L’attribution d’un logement peut s’effectuer sous conditions suspensives. Dans ce cadre, la commission fixe le délai pendant lequel le demandeur pourra communiquer les documents réclamés. Ce délai ne peut être inférieur à dix jours à compter de la notification de la décision. Puis, la commission peut rejeter la demande pour irrecevabilité du dossier, notamment, lorsque le demandeur n’a pas un titre de séjour régulier de plus de trois mois, ou s’il dépasse les plafonds de ressources requis pour l’attribution d’un logement. Issus de la pratique, les motifs de non-attribution sont plus nombreux. En effet, cela concerne :  Les dossiers incomplets ou si les informations sur la demande de logement sont inexactes,  L’inadaptation du logement à la taille du ménage (sur-occupation ou sous-occupation),  La localisation du logement aux besoins du ménage (trop éloigné des équipements répondant aux besoins des demandeurs),  Les demandeurs bénéficiant, déjà, d’un logement adapté ou si le candidat est propriétaire d’un bien, compatible à la taille et aux ressources du ménage,  L’absence d’une offre correspondant aux souhaits du demandeur, après que le bailleur social ait suggéré au candidat d’élargir le territoire de recherche,  L’inadéquation du profil du demandeur avec la catégorie du logement,  Le refus exprimé par le demandeur avant que la commission d’attribution se réunisse, ou s’il exprime le souhait de radier sa demande. La commission d’attribution analyse, également, le taux d’effort, le reste à vivre et la capacité du locataire à s’adapter dans un logement collectif avant de prononcer une non-attribution. Le taux d’effort correspond à l’effort financier consenti par le ménage pour se loger48 . Le seuil de 30 % de taux d’effort est un seuil d’alerte pour les bailleurs sociaux de la Martinique. Ils refusent, éventuellement, un demandeur lorsque ce taux d’effort est supérieur à 30 %. Cela signifie que les ressources sont insuffisantes pour payer les charges courantes (eau, électricité, loyer etc.). Une 48 Calcul du taux d’effort : (loyer + charges – allocation logement / ressources mensuelles)*100
  • 22. 14 attention particulière est alors portée sur le reste à vivre49 . Il se rapporte à la somme disponible, chaque jour, pour chaque membre d’un ménage, une fois réglé les dépenses incompressibles. « Le seuil de 10 à 15 € par jour et par personne constitue un seuil d’alerte » selon Christophe CANU50 . Par conséquent, les demandeurs risquent d’avoir des difficultés pour honorer le loyer. En outre, lorsqu’un candidat est en incapacité de s’adapter à un logement collectif, la commission d’attribution peut adresser une notification de non-attribution. Cette décision est prise en s’appuyant du diagnostic circonstancié de l’ALS. Parfois, ce dossier est alimenté des témoignages écrits des voisins, des copies des mains courantes pour troubles de voisinage, pour détérioration des biens ou pour violences physiques ou verbales envers les tiers. Certains bailleurs sociaux de la métropole ont complété cette liste de non-attribution. En effet, le candidat qui refuse l’accompagnement médico-social lui permettant une bonne intégration dans le logement, ou le demandeur qui est dans l’incapacité de comprendre les clauses contractuelles et de signer le contrat de location, une décision de non-attribution pourra être prise51 . Il en est de même, lorsque le groupe immobilier est confronté à des difficultés économiques et sociales, alors que l’objectif est de respecter les critères de mixité sociale (art. 441-1 du CCH). Dans ce cas, le bailleur social doit prouver, par exemple, par des articles de presse, que la résidence connaît des difficultés sociales importantes. Par conséquent, en cas de nécessité, tous les critères de droit commun peuvent être mobilisés pour écarter, légalement, un demandeur et l’orienter vers des structures plus adaptées. Le règlement de fonctionnement et la charte d’attribution ont le mérite de définir les critères de priorité et ceux qui sont relatifs au parcours résidentiel. Puis, la charte d’attribution fixe les objectifs de mixité sociale et détermine les motifs de rejet et de non-attribution. Cette transparence est nécessaire pour sécuriser les notifications, garantir les droits des demandeurs et l’égalité de traitement. De plus, cela limite d’éventuels recours contentieux. Pour se prémunir de ces risques, les bailleurs sociaux, de la métropole, ont spécifié les prérequis nécessaires pour réussir l’accès dans le logement social des demandeurs atteints d’un trouble mental. 49 Calcul du reste à vivre : [ressources mensuelles – (loyer + provision pour charges) - allocation logement – dépenses incompressibles] / nombre d’occupants/30 jours. Les dépenses incompressibles concernent l’eau, l’électricité, les assurances, la mutuelle, la taxe d’habitation, l’impôt sur le revenu, les remboursements d’emprunts etc… 50 Christophe CANU, USH, direction des études économiques et financières, intervenant en économie du logement social à l’université de Paris 13 51 Le droit des contrats rappelle que les parties s’obligent à respecter l’autonomie de la volonté, la liberté et l’équilibre contractuels. Le bailleur social en qualité de « sachant » est responsable devant la loi. Lorsqu’un demandeur est atteint d’un trouble mental, le bailleur social ne peut pas respecter ces principes contractuels.
  • 23. 15 Chapitre 2 : Les prérequis innovants pour réussir l’accès dans le logement social des demandeurs atteints de troubles mentaux Dans le cadre de l’accès dans le logement social, les bailleurs sociaux ont construit un partenariat institutionnel et médico-social (section 1). Puis, pour satisfaire aux critères de priorité et de non-discrimination, ils ont diversifié l’offre alternative au logement social (section 2). Section 1 : Construire un partenariat institutionnel et médico-social pour préparer l’accès dans le logement social Les Établissements Publics de Coopération Intercommunale (EPCI), la Préfecture, le Conseil Départemental et les bailleurs sociaux ont arrêté la liste des personnes prioritaires (1). Parallèlement, ils ont participé à la structuration du partenariat médico-social préalablement à toute attribution de logement (2). Paragraphe 1 : Déterminer les ordres de priorité des publics vulnérables L’accord collectif, créé par la loi de lutte contre les exclusions du 29 juillet 1998 et, modifié par la loi du 27 janvier 2017 est intégré à l’article L.441-1-1 du CCH. Cet article précise que « l’établissement public de coopération intercommunale… disposant d’un programme local de l’habitat adopté peut proposer aux organismes disposant d’un patrimoine locatif social… de conclure pour trois ans un accord collectif intercommunal ». Il permet de définir :  pour chaque organisme, un engagement annuel quantifié d’attribution de logements aux personnes bénéficiant d’une décision favorable mentionnée à l’article L. 441-2-3 et aux personnes relevant d’une catégorie de personnes prioritaires en application de l’article L. 441-1 ;  les moyens d’accompagnement et les dispositions nécessaires à la mise en œuvre et au suivi de cet engagement annuel ». Compte tenu des nouveaux publics prioritaires issus de la loi Égalité Citoyenneté, la Métropole du Grand Lyon a, déjà, modifié cet accord collectif intercommunal. L’objectif est de « créer une entente entre les partenaires et de limiter la concurrence entre la longue liste des personnes prioritaires. Ainsi, les partenaires ont défini les critères de priorité et ils ont déterminé un quota pour chaque catégorie dans la limite des 25 % de logements destinés aux personnes défavorisées ». Par ailleurs, « une convention a été signée avec les réservataires, pour céder leurs droits aux personnes prioritaires tels que définis dans le présent accord ».
