Intervention de Michel Berson dans le débat sur le Crédit d'Impôt Recherche (12 janvier 2016)
1. DEBAT SUR LE CIR
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Incidences du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises
(Seul le prononcé fait foi)
Si l'existence du Crédit d'Impôt Recherche n'est plus, aujourd'hui, remise en cause, le CIR continue
à faire débat : est-il économiquement efficace, fiscalement efficient, politiquement pertinent ?
Si l'efficacité du CIR semble largement reconnue, nombre de critiques restent vives : optimisation
fiscale, effet d'aubaine pour les grands groupes, détournement de son objet transformé en
financement de trésorerie pour les PME et TPE, contrôle fiscal insuffisant pour les uns, excessif
pour les autres, coût trop élevé pour l’État.
Je limiterai, ici, mon propos aux effets du CIR sur les dépenses de recherche des entreprises
françaises, c'est-à-dire à l'efficacité du dispositif.
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A. En 2016, la créance du CIR devrait dépasser les 5,5 milliards d'euros
Le CIR est la seconde dépense fiscale de l’État, après le CICE. Son coût représente 40 % des 14
milliards de crédits consacrés par l’État à la recherche publique.
C'est le dispositif de soutien public à la recherche privée le plus favorable des pays membres de
l'OCDE. Il représente 0,26 % du PIB, loin devant le Canada qui, avec 0,21 %, est en second rang.
Sous l'effet de la réforme du CIR en 2008, le nombre d'entreprises bénéficiaires a doublé en 7 ans,
pour atteindre, en 2014, le chiffre de 21 500. Sur la même période 2008-2014, la créance du CIR a
triplé, de 1,7 à 5,5 milliards, niveau qui semble maintenant se stabiliser.
B. Parallèlement à la croissance du CIR, les dépenses de recherche des entreprises ont
progressé, entre 2008 et 2014, de 24,7 à 30,5 milliards d'euros
Cet effort d'investissement des entreprises situe la France au niveau de 1,49 % de son PIB, contre
2,18 % en Allemagne, taux supérieur à l'objectif européen de 2 %.
Pourquoi la France est-elle loin de cet objectif, en dépit de l'importance d'un dispositif qui, en
Allemagne, n'existe pas ? Pour deux raisons :
1. D'abord, une raison fiscale
En Allemagne, le taux d'imposition des sociétés est de 30 %, contre 38 % en France qui a fait le
choix d'un taux élevé d'imposition, mais assorti d'exonérations ou de déductions fiscales, comme le
CIR.
2. Ensuite, et surtout, une raison économique
Depuis la fin des années 1990, la France a connu une désindustrialisation croissante, accélérée par
la crise de 2008.
2. Ainsi de 2001 à 2012, la part de l'industrie dans le PIB français a régressé de 17,3 % à 12,5 %, alors
qu'elle est restée stable en Allemagne, à hauteur de 25 %.
Là réside la principale explication de la faiblesse des dépenses de R&D des entreprises en France
car, dans tous les pays, l'essentiel de la recherche privée se fait dans les entreprises industrielles.
C . Parallèlement à cette désindustrialisation, les dépenses de recherche auraient dû
mécaniquement fléchir. Or, que constate-t-on ?
Entre 2008, année du début de la crise - mais aussi, première année d'application de la réforme du
CIR – et 2014, la dépense de recherche des entreprises françaises a augmenté de 24,7 à 30,5
milliards d'euros, soit de 20 %, la plus forte progression observée en Europe durant cette période.
Ceci s'explique par la croissance de l'intensité en R&D de l'industrie française, c'est-à-dire du
rapport entre dépenses de R&D et chiffres d'affaire des entreprises industrielles, un rapport qui,
aujourd'hui, est légèrement supérieur à celui de l'Allemagne.
Finalement, en France, ce qui est cause, ce n'est pas l'effort de recherche des entreprises, c'est le
poids élevé dans le PIB des secteurs à faible intensité de recherche, comme le BTP,
l'agroalimentaire ou l'énergie.
D. Deux conclusions peuvent être tirées de ce constat :
1. la hausse de l'intensité en R&D des entreprises françaises a plus que compensé l'impact
négatif de la désindustrialisation ; mais, globalement, la recherche reste pénalisée par la faiblesse du
socle industriel français ;
2. le CIR, en soutenant l'effort de recherche des entreprises, a produit un effet anti-crise ; il a
évité une réduction des dépenses de R&D, notamment depuis 2008, année de mise en œuvre de la
réforme du CIR.
E . Cette analyse, démontrant l'efficacité du CIR, pourrait être complétée par les
résultats de plusieurs études économétriques, concluant à un effet positif du CIR sur
les dépenses de R&D des entreprises.
En effet, l'un des indicateurs annuels de performance des dépenses de l'Etat, présenté dans les
documents budgétaires du MESR, montre un effet d'addition du CIR qui exclut toute hypothèse
d'effet d'aubaine : 1 euro de CIR engendrerait 1,3 euro de R&D privé supplémentaire.
F. Si l'efficacité du CIR n'est plus à démontrer, la forte expansion du CIR légitime une
amélioration du contrôle de son utilisation, notamment une plus grande cohérence
dans l'action de l'administration fiscale et des experts du ministère de la Recherche qui
effectuent conjointement les contrôles.
De même, la forte expansion du CIR nécessite une maîtrise de son coût. Ce que l’État consent aux
3. entreprises, en crédit d'impôt recherche, pour soutenir la recherche privée, il n'en dispose pas pour
financer les dotations budgétaires de la recherche publique.
Aussi, aujourd'hui, la question se pose de la pertinence de la répartition de l'effort annuel de l’État
entre :
- les 14 milliards de dotations budgétaires, pour développer la recherche publique,
- et les 5,5 milliards du CIR, pour soutenir la recherche privée.
Ces 19,5 milliards (14 + 5,5 milliards) mobilisés par l’État, sont à comparer aux 30,5 milliards de
dépenses annuelles de recherche des entreprises, qu'elles ne financent qu'à hauteur de 25 milliards,
compte tenu des 5,5 milliards de CIR.
A la lumière de ces chiffres, on comprend que s'exprime de plus en plus le souhait d'un
rééquilibrage des financements de l’État au profit de la recherche publique, en limitant le coût du
CIR.
La sanctuarisation du CIR, décidée par par le Président de la République empêche toute évolution,
toute amélioration du dispositif. Par exemple : permettre aux sous-traitants de bénéficier du CIR, si
le donneur d'ordre n'en bénéficie pas.
Ou bien, conditionner, dans les grands groupes, l'application du seuil de 5 % à l'embauche de
docteurs.
Compte tenu des enjeux du financement de la recherche en France, la réforme du CIR nous paraît
inéluctable.