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TableRondePrivateEquity
Mardi 8 Avril 2014. Dans les locaux du cabinet Wragge Lawrence
Graham & Co, le Magazine des Affaires a donné rendez-vous à huit
experts du LBO pour faire un état des lieux du marché français.
Laetitia Costa
Milbank
Yann Bak
Ardian
Stéphane Salustro
PwC
Antoine Krug
Siparex
Benjamin Homo
Mayer Brown
Tristan Parisot
European Capital
Jean-Michel Vignaux
Blue Cell
Pierre-Emmanuel Chevalier
Wragge
Laetitia Costa
2014 sera-t-elle enfin l'année du
retour en force du Private Equity ?
Autour de la table ronde organisée par le Magazine des Affaires, huit grands spécialistes
du LBO confrontent leur avis sur le redémarrage du LBO en 2014 et sur les évolutions du
contexte économique, réglementaire, juridique et fiscal.
Photographie : Fabrice de Silans
†† Special Counsel au sein de l’équipe « Lev-
eraged Finance » du bureau londonien du cabinet
Milbank, Tweed, Hadley & McCloy que Laetitia Costa
a rejoint en septembre dernier après 12 ans passés
dans des cabinets du « Magic Circle » à Paris
†† Spécialisée dans les opérations de finance-
ment d'acquisition (en France et cross-border): LBO,
financement structuré, restructurations et finance-
ment immobilier.
†† Laetitia Costa a notamment conseillé :
	 •Goldman Sachs International, BNP Paribas,
Deutsche Bank et Société Générale dans le cadre du
refinancement (HY/SSRCF) de 375 M€ de la dette du
Groupe Novacap
	 •Goldman Sachs International dans le cadre
du financement de 655 M€ du P to P lancé par
Advent sur le Group Unit 4
	 •Le trio Clayton, Dubilier & Rice, Axa Pri-
vate Equity et Caisse des Dépôts du Québec sur le
financement de l’acquisition de Financière Spie pour
1,3 Md€
	 •Credit Suisse et Nomura à l’occasion du
montage d’un financement de 545 M€ pour l’acquisi-
tion de CEP par JC Flowers
Xavier Leloup : Il se passe plein de
choses en M&A en ce moment. Je
dirais même que c'est un peu le feu
d'artifice, surtout depuis dix jours.
En revanche, sur le private equity,
il y a habituellement une petite
effervescence au printemps, et là,
cela ne semble pas forcément le cas.
Ou du moins sortir doucement.
Alors, est-ce que c'est une fausse
impression ou un vrai constat, et si
oui pourquoi ?
Benjamin Homo : En ce qui nous
concerne, nous avons plutôt le
sentiment que le marché est assez actif,
et qu'il y a pas mal de choses dans le «
pipe ». Je citais Numericable/SFR tout
à l’heure, mais dans le private equity
il y a le dossier Diana, dont on parle
depuis longtemps mais qui se déroule
maintenant, il y a eu tout récemment
le dossier Ceva… Et ce regain
d’activité couvre aussi des transactions
de plus petite taille. Un fonds comme
Montefiore Investment, par exemple,
est très actif. Tout compris, nous avons
une bonne quinzaine de missions en
cours. Ce n'est donc pas si calme...
Pierre-Emmanuel Chevalier : Je
partage ton avis, effectivement, je
trouve que le marché est relativement
actif, compliqué encore car très
concurrentiel avec des transactions
plus longues à se réaliser. Il y a des
choses dans le pipe, plus que l'année
dernière en tout cas à la même époque.
Après il est difficile de savoir ce qui se
fera ou pas.
Stéphane Salustro : Si je peux me
permettre, effectivement en perception
on a l'impression que le marché est
actif, parce que je pense qu'il y a
beaucoup de gré à gré, c'est en tout cas
ce que nous constatons. Je citais tout à
l'heure CST. C'est le parfait exemple
d'une opération de type enchère qui a
été interrompue il y a un peu moins
de deux ans, et qui vient d’être menée
en gré à gré par PAI Partners/Carlyle
sans qu'il y ait une perception par le
marché de processus actifs. Et il y en a
d'autres, notamment APEM par ICG.
Je pense que dans le premier exemple
cité précédemment, ce n'est pas du
« préemptif », c'est plutôt du « post-
emptif ». Et il y a d’autres exemples
récents sur le marché, d'opérations qui
n'ont pas abouti à l’issue d’un processus
de type auction, et se finissent par un
deal de gré à gré, comme notamment
l’acquisition de Kerneos par Astorg. Le
vendeur préfère privilégier l'assurance
d'aboutir à un deal plutôt que
d'optimiser complètement la valeur ; il
essaie de ne pas abîmer son actif.
Antoine Krug : Dans les métiers
d’investissement, il y a mécaniquement
une période plus calme en fin et
début d’année, période à laquelle
les sociétés clôturent leurs comptes.
Depuis quelques semaines, sur nos
segments d’intervention, on constate
un certain regain dans le nombre de
sujets. Vous évoquiez une impression
d’un marché calme, peut-être est-ce
dû au fait qu’un certain nombre de
sujets se traitent de gré à gré, avec des
fonds d’investissements qui discutent
beaucoup entre eux. Au global, le deal
flow semble cependant assez actif en ce
moment.
Jean-MichelVignaux : A notre niveau,
nous sommes actuellement sollicités
par des small et mid caps dans le cadre
soit d’opérations de croissance externe
traditionnelle, soit dans le cadre de
prises de participation minoritaire
via des fonds d’investissements. Dans
certains cas nous avons noté que
certaines sociétés souhaitant lever des
fonds pouvaient par ailleurs ne pas
savoir comment réagir ou mal s’adapter
lors de la réalisation des opérations
de due diligence. En effet certains
dirigeants ne savent pas comment
réagir vis-à-vis des fonds, alors qu’en
réalité la société peut ne pas poser de
problèmes spécifiques en termes de
business model. De plus on assiste
parfois à des difficultés de négociation
sur l’obtention des garanties de passif.
Donc les due diligence peuvent
prendre plus de temps car devenant
très approfondies et de plus en plus
larges. Elles peuvent intégrer des volets
complémentaires tels que le corporate,
le social, voire liés à de la propriété
intellectuelle alors que dans d’autres
cas de figure la due diligence aurait
été limitée à un aspect financier et
comptable.
Xavier Leloup : Et comment ça, elles
ne savent pas comment réagir par
Table rondeTable ronde
373736
Le financement
unitranche sur des
deals de valorisation
inférieure à 50 M€
sera une des grandes
tendances de l’année
2014
“
”
Tristan Parisot
†† Directeur Général de European Capital
depuis en 2009. Précédemment, il a passé plus
de 10 ans chez 3i d’abord en tant que Chargé
d’Affaires à Paris, Directeur de Participations à
Nantes et enfin Directeur à Paris.
†† Au cours de ses 18 années d’expérience
dans le Private Equity, Tristan a réalisé et suivi de
nombreuses opérations de LBO Mid-Cap major-
itaires et minoritaires avec un focus particulier
sur le secteur des services aux entreprises.
†† Depuis 2012, European Capital a notam-
ment participé :
	 •Aux financements Unirate de Flexitallic,
Unipex, Inseec et Asmodée
	 •Au financement mezzanine de Precisium
rapport au fonds ?
Jean-Michel Vignaux : Pour vous
donner un exemple, dans le cadre
d’une due diligence qui a eu lieu sur
une société avec des problématiques
traditionnelles mais qui, par rapport
aux attentes du fonds, s’est trouvée
un peu démunie, parce qu'au cas
d'espèce, elle n'avait pas de conseil
vendeur qui puisse la coacher vis-à-
vis de ses relations avec le fonds. Elle
a donc été étonnée de la profondeur
des investigations réalisées alors que le
timing était serré. Ceci a créé des
problèmes par rapport aux attentes
des fonds qui en fait s’avéraient
assez classiques dans ce cadre d’un
investissement. Cela s’est avéré
complexe en termes d’explications
et il y avait un aspect didactique
dans la réalisation de la due
diligence. C'est une société dans
laquelle on a passé un temps assez
significatif en termes d’équipes du
fait de la multiplicité des thèmes
abordés mais sur une revue qui est
finalement ce que j'appelle ‘‘flash’’
mais comprenant plusieurs volets.
Finalement ils ne comprennent
pas la réaction des fonds qui
précisément souhaitaient des
diligences approfondies au vu du
calendrier.
Yann Bak : Je voudrais revenir sur la
question d'origine. J'ai une perception
unpeudifférentesurleniveaud'activité
dans le private equity: j'ai l'impression
que le segment de l’ « Upper Mid-cap »
est plutôt actif comme en témoignent
toutes les transactions qui viennent
d’être citées : Ceva, Diana je l'espère,
Parex, Kerneos et CST.
Néanmoins l’ensemble de ces deals
sont plutôt au-dessus de 500 millions
d’euros, or si on regarde le segment
mid-cap historique, soit 150-500
millions, le deal flow est beaucoup
plus faible voire de piètre qualité. Il y
a sans doute certaines transactions de
gré à gré en cours et qui ne sont pas
officiellement sur le marché, mais je
n'ai pas l'impression qu'on ait un deal
flow réellement fourni non plus.
Stéphane Salustro : Je partage cette
vision sur la segmentation du marché.
Laetitia Costa : C’est aussi ma
perception. Elle s’explique je pense
en partie par le retour sur le marché
de dossiers dont la dette arrive à
maturité et qui doivent donc faire
l’objet soit d’un refinancement, soit
d’une cession. Une autre explication
du regain d’activité sur le large cap
s’explique par un environnement
économique favorable, surtout en
Allemagne et au Royaume-Uni et enfin
par des conditions de financement qui
sont devenues très avantageuses, en
témoigne celles du financement de
l’acquisition du Groupe Ceva.
Xavier Leloup : Ceva Santé ?
Lætitia Costa : Oui. Fait nouveau,
pour cette taille de transaction, les
banques ont accepté de renoncer à
la structure dite Double Luxco (qui
est censée protéger les créanciers
de l’ouverture d’une procédure de
sauvegarde hostile) mais également
d’avoir des cov-lite.