  • 24. 16 La Communauté d’Agglomération du Sud de la Martinique (CAESM), la Communauté d’Agglomération du Centre de la Martinique (CACEM) et la Communauté d’Agglomération du Pays Nord Martinique (CAP NORD) sont dotées d’un plan local de l’habitat. La mise en place de l’accord collectif intercommunal limiterait le nombre de demandeurs vulnérables hors contingents. Cela permettrait de satisfaire aux exigences réglementaires et éviterait d’éventuels recours juridiques. Par conséquent, les bailleurs sociaux, de la Martinique, pourraient s’équiper d’un logiciel de la cotation de la demande. Les bailleurs de la métropole ont, également, impulsé la structuration du partenariat médico-social. Paragraphe 2 : Structurer le partenariat médico-social en amont de l’attribution Les bailleurs sociaux ont identifié les partenaires à mobiliser qui pourraient intervenir dans le cadre de l’accès et du maintien dans les lieux des personnes atteintes d’un trouble mental. Pour formaliser ce partenariat, une charte relative au secret professionnel, un guide sur la santé mentale et le logement ainsi que des conventions signées avec le secteur de la santé mentale ont été élaborés. § Phase 1 : la création d’un réseau médico-social Selon les bailleurs sociaux interrogés52, « dans un premier temps, il s’agira de mobiliser l’Agence Régionale de la Santé (ARS), la Direction de la Jeunesse des Sports et de la Cohésion Sociale (DJSCS), les EPCI, le Conseil Départemental et les communes concernées. Ces partenaires dresseront l’inventaire des associations du secteur de la précarité et de la santé mentale. Des rencontres seront programmées, pour apprendre à se connaître et comprendre les missions et les limites des structures sociales et médicales. Il s’agira de présenter le rôle et les contraintes du bailleur social ». Cette phase peut durer 2 ans53 à 4 ans54 . « Ce type de partenariat s’inscrit nécessairement dans le temps pour développer l’interconnaissance et mettre en place des formations communes. Dans une première phase, les dirigeants seront impliqués, puis dans une deuxième phase, les agents opérationnels seront mobilisés. Le but est de créer des réseaux médico-sociaux autour du bailleur social ». Selon les territoires, la mise en place de ce partenariat a été à l’initiative des bailleurs sociaux55 ou du secteur de la santé mentale, comme dans le département de l’Isère ou sur proposition de la commune (Mairie de Nanterre). 52 Liste des bailleurs sociaux interrogés présentée en annexe 1 page 55 53 Bailleurs sociaux relevant du secteur de l’AORIF à Paris 54 Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon 55 AORIF, Lille Métropole Habitat, LOGIREM, bailleurs sociaux de la Métropole du Grand Lyon
  • 25. 17 Les bailleurs sociaux considèrent que ces rencontres développent une « culture et un langage communs ainsi qu’une autre posture professionnelle ». Le réseau garanti « l’articulation, la mutualisation des connaissances et des compétences. Il apporte des réponses en termes de relais, de nouvelles approches en matière de méthodologie. Chaque partenaire subit des injonctions paradoxales. À travers les réseaux, il s’agit de voir comment les gommer pour aller tous dans le même sens. C’est décider ensemble de prendre soin d’une personne avec chacun ses propres moyens. Au vu de la complexité des situations, la gestion est nécessairement pluridisciplinaire. Le traitement des situations est complexe car il faut connaître le secteur de la santé mentale et du logement. C’est la politique des petits pas quotidiens qui va permettre de résoudre certaines difficultés. Cela limite les impayés de loyer et réduit l’état de dégradation des logements. De plus, cela permet d’orienter les locataires vers d’autres solutions de relogement en cas d’expulsion ». L’expérience est considérée comme « positive » car elle permet « d’ancrer le partenariat ». En revanche, quelques écueils subsistent préalablement et après à la mise en place d’un réseau médico-social. En effet, il s’agit d’abord de « convaincre le Conseil d’Administration, la gestion locative, les concierges, le contentieux, les élus et l’ARS » pour qu’ils s’engagent. Certains bailleurs sociaux regrettent « l’absence de l’ARS », alors que « la mise en place de cette coordination permet de limiter les coûts financiers ». De plus, le réseau « est consommateur de temps en raison de nombreuses réunions ». En outre, les bailleurs sociaux constatent « un turn-over dans le secteur social et médical ce qui [les] obligent à réexpliquer et à recréer la relation de confiance pour que la collaboration reprenne ». Enfin, l’AORIF rappelle que « le partenariat ne se décrète pas, que les relations se tissent par affinité, que les parties adhèrent dès qu’il y a une logique de gagnant-gagnant ». Par conséquent, le bailleur social doit pouvoir offrir des logements destinés à l’accès pour que les partenaires interviennent dans le cadre du maintien dans les lieux. Cette coopération repose sur le partage de certaines informations qui se heurte aux dispositions relatives au secret professionnel. § Phase 2 : l’élaboration d’une charte relative au secret professionnel (cf. annexe 8 p.67) Le secret professionnel est issu du code de la santé publique (R.4127-4 et R.4127-35). Il est « institué dans l’intérêt des patients et s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi ». De plus, l’article 226-13 du code pénal dispose que « la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et
