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Rapport qualitatif
Construire une communauté
de pratique pour l’égalité
des genres en Tunisie
Rapport qualitatif
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
3
TABLE DES MATIÈRES
1	Introduction
1.1	 Approche méthodologique
2	 Conception de la Communauté de Pratique (CdP)
2.1	Introduction
2.2	Expériences
2.3	 Outils de la CdP
2.3.1	 Les groupes de discussions (focus groups)
2.3.2	 Les entretiens semi-directifs
2.3.3	 Les réunions et les activités régionales
2.3.4	 Les activités éducatives : films et débats
3	 La situation des femmes en Tunisie
3.1	 Société civile et politique
3.2	 Gouvernance locale et élections municipales
3.3	 La prise de décision
3.4	 Besoins des femmes et système de santé en Tunisie
3.5	 Accès aux services de la santé de la reproduction
3.6	 Conditions de travail et inégalités des salaires
3.7	 La violence à l’égard des femmes
3.7.1	 La nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes
3.7.2	 Femmes et violence extrême
4.	 Conclusions et recommandations pratiques
4.1	Conclusions
4.2	 Recommandations pratiques
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BIOGRAPHIE
DE L’AUTEUR
Membre de l’Observatoire
Tunisien de la transition
démocratique, Mr. Hafedh
Chekir est un démographe et
un statisticien. Ses domaines
d’intérêt comprennent les
études démographiques, les
changements démographiques, les taux de
natalité et les enquêtes sur l’immigration et
l’opinion publique. Il a notamment travaillé
avec le Fonds des Nations Unies pour la
population (FNUAP), dans plusieurs pays
arabes, pour plus de vingt ans et a notamment
occupé le poste de Directeur régional du
bureau régional des États arabes du FNUAP.
Il est aussi l’auteur de plusieurs publications
dont La dynamique démographique dans
les pays du bassin méditerranéen, La
transition démographique dans les pays
arabes, document soumis au Forum arabe
sur la population, Écarts de genre et structure
familiale dans le monde Arabe.
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
5
1. INTRODUCTION
L
e processus de transition démocratique que vit la Tunisie depuis 2011, pose encore
avec acuité la question des droits des femmes, leur rôle et leur statut dans la
société. Il occupe, certes, une place privilégiée, mais continue de susciter des débats
contradictoires, susceptibles d’influer sur l’évolution des rapports sociaux de genre, en
Tunisie. En effet, le chemin semble être encore long pour garantir l’égalité totale entre les
genres, mettant en échec toute remise en question des droits des femmes tunisiennes.
Aujourd’hui, beaucoup de femmes sont encore confrontées à des difficultés et des
défis qu’elles sont appelées à relever dans leur parcours dans la vie, et ceci, à cause
de multiples facteurs comme le manque de coordination entre les différents acteurs
sociaux et le manque de prise en compte de la diversité des populations féminines et des
spécificités régionales et locales en matière d’intervention et d’insuffisance des données
désagrégées par genre.
Le Projet “3eshra’’, destiné à développer une Communauté de Pratique, (CdP), basée sur
le genre social, évolue dans ce contexte compliqué et essaie, grâce à la dynamique et
la diversité des volets d’intervention et d’activités qu’il instaure, la compréhension des
mécanismes de cette situation sociale et l’engagement à agir dans un sens positif, pour se
rapprocher le plus possible de l’égalité réelle des genres.
1.1	 APPROCHE METHODOLOGIQUE
Pour l’élaboration du rapport qualitatif final “3eshra’’- Construire une Communauté de
Pratique (CdP) pour l’égalité des genres en Tunisie, nous avons suivi la méthodologie
suivante, basée sur quatre outils de travail, à savoir : les groupes de discussion, les entretiens
semi directifs, les activités régionales et les activités éducatives et sur la pratique que la CdP
a développée au cours des deux dernières années : 2017-2018.
En effet, pour animer cette communauté, la CdP a programmé quatre outils de travail, ou
types d’activité, en guise d’outils d’animation, de création et de développement de ladite
communauté, articulés, autour des groupes de discussion, des entretiens semi directifs, des
activités régionales (séminaires, ateliers de travail et réunions) et des activités éducatives
(projection de films et débats dirigés).
6
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
•	 Premier type d’activité : Les groupes de discussion.
•	 Deuxième type : Les entretiens semi directifs ont été menés avec divers
acteurs de la société civile.
•	 Troisième type : Les activités régionales, telles que les séminaires, les
ateliers de réflexion et les meetings.
•	 Quatrième type : Les activités éducatives : activités culturelles, dont
notamment des projections de films à thèmes, suivies de débats constructifs.
Cette approche multiforme a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un espace
d’échanges et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis sur les
différents gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets qui se
rapportent à la thématique centrale, égalité entre les genres.
Nous traiterons ainsi :
•	 Du déroulement des activités et de la construction de la communauté.
•	 La cartographie des différents acteurs et intervenants régionaux travaillant sur
l’égalité.
•	 La mesure de l’impact de la CdP.
•	 L’analyse et l’exploitation des données récoltées, selon deux méthodes de
recherche qualitative : Groupe de discussion et entretiens semi directifs.
•	 Les principales conclusions et déductions sur la situation de l’égalité à l’échelle
nationale.
•	 Conclusions et Recommandations
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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2.1	 INTRODUCTION
En partenariat entre Robert Bosch Stiftung (RBSG) et le Maghreb Economic Forum (MEF),
le projet “3eshra’’ qui est une plateforme pour l’égalité entre les genres a été mis au point.
•	 LeMaghrebEconomicForum,MEF,Think-and-DoTankougroupederéflexion,aété
fondé en 2011 sur la base du soutien à l’intégration maghrébine et au développement
de la croissance économique et sociale. Avec une population de 90 millions
d’habitants, l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie peuvent créer un
espace social et économique solide pour prospérer à l’ère de la mondialisation et de
la numérisation.
MEF accomplit sa mission en tant qu’organisation civique, sans but lucratif. Son approche
vise à engager et impliquer le grand public à cette époque de changements profonds,
exaltants mais parfois menaçants.
•	 La Robert Bosch Stiftung est une des principales fondations allemandes, associées
à une entreprise privée, qui gère depuis plus de 50 ans le legs philanthropique du
fondateur Robert Bosch. En effet, c’est sa vision entrepreneuriale, sa clairvoyance
politique, sa force morale et ses initiatives charitables qui définissent les normes du
travail de la Robert Bosch Stiftung.
Le projet “3eshra’’ en Tunisie, dure 2 ans. Pendant cette période de construction et
d’émergence de la communauté, beaucoup d’actions et d’activités ont été entreprises et
dans lesquelles, aussi bien le MEF que RBSG ont joué le rôle de :
•	 Agent de conception du schéma et plan du travail pour la communauté.
•	 Accompagnateur de la communauté.
•	 Catalyseur.
•	 Facilitateur de la construction d’un environnement interne et externe.
Le rôle du MEF et RBSG est, par conséquent, d’accompagner le projet tout au long de sa
période d’existence et d’assurer que les activités se dérouleront avec réussite. En effet, des
réunionsdelacommunauté,desgroupesdediscussion,desquestionnaires,semi-directifs
ont été élaborés pour répondre pertinemment aux questions de la thématique « genre».
•	 Les deux partenaires ont aidé à développer ces pratiques communes au sein de la
communauté qui servira d’exemple et de modèle pour des projets à venir.
2. CONCEPTION DE
LA COMMUNAUTÉ
DE PRATIQUE (CDP)
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3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
•	 Ils ont veillé à l’élaboration d’un calendrier détaillé et précis pour toute la période
du projet et qui a été appliqué par tous ceux qui travaillent sur cette communauté en
respectant les échéances.
La création de la plateforme pour l’égalité entre les genres, partant du constat que des
travaux ont été effectués dans le passé sans laisser de traçabilité ni de continuité pour
cette thématique. Ainsi le projet “3eshra’’ vise à :
•	 Regrouper les acteurs de l’égalité de genres et les travaux effectués par le biais d’une
plateforme sociale réelle et virtuelle.
•	 Créer cette communauté sur différentes régions de la Tunisie, en répartissant la carte
géographique de la Tunisie sur 5 régions :
m	 Région comprenant Tunis, Ariana, Ben Arous, Zaghouan Manouba et Bizerte.
m	 Région comprenant Beja, Jendouba, Siliana, Kef et Zaghouan.
m	 Région comprenant Nabeul, Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax.
m	 Région comprenant Kairouan, Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa.
m	 Région comprenant Tozeur, Kébili, Gabès, Médenine et Tataouine.
Mais qu’est-ce qu’une communauté de pratique ?
C’est un groupe de travail homogène, s’organisant pour un travail ciblé, dans un espace de
partage, aussi bien d’une cause que des soucis.
La communauté de pratique est un groupe de personnes qui collaborent ensemble, en
face à face ou/et virtuellement.
Les membres de la communauté sont liés par un intérêt commun dans un champ de
connaissance et sont conduits par un désir et un besoin de s’entraider, de partager leurs
meilleures pratiques et de développer de nouvelles connaissances.
Les membres de la communauté, approfondissent leurs connaissances en interagissant
sur une base continue et à long terme.
Un engagement mutuel : Tous les membres de la communauté doivent respecter cet
engagement.Laconfianceetl’ouvertureauxautressontdescaractéristiquesprimordiales.
Le but est d’utiliser les compétences et les complémentarités de chacun. Ainsi, les
membres doivent être capables de partager leurs connaissances et de les lier à celles des
autres membres. L’objectif principal de l’engagement mutuel est donc que chacun aide et
soit aidé par un autre membre de la communauté.
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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Quelles sont les dimensions et l’utilité de la CdP ?
•	 Une entreprise commune.
D’après Etienne Wenger, 1
il est important de créer une entreprise commune interne à
la communauté. Cette entreprise aura pour but de faire interagir ses membres afin
d’accomplir l’objectif de l’entreprise commune et de la faire évoluer en fonction des
nouveaux enjeux et problèmes intervenants.
•	 Un répertoire partagé : Ce répertoire est primordial pour l’entreprise commune. Il
caractérise les ressources permettant aux membres de communiquer, de résoudre
des problèmes. Les ressources peuvent être de différents types : mots, outils,
routines, procédures, dossiers…
•	 Utilisation des ressources délocalisées et mise en commun des efforts.
•	 Meilleur apprentissage individuel et organisationnel.
•	 Circulation des savoirs, développement des connaissances et habiletés
professionnelles.
•	 Stimulation de l’innovation.
•	 Accroissement de la rapidité de transformation des meilleures pratiques.
•	 Résolution des problèmes.
•	 Stimulation de l’énergie intellectuelle et de la créativité.
•	 Facilitation de l’intégration, de la motivation, de la rétention (fidélité) et du sentiment
d’appartenance des individus.
La présente communauté de pratique, objet du projet de partenariat entre MEF et RBSG
vise à instaurer et développer l’égalité entre les genres ; elle porte le nom de “3eshra’’.
Les clés de la réussite de cette activité sont :
•	 Un environnement et une culture organisationnelle favorable.
•	 Un soutien adéquat (ressources humaines, financières, matérielles).
•	 La qualité de l’animation.
•	 La thématique choisie, représentant un sujet important et pertinent pour les
participants, qui interpelle un nombre significatif d’individus et qui aborde des
problèmes réels et courants.
1.	 Etienne Wenger est un théoricien de l’éducation et un praticien, pionnier pour l’étude des communautés en milieu
d’apprentissage de travail pour avoir théorisé la notion des communautés de pratique (CdP) dans les années 1990
10
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
2.2	 EXPÉRIENCES
Un Brainstorming a été effectué par les coordinateurs régionaux du projet « 3eshra » par
rapport aux expériences dans la Communauté de Pratique (CdP) créée. Il s’en est dégagé
que :
u	 La CdP : C’est
Un Groupe homogène qui effectue un travail ciblé en créant un espace de partage. Il s’agit
d’un réseau dynamique de personnes qui échangent des expériences et des savoirs, qui
croient en une cause spécifique et la soutiennent.
u	 Qu’est-ce qu’il faut éviter ?
•	 La hiérarchie entre les membres de la communauté.
•	 Imposer son point de vue par rapport aux sujets traités.
•	 Travailler sur la quantité et non pas sur la qualité des activités.
•	 Négliger l’importance de la présence de tous les acteurs : secteurs privés,
secteurs publics, ONGs.
•	 Se limiter à un nombre réduit de sources d’information.
u	 Chercher et avoir l’information :
L’importance des contacts physiques : La création d’un climat de confiance entre les
membres de la CdP permet de favoriser l’échange, de développer les relations humaines
et de créer de vrais liens tout en s’adaptant à la spécificité de la région.
u	 Besoin du leader ?
•	 Avoir des personnes qui mènent le groupe avec un don d’expérience et
d’expertise.
•	 Avoir une équipe motivée.
•	 Avoir une forte conviction en la cause.
•	 Avoir les ressources humaines et matérielles pour effectuer son travail.
u	 Conseils pour quelqu’un qui compte commencer à travailler sur une CdP :
•	 Il faut effectuer une bonne cartographie des acteurs qui travaillent sur la
thématique.
•	 Il faut identifier de vrais problèmes selon les spécificités de la région.
•	 Il faut avoir le savoir, le savoir-faire et le savoir-être nécessaires.
•	 Il faut définir les outils de travail spécifiques à la CdP en question.
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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•	 Il faut effectuer des recherches approfondies relatives à la thématique.
•	 Il faut motiver ses collaborateurs et agrandir son réseau.
•	 Il faut maintenir une bonne visibilité et une stratégie de travail.
u	 Expérience positive CdP : Avantages
Expériences
Amitié
Liens du groupe
très bénéfiques
Echange
Ouverture et
participation
Ouverture sur les autres
(sur le plan régional et culturel) :
force contre les stéréotypes,
connaitre l’autre, conscience...
relation
humaine/échange
Reconnaissance
Identification
des succés à
l’intérieur
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3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
u	 Vécu d’expérience dans le projet :
•	 Enrichissement sur le plan personnel et professionnel.
•	 Amélioration du réseau avec les ONGs et les acteurs locaux.
•	 Réseautage sur le niveau local et national.
•	 Une pluridisciplinarité qui approfondit les connaissances de la communauté sur
l’égalité genre.
•	 La création de la première communauté de son genre en Tunisie.
•	 La cohésion de la communauté à travers le travail en groupe.
•	 L’analyse de thématiques originales.
2.3	 OUTILS DE LA CDP
Les outils qui ont été utilisés pour implémenter la CdP, dans les différentes régions du
pays, ont été :
•	 Les groupes de discussion (Focus groups).
•	 Les entretiens semi-directifs.
•	 Les différentes activités régionales : réunions, séminaires, ateliers.
•	 Les activités récréatives, de type culturel et éducatif.
2.3.1	 Les groupes de discussion (Focus groups) :
Les groupes de discussion ont été le principal outil de la CdP; ils ont été organisés sur la
base de notes conceptuelles et d’aide-mémoires, destinés à cadrer la discussion et à la
structurer pour en tirer des enseignements pertinents.
Les groupes de discussion ont touché plusieurs domaines civils, politiques, socio-
économiques, sanitaires, culturels et ont essayé de vérifier jusqu’à quel point l’idée du
genre est ancrée chez la population aussi bien féminine que masculine et l’intensité de
l’adhésion des différentes communautés à ce concept, développé par la CdP.
Une quarantaine de groupes de discussion ont été réalisés dans toutes les régions du
pays, autour de 6 thèmes majeurs, comme suit :
•	 Services de santé, en général et de santé de la reproduction, en particulier : 9
groupes de discussion au total : à Zaghouan, Le Kef, Sousse, Kasserine et Boughrara
(Médenine)
•	 Conditions de travail des femmes et inégalité dans le paiement : 6 groupes de discussion
au total : à Douar Hicher, Ariana, Jendouba, Tataouine, Kairouan et Sidi Bouzid.
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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•	 Violence et violence extrême à l’égard des femmes : 9 groupes de discussion au
total : à Tunis, Zaghouan, Jendouba, Le Kef, Sousse, Médenine, Kasserine et Gafsa.
•	 Femmes, société civile, vie publique, gouvernance locale et impact sur le travail des
municipalités : 12 groupes de discussion : Daouar Hicher, Ariana, Siliana, Médenine,
Kasserine, Tunis, Monastir, Nefza, Béja et Bizerte.
•	 Femmes et présence dans le domaine de l’art et de la culture : 2 groupes de
discussion : Tunis et une région non indiquée.
•	 Femmes et participation à la prise de décision : 2 groupes de discussion : Béjà et Sousse.
•	 Le débat au sein du groupe de discussion se déroule sur la base d’un aide-mémoire
qui guide la discussion et après une présentation du projet de la CdP par l’animateur
de la séance.
2.3.2	 Les Entretiens semi-directifs
Une trentaine d’entretiens semi directifs ont été menés avec des leaders locaux
(18 femmes et 12 hommes), représentants d’organisations nationales (UNFT) et
internationales (UNESCO), professeurs d’universités et autres enseignants, citoyens et
citoyennes, et des activistes de la société civile.
Les entretiens ont été effectués sur la base d’un questionnaire pour bien orienter la
discussion et la structurer et obtenir des résultats qualitatifs qui serviront à la CdP pour,
éventuellement réajuster son programme d’intervention, afin d’assoir la CdP sur des
bases, toujours plus solides.
Le questionnaire comportait, essentiellement, les points suivants :
•	 Comment voyez-vous l’égalité entre les genres en Tunisie ?
•	 Comment la société, envisage-t-elle l’égalité hommes/femmes ?
•	 Que pensez-vous de la politique de l’Etat en ce qui concerne l’égalité ?
•	 Comment envisagez-vous le rôle de la femme dans la société ?
•	 Quel est votre point de vue concernant la présence de la femme dans les media ?
•	 Quel rôle la femme est-elle destinée à assumer à l’avenir ?
Ces entretiens ont été enregistrés, transcrits et réécrits. Nous en avons utilisé quelques
parties, à titre de témoignage, que nous avons traduites de l’arabe vers le français, dans le
développement des thèmes du rapport.
2.3.3	 Les Réunions et les activités régionales
Sur le plan régional, plusieurs types d’activités ont été engagés : réunions régionales,
ateliers de travail, séminaires focalisés sur un thème, en liaison avec les orientations de
la CdP.
14
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
Ces activités régionales ont contribué à souder les liens au sein des membres de la CdP
et conforter les résultats, obtenus par les groupes de discussion et les entretiens semi
directifs avec les leaders locaux et les activistes de la société civile.
Les quatre outils utilisés par la CdP, à savoir les groupes de discussion, les entretiens
semi-directifs, les activités régionales et les activités éducatives ont fonctionné en parfaite
symbiose et se sont complétés pour renforcer les activités de la CdP et l’asseoir sur des
bases solides.
15 activités régionales ont été réalisées dans les cinq grandes régions du pays, à
Tunis (Nord), Sousse (Sahel), Sidi Bouzid (Centre Ouest), Médenine (Sud) et Tabarka
(Nord-Ouest).
Ces activités sont relatives à :
•	 Des réunions régionales sur la compréhension de la loi sur la violence à l’égard des
femmes, sur la radicalisation, sur l’économie sociale et la création d’emplois pour les
femmes, sur la participation des femmes au travail municipal, le rôle des media dans
le renforcement du rôle de la femme, sur la promotion de l’emploi des jeunes et son
impact sur l’emploi féminin, sur les femmes, victimes de la violence économique, en
agriculture.
•	 Des ateliers de réflexion sur la CdP et le travail sur des données quantitatives et
qualitatives.
Atelier régional à Tataouine
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
15
•	 Des séminaires de formation sur les groupes de discussion, méthodologie et manière
de conduire un groupe de discussion, formation sur les droits de l’homme, sur le
développement communautaire, formation sur les techniques et les stratégies de
communication.
2.3.4	 Les activités éducatives : Films et débats
Dans ce cadre, des séances de projection de films ont été organisées dans plusieurs
régions ; la filmothèque dont dispose l’équipe de la CdP est riche en courts métrages,
mais il semble que 3 films, en particulier, aient retenu l’attention des animateurs ; il s’agit
notamment de :
«Selma, Ennajah et le drapeau blanc», qui traitent de thèmes liés à la précarité de la
situation des femmes, notamment dans le domaine de l’emploi. Les séances de projection
ont été suivies par un débat constructif sur les conditions de la femme et notamment la
précarité de l’emploi féminin.
Lors des discussions relatives aux films, les participants expriment leurs différents points
de vue, en interprétant les objectifs du film projeté, et débordent sur les obstacles que
rencontrent les femmes des régions de l’intérieur.
A la fin de chaque séance, des questionnaires d’évaluation sont distribués aux participants
pour apprécier leurs points de vue par rapport aux films projetés.
16
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
3.1	 SOCIÉTÉ CIVILE ET POLITIQUE
La société civile a connu une dynamique particulière après la révolution qui ne s’est pas
limitée aux hommes, mais qui a touché également les femmes.
Un constat très positif : la participation des femmes à la société civile dans les régions
du Sud, jugées les plus conservatrices, s’est améliorée, ainsi beaucoup de femmes sont
devenues des actrices connues dans les associations civiles, ce qui n’était pas le cas, il n’y
a pas si longtemps.