Xavier Leloup : Et les fonds
étrangers s'intéressent plus à la
France qu'il y a un an ? Parce qu'il
y avait une mauvaise perception de
l'économie française pour tout un
tas de raisons que l'on connaît, et
souvent on entendait, je crois que
d'ailleurs on en avait parlé, les fonds
étrangers, les investisseurs étrangers
hésitaient, même mettaient de côté
volontairement la France quand
ils faisaient une revue européenne.
Il y avait même des comités
d'investissements américains qui par
principe ne voulaient pas se pencher
sur la France. Est-ce exact ?
Lætitia Costa : C’est effectivement ce
que certains fonds US m’ont confié
sur le dossier Diana par exemple.
Benjamin Homo : Je l'entends
encore.
Xavier Leloup : C'est quelle
activité, Diana, pour rappel ?
Lætitia Costa : Diana produit des
ingrédients naturels pour l’industrie
agroalimentaire et animalière.
Tristan Parisot : Tout à fait
d’accord. Il y a 18 mois, il y avait
une réelle défiance sur l’Europe
notamment en raison des risques
systémiques liés à l'euro. Cette
défiance a aujourd’hui très fortement
diminué. L’image de la France n'est
pas aussi négative que ce qu'on veut
bien penser. En private equity par
exemple, la France reste le deuxième
marché européen après l'Angleterre.
Notre pays a développé des secteurs
d’excellence dans lesquels nos groupes
mais aussi des PME sont reconnues
mondialement. Je pense notamment
à l'agroalimentaire, le luxe, les
cosmétiques, les transports et l’énergie
pour n’en citer que quelques-uns.
Notre maison mère, American
Capital, est souvent impressionnée
par les pépites françaises que nous
dénichons. Ce qui les intéresse
c’est le positionnement des sociétés
que nous regardons, leur projet de
développement, leur capacité à créer
de la valeur en France ou à l’étranger et
leur équipe de management.
Les Américains ont une vision à long
terme et connaissent suffisamment
notre pays pour ne pas se laisser
impressionner par le contexte global
macro-économique et politique du
moment.
Antoine Krug : Pour compléter ce
que vient de dire Tristan, je pense
que l’éventuelle défiance qu’on a pu
constater vis-à-vis de la France n’était
pas tant liée à la qualité de nos sociétés
françaises qu’à son environnement
fiscal instable qui a constitué un frein
pour réaliser des opérations.
Xavier Leloup : C'est un tout.
Lætitia Costa : Politique, fiscal
et juridique, avec la crainte pour
les prêteurs de faire les frais d’une
procédure de sauvegarde et de
manière générale de subir un droit
des procédures collectives qui leur est
défavorable.
Benjamin Homo : Nous, on perçoit
surtoutladéfiancedelapartdesprêteurs
plus que de la part des investisseurs
en equity. Le sentiment général est
qu'on a un système français qui est
compliqué et instable, et pas tellement
‘‘lender friendly’’. En pratique, on
finit par ‘‘exporter’’ nos financements
: la Double Luxco, c'est une façon
de sortir de France la question des
garanties. De même, quand on veut
faire appel au marché américain, on
entend beaucoup de prêteurs qui nous
disent : ‘‘il faut un emprunteur
américain, nous ne voulons pas
d'emprunteur français’’. On se
retrouve à créer des FinCo étrangères
pour pouvoir lever les fonds sur le
marché américain. C'est un peu
navrant, mais c'est un constat que
nous sommes obligés de faire. Et on
entend beaucoup de prêteurs nous dire
: ‘‘nous ne participons pas si vous ne
nous trouvez pas un moyen d'éviter
de prêter à la France’’. Au plan fiscal,
c’est évidemment un sujet, parce que
le financement doit in fine arriver en
France et le passage par des entités
liées étrangères complexifie assez vite
la question de l’utilisation fiscale des
charges financières…
Lætitia Costa : C’est exactement la
demande que je viens d’avoir dans une
transaction US, une des MLAs a exigé
un emprunteur US...
Table rondeTable ronde
393938
Aujourd'hui, un
deal à trois ou
quatre milliards
d’euros peut
être financé
“
”
Yann Bak
†† Director au sein de l’équipe Mid Market Ente-
prise Capital d’Ardian dirigée par Philippe Poletti
†† Depuis 10 ans au sein de l’équipe, Yann couvre
les transactions situées entre 150 M€ et 1 Md€ de
valeur entreprise
†† Au cours des dernières années, il a notam-
ment travaillé sur les investissements suivants :
	 •Spotless Group
	 •Larivière (distribution matériaux de toitures)
	 •Outremer Telecom
	 •Newrest (catering multi-secteurs)
	 •Odigeo (GoVoyages/Opodo/eDreams)
	 •Trescal (prestataire de métrologie) et Unipex
Tristan Parisot : Mais la loi sur
les procédures collectives évolue
actuellement dans le bon sens pour les
prêteurs.
Lætitia Costa : En effet, la loi évolue,
certes dans le bon sens, mais très
lentement. L’ordonnance du 12 mars
dernier a en effet conduit à un mini
rééquilibrage des droits des créanciers
d’entreprises en difficulté au détriment
de leurs actionnaires. Mais n’a en
revanche en rien affaibli la structure
Double Luxco, contrairement à ce que
j’ai pu entendre très récemment sur un
dossier. La loi offre certes la possibilité
aux créanciers de pouvoir dorénavant
proposer un plan de sauvegarde qui va
venirêtreencompétitionavecleplande
sauvegarde proposé par le management
du débiteur, mais c’est tout. Par ailleurs,
si ce plan de sauvegarde contient un
debt-equity swap, il faudra toujours
l'accord de la majorité des deux tiers de
l'actionnaire pour mettre en place ce
plan de sauvegarde. Enfin et surtout,
les créanciers demeurent toujours
après l’ouverture de la procédure de
sauvegarde dans l’impossibilité de
prendre le contrôle du débiteur.
Xavier Leloup : D'où l'utilité encore
de la Double Luxco.
Lætitia Costa : La Double Luxco, a,
je pense encore de beaux jours devant
elle. Malgré l’insistance de certains
sponsors, les mêmes banques qui
avaient accepté à contre coeur d’y
renoncer sur le dossier Ceva ont opposé
«un non ferme» sur le dossier Diana
balayant l’argument du précédent
(Ceva) et celui de la récente réforme
du droit des procédures collectives qui
serait venu affaiblir la Double Luxco.
La Double Luxco demeure par ailleurs
une contrainte de syndication.
Benjamin Homo : La contrainte, c'est
la syndication. Ce qui est mis en avant
par les prêteurs, c'est : on ne trouvera
pas preneur en syndication si on n’a
pas la Double Luxco.
Xavier Leloup : Donc c'est les frais
de mise en place de la Double Luxco
sont pour l'emprunteur ? Et ça coûte
cher ?
Lætitia Costa : Oui, ils sont pour
l’emprunteur. La structure est
suffisamment coûteuse en termes de
mise en place et maintenance pour
n’être réservée qu’à des transactions «
large cap ».
Pierre-Emmanuel Chevalier : La
marge de négociation sur la clause
de syndication est d’ailleurs proche
du néant, c'est à la main du prêteur
qui aura beaucoup de difficultés voir
une réelle réticence à accepter toute
modification pouvant limiter peu ou
prou sa liberté de syndication.
Lætitia Costa : Quand l'argument
devient : ‘‘c'est un problème de
syndication’’, il n'y a plus vraiment de
négociation possible.
Pierre-Emmanuel Chevalier : La
clause est comme ça, et il ne faudra pas
y toucher.
Benjamin Homo : Dans le coût de la
Double Luxco, il faut inclure...
Lætitia Costa : Le possible coût fiscal,
la mise en place et la maintenance.
Benjamin Homo : Et il y a un effet
ricochet sur la fiscalité ensuite,
puisque par définition, on met en
place la Double Luxco pour donner
des garanties qui sont, du point de
vue fiscal, de nature à placer la dette
bancaire dans le champ direct de sous-
capitalisation. En d’autres termes, on
la traite comme une dette empruntée
à des sociétés liées, et on écrase
éventuellement le levier fiscal français
à cause de ça.
Lætitia Costa : C’est vrai, mais compte
tenu de la structure des financements,
senior/mezzanine complétée par une
PIK, une double Frenchco qui vient
optimiser le montant des intérêts
déductibles est justifiable.
Xavier Leloup : ‘‘Double frenchCo’’ ?
Lætitia Costa : Depuis l'amendement
Marini, la Double Luxco est souvent
assortie d’une Double FrenchCo pour
la raison que je viens d’évoquer.
Benjamin Homo : Mais cette solution
double FrenchCo pose question. Si elle
aboutit à une maximisation du levier
fiscal, l'administration pourrait tenter
de soutenir que cette double structure
n’a pas d’autre objet réel que cet effet
fiscal favorable.
Lætitia Costa : L’argument tient
à la nature même des lignes de
financement qui sont mises en place,
à savoir des lignes de financement
senior/mezzanine et PIK/HY et qui
nécessitent deux voire trois niveaux
d’investissement.
Benjamin Homo : Il y a des arguments
sur le plan bancaire. Le problème,
c'est que quand on a au-dessus une
Double Luxco, qui déjà sur le principe
est supposée donner aux banques
l'essentiel de ce qu'elles demandent,
la justification de la double FrenchCo
devient à notre sens plus fragile.
Xavier Leloup : Pourquoi vous le
faites à trois étages différents ?
Lætitia Costa : Afin d'organiser
une subordination structurelle des
différentes lignes de financement : plus
simplement, pour s'assurer que, dans
le cadre d'une procédure liquidative,
les créanciers junior n'aient accès
aux actifs du groupe qu'une fois
les créanciers senior intégralement
désinteréssés.
Xavier Leloup : Sur l'aspect marché,
tout ce qui se passe sur le M&A,
est-ce qu'il y a finalement matière,
pour les fonds d'investissement,
d'en profiter ? La bourse est au plus
haut, les introductions en bourse se
multiplient,ilyadesrapprochements
corporate, mais souvent dans le
sillage de ce type d'opérations, il y a
des cessions d'actifs, de filiales. Est-
ce un environnement porteur pour
l'investissement en Private Equity
? Ou bien s'agit-il de deux mondes
totalement étanches ?