  • 26. 18 de 15 000 euros d’amende », sauf dispositions contraires prévues par la loi. Les bailleurs sociaux interrogés sont unanimes sur la question du secret professionnel. « La santé ne fait pas partie de leurs compétences, par conséquent, ils n’ont pas besoin de connaître la pathologie du demandeur ou du locataire. Le bailleur social n’a pas de compétence pour déterminer si une personne souffre d’un trouble mental ou non ». Pour permettre au réseau de fonctionner, les organismes HLM ont participé à la rédaction d’une charte relative au secret professionnel. Celle-ci rappelle le cadre juridique, l’engagement des partenaires et les modalités de partage des informations. Lorsque les partenaires ont déterminé ces principes de base, ils ont élaboré un guide sur la « santé mentale et le logement ». § Phase 3 : la rédaction d’un guide santé mentale et logement Ce guide permet de définir les bases d’un partenariat autour du projet d’accès et de maintien dans le logement. En complément de ce guide, les bailleurs sociaux ont participé à la réalisation « d’un annuaire des partenaires du territoire » afin de pouvoir travailler concrètement. Certains ont développé, avec les partenaires concernés, une plateforme internet pour favoriser les échanges et valoriser les pratiques, tels que le SPEL (Santé Psychique et Logement) de la Métropole du Grand Lyon ou le Centre de Ressources sur le Handicap Psychique (CREHPSY) de Lille Métropole Habitat. Pour rendre ce partenariat plus opérationnel, des conventions sont signées directement entre les bailleurs et le secteur de la santé mentale pour préparer les demandeurs atteints d’un trouble mental à obtenir un logement social. § Phase 4 : la mise en place d’une convention partenariale avec le secteur de la santé mentale Certains bailleurs sociaux56 ont signé des conventions avec l’hôpital psychiatrique et/ou les services ambulatoires57 (cf. annexe 9 p.68) pour favoriser l’accès dans le logement social des demandeurs « stabilisés ». La stabilisation n’est jamais pérenne. Cette convention définit le rôle et les responsabilités du bailleur social et du partenaire qui a présenté le candidat. Cette convention détermine les modalités opérationnelles, en vue d’harmoniser les pratiques sur le territoire. Souvent un référent chargé de la convention ou de la charte partenariale sera désigné au sein des organismes HLM et des établissements sanitaires. La préparation à l’accès dans le logement social est assurée par une équipe médico-sociale du secteur hospitalier. 56 Lille Métropole Habitat, Métropole du Grand Lyon, bailleurs sociaux de Paris, AORIF, LOGIREM. 57 Le Centre Médico-Psychologique (CMP) est destiné aux adultes à partir de 18 ans. C’est une unité de soins composée d’une équipe pluridisciplinaire (travailleurs sociaux, psychologues, infirmiers, psychiatres) chargée de l’organisation des soins à l’extérieur de l’hôpital psychiatrique.
  • 27. 19 En cas d’attribution, le contrat de location sera signé directement avec le demandeur. Puis, un contrat d’objectifs et de moyens sera signé entre le demandeur, le référent médical et le bailleur social. Dans le cadre de ce contrat, chacun déterminera des engagements concrets. Des rencontres régulières entre les signataires seront programmées en vue de suivre la mise en œuvre des actions définies préalablement. Ces actions seront adaptées en fonction de chaque locataire. En cas de non-respect du contrat d’objectif, les partenaires se réuniront pour déterminer les nouvelles solutions à entreprendre. En Martinique, le contrat d’objectifs et de moyens est tripartite. Il est signé entre le bailleur social, l’ALS et la structure qui a présenté le candidat. Ce contrat n’est jamais signé avec un organisme de santé. En outre, il est signé, uniquement, lorsque l’avis de l’ALS est défavorable alors que la commission a validé l’attribution d’un logement. Il n’a pas de caractère généraliste comme en métropole. Pour faciliter la gestion des demandeurs vulnérables, certains bailleurs sociaux exigent la mise en place d’une tutelle ou d’une curatelle avant l’attribution d’un logement. Le délai d’instruction, en Martinique, pour une mesure de protection (cf. annexe 10 p.69) est d’un an et plus, tandis qu’il est de 3 à 6 mois à Paris, Toulouse, Lyon, Lille et Marseille. Certains psychiatres rappellent que « ces mesures de protection ne doivent pas être systématiques, puisque qu’il n’y a pas de corrélation entre l’incapacité et le trouble mental, d’autant plus que celui-ci peut être épisodique ». En d’autres termes, le trouble mental ne provoque pas toujours une incapacité à penser et à agir en toute cohérence. Enfin, le secteur médico-social veille également « à ne pas loger des demandeurs dans des quartiers dits « toxiques », c’est-à-dire connus pour la délinquance, le trafic de drogue, les nuisances sonores, ne serait-ce que les allées et venues des scooters etc. Pour certaines personnes vulnérables les risques seraient multiples : déstabilisation psychique, crises à répétition, consommation de produits illicites, squat du logement, maltraitance, abus de faiblesse etc. » selon Valérie CHANFREAU de la clinique la recouvrance à Toulouse. Juliette FURET de l’USH rappelle que « chacun d’entre nous, connaît dans son entourage familial, amical, professionnel ou dans sa résidence une personne qui a décroché. Confrontés à cette problématique de santé mentale, les organismes HLM construisent, également, des logements adaptés ». En effet, certains bailleurs sociaux ont développé une offre alternative au logement social.
