A la désertification rurale s’oppose une surdensité urbaine. A chaque demande, une réponse adaptée est nécessaire. La prise en compte du besoin de prévention, d’éducation, de pro- motion de la santé et de développement durable de la société est à démultiplier par un projet structurant territorial. L'amélioration de la santé en milieu urbain passe par une collaboration de la médecine avec des partenaires non médicaux, comme les ingénieurs, les ur- banistes comme moteur d'un développement qui (re)structure les villes et favorise la santé de tous. Le réseau social au service de la santé urbaine devient un multiplicateur de valeur dans un contexte d'intérêt collectif.
1. STRATÉGIE ET MANAGEMENT
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Un réseau social au service de la Santé
Urbaine.
L
a prise en compte du besoin de préven-
tion, d’éducation, de promotion de la
santé et de développement durable de la
société est à démultiplier par un projet structu-
rant territorial. L'amélioration de la santé en
milieu urbain passe par une collaboration de la
médecine avec des partenaires non médicaux,
comme les ingénieurs, les urbanistes, comme mo-
teur d'un développement qui (re)structure les
villes et favorise la santé de tous.
La majorité des populations vivent en ville, et
les plus grandes compétences s'y expriment.
De plus, la « révolution verte » et la « révolu-
tion numérique » se rejoignent pour nous faire
comprendre le changement que nous sommes
en train de vivre. Néanmoins un paradoxe
reste à lever : dans une exigence de densifica-
tion subsiste un isolement croissant des ci-
toyens avec des vulnérabilités résiduelles, des
précarités nouvelles, des urgences inattendues
et des fausses sécurités.
Comment relier la santé publique et environ-
nementale, la sécurité publique et les solidari-
tés dans des espaces urbains en pleine
reconfiguration ? Comment imaginer ensem-
ble une ville en tenant compte du politique,
du sociologue, du médecin, de l'ingénieur, de
l'architecte, de l'administrateur et de l'urba-
niste.
S'il est un domaine éthique par lequel on dé-
passe ces confrontations en redéfinissant les
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morceaux d'architecture urbaine alors c’est
bien la santé urbaine !
S'il est un domaine d'innovation par lequel
"l'agir ensemble" profitera au plus grand nom-
bre, c'est bien la santé urbaine !
L’Institut de Santé Urbaine, l’ISU, est un Ré-
seau Social au service de la santé urbaine uti-
lisant les applications du web 2.0. Il renforce
les liens des professionnels se rencontrant pé-
riodiquement en leur donnant une place nu-
mérique pour valoriser l’échange et stimuler
le retour d’expérience entre les équipes. La
construction de protocole interprofessionnel
devient plus facile.
QUELLES INNOVATIONS S'IMPOSENT
EN SANTÉ PUBLIQUE AVEC LA SANTÉ
ENVIRONNEMENTALE À L'ÉCHELLE
DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?
Depuis les années 1990, 300 Ateliers « santé
ville » se sont développés en France, sous l'ini-
tiative d'acteurs des secteurs sanitaires et so-
ciaux. Leur objectif est d'améliorer l'accès aux
soins et de réduire les inégalités sociales de
santé des populations (1).
En 2007 le nombre de personnes vivant dans
les villes dépasse celui du milieu rural. Ainsi,
les villes et leurs organisations ont une in-
fluence majeure sur tous les domaines de la
vie des humains, en particulier leur santé.
Cette influence peut être génératrice d'inéga-
lités, de souffrances et de maladies, mais éga-
lement d'opportunités de santé et de bien-être
(2).
A ces problématiques s’ajoute la question des
systèmes d’informations et des
bases de connaissances nécessaires
pour bâtir les solutions (3).