Antoine Krug : Cet environnement
est effectivement porteur, les mondes
ne sont pas étanches. Sur la partie
introductions en bourse, il y a sûrement
beaucoup de sociétés éligibles, mais
une introduction n’est possible que
lors de fenêtres de tirs qui sont courtes.
Les sociétés intéressées doivent donc
être prêtes à saisir ces fenêtres, avec des
ouvertures sur le marché boursier qui
peuvent ne durer que quelques mois.
Concernant les petites capitalisations,
il y a parfois des périodes d'euphorie
sur ces marchés, qu’il faut savoir
saisir. Pour les fonds actionnaires
de cette typologie de société, cela
peut constituer des opportunités
de liquidité. Sur la partie M&A et
corporate, le regain d’activité peut avoir
des conséquences positives pour tout le
marché du private equity. Concernant
Siparex, nous voyons des dossiers de
spin off, avec toute la difficulté que ce
type d’opérations peut représenter sur
des petites sociétés. Siparex a réalisé
l’an dernier un spin off en reprenant la
société CEBTP, qui réalise 110 millions
d'euros dans le domaine de l’expertise
technique pour la construction. Sur
des opérations de spin off plus petites,
il faut cependant avoir une grande
vigilance car ces entités sont souvent
pilotées par des cadres supérieurs
qui ne seront pas forcément de bons
managers dirigeants. Il faut donc un
gros travail de convictions vis-à-vis des
équipes qui vont être amenées à diriger
la société.
TristanParisot:Dansl’environnement
actuel, les industriels sont à nouveau
actifs et très enclins à revoir leur
périmètre pour se concentrer sur des
activités et des géographies qu’ils
Table rondeTable ronde
414140
Il faut une grande
vigilance lors des spin-
offs de petites sociétés
car elles sont souvent
pilotées par des cadres
supérieurs qui ne seront
pas forcément
de bons managers
dirigeants
“
”
Antoine Krug
†† Directeur Associé au sein de l’équipe
Midmarket de Siparex
†† Fondé en 1977, Siparex a effectué plus
de 900 investissements pour 1,1 Md€ sous
gestion et réalise des investissements en
majoritaire ou minoritaire sur les segments du
Small et Mid Cap
†† En 15 ans passées chez Siparex, Antoine
Krug a accompagné des entreprises allant de la
PME à l’ETI parmi lesquelles on peut citer :
	 •Ausy (SSII)
	 •Legallais (quincaillerie industrielle)
	 •Sergent Major (textile enfants)
	 •La Grande Récré (jeux et jouets)
	 •Roche Bobois (mobilier)
considèrent comme prioritaires. En
parallèle la cession d’autres activités et
géographies leur permet de dégager les
ressources nécessaires au financement
de leur plan de croissance.
Cet environnement incertain incite
les industriels à faire des choix
plus structurants, ce qui explique
certainementlenombred’opportunités
de spin-off en ce moment.
Xavier Leloup : Comme Alstom qui
a cédé au fonds allemand Triton.
Tristan Parisot : Effectivement.
Cela dit, il faut avoir en tête
que l’étude, l’acquisition et
l’intégration d’un spin-off peut
s’avérer plus complexe que l’achat
d’une société indépendante.
Xavier Leloup : Parce qu'il y
a un an, on disait qu'il y avait
un problème de sourcing dans
le marché du Private Equity
français en raison notamment
d'une raréfaction des deals
primaires...
Tristan Parisot : Le marché
est plus actif en ce moment,
notamment sur les transactions
jusqu'à 200 millions d'euros.
Au-delà, il y a effectivement moins
d’opportunités en dehors des quelques
deals large cap de place emblématiques,
également plus nombreux cette année
que l'année dernière. J’ajouterais que
pour les prêteurs que nous sommes, le
marché est beaucoup plus actif si vous
incluez les projets de refinancement
sur lesquels les sponsors travaillent
activement en ce moment.
Xavier Leloup : Et sur des montants
plus importants, est-ce que les
fonds sont susceptibles de faire
des partenariats ? Par exemple, en
infrastructure, c'est ce qu'ils font. Ils
font des partenariats institutionnels,
Ardian l'a fait avec Vinci Park il y
a quelques semaines. C'est un cas
de figure un peu particulier, mais
est-ce que les fonds private equity
traditionnel sont capables de faire
des clubs deals ou des alliances pour
prendre une société dont la valeur
est plus importante que ce qu'ils
font d'habitude ?
Tristan Parisot : Ce n'est pas une
question de taille mais une question
d’alignement d’intérêt dans la création
de valeur et à la sortie. Les deals entre
fonds ou avec des institutionnels se
développent mais avec des industriels
ça reste compliqué. L’industriel a
rarement pour objectif principal la
maximisation de la création de valeur
à la sortie.
Yann Bak : Oui, je pense que ce type de
partenariat est tout à fait possible. Là,
on est en train de l'expérimenter aussi
sur le Club Med où on a finalement le
mariage d'un acteur français, Ardian,
avec Fosun, un investisseur chinois.
Chaque acteur apporte sa pierre à
l'édifice et son expertise. Mais je rejoins
le commentaire de Tristan sur le fait
que le principal enjeu est la corporate
governance et qu'il faut un alignement
d'intérêts à la fois au cours de la vie du
deal et lors de la sortie. Une fois qu'on
a répondu à ces deux questions, c'est
relativement simple...
Stéphane Salustro : Pour en revenir
à la question sur le dynamisme du
marché corporate, et l’émulation
créée par les marchés de capitaux
sur l’activité du private equity, je
pense qu'il y a le « pour » qui a déjà
été évoqué, à savoir des opportunités
de sorties pour les fonds, pour peu
qu'on soit dans la bonne fenêtre de
tir, mais également des opportunités
d’acquisitions liées au recentrage post-
fusion ou acquisition par les industriels
qui déboucheront sur des spin-offs. Il
y en a, et il va y en avoir, et il y en
a qu'on voit moins, parce que ce
sont des petites opérations en gré
à gré d’industriel à industriel, qui
s'échangent des actifs. A contrario,
il y a le « contre » : le dynamisme
des marchés de capitaux créé aussi
de la concurrence pour les fonds
à l’achat, sur les deals sponsors to
sponsors où une partie du deal flow
peut être tarie par des sorties vers
les marchés de capitaux ou vers
les industriels, plutôt que vers des
fonds.
Yann Bak : Votre question relative
aux IPO est d’actualité puisqu’on
vient justement d’introduire en
bourse le groupe eDreams/Odigeo
aujourd’hui. Mais une introduction
en bourse n’est pas forcément
adaptée à chaque situation.
Dans le cas d’Odigeo, on a un leader
sur les agences de voyages online
avec un historique de croissance à
deux chiffres. Le marché apprécie
cette equity story surtout qu’il y a
relativement peu d’acteurs online
européens. Néanmoins tous les
candidats à l’IPO n’ont pas ce profil.
Par ailleurs il faut savoir vivre avec
les contraintes d’une mise en bourse,
notamment en termes de liquidité.
D’un point de vue plus général,
on s’aperçoit que la réouverture du
marché donne plus de cartes en main
aux fonds d’investissement, que ce soit
en cas de sortie partielle comme dans
le cas d’Odigeo ou en cas de dual track.
J’ai l’impression qu’il y a beaucoup
de process où le fonds lance un «
dual-track » afin de faire monter les
enchères et essaye de faire en sorte que
le fonds, in fine, s'aligne sur un prix
qui est proche de l'IPO. C’est ce qui
semble se passer sur Applus et c’est un
bon moyen de maintenir une intensité
concurrentielle et de converger vers
une sortie.
Stéphane Salustro : Pour le vendeur ?
Yann Bak : Pour le vendeur.
Stéphane Salustro : C'est le sens de
mon propos.
Benjamin Homo : Mais au-delà
d'une certaine taille de deals, l'IPO
ne devient-elle pas, à défaut de
financement ou d'appétit des acheteurs
en private equity, un mode de sortie
privilégié ? On peut prendre l’exemple
d’Elior, cité dans les journaux, comme
un IPO potentiel sur les mois à
venir : sur des deals de cette taille-là
aujourd'hui, l’introduction en bourse
n’est-elle pas le seul moyen de liquidité
à un horizon court, compte tenu
d’un marché private equity qui pour
l’instant n’a que peu d’appétit pour des
transactions de cette taille ?
Yann Bak : Je ne suis pas tout à fait
d'accord. Je pense que le diagnostic
était vrai il y a un ou deux ans, quand
on avait vraiment des problèmes
de liquidité sur le financement.
Aujourd'hui, un deal à 3 ou 4 milliards
peut être financé.
Tristan Parisot : Tout dépend de sa
qualité, en fait. Pour un deal large
cap attractif, il y a beaucoup d’argent
disponible aussi bien en equity qu’en
financement. En revanche, pour un
actif qui n'a pas démontré de création
de valeur historique, les acteurs en
capital mais aussi en financement sont
beaucoup plus attentistes et prudents
qu’auparavant.
Yann Bak : Et en source de liquidité,
je parle à la fois du financement
bancaire classique - il y a l'unitranche
qui se rajoute - mais également du
financement High Yield qui permet
fondamentalement de financer de
grosses opérations, comme cela s’est
fait récemment avec Kerneos. Dans
un autre cas de figure, quand Altice
fait une offre sur SFR et se ‘‘back’’ avec
un financement de 10 milliards, la
liquidité est là.