  • 28. 20 Section 2 : Développer l’offre alternative au logement social Le taux de couverture en matière d’hébergement est de 0.4 lit en Martinique pour 1 000 habitants contre 1,6 lit en métropole en 201558. Compte tenu du « déficit de structure d’hébergement, il y a un glissement, depuis fort longtemps, des populations en grande difficulté vers le logement social », selon un des bailleurs sociaux de la Martinique. De plus, Diane MONTROSE, conseillère territoriale de l’Assemblée de Martinique, membre du Conseil d’Administration chez les bailleurs sociaux, « considère que l’arsenal législatif dans le logement social est conséquent ainsi que celui de la santé mentale. Cette difficulté est encore plus forte lorsque les personnes ont des troubles de comorbidité (par exemple trouble mental plus addiction). Il est, alors, très difficile de faire cohabiter des gens ordinaires qui ont un droit de quiétude avec des locataires ayant des troubles de santé mentale. Par conséquent, pour respecter le principe du droit au logement, il est nécessaire, aussi, de réhabiliter le parc privé inoccupé et de développer les alternatives à l’accès au logement social ». Dans ce cadre, les bailleurs sociaux, de la métropole, favorisent la promotion de structures d’hébergement et de logement adaptés (1) à des personnes atteintes d’un trouble mental. En outre, ils mettent à la disposition des associations des logements « ordinaires » (2). Paragraphe 1 : La promotion des structures d’hébergement et de logement adaptés La promotion d’habitat spécifique ne constitue pas l’activité principale des bailleurs sociaux. Néanmoins, divers financements sont mobilisables par les organismes HLM pour construire des places d’hébergement ou des logements-foyers. § Les financements mobilisables par les bailleurs sociaux Les bailleurs sociaux, de la Martinique, peuvent solliciter une subvention accordée dans le cadre de la Ligne Budgétaire Unique (LBU) versée par l’État aux opérateurs de logements sociaux d’outre-mer. Par ailleurs, ils peuvent mobiliser d’autres subventions exceptionnelles auprès d’Action Logement, des Fondations, de la Sécurité Sociale, de la Caisse d’Allocations Familiales, des collectivités territoriales concernées ainsi qu’auprès de la Caisse de Garantie du Logement Locatif Social qui dispose d’un fonds de soutien à l’innovation. Enfin, ils concluent des prêts auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Il s’agit du prêt locatif d’urgence et du prêt locatif aidé d’intégration. 58 ARS, fichier statiss, Martinique, 2015
  • 29. 21  Le Prêt Locatif d’Urgence (PLU) permet de financer des travaux d’amélioration, de réhabilitation et parfois la construction et l’acquisition de foncier destinés pour des Centres d’Hébergement d’Urgence (CHU), des Centres d’Hébergement et de Réadaptation Sociale (CHRS), des Lits en Halte Soin Santé (LHSS) et des hôtels sociaux. Lorsqu’il s’agit d’une réhabilitation, la durée de remboursement du prêt s’étend de 5 à 25 ans. S’il s’agit d’une construction, l’amortissement doit être remboursé au maximum sur 40 ans pour le bâti et 50 ans pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est indexé sur le taux du livret A. Le remboursement du capital et des intérêts commencent avec un différé de 24 mois. Les fonds seront versés dans la phase de préfinancement et au plus tard deux mois avant la première échéance.  Le Prêt Locatif Aidé d’Intégration (PLAI) est destiné à financer la construction des logements-foyers, des CHU, des CHRS et des LLHS. La durée du prêt est de 40 ans maximum pour le bâti et de 50 ans maximum pour la partie foncière. Le taux d’intérêt est indexé sur le taux du livret A. Pendant les premières années (3 ans) le taux est fixe. Les modalités de mobilisation des fonds et le différé d’amortissement sont identiques au PLU. Le parc d’hébergement est très étendu. Néanmoins, en Martinique, les partenaires médico- sociaux ont sollicité, davantage, la construction de logements-foyers. § La construction de logements-foyers Les logements-foyers sont des logements meublés, intégrant des espaces privés et des espaces collectifs. L’article L.633-1 du CCH dispose que les logements-foyers font l’objet d’une convention à l’aide personnalisée au logement. Il existe divers types de logements-foyers. Certains foyers de vie avec hébergement sont destinés aux personnes handicapées. Ces établissements accueillent des adultes handicapés ayant une certaine autonomie et bénéficiant d’activités adaptées afin de maintenir leurs capacités. En pension complète, la somme laissée à l’hébergé est équivalente à 30 % de ses ressources dont le plancher est de 243,27 €. Le surplus des frais d’hébergement et d’entretien est pris en charge par le Conseil Départemental et par la Sécurité Sociale. Par conséquent, le bailleur social doit s’assurer que ces partenaires assumeront leurs responsabilités financières, puisque cela aura une incidence sur le paiement du loyer. Les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD) et ayant des troubles de santé mentale sont des maisons de retraites médicalisées qui proposent un suivi psychiatrique. La CDC finance ce type d’établissement dans le cadre du prêt locatif social.
  • 30. 22 La promotion de ce type de bien est indispensable au vu du vieillissement de la population martiniquaise, notamment dans le logement social. La Martinique ne dispose d’aucun EPHAD psychiatrique. Les résidences sociales59 sont destinées à de l’hébergement temporaire. L’accueil est proposé pour un mois renouvelable sans limitation de durée. Ces logements sont attribués aux personnes en difficulté sociale et économique et/ou ayant des troubles psychosociaux. Un accompagnement médico-social est mis en place. Récemment, la SMHLM de la Martinique a affecté 50 logements à la Croix-Rouge. Ces résidences ne connaissent pas de difficultés majeures car « l’association est présente et intervient rapidement en cas de crise. Le paiement du loyer est régulier. La gestion est assurée intégralement par cette association ce qui est « confortable » pour le bailleur social ». Les maisons relais accueillent des personnes ayant de faibles ressources. Ces ménages sont isolés, désocialisés ou en situation d’exclusion et dont l’accès à un logement autonome n’est pas envisageable. Ces personnes sont aussi celles qui ont fréquenté régulièrement les centres d’hébergement. Il s’agit de proposer un logement stable à durée illimitée. Un hôte ayant des