Plusieurs femmes ont noté cette amélioration, notamment après la révolution. C’est le
cas d’une femme, activiste de la société civile, à Médenine et qui a participé à un entretien
semi directif.
Selon elle, « Après la révolution, l’activité de la femme aussi bien dans la sphère
sociale que politique s’est améliorée sensiblement. Elle est ministre, pas seulement
du Ministère de la femme, comme dans le passé, mais également d’autres ministères
techniques. Elle est directrice ou directrice générale dans les institutions et entreprises
de l’Etat.
La femme a acquis de la valeur au sein de la société, aussi bien civile que politique. Elle
occupe désormais une place importante dans le pays. Ses chances de participer à la vie
sociale et politique égalent presque celles de l’homme ».
De son côté, un activiste de la société civile, représentant d’une organisation internationale
(UNESCO) à Médenine,interviewé par l’équipe de la CdP, confirme cette idée, en assurant,
que « si, nous revenons quelques années en arrière, nous trouverons que la participation
de la femme était relativement faible, mais qu’au cours des dernières années, grâce aux
efforts de la société civile, représentée par un nombre important d’associations qui ont
effectué un travail en profondeur, le rôle de la femme a été valorisé, dans la gouvernance
locale ».
Il a estimé que « la participation de la femme dans la société civile est très importante
et il faudrait la valoriser davantage, en doublant d’efforts, pour que sa participation soit
l’égale de l’homme».
Ce changement est bien perçu par beaucoup d’autres femmes qui pensent que la
participation des femmes à la société civile est passée de l’image que voulait montrer
l’ancien régime à une participation plus effective et qui récompense le militantisme de
3. LA SITUATION
DES FEMMES EN
TUNISIE
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
17
beaucoup de femmes, comme le signale une des participantes à un groupe de discussion
dans la région du Kef, « qui considère que dans le passé, l’affectation des femmes à
un poste politique était un acte purement formel, juste, pour dire : voilà, chez nous en
Tunisie, la femme occupe une place importante, contrairement aux autres pays arabes
où la femme est confinée au foyer. Actuellement, on constate que mêmes les militantes
contre l’ancien régime s’imposent dans les postes politiques et civiles et font valoir leurs
qualités».
Certaines femmes, participantes aux groupes de discussion, admettent que par le passé,
la participation de la femme à la société civile et politique était insignifiante, mais au cours
des dernières années, l’intérêt porté au rôle de la femme s’est accru assez sensiblement,
notamment dans les gouvernorats du Sud et dans les zones rurales, en particulier, mais
ceci nécessite plus d’efforts encore pour développer davantage cet acquis afin d’assurer
son irréversibilité et assurer la bonne gouvernance, grâce à la participation accrue de la
femme aux affaires de la cité.
Cependant, la participation de la femme aux activités qui sont organisées en dehors de
la zone de résidence, surtout quand il s’agit de passer des jours et des nuits loin du foyer,
est très limitée. Selon les déclarations des participants aux groupes de discussion, aussi
bien à Médenine qu’à Monastir, « la distance et l’absence du foyer, même pour quelques
jours, pour assister à des cycles de formation ou à des séminaires de réflexion, ou des
réunions d’utilité publique, par exemple, est un handicap majeur qui limite l’implication
des femmes dans les activités sociales, de quelque nature qu’elles soient».
Une autre difficulté qui n’est pas moins importante, semble être la résistance des femmes
à la participation aux activités proposées. Le représentant de l’UNESCO à Médenine
considère que « la plus grande difficulté provient du fait qu’il faudrait convaincre les
femmes, elles-mêmes de participer aux activités et surtout aux séminaires de formation.
Parmi les thèmes qui méritent d’être traités avec les femmes, c’est la sensibilisation à
la vie familiale, à l’éducation sanitaire, à la violence que subissent les femmes et enfin
aux élections».
Une participante à un groupe de discussion, à Monastir a estimé, de son côté, que « pour
susciterl’intérêtdesfemmesauxactivitéssociopolitiquesoumêmeculturelles,ilfaudrait
diversifier les thèmes et évoquer sans cesse le principe de l’égalité hommes/femmes et
développer la lutte contre la violence subie par les femmes. Il faudrait aussi développer
des services de proximité qui n’obligent pas les femmes à voyager dans d’autres régions
pour de longues journées. L’éloignement est un élément dissuasif pour la participation
des femmes, surtout celles habitant en zones rurales. Il faudrait également concevoir
des séances de formation qui permettent aux femmes d’acquérir des connaissances
et des aptitudes pratiques, c’est-à-dire des expertises en informatique, par exemple,
même dans les ateliers d’artisanat et motiver les femmes pour participer de plein droit
18
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
aux élections municipales et à la gouvernance locale, surtout qu’on remarque un refus
généralisé de la population vis-à-vis de la participation aux occasions électorales, ce
qui appelle, aussi bien l’Etat que les associations civiles et l’ensemble des acteurs
politiques à redoubler d’efforts et à mettre l’accent sur cet aspect important qui est la
déficience électorale, pour que la participation des citoyens, en général et de la femme,
en particulier, soit plus importante et surtout plus efficace».
Beaucoup de participants dans les divers groupes de discussion, du Nord au Sud de la
Tunisieestiment«positifquelafemmeoccupedespostesdanslasociété:responsabilités
administratives et politiques, présidentes d’association, activistes dans la société civile
et au sein des syndicats».
Parmi les mesures proposées par les participants pour mieux intégrer la femme dans
la vie sociale et politique, on suggère de respecter toujours la parité dans les structures
sociales et même lors du recrutement des participants aux séances de formation et autres
activités sociales, politiques ou socio culturelles.
D’autre part, il est conseillé d’intégrer les activités dans les maisons de jeunes pour
intéresser plus de jeunes filles en zones rurales, en particulier.
A Monastir, une région du Sahel, les mentalités et les comportements, par rapport au
statut et au rôle de la femme dans la société ne diffèrent pas sensiblement de ceux des
autres régions du Nord-Ouest et du Sud.
En effet, une participante aux groupes de discussion de cette région a estimé que « la
participation de la femme dans la société civile dépend de son niveau social et culturel ».
Cependant, des participants au groupes de discussion estiment qu’il existe un élément
positif à prendre en considération, à l’échelle nationale, c’est la participation de la femme
aux postes politiques qui est de 23% dans le monde ; par contre ; elle serait de 27% en
Tunisie, ce qui prouve, qu’on a bien évolué et ce qui rehausse la fierté des participants.
Les participants estiment que les obstacles qui se dressent devant la participation de la
femmeàlaviesocialeetsurtoutàl’activitépolitiquerelèventdesmentalitésconservatrices,
encore dominantes, les stéréotypes imposés par la société (les engagements familiaux
de la femme dont la priorité est accordée aux enfants et aux affaires du foyer, au détriment
de tout autre type d’activité sociale ou politique).
UneparticipanteaugroupedediscussionàMonastirestimequ’«ilyavaitencorel’obstacle
politique, la peur de s’exprimer ; en effet, avant la révolution la liberté d’expression était
interdite. Il y a aujourd’hui encore le rôle négatif que jouent les médias, qui pratiquent,
peut-être, sans le vouloir, une sorte de discrimination entre les hommes et les femmes:
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19
les interviews politiques avec un homme sont toujours axées sur sa carrière politique,
par contre celles, avec les femmes, sont axées sur sa vie personnelle, comme si les
sphères socio politiques ne les concernaient pas».
Malgré les progrès enregistrés dans la participation de la femme à la vie civile et politique,
beaucoup d’activistes de la société civile continuent à considérer qu’il y a encore un long
chemin à parcourir pour réaliser l’égalité hommes/femmes.
Selon le Président de l’association de l’Union Tunisienne des Indépendants pour la
Liberté, qui a été interviewé par l’équipe de la CdP : «Nous avons des lois qui protègent
les femmes, des lois pionnières dans le monde arabe et ailleurs, mais les mentalités
ne suivent pas encore ; on constate qu’il y a toujours une certaine ségrégation et on
a l’impression que les hommes tiennent à maintenir les femmes dans une situation
inférieure à celle de l’homme ; c’est pourquoi, nous devons continuer à travailler sur
les mentalités, parce qu’on a l’impression que les droits des femmes ont été imposés
par la loi, alors que la société n’est pas encore apte à assumer l’égalité réelle entre les
hommes et les femmes, d’autant plus qu’après la révolution, a émergé la problématique
de l’identité et les tentatives de reconstruction de notre modèle de société et on a établi
une distinction entre les femmes voilées et les femmes non voilées, ce qui ne peut
qu’accentuer la ségrégation vis-à-vis de la femme».
3.2	 GOUVERNANCE LOCALE ET ÉLECTIONS MUNICIPALES
Laparticipationdesfemmesàlaviemunicipale,ougouvernancelocale,etsurtoutauxélections
municipales et le rôle de la femme et son impact sur le travail des conseils municipaux ont
fait l’objet de plusieurs groupes de discussion, dans différentes régions du pays.
Femmes et conseils municipaux (à Makhtar, gouvernorat de Siliana)
20
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En général, les participants à ces groupes de discussion, « estiment que la participation
de la femme à la gouvernance locale était faible dans un passé récent, mais qu’elle s’est
améliorée nettement au cours des dernières années, grâce aux efforts déployés par
la société civile ; toutefois, des efforts supplémentaires sont encore demandés pour
améliorer la gouvernance locale, grâce à l’afflux d’un plus grand nombre de femmes,
surtout que les périmètres municipaux ont couvert pratiquement toutes les zones du
pays, atteignant ainsi 350 municipalités, alors que leur nombre ne dépassait pas les
250, il y a un certain nombre d’années».
Lors des dernières élections municipales, tenues en mars 2018, un grand nombre de
femmesontparticipéauxélections,mais,engénéralletauxdeparticipationdel’ensemble
des citoyens était faible, n’ayant pas excédé le 1/4 du corps électoral. Il y a une sorte de
rejet de la part de la majorité de la population du principe des élections, vu le faible
crédit dont bénéficie l’élite socio-politique tunisienne actuelle, qui arrive difficilement à
mobiliser les électeurs autour de ses choix.
Les participants font appel à la société civile pour accroître son intervention en vue de
motiver la population, notamment féminine à la participation aux élections, municipales
et améliorer ainsi sensiblement le taux de participation électorale qui varie actuellement
entre 25% à 35%.
La municipalité est la structure la plus proche du citoyen, vu qu’elle assure des services
de proximité, tels que le transport, l’éclairage public, les zones vertes, la propreté, le
nettoyage de la ville, les jardins d’enfants, etc. La femme est plus indiquée que l’homme
pour s’engager dans ces services de proximité et les assurer de manière parfaite, en tous
cas, mieux que l’homme.
Aujourd’hui, les municipalités sont la structure la plus proche du citoyen et le chapitre
7 de la constitution a développé amplement le principe de la gouvernance locale, en
incluant le volet des investissements pour le développement dans les prérogatives
des municipalités. Ceci offre la possibilité aux municipalités, en dehors de leur rôle
traditionnel, qui consiste à assurer l’état civil, développer la voirie, assurer la propreté
et le nettoyage des villes, réaliser des investissements et créer des projets, générateurs
d’emplois et contribuer ainsi à relever le niveau de vie des citoyens.
Les participants proposent d’associer les femmes municipales aux discussions sur
la planification des projets et à l’élaboration des budgets municipaux et ne pas limiter
cette participation aux hommes. Les associations de la société civile sont ainsi appelées
à agir dans le sens de pousser les conseils municipaux à pratiquer une politique axée
sur le genre. A ce titre, il est recommandé d’organiser des rencontres de proximité, au
sein des quartiers pour permettre une meilleure présence et participation des femmes à
l’élaboration des budgets, car le choix d’endroits distants par rapport aux agglomérations
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
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21
des citoyens est une cause essentielle de l’absence des femmes. Il est même conseillé de
sélectionner des espaces qui permettent de recevoir les enfants, surtout en bas âge dont
les mères ne peuvent pas se séparer.
3.3	 LA PRISE DE DÉCISION
Cette plus grande participation à la vie associative et la pénétration dans la sphère
publique est le résultat d’une plus grande participation à la prise de décision.
Dans un groupe de discussion, tenu à Béja, début janvier 2019, un certain nombre de
questions ont été posées aux participantes, concernant la place de la femme au sein de la
société et surtout au niveau de la sphère de décision :
1.	 Quelle est selon vous la place qu’on accorde aux femmes au sein de votre institution ?
2.	 Traite-t-on les femmes et les hommes de manière égalitaire ? Si oui, avez- vous une
idée sur le pourcentage des femmes présentes au niveau des instances dirigeantes ?
3.	 Quels sont les obstacles à l’égalité entre hommes et femmes au sein des institutions
(politiques, associatives, publique, privées) ?
4.	 Avez-vousl’impressionquepourleshommes,larépartitionvieprivée/vieprofessionnelle
semble plus aisée ou que cette question se pose différemment pour eux ?
5.	 Avez-vous rencontré des problèmes au sein de votre institution à cause du fait que
vous soyez une femme ? (Évolution dans la hiérarchie, accès à l’information, accès aux
ressources)
6.	 Avez-vous été victime de discrimination de genre au sein de votre institution (politique,
associative, publique, privée...) ? Comment ?
7.	 Quelles sont selon vous les conditions requises pour qu’une femme accède à un poste
de pouvoir ?
8.	 Comment percevez-vous le regard des collègues et de la société aux femmes ayant des
postes de leadership ? Admiration ? Ressentiment ? …etc.
9.	 Seriez-vous favorables à des mesures de discrimination positives pour assurer l’égalité
des genres ? Pour quelles raisons ?
Les participantes aux groupes de discussion pensent que la femme prend les décisions
d’une manière plus rationnelle que l’homme, que cela soit dans la gestion financière
ou dans la scolarisation ou même dans les affaires publiques, comme l’indique une des
participantes à un groupe de discussion, qui estime que « la femme, même pauvre, est
capable de prendre de bonnes décisions si elle est responsabilisée ; peut-être prend-elle
les décisions de manière plus consciencieuse qu’une femme en bonne situation sociale,
du fait qu’elle a souffert dans sa vie de la pauvreté et de l’injustice sociale».
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Toutefois, cet engagement est tributaire de la confiance qu’ont les femmes dans le système
politique établi ou dans les ONGs. Certaines femmes ont insisté sur le fait que le système
actuel de participation à la vie publique et aux activités de la femme ne tient compte ni de ses
charges, ni de sa disponibilité, et de ce fait, ne lui accorde pas la même chance qu’à l’homme.
Selon une activiste de la société civile, qui est en même temps professeur à la Faculté des
Lettres et Sciences Humaines de Tunis, section « civilisations anciennes », les choses ont
changé aujourd’hui, puisque « les femmes participent efficacement dans la vie sociale
; elles exercent des activités dans tous les domaines, y compris les domaines de la
prise de décision. Elle n’est plus exclue, comme le veut la jurisprudence classique, d’un
certain nombre de fonctions, notamment la justice et la gestion des affaires publiques.
Aujourd’hui, la femme participe à toutes les sphères d’activité. Par exemple, dans le
domaine de la justice, sa participation est importante et efficace, elle est égale à celle
de l’homme…Aujourd’hui, la femme occupe les plus hautes responsabilités au sein de
la société ; elle dans la justice, l’administration, la santé et l’éducation, et on ne peut plus
aujourd’hui considérer la femme, inférieure à l’homme, comme le voulait la tradition ».
3.4	 BESOINS DES FEMMES ET SYSTEME
		 DE SANTE EN TUNISIE
En Tunisie et depuis l’indépendance, l’Etat a fait de l’éducation et de la santé deux symboles
ou plutôt, deux secteurs prioritaires pour réduire les inégalités sociales et pour promouvoir le
progrès social. Hélas, la dégradation de la qualité de ces services est sentie par la population
comme une défaillance importante de l’Etat. Un des participants au groupe de discussion
Groupe de discussion à Béjà 14/01/2019
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dans la région de Médenine a signalé que « le système de santé en Tunisie est en train de
se détériorer et se transformer en outil qui consacre l’inégalité sociale et régionale. On
sent que l’Etat, aujourd’hui commence à se retirer du secteur public de la santé, ce qui a
transformé le domaine de la santé en marché qui obéit à la loi de l’offre et de la demande.
Aujourd’hui, on constate que le droit à la survie est conditionné par la capacité à payer, un
secteur privé qui se distingue de sa rapacité, ce qui condamne les plus pauvres à se rabattre
sur le secteur de la santé publique qui se détériore de jour en jour».
De ce fait, il est important de définir une vision commune avec une approche participative,
impliquant l’ensemble des parties prenantes, afin de prendre des décisions nécessaires,
mais réalistes et acceptables.
L’accès des femmes à la santé souffre de l’incapacité de ce secteur à répondre à leurs
besoins en médication et en divers soins de santé. Au-delà des inégalités liées aux
facteurs économiques, il y a lieu de signaler tout d’abord les inégalités entre milieu rural
et milieu urbain qui sont importantes et touchent toutes les composantes de la santé
publique. Pour une des femmes qui a participé aux groupes de discussion, à Tataouine,
«il y a des différences à tous les niveaux, surtout en zones rurales où les dispensaires et
les salles de soins manquent considérablement de moyens humains et matériels ; tout
au plus, y trouve-t-on quelques comprimés pour les maux de tête».
Les textes de loi et toute la juridiction relative à ce domaine risquent de n’être que des
discours platoniques, sans effet sur la réalité du terrain. Le droit à la santé, tel qu’inscrit
dans la constitution, ainsi que le slogan de la santé pour tous, risquent la plupart du temps,
et en tous cas en ce qui concerne les femmes rurales, de n’être qu’un slogan, non suivi
d’effet, vu l’absence de l’Etat et l’incurie des structures de la société civile.
La question de la gouvernance est très importante dans le domaine de la santé et est
responsable du dysfonctionnement du système de santé. L’offre de service ne répond pas
aux besoins de la population et il y a lieu de remplacer ce modèle de gouvernance par
un modèle centré sur la population. Ceci se traduit aussi par le renforcement de la santé
et de la prévention des maladies, par une approche prenant en compte le déterminant
socio-économique de la santé afin de réduire les inégalités de santé comme l’a signalé
l’unedesparticipantesaugroupedediscussion,danslalocalitédeBoughrara,àMédenine,
qui a protesté, en disant : « Les services administratifs de la santé publique doivent
être restructurés pour être en mesure de remplir convenablement leur rôle. Nous ne
sommes pas en train de constater une amélioration de la situation. Il faudrait mobiliser
les moyens pour les hôpitaux et les dispensaires…Il faudrait procéder au recrutement
de médecins, d’infirmiers et d’ouvriers et se procurer des ambulances pour les zones
intérieures, telles que notre localité, Boughrara. Il faudrait organiser des équipes
médicales mobiles… Beaucoup de choses doivent changer».
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Des participants estiment que l’Etat doit intervenir plus efficacement, en instaurant un
meilleurcontrôlesurlesecteurdelasanté.Certainsautressuggèrentd’instaurerunrégime
d’affectation obligatoire des médecins aux zones de l’intérieur de la Tunisie et surtout
aux zones rurales, mais en même temps de prévoir des formules d’encouragements
aux médecins qui se portent volontaires pour exercer une période de temps en zones
éloignées et surtout en zones rurales.
On constate surtout que la médecine spécialisée fait gravement défaut en zones rurales
; les dispensaires sont assez souvent en manque de médicaments, les hôpitaux sont
surpeuplés et les rendez-vous sont éloignés. Quant aux problèmes de maternité, les
déficiences sont plus claires encore, les taux de mortalité maternelle sont assez élevés
en zones rurales, en particulier dans les régions défavorisées.
Ces niveaux de taux de mortalité maternelle assez élevés dans les régions défavorisées
sont dus au manque de médecins spécialistes et à la faiblesse des plateaux techniques
dans les hôpitaux régionaux, ce qui a fait dire à une participante au groupe de discussion,
à Médenine, qu’«On souffre aujourd’hui du manque de médecins spécialistes. Et bien
qu’on ait pris des mesures pour résoudre ce problème qui perdure, la majorité des
solutions conçues n’ont abouti à rien de convaincant, ce qui a aggravé la mortalité parmi
les femmes».
Toutefois, il est recommandé de diagnostiquer la situation du secteur de la santé, en
particulier le secteur de santé lié aux femmes rurales pour identifier les lacunes et
insuffisances qui empêchent une bonne gouvernance dans ce domaine.
En plus du manque de médecins, une autre participante a insisté « sur le manque de
médicaments et l’état piteux de l’équipement, en place ». C’est ainsi que dans le service
public, il est constaté l’existence de beaucoup de points faibles, notamment le sous
équipementdesstructuressanitaires,delasalledesoinsauxhôpitauxlocauxetrégionaux,
le nombre insuffisant d’ambulances et de personnel qualifié, médecins et infirmiers. Il est
recommandé de lancer des équipes mobiles de santé maternelle et infantiles qui visitent
les ménages en zones rurales pour porter un minimum de soins aux femmes rurales.