Chaque personne a un projet de
santé qui vise à améliorer son « bien
être », à préserver son « capital santé
». Par son approche populationnelle
et territoriale, le champ de la santé publique
(prévention, éducation,..) est aujourd'hui
mieux reconnu (voir la charte de la promotion
de la santé d’Ottawa). La loi récente Hôpital
Population Santé Territoire organise la gou-
vernance d’un système renouvelé prenant en
compte les territoires et les populations.
Pourtant dans des tissus urbains denses en po-
pulation, en professionnels médico-psychoso-
ciaux et en dispositifs, on constate des
difficultés et des retards d’accès, des isole-
ments préjudiciables. Ce territoire urbain re-
présente beaucoup, il est à la fois un lieu de
vie, de jeu, d’éducation, et de travail ou d'inoc-
cupation, mais parfois de danger et de soins.
L’internet, les réseaux sociaux que « maitri-
sent » les populations connectés des villes mo-
difient leurs représentations et leurs
comportements, souvent plus rapidement que
l’évolution des dispositifs d’aide. Le système
se développe alors par la multiplication de
micro réalisations avec des opérateurs institu-
tionnels ou individuels, formels ou informels.
On constate que les demandes imprécises sont
face à des services atypiques Les réalisations
concrètes favorisant la coopération existent,
mais sont encore faibles et souvent « personne
dépendante ».
Partons de la définition positive de la santé
comme ressource de la vie quotidienne avec
ses 4 phases médicosociales de la vie : santé
maternelle et infantile, santé scolaire, santé au
travail, santé en gérontologie avec des liens in-
tergénérationnels. Et partons aussi de la défi-
nition de territoire augmenté à partir de sa
centralité, et non de ses frontières. Emerge
alors, entre l’organisation de la santé et l’ur-
banisation des territoires, l’enjeu central de
Les villes et leurs organisa-
tions ont une influence ma-
jeure sur tous les domaines
de la vie...»
«
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l’autonomie de la personne, avec son réseau
de proximité, avec sa fragilité, sa maladie, sa
vulnérabilité ou son handicap et son contexte
environnemental.
Avec l’essor de technologies innovantes et ses
usages multiples (données médicales circu-
lantes, paiement électronique, télésanté, smart
phone, ...), on note que l'Internet change la
réalité de la Santé. La production de soins, la
prévention, l’enseignement et la recherche
médicale et scientifique, le développement in-
dustriel, la gestion et le contrôle des systèmes
sanitaires et sociaux, se fondent sur la dispo-
nibilité au moment voulu, à l'endroit précis
d'une information fiable pour les seuls opéra-
teurs habilités : « la bonne information au bon
moment pour la bonne personne dans le bon
programme de santé ». Les technologies de
l’information et de la communication inter-
viennent dans la vie professionnelle (dossier
médical, base de connaissances, intranet, ...) et
dans la vie des familles (Internet, doctissimo,
dr google, ...) et en particulier des jeunes (jeux
de rôle, réseaux sociaux comme Facebook,
SMS, portable…). Les technologies modifient
les représentations, les échanges et les pra-
tiques.
L’information de santé constitue à la fois une
ressource collective et
une ressource indivi-
duelle, autrement dit un
patrimoine information-
nel singulier. Il est sensi-
ble à titre individuel (le
respect de la personne
humaine et de ses droits
est confronté en perma-
nence avec le développe-
ment de la liberté
individuelle et de la res-
ponsabilité du patient et
du professionnel de
santé notamment dans
des réseaux sociaux) et
économique (flux finan-
ciers, économie de l’im-
matériel et de la
connaissance liée à la recherche développe-
ment, ...).
RAPPROCHER SANTÉ URBAINE ET
RÉSEAU SOCIAL, UNE CONSTRUCTION
COLLECTIVE ET INDIVIDUELLE, POUR
INNOVER.
La santé urbaine est le lien entre les hommes
et les pratiques de la santé publique, de la
santé environnementale, de la sécurité pu-
blique et des solidarités.
Un projet de santé urbaine, à l’initiative de
professionnels de santé publique, orientée
vers la promotion de la santé, donne une mé-
thodologie de projets participatifs et de fonc-
tionnement de réseau, regroupe à la fois les
responsables et acteurs de programmes, tous
les sujets et l’ensemble des différentes struc-
tures : hôpital, ville, institution du territoire.
En prenant part ensemble les acteurs se
connaissent mieux, intègrent les progrès et bâ-
tiront des coopérations interprofessionnelles.
Ce résultat opérationnel participe à la fois à la
maitrise des risques santé, du décloisonne-
ment ville hôpital par la promotion de la santé
et à la définition de critères de qualité de vie
4. STRATÉGIE ET MANAGEMENT
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dans la ville.
L'institut de Santé Urbaine fondé en 2009 a
une existence physique par des réunions. Il
s’inscrit dans la dy-
namique des tra-
vaux de Centrale
Santé. Il a une exis-
tence numérique à
travers le premier
réseau social de 4 °
génération, iSU. Il
utilise la dernière
génération de la
plateforme Blue-
Kiwi un des leaders
européens des ré-
seaux sociaux d’en-
treprise, et évolue par prototypages successifs.
Il se comporte en living lab (https://institut-
sante-urbaine.bluekiwi.net/home) accessible
en mobilité.
Cette structure fédérative locale permet aux
professionnels d’échanger, évite l’isolement
professionnel, relie le parcours du profession-
nel avec le parcours du patient, contribue à la
maitrise des risques (alerte, perte de compé-
tences...) sur le territoire. Le maillage que réa-
lisent les acteurs en réseau protège également
contre des dangers liés à l’isolement toujours
possibles dans ces densités urbaines. Ce lien
renforce la complémentarité des différents
métiers et des structures, assure la cohérence
et la continuité.
Il s'agit en pratique d'un véritable Hub profes-
sionnel reliant l’analyse des besoins de santé
publique à la création de protocoles de coopé-
ration interprofessionnelle, à l’évaluation des
pratiques et des performances, et permettant
le partage d’expérience, la diffusion de bonnes
pratiques, la formation continue et le dévelop-
pement professionnel continu et l’accueil de
projet. Il devient promoteur d’actions propres
vis-à-vis de populations ciblées du territoire
urbain et d’actions transversales et coordon-
nées aux pôles cliniques des établissements,
aux professionnels de ville et aux réseaux/fi-
lières, en lien avec les collectivités territoriales,
les institutions de recherche et d’enseigne-
ment.
Ce réseau social au
service de la santé
urbaine est volon-
tairement discret
pour favoriser la
quiétude de la ré-
flexion, l'imperti-
nence des
remarques et l'intel-
ligence de la
construction de
protocole interpro-
fessionnel. L’insti-
tut de Sante urbaine valorise une dynamique
territoriale, renforce le réseau médico-psycho-
social et la cohésion professionnelle, multiplie
les valeurs ajoutées des métiers des soins et
services à la personne, diminue les coûts de la
non-qualité, relie les partenaires économiques
et industriels (innovation, emploi).
LES PROJETS DE L’ISU
Alors que des technologies comme le mail
commencent à être supplantées, il faut accom-
pagner le développement et les règles d’usage
d’un réseau social au service de la santé ur-
baine en partant de réalisations concrètes de
terrain et des besoins de coopération interpro-
fessionnelle à mettre en réseau sur un terri-
toire. Citons par exemple dans l’Est parisien,
et à partir de l’établissement public «Hôpitaux
de Saint Maurice» : la réalisation «d’ateliers
équilibre» en vie normale, permettant le dé-
pistage des risques de chute ; «RuedeZecoles»
est l’animation des programmes d’éducation
à la santé pour les enfants ; la gestion de l’Uni-
versité Numérique UNFM (www.unfm.org)
véritable ONG numérique pour des forma-
tions à distance au bénéfice de programmes
de codéveloppement et d’écodéveloppement
; la réalisation des outils numériques comme
une bibliothèque collaborative thématique,
comme des vigies de santé publique
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(www.netvibes.com), alerteurs thématiques
locaux, sur le net (Prévention maternelle et le
Périnatal, la Nutrition et Alimentation, l’Edu-
cation physique et le Santé sport….) ; un ob-
servatoire d’évaluation et de compte de
résultat médico-économique (CREM, reconnu
par l’ANAP dans son dispositif pôle d’excel-
lence de 2011.
Le programme de recherche publique MEDI-
PROX AVC, soutenu par le Grand Emprunt
sur deux ans, regroupe les acteurs technolo-
giques, universitaires, médicaux, et institu-
tionnels pour la gestion de la solution
innovante de santé légère conçue pour une
utilisation sur le terrain en mains libres par
des équipes médicales d'urgence.
L’urbanisation conjointe de la suprastructure
clinique et de l’infrastructure technologique
dans leurs propres modèles économiques et la
coopération des coordonnateurs de pro-
grammes/projets permet :
- D’apporter une expertise en santé pu-
blique : maitriser l’évaluation et la gestion des
risques, favoriser l'accès à l'éducation et la pré-
vention et promouvoir l’innovation responsa-
ble, l’impact développement durable et
l’éco-conception des soins et des services,
pour les déterminants de santé.
- De respecter la chaîne de valeurs de la
santé (préventions, soins, éducation, re-
cherche, enseignement) et la relier aux mo-
dèles économiques Web 2.0, développer le
patrimoine informationnel.
- D’assurer l'ergonomie, la mobilité et
l'accessibilité à tous, (pas un clic de trop, l’in-
formation suit le professionnel), garantir la
qualité et la sécurité des TIC participants à la
qualité et la sécurité des
soins et des services à la
personne.
A la désertification rurale
s’oppose une surdensité ur-
baine. A chaque demande,
une réponse adaptée est né-
cessaire. La prise en compte
du besoin de prévention, d’éducation, de pro-
motion de la santé et de développement dura-
ble de la société est à démultiplier par un
projet structurant territorial. L'amélioration de
la santé en milieu urbain passe par une colla-
boration de la médecine avec des partenaires
non médicaux, comme les ingénieurs, les ur-
banistes comme moteur d'un développement
qui (re)structure les villes et favorise la santé
de tous. Le réseau social au service de la santé
urbaine devient un multiplicateur de valeur
dans un contexte d'intérêt collectif.
(1) LUCAS, V.; OR, Z. France : Urban Health Networks work
against inequalities. Focus on health policy in the times of cri-
sis, competition and regulation, evaluation in Health Care
HEALTH POLICY DEVELOPMENTS. 2009 (13) : pp. 119 - 121
[3 p.]
(2) Wolff H. Jackson Y. Broers B. Guessous I. Bodenmann P.
Madrid C. Cornuz J. Gaspoz JM. Urban health: the irremedia-
ble urbanization of life and medicine Revue Médicale Suisse.
8(326):282-6, 2012 Feb 1.)
(3) Corburn J. Cohen AK. Why we need urban health equity
indicators: integrating science, policy, and community. PLoS
Medicine / Public Library of Science. 9(8):e1001285, 2012.)
(Harpham T. Urban health in developing countries: what do
we know and where do we go?. Health & Place. 15(1):107-16,
2009 Mar.) (Friel S. Vlahov D. Buckley RM. (No data, no pro-
blem, no action: addressing urban health inequity in the 21st
century. Journal of Urban Health. 88(5):858-9, 2011 Oct.).
Vincent Leroux, Médecin de Santé Publique,
Hôpitaux de Saint Maurice (France), Président
et fondateur de l’Institut de Santé Urbaine.
L’amélioration de la santé
passe par une collaboration de
la médecine avec des parte-
naires non médicaux...»
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