compétences en matière sociale et d’insertion assure la gestion de la résidence dans la journée. Il dispose, à ce titre, des coordonnées des différents intervenants (médecins, psychiatres, travailleur social etc.) qu’il peut mobiliser. Les partenaires médico-sociaux interrogés60 sollicitent « les bailleurs sociaux, car ils disposent de l’ingénierie nécessaire pour élaborer un programme de construction, pour rechercher les financements et pour suivre les travaux. De plus, ils proposent des loyers moins élevés que dans le parc privé. Par ailleurs ils sont plus sensibles à la question des personnes vulnérables que le secteur privé ». Lors de la construction ou de la réhabilitation de logements destinés à des personnes ayant des troubles mentaux, les partenaires médico-sociaux souhaiteraient être consultés pour apporter des recommandations destinées à adapter les logements. Il s’agit notamment de veiller au renforcement des normes acoustiques, de s’assurer de l’accessibilité dans la résidence et dans le logement pour les intervenants médico-sociaux. Par ailleurs, ils souhaiteraient être associés pour arrêter la taille des logements (type studio ou T2 ou de grands 59 Décret n° 94-1129 du 23 décembre 1994, « modifiant le code de la construction et de l'habitation et relatif aux conventions passées entre l'Etat, l'organisme propriétaire et l'organisme gestionnaire pour les logements-foyers dénommés résidences sociales », JORF n°299 du 27 décembre 1994 60 Liste des partenaires médico-sociaux annexe 1 pages 55 et 56
  • 31. 23 logements dont chaque chambre aurait sa salle de bains) et pour fixer la taille des résidences. Dans la mesure du possible, cela doit être des petites unités de vie (10 à 15 logements environ). Ces structures devraient être réparties équitablement sur l’ensemble du territoire, implantées à proximité des centres de soins, des commerces et des services pour faciliter, également, l’usage des transports en commun. La production d’habitat spécifique constitue une alternative permettant de stabiliser les demandeurs avant qu’ils n’accèdent à un logement social. Les demandeurs atteints de troubles mentaux impactent la direction de la construction, du patrimoine et indirectement les directions fonctionnelles. Les bailleurs sociaux mettent, également, à la disposition des associations des logements « ordinaires » pour loger ces demandeurs. Paragraphe 2 : La mise à disposition de logements ordinaires gérés par les associations Cette solution repose sur la rédaction d’une convention et l’engagement entre un bailleur social et une association gestionnaire ou un établissement public administratif tel que les centres communaux d’action sociale. Ces derniers sont chargés de payer les loyers au bailleur social. Ce moyen est recherché car le logement existe déjà. Le bailleur social proposera, également, des logements vacants difficiles à relouer ou trop excentrés de la ville. Les partenaires médico- sociaux suggèrent la mise à disposition de logements qui seront mobilisés pour les appartements de coordination thérapeutiques, pour les familles gouvernantes et pour le bail glissant. Les appartements de coordination thérapeutique proposent un hébergement « à titre temporaire pour des personnes en situation de fragilité psychologique et sociale et nécessitant des soins et un suivi médical, de manière à assurer le suivi et la coordination des soins, l’observance des traitements et à permettre un accompagnement psychologique et une aide à l’insertion »61 . Ces appartements sont gérés par des associations et financés par l’hôpital psychiatrique. Les logements attribués ne peuvent pas être considérés comme le domicile du patient. Le dispositif de familles gouvernantes est né d’une initiative associative (Union Nationale des Associations Familiales). Les ménages bénéficiant d’une tutelle ou curatelle cumulent, souvent, de nombreux handicaps. Ils sont très fortement désocialisés et sont dans l’incapacité 61 Décret n° 2002-1227 du 3 octobre 2002 relatif aux appartements de coordination thérapeutique
  • 32. 24 de gérer les aspects de la vie quotidienne. Le bailleur social peut mettre à la disposition de cette association un logement pouvant accueillir jusqu’à cinq personnes. La gestion du quotidien sera assurée par une gouvernante. Le bail glissant est issu de la pratique. Il n’existe pas de définition juridique. Il vise à favoriser l’accès et l’insertion durable dans un logement des ménages éprouvant des difficultés. Pendant une période transitoire, l’occupant a le statut de sous-locataire avant de devenir locataire. L’association gestionnaire est le locataire en titre. Elle assure le paiement du loyer au bailleur social et effectue l’accompagnement qui est nécessaire. Le bail glissant est une voie d’entrée dans le logement pour des populations fragiles. En conclusion de ce premier titre, la mise en place des nouveaux outils de pilotage (ex : DALO, SIAO) puis l’évolution des textes législatifs a favorisé l’élargissement du public prioritaire dont les personnes vulnérables et moins autonomes. Afin de respecter les critères de priorité liés à l’attribution des logements pour les personnes handicapées et pour favoriser le parcours résidentiel, les bailleurs sociaux ont dû s’adapter. Ils ont renforcé les outils de gestion des attributions (ex : charte d’attribution des logements réactualisé). Puis, ils ont bâti un partenariat avec le secteur médico-social construit autour de documents stratégiques (ex : convention avec l’hôpital psychiatrique). Par ailleurs, certains ont déjà engagé une révision de l’accord collectif intercommunal. D’autres mobilisent des prêts accordés par la CDC pour diversifier l’offre de logement adapté ou mettre à la disposition des associations des logements « ordinaires ». Ces alternatives sécurisent le bailleur social et renforcent la stabilité psychique des demandeurs avant qu’ils n’accèdent à un logement social. Cependant, en cours de bail, certains locataires décompensent à cause d’un évènement traumatique vécu dans le cadre privé ou professionnel. En effet, les bailleurs sociaux ont cité « le divorce, le décès d’un proche, une ou plusieurs maladies, un accident, le cumul de difficultés économiques et sociales, les dettes, la perte d’un emploi, la vieillesse etc. ». Les troubles psychosociaux ou mentaux des locataires, ayant une incidence dans le logement, impactent la gestion locative et le maintien dans les lieux de ces derniers.