Le partenariat avec la société civile a été proposé lors des groupes de discussion pour
une meilleure coordination et pour rassembler les efforts pour une meilleure qualité des
prestations, surtout dans des domaines assez sensibles, comme la santé sexuelle. Un des
participants à un groupe de discussion, dans le sud du pays a même signalé qu’il « faut
voir avec la société civile, les associations et les pouvoirs publics, établir un partenariat
et signer des accords et s’employer à changer les stratégies, parce que les stratégies
actuelles sont déficientes. On doit discuter aussi bien avec les hommes qu’avec les
femmes... Ce type de partenariat permettra de trouver des solutions et instaurer des
mécanismes appropriés».
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25
Des séances de formation et de sensibilisation sont suggérées pour conscientiser les
femmes à leurs droits en matière de santé, en général et de santé reproductive, en
particulier.
Le secteur privé en particulier doit être inclus dans les séances de sensibilisation pour
améliorer la couverture sociale et sanitaires des femmes travailleuses.
3.5	 ACCÈS AUX SERVICES DE LA SANTÉ DE LA
		 REPRODUCTION
L’accès aux services de la santé reproductive est aussi inégalitaire comme l’est l’accès
aux autres services de santé publique. Les inégalités s’expliquent certes par des facteurs
socio-économiques mais reflètent les contraintes d’accessibilité à des services de santé
de la reproduction de qualité.
L’état de la santé maternelle et néonatale en Tunisie montre que parmi les causes du
faible accès des femmes à des soins obstétricaux de qualité, est dû, au :
a) Nombre insuffisant d’obstétriciens et la quasi-absence de réanimateurs, en particulier de
médecins ;
b) Nombre insuffisant de personnel paramédical, chargé de la surveillance des femmes
pendant et après l’accouchement, en particulier à l’intérieur du pays,
c) Difficultés rencontrées pour assurer la continuité des soins de qualité dans les programmes
de planification familiale qui a été très performant durant la période 1973-2000
Le concept de la santé de la reproduction n’est pas encore très clair aussi bien chez les
femmes mariées qu’auprès des jeunes et reste toujours centré sur le planning familial
pour les femmes mariées. La prévention des cancers féminins et la prise en charge de la
violence contre les femmes ne sont pas encore perçues par toutes les femmes, comme
composantes principales de la santé de la reproduction.
Il est assez surprenant de constater que les tabous persistent encore autour du concept
de la santé sexuelle et de la reproduction. Dans la région du Kef et malgré des taux de
prévalence contraceptive assez importants, une des participantes au groupe de discussion
du Kef, a signalé que « Nous, au Kef, et dans les zones rurales, nous ne discutons pas
assez des questions de santé, en général et de la santé reproductive, en particulier. Nous
considérons que nous ne devons pas discuter de ces questions, parce que c’est immoral,
et peut-être cela touche l’honneur des gens».
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Au-delà des tabous, la connaissance du concept est variable selon les femmes ; une des
participantes dans un groupe de discussion du Kef a réduit la santé de la reproduction « à
la planification familiale».
3.6	 CONDITIONS DE TRAVAIL ET INÉGALITÉS
		 DES SALAIRES
Même si la Tunisie a fait des avancées en matière d’égalité hommes – femmes, le marché
du travail reste dominé par le pouvoir masculin et les femmes sont les plus touchées par
le chômage et la pauvreté.
Dans la région du Sud, par exemple, et selon des participantes aux groupes de discussion,
un homme a deux fois plus de chances qu’une femme de trouver un emploi. Le mariage,
les enfants et l’analphabétisme sont les principaux obstacles à la participation de la
femme au marché du travail.
Selon ces participantes,
« Une femme, vivant en milieu urbain, a plus de chance de trouver du travail que celle
qui vit en milieu rural».
« L’absence d’une stratégie claire pour l’amélioration des conditions des femmes
rurales, mais aussi l’absence d’infrastructures adéquates».
« La nécessité de mettre en place les législations appropriées, permettant à la femme
de disposer d’un duplicata du carnet de santé de son mari».
« Les principaux obstacles, liées au travail des femmes sont la sécurité sociale et le
transport».
« Il n’y a pas une égalité salariale hommes-femmes dans les régions du Sud, et du
Nord-Ouest, et en zones rurales, en général».
« La nécessité d’informer les femmes rurales sur leurs droits à une protection sociale, de
les sensibiliser aux avantages qu’elles auraient à être affiliées à un régime de sécurité
sociale et la nécessité également, de renforcer les structures étatiques de contrôle des
conditions de travail des femmes rurales»..
Le problème de l’inégalité en ce qui concerne les conditions de travail et les salaires des
femmes qui travaillent dans le secteur privé revient sans cesse dans la discussion, ce qui
prouve qu’il préoccupe les femmes au plus haut point. On indique que les femmes ne
reçoivent pas, à travail égal, le même salaire que les hommes et cela est visible surtout
dans les zones rurales, en Tunisie, en général et dans les régions du Sud en particulier.
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
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27
Selon un activiste interviewé à Médenine, « les salaires des femmes travailleuses sont
très modestes dans la zone de Boughrara, localité, située près de Médenine, où les
femmes ramassent les coquillages, destinés à l’exportation. C’est un travail pénible,
mais il est effectué sans garantie et sans protection sociale. Et, en général, les femmes
sont dépourvues de protection sociale, quel que soit l’endroit où elles sont affectées».
Beaucoup de femmes ne comprennent pas les raisons des inégalités salariales et insistent
sur le principe : « à travail égal, salaire égal ».
Selon une participante à un groupe de discussion, « si cet objectif est atteint et ce principe
réalisé, on aura enregistré une avancée considérable, car, jusque-là, les salaires des
femmes dans le monde, sont inférieurs de 20% à 30% à ceux des hommes. Si un jour,
on arrive à réaliser cette égalité des salaires, on aura marqué un grand pas en avant et on
aura réalisé une plus grande participation des femmes».
Ainsi, l’organisation de quelques séances de formation et la réalisation d’un plaidoyer en
faveurdel’égalités’imposentimpérativement,afindesensibiliserlesfemmesetaméliorer
leurs compétences, ainsi que celle de la société, pour l’inciter à être plus équitable, en
appliquant le principe : « à travail égal, salaire égal », sans discrimination de genre.
Selon beaucoup de femmes participantes aux groupes de discussion, aussi bien au
Sud (Médenine, Tataouine) qu’au Nord-Ouest, notamment Siliana (Makthar et Rouhia),
que le Centre (Sidi Bouzid) ou le Sahel (Monastir), on constate qu’aujourd’hui, malgré
la constitutionnalisation du principe de l’égalité entre les genres, ce principe n’est pas
appliqué de façon systématique.
Selon une jeune femme, ingénieure de l’INSAT, qui a été interviewée, « Nous vivons dans
une société qui considère que les femmes ont bien progressé dans l’acquisition de leurs
droits à l’égalité, mais en fait, je considère que nous continuons à vivre l’inégalité entre
hommes et femmes ; les femmes travaillent très dur, mais elles ne récoltent rien. Nous
continuons, surtout dans les régions de l’intérieur de la Tunisie, à voir que l’homme se
repose à la maison, alors que c’est la femme qui travaille. Dans ce cas, il est injuste que
la femme qui travaille dur, continue à percevoir des salaires de misère, n’excédant pas
200 Dinars par mois, moins que le SMIG. Il faudrait aider la femme à jouir du même
salaire que l’homme et même mieux, considérant les efforts qu’elle fournit ; mais nous
sommes encore loin de cette situation».
Un activiste de la société civile, originaire du Village de Chébika, à Kairouan, considère que
les femmes rurales travaillent dans des conditions pénibles et sont la plupart du temps
sujettes à des accidents de travail, parfois graves.
28
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« Transportées dans des camions pour se rendre aux lieux de travail, beaucoup de
femmes subissent des accidents, au cours du trajet, du fait du renversement des
camions, elles sont conduites à l’hôpital pour être soignées, mais, la plupart du temps,
elles ne sont pas soignées, parce qu’elles ne sont pas prises en charge par la Sécurité
Sociale (CNSS) et qu’elles ne sont pas en mesure de payer elles-mêmes les frais des
soins sur leur propre compte».
UneactivistedelasociétéciviledanslazonedeEnfidha,gouvernoratdeSousse,présidente
de l’Union locale de l’Industrie et du Commerce (UTICA) et qui a été interviewée, « estime
que son organisme fournit des efforts considérables, par les contacts individuels et les
séances de sensibilisation pour inciter les femmes à créer leurs propres projets, avec
l’aide et le soutien des organismes locaux».
Selon elle, « Les femmes, candidates à la création de projets, ont été dotées de cartes
professionnelles pour leur faciliter les démarches qu’elles doivent entreprendre
pour faire aboutir leurs projets, cependant, certains blocages ont dû être contournés,
notamment l’exigence que les femmes, candidates aux projets détiennent une patente
pour pouvoir adhérer à l’UTICA et bénéficier de son soutien. Cette difficulté a été
surmontée, en suggérant que la condition de la patente soit remplacée par une carte
professionnelle. Cependant, une certaine mentalité rétrograde, incite les hommes à
tenir à garder les femmes au foyer, lieu naturel de la femme, estiment-ils. De son côté,
l’administrationestunpeulaxisteetlaissetrainerlesdossiers.Jesuggèredeprendredes
mesures urgentes pour dynamiser davantage les circuits de décision administratifs, en
faveur des femmes, porteuses de projets et la conception de programmes d’intervention
qui tiennent compte des besoins réels des femmes selon les régions du pays».
Dans un groupe de discussion, tenu en 2017, à Jendouba et auquel ont participé 12
personnes : 7 femmes et 5 hommes, sur les conditions de travail et l’écart salarial dans le
travail féminin dans le secteur agricole à Jendouba, la plupart des participants ont estimé
que la situation des femmes dans ce secteur est vulnérable et dangereuse, une situation
de violence économique qui ne peut pas être acceptée en 2017, une situation typique à la
région de Jendouba.
Selon un participant à ce groupe de discussion, « 90% de femmes n’ont pas de couverture
sociale. Elles assurent plus que 8h de travail par jour. Dans 68% des cas, elles reçoivent
entre 7 Dinars et 10 Dinars par jour. On recense seulement moins de 3% des femmes
porteuses de projets, dans le secteur agricole, alors que les 3/4 du secteur agricole sont
des femmes».
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
29
3.7	 LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES
3.7.1	 La nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes
Pour faire face à la violence qui sévit contre les femmes, (Voir l’enquête du CREDIF 2
,
mentionnée, ci-dessous) une nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes a été
promulguée ; elle adopte une définition large de la violence. En plus de la violence
physique, la loi reconnaît d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des filles,
notamment les formes économiques, sexuelles, politiques et psychologiques. Elle
prévoit également de nouveaux mécanismes de protection qui permettront aux victimes
d’accéder aux services nécessaires et à une assistance juridique et psychologique. En
outre, la loi supprime l’impunité des auteurs d’actes de violence, par exemple en modifiant
l’article 227 du code pénal, qui pardonnait à l’auteur d’un acte sexuel avec un mineur qui
épouserait sa victime.
On s’attend à ce que cette loi corrige la forte prévalence de la violence sexiste en Tunisie.
Ladernièreenquête3
réaliséeparleCREDIF,montrequelaprévalencedelaviolence(pour
les 12 mois précédant l’enquête) est estimée à 32,9% (34,7% en milieu rural contre 32,0%
en milieu urbain). Cette prévalence est relativement élevée dans toutes les régions du
pays, avec un maximum de 44,7% dans le sud-ouest du pays et elle atteint son minimum
dans le centre-Est avec 27,8%.
L’enquête montre que la prévalence de la violence sexiste sous toutes ses formes est
globalement uniforme dans tout le pays. La différence entre zones urbaines et zones
rurales n’est pas très significative. Il en ressort que la prévalence de la violence physique
est très élevée : 31,2% en milieu urbain et 32,8% en milieu rural. Ces pourcentages sont
respectivement de 29,5% et 27,7% pour la violence psychologique. La prévalence de la
violence sexuelle est également très importante (15,3% en zones urbaines contre 16,5%
en zones rurales) tandis que le harcèlement sexuel au travail représente 7,8% en zones
urbaines et 5,8% en zones rurales.
La connaissance des différents types de violence semble bien acquise en apparence, les
femmes ayant participé à un groupe de discussion dans la région de Zaghouan ont décrit
les différentes formes de violence, physiques, verbales, et même économiques comme
les questions liées à la répartition de l’héritage. Une participante, au groupe de discussion
de Zaghouan a déclaré que « l’homme peut exercer une violence physique, ou verbale.
Cette dernière forme de violence peut laisser des séquelles psychologiques, plus graves
que la violence physique. La violence peut être économique, par exemple en privant
la femme de l’héritage».. Mais, à notre avis, la forme la plus agressive de la violence,
subie par les femmes demeure la violence sexuelle, car elle constitue un tabou, que les
femmes, victimes de cette forme de violence n’osent pas encore dénoncer.
2.	 CREDIF : Centre de Recherche, d’Etudes, de Documentation et d’Information sur la femme
3.	 Réalisé en juillet 2011 et intitulé : « La violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie » http://bit.ly/2FKItXw
30
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Cependant, les violences classées comme étant des violences économiques sont
considérées par les femmes comme les plus importantes, car elles touchent à leur
autonomie et les mettent face à des responsabilités qu’elles ne peuvent pas assumer,
comme le signale cette participante, « Nous avons parlé de la violence économique…
L’homme peut exercer sur la femme une forme de violence économique, par exemple,
en refusant de dépenser pour le foyer, et en comptant sur la femme pour effectuer
toutes les dépenses du foyer, sans son intervention… La femme est ainsi condamnée
à s’occuper de tout, du foyer, des enfants et des dépenses. Elle se trouve acculée à
prendre à elle seule toute la responsabilité… C’est là, la plus grande forme de violence,
surtout quand la femme, est complètement démunie et se trouve dans l’impossibilité
de répondre aux besoins de ses enfants et du foyer en même temps, alors que son mari
se désiste de toute responsabilité… »
Plusieurs formes de violence à l’égard de la femme ont été signalées, comme le dit une
participante au groupe de discussion, qui mentionne tout particulièrement la violence
verbale et notamment après la révolution, et particulièrement la violence dans les
moyens de transport en commun et la violence dans les institutions publiques, ce qui
donne l’impression que tout le monde est énervé. « La violence verbale est propagée en
Tunisie, de façon très large, surtout après la révolution… Je ne cesse pas de le répéter,
après la révolution, les gens ne se respectent plus ; la violence est pratiquée dans les
moyens de transport publics, dans les entreprises publiques…. Cela est peut-être dû à
la dégradation des conditions d’existence des gens…Les gens deviennent stressés et le
stress est générateur de violence».
Il est intéressant de constater que les femmes, en général, connaissent différentes formes
de violence à l’égard de la femme, mais ces connaissances restent parfois vagues, même
quand il s’agit de femmes activistes. Il serait peut-être indiqué d’élaborer un thesaurus ou
un lexique comportant des définitions précises ; cela pourrait s’avérer d’une grande utilité.
Mais quand il s’agit du vécu de la personne, elle-même, ces femmes parlent d’une
manière générale et vague sans réellement citer leur propre expérience comme si c’était
quelque chose qui ne concerne que les autres, une forme de déni peut être.
Apprendre à dénoncer la violence subie par la personne, elle-même, et parler tout haut
de cette violence est un exercice nécessaire dans les programmes de sensibilisation sur
les violences à l’égard des femmes.
Parmi les raisons de cette violence, les femmes mentionnent plusieurs catégories de
raisons, dont notamment le complexe d’infériorité de l’homme vis-à-vis de la femme
et probablement, aussi il transfère sur la femme, une partie de la violence qu’il a subie,
lui-même dans la sphère publique, en dehors de sa famille, Une intervenante dans un
groupe de discussion explique que « Peut-être, l’homme qui recourt à la violence est
lui-même sujet à des problèmes psychologiques, sociaux, subit des problèmes dans son
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
31
travail, ou bien, il est en chômage, et se sent frustré de ne pas être capable de subvenir
aux besoins de sa famille».
Utiliser la violence par certains hommes, sous quelque forme qu’elle soit est aussi une
expression du rapport de force au niveau de la famille et pour exhiber un pouvoir qu’ils
sont obligés de rappeler. Alors que la violence et le harcèlement sexuel sont l’expression
d’une vision de la femme comme simple objet de désir. Ces violences peuvent être aussi
dues à des problèmes psychiques et psychologiques et l’expression d’un besoin non ou
mal satisfait chez certaines personnes.
Les conséquences de la violence à l’égard de la femme ne sont pas comprises d’une
manière systématique et structurées. Pour beaucoup, la violence à l’égard de la femme
n’est pas justifiée. Certaines femmes pensent que les conséquences de cette violence
peuvent être néfastes pour la femme et peuvent la rendre plus soumise et peuvent
même détruire sa personnalité et son équilibre psychologique, en plus de ce qu’elles
peuvent entraîner comme conséquences sur l’intégrité physique de son corps. D’autres
pensent que si la femme est faible, elle peut être anéantie alors que si elle est forte, elle
peut dépasser et reprendre le contrôle. Selon Zeineb, une participante à un groupe de
discussion, « les impacts de la violence peuvent être différentes d’une femme à l’autre.
Une femme forte essaie de résister à la violence, mais on trouve des femmes soumises à
la violence, et qui normalisent avec elle. Elles intériorisent cette violence qui s’accumule
progressivement et crée des situations psychologiques dangereuses pour la femme, qui
sera perturbée et pourrait réagir parfois de manière irrationnelle et non prévisible».
Certains ajoutent que les conséquences de cette violence ne touchent pas uniquement
les femmes, mais s’étendent à toute la famille et notamment aux enfants qui seront
perturbés dans leur vie quotidienne et notamment dans leur éducation.
Malgré tout le débat engendré par la loi, il est désolant de constater qu’un nombre
important de participants aux groupes de discussion n’était pas au courant de l’existence
de cette loi et n’avait aucune idée sur ce sujet. Seulement 2 parmi les 10 femmes,
présentes à l’un des groupes de discussion avaient une idée de la ratification de la loi,
alors que pour un autre groupe à Zaghouan, toutes les femmes n’ont pas entendu parler
de la loi sur la violence à l’égard des femmes. La non connaissance de la loi a été attribuée
au déficit de communication sur les différents aspects du genre, comme le signale l’une
des participantes, qui « considère que c’est un problème de mauvaise médiatisation
de l’évènement, doublé d’une déficience des associations qui ne pratiquent pas la
sensibilisation nécessaire pour mobiliser les femmes autour d’un évènement aussi
important».
Ces campagnes de sensibilisation devraient prendre en considération les spécificités des
femmes et notamment les femmes rurales.
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3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
Mais ces campagnes de sensibilisations risquent de rencontrer une grande réticence de la part
des femmes, même quand ces dernières sont éduquées, comme cette expérience vécue par
Samia de Zaghouan, interviewée par l’équipe de la CdP.
Selon Samia, « dans le cadre d’une campagne de sensibilisation, nous avons discuté avec les
femmes en milieu rural, mais nous avons été confrontés à une forte résistance de la part des
femmes, qui vous invitent à ne pas soulever avec elles ce sujet, car, elles n’ont pas l’intention
de voter, étant que leurs maris refusent que leurs femmes participent aux élections…Donc,
le problème, se situe au niveau des femmes qui doivent changer leur mentalité…Ce qui est
étonnant,c’estquecertainesdecesfemmessontinstruitesetmêmediplômées,etellesrefusent
d’aborder ce sujet, sous prétexte que leurs maris ou frères refusent qu’elles participent».
Cette loi ne devrait pas être seulement une loi pour réprimander la violence contre la femme, son
adoption devrait être le début d’un processus visant à instaurer une culture du respect de la femme
et l’arrêt de la violence à son encontre comme le signale si bien une des participantes à un groupe
de discussion qui estime « qu’il ne faut pas que cette loi soit uniquement destinée à pénaliser les
hommes fautifs, mais plutôt une occasion pour les éduquer».
Une participante au même groupe de discussion a signalé que ladite loi comprend des aspects
positifs et d’autres négatifs, alors que certains concepts nécessitent des clarifications.
Parmi les points positifs mentionnés de la loi, on peut mentionner : d’abord son existence et le
fait qu’elle englobe différents types de violence contre la femme.
Parmi les inconvénients, on mentionne tout particulièrement le non-respect de l’approche
genre, comme indiqué dans la première version de la loi préparée par la coalition au pouvoir et
l’intégration de la violence contre les enfants dans la même loi. Une autre faille dans cette loi
est la non intégration de la violence conjugale dans le texte de la loi.
Une avocate présente dans l’un des groupes de discussion a signalé que même, en cas de
désistement de la femme sous la pression du mari et de la famille, l’état peut poursuivre le
procès contre l’autre de la violence contre l’autre et peut le condamner. Ce qui constitue pour
elle (l’avocate) une avancée importante dans la législation en rapport avec la violence contre
la femme.