Table rondeTable ronde
434342
Certaines sociétés
souhaitant lever des
fonds ne savent pas
toujours comment
réagir lors de la
réalisation des
opérations de due
diligence
“
”
Jean-Michel Vignaux
†† Associé fondateur de Blue Cell Con-
sulting, cabinet indépendant créé en 2008 et
spécialisé dans la due diligence financière,
corporate et fiscale
†† Ancien d’EY et de KPMG, Jean-Michel
Vignaux intervient pour le compte de fonds
d’investissement comme IDF Capital ou Bred
Perspectives & Participations à l’occasion de
leurs opérations de LBO, capital-développe-
ment ou capital-risque en France et à l’étranger
†† Formateur national au sein de la Com-
pagnie Nationale des Commissaires aux
Comptes
†† Exemples d’opérations marquantes :
	 •Viareport (éditeur de logiciels)
	 •Artemys (SSII)
	 •Arséo (Hi Tech & Software)
Olivier Bénureau : J'aimerais juste
rebondir sur les deals de 150 à
500 millions. Alors que le marché
repart, on est plutôt en bas de
cycle, donc ça devrait être un bon
moment pour investir pour les
fonds, comment expliquer dès lors
qu'il y ait finalement peu d'activité
sur ce segment-là qui est quand
même le poumon du private equity
? Est-ce que c'est lié à l'exposition
à des entreprises qui sont moins
internationales ?
Yann Bak : C’est ma perception
sur la base de seulement un
trimestre, cela peut donc évoluer.
Concernant le deal flow qui vient
du secondaire, je pense qu'une
partie des contraintes est liée à
certains objectifs psychologiques
dans l'univers du private equity:
quand on ne fait pas deux fois la
mise, ce n'est pas un bon deal, donc
on préfère à la limite attendre un
peu, tester le marché en parallèle,
et ne pas exposer l'actif lors d’un
process. Et c'est ce qu'il se passe sur
plusieurs sujets en cours. C'est une
explication parmi d’autres. Je ne
pense que cela soit lié à un déficit
de sociétés internationales. Nos
derniers investissements - Trescal,
Anios et plus récemment NHV -
partagent tous cette caractéristique. Et
je pense qu'on trouvera toujours des
sociétés françaises avec une exposition
internationale intéressante.
Tristan Parisot : Entièrement
d'accord. Aujourd’hui, les process
de cession sont souvent plus
restreints, plus discrets. Il y a plus
d’opportunités en gré à gré, avec des
vendeurs qui veulent tester l'appétit
de certains acheteurs, et inversement
des acheteurs qui veulent sécuriser
confidentiellement et en amont l’achat
d’un actif qu’ils jugent très attractif.
Sur Trescal par exemple, Ardian est
allé voir 3i en disant : « c'est un actif
qui nous intéresse, nous sommes
prêts à vous offrir dès maintenant
le prix que vous espérez obtenir en
lançant votre process de vente en fin
d’année». Ardian a intelligemment
inclus dans sa valorisation les deux
acquisitions que Trescal était en train
de finaliser. A ma connaissance, et je
parle sous contrôle de Yann bien sûr,
le pari d’Ardian a été gagnant. Nous
pourrions également citer Bridgepoint
qui a acquis hors process Flexitallic
auprès de Eurazeo. Sur notre segment
du small et mid cap, la plupart des
opportunités de financement que nous
étudions actuellement font l’objet
de processus de cession très restreint
voire sont en gré à gré. Nous sommes
d’ailleurs souvent approchés pour un
financement unitranche par des fonds
très soucieux de confidentialité. Les
banques peuvent ne pas être mises
dans la boucle car la confidentialité y
est souvent plus difficile à contrôler.
Stéphane Salustro : Il y a un autre
sujet,onparlebeaucoupdesecondaires,
mais je n'ai pas l'impression qu'il y
ait beaucoup de primaires dans les
segments qu'on évoquait, en tout cas
en France.
Xavier Leloup : Sauf des spin-offs. Il
y en a peu...
Stéphane Salustro : Les spin-offs, on
en parle, on a quelques exemples en
tête, et on est en train de se dire qu'il
va y en avoir davantage parce que le
marché du M&A industriel est en
effervescence, mais les spin-offs ne
courent pas les rues.
Jean-Michel Vignaux : On peut
trouver des spin-offs parfois dans
des grands groupes, on a eu le cas
récemment, notamment quand des
sociétés qui avaient investi dans
des technologies lourdes ne
voyaient plus l'intérêt de leur
développement au vu de leur
coût, et souhaitaient donc s’en
désengager. Cela passait donc
par un spin-off dans lequel un
fonds avait lourdement investi
alors qu’en face on avait une
société qui, elle, n'arrivait pas
concrètement à développer
cette technologie. C'était dans
des sociétés à l'étranger où le
fond disait : « j'arrête, je ne
souhaite plus financer ce type
de technologie, on arrive à une
limite ». Donc effectivement, le
spin-off passait par le build-up,
pour une société française.
Stéphane Salustro : Juste pour
en revenir au primaire, on peut se
demander pourquoi il y a beaucoup
moins de primaires en France
qu'ailleurs. Et on en revient au sujet
de l'environnement économique et
fiscal, en particulier à la situation des
entrepreneurs en France. Je ne suis pas
sûr qu'un chef d'entreprise, quand il
fait l'arbitrage entre un refinancement
et une cession se pose la question
très longtemps. Je laisse la parole aux
spécialistes.
Benjamin Homo : Ça a été très
vrai en 2013, parce que pendant
toute l'année on ne savait pas quel
allait être le traitement d'un cédant-
personne physique. On a commencé
l'année avec un régime qui était
vraiment défavorable. Dès avril il a
été annoncé qu'il ne s'appliquerait
pas, mais, on n'avait pas de texte
officiel. Et finalement, on a voté un
texte en fin d'année, qui s'appliquait
rétroactivement en début d'année,
et qui effectivement a ramené les
taux d'imposition à des niveaux plus
proches de ce qu'ils étaient auparavant.
Aujourd'hui, le dispositif est quand
même sur le principe plus balisé,
même si l'expérience de ces deux ou
trois dernières années montre qu'il ne
faut jamais parier en début d'année
sur la sauce à laquelle on sera mangé
en fin d'année. Et l'un des problèmes
c'est effectivement que la loi fiscale
est généralement votée au moment
des lois de finances de fin d'année, et
qu'elle peut s'appliquer sur l'exercice.
On peut donc se retrouver à payer une
addition supérieure à celle anticipée
à la date d’une transaction. Cela dit,
pour 2014, à mon avis, cet enjeu
devrait se dégonfler.
Xavier Leloup : Est-ce qu'on a des
fonds français qui s'intéressent à des
actifs purement étrangers ? On nous
en a parlé.
Tristan Parisot : Effectivement,
beaucoup de fonds, plutôt que de
baisser leur niveau de sélectivité sur les
deals qu’ils regardent en France, vont
chercher des beaux actifs en dehors de
France, dans les pays limitrophes. Pour
les fonds qui n’ont pas de présence
locale, la difficulté est de trouver le
bon angle pour gagner le bon deal et
pas celui que tous les fond locaux ont
rejeté.
Pour l’investissement en equity sur
le segment du small et mid cap, la
présence locale est indispensable. Le
slogan de 3i, c’était « Think global, Act
local ». Ce slogan qui a plus de vingt ans
est toujours d’actualité dans le private
equity. En financement, nous n’avons
pas besoin d'avoir la même couverture
géographique. Cela dit, la proximité
est très valorisée par les sponsors.
Antoine Krug : Pour un fonds
généraliste, réaliser une opération dans
un pays tiers me semble extrêmement
compliqué, sauf à posséder un angle
d’approche très spécifique ou une
connaissance sectorielle très forte. Sur
le mid cap, et encore plus sur le small,
l’aspect culturel et la proximité avec
les dirigeants est tellement essentielle,
qu’il me semble très risqué de réaliser
Table rondeTable ronde
454544
Chez certains
fonds, il y a une
vraie mutualisation
des ressources
entre les différents
bureaux
“
Pierre-Emmanuel Chevalier
†† Ancien de Lefèvre Pelletier et Associé du
cabinet Wragge Lawrence Graham & Co depuis
2010, qui comprend 119 associés et plus de
1300 personnes dont 770 avocats. Présent
dans dix bureaux à travers le monde, le cabinet
regroupe 35 avocats à Paris.
†† Activité centrée sur le M&A et le Private
Equity dont le Private Equity à sous-jacent
immobiliers
†† Pierre-Emmanuel a notamment
conseillé :
	
	 •LBO France lors de la cession de
Financière Selec à Powerhouse France pour une
valeur de 1Md € (Financière Selec détient un
portefeuille immobilier d’environ 7 600 maisons
individuelles réparties dans toute la France et
louées à EDF) ou les acquisitions du portefeuille
Lips et de l’immeuble le Cap
	 •Société Générale Capital Partners dans
le cadre du LBO réalisé au côté de Cobepa sur le
groupe de crèches Babilou
des opérations sans avoir une présence
et une culture locale. C’est le cas pour
Siparex, présent en Espagne et en Italie
avec l’appui d’équipes locales.
Xavier Leloup : Donc ça ne peut se
faire que pour les grosses cibles ?
Antoine Krug : Des opérations
peuvent être faites également sur des
sujets plus petits mais, comme nous le
faisons chez Siparex, avec des équipes
locales.
Olivier Bénureau : Ardian est un des
fonds les plus actifs dans le build-up,
en tout cas en 2013. Et sauf erreur
de part, la plupart ont été faits à
l'étranger. N’est-ce pas Yann ?
Yann Bak : Dans tous les cas, le build-
up reste un driver de création de valeur
important. Ce driver a toujours existé
mais il est sans doute plus systématique
et peut faire partie du business model
de la société : par exemple Trescal a
réalisé 15 acquisitions en près de 5 ans
et depuis le closing nous en sommes
déjà à 4 acquisitions. Dun point de vue
plus général, il est vrai qu’on sort de
plus en plus des frontières de l’Europe
pour nos stratégies de build-up et
que des acquisitions en Inde, Chine,
États Unis, Brésil sont désormais plus
communes. On s’aperçoit que certains
acteurs étendent également leurs zones
d’intervention en dehors de France
ou d'Europe et pas uniquement sur
des build-up. Le cas de Wendel est
intéressant. Ils passent plus qu'une
frontière et ont déjà réalisé deux
dossiers en Afrique.
Stéphane Salustro : Sachant que
Wendel « s'équipe » pour passer les
frontières. Ils ont maintenant une
équipe dévolue aux sujets Afrique. Ils
ont aussi une équipe aux US... Ce qui
rejoint le point que vous faisiez sur la
nécessité d’une présence locale.
Tristan Parisot : Il faut avoir soit une
présence locale, sinon une organisation
sectorielle avec des experts ayant une
vision internationale d’un secteur.
Cette approche autour de quelques
secteurs cibles fait aussi beaucoup de
sens notamment sur le segment du
mid large cap.
Benjamin Homo : Chez l’un de mes
clients, l'équipe française du fonds
a géré de A à Z un investissement en
Grèce. C'est en soi un monde assez
différent, surtout en ce moment, et
de fait ils ont été obligés de mettre
beaucoup de moyens sur les conseils
: ils n'avaient pas de présence locale,
ils ont été obligés de faire appel à
énormément de support. Mais c’est
à mon sens une exception liée au fait
qu’il y avait vraiment une opportunité
sur ce dossier, ce qui les a décidés à le
faire. Il y avait effectivement une prise
de risque, clairement.
Pierre-Emmanuel Chevalier :
Chez certains fonds, il y a une vraie
mutualisation des ressources entre les
différents bureaux. Par exemple, l’un
de mes clients qui dispose de plusieurs
bureaux en Europe n’hésite pas à
envoyer certains membres d’un bureau
« moins occupé » temporairement
donner des coups de main à un autre
bureau qui lui est en phase active sur
une transaction. Cela permet d'avoir
une structure moins importante dans
chaque pays, mais d'avoir la présence
locale nécessaire à l’origination d’un
deal.
Stéphane Salustro : Je pense que la
dimension spécialisation sectorielle
est intéressante et complémentaire de
la dimension géographique, parce que
je suis persuadé que la spécialisation
sectorielle réduit les distances. Il y a
une différence entre investir à l'étranger
quand on est un fonds, c’est à dire aller
chercher des opportunités à l'étranger
sans présence locale versus faire du
build-up à l’étranger. Le build-up
c'est, comme on le disait, un vecteur
de création de valeur, et la valeur on
va la chercher souvent hors de nos
frontières, là où se trouve la croissance.
Le build-up, qui le gère ? C'est
souvent le management de la portfolio
compagnie qui, pour le coup, a par
essence cette spécialisation sectorielle
et a plus de capacité à identifier, sur
des nouveaux marchés, des cibles qui
vont générer de la création de valeur
versus l'acquisition par un fonds d'une
cible sur un secteur qui n'est pas
obligatoirement le sien.
Olivier Bénureau : Si les corporate
sont très actifs en matière
d’acquisitions dans les pays
émergents, j’ai l’impression que les
fonds le sont beaucoup moins. Je me
trompe ?
Lætitia Costa : Dans une stratégie de
vente, la dimension «internationale»
est importante car synonyme de relais
de croissance, or pour trouver une
croissance à deux chiffres aujourd’hui
il faut s’éloigner de l’Europe et regarder
les pays émergents. C’est pourquoi,
lorsque cela fait du sens en terme de
stratégie et de synergies, les fonds
saisissent aujourd’hui non seulement
l’opportunité de refinancer une dette
d’acquisition existante couteuse mais
en profite également pour, à défaut
de vendre dans l’immédiat, mettre en
place des ligne de croissance externe
pour revaloriser leur investissements.
C’est par exemple ce que le fonds
Ardian a accompli avec le groupe
Novacap, par des investissements en
Asie ou auparavant avec le groupe
Spotless.
Yann Bak : Il y a eu plusieurs
acquisitions : une en France avec
également une petite activité au Brésil
et une deuxième en Chine. L'histoire
de Spotless était une histoire de
développement européenne avec six
acquisitions réalisées en Europe. En
revanche sur nos dernières acquisitions
la part des build-up en dehors de France
et en dehors d’Europe est encore plus
importante : nous venons de finaliser
une deuxième acquisition pour Trescal
aux Etats-Unis et Novacap a réalisé une
acquisition en Chine l’année dernière.
Olivier Bénureau : Quelle taille
faisait cette acquisition ?
Yann Bak : Près de 70 millions d’euros
en chiffre d’affaires et beaucoup plus en
terme d’employés. Je crois que près de
la moitié des employés de Novacap est
désormais localisée en Asie. Et c’est sur
ce type d’acquisitions que la présence
locale est importante. Compte tenu
des cultures différentes et des barrières
linguistiques, un membre de notre
bureau de Pékin nous a accompagnés
dans l’étude de ce build-up. Les
besoins ne sont pas les mêmes aux
Etats-Unis. Lors d’un build-up dans ce
pays, on arrive à traiter en direct sans
faire intervenir d’équipe locale.
Antoine Krug : La croissance de
nos sociétés passe effectivement par
le build up, mais également par la
croissance interne et le développement
international. Parmi nos participations
récentes, on peut évoquer le cas
d’Ausy, entreprise dans laquelle nous
avons spécifiquement investi il y a trois
ans pour accompagner la croissance
hors de France. Depuis lors, la société
a réalisé trois opérations d’acquisition
à l’international, portant son chiffre
d’affaires hors de France de 16 millions
d'euros à 90 millions d'euros sur la
période.Defaçonplusgénérale,cesujet
du développement à l’international,
pour compenser une croissance en
Europe qui risque de continuer à être
faible à moyen terme, es devenu un
sujet de préoccupation majeur pour
nos managers. On constate de leur
part une demande d’accompagnement
beaucoup plus forte. Un fonds
d’investissement n’est cependant pas
forcément outillé pour accompagner
une ETI française à se développer au
Vietnam ou au Brésil. Concernant
Siparex, nous avons répondu à cette
attente de nos dirigeants en nouant un
partenariat en 2012 avec la société Erai,
”
Table rondeTable ronde
474746
Stéphane Salustro
†† Associé au sein du pôle Transaction
Services de PwC
†† 16 ans d’expérience en transactions dont
3 passés à New-York
†† Spécialiste des missions de Due
Diligence financières à l’achat ou à la vente
pour le compte de grands corporate (Lagardere,
Air France KLM, Alstom) ou de fonds de LBO
large et mid-cap comme PAI Partners, Eurazeo
ou Activa Capital
†† Exemples d’opérations marquantes :
	 •Spin-off de l’activité capteurs de
Schneider Electric (CST), reprise par PAI
Partners et Carlyle
	 •Acquisition de Barfield (USA) filiale de
Sabena Technics, par Air France-KLM
	 •Reprise d’APEM par ICG
	 •Cession d’Arc International Cookware
(AIC) par Arc International
	 •Acquisition de Nexeya par Activa
Capital et BPI France
présente dans une trentaine de pays,
et qui est spécialisée dans le business
développement à l’international.
A ce stade, ce partenariat a déjà abouti
à la réalisation de plus d’une vingtaine
de missions pour le compte des sociétés
de notre portefeuille.
Par ailleurs, nous avons toujours
développé une approche forte de
la notion de réseau, via le Club
Siparex, qui regroupe l’ensemble de
nos participations, nos souscripteurs
institutionnels et family offices, et qui
constituentunoutilfortdenetworking,
en France mais également à l’export.
Cette importance grandissante de la
dimension internationale constitue
ainsi une vraie évolution dans nos
approches des sociétés et dans nos
relations avec les dirigeants.
Tristan Parisot : Tout à fait d’accord
avec toi, Antoine. En ce qui nous
concerne, nous nous appuyons
beaucoup sur notre réseau américain
pour apporter de la valeur ajoutée aux
PME que nous accompagnons. Sur
Flexitallic, par exemple, nous avons
présenté au CEO français nos experts
Oil & Gas basés au Texas ainsi que des
boutiques M&A spécialisées dans le
secteur Oil & Gas. Plus récemment,
sur notre dernier deal, Asmodée, closé
en janvier, nous avons fait intervenir
notre expert américain qui a partagé
avec le dirigeant français et avec
Eurazeo, son actionnaire majoritaire,
sa vision du marché du jeu aux Etats-
Unis et plus globalement du jeu on-
line. Cette valeur ajoutée rarissime
de la part d’un fond de dette a été
tellement appréciée que nous avons
aujourd’hui deux personnes de chez
nous, dont notre expert bien sûr, qui
siègent au conseil, ce qui n’est pas
fréquent pour un prêteur !
Pierre-Emmanuel Chevalier : Après,
dans un univers plus européen,
dans le cadre de certains dossiers on
a vu qu'effectivement le choix du
management s’est porté sur le fonds
qui a été capable de lui assurer qu’il
serait capable de les accompagner
dans le développement de la cible hors
de l’Hexagone, développement qui
d’ailleurs est le plus souvent critique
en termes de création de valeur ; et
cela est d’ailleurs vrai en Europe mais
également de façon plus globale.
Tristan Parisot : La valeur ajoutée de
la part des fonds est souvent restée à
l’état de promesse. Cela est en train
de changer. Les dirigeants veulent de
plus en plus des partenaires capables
de les accompagner, et leur apporter
de la valeur ajoutée qui peut être multi
facette selon leur problématique. Le
bon ‘‘fit’’ qui suffisait souvent à gagner
un deal dans les années 90 ne suffit
clairement plus aujourd’hui. Chaque
fonds doit avoir une proposition
différenciante en fonction de son
histoire, de son ancrage régional
ou international, de son expertise
sectorielle et/ou opérationnelle.
Olivier Bénureau : Jean-Michel,
votre métier consiste à challenger les
business models des entreprises. Est-
ce que la croissance à l’international
des entreprises sur le Smid-Cap
gagne du terrain ?
Jean-Michel Vignaux : Disons
que c'est quelque chose qu'on voit
de plus en plus depuis deux ans
maintenant, mais il y a une chose qui
est importante maintenant, ce qu'on
nous demande de plus en plus : c'est
le post-acquisition. Evidemment, il
peut y avoir des choses qu'on ne fait
pas forcément qui sont le networking à
l'étranger. Il y a les due diligence post
acquisition qui est l'accompagnement
de structures, qui quelques fois sont
des petites structures à l'étranger. Tout
à l'heure, on parlait de technologie,
effectivement,lessociétésvontchercher
à trouver dans certains cas la croissance
ou la technologie qu'elles ne trouvent
pas en France. Mais le problème, c'est
que la plupart du temps, l’aspect post
acquisition n’est pas anticipé. Pourquoi
? Parce qu'il y a des aspects culturels,
quelqu'un en parlait tout à l'heure,
il y a des aspects organisationnels, et
en fait, dans ces cas-là, ils demandent
tout simplement à la structure qui les a
accompagnés lors des due diligence de
continuer à les accompagner pendant
un certain temps, qui peut être deux
mois, trois mois, je dirais jusqu'à ce que
la société prenne tout simplement son
autonomie par exemple sur des thèmes
liés à la mise en place de reportings,
de suivi de cash flows, de niveau de
résultat etc…
Les fonds le demandent dans certains
cas. Récemment un dirigeant nous
interpellait sur plusieurs thèmes à
caractère financier et juridique, parce
qu'effectivement, le business model
en période de faible démarrage n’est
pas toujours évident à apprécier.
Un dirigeant à qui on demandait
récemment : ‘‘pourquoi finalement
vous allez vous lancer dans du build-
up aujourd’hui ?’’, répondait : ‘‘parce
que si je ne le fais pas, je recule, et
actuellement je dois aller chercher de
la croissance qui passe par du build-up,
de la croissance externe’’.
Olivier Bénureau : Et on le rappelle,
il y a des statistiques qui tendent
à montrer que les opérations de
croissance externe ne sont pas
toujours créatrices de valeur. Il y a
une opération sur deux où la greffe
ne prend pas…
Jean-Michel Vignaux : Je ne sais
plus qui parlait tout à l'heure des
problématiques de culture. En fait la
greffe ne se fait souvent pas quand des
équipes doivent se mélanger parce que
souvent, au-delà des aspects purement
financiers ou juridiques, on s’aperçoit
que la création de valeur bute sur les
différences de cultures d'entreprise. Ce
cas de figure se présente souvent et on a
alors énormément de mal à chiffrer ce
qu'on appelle des synergies.
C'est toujours délicat parce que
l'acquisition se fait pour de la création
de valeur, et la création de valeur,
normalement, c'est un, la rentabilité,
mais deux, les synergies. Et ça, on a de
plus en plus de mal à les chiffrer.
XavierLeloup:Oui,c'estimmatériel.
Jean-Michel Vignaux : C'est
totalement immatériel. On peut mettre
ça dans ce qu'on appelle le goodwill.
Récemment une société spécialisée
dans les processus informatiques qu'on
a accompagnée dans l'acquisition
d’une small cap avait identifié comme
l’un des risques majeurs de l’opération
le fait que de jeunes équipes pouvaient
avoir des problèmes d’intégration dans
un nouveau groupe, qui impliquait
des nouvelles règles au vu de la taille
de la structure acquéreuse. L’aspect
intégration devenait prépondérant en
termes de culture d’entreprise, même
si les deux business models étaient, à
l’évidence, complémentaires.
Yann Bak : Sur la question des build-
up, effectivement, on a quelques
statistiques en tête selon lesquelles
une acquisition sur deux réalisée par
un corporate ne marcherait pas, etc...
Nous n'avons pas les mêmes chiffres
dans le private equity, mais j'imagine
que ce ratio est beaucoup plus faible.
Une des problématiques des stratégies
de build-up est liée à l’intégration
d’équipes de management aux cultures
d’entreprise différente.
Or la possibilité pour les équipes de
management de build-up d'investir
dans l'opération, d'être alignées sur
un projet commun facilite quand
même les choses. Je ne suis pas sûr que
ce soit la seule clé du succès, mais je
sais qu'on le propose, nous, de façon
systématique. Cela permet quand
même de tirer dans la même direction.
Tristan Parisot : Je suis d'accord avec
Yann. Les fonds ont une vraie valeur
ajoutée en matière de build-up depuis
le sourcing jusqu’à l’intégration en
Il ne faut pas
négliger la
valeur ajoutée
qu'apportent les
équipes de fonds
de LBO
“
”
Table rondeTable ronde
494948
On perçoit
surtout la défiance
de la part des
prêteurs plus que
de la part des
investisseurs
en equity
“
”
Benjamin Homo
†† Ancien d’Andersen et Associé co-fonda		
teur du département fiscal du cabinet Mayer
Brown à Paris
†† Spécialiste du Private Equity et la
structuration de transactions pour le compte de
fonds comme Montefiore, LBO France, Oaktree
ou Charterhouse
†† Exemples d’opérations marquantes :
	 •Structuration fiscale des cessions, par
Matéris, de Kerneos à Astorg Partners (600 M€)
et de Parex à CVC Capital (880 M€)
	 •Conseil d’Oaktree Capital sur
l’acquisition et le refinancement d’Ileos, ainsi
que sur le refinancement du groupe SGD
	 •Acquisition et refinancements de
Consolis par LBO France
	 •Acquisition et refinancement d’Elis par
Eurazeo
passant par l’exécution bien sûr. Pour
moi, un build-up doit s'accompagner
d’un plan de route incluant un plan
d'action à 100 ou 180 jours validé
par ou avec le sponsor, et différents
chantiers avec des équipes projet et
des objectifs clairs pour s’assurer que
l'intégration se fait le plus rapidement
possible.
Olivier Bénureau : Vous l'estimez à
combien le taux de réussite des build-
up dans le capital investissement
français?
Yann Bak : Franchement, je n'ai pas
de statistiques pour l’industrie. Mais si
je prends le cas d’Ardian, j’ai en tête
uniquement deux acquisitions qui ont
mal tourné sur près de 60 build-up.
Antoine Krug : Il est difficile de
tenir ce genre de statistiques. Les
dirigeants de nos participations, qui
ont généralement une implication
actionnariale forte, sont prudents
dans leur approche des opérations de
croissance externe. Il y a donc très peu
d’échecs. On peut cependant constater
des délais d’intégration plus longs
que ceux initialement anticipés, mais,
heureusement il y a très peu d’échecs.
Stéphane Salustro : Il ne faut pas
négliger la valeur ajoutée qu'apportent
les équipes de fonds de LBO à ce
type d'opération. Au-delà, il y a une
chose dont on n’a pas parlé, c'est le
phasing du build-up. On a vu pas mal
de dossiers récemment dont l’une des
caractéristiques est l’acquisition d’actifs
supplémentaires en fin de vie du
cycle d'investissement : et ceux-là ont
tendance à être discountés lors des due
diligences par les acquéreurs potentiels,
qui vont accorder plus de valeur à la
performance « like for like ». Alors que
les build-ups en milieu ou en début
de cycle peuvent être assimilés à de la
croissance organique, pour peu qu’un
historique suffisant, de deux-trois ans
valide la thèse d’investissement. Et
il y a un troisième cas de figure, c'est
le build-up post-acquisition, c'est-
à-dire le pipeline, et pour le coup,
celui-là peut apporter une valeur
supplémentaire marginale non incluse
dans le périmètre organique, pour peu
qu’il soit « marketé » au moment de la
transaction.
Tristan Parisot : Il n’est pas toujours
facile de dire si un build-up a été ou
non un succès.
Cela dépend des critères retenus.
J'ai en tête l’exemple d'une société
dans l’agroalimentaire qui a fait une
acquisition en Pologne. Les synergies
industrielles espérées n'ont pas été
au rendez-vous, et cette filiale a été
revendue quelques années plus tard
en « stand alone » avec une plus-
value appréciable grâce à un « PE
arbitrage » très positif. In fine, cet «
aller-retour financier » s’est donc avéré
très bénéfique du point de vue de
l’actionnaire financier.
Xavier Leloup : Juste un petit mot
sur Bpifrance, on a l'impression
qu'ils sont partout, ils arrosent le
marché. C'est de la concurrence déloyale pour les fonds ? Ou c'est un
partenaire bienvenu ?
Antoine Krug : Siparex a réalisé des
co investissements avec Bpifrance qui
intervient en effet quasi exclusivement
en co investissement, aux côtés de fonds
de la place, donc dans des conditions
qui agréent à l’ensemble du tour de
table. Il s’agit donc pour nous d’un
véritable partenaire, qui apporte des
moyens complémentaires pour réaliser
des opérations plus significatives,
sur lesquelles nous conservons le
leadership. Récemment, pour l’une
de nos participations, qui souhaitait
réaliser une augmentation de capital
pour des montants qui en 2011 étaient
un peu élevés pour Siparex seul, nous
avons pu syndiquer une partie de
l’opération en les faisant co investir
à nos côtés, dans des conditions de
valorisation et de gouvernance que
nous avions au préalable négociées
avec la société.
Xavier Leloup : Et ils ont une
politique d'investissement qui
diffère du feu le FSI ?
Antoine Krug : Je ne connais pas
assez précisément leur stratégie
d’investissement pour la commenter.
Mais il me semble avoir cependant
une approche compatible avec celle
de Siparex, notamment en termes de
structuration et de leviers bancaires à
des niveaux plutôt prudents
Olivier Bénureau : Pour revenir sur
le financement, Antoine, vous disiez
que désormais les financements
unitranche étaient possibles même
sur le Smid-Cap. C’est bien cela ?
Antoine Krug : Le financement
unitranche est maintenant devenu
une option y compris sur les tailles
d’opérations visées par Siparex. Nous
ne l’avons pas encore utilisé, mais cette
option a été en concurrence avec des
financements plus classiques dans un
deal récent que nous avons finalisé.
Cela ouvre le champ des possibles
en matière de financement et peut
constituer dorénavant une alternative
au financement bancaire, ce qui n’était
pas encore le cas sur notre segment de
marché il y a encore quelques mois.
Tristan Parisot : Jusqu'à présent, il
y a eu très peu d'unitranche mis en
place sur des valorisations inférieures
à 50 millions. En 2013 il y a eu 30
financements unitranche en Europe,
à ma connaissance, seuls trois ont
concerné des valorisations inférieures à
Table rondeTable ronde
515150
50 millions. Mais je suis d'accord avec
Antoine, le financement unitranche
sur des deals de valorisation inférieure
sera, j’en suis convaincu, une des
grandes tendances de l’année 2014.
Olivier Bénureau : De quel ordre
? De mémoire, le plus petit High
Yield était de 180 millions d'euros
en France ?
Lætitia Costa : C'est ce qu'on disait
tout à l'heure, c'est vrai qu'il était
plutôt autour des 180-200, et les
dernières opérations, qui ne sont pas
encore sorties, tournent autour de
150-170. Ce qui met le High Yield en
compétition avec d'autres produits.
Tristan Parisot : Le High Yield
est une offre complémentaire de
l’unitranche pour les emprunteurs
mid-large cap mais c’est un outil de
financement qui est plus volatil et
incertain.
Lætitia Costa : Le marché du High
Yield est en effet un marché qui
se referme très vite en témoigne
l’expérience de ces trois dernières
années.
Antoine Krug : Ces types de
financement sont maintenant
proposés sur des sociétés plus petites,
avec des valorisations de quelques
dizaines de millions d’euros. Sur ces
entreprises, les meilleurs financeurs
restent cependant les banques
commerciales de la société, qui ont
uneconnaissancehistoriquedelacible
et propose souvent des conditions de
rémunération favorables.
Xavier Leloup : Le produit
unitranche est le même quand on
le propose à une société pour des
besoins de 500 millions ou de 30
millions d'euros ? C'est la même
chose ?
Lætitia Costa : Oui, il n’y pas de
différence.
Xavier Leloup: Et c'est moins cher
pour des plus petits montants ?
Est-ce qu'ils font des offres moins
chères ?
Tristan Parisot : Pas forcément, le
prix est directement relié au risque
pris par le prêteur.
Ce risque s’apprécie en fonction du
levier de financement mais aussi des
caractéristiques de l’actif. Toute chose
étant égale par ailleurs, une société
plus petite est par nature plus risquée.
Xavier Leloup : Donc c'est la même
chose, ça se démocratise.
Tristan Parisot : Plus la taille de
l'entreprise est grande, plus elle a
accès à des sources de financement
variées : all-senior, senior plus
mezzanine, unitranche, High Yield,
obligations privées, financement aux
US. Sur le marché du small/mid cap
sur lequel nous intervenons, les choix
sont plus restreints. L’emprunteur a le
choix entre un financement classique,
all senior ou senior plus mezzanine,
ou l’unirate.
Xavier Leloup : Et le financement
de manière générale, ce n'est plus
un sujet ? C'est ce que vous disiez, il
y a énormément de gens qui veulent
prêter, c'est moins cher.
Tristan Parisot : Oui, aujourd'hui il
y a beaucoup de liquidités. Chaque
offre de financement a ses spécificités
mais aujourd’hui on peut dire que les
beaux projets n'ont aucun problème
pour boucler leurs financements
assez rapidement.
Lætitia Costa : Et toutes les
protections que les banques avaient
négociées dans la documentation de
financement post « Credit Crunch
» ont pour la plupart été remises en
question.
Xavier Leloup : Ce qui fait dire à
certains qu'on revient à l’époque
d’avant crise.
Lætitia Costa : Oui, vraiment.
Aujourd'hui je négocie une
documentation bancaire qui est à
certains égards bien plus agressive que
celle de 2007.
Xavier Leloup : Plus agressive, ça se
manifeste comment concrètement ?
Lætitia Costa : Par la réapparition de
souplesses, flexibilités que les banques
avait bannies des documents de
financement LBO post credit crunch
et qui portent les doux noms de «cove-
lite», «springing covenants», «honey
moon», «soft mulligan»/mulligan,
«equity cure» version 2007, apparition
de security package allégés, le tout
combiné à des leviers oscillant entre
sept et dix, ce qui laisse peu de marge de
manoeuvre au débiteur par rapport au
business plan initial. Lorsque le défaut
survient au titre de la documentation
bancaire (s’il survient...), il sera souvent
trop tard pour réunir le débiteur et
ses créanciers autour d’une table. Le
plus surprenant, c’est la coexistence
de ce retour pour le goût du risque
alors, qu’au même moment, sortent
des dossiers en restructuration, du
type Vivarte, dans lesquels certains
établissements financiers vont laisser
quelques plumes.....
Tristan Parisot : Le « cov lite » se
rencontre ponctuellement sur les deal
large cap mais je n’en vois pas sur les
deals Smid-cap.
Xavier Leloup : Donc il y a un nouvel
appétit pour le risque.
Laetitia Costa : Oui, de part et
d’autres d’ailleurs, une sorte de «lâcher
prise» collectif, sur certains dossiers en
tout cas. La Double Luxco fait partie
des rares protections auxquelles les
banques n’ont pas renoncé. Le dossier
Diana a servi de test sur ce point. Je ne
pense que la documentation bancaire
de Ceva fasse jurisprudence.
Xavier Leloup : Mais Ceva, c'est
particulier, puisqu'ils avaient fait
plusieurs LBO donc le management
est très rompu à cet exercice. Je crois
que c'est le troisième ou quatrième
LBO.
Lætitia Costa : Ils étaient très
rompus à l'exercice, car abordaient
leur quatrième LBO. L’absence
de structure Double Luxco faisait
partie des premières conditions du
management avec les «springing
covenant». L’absence de Double Luxco
n’était par ailleurs nullement liée à des
contraintes juridiques ou fiscales qui
peuvent justifier l’absence de ce type
de structure dans d’autres dossiers.
Par exemple, la Double Luxco doit
souvent être abandonnée dans des
dossiers de refinancement pour des
problématiques de sous-capitalisation,
peut-être que tu pourras développer
Benjamin... La sûreté Double Luxco
fait en effet entrer de plein-pied le
financement dans les règles de sous-
capitalisation en venant limiter la
déductibilité des intérêts. Dans le cadre
d’une cession, la dette d’acquisition
La double Luxco
demeure une
contrainte de
syndication et
a encore de
de beaux jours
devant elle
“
”
Table rondeTable ronde
535352
sort du périmètre des règles de sous-
capitalisation car elle bénéficie de
l’une des exceptions qui est prévue
par la loi (à savoir la survenance d’un
changement de contrôle). Dans le cadre
d'un refinancement, on ne bénéficie
pas de cette exception. Et du coup,
on se retrouve dans l'impossibilité de
maintenir une structure Double Luxco.
Deux options s’offrent alors à nous:
une structure sans aucune protection
contre l’ouverture d’une sauvegarde
hostile (je pense à Loxham, Kaufman
& Broad) ou une structure dite FCPR
qui est une structure alternative
offrant une protection à peu près
équivalente mais qui est usuellement
réservée aux opérations mid cap. Le
FCPR n'ayant pas de personnalité
juridique, il ne peut par nature faire
l’objet d’une procédure collective.
Ce dernier consent une sureté sur les
titres de Bidco, sureté qui restera donc
réalisable nonobstant l’ouverture d’une
procédure sauvegarde à l’encontre de
Bidco ou de l’une de ses filiales. Sur le
papier, la principale différence réside
dans la possibilité pour les créanciers,
dans une structure Double Luxco, de
prendre l’equity, via une réalisation
de la sûreté luxembourgeoise, sans
accélération de leur dette alors que
dans le cadre d’une structure FCPR,
les créanciers devront, pour arriver
au même résultat, via une réalisation
de la sureté consentie par le FCPR
sur les actions de Bidco, accélérer leur
dette. Ceci étant dit, la réalisation sans
accélération soulève de nombreuses
questions juridiques et pratiques.
Benjamin Homo : Mais nous, le
dispositif reposant sur le nantissement
consenti par le FCPR, on le voit plutôt
sur des deals en deçà d’une certaine
taille...
Lætitia Costa : Normalement, c'est
une structure réservée aux opérations
small et mid cap et à des sponsors
français.
Benjamin Homo : À partir de 120
millions de financement, on sort de ça,
et on revient sur la Double Luxco.
Lætitia Costa : Oui, mais parce que
la structure Double Luxco est trop
coûteuse pour cette taille d'opération.
Xavier Leloup : Qui n'a jamais été
testée.
Lætitia Costa : Qui n'a en effet
jamais été testée à ma connaissance.
La structure FCPR est quant elle plus
facile dans sa mise en place, moins
coûteuse et moins controversée sur
un plan juridique que la structure dite
Double luxco.
Benjamin Homo : Mais l'effet des
garanties et des Doubles Luxco a pris
un relief particulier ces deux, trois
dernières années quand on a renégocié
des financements existants. Lorsqu’on
change de contrôle, et que la dette
devientexigibleàcetteoccasion,tousles
nouveaux prêts bancaires, quelles que
soient les garanties qui sont données,
qui servent à refinancer cette dette
devenue exigible, vont rester hors du
champ des règles de sous-capitalisation.
Au final, la dette existante reste ainsi
en dehors des calculs, et il n'y a que
la dette d'acquisition qui est un enjeu.
Quand on procède à un refinancement
sans changement de contrôle, on peut
avoir une dette qui avait été mise en
place avant 2011, avec beaucoup de
garanties, mais qui était en dehors du
champ des règles, parce qu'antérieure
à l'entrée en vigueur des nouveaux
textes. Son remplacement par
une nouvelle dette avec les mêmes
garanties fait basculer le groupe dans
les règles de sous-capitalisation, avec
potentiellement un écrasement de la
déductibilité des intérêts. Il est donc
important, lors d’une renégociation,
de s'assurer que les modifications sont
uniquementdesajustementsdestermes
de la dette existante et ne sont pas de
nature à créer une ‘‘nouvelle dette’’.
Et il y a des documentations où c'est
possible, et des documentations où ce
n'est pas possible car elles imposent de
tirer une nouvelle dette pour remplacer
l'ancienne. A ce sujet, l’évolution du
marché vers la mise en place de dettes
portables simplifie certes beaucoup
de choses, mais par définition ça veut
dire que ladite dette n'est plus exigible
en cas de changement de contrôle. La
capacité d’un acquéreur à se dire qu’il
peut consentir les garanties demandées
par les prêteurs dès lors que la dette
tirée sert à refinancer l’existant va être
impactée. Il y a là quelque chose qu'il
va falloir qu'on suive un petit peu.
Olivier Bénureau : Comment
voyez-vous l’année en cours ? Est-ce
que 2014 est vraiment l'année du
redémarrage du private equity en
France ?
Antoine Krug : En ce qui concerne
Siparex, 2013 a été une bonne année
en termes d'investissement avec
environ 80 millions d'euros pour le
Groupe. En matière de levée de fonds
et malgré un contexte difficile, nous
avons bouclé en ce début d’année la
levée de notre FCPR MidMarket III,
qui nous donne une force de frappe de
220 millions complémentaires pour
investir. En 2014, nous voyons l’année
avec optimisme ; nous avons d’ores
et déjà bouclé trois « closing » depuis
le début de l'année sur notre activité
midmarket, sur la lancée de 2013. Par
ailleurs, et même s’ils demeurent à des
conditions élevées, les financements
sont présents, pour autant qu’on
continue à avoir des effets de levier
raisonnables. Enfin, d'un point de vue
plus macro, le contexte économique
global est quand même meilleur qu'il
y a un an, que ce soit en France, ou
même à un niveau plus international.
Xavier Leloup : Donc les entreprises
ont plus de visibilité ?
Antoine Krug : Oui. On a vu déjà en
2013 un second semestre qui a été plus
serein que le premier, et on reste un
peu sur cette lancée-là pour le premier
trimestre 2014.
Xavier Leloup : Pour le business,
il y a plus de visibilité sur les cash
flow, non ?
Jean-Michel Vignaux : Plus de
visibilité, je ne sais pas. Peut-être
qu'elles hésitent moins à se dire
« finalement avant je reportais »,
et maintenant peut-être qu'elles
hésitent moins à dire : « j'y vais ».
Avant on entendait beaucoup plus
souvent : ‘‘je mets les freins, je gèle
mes investissements’’. Alors que
maintenant, on entend plus souvent: ‘‘
pourquoi ne pas y aller ?’’, avec malgré
tout beaucoup de précautions dans le
« process » pour border tout ça, mais
finalement on préfère l’action.
Xavier Leloup : On y va quand
même, on passe à l'acte.
Pierre-Emmanuel Chevalier : On a
intégré le fait, comme on disait, que
nous étions en croissance molle, et
Le «cov lite» se rencontre
ponctuellement sur les deal large
cap mais je n’en vois pas
sur les deals Smid-cap
Tristan Parisot
“
”
À partir de 120
millions de
financement,on
sort du FCPR et on
revient sur la Double
Luxco
Benjamin Homo
“
”
Table rondeTable ronde
555554
après l'avoir digéré, maintenant on
y est, mais il faut bien quand même
redresser, donc on y va, doucement,
des fois on s'arrête, mais on y va quand
même, et ça prend du temps, mais on
fait.
Jean-Michel Vignaux : Sans vouloir
être trop optimiste il semble qu’une
culture du risque commence à
réapparaître pour faire face à la crise.
Olivier Bénureau : La dynamique
américaine a une influence sur
l’Europe et la France ?
Tristan Parisot : Oui, les Américains
ont effectivement la chance de
bénéficier d'une économie qui est
très bien orientée et nous en profitons
indirectement. Cela dit, en France,
nous avons fait notre meilleure année
en 2013, que ce soit en termes de
sortie, de valorisation de portefeuilles
ou de nouveaux investissements. Nous
espérons bien sûr faire aussi bien, sinon
mieux, en 2014. Nous avons closé
notre premier deal en début d'année
avec Asmodée et espérons arranger un
financement en mezzanine dans les
prochaines semaines. Nous voyons pas
mal de choses, notamment des deals
en gré à gré, mais tous ne sont pas de
qualité. Dans nos métiers, cela ne tient
pas à grand-chose, il suffit de trois,
quatre deals pour réussir son année et
clamer que le marché est très actif.
Jean-Michel Vignaux : Je suis assez
d'accord.
Yann Bak : 2013 n’a pas été une année
exceptionnelle d’un point de vue macro
et 2014 est dans la même tendance,
peut-être même un peu mieux. Mais
on arrive à trouver des bonnes thèses
d'investissement. Si je regarde les
derniers deals réalisés - Trescal, Anios,
NHV - à chaque fois on a des groupes
avec des potentiels de développement
impressionnant, que ce soit organiques
ou M&A. Donc je n'ai aucun doute sur
le fait qu'on arrivera à trouver d'autres
cas d'investissements similaires. Après,
d'un point de vue ‘‘sortie’’, on est dans
un marché qui reste vendeur et assez
porteur. On a déjà deux-trois sorties
qui sont dans le pipe, donc je n'ai pas
trop de craintes sur ce sujet.
Stéphane Salustro : J'ajouterais sur
2014, et ça rejoint ce qu'on disait en
introduction, pour d’une certaine
manière boucler la boucle, que ce
qu'on voit, premièrement, c'est une
segmentation du marché en ce début
d'année, avec davantage d'activité
sur le large cap, et deuxièmement
peu de visibilité en général ne serait-
ce que parce que, je pense, il y a une
recrudescence des deals en gré à gré.
Partant de là, on anticipe d'être dans la
volumétrie de 2013, mais en tout état
de cause, il y a des actifs de qualité, il y
a eu des actifs de qualité sur le marché,
il va y en avoir, mais qui dit actifs de
qualité dit actifs pas seulement présents
en France, mais aussi et surtout à
l'international.
†† Yann Bak, Ardian
‘‘La réouverture du
marché donne plus de
cartes en main aux fonds
d’investissement, que
ce soit en cas de sortie
partielle ou en dual track’’
Ils ont dit :
†† Stéphane Salustro, PwC
‘‘Pour un fonds, je suis
persuadé que la spécialisation
sectorielle réduit les
distances’’
†† Antoine Krug, Siparex
‘‘Le sujet du développement à
l’international pour compenser
une croissance faible en
Europe est devenu un sujet de
préoccupation majeur pour
nos managers’’
Table rondeTable ronde
575756

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  • 1. TableRondePrivateEquity Mardi 8 Avril 2014. Dans les locaux du cabinet Wragge Lawrence Graham & Co, le Magazine des Affaires a donné rendez-vous à huit experts du LBO pour faire un état des lieux du marché français. Laetitia Costa Milbank Yann Bak Ardian Stéphane Salustro PwC Antoine Krug Siparex Benjamin Homo Mayer Brown Tristan Parisot European Capital Jean-Michel Vignaux Blue Cell Pierre-Emmanuel Chevalier Wragge
  • 2. Laetitia Costa 2014 sera-t-elle enfin l'année du retour en force du Private Equity ? Autour de la table ronde organisée par le Magazine des Affaires, huit grands spécialistes du LBO confrontent leur avis sur le redémarrage du LBO en 2014 et sur les évolutions du contexte économique, réglementaire, juridique et fiscal. Photographie : Fabrice de Silans †† Special Counsel au sein de l’équipe « Lev- eraged Finance » du bureau londonien du cabinet Milbank, Tweed, Hadley & McCloy que Laetitia Costa a rejoint en septembre dernier après 12 ans passés dans des cabinets du « Magic Circle » à Paris †† Spécialisée dans les opérations de finance- ment d'acquisition (en France et cross-border): LBO, financement structuré, restructurations et finance- ment immobilier. †† Laetitia Costa a notamment conseillé : •Goldman Sachs International, BNP Paribas, Deutsche Bank et Société Générale dans le cadre du refinancement (HY/SSRCF) de 375 M€ de la dette du Groupe Novacap •Goldman Sachs International dans le cadre du financement de 655 M€ du P to P lancé par Advent sur le Group Unit 4 •Le trio Clayton, Dubilier & Rice, Axa Pri- vate Equity et Caisse des Dépôts du Québec sur le financement de l’acquisition de Financière Spie pour 1,3 Md€ •Credit Suisse et Nomura à l’occasion du montage d’un financement de 545 M€ pour l’acquisi- tion de CEP par JC Flowers Xavier Leloup : Il se passe plein de choses en M&A en ce moment. Je dirais même que c'est un peu le feu d'artifice, surtout depuis dix jours. En revanche, sur le private equity, il y a habituellement une petite effervescence au printemps, et là, cela ne semble pas forcément le cas. Ou du moins sortir doucement. Alors, est-ce que c'est une fausse impression ou un vrai constat, et si oui pourquoi ? Benjamin Homo : En ce qui nous concerne, nous avons plutôt le sentiment que le marché est assez actif, et qu'il y a pas mal de choses dans le « pipe ». Je citais Numericable/SFR tout à l’heure, mais dans le private equity il y a le dossier Diana, dont on parle depuis longtemps mais qui se déroule maintenant, il y a eu tout récemment le dossier Ceva… Et ce regain d’activité couvre aussi des transactions de plus petite taille. Un fonds comme Montefiore Investment, par exemple, est très actif. Tout compris, nous avons une bonne quinzaine de missions en cours. Ce n'est donc pas si calme... Pierre-Emmanuel Chevalier : Je partage ton avis, effectivement, je trouve que le marché est relativement actif, compliqué encore car très concurrentiel avec des transactions plus longues à se réaliser. Il y a des choses dans le pipe, plus que l'année dernière en tout cas à la même époque. Après il est difficile de savoir ce qui se fera ou pas. Stéphane Salustro : Si je peux me permettre, effectivement en perception on a l'impression que le marché est actif, parce que je pense qu'il y a beaucoup de gré à gré, c'est en tout cas ce que nous constatons. Je citais tout à l'heure CST. C'est le parfait exemple d'une opération de type enchère qui a été interrompue il y a un peu moins de deux ans, et qui vient d’être menée en gré à gré par PAI Partners/Carlyle sans qu'il y ait une perception par le marché de processus actifs. Et il y en a d'autres, notamment APEM par ICG. Je pense que dans le premier exemple cité précédemment, ce n'est pas du « préemptif », c'est plutôt du « post- emptif ». Et il y a d’autres exemples récents sur le marché, d'opérations qui n'