  • 33. 25 TITRE 2 : MAINTIEN DANS LES LIEUX DES LOCATAIRES ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
  • 34. 26 Les bailleurs sociaux sont contraints de gérer, dans le temps, les locataires atteints de troubles mentaux (chapitre 1). Confrontés aux contraintes du secteur de la santé mentale, ils s’investissent et développent d’autres alternatives pour renforcer la gestion dans le cadre du maintien dans les lieux (chapitre 2). Chapitre 1 : Gestion des locataires atteints de troubles mentaux Pour faire face aux conséquences induites par les troubles mentaux, les bailleurs sociaux engagent leurs responsabilités juridiques (section 1). Ainsi, certains ont développé de nouvelles stratégies managériales pour la gestion locative (section 2). Section 1 : Responsabilité juridique des bailleurs sociaux En Martinique, les bailleurs sociaux orientent les dossiers complexes62 à l’ALS (cf. annexes 11 et 11.1 p. 70 et 71). Les conseillères sociales sont chargées d’apporter des réponses sociales et de mobiliser le secteur médico-social. Cependant, Isabelle Louison responsable de la gestion locative à la SAHLM d’OZANAM rappelle « qu’initialement, le bailleur social était chargé de construire des logements sociaux, de les louer et de gérer les locataires qui étaient par principe autonome. Compte tenu de la dégradation de la santé des êtres humains, du délitement des liens familiaux, des réductions budgétaires, le bailleur social est contraint de gérer les dommages collatéraux des troubles de santé mentale et devient le rempart suite aux absences des autres politiques publiques ». En dépit de cette situation, les responsabilités qui s’imposent aux bailleurs sociaux concernent la jouissance paisible de la résidence (1) et la prévention des expulsions (2). 62 Situation traitée en amont par le bailleur social, mais dont les tentatives de réponse ont échouées et dont les professionnels peuvent être confrontés à une situation de blocage. Les cas présentés sont par exemple : les locataires souffrant du syndrome de Diogène, tentatives de suicide, incurie, dégradation du logement etc. TITRE 2 : MAINTIEN DANS LES LIEUX DES LOCATAIRES ATTEINTS DE TROUBLES MENTAUX
  • 35. 27 Paragraphe 1 : Assurer la jouissance paisible de la résidence Les bailleurs sociaux doivent garantir le droit de jouissance paisible du logement, gérer les troubles de voisinage et inciter les locataires à signaler les situations de mise en danger d’autrui ou de maltraitance. § Garantir le droit de jouissance paisible du logement L’obligation de jouissance paisible du logement est un des éléments du contrat de bail qui s’impose tant au bailleur social qu’aux locataires. En cas de non-respect des clauses contractuelles par le locataire, le bailleur social pourra entamer la procédure d’expulsion. Le locataire, dit le « preneur » doit « user de la chose louée en bon père de famille » (art. 1728 du code civil). Cette obligation est reprise à l’article 7 (b) de la loi du 6 juillet 1989 qui impose au locataire « d’user paisiblement des locaux loués, suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location » et ceci, quelle que soit la situation financière, sociale ou médicale des locataires. Cette disposition est d’ordre public. Elle pèse juridiquement sur le locataire de la même façon que les autres obligations : payer le loyer et les charges, effectuer l’entretien courant et assurer les réparations locatives. Le non-respect de ces clauses pourra être sanctionné par la résiliation du bail (art. L.442-4-1 du CCH). Cette obligation de jouissance paisible concerne toutes les personnes du foyer. De plus, le locataire ne peut ni dégrader les lieux63 , ni les transformer sans autorisation du bailleur64 . En cas de destruction, de dégradation, de détérioration et si l’infraction est reconnue, le locataire engage sa responsabilité pénale65 pouvant conduire à l’expulsion (Cf. annexe 11.1 situation D p. 67). Le non-respect du droit de jouissance peut constituer un trouble de voisinage qui contraint le bailleur social à intervenir. § Gérer les troubles de voisinage Les troubles de voisinage concernent tous les litiges entre voisins, constituant souvent une atteinte à la jouissance paisible des lieux. Ainsi, les juges retiennent la théorie jurisprudentielle du « trouble anormal de voisinage ». « Elle institue une responsabilité objective, une responsabilité sans faute. Il s’ensuit que l’auteur du trouble ne peut pas s’en exonérer en prouvant son absence de faute. Seule la preuve du trouble est nécessaire, c’est la naissance d’un droit à une qualité et une tranquillité de vie66 ». En effet, le trouble de voisinage est sanctionné indépendamment de la nature volontaire ou non de sa cause. Ainsi, même si 63 Art.1735 du code civil 64 Art.7 de la loi du 6 juillet 1989 65 Art. 322-5 du code pénal 66 Cours de Monsieur Luc-Michel NIVOSE- Conseiller à la Cour de cassation – 3ème chambre civile-
  • 36. 28 l’auteur n’a pas commis de faute ou s’il est atteint d’un trouble psychique cela ne l’exonère pas de sa responsabilité. Les nuisances prises en compte doivent excéder les inconvénients normaux du voisinage (ex : tapage diurne répété). Le juge évalue les nuisances en tenant compte de la nature, de l’intensité, de l’anormalité du trouble, du caractère continu et permanent des désagréments. Tout en sachant que, vivre dans un immeuble collectif suppose l’acceptation d’inconvénients considérés comme normaux. Parfois, les retentissements sur le voisinage peuvent être graves67 . Le trouble de santé mentale, à l’origine des troubles de voisinage, ne peut pas être évoqué pour solliciter la résiliation judiciaire du bail d’habitation. Le bailleur social doit se concentrer sur les clauses contractuelles défaillantes et sur le non-respect des dispositions du code civil et du code pénal. La résiliation du bail peut être obtenue suite aux conséquences consécutives sur le logement dont un membre du foyer est atteint d’un trouble mental68 . Un arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 24 février 200569 indique que « si un office public HLM remplit à l’évidence une mission sociale, il ne peut lui être demandé d’assurer la prise en charge de personnes dont le comportement relève à l’évidence d’un traitement psychiatrique ». Plus récemment, la Cour d’Appel de Paris du 15 décembre 201670 a prononcé la résiliation du bail judiciaire en s’appuyant de l’article 7-b de la loi du 6 juillet 1989 et de l’article 1184 du code civil. Les motifs retenus sont le « comportement agressif et anormal de Monsieur…, qui frappe aux portes de ses voisins de l’immeuble, qui fume dans les parties communes de la résidence avant de se débarrasser de ses mégots mal éteints sur les paillassons… au risque de provoquer un incendie. Des mains courantes, des attestations délivrées par des voisins et le courrier de la tutrice sont versées aux débats ». Par conséquent, « le rétablissement des relations de voisinage apaisées apparaît compromis ». Ainsi, les juges sont attachés à la réalité, à la gravité et à la persistance des troubles allégués jusqu’au jugement. Au-delà du manquement contractuel, ils sanctionnent les 67 Un locataire atteint d’un trouble mental a été victime d’un acte de violence de la part d’un voisin excédé par les nuisances sonores. Ce dernier a été incarcéré. Son épouse (ayant deux enfants) éprouve des difficultés financières pour payer le loyer. 68 Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Lyon, affaire Ribera et la Régionale Immobilière, 1ère chambre civile, section B, n°1817. La résiliation du bail est prononcée à cause des retentissements sur la résidence liés au fils qui n’est pas stabilisé psychiquement. 69 Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Chaulet et OPHLM de Bonneuil sur Marne, 6me chambre, section B, 24 février 2005 n°04/01780 70 Arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris, affaire Nadir et la Société d’Economie Mixte Noisy-Le-Sec Habitat, Pôle 4, chambre 4, 15 décembre 2016, n°14/21300
  • 37. 29 conséquences ayant un retentissement sur l’équilibre financier de l’organisme et sur l’environnement. En effet, ils tiennent compte de la sécurité de l’ensemble des locataires que le trouble soit d’origine psychique ou non. En revanche la situation du locataire doit rester inchangée ou s’aggraver pour que la résiliation judiciaire du bail d’habitation puisse être prononcée. Pour fournir des preuves, les bailleurs sociaux encouragent les locataires à déposer une main courante à la police ou à la gendarmerie (ex : pour les troubles de voisinage). En cas de nécessité, ils invitent, les locataires à porter plainte pour mise en danger d’autrui. En revanche, pour protéger les locataires vulnérables des signalements pour maltraitance sont effectués. § Gérer les situations de mise en danger d’autrui et de maltraitance Les locataires peuvent porter plainte pour mise en danger d’autrui. L’article 223-1 du code pénal dispose que « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ». Une copie de ces dépôts de plainte doit être versée dans le dossier d’expulsion constitué par le bailleur social. En outre, selon le code pénal tout citoyen (dont les salariés des bailleurs sociaux) doit signaler les crimes71 à la police ou à la gendarmerie « dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets » (art. 434-1). De plus, les situations de maltraitance72 doivent être déclarées au Procureur de la République, à la police, à la gendarmerie, au tuteur, à l’aide sociale à l’enfance (Conseil Départemental). En effet, « le fait, pour quiconque ayant eu connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison…d’une déficience psychique… et de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende » (art.434-3). Les locataires atteints de troubles mentaux sont fragiles et peuvent subir des préjudices de l’extérieur ou se faire du tort à eux-mêmes. Dès lors, que le bailleur social est chargé d’assurer la sécurité et la tranquillité résidentielle (art. L.127-1 du CCH), il veille à favoriser le bien-vivre ensemble. Toutefois, certaines situations exigent la mise en œuvre de la procédure d’expulsion. Les dispositifs de prévention des expulsions peuvent être mobilisés soit par les bailleurs sociaux soit par les locataires. 71 Tentative de viol, vol avec violences aggravés, escroquerie, séquestration etc… 72 Maltraitance physique, psychique ou financière
  • 38. 30 Paragraphe 2 : Les dispositifs de prévention des expulsions Les bailleurs sociaux de la métropole indiquent que souvent les locataires atteints d’un trouble mental sont en impayé de loyer. Les organismes HLM enclenchent, plus souvent, la procédure d’expulsion pour impayé de loyer. Ils doivent, alors, saisir la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions (CCAPEX)73. L’objectif est de lutter contre les expulsions des locataires, de régler les problèmes d’impayés et de prévoir un plan de relogement pour ceux qui sont en situation difficile. Certains bailleurs sociaux pensent que ces deux outils ont le « méritent de mobiliser, autour du bailleur social, l’ensemble des partenaires chargé de régler les difficultés financières des locataires ». Mais, « l’absence de solutions effectives alimentent » la procédure d’expulsion et cela peut influencer la décision du juge. La CCAPEX et la charte de prévention des expulsions ont été mis en place, en Martinique, en 2010. En revanche, le dispositif n’est pas opérationnel. L’État envisage de réactiver, ces outils d’ici 2018. Outre la CCAPEX, en cas d’expulsion, le locataire peut saisir la commission de médiation du DALO. Les locataires menacés d’expulsion, dont ceux qui sont atteints d’un trouble mental, sans possibilité de relogement peuvent saisir cette instance pour obtenir un autre logement social (cf. annexe 5 situation B p. 64). En effet, les bailleurs sociaux interrogés constatent qu’après une expulsion « certains locataires reviennent dans le parc social ». Enfin, la circulaire du 22 mars 201774 , relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la prévention des expulsions, favorise l’articulation entre la CCAPEX, la charte de prévention des expulsions et la commission de médiation du DALO. Elle vise un objectif de « zéro expulsion sans relogement ». L’État souhaite éviter les « coûts conséquents pour les finances publiques… [liés à] l’hébergement et à l’indemnisation des bailleurs ». Pour conclure, certains bailleurs sociaux déclarent que la procédure d’expulsion n’est pas évidente à mener en raison de tous ces dispositifs (CCAPEX, charte de prévention des expulsions, DALO). En outre, « le suivi et la constitution du dossier d’expulsion, notamment, pour trouble de voisinage est complexe car l’évaluation du trouble anormal de voisinage reste à l’appréciation du juge ». Par conséquent, certains organismes HLM considèrent qu’ils sont « souvent déboutés ». Freinés par la procédure d’expulsion et contraints de gérer les locataires atteints d’un trouble mental, les bailleurs sociaux ont voulu renforcer la gestion locative. 73 La CCAPEX a été introduite par la loi « Besson » et la loi MOLLE du 25 mars 2009 l’a rendue obligatoire. Puis, elle a été renforcée suite à la loi ALUR du 24 mars 2014 (art.27). 74 Circulaire du 22 mars 2017 « relative à la mise en œuvre du plan interministériel pour la prévention des expulsions locatives », n° NOR : LHAL1709078C
  • 39. 31 Section 2 : Évolution managériale de la gestion locative Les bailleurs sociaux ont engagé une démarche de réorganisation des services à la clientèle (1) et ils ont défini la procédure de traitement d’un dossier lié à un trouble de santé mentale (2). Paragraphe 1 : La réorganisation des services à la clientèle Les risques psychosociaux vécus par certains salariés ont conduit certains bailleurs sociaux à mettre en place des actions de sensibilisation et de formation sur la santé mentale. En outre, ils ont renforcé la gestion locative par la mise à disposition de compétences médico-sociales. § La prévention des risques psychosociaux des salariés Nadine PONCIN75 rappelle que « tout employeur est tenu à une obligation de sécurité et doit prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des salariés ». Diverses mesures peuvent être mises en place par les bailleurs sociaux : actions de prévention, d’information, de formation et la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés etc76 . Selon LOGIREM « les dirigeants des organismes HLM s’impliquent de plus en plus dans la gestion des locataires ayant des troubles de santé mentale en raison des risques psychosociaux éprouvés par les salariés ». Les risques psychosociaux correspondent à des risques professionnels qui pénalisent l’intégrité physique et mentale des salariés. Par exemple, face à ces locataires, les interventions administratives du bailleur social sont considérées, parfois, comme « inopérantes, inefficaces ou inadaptées ». Par ailleurs, le personnel se retrouve en difficulté face à ce public pour établir une relation d’échange, d’où une « incompréhension de la situation » et la difficulté à trouver les « bons outils » ou « le bon interlocuteur ». La crainte est liée à la perception des troubles de santé mentale et au risque d’être confronté à un « comportement menaçant ou agressif » ou d’être « en situation de danger ». Or, seulement « 3 à 5 % des violences commises à l’encontre des personnes et des biens sont imputables aux personnes ayant un trouble mental »77 . Par conséquent, le danger provient majoritairement des personnes « ordinaires ». Les risques cités, par les bailleurs sociaux interrogés, sont les violences (insultes, menaces, agression verbale et physique) et le stress pouvant conduire à l’épuisement des professionnels. Cela se traduit par une hausse des arrêts de travail, une irritabilité, une nonchalance, un refus de respecter les règles etc. Toutefois, la perception de ces 75 Avocate au barreau de Paris spécialisée en droit social, intervenante à l’Université de Paris 13 76 Art. L.4121-1 à L.4121-5 du code du travail. 77 Haute Autorité de Santé, Dangerosité psychiatrique, Saint-Denis La Plaine, mars 2011, p.5, 29 pages
  • 40. 32 risques intègre aussi une part de subjectivité du salarié. Pour prévenir ces risques, les dirigeants ont mis en place des actions de sensibilisation et de formation destinées aux salariés. § Les actions de sensibilisation et de formation des salariés L’AFPOLS propose des formations adaptées relatives à la gestion du stress, aux situations de conflits, aux troubles de voisinage, aux troubles de santé mentale etc. Ces formations concernent prioritairement la gestion locative, le service contentieux et les concierges. Elles visent à rappeler le cadre réglementaire du bailleur social, à mieux comprendre ces phénomènes, à monter en compétence, à renforcer l’efficience de la société et à changer le regard des collaborateurs sur la santé mentale. Les bailleurs sociaux de la métropole ont indiqué que pour conserver cette émulation, « des réunions thématiques, inter-institutions, sont mises en place sur le syndrome de Diogène, la bipolarité, l’incurie… car pour chaque trouble, les réponses, les comportements et l’approche sont différents. Ces rencontres favorisent les synergies et permettent de développer des colloques annuels sur des thématiques différentes ». Ainsi, Lille Métropole Habitat participe, régulièrement, aux réflexions menées sur les thématiques suivantes :  Comment sensibiliser les bailleurs et faire en sorte que le handicap psychique soit comme les autres handicaps, intégré dans la cité ?  Quelles sont les conditions favorables à l’accès au logement et au maintien dans celui-ci ? Comment les mettre en œuvre ? En outre, certains organismes HLM ont renforcé les compétences de la gestion locative par le financement d’une équipe sociale ou médico-sociale. § Le renforcement des compétences de la gestion locative En complément des interventions du secteur médico-social, les bailleurs sociaux ont renforcé la gestion locative en recrutant des conseillères en économie sociale et familiale. D’autres ont créé un service destiné à « l’innovation sociale, au développement social ou à la gestion sociale ». Paris Habitat dispose d’une direction de la cohésion sociale avec 30 salariés (ratio de 2.4 salariés pour 10 000 logements). Elle a créé une filiale chargée de gérer les différents centres d’hébergement. Lille Métropole Habitat (30 000 logements) compte trois salariés dont une responsable des produits spécifiques (gestion des foyers et établissements médico-sociaux). La SIMAR de la Martinique est la seule société à avoir embauché trois conseillères sociales affectées à une mission sociale (10 000 logements).
  • 41. 33 Ainsi, comme l’ont indiqué Daniel GLAESNER et Christophe PALLOT78 , compte tenu de la paupérisation grandissante, « la performance globale d’une entreprise se mesure, également, par la capacité des salariés à travailler dans un cadre pluridisciplinaire. Il s’agit, d’une part, de respecter la réglementation en vigueur, et d’autre part, de mobiliser et de s’appuyer sur d’autres compétences internes et/ou externes ». À ce titre, les bailleurs sociaux de Paris financent avec l’ARS et la mairie l’intervention d’une équipe mobile, externe, composée d’un psychiatre, d’un infirmier, d’une assistante sociale et d’un chargé de projet, tous à temps plein, pour gérer 80 à 100 locataires par an. La société Est Métropole Habitat (14 000 logements) implanté à Lyon s’est dotée d’une équipe mobile, interne, constitué d’un infirmier, d’un psychiatre et d’un travailleur social. L’objectif est d’analyser les caractéristiques de la population locative concernée et d’apporter une réponse globale permettant de rétablir la situation sociale, financière et psychique du locataire. Par ailleurs, les bailleurs sociaux ont clarifié la procédure de traitement des locataires atteint d’un trouble mental. Paragraphe 2 : Les différentes phases de traitement d’un dossier lié à trouble mental Selon les bailleurs sociaux interrogés le traitement d’un dossier lié à un trouble mental s’effectue en six phases. La phase d’identification des problèmes est cruciale. En effet, elle permet de distinguer les troubles liés à l’incivilité, à la délinquance et ceux relevant de la santé mentale. Les réponses et les partenaires à mobiliser seront différents. En effet, selon LOGIREM, « les situations présentées dans les réseaux de santé ne relèvent pas toutes de la psychiatrie, seulement un tiers des situations sont des souffrances psychosociales ». La phase de qualification de la situation (nature des problèmes, fréquences, analyses des remontées d’informations des concierges, des habitants, des partenaires etc.) permet de déterminer les actions à entreprendre en interne (convocation du locataire, rappel au règlement intérieur des résidences etc.) et/ou en externe par la mobilisation des partenaires concernés. Lille Métropole Habitat précise également que « tous les locataires ne peuvent pas être psychiatrisés, par conséquent, le bailleur social doit bien qualifier la situation pour orienter uniquement les locataires qui posent problème ». 78 Intervenants de l’AFPOLS, en management des organismes HLM, à l’Université de Paris 13