La mise en place de cette loi pose certains problèmes ; à titre d’exemple, une femme,
participante au groupe de discussion signale les réticences de la police qui n’aide pas toujours
les femmes à porter plainte en cas d’agression ; selon elle « c’est vrai que la Tunisie est en
avance sur beaucoup de pays arabes, et est dotée d’une législation étoffée qui protège la
femme, mais en pratique, les choses sont différentes. Quand une femme subit la violence de
son mari, par exemple et qu’elle porte plainte auprès de la Police, contre son mari, sa plainte
est rejetée, sous prétexte qu’elle doit ménager son mari».
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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La mise en place de stratégies d’exécution de la loi semble nécessaire : les femmes
demandent la mise en place de la stratégie du ministère de la femme qui inclut, entre
autres, la formation d’une brigade spéciale en charge de la question de la violence à
l’égard de la femme.
Quel serait la portée de cette loi sur la société d’une manière générale et sur la famille
particulièrement. La réponse à cette question ne semble pas simple et peut dépendre de
plusieurs facteurs, tant socio-économiques que culturels. Culturels dans le sens où dans
certaines régions, et selon le niveau de conservatisme des familles, l’impact de cette loi
est différencié. C’est dans les familles les plus conservatrices que cette loi pourrait causer
plus de problèmes, comme le signale cette participante qui pense que « chez les familles
les plus conservatrices, il ne faudrait pas que la femme s’insurge contre son mari et
porte plainte contre lui, donc, cette loi pourrait rencontrer la résistance de ces familles;
cependant, dans les familles les moins conservatrices, cette loi pourrait inciter l’homme
à respecter sa femme et à instaurer une culture de respect et introduire une culture de
respect mutuel entre l’homme et la femme ».
Les conséquences de cette loi sur la société pourraient être positives dans le sens
de l’instauration d’une nouvelle culture de respect de la femme qui touchera tout
particulièrement les enfants. Elle peut avoir aussi une conséquence sur la stabilité des
couples puisque la grande majorité des divorces sont dus, d’après les participants à ces
groupes de discussion à la violence conjugale.
La société civile a entamé beaucoup d’activités pour sensibiliser les femmes contre la
violence qui les touchent et pour vulgariser la loi sur la violence à l’égard de la femme
mais ces approches ne sont pas systématiques, vu que les outils de la sensibilisation
ne sont pas standardisés et varient en fonction de l’intervenant. A titre d’exemple une
association a traduit le guide de CEDAW et l’utilise comme support de formation alors
que d’autres ONGs profitent de l’occasion de visites à des projets pour les femmes rurales
pour parler des droits des femmes, de la violence à l’égard des femmes et du code du
statut personnel. Des réactions positives de ces femmes rurales qui après avoir été
sensibilisées à leurs droits, osent appeler les ONGs pour leur demander de revenir une
seconde fois pour d’amples clarifications, comme le signale une des participantes aux
groupes de discussion.
Certaines associations comme l’association de la défense civile, qui est financée entre
autresparleministèredesaffairessociales,joueunrôleimportantdanscertaineslocalités,
en fournissant des aides, notamment, dans la guidance des femmes. Alors que d’autres
associations, comme l’association « Femme et citoyenneté » ont des centres d’écoutes et
aident les femmes.
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
3.7.2	 FEMMES ET VIOLENCE EXTRÊME
La violence extrême est un phénomène spécifique dans le cadre de la violence, en général
qui touche les femmes.
Un groupe de discussion, tenu à Jendouba, à la mi-janvier 2019 a été axé sur l’extrémisme
violent, auquel ont participé 10 personnes, dont 9 femmes ; il a fourni l’occasion de
poser des questions précises sur l’extrémisme violent et d’essayer de cerner de près ce
phénomène, sa définition, les facteurs explicatifs, les motivations des adhérents à adhérer
aux groupes extrémistes, les réactions du gouvernement face à ce phénomène, le rôle de
l’école, de la famille, des moyens d’information et de l’ensemble des institutions pour
endiguer ce phénomène, le rôle spécifique des femmes et, en général, les solutions
proposées pour le contrer.
Cependant, la qualification « extrême » donne une connotation plus ou moins subjective
dans le sens qu’il faut définir un seuil, au-delà duquel la violence devient violence extrême
et qui peut varier selon les circonstances et les lieux.
De ce fait, comment faire comprendre à une femme participante à un groupe de discussion
le concept de l’extrémisme violent. A notre avis, les femmes ont compris la violence du
terrorisme salafiste, mais, n’ont pas pu intégrer les autres formes de violence extrême,
telles que les viols en série des garçons et filles. En effet, les définitions données par
les participantes aux groupes de discussion gravitent tout particulièrement autour de
l’extrémisme religieux.
Femmes et extrémisme violent : Réunion à Médenine
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
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Pour l’une de ces femmes, l’extrémisme est lié à des facteurs politiques et idéologiques.
« Ce sont les convictions et les actes de ceux qui soutiennent la violence ou y recourent,
avec un arrière fond idéologique religieux ou politique. Les signes apparents de la
violence extrême, chez les personnes violentes, se manifestent à travers un ensemble
de sujets, comme la politique, la religion et les rapports du genre».
Les causes de l’extrémisme religieux sont multiples, mais les dimensions politiques,
idéologiques et religieuses restent importantes. Différentes études ont montré qu’elles
relèvent du rejet de la forme moderne de l’Etat et de la société, et notamment de
l’émancipation de la femme.
Ayant en tête cette définition assez complexe de la violence extrême, et connaissant
la centralité de la problématique genre et le statut de la femme chez les Djihadistes,
comment peut-on entrevoir le rôle de la femme dans la lutte contre cette forme de
violence ?
Les femmes qui ont participé aux groupes de discussions, ne semblent pas avoir une idée
précise du rôle de la femme dans la lutte contre l’extrême violence. Elles ont mentionné
tout particulièrement le passage de la femme d’un statut à un rôle plus dynamique en se
positionnant comme un agent de changement à travers une plus grande participation à
la vie politique mais aussi aux efforts de conscientisation de la société civile, c’est ce qui
ressort en partie d’une conférence organisée par le projet de ‘’3eshra’’ dans la région de
Médenine. En effet, l’une des participantes, Amel Gamoudi a signalé que « pendant les
années passées, la participation de la femme était assez faible, mais au cours de ces
dernières années, grâce aux efforts de la société civile, elle s’est accrue et nous savons
que dans le gouvernorat de Médenine, beaucoup d’associations se sont préoccupées de
consolider le rôle de la femme dans la gouvernance locale».
Ceci peut être dû à une compréhension limitée des causes du terrorisme dans leur région
puisque pour ces femmes, en citant les facteurs favorisant le terrorisme, elles reviennent
aux inégalités du genre, à l’éducation des enfants dans les familles et au non contrôle
des réseaux sociaux. S’ajoute à cela le manque d’activités culturelles en milieu rural et
un accès exagéré à certaines chaînes de télévision qui ont une orientation précise et ne
cessent de faire du prosélytisme religieux et l’éloge du Djihadisme, notamment en Syrie.
Alors que pour les facteurs qui poussent au terrorisme, une des participantes a mentionné
les facteurs socio-économiques, telle la détérioration des relations au sein de la famille
ou l’abandon scolaire et aussi les facteurs politiques et géopolitiques. Elle a expliqué qu’
« il existe des facteurs internes, comme la dislocation des liens familiaux, la rupture de
la scolarité pour les enfants et le niveau d’instruction ; on relève également des facteurs
économiques, comme le chômage, la marginalisation et les inégalités sociales, la
contrebande et l’absence d’un modèle de développement efficace ; de même, il y a des
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
facteurs politiques, comme l’instabilité, la dictature, la faiblesse du sentiment patriotique,
l’insécuritéetl’absencedesprogrammesdesensibilisationetd’éducation,lerenoncement
à la lecture. Quant aux facteurs externes, on relève l’hégémonie des grandes puissances
qui sèment l’anarchie et exportent une culture destructrice aux pays arabes».
La femme peut avoir un rôle important dans la lutte contre la violence extrême et pour
renforcer la résilience des populations dans les situations de crise, dues aux actes terroristes.
Son rôle se situe à plusieurs niveaux d’après les femmes participantes aux conférences et
aux groupes de discussion.
D’abord en tant que mère, sa contribution à lutte contre la violence au sein de la famille et
pour créer un climat familial permettant les discussions et l’échange d’idées, notamment
pour ne pas laisser les enfants à la démagogie du prosélytisme religieux.
Ensuite, en tant que professionnelle, à travers son rôle comme éducatrice ou animatrice,
en inculquant une culture qui s’oppose à l’extrémisme religieux et pour une bonne
éducation sur les principes de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ceci est vrai
aussi pour d’autres corps de métiers où les femmes sont présentes comme les femmes
dans la police et qui rencontrent souvent des jeunes délinquants, garçons et filles ou les
femmes prestataires de service, soit dans les centres de santé ou bien dans les centres,
en relation avec l’action sociale.
Enfin les femmes, victimes du terrorisme, soit directement soit à travers l’enrôlement
d’un de leurs parents proches, enfants ou mari, et qui ont vécu des circonstances très
difficiles. Le partage de leurs expériences avec les jeunes peut être très constructif.
Il est fortement nécessaire de reconnaître le rôle des femmes rurales dans la réduction de
L’extrémisme religieux. Par conséquent, des activités culturelles et de sensibilisation
devraient être organisées dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme et de la
réduction du décrochage scolaire. Parmi les actions qu’on peut citer :
•	 La création de pôles de rayonnement dans les zones rurales.
•	 La participation des femmes rurales à diverses initiatives.
•	 L’élaboration et la mise en œuvre rapides des plans visant à renforcer les femmes
rurales et à activer leur rôle dans la vie sociale et économique.
En guise de conclusion :
La femme peut jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme en tant que
mère, prestataire de services ou victime du terrorisme.
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
37
Les ONGs nécessitent une mise à jour pour renforcer le rôle des femmes dans la lutte
contre le terrorisme et la promotion de la culture de la tolérance.
La lutte contre la violence, basée sur le genre est une entrée importante pour améliorer
le dialogue au sein de la famille et les victimes de la violence du terrorisme, suite à
l’enrôlement de l’un de leurs parents ; ce dialogue est nécessaire pour leur porter
assistance et pour sensibiliser les jeunes à travers leurs expériences aux conséquences
désastreuses de la violence extrême.
Les femmes à travers leur participation active dans la société civile peuvent contribuer
à augmenter la résilience des populations, notamment en milieu rural et plus
particulièrement les femmes, victimes de l’extrême violence due au terrorisme (soit
directement à travers une attaque ou la perte d’un proche (militaire par exemple), soit
à travers le recrutement d’un de leurs parents, ont besoin d’un appui moral et matériel.
Les femmes ont une vision de la réponse de l’état au phénomène du terrorisme. Le
renforcement de leur capacité est d’une grande utilité pour augmenter leur force de
persuasion lors des discussions avec les autorités pour la mise en place de nouvelles
stratégies de prévention et de lutte contre la violence extrême.
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3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
4.1 	 CONCLUSIONS
Plusieurs conclusions et recommandations peuvent être tirées des travaux effectués dans
le cadre de la construction de la CdP, relative à l’égalité des genres, en Tunisie. La CdP,
à travers ses membres, répartis dans tous les gouvernorats du pays et grâce aux outils
d’animation qu’elle a su utiliser et qui ont développé un champ d’échange et de partage
parmi les participants, hommes et femmes, aux groupes de discussion, aux entretiens
semi directifs, aux activités régionales et éducatives diverses, a pu saisir la situation réelle
des questions du genre en Tunisie, des progrès réalisés, des limites actuelles et des efforts
supplémentaires requis pour faire avancer encore la question de l’égalité des genres.
La CdP a appréhendé les volets socio politiques, économiques et culturelles, les
plus percutants, pouvant affecter la situation du genre en Tunisie, tels que la situation
des femmes en Tunisie ( société civile et politique, gouvernance locale et élections
municipales, la prise de décisions ), les besoins des femmes et le système de santé,
l’accès aux services de la santé, notamment la santé reproductive, les conditions de travail
et les inégalités des salaires, la violence à l’égard des femmes et la capacité de résilience
des femme face à la violence extrême qui sévit en Tunisie, durant les dernières années.
Cette approche multiforme, notamment l’analyse et l’exploitation des données récoltées,
selon deux méthodes de recherche qualitative (Groupes de discussion et entretiens semi
directifs) a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un espace d’échanges
et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis sur les différents
gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets qui se rapportent
à la thématique centrale, l’égalité entre les genres
Cependant, les conclusions suivantes peuvent être considérées comme les plus
pertinentes :
1 - Le Projet ‘’3eshra’’ destiné à développer une communauté de pratique, (CdP), basée
sur l’égalité de genre, évolue dans ce contexte compliqué et essaie, grâce à la dynamique
et la diversité des volets d’interventions et d’activités qu’il a instaurées, la compréhension
des mécanismes de cette situation sociale et l’engagement à agir dans un sens positif,
pour se rapprocher le plus possible de l’égalité réelle des genres.
4. CONCLUSIONS ET
RECOMMANDATIONS
PRATIQUES :
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
39
En effet, pour animer cette communauté, la CdP a programmé quatre types d’outils
d’animation et de création et développement de ladite communauté, articulée autour de
quatre axes ou quatre directions :
•	 Les groupes de discussion.
•	 Les entretiens semi directifs avec divers acteurs de la société civile.
•	 Les activités régionales, telles que les séminaires, les ateliers de réflexion et les
meetings.
•	 Les activités éducatives : activités culturelles, dont notamment des projections de
films à thèmes suivi de débats constructifs, etc.
Cette approche multiforme a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un
espace d’échanges et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis
sur les différents gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets
qui se rapportent à la thématique centrale, égalité entre les genres.
Etant donné la réussite de cette approche, il est indiqué, non seulement de s’en inspirer,
mais de la préserver pour développer d’autres CdP, autour de thématiques, qui s’en inspirent.
2 - La plupart des acteurs locaux et régionaux ont une connaissance limitée du cadre juridique,
en lien avec la question de l’égalité de genre. Ainsi, si la plupart des acteurs connaissent
quelques conventions internationales en lien avec cette question, auxquelles la Tunisie
a adhéré, ils ne maîtrisent pas leur contenu. En outre, il est indiqué que les acteurs locaux
et régionaux sachent que la nouvelle constitution de la Tunisie, de janvier 2014, promeut le
principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Leur connaissance du cadre juridique
national se limiterait toutefois à la Constitution, et peu d’entre eux seraient en mesure de
démontrer une réelle connaissance des lois existantes qui garantissent les droits des femmes
ou instaurent le principe de l’égalité entre les genres. Par ailleurs, il est à noter que la plupart
des acteurs locaux n’ont pas une compréhension véritable des obligations en matière de
garantie et de protection des droits des femmes, qui découlent du cadre juridique.
3 - Aujourd’hui, et malgré la constitutionnalisation du principe de l’égalité des genres, ce
principe n’est pas appliqué de manière systématique.
4 - Dans le domaine de la santé, en ce qui concerne les services offerts par les structures
publiques, il est noté que globalement, ces services sont limités et que les ressources
humaines et financières qui leur sont affectées sont insuffisantes. En outre, on considère
que l‘infrastructure de la santé publique, y compris les hôpitaux régionaux accusent un
manque en personnel médical, notamment les médecins spécialistes et le personnel
paramédical (infirmiers, sages-femmes), ce qui affecte sérieusement l’accès de la
population locale aux services de santé. C’est notamment le cas pour les services de
santé maternelle et infantile.
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3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
5 - Les formes de violences à l’égard des femmes ne sont pas connues d’une manière
systématique, ce qui nécessite l’élaboration d’un thésaurus qui les définit. Ce Thésaurus est
utile aussi pour les juges, les agents de police, les psychologues et pour les activistes de la
Les conséquences de la violence sur les femmes méritent une meilleure clarification.
La loi n’est pas bien connue, ni assimilée, les femmes et les ONGs demandent un
programme de sensibilisation et de vulgarisation de la loi, notamment auprès des
décideurs locaux, des responsables d’ONGs, etc.
Certaines catégories de fonctionnaires, qui ont un rôle important dans la prise en charge
de la violence, comme la police et la justice doivent être formées pour une application
rationnelle de la loi.
Les ONGs ont commencé à faire un travail important pour la sensibilisation sur la question
de la violence à l’égard des femmes et sur la loi, y afférente, mais ces actions doivent être
systématiquesetplusétendues.Desactivitéscommelescentresd’écoutesoulesprogrammes
de sensibilisation nécessitent la mise en place de standards pour mener à bien ces opérations.
4.2	 RECOMMANDATIONS PRATIQUES
En général, il est indiqué de :
1)	 Procéderàdesanalysesgenredessecteursd’interventionprioritairespouridentifier,
de la manière la plus précise possible, les situations et les besoins spécifiques des
femmes et des hommes.
2)	 Élaborer une stratégie locale intersectorielle d’intégration de la thématique du
genredanslavieetlagouvernancelocalespouridentifierlessecteursd’intervention
prioritaires et renforcer la redevabilité des intervenants quant à la réalisation de
l’égalité entre les femmes et les hommes.
3)	 Renforcer les capacités des acteurs locaux, aussi bien les institutions publiques
que les organisations de la société civile, en ce qui concerne les concepts de genre
et d’égalité entre les femmes et les hommes.
4)	 Appuyer l’élaboration et l’adoption d’une charte locale sur l’égalité des femmes et
des hommes dans les différentes régions, selon leurs spécificités, afin de faciliter
la gestion des affaires locales.
5)	 Renforcer les capacités des acteurs locaux, en particulier des organisations de la
société civile, en matière de plaidoyer pour l’intégration du genre et le renforcement
de la participation des femmes.
6)	 Identifier au niveau de chaque région, des femmes leaders, de profils diversifiés, et
appuyer leur engagement en faveur d’une plus grande participation des femmes
dans la gestion des affaires locales.
7)	 Appuyer les organisations de la société civile locale à sensibiliser les femmes quant
à leurs droits et à l’importance de leur participation à la gestion des affaires locales.
3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE 		
	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
41
8)	 Sensibiliser la population locale sur les enjeux du renforcement de la participation
des femmes à la vie publique et de l’égalité entre les femmes et les hommes,
notamment par le biais des médias locaux.
Inspirés par l’expérience de la présente CdP, sur l’égalité des genres et souhaitons
capitaliser les leçons apprises de cette expérience, nous retenons que la communauté
de pratique est un groupe de personnes qui collaborent ensemble, en face à face ou/et
virtuellement. C’est un groupe de travail homogène, s’organisant pour un travail ciblé,
dans un espace d’échange et de partage. Il s’agit d’un réseau dynamique de personnes
qui échangent des expériences et des savoirs, qui croient en une cause spécifique et la
soutiennent.
Les membres de la communauté sont liés par un intérêt commun dans un champ de
connaissance et sont conduits par un désir et un besoin de s’entraider, de partager leurs
meilleures pratiques et de développer de nouvelles connaissances.
La confiance et l’ouverture aux autres sont des caractéristiques primordiales. Le but est
d’utiliser les compétences et les complémentarités de chacun. Ainsi, les membres de la
communauté doivent être capables de partager leurs connaissances et de les lier à celles
des autres membres.
Il importe également d’approfondir le cadre d’analyse pour explorer les avantages et les
aspects à améliorer (défis) de l’approche multiforme qui a permis de concrétiser la CdP
sur le terrain. Cette analyse couvrira trois types d’activités du projet ‘’3eshra’’ à savoir les
groupes de discussion, les entretiens semi directifs et les activités éducatives.
Les groupes de discussion :
Le type d’activité ou l’outil groupes de discussion, est sans aucun doute, l’outil le plus
adéquat et le plus pertinent en matière de collecte d’informations selon les témoignages
des coordinateurs et coordinatrices de la CdP ‘’3eshra’’ mais aussi selon les données
collectées.
•	 C’est l’outil le plus adéquat pour une CdP pour engager le plus de personnes possible
dans la communauté d’une manière fréquente.
•	 Cela peut non seulement aider les acteurs travaillant sous le même thème à
développer de nouvelles stratégies et solutions, mais cela leur permet également
d’élargir leur base de connaissances et de partager différents points de vue.
•	 C’estuneactivitéquifacilitelamiseenplaced’unréseautrèspertinentetefficacepour
regrouper les acteurs intéressés et soucieux par rapport à la thématique principale de
la CdP.
42
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	 POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
Certes, les groupes de discussion sont un des outils les plus adéquats mais aussi selon les
membres de ‘’3eshra’’, il y a quelques défis qui se sont présentés :
•	 Les conflits entre les interviewés sont une constante lors des groupes de discussion
vus les différents points de vue : cela nécessite une grande expertise de la part de
la personne qui mène le groupe de discussion et un encadrement constant par des
expertsàcettemêmepersonneestrequispourbienmenercesgroupesdediscussion.
•	 La durée établie des groupes de discussion n’était pas suffisante pour aborder toutes
les questions et tous les sujets, non pas à cause du nombre de participants mais plutôt
parce que des réponses socialement désirables sont données tout au début jusqu’à
ce qu’une certaine dynamique et de confiance se construise au sein du groupe.
Les entretiens semi directifs :
Les entretiens semi directifs, de par la qualité et l’uniformité des données collectées,
constituent un outil extrêmement rigoureux. Selon les témoignages des membres de la
CdP, voici quelques avantages de ces entretiens semi directifs :
•	 Ils offrent plus de possibilités d’évaluer la compréhension de l’interviewé et son
interprétation des questions mais aussi de clarifier toute ambiguïté qui peut se
présenter.
•	 Ils sont très utiles lorsque la CdP traite une thématique comme l’égalité des genres
qui peut amener à poser des questions délicates.
•	 Les membres de ‘’3eshra’’ ont été plus en mesure d’établir une relation de confiance
avec les interviewés et de mieux obtenir des réponses à des questions que lors
d’autres types d’activités.
Selon les mêmes témoignages des membres de la CdP ‘’3eshra’’, les aspects à améliorer
pour ce type d’activité sont :
•	 De maintenir une formation continue tout au long du projet sur les bonnes techniques
pour mener ces entretiens semi directifs ou comment éviter, inconsciemment,
d’influer les réponses.
•	 Maintenir une formation continue sur le développement de supports documentaires
nécessaires pour ces entretiens comme les aide-mémoires qui sont spécifiques et
changent selon le thème abordé.
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  • 2. Construire une communauté de pratique pour l’égalité des genres en Tunisie Rapport qualitatif
  • 3.
  • 4. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 3 TABLE DES MATIÈRES 1 Introduction 1.1 Approche méthodologique 2 Conception de la Communauté de Pratique (CdP) 2.1 Introduction 2.2 Expériences 2.3 Outils de la CdP 2.3.1 Les groupes de discussions (focus groups) 2.3.2 Les entretiens semi-directifs 2.3.3 Les réunions et les activités régionales 2.3.4 Les activités éducatives : films et débats 3 La situation des femmes en Tunisie 3.1 Société civile et politique 3.2 Gouvernance locale et élections municipales 3.3 La prise de décision 3.4 Besoins des femmes et système de santé en Tunisie 3.5 Accès aux services de la santé de la reproduction 3.6 Conditions de travail et inégalités des salaires 3.7 La violence à l’égard des femmes 3.7.1 La nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes 3.7.2 Femmes et violence extrême 4. Conclusions et recommandations pratiques 4.1 Conclusions 4.2 Recommandations pratiques 5 5 7 7 10 12 12 13 13 15 16 16 19 21 22 25 26 29 29 34 38 38 40
  • 5. 4 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE
  • 6. BIOGRAPHIE DE L’AUTEUR Membre de l’Observatoire Tunisien de la transition démocratique, Mr. Hafedh Chekir est un démographe et un statisticien. Ses domaines d’intérêt comprennent les études démographiques, les changements démographiques, les taux de natalité et les enquêtes sur l’immigration et l’opinion publique. Il a notamment travaillé avec le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), dans plusieurs pays arabes, pour plus de vingt ans et a notamment occupé le poste de Directeur régional du bureau régional des États arabes du FNUAP. Il est aussi l’auteur de plusieurs publications dont La dynamique démographique dans les pays du bassin méditerranéen, La transition démographique dans les pays arabes, document soumis au Forum arabe sur la population, Écarts de genre et structure familiale dans le monde Arabe.
  • 7. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 5 1. INTRODUCTION L e processus de transition démocratique que vit la Tunisie depuis 2011, pose encore avec acuité la question des droits des femmes, leur rôle et leur statut dans la société. Il occupe, certes, une place privilégiée, mais continue de susciter des débats contradictoires, susceptibles d’influer sur l’évolution des rapports sociaux de genre, en Tunisie. En effet, le chemin semble être encore long pour garantir l’égalité totale entre les genres, mettant en échec toute remise en question des droits des femmes tunisiennes. Aujourd’hui, beaucoup de femmes sont encore confrontées à des difficultés et des défis qu’elles sont appelées à relever dans leur parcours dans la vie, et ceci, à cause de multiples facteurs comme le manque de coordination entre les différents acteurs sociaux et le manque de prise en compte de la diversité des populations féminines et des spécificités régionales et locales en matière d’intervention et d’insuffisance des données désagrégées par genre. Le Projet “3eshra’’, destiné à développer une Communauté de Pratique, (CdP), basée sur le genre social, évolue dans ce contexte compliqué et essaie, grâce à la dynamique et la diversité des volets d’intervention et d’activités qu’il instaure, la compréhension des mécanismes de cette situation sociale et l’engagement à agir dans un sens positif, pour se rapprocher le plus possible de l’égalité réelle des genres. 1.1 APPROCHE METHODOLOGIQUE Pour l’élaboration du rapport qualitatif final “3eshra’’- Construire une Communauté de Pratique (CdP) pour l’égalité des genres en Tunisie, nous avons suivi la méthodologie suivante, basée sur quatre outils de travail, à savoir : les groupes de discussion, les entretiens semi directifs, les activités régionales et les activités éducatives et sur la pratique que la CdP a développée au cours des deux dernières années : 2017-2018. En effet, pour animer cette communauté, la CdP a programmé quatre outils de travail, ou types d’activité, en guise d’outils d’animation, de création et de développement de ladite communauté, articulés, autour des groupes de discussion, des entretiens semi directifs, des activités régionales (séminaires, ateliers de travail et réunions) et des activités éducatives (projection de films et débats dirigés).
  • 8. 6 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE • Premier type d’activité : Les groupes de discussion. • Deuxième type : Les entretiens semi directifs ont été menés avec divers acteurs de la société civile. • Troisième type : Les activités régionales, telles que les séminaires, les ateliers de réflexion et les meetings. • Quatrième type : Les activités éducatives : activités culturelles, dont notamment des projections de films à thèmes, suivies de débats constructifs. Cette approche multiforme a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un espace d’échanges et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis sur les différents gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets qui se rapportent à la thématique centrale, égalité entre les genres. Nous traiterons ainsi : • Du déroulement des activités et de la construction de la communauté. • La cartographie des différents acteurs et intervenants régionaux travaillant sur l’égalité. • La mesure de l’impact de la CdP. • L’analyse et l’exploitation des données récoltées, selon deux méthodes de recherche qualitative : Groupe de discussion et entretiens semi directifs. • Les principales conclusions et déductions sur la situation de l’égalité à l’échelle nationale. • Conclusions et Recommandations
  • 9. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 7 2.1 INTRODUCTION En partenariat entre Robert Bosch Stiftung (RBSG) et le Maghreb Economic Forum (MEF), le projet “3eshra’’ qui est une plateforme pour l’égalité entre les genres a été mis au point. • LeMaghrebEconomicForum,MEF,Think-and-DoTankougroupederéflexion,aété fondé en 2011 sur la base du soutien à l’intégration maghrébine et au développement de la croissance économique et sociale. Avec une population de 90 millions d’habitants, l’Algérie, la Libye, la Mauritanie, le Maroc et la Tunisie peuvent créer un espace social et économique solide pour prospérer à l’ère de la mondialisation et de la numérisation. MEF accomplit sa mission en tant qu’organisation civique, sans but lucratif. Son approche vise à engager et impliquer le grand public à cette époque de changements profonds, exaltants mais parfois menaçants. • La Robert Bosch Stiftung est une des principales fondations allemandes, associées à une entreprise privée, qui gère depuis plus de 50 ans le legs philanthropique du fondateur Robert Bosch. En effet, c’est sa vision entrepreneuriale, sa clairvoyance politique, sa force morale et ses initiatives charitables qui définissent les normes du travail de la Robert Bosch Stiftung. Le projet “3eshra’’ en Tunisie, dure 2 ans. Pendant cette période de construction et d’émergence de la communauté, beaucoup d’actions et d’activités ont été entreprises et dans lesquelles, aussi bien le MEF que RBSG ont joué le rôle de : • Agent de conception du schéma et plan du travail pour la communauté. • Accompagnateur de la communauté. • Catalyseur. • Facilitateur de la construction d’un environnement interne et externe. Le rôle du MEF et RBSG est, par conséquent, d’accompagner le projet tout au long de sa période d’existence et d’assurer que les activités se dérouleront avec réussite. En effet, des réunionsdelacommunauté,desgroupesdediscussion,desquestionnaires,semi-directifs ont été élaborés pour répondre pertinemment aux questions de la thématique « genre». • Les deux partenaires ont aidé à développer ces pratiques communes au sein de la communauté qui servira d’exemple et de modèle pour des projets à venir. 2. CONCEPTION DE LA COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE (CDP)
  • 10. 8 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE • Ils ont veillé à l’élaboration d’un calendrier détaillé et précis pour toute la période du projet et qui a été appliqué par tous ceux qui travaillent sur cette communauté en respectant les échéances. La création de la plateforme pour l’égalité entre les genres, partant du constat que des travaux ont été effectués dans le passé sans laisser de traçabilité ni de continuité pour cette thématique. Ainsi le projet “3eshra’’ vise à : • Regrouper les acteurs de l’égalité de genres et les travaux effectués par le biais d’une plateforme sociale réelle et virtuelle. • Créer cette communauté sur différentes régions de la Tunisie, en répartissant la carte géographique de la Tunisie sur 5 régions : m Région comprenant Tunis, Ariana, Ben Arous, Zaghouan Manouba et Bizerte. m Région comprenant Beja, Jendouba, Siliana, Kef et Zaghouan. m Région comprenant Nabeul, Sousse, Monastir, Mahdia et Sfax. m Région comprenant Kairouan, Sidi Bouzid, Kasserine et Gafsa. m Région comprenant Tozeur, Kébili, Gabès, Médenine et Tataouine. Mais qu’est-ce qu’une communauté de pratique ? C’est un groupe de travail homogène, s’organisant pour un travail ciblé, dans un espace de partage, aussi bien d’une cause que des soucis. La communauté de pratique est un groupe de personnes qui collaborent ensemble, en face à face ou/et virtuellement. Les membres de la communauté sont liés par un intérêt commun dans un champ de connaissance et sont conduits par un désir et un besoin de s’entraider, de partager leurs meilleures pratiques et de développer de nouvelles connaissances. Les membres de la communauté, approfondissent leurs connaissances en interagissant sur une base continue et à long terme. Un engagement mutuel : Tous les membres de la communauté doivent respecter cet engagement.Laconfianceetl’ouvertureauxautressontdescaractéristiquesprimordiales. Le but est d’utiliser les compétences et les complémentarités de chacun. Ainsi, les membres doivent être capables de partager leurs connaissances et de les lier à celles des autres membres. L’objectif principal de l’engagement mutuel est donc que chacun aide et soit aidé par un autre membre de la communauté.
  • 11. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 9 Quelles sont les dimensions et l’utilité de la CdP ? • Une entreprise commune. D’après Etienne Wenger, 1 il est important de créer une entreprise commune interne à la communauté. Cette entreprise aura pour but de faire interagir ses membres afin d’accomplir l’objectif de l’entreprise commune et de la faire évoluer en fonction des nouveaux enjeux et problèmes intervenants. • Un répertoire partagé : Ce répertoire est primordial pour l’entreprise commune. Il caractérise les ressources permettant aux membres de communiquer, de résoudre des problèmes. Les ressources peuvent être de différents types : mots, outils, routines, procédures, dossiers… • Utilisation des ressources délocalisées et mise en commun des efforts. • Meilleur apprentissage individuel et organisationnel. • Circulation des savoirs, développement des connaissances et habiletés professionnelles. • Stimulation de l’innovation. • Accroissement de la rapidité de transformation des meilleures pratiques. • Résolution des problèmes. • Stimulation de l’énergie intellectuelle et de la créativité. • Facilitation de l’intégration, de la motivation, de la rétention (fidélité) et du sentiment d’appartenance des individus. La présente communauté de pratique, objet du projet de partenariat entre MEF et RBSG vise à instaurer et développer l’égalité entre les genres ; elle porte le nom de “3eshra’’. Les clés de la réussite de cette activité sont : • Un environnement et une culture organisationnelle favorable. • Un soutien adéquat (ressources humaines, financières, matérielles). • La qualité de l’animation. • La thématique choisie, représentant un sujet important et pertinent pour les participants, qui interpelle un nombre significatif d’individus et qui aborde des problèmes réels et courants. 1. Etienne Wenger est un théoricien de l’éducation et un praticien, pionnier pour l’étude des communautés en milieu d’apprentissage de travail pour avoir théorisé la notion des communautés de pratique (CdP) dans les années 1990
  • 12. 10 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 2.2 EXPÉRIENCES Un Brainstorming a été effectué par les coordinateurs régionaux du projet « 3eshra » par rapport aux expériences dans la Communauté de Pratique (CdP) créée. Il s’en est dégagé que : u La CdP : C’est Un Groupe homogène qui effectue un travail ciblé en créant un espace de partage. Il s’agit d’un réseau dynamique de personnes qui échangent des expériences et des savoirs, qui croient en une cause spécifique et la soutiennent. u Qu’est-ce qu’il faut éviter ? • La hiérarchie entre les membres de la communauté. • Imposer son point de vue par rapport aux sujets traités. • Travailler sur la quantité et non pas sur la qualité des activités. • Négliger l’importance de la présence de tous les acteurs : secteurs privés, secteurs publics, ONGs. • Se limiter à un nombre réduit de sources d’information. u Chercher et avoir l’information : L’importance des contacts physiques : La création d’un climat de confiance entre les membres de la CdP permet de favoriser l’échange, de développer les relations humaines et de créer de vrais liens tout en s’adaptant à la spécificité de la région. u Besoin du leader ? • Avoir des personnes qui mènent le groupe avec un don d’expérience et d’expertise. • Avoir une équipe motivée. • Avoir une forte conviction en la cause. • Avoir les ressources humaines et matérielles pour effectuer son travail. u Conseils pour quelqu’un qui compte commencer à travailler sur une CdP : • Il faut effectuer une bonne cartographie des acteurs qui travaillent sur la thématique. • Il faut identifier de vrais problèmes selon les spécificités de la région. • Il faut avoir le savoir, le savoir-faire et le savoir-être nécessaires. • Il faut définir les outils de travail spécifiques à la CdP en question.
  • 13. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 11 • Il faut effectuer des recherches approfondies relatives à la thématique. • Il faut motiver ses collaborateurs et agrandir son réseau. • Il faut maintenir une bonne visibilité et une stratégie de travail. u Expérience positive CdP : Avantages Expériences Amitié Liens du groupe très bénéfiques Echange Ouverture et participation Ouverture sur les autres (sur le plan régional et culturel) : force contre les stéréotypes, connaitre l’autre, conscience... relation humaine/échange Reconnaissance Identification des succés à l’intérieur
  • 14. 12 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE u Vécu d’expérience dans le projet : • Enrichissement sur le plan personnel et professionnel. • Amélioration du réseau avec les ONGs et les acteurs locaux. • Réseautage sur le niveau local et national. • Une pluridisciplinarité qui approfondit les connaissances de la communauté sur l’égalité genre. • La création de la première communauté de son genre en Tunisie. • La cohésion de la communauté à travers le travail en groupe. • L’analyse de thématiques originales. 2.3 OUTILS DE LA CDP Les outils qui ont été utilisés pour implémenter la CdP, dans les différentes régions du pays, ont été : • Les groupes de discussion (Focus groups). • Les entretiens semi-directifs. • Les différentes activités régionales : réunions, séminaires, ateliers. • Les activités récréatives, de type culturel et éducatif. 2.3.1 Les groupes de discussion (Focus groups) : Les groupes de discussion ont été le principal outil de la CdP; ils ont été organisés sur la base de notes conceptuelles et d’aide-mémoires, destinés à cadrer la discussion et à la structurer pour en tirer des enseignements pertinents. Les groupes de discussion ont touché plusieurs domaines civils, politiques, socio- économiques, sanitaires, culturels et ont essayé de vérifier jusqu’à quel point l’idée du genre est ancrée chez la population aussi bien féminine que masculine et l’intensité de l’adhésion des différentes communautés à ce concept, développé par la CdP. Une quarantaine de groupes de discussion ont été réalisés dans toutes les régions du pays, autour de 6 thèmes majeurs, comme suit : • Services de santé, en général et de santé de la reproduction, en particulier : 9 groupes de discussion au total : à Zaghouan, Le Kef, Sousse, Kasserine et Boughrara (Médenine) • Conditions de travail des femmes et inégalité dans le paiement : 6 groupes de discussion au total : à Douar Hicher, Ariana, Jendouba, Tataouine, Kairouan et Sidi Bouzid.
  • 15. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 13 • Violence et violence extrême à l’égard des femmes : 9 groupes de discussion au total : à Tunis, Zaghouan, Jendouba, Le Kef, Sousse, Médenine, Kasserine et Gafsa. • Femmes, société civile, vie publique, gouvernance locale et impact sur le travail des municipalités : 12 groupes de discussion : Daouar Hicher, Ariana, Siliana, Médenine, Kasserine, Tunis, Monastir, Nefza, Béja et Bizerte. • Femmes et présence dans le domaine de l’art et de la culture : 2 groupes de discussion : Tunis et une région non indiquée. • Femmes et participation à la prise de décision : 2 groupes de discussion : Béjà et Sousse. • Le débat au sein du groupe de discussion se déroule sur la base d’un aide-mémoire qui guide la discussion et après une présentation du projet de la CdP par l’animateur de la séance. 2.3.2 Les Entretiens semi-directifs Une trentaine d’entretiens semi directifs ont été menés avec des leaders locaux (18 femmes et 12 hommes), représentants d’organisations nationales (UNFT) et internationales (UNESCO), professeurs d’universités et autres enseignants, citoyens et citoyennes, et des activistes de la société civile. Les entretiens ont été effectués sur la base d’un questionnaire pour bien orienter la discussion et la structurer et obtenir des résultats qualitatifs qui serviront à la CdP pour, éventuellement réajuster son programme d’intervention, afin d’assoir la CdP sur des bases, toujours plus solides. Le questionnaire comportait, essentiellement, les points suivants : • Comment voyez-vous l’égalité entre les genres en Tunisie ? • Comment la société, envisage-t-elle l’égalité hommes/femmes ? • Que pensez-vous de la politique de l’Etat en ce qui concerne l’égalité ? • Comment envisagez-vous le rôle de la femme dans la société ? • Quel est votre point de vue concernant la présence de la femme dans les media ? • Quel rôle la femme est-elle destinée à assumer à l’avenir ? Ces entretiens ont été enregistrés, transcrits et réécrits. Nous en avons utilisé quelques parties, à titre de témoignage, que nous avons traduites de l’arabe vers le français, dans le développement des thèmes du rapport. 2.3.3 Les Réunions et les activités régionales Sur le plan régional, plusieurs types d’activités ont été engagés : réunions régionales, ateliers de travail, séminaires focalisés sur un thème, en liaison avec les orientations de la CdP.
  • 16. 14 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Ces activités régionales ont contribué à souder les liens au sein des membres de la CdP et conforter les résultats, obtenus par les groupes de discussion et les entretiens semi directifs avec les leaders locaux et les activistes de la société civile. Les quatre outils utilisés par la CdP, à savoir les groupes de discussion, les entretiens semi-directifs, les activités régionales et les activités éducatives ont fonctionné en parfaite symbiose et se sont complétés pour renforcer les activités de la CdP et l’asseoir sur des bases solides. 15 activités régionales ont été réalisées dans les cinq grandes régions du pays, à Tunis (Nord), Sousse (Sahel), Sidi Bouzid (Centre Ouest), Médenine (Sud) et Tabarka (Nord-Ouest). Ces activités sont relatives à : • Des réunions régionales sur la compréhension de la loi sur la violence à l’égard des femmes, sur la radicalisation, sur l’économie sociale et la création d’emplois pour les femmes, sur la participation des femmes au travail municipal, le rôle des media dans le renforcement du rôle de la femme, sur la promotion de l’emploi des jeunes et son impact sur l’emploi féminin, sur les femmes, victimes de la violence économique, en agriculture. • Des ateliers de réflexion sur la CdP et le travail sur des données quantitatives et qualitatives. Atelier régional à Tataouine
  • 17. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 15 • Des séminaires de formation sur les groupes de discussion, méthodologie et manière de conduire un groupe de discussion, formation sur les droits de l’homme, sur le développement communautaire, formation sur les techniques et les stratégies de communication. 2.3.4 Les activités éducatives : Films et débats Dans ce cadre, des séances de projection de films ont été organisées dans plusieurs régions ; la filmothèque dont dispose l’équipe de la CdP est riche en courts métrages, mais il semble que 3 films, en particulier, aient retenu l’attention des animateurs ; il s’agit notamment de : «Selma, Ennajah et le drapeau blanc», qui traitent de thèmes liés à la précarité de la situation des femmes, notamment dans le domaine de l’emploi. Les séances de projection ont été suivies par un débat constructif sur les conditions de la femme et notamment la précarité de l’emploi féminin. Lors des discussions relatives aux films, les participants expriment leurs différents points de vue, en interprétant les objectifs du film projeté, et débordent sur les obstacles que rencontrent les femmes des régions de l’intérieur. A la fin de chaque séance, des questionnaires d’évaluation sont distribués aux participants pour apprécier leurs points de vue par rapport aux films projetés.
  • 18. 16 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 3.1 SOCIÉTÉ CIVILE ET POLITIQUE La société civile a connu une dynamique particulière après la révolution qui ne s’est pas limitée aux hommes, mais qui a touché également les femmes. Un constat très positif : la participation des femmes à la société civile dans les régions du Sud, jugées les plus conservatrices, s’est améliorée, ainsi beaucoup de femmes sont devenues des actrices connues dans les associations civiles, ce qui n’était pas le cas, il n’y a pas si longtemps. Plusieurs femmes ont noté cette amélioration, notamment après la révolution. C’est le cas d’une femme, activiste de la société civile, à Médenine et qui a participé à un entretien semi directif. Selon elle, « Après la révolution, l’activité de la femme aussi bien dans la sphère sociale que politique s’est améliorée sensiblement. Elle est ministre, pas seulement du Ministère de la femme, comme dans le passé, mais également d’autres ministères techniques. Elle est directrice ou directrice générale dans les institutions et entreprises de l’Etat. La femme a acquis de la valeur au sein de la société, aussi bien civile que politique. Elle occupe désormais une place importante dans le pays. Ses chances de participer à la vie sociale et politique égalent presque celles de l’homme ». De son côté, un activiste de la société civile, représentant d’une organisation internationale (UNESCO) à Médenine,interviewé par l’équipe de la CdP, confirme cette idée, en assurant, que « si, nous revenons quelques années en arrière, nous trouverons que la participation de la femme était relativement faible, mais qu’au cours des dernières années, grâce aux efforts de la société civile, représentée par un nombre important d’associations qui ont effectué un travail en profondeur, le rôle de la femme a été valorisé, dans la gouvernance locale ». Il a estimé que « la participation de la femme dans la société civile est très importante et il faudrait la valoriser davantage, en doublant d’efforts, pour que sa participation soit l’égale de l’homme». Ce changement est bien perçu par beaucoup d’autres femmes qui pensent que la participation des femmes à la société civile est passée de l’image que voulait montrer l’ancien régime à une participation plus effective et qui récompense le militantisme de 3. LA SITUATION DES FEMMES EN TUNISIE
  • 19. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 17 beaucoup de femmes, comme le signale une des participantes à un groupe de discussion dans la région du Kef, « qui considère que dans le passé, l’affectation des femmes à un poste politique était un acte purement formel, juste, pour dire : voilà, chez nous en Tunisie, la femme occupe une place importante, contrairement aux autres pays arabes où la femme est confinée au foyer. Actuellement, on constate que mêmes les militantes contre l’ancien régime s’imposent dans les postes politiques et civiles et font valoir leurs qualités». Certaines femmes, participantes aux groupes de discussion, admettent que par le passé, la participation de la femme à la société civile et politique était insignifiante, mais au cours des dernières années, l’intérêt porté au rôle de la femme s’est accru assez sensiblement, notamment dans les gouvernorats du Sud et dans les zones rurales, en particulier, mais ceci nécessite plus d’efforts encore pour développer davantage cet acquis afin d’assurer son irréversibilité et assurer la bonne gouvernance, grâce à la participation accrue de la femme aux affaires de la cité. Cependant, la participation de la femme aux activités qui sont organisées en dehors de la zone de résidence, surtout quand il s’agit de passer des jours et des nuits loin du foyer, est très limitée. Selon les déclarations des participants aux groupes de discussion, aussi bien à Médenine qu’à Monastir, « la distance et l’absence du foyer, même pour quelques jours, pour assister à des cycles de formation ou à des séminaires de réflexion, ou des réunions d’utilité publique, par exemple, est un handicap majeur qui limite l’implication des femmes dans les activités sociales, de quelque nature qu’elles soient». Une autre difficulté qui n’est pas moins importante, semble être la résistance des femmes à la participation aux activités proposées. Le représentant de l’UNESCO à Médenine considère que « la plus grande difficulté provient du fait qu’il faudrait convaincre les femmes, elles-mêmes de participer aux activités et surtout aux séminaires de formation. Parmi les thèmes qui méritent d’être traités avec les femmes, c’est la sensibilisation à la vie familiale, à l’éducation sanitaire, à la violence que subissent les femmes et enfin aux élections». Une participante à un groupe de discussion, à Monastir a estimé, de son côté, que « pour susciterl’intérêtdesfemmesauxactivitéssociopolitiquesoumêmeculturelles,ilfaudrait diversifier les thèmes et évoquer sans cesse le principe de l’égalité hommes/femmes et développer la lutte contre la violence subie par les femmes. Il faudrait aussi développer des services de proximité qui n’obligent pas les femmes à voyager dans d’autres régions pour de longues journées. L’éloignement est un élément dissuasif pour la participation des femmes, surtout celles habitant en zones rurales. Il faudrait également concevoir des séances de formation qui permettent aux femmes d’acquérir des connaissances et des aptitudes pratiques, c’est-à-dire des expertises en informatique, par exemple, même dans les ateliers d’artisanat et motiver les femmes pour participer de plein droit
  • 20. 18 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE aux élections municipales et à la gouvernance locale, surtout qu’on remarque un refus généralisé de la population vis-à-vis de la participation aux occasions électorales, ce qui appelle, aussi bien l’Etat que les associations civiles et l’ensemble des acteurs politiques à redoubler d’efforts et à mettre l’accent sur cet aspect important qui est la déficience électorale, pour que la participation des citoyens, en général et de la femme, en particulier, soit plus importante et surtout plus efficace». Beaucoup de participants dans les divers groupes de discussion, du Nord au Sud de la Tunisieestiment«positifquelafemmeoccupedespostesdanslasociété:responsabilités administratives et politiques, présidentes d’association, activistes dans la société civile et au sein des syndicats». Parmi les mesures proposées par les participants pour mieux intégrer la femme dans la vie sociale et politique, on suggère de respecter toujours la parité dans les structures sociales et même lors du recrutement des participants aux séances de formation et autres activités sociales, politiques ou socio culturelles. D’autre part, il est conseillé d’intégrer les activités dans les maisons de jeunes pour intéresser plus de jeunes filles en zones rurales, en particulier. A Monastir, une région du Sahel, les mentalités et les comportements, par rapport au statut et au rôle de la femme dans la société ne diffèrent pas sensiblement de ceux des autres régions du Nord-Ouest et du Sud. En effet, une participante aux groupes de discussion de cette région a estimé que « la participation de la femme dans la société civile dépend de son niveau social et culturel ». Cependant, des participants au groupes de discussion estiment qu’il existe un élément positif à prendre en considération, à l’échelle nationale, c’est la participation de la femme aux postes politiques qui est de 23% dans le monde ; par contre ; elle serait de 27% en Tunisie, ce qui prouve, qu’on a bien évolué et ce qui rehausse la fierté des participants. Les participants estiment que les obstacles qui se dressent devant la participation de la femmeàlaviesocialeetsurtoutàl’activitépolitiquerelèventdesmentalitésconservatrices, encore dominantes, les stéréotypes imposés par la société (les engagements familiaux de la femme dont la priorité est accordée aux enfants et aux affaires du foyer, au détriment de tout autre type d’activité sociale ou politique). UneparticipanteaugroupedediscussionàMonastirestimequ’«ilyavaitencorel’obstacle politique, la peur de s’exprimer ; en effet, avant la révolution la liberté d’expression était interdite. Il y a aujourd’hui encore le rôle négatif que jouent les médias, qui pratiquent, peut-être, sans le vouloir, une sorte de discrimination entre les hommes et les femmes:
  • 21. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 19 les interviews politiques avec un homme sont toujours axées sur sa carrière politique, par contre celles, avec les femmes, sont axées sur sa vie personnelle, comme si les sphères socio politiques ne les concernaient pas». Malgré les progrès enregistrés dans la participation de la femme à la vie civile et politique, beaucoup d’activistes de la société civile continuent à considérer qu’il y a encore un long chemin à parcourir pour réaliser l’égalité hommes/femmes. Selon le Président de l’association de l’Union Tunisienne des Indépendants pour la Liberté, qui a été interviewé par l’équipe de la CdP : «Nous avons des lois qui protègent les femmes, des lois pionnières dans le monde arabe et ailleurs, mais les mentalités ne suivent pas encore ; on constate qu’il y a toujours une certaine ségrégation et on a l’impression que les hommes tiennent à maintenir les femmes dans une situation inférieure à celle de l’homme ; c’est pourquoi, nous devons continuer à travailler sur les mentalités, parce qu’on a l’impression que les droits des femmes ont été imposés par la loi, alors que la société n’est pas encore apte à assumer l’égalité réelle entre les hommes et les femmes, d’autant plus qu’après la révolution, a émergé la problématique de l’identité et les tentatives de reconstruction de notre modèle de société et on a établi une distinction entre les femmes voilées et les femmes non voilées, ce qui ne peut qu’accentuer la ségrégation vis-à-vis de la femme». 3.2 GOUVERNANCE LOCALE ET ÉLECTIONS MUNICIPALES Laparticipationdesfemmesàlaviemunicipale,ougouvernancelocale,etsurtoutauxélections municipales et le rôle de la femme et son impact sur le travail des conseils municipaux ont fait l’objet de plusieurs groupes de discussion, dans différentes régions du pays. Femmes et conseils municipaux (à Makhtar, gouvernorat de Siliana)
  • 22. 20 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE En général, les participants à ces groupes de discussion, « estiment que la participation de la femme à la gouvernance locale était faible dans un passé récent, mais qu’elle s’est améliorée nettement au cours des dernières années, grâce aux efforts déployés par la société civile ; toutefois, des efforts supplémentaires sont encore demandés pour améliorer la gouvernance locale, grâce à l’afflux d’un plus grand nombre de femmes, surtout que les périmètres municipaux ont couvert pratiquement toutes les zones du pays, atteignant ainsi 350 municipalités, alors que leur nombre ne dépassait pas les 250, il y a un certain nombre d’années». Lors des dernières élections municipales, tenues en mars 2018, un grand nombre de femmesontparticipéauxélections,mais,engénéralletauxdeparticipationdel’ensemble des citoyens était faible, n’ayant pas excédé le 1/4 du corps électoral. Il y a une sorte de rejet de la part de la majorité de la population du principe des élections, vu le faible crédit dont bénéficie l’élite socio-politique tunisienne actuelle, qui arrive difficilement à mobiliser les électeurs autour de ses choix. Les participants font appel à la société civile pour accroître son intervention en vue de motiver la population, notamment féminine à la participation aux élections, municipales et améliorer ainsi sensiblement le taux de participation électorale qui varie actuellement entre 25% à 35%. La municipalité est la structure la plus proche du citoyen, vu qu’elle assure des services de proximité, tels que le transport, l’éclairage public, les zones vertes, la propreté, le nettoyage de la ville, les jardins d’enfants, etc. La femme est plus indiquée que l’homme pour s’engager dans ces services de proximité et les assurer de manière parfaite, en tous cas, mieux que l’homme. Aujourd’hui, les municipalités sont la structure la plus proche du citoyen et le chapitre 7 de la constitution a développé amplement le principe de la gouvernance locale, en incluant le volet des investissements pour le développement dans les prérogatives des municipalités. Ceci offre la possibilité aux municipalités, en dehors de leur rôle traditionnel, qui consiste à assurer l’état civil, développer la voirie, assurer la propreté et le nettoyage des villes, réaliser des investissements et créer des projets, générateurs d’emplois et contribuer ainsi à relever le niveau de vie des citoyens. Les participants proposent d’associer les femmes municipales aux discussions sur la planification des projets et à l’élaboration des budgets municipaux et ne pas limiter cette participation aux hommes. Les associations de la société civile sont ainsi appelées à agir dans le sens de pousser les conseils municipaux à pratiquer une politique axée sur le genre. A ce titre, il est recommandé d’organiser des rencontres de proximité, au sein des quartiers pour permettre une meilleure présence et participation des femmes à l’élaboration des budgets, car le choix d’endroits distants par rapport aux agglomérations
  • 23. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 21 des citoyens est une cause essentielle de l’absence des femmes. Il est même conseillé de sélectionner des espaces qui permettent de recevoir les enfants, surtout en bas âge dont les mères ne peuvent pas se séparer. 3.3 LA PRISE DE DÉCISION Cette plus grande participation à la vie associative et la pénétration dans la sphère publique est le résultat d’une plus grande participation à la prise de décision. Dans un groupe de discussion, tenu à Béja, début janvier 2019, un certain nombre de questions ont été posées aux participantes, concernant la place de la femme au sein de la société et surtout au niveau de la sphère de décision : 1. Quelle est selon vous la place qu’on accorde aux femmes au sein de votre institution ? 2. Traite-t-on les femmes et les hommes de manière égalitaire ? Si oui, avez- vous une idée sur le pourcentage des femmes présentes au niveau des instances dirigeantes ? 3. Quels sont les obstacles à l’égalité entre hommes et femmes au sein des institutions (politiques, associatives, publique, privées) ? 4. Avez-vousl’impressionquepourleshommes,larépartitionvieprivée/vieprofessionnelle semble plus aisée ou que cette question se pose différemment pour eux ? 5. Avez-vous rencontré des problèmes au sein de votre institution à cause du fait que vous soyez une femme ? (Évolution dans la hiérarchie, accès à l’information, accès aux ressources) 6. Avez-vous été victime de discrimination de genre au sein de votre institution (politique, associative, publique, privée...) ? Comment ? 7. Quelles sont selon vous les conditions requises pour qu’une femme accède à un poste de pouvoir ? 8. Comment percevez-vous le regard des collègues et de la société aux femmes ayant des postes de leadership ? Admiration ? Ressentiment ? …etc. 9. Seriez-vous favorables à des mesures de discrimination positives pour assurer l’égalité des genres ? Pour quelles raisons ? Les participantes aux groupes de discussion pensent que la femme prend les décisions d’une manière plus rationnelle que l’homme, que cela soit dans la gestion financière ou dans la scolarisation ou même dans les affaires publiques, comme l’indique une des participantes à un groupe de discussion, qui estime que « la femme, même pauvre, est capable de prendre de bonnes décisions si elle est responsabilisée ; peut-être prend-elle les décisions de manière plus consciencieuse qu’une femme en bonne situation sociale, du fait qu’elle a souffert dans sa vie de la pauvreté et de l’injustice sociale».
  • 24. 22 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Toutefois, cet engagement est tributaire de la confiance qu’ont les femmes dans le système politique établi ou dans les ONGs. Certaines femmes ont insisté sur le fait que le système actuel de participation à la vie publique et aux activités de la femme ne tient compte ni de ses charges, ni de sa disponibilité, et de ce fait, ne lui accorde pas la même chance qu’à l’homme. Selon une activiste de la société civile, qui est en même temps professeur à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Tunis, section « civilisations anciennes », les choses ont changé aujourd’hui, puisque « les femmes participent efficacement dans la vie sociale ; elles exercent des activités dans tous les domaines, y compris les domaines de la prise de décision. Elle n’est plus exclue, comme le veut la jurisprudence classique, d’un certain nombre de fonctions, notamment la justice et la gestion des affaires publiques. Aujourd’hui, la femme participe à toutes les sphères d’activité. Par exemple, dans le domaine de la justice, sa participation est importante et efficace, elle est égale à celle de l’homme…Aujourd’hui, la femme occupe les plus hautes responsabilités au sein de la société ; elle dans la justice, l’administration, la santé et l’éducation, et on ne peut plus aujourd’hui considérer la femme, inférieure à l’homme, comme le voulait la tradition ». 3.4 BESOINS DES FEMMES ET SYSTEME DE SANTE EN TUNISIE En Tunisie et depuis l’indépendance, l’Etat a fait de l’éducation et de la santé deux symboles ou plutôt, deux secteurs prioritaires pour réduire les inégalités sociales et pour promouvoir le progrès social. Hélas, la dégradation de la qualité de ces services est sentie par la population comme une défaillance importante de l’Etat. Un des participants au groupe de discussion Groupe de discussion à Béjà 14/01/2019
  • 25. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 23 dans la région de Médenine a signalé que « le système de santé en Tunisie est en train de se détériorer et se transformer en outil qui consacre l’inégalité sociale et régionale. On sent que l’Etat, aujourd’hui commence à se retirer du secteur public de la santé, ce qui a transformé le domaine de la santé en marché qui obéit à la loi de l’offre et de la demande. Aujourd’hui, on constate que le droit à la survie est conditionné par la capacité à payer, un secteur privé qui se distingue de sa rapacité, ce qui condamne les plus pauvres à se rabattre sur le secteur de la santé publique qui se détériore de jour en jour». De ce fait, il est important de définir une vision commune avec une approche participative, impliquant l’ensemble des parties prenantes, afin de prendre des décisions nécessaires, mais réalistes et acceptables. L’accès des femmes à la santé souffre de l’incapacité de ce secteur à répondre à leurs besoins en médication et en divers soins de santé. Au-delà des inégalités liées aux facteurs économiques, il y a lieu de signaler tout d’abord les inégalités entre milieu rural et milieu urbain qui sont importantes et touchent toutes les composantes de la santé publique. Pour une des femmes qui a participé aux groupes de discussion, à Tataouine, «il y a des différences à tous les niveaux, surtout en zones rurales où les dispensaires et les salles de soins manquent considérablement de moyens humains et matériels ; tout au plus, y trouve-t-on quelques comprimés pour les maux de tête». Les textes de loi et toute la juridiction relative à ce domaine risquent de n’être que des discours platoniques, sans effet sur la réalité du terrain. Le droit à la santé, tel qu’inscrit dans la constitution, ainsi que le slogan de la santé pour tous, risquent la plupart du temps, et en tous cas en ce qui concerne les femmes rurales, de n’être qu’un slogan, non suivi d’effet, vu l’absence de l’Etat et l’incurie des structures de la société civile. La question de la gouvernance est très importante dans le domaine de la santé et est responsable du dysfonctionnement du système de santé. L’offre de service ne répond pas aux besoins de la population et il y a lieu de remplacer ce modèle de gouvernance par un modèle centré sur la population. Ceci se traduit aussi par le renforcement de la santé et de la prévention des maladies, par une approche prenant en compte le déterminant socio-économique de la santé afin de réduire les inégalités de santé comme l’a signalé l’unedesparticipantesaugroupedediscussion,danslalocalitédeBoughrara,àMédenine, qui a protesté, en disant : « Les services administratifs de la santé publique doivent être restructurés pour être en mesure de remplir convenablement leur rôle. Nous ne sommes pas en train de constater une amélioration de la situation. Il faudrait mobiliser les moyens pour les hôpitaux et les dispensaires…Il faudrait procéder au recrutement de médecins, d’infirmiers et d’ouvriers et se procurer des ambulances pour les zones intérieures, telles que notre localité, Boughrara. Il faudrait organiser des équipes médicales mobiles… Beaucoup de choses doivent changer».
  • 26. 24 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Des participants estiment que l’Etat doit intervenir plus efficacement, en instaurant un meilleurcontrôlesurlesecteurdelasanté.Certainsautressuggèrentd’instaurerunrégime d’affectation obligatoire des médecins aux zones de l’intérieur de la Tunisie et surtout aux zones rurales, mais en même temps de prévoir des formules d’encouragements aux médecins qui se portent volontaires pour exercer une période de temps en zones éloignées et surtout en zones rurales. On constate surtout que la médecine spécialisée fait gravement défaut en zones rurales ; les dispensaires sont assez souvent en manque de médicaments, les hôpitaux sont surpeuplés et les rendez-vous sont éloignés. Quant aux problèmes de maternité, les déficiences sont plus claires encore, les taux de mortalité maternelle sont assez élevés en zones rurales, en particulier dans les régions défavorisées. Ces niveaux de taux de mortalité maternelle assez élevés dans les régions défavorisées sont dus au manque de médecins spécialistes et à la faiblesse des plateaux techniques dans les hôpitaux régionaux, ce qui a fait dire à une participante au groupe de discussion, à Médenine, qu’«On souffre aujourd’hui du manque de médecins spécialistes. Et bien qu’on ait pris des mesures pour résoudre ce problème qui perdure, la majorité des solutions conçues n’ont abouti à rien de convaincant, ce qui a aggravé la mortalité parmi les femmes». Toutefois, il est recommandé de diagnostiquer la situation du secteur de la santé, en particulier le secteur de santé lié aux femmes rurales pour identifier les lacunes et insuffisances qui empêchent une bonne gouvernance dans ce domaine. En plus du manque de médecins, une autre participante a insisté « sur le manque de médicaments et l’état piteux de l’équipement, en place ». C’est ainsi que dans le service public, il est constaté l’existence de beaucoup de points faibles, notamment le sous équipementdesstructuressanitaires,delasalledesoinsauxhôpitauxlocauxetrégionaux, le nombre insuffisant d’ambulances et de personnel qualifié, médecins et infirmiers. Il est recommandé de lancer des équipes mobiles de santé maternelle et infantiles qui visitent les ménages en zones rurales pour porter un minimum de soins aux femmes rurales. Le partenariat avec la société civile a été proposé lors des groupes de discussion pour une meilleure coordination et pour rassembler les efforts pour une meilleure qualité des prestations, surtout dans des domaines assez sensibles, comme la santé sexuelle. Un des participants à un groupe de discussion, dans le sud du pays a même signalé qu’il « faut voir avec la société civile, les associations et les pouvoirs publics, établir un partenariat et signer des accords et s’employer à changer les stratégies, parce que les stratégies actuelles sont déficientes. On doit discuter aussi bien avec les hommes qu’avec les femmes... Ce type de partenariat permettra de trouver des solutions et instaurer des mécanismes appropriés».
  • 27. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 25 Des séances de formation et de sensibilisation sont suggérées pour conscientiser les femmes à leurs droits en matière de santé, en général et de santé reproductive, en particulier. Le secteur privé en particulier doit être inclus dans les séances de sensibilisation pour améliorer la couverture sociale et sanitaires des femmes travailleuses. 3.5 ACCÈS AUX SERVICES DE LA SANTÉ DE LA REPRODUCTION L’accès aux services de la santé reproductive est aussi inégalitaire comme l’est l’accès aux autres services de santé publique. Les inégalités s’expliquent certes par des facteurs socio-économiques mais reflètent les contraintes d’accessibilité à des services de santé de la reproduction de qualité. L’état de la santé maternelle et néonatale en Tunisie montre que parmi les causes du faible accès des femmes à des soins obstétricaux de qualité, est dû, au : a) Nombre insuffisant d’obstétriciens et la quasi-absence de réanimateurs, en particulier de médecins ; b) Nombre insuffisant de personnel paramédical, chargé de la surveillance des femmes pendant et après l’accouchement, en particulier à l’intérieur du pays, c) Difficultés rencontrées pour assurer la continuité des soins de qualité dans les programmes de planification familiale qui a été très performant durant la période 1973-2000 Le concept de la santé de la reproduction n’est pas encore très clair aussi bien chez les femmes mariées qu’auprès des jeunes et reste toujours centré sur le planning familial pour les femmes mariées. La prévention des cancers féminins et la prise en charge de la violence contre les femmes ne sont pas encore perçues par toutes les femmes, comme composantes principales de la santé de la reproduction. Il est assez surprenant de constater que les tabous persistent encore autour du concept de la santé sexuelle et de la reproduction. Dans la région du Kef et malgré des taux de prévalence contraceptive assez importants, une des participantes au groupe de discussion du Kef, a signalé que « Nous, au Kef, et dans les zones rurales, nous ne discutons pas assez des questions de santé, en général et de la santé reproductive, en particulier. Nous considérons que nous ne devons pas discuter de ces questions, parce que c’est immoral, et peut-être cela touche l’honneur des gens».
  • 28. 26 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Au-delà des tabous, la connaissance du concept est variable selon les femmes ; une des participantes dans un groupe de discussion du Kef a réduit la santé de la reproduction « à la planification familiale». 3.6 CONDITIONS DE TRAVAIL ET INÉGALITÉS DES SALAIRES Même si la Tunisie a fait des avancées en matière d’égalité hommes – femmes, le marché du travail reste dominé par le pouvoir masculin et les femmes sont les plus touchées par le chômage et la pauvreté. Dans la région du Sud, par exemple, et selon des participantes aux groupes de discussion, un homme a deux fois plus de chances qu’une femme de trouver un emploi. Le mariage, les enfants et l’analphabétisme sont les principaux obstacles à la participation de la femme au marché du travail. Selon ces participantes, « Une femme, vivant en milieu urbain, a plus de chance de trouver du travail que celle qui vit en milieu rural». « L’absence d’une stratégie claire pour l’amélioration des conditions des femmes rurales, mais aussi l’absence d’infrastructures adéquates». « La nécessité de mettre en place les législations appropriées, permettant à la femme de disposer d’un duplicata du carnet de santé de son mari». « Les principaux obstacles, liées au travail des femmes sont la sécurité sociale et le transport». « Il n’y a pas une égalité salariale hommes-femmes dans les régions du Sud, et du Nord-Ouest, et en zones rurales, en général». « La nécessité d’informer les femmes rurales sur leurs droits à une protection sociale, de les sensibiliser aux avantages qu’elles auraient à être affiliées à un régime de sécurité sociale et la nécessité également, de renforcer les structures étatiques de contrôle des conditions de travail des femmes rurales».. Le problème de l’inégalité en ce qui concerne les conditions de travail et les salaires des femmes qui travaillent dans le secteur privé revient sans cesse dans la discussion, ce qui prouve qu’il préoccupe les femmes au plus haut point. On indique que les femmes ne reçoivent pas, à travail égal, le même salaire que les hommes et cela est visible surtout dans les zones rurales, en Tunisie, en général et dans les régions du Sud en particulier.
  • 29. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 27 Selon un activiste interviewé à Médenine, « les salaires des femmes travailleuses sont très modestes dans la zone de Boughrara, localité, située près de Médenine, où les femmes ramassent les coquillages, destinés à l’exportation. C’est un travail pénible, mais il est effectué sans garantie et sans protection sociale. Et, en général, les femmes sont dépourvues de protection sociale, quel que soit l’endroit où elles sont affectées». Beaucoup de femmes ne comprennent pas les raisons des inégalités salariales et insistent sur le principe : « à travail égal, salaire égal ». Selon une participante à un groupe de discussion, « si cet objectif est atteint et ce principe réalisé, on aura enregistré une avancée considérable, car, jusque-là, les salaires des femmes dans le monde, sont inférieurs de 20% à 30% à ceux des hommes. Si un jour, on arrive à réaliser cette égalité des salaires, on aura marqué un grand pas en avant et on aura réalisé une plus grande participation des femmes». Ainsi, l’organisation de quelques séances de formation et la réalisation d’un plaidoyer en faveurdel’égalités’imposentimpérativement,afindesensibiliserlesfemmesetaméliorer leurs compétences, ainsi que celle de la société, pour l’inciter à être plus équitable, en appliquant le principe : « à travail égal, salaire égal », sans discrimination de genre. Selon beaucoup de femmes participantes aux groupes de discussion, aussi bien au Sud (Médenine, Tataouine) qu’au Nord-Ouest, notamment Siliana (Makthar et Rouhia), que le Centre (Sidi Bouzid) ou le Sahel (Monastir), on constate qu’aujourd’hui, malgré la constitutionnalisation du principe de l’égalité entre les genres, ce principe n’est pas appliqué de façon systématique. Selon une jeune femme, ingénieure de l’INSAT, qui a été interviewée, « Nous vivons dans une société qui considère que les femmes ont bien progressé dans l’acquisition de leurs droits à l’égalité, mais en fait, je considère que nous continuons à vivre l’inégalité entre hommes et femmes ; les femmes travaillent très dur, mais elles ne récoltent rien. Nous continuons, surtout dans les régions de l’intérieur de la Tunisie, à voir que l’homme se repose à la maison, alors que c’est la femme qui travaille. Dans ce cas, il est injuste que la femme qui travaille dur, continue à percevoir des salaires de misère, n’excédant pas 200 Dinars par mois, moins que le SMIG. Il faudrait aider la femme à jouir du même salaire que l’homme et même mieux, considérant les efforts qu’elle fournit ; mais nous sommes encore loin de cette situation». Un activiste de la société civile, originaire du Village de Chébika, à Kairouan, considère que les femmes rurales travaillent dans des conditions pénibles et sont la plupart du temps sujettes à des accidents de travail, parfois graves.
  • 30. 28 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE « Transportées dans des camions pour se rendre aux lieux de travail, beaucoup de femmes subissent des accidents, au cours du trajet, du fait du renversement des camions, elles sont conduites à l’hôpital pour être soignées, mais, la plupart du temps, elles ne sont pas soignées, parce qu’elles ne sont pas prises en charge par la Sécurité Sociale (CNSS) et qu’elles ne sont pas en mesure de payer elles-mêmes les frais des soins sur leur propre compte». UneactivistedelasociétéciviledanslazonedeEnfidha,gouvernoratdeSousse,présidente de l’Union locale de l’Industrie et du Commerce (UTICA) et qui a été interviewée, « estime que son organisme fournit des efforts considérables, par les contacts individuels et les séances de sensibilisation pour inciter les femmes à créer leurs propres projets, avec l’aide et le soutien des organismes locaux». Selon elle, « Les femmes, candidates à la création de projets, ont été dotées de cartes professionnelles pour leur faciliter les démarches qu’elles doivent entreprendre pour faire aboutir leurs projets, cependant, certains blocages ont dû être contournés, notamment l’exigence que les femmes, candidates aux projets détiennent une patente pour pouvoir adhérer à l’UTICA et bénéficier de son soutien. Cette difficulté a été surmontée, en suggérant que la condition de la patente soit remplacée par une carte professionnelle. Cependant, une certaine mentalité rétrograde, incite les hommes à tenir à garder les femmes au foyer, lieu naturel de la femme, estiment-ils. De son côté, l’administrationestunpeulaxisteetlaissetrainerlesdossiers.Jesuggèredeprendredes mesures urgentes pour dynamiser davantage les circuits de décision administratifs, en faveur des femmes, porteuses de projets et la conception de programmes d’intervention qui tiennent compte des besoins réels des femmes selon les régions du pays». Dans un groupe de discussion, tenu en 2017, à Jendouba et auquel ont participé 12 personnes : 7 femmes et 5 hommes, sur les conditions de travail et l’écart salarial dans le travail féminin dans le secteur agricole à Jendouba, la plupart des participants ont estimé que la situation des femmes dans ce secteur est vulnérable et dangereuse, une situation de violence économique qui ne peut pas être acceptée en 2017, une situation typique à la région de Jendouba. Selon un participant à ce groupe de discussion, « 90% de femmes n’ont pas de couverture sociale. Elles assurent plus que 8h de travail par jour. Dans 68% des cas, elles reçoivent entre 7 Dinars et 10 Dinars par jour. On recense seulement moins de 3% des femmes porteuses de projets, dans le secteur agricole, alors que les 3/4 du secteur agricole sont des femmes».
  • 31. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 29 3.7 LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES FEMMES 3.7.1 La nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes Pour faire face à la violence qui sévit contre les femmes, (Voir l’enquête du CREDIF 2 , mentionnée, ci-dessous) une nouvelle loi sur la violence à l’égard des femmes a été promulguée ; elle adopte une définition large de la violence. En plus de la violence physique, la loi reconnaît d’autres formes de violence à l’égard des femmes et des filles, notamment les formes économiques, sexuelles, politiques et psychologiques. Elle prévoit également de nouveaux mécanismes de protection qui permettront aux victimes d’accéder aux services nécessaires et à une assistance juridique et psychologique. En outre, la loi supprime l’impunité des auteurs d’actes de violence, par exemple en modifiant l’article 227 du code pénal, qui pardonnait à l’auteur d’un acte sexuel avec un mineur qui épouserait sa victime. On s’attend à ce que cette loi corrige la forte prévalence de la violence sexiste en Tunisie. Ladernièreenquête3 réaliséeparleCREDIF,montrequelaprévalencedelaviolence(pour les 12 mois précédant l’enquête) est estimée à 32,9% (34,7% en milieu rural contre 32,0% en milieu urbain). Cette prévalence est relativement élevée dans toutes les régions du pays, avec un maximum de 44,7% dans le sud-ouest du pays et elle atteint son minimum dans le centre-Est avec 27,8%. L’enquête montre que la prévalence de la violence sexiste sous toutes ses formes est globalement uniforme dans tout le pays. La différence entre zones urbaines et zones rurales n’est pas très significative. Il en ressort que la prévalence de la violence physique est très élevée : 31,2% en milieu urbain et 32,8% en milieu rural. Ces pourcentages sont respectivement de 29,5% et 27,7% pour la violence psychologique. La prévalence de la violence sexuelle est également très importante (15,3% en zones urbaines contre 16,5% en zones rurales) tandis que le harcèlement sexuel au travail représente 7,8% en zones urbaines et 5,8% en zones rurales. La connaissance des différents types de violence semble bien acquise en apparence, les femmes ayant participé à un groupe de discussion dans la région de Zaghouan ont décrit les différentes formes de violence, physiques, verbales, et même économiques comme les questions liées à la répartition de l’héritage. Une participante, au groupe de discussion de Zaghouan a déclaré que « l’homme peut exercer une violence physique, ou verbale. Cette dernière forme de violence peut laisser des séquelles psychologiques, plus graves que la violence physique. La violence peut être économique, par exemple en privant la femme de l’héritage».. Mais, à notre avis, la forme la plus agressive de la violence, subie par les femmes demeure la violence sexuelle, car elle constitue un tabou, que les femmes, victimes de cette forme de violence n’osent pas encore dénoncer. 2. CREDIF : Centre de Recherche, d’Etudes, de Documentation et d’Information sur la femme 3. Réalisé en juillet 2011 et intitulé : « La violence fondée sur le genre dans l’espace public en Tunisie » http://bit.ly/2FKItXw
  • 32. 30 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Cependant, les violences classées comme étant des violences économiques sont considérées par les femmes comme les plus importantes, car elles touchent à leur autonomie et les mettent face à des responsabilités qu’elles ne peuvent pas assumer, comme le signale cette participante, « Nous avons parlé de la violence économique… L’homme peut exercer sur la femme une forme de violence économique, par exemple, en refusant de dépenser pour le foyer, et en comptant sur la femme pour effectuer toutes les dépenses du foyer, sans son intervention… La femme est ainsi condamnée à s’occuper de tout, du foyer, des enfants et des dépenses. Elle se trouve acculée à prendre à elle seule toute la responsabilité… C’est là, la plus grande forme de violence, surtout quand la femme, est complètement démunie et se trouve dans l’impossibilité de répondre aux besoins de ses enfants et du foyer en même temps, alors que son mari se désiste de toute responsabilité… » Plusieurs formes de violence à l’égard de la femme ont été signalées, comme le dit une participante au groupe de discussion, qui mentionne tout particulièrement la violence verbale et notamment après la révolution, et particulièrement la violence dans les moyens de transport en commun et la violence dans les institutions publiques, ce qui donne l’impression que tout le monde est énervé. « La violence verbale est propagée en Tunisie, de façon très large, surtout après la révolution… Je ne cesse pas de le répéter, après la révolution, les gens ne se respectent plus ; la violence est pratiquée dans les moyens de transport publics, dans les entreprises publiques…. Cela est peut-être dû à la dégradation des conditions d’existence des gens…Les gens deviennent stressés et le stress est générateur de violence». Il est intéressant de constater que les femmes, en général, connaissent différentes formes de violence à l’égard de la femme, mais ces connaissances restent parfois vagues, même quand il s’agit de femmes activistes. Il serait peut-être indiqué d’élaborer un thesaurus ou un lexique comportant des définitions précises ; cela pourrait s’avérer d’une grande utilité. Mais quand il s’agit du vécu de la personne, elle-même, ces femmes parlent d’une manière générale et vague sans réellement citer leur propre expérience comme si c’était quelque chose qui ne concerne que les autres, une forme de déni peut être. Apprendre à dénoncer la violence subie par la personne, elle-même, et parler tout haut de cette violence est un exercice nécessaire dans les programmes de sensibilisation sur les violences à l’égard des femmes. Parmi les raisons de cette violence, les femmes mentionnent plusieurs catégories de raisons, dont notamment le complexe d’infériorité de l’homme vis-à-vis de la femme et probablement, aussi il transfère sur la femme, une partie de la violence qu’il a subie, lui-même dans la sphère publique, en dehors de sa famille, Une intervenante dans un groupe de discussion explique que « Peut-être, l’homme qui recourt à la violence est lui-même sujet à des problèmes psychologiques, sociaux, subit des problèmes dans son
  • 33. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 31 travail, ou bien, il est en chômage, et se sent frustré de ne pas être capable de subvenir aux besoins de sa famille». Utiliser la violence par certains hommes, sous quelque forme qu’elle soit est aussi une expression du rapport de force au niveau de la famille et pour exhiber un pouvoir qu’ils sont obligés de rappeler. Alors que la violence et le harcèlement sexuel sont l’expression d’une vision de la femme comme simple objet de désir. Ces violences peuvent être aussi dues à des problèmes psychiques et psychologiques et l’expression d’un besoin non ou mal satisfait chez certaines personnes. Les conséquences de la violence à l’égard de la femme ne sont pas comprises d’une manière systématique et structurées. Pour beaucoup, la violence à l’égard de la femme n’est pas justifiée. Certaines femmes pensent que les conséquences de cette violence peuvent être néfastes pour la femme et peuvent la rendre plus soumise et peuvent même détruire sa personnalité et son équilibre psychologique, en plus de ce qu’elles peuvent entraîner comme conséquences sur l’intégrité physique de son corps. D’autres pensent que si la femme est faible, elle peut être anéantie alors que si elle est forte, elle peut dépasser et reprendre le contrôle. Selon Zeineb, une participante à un groupe de discussion, « les impacts de la violence peuvent être différentes d’une femme à l’autre. Une femme forte essaie de résister à la violence, mais on trouve des femmes soumises à la violence, et qui normalisent avec elle. Elles intériorisent cette violence qui s’accumule progressivement et crée des situations psychologiques dangereuses pour la femme, qui sera perturbée et pourrait réagir parfois de manière irrationnelle et non prévisible». Certains ajoutent que les conséquences de cette violence ne touchent pas uniquement les femmes, mais s’étendent à toute la famille et notamment aux enfants qui seront perturbés dans leur vie quotidienne et notamment dans leur éducation. Malgré tout le débat engendré par la loi, il est désolant de constater qu’un nombre important de participants aux groupes de discussion n’était pas au courant de l’existence de cette loi et n’avait aucune idée sur ce sujet. Seulement 2 parmi les 10 femmes, présentes à l’un des groupes de discussion avaient une idée de la ratification de la loi, alors que pour un autre groupe à Zaghouan, toutes les femmes n’ont pas entendu parler de la loi sur la violence à l’égard des femmes. La non connaissance de la loi a été attribuée au déficit de communication sur les différents aspects du genre, comme le signale l’une des participantes, qui « considère que c’est un problème de mauvaise médiatisation de l’évènement, doublé d’une déficience des associations qui ne pratiquent pas la sensibilisation nécessaire pour mobiliser les femmes autour d’un évènement aussi important». Ces campagnes de sensibilisation devraient prendre en considération les spécificités des femmes et notamment les femmes rurales.
  • 34. 32 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Mais ces campagnes de sensibilisations risquent de rencontrer une grande réticence de la part des femmes, même quand ces dernières sont éduquées, comme cette expérience vécue par Samia de Zaghouan, interviewée par l’équipe de la CdP. Selon Samia, « dans le cadre d’une campagne de sensibilisation, nous avons discuté avec les femmes en milieu rural, mais nous avons été confrontés à une forte résistance de la part des femmes, qui vous invitent à ne pas soulever avec elles ce sujet, car, elles n’ont pas l’intention de voter, étant que leurs maris refusent que leurs femmes participent aux élections…Donc, le problème, se situe au niveau des femmes qui doivent changer leur mentalité…Ce qui est étonnant,c’estquecertainesdecesfemmessontinstruitesetmêmediplômées,etellesrefusent d’aborder ce sujet, sous prétexte que leurs maris ou frères refusent qu’elles participent». Cette loi ne devrait pas être seulement une loi pour réprimander la violence contre la femme, son adoption devrait être le début d’un processus visant à instaurer une culture du respect de la femme et l’arrêt de la violence à son encontre comme le signale si bien une des participantes à un groupe de discussion qui estime « qu’il ne faut pas que cette loi soit uniquement destinée à pénaliser les hommes fautifs, mais plutôt une occasion pour les éduquer». Une participante au même groupe de discussion a signalé que ladite loi comprend des aspects positifs et d’autres négatifs, alors que certains concepts nécessitent des clarifications. Parmi les points positifs mentionnés de la loi, on peut mentionner : d’abord son existence et le fait qu’elle englobe différents types de violence contre la femme. Parmi les inconvénients, on mentionne tout particulièrement le non-respect de l’approche genre, comme indiqué dans la première version de la loi préparée par la coalition au pouvoir et l’intégration de la violence contre les enfants dans la même loi. Une autre faille dans cette loi est la non intégration de la violence conjugale dans le texte de la loi. Une avocate présente dans l’un des groupes de discussion a signalé que même, en cas de désistement de la femme sous la pression du mari et de la famille, l’état peut poursuivre le procès contre l’autre de la violence contre l’autre et peut le condamner. Ce qui constitue pour elle (l’avocate) une avancée importante dans la législation en rapport avec la violence contre la femme. La mise en place de cette loi pose certains problèmes ; à titre d’exemple, une femme, participante au groupe de discussion signale les réticences de la police qui n’aide pas toujours les femmes à porter plainte en cas d’agression ; selon elle « c’est vrai que la Tunisie est en avance sur beaucoup de pays arabes, et est dotée d’une législation étoffée qui protège la femme, mais en pratique, les choses sont différentes. Quand une femme subit la violence de son mari, par exemple et qu’elle porte plainte auprès de la Police, contre son mari, sa plainte est rejetée, sous prétexte qu’elle doit ménager son mari».
  • 35. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 33 La mise en place de stratégies d’exécution de la loi semble nécessaire : les femmes demandent la mise en place de la stratégie du ministère de la femme qui inclut, entre autres, la formation d’une brigade spéciale en charge de la question de la violence à l’égard de la femme. Quel serait la portée de cette loi sur la société d’une manière générale et sur la famille particulièrement. La réponse à cette question ne semble pas simple et peut dépendre de plusieurs facteurs, tant socio-économiques que culturels. Culturels dans le sens où dans certaines régions, et selon le niveau de conservatisme des familles, l’impact de cette loi est différencié. C’est dans les familles les plus conservatrices que cette loi pourrait causer plus de problèmes, comme le signale cette participante qui pense que « chez les familles les plus conservatrices, il ne faudrait pas que la femme s’insurge contre son mari et porte plainte contre lui, donc, cette loi pourrait rencontrer la résistance de ces familles; cependant, dans les familles les moins conservatrices, cette loi pourrait inciter l’homme à respecter sa femme et à instaurer une culture de respect et introduire une culture de respect mutuel entre l’homme et la femme ». Les conséquences de cette loi sur la société pourraient être positives dans le sens de l’instauration d’une nouvelle culture de respect de la femme qui touchera tout particulièrement les enfants. Elle peut avoir aussi une conséquence sur la stabilité des couples puisque la grande majorité des divorces sont dus, d’après les participants à ces groupes de discussion à la violence conjugale. La société civile a entamé beaucoup d’activités pour sensibiliser les femmes contre la violence qui les touchent et pour vulgariser la loi sur la violence à l’égard de la femme mais ces approches ne sont pas systématiques, vu que les outils de la sensibilisation ne sont pas standardisés et varient en fonction de l’intervenant. A titre d’exemple une association a traduit le guide de CEDAW et l’utilise comme support de formation alors que d’autres ONGs profitent de l’occasion de visites à des projets pour les femmes rurales pour parler des droits des femmes, de la violence à l’égard des femmes et du code du statut personnel. Des réactions positives de ces femmes rurales qui après avoir été sensibilisées à leurs droits, osent appeler les ONGs pour leur demander de revenir une seconde fois pour d’amples clarifications, comme le signale une des participantes aux groupes de discussion. Certaines associations comme l’association de la défense civile, qui est financée entre autresparleministèredesaffairessociales,joueunrôleimportantdanscertaineslocalités, en fournissant des aides, notamment, dans la guidance des femmes. Alors que d’autres associations, comme l’association « Femme et citoyenneté » ont des centres d’écoutes et aident les femmes.
  • 36. 34 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 3.7.2 FEMMES ET VIOLENCE EXTRÊME La violence extrême est un phénomène spécifique dans le cadre de la violence, en général qui touche les femmes. Un groupe de discussion, tenu à Jendouba, à la mi-janvier 2019 a été axé sur l’extrémisme violent, auquel ont participé 10 personnes, dont 9 femmes ; il a fourni l’occasion de poser des questions précises sur l’extrémisme violent et d’essayer de cerner de près ce phénomène, sa définition, les facteurs explicatifs, les motivations des adhérents à adhérer aux groupes extrémistes, les réactions du gouvernement face à ce phénomène, le rôle de l’école, de la famille, des moyens d’information et de l’ensemble des institutions pour endiguer ce phénomène, le rôle spécifique des femmes et, en général, les solutions proposées pour le contrer. Cependant, la qualification « extrême » donne une connotation plus ou moins subjective dans le sens qu’il faut définir un seuil, au-delà duquel la violence devient violence extrême et qui peut varier selon les circonstances et les lieux. De ce fait, comment faire comprendre à une femme participante à un groupe de discussion le concept de l’extrémisme violent. A notre avis, les femmes ont compris la violence du terrorisme salafiste, mais, n’ont pas pu intégrer les autres formes de violence extrême, telles que les viols en série des garçons et filles. En effet, les définitions données par les participantes aux groupes de discussion gravitent tout particulièrement autour de l’extrémisme religieux. Femmes et extrémisme violent : Réunion à Médenine
  • 37. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 35 Pour l’une de ces femmes, l’extrémisme est lié à des facteurs politiques et idéologiques. « Ce sont les convictions et les actes de ceux qui soutiennent la violence ou y recourent, avec un arrière fond idéologique religieux ou politique. Les signes apparents de la violence extrême, chez les personnes violentes, se manifestent à travers un ensemble de sujets, comme la politique, la religion et les rapports du genre». Les causes de l’extrémisme religieux sont multiples, mais les dimensions politiques, idéologiques et religieuses restent importantes. Différentes études ont montré qu’elles relèvent du rejet de la forme moderne de l’Etat et de la société, et notamment de l’émancipation de la femme. Ayant en tête cette définition assez complexe de la violence extrême, et connaissant la centralité de la problématique genre et le statut de la femme chez les Djihadistes, comment peut-on entrevoir le rôle de la femme dans la lutte contre cette forme de violence ? Les femmes qui ont participé aux groupes de discussions, ne semblent pas avoir une idée précise du rôle de la femme dans la lutte contre l’extrême violence. Elles ont mentionné tout particulièrement le passage de la femme d’un statut à un rôle plus dynamique en se positionnant comme un agent de changement à travers une plus grande participation à la vie politique mais aussi aux efforts de conscientisation de la société civile, c’est ce qui ressort en partie d’une conférence organisée par le projet de ‘’3eshra’’ dans la région de Médenine. En effet, l’une des participantes, Amel Gamoudi a signalé que « pendant les années passées, la participation de la femme était assez faible, mais au cours de ces dernières années, grâce aux efforts de la société civile, elle s’est accrue et nous savons que dans le gouvernorat de Médenine, beaucoup d’associations se sont préoccupées de consolider le rôle de la femme dans la gouvernance locale». Ceci peut être dû à une compréhension limitée des causes du terrorisme dans leur région puisque pour ces femmes, en citant les facteurs favorisant le terrorisme, elles reviennent aux inégalités du genre, à l’éducation des enfants dans les familles et au non contrôle des réseaux sociaux. S’ajoute à cela le manque d’activités culturelles en milieu rural et un accès exagéré à certaines chaînes de télévision qui ont une orientation précise et ne cessent de faire du prosélytisme religieux et l’éloge du Djihadisme, notamment en Syrie. Alors que pour les facteurs qui poussent au terrorisme, une des participantes a mentionné les facteurs socio-économiques, telle la détérioration des relations au sein de la famille ou l’abandon scolaire et aussi les facteurs politiques et géopolitiques. Elle a expliqué qu’ « il existe des facteurs internes, comme la dislocation des liens familiaux, la rupture de la scolarité pour les enfants et le niveau d’instruction ; on relève également des facteurs économiques, comme le chômage, la marginalisation et les inégalités sociales, la contrebande et l’absence d’un modèle de développement efficace ; de même, il y a des
  • 38. 36 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE facteurs politiques, comme l’instabilité, la dictature, la faiblesse du sentiment patriotique, l’insécuritéetl’absencedesprogrammesdesensibilisationetd’éducation,lerenoncement à la lecture. Quant aux facteurs externes, on relève l’hégémonie des grandes puissances qui sèment l’anarchie et exportent une culture destructrice aux pays arabes». La femme peut avoir un rôle important dans la lutte contre la violence extrême et pour renforcer la résilience des populations dans les situations de crise, dues aux actes terroristes. Son rôle se situe à plusieurs niveaux d’après les femmes participantes aux conférences et aux groupes de discussion. D’abord en tant que mère, sa contribution à lutte contre la violence au sein de la famille et pour créer un climat familial permettant les discussions et l’échange d’idées, notamment pour ne pas laisser les enfants à la démagogie du prosélytisme religieux. Ensuite, en tant que professionnelle, à travers son rôle comme éducatrice ou animatrice, en inculquant une culture qui s’oppose à l’extrémisme religieux et pour une bonne éducation sur les principes de l’égalité entre les hommes et les femmes. Ceci est vrai aussi pour d’autres corps de métiers où les femmes sont présentes comme les femmes dans la police et qui rencontrent souvent des jeunes délinquants, garçons et filles ou les femmes prestataires de service, soit dans les centres de santé ou bien dans les centres, en relation avec l’action sociale. Enfin les femmes, victimes du terrorisme, soit directement soit à travers l’enrôlement d’un de leurs parents proches, enfants ou mari, et qui ont vécu des circonstances très difficiles. Le partage de leurs expériences avec les jeunes peut être très constructif. Il est fortement nécessaire de reconnaître le rôle des femmes rurales dans la réduction de L’extrémisme religieux. Par conséquent, des activités culturelles et de sensibilisation devraient être organisées dans le cadre de la lutte contre l’analphabétisme et de la réduction du décrochage scolaire. Parmi les actions qu’on peut citer : • La création de pôles de rayonnement dans les zones rurales. • La participation des femmes rurales à diverses initiatives. • L’élaboration et la mise en œuvre rapides des plans visant à renforcer les femmes rurales et à activer leur rôle dans la vie sociale et économique. En guise de conclusion : La femme peut jouer un rôle important dans la lutte contre le terrorisme en tant que mère, prestataire de services ou victime du terrorisme.
  • 39. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 37 Les ONGs nécessitent une mise à jour pour renforcer le rôle des femmes dans la lutte contre le terrorisme et la promotion de la culture de la tolérance. La lutte contre la violence, basée sur le genre est une entrée importante pour améliorer le dialogue au sein de la famille et les victimes de la violence du terrorisme, suite à l’enrôlement de l’un de leurs parents ; ce dialogue est nécessaire pour leur porter assistance et pour sensibiliser les jeunes à travers leurs expériences aux conséquences désastreuses de la violence extrême. Les femmes à travers leur participation active dans la société civile peuvent contribuer à augmenter la résilience des populations, notamment en milieu rural et plus particulièrement les femmes, victimes de l’extrême violence due au terrorisme (soit directement à travers une attaque ou la perte d’un proche (militaire par exemple), soit à travers le recrutement d’un de leurs parents, ont besoin d’un appui moral et matériel. Les femmes ont une vision de la réponse de l’état au phénomène du terrorisme. Le renforcement de leur capacité est d’une grande utilité pour augmenter leur force de persuasion lors des discussions avec les autorités pour la mise en place de nouvelles stratégies de prévention et de lutte contre la violence extrême.
  • 40. 38 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 4.1 CONCLUSIONS Plusieurs conclusions et recommandations peuvent être tirées des travaux effectués dans le cadre de la construction de la CdP, relative à l’égalité des genres, en Tunisie. La CdP, à travers ses membres, répartis dans tous les gouvernorats du pays et grâce aux outils d’animation qu’elle a su utiliser et qui ont développé un champ d’échange et de partage parmi les participants, hommes et femmes, aux groupes de discussion, aux entretiens semi directifs, aux activités régionales et éducatives diverses, a pu saisir la situation réelle des questions du genre en Tunisie, des progrès réalisés, des limites actuelles et des efforts supplémentaires requis pour faire avancer encore la question de l’égalité des genres. La CdP a appréhendé les volets socio politiques, économiques et culturelles, les plus percutants, pouvant affecter la situation du genre en Tunisie, tels que la situation des femmes en Tunisie ( société civile et politique, gouvernance locale et élections municipales, la prise de décisions ), les besoins des femmes et le système de santé, l’accès aux services de la santé, notamment la santé reproductive, les conditions de travail et les inégalités des salaires, la violence à l’égard des femmes et la capacité de résilience des femme face à la violence extrême qui sévit en Tunisie, durant les dernières années. Cette approche multiforme, notamment l’analyse et l’exploitation des données récoltées, selon deux méthodes de recherche qualitative (Groupes de discussion et entretiens semi directifs) a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un espace d’échanges et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis sur les différents gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets qui se rapportent à la thématique centrale, l’égalité entre les genres Cependant, les conclusions suivantes peuvent être considérées comme les plus pertinentes : 1 - Le Projet ‘’3eshra’’ destiné à développer une communauté de pratique, (CdP), basée sur l’égalité de genre, évolue dans ce contexte compliqué et essaie, grâce à la dynamique et la diversité des volets d’interventions et d’activités qu’il a instaurées, la compréhension des mécanismes de cette situation sociale et l’engagement à agir dans un sens positif, pour se rapprocher le plus possible de l’égalité réelle des genres. 4. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS PRATIQUES :
  • 41. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 39 En effet, pour animer cette communauté, la CdP a programmé quatre types d’outils d’animation et de création et développement de ladite communauté, articulée autour de quatre axes ou quatre directions : • Les groupes de discussion. • Les entretiens semi directifs avec divers acteurs de la société civile. • Les activités régionales, telles que les séminaires, les ateliers de réflexion et les meetings. • Les activités éducatives : activités culturelles, dont notamment des projections de films à thèmes suivi de débats constructifs, etc. Cette approche multiforme a permis de concrétiser la CdP sur le terrain, en créant un espace d’échanges et de partage entre les membres de la communauté, qui sont répartis sur les différents gouvernorats du pays et de développer des rencontres autour des sujets qui se rapportent à la thématique centrale, égalité entre les genres. Etant donné la réussite de cette approche, il est indiqué, non seulement de s’en inspirer, mais de la préserver pour développer d’autres CdP, autour de thématiques, qui s’en inspirent. 2 - La plupart des acteurs locaux et régionaux ont une connaissance limitée du cadre juridique, en lien avec la question de l’égalité de genre. Ainsi, si la plupart des acteurs connaissent quelques conventions internationales en lien avec cette question, auxquelles la Tunisie a adhéré, ils ne maîtrisent pas leur contenu. En outre, il est indiqué que les acteurs locaux et régionaux sachent que la nouvelle constitution de la Tunisie, de janvier 2014, promeut le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Leur connaissance du cadre juridique national se limiterait toutefois à la Constitution, et peu d’entre eux seraient en mesure de démontrer une réelle connaissance des lois existantes qui garantissent les droits des femmes ou instaurent le principe de l’égalité entre les genres. Par ailleurs, il est à noter que la plupart des acteurs locaux n’ont pas une compréhension véritable des obligations en matière de garantie et de protection des droits des femmes, qui découlent du cadre juridique. 3 - Aujourd’hui, et malgré la constitutionnalisation du principe de l’égalité des genres, ce principe n’est pas appliqué de manière systématique. 4 - Dans le domaine de la santé, en ce qui concerne les services offerts par les structures publiques, il est noté que globalement, ces services sont limités et que les ressources humaines et financières qui leur sont affectées sont insuffisantes. En outre, on considère que l‘infrastructure de la santé publique, y compris les hôpitaux régionaux accusent un manque en personnel médical, notamment les médecins spécialistes et le personnel paramédical (infirmiers, sages-femmes), ce qui affecte sérieusement l’accès de la population locale aux services de santé. C’est notamment le cas pour les services de santé maternelle et infantile.
  • 42. 40 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 5 - Les formes de violences à l’égard des femmes ne sont pas connues d’une manière systématique, ce qui nécessite l’élaboration d’un thésaurus qui les définit. Ce Thésaurus est utile aussi pour les juges, les agents de police, les psychologues et pour les activistes de la Les conséquences de la violence sur les femmes méritent une meilleure clarification. La loi n’est pas bien connue, ni assimilée, les femmes et les ONGs demandent un programme de sensibilisation et de vulgarisation de la loi, notamment auprès des décideurs locaux, des responsables d’ONGs, etc. Certaines catégories de fonctionnaires, qui ont un rôle important dans la prise en charge de la violence, comme la police et la justice doivent être formées pour une application rationnelle de la loi. Les ONGs ont commencé à faire un travail important pour la sensibilisation sur la question de la violence à l’égard des femmes et sur la loi, y afférente, mais ces actions doivent être systématiquesetplusétendues.Desactivitéscommelescentresd’écoutesoulesprogrammes de sensibilisation nécessitent la mise en place de standards pour mener à bien ces opérations. 4.2 RECOMMANDATIONS PRATIQUES En général, il est indiqué de : 1) Procéderàdesanalysesgenredessecteursd’interventionprioritairespouridentifier, de la manière la plus précise possible, les situations et les besoins spécifiques des femmes et des hommes. 2) Élaborer une stratégie locale intersectorielle d’intégration de la thématique du genredanslavieetlagouvernancelocalespouridentifierlessecteursd’intervention prioritaires et renforcer la redevabilité des intervenants quant à la réalisation de l’égalité entre les femmes et les hommes. 3) Renforcer les capacités des acteurs locaux, aussi bien les institutions publiques que les organisations de la société civile, en ce qui concerne les concepts de genre et d’égalité entre les femmes et les hommes. 4) Appuyer l’élaboration et l’adoption d’une charte locale sur l’égalité des femmes et des hommes dans les différentes régions, selon leurs spécificités, afin de faciliter la gestion des affaires locales. 5) Renforcer les capacités des acteurs locaux, en particulier des organisations de la société civile, en matière de plaidoyer pour l’intégration du genre et le renforcement de la participation des femmes. 6) Identifier au niveau de chaque région, des femmes leaders, de profils diversifiés, et appuyer leur engagement en faveur d’une plus grande participation des femmes dans la gestion des affaires locales. 7) Appuyer les organisations de la société civile locale à sensibiliser les femmes quant à leurs droits et à l’importance de leur participation à la gestion des affaires locales.
  • 43. 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE 41 8) Sensibiliser la population locale sur les enjeux du renforcement de la participation des femmes à la vie publique et de l’égalité entre les femmes et les hommes, notamment par le biais des médias locaux. Inspirés par l’expérience de la présente CdP, sur l’égalité des genres et souhaitons capitaliser les leçons apprises de cette expérience, nous retenons que la communauté de pratique est un groupe de personnes qui collaborent ensemble, en face à face ou/et virtuellement. C’est un groupe de travail homogène, s’organisant pour un travail ciblé, dans un espace d’échange et de partage. Il s’agit d’un réseau dynamique de personnes qui échangent des expériences et des savoirs, qui croient en une cause spécifique et la soutiennent. Les membres de la communauté sont liés par un intérêt commun dans un champ de connaissance et sont conduits par un désir et un besoin de s’entraider, de partager leurs meilleures pratiques et de développer de nouvelles connaissances. La confiance et l’ouverture aux autres sont des caractéristiques primordiales. Le but est d’utiliser les compétences et les complémentarités de chacun. Ainsi, les membres de la communauté doivent être capables de partager leurs connaissances et de les lier à celles des autres membres. Il importe également d’approfondir le cadre d’analyse pour explorer les avantages et les aspects à améliorer (défis) de l’approche multiforme qui a permis de concrétiser la CdP sur le terrain. Cette analyse couvrira trois types d’activités du projet ‘’3eshra’’ à savoir les groupes de discussion, les entretiens semi directifs et les activités éducatives. Les groupes de discussion : Le type d’activité ou l’outil groupes de discussion, est sans aucun doute, l’outil le plus adéquat et le plus pertinent en matière de collecte d’informations selon les témoignages des coordinateurs et coordinatrices de la CdP ‘’3eshra’’ mais aussi selon les données collectées. • C’est l’outil le plus adéquat pour une CdP pour engager le plus de personnes possible dans la communauté d’une manière fréquente. • Cela peut non seulement aider les acteurs travaillant sous le même thème à développer de nouvelles stratégies et solutions, mais cela leur permet également d’élargir leur base de connaissances et de partager différents points de vue. • C’estuneactivitéquifacilitelamiseenplaced’unréseautrèspertinentetefficacepour regrouper les acteurs intéressés et soucieux par rapport à la thématique principale de la CdP.
  • 44. 42 3ESHRA - CONSTRUIRE UNE COMMUNAUTÉ DE PRATIQUE POUR L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TUNISIE Certes, les groupes de discussion sont un des outils les plus adéquats mais aussi selon les membres de ‘’3eshra’’, il y a quelques défis qui se sont présentés : • Les conflits entre les interviewés sont une constante lors des groupes de discussion vus les différents points de vue : cela nécessite une grande expertise de la part de la personne qui mène le groupe de discussion et un encadrement constant par des expertsàcettemêmepersonneestrequispourbienmenercesgroupesdediscussion. • La durée établie des groupes de discussion n’était pas suffisante pour aborder toutes les questions et tous les sujets, non pas à cause du nombre de participants mais plutôt parce que des réponses socialement désirables sont données tout au début jusqu’à ce qu’une certaine dynamique et de confiance se construise au sein du groupe. Les entretiens semi directifs : Les entretiens semi directifs, de par la qualité et l’uniformité des données collectées, constituent un outil extrêmement rigoureux. Selon les témoignages des membres de la CdP, voici quelques avantages de ces entretiens semi directifs : • Ils offrent plus de possibilités d’évaluer la compréhension de l’interviewé et son interprétation des questions mais aussi de clarifier toute ambiguïté qui peut se présenter. • Ils sont très utiles lorsque la CdP traite une thématique comme l’égalité des genres qui peut amener à poser des questions délicates. • Les membres de ‘’3eshra’’ ont été plus en mesure d’établir une relation de confiance avec les interviewés et de mieux obtenir des réponses à des questions que lors d’autres types d’activités. Selon les mêmes témoignages des membres de la CdP ‘’3eshra’’, les aspects à améliorer pour ce type d’activité sont : • De maintenir une formation continue tout au long du projet sur les bonnes techniques pour mener ces entretiens semi directifs ou comment éviter, inconsciemment, d’influer les réponses. • Maintenir une formation continue sur le développement de supports documentaires nécessaires pour ces entretiens comme les aide-mémoires qui sont spécifiques et changent selon le thème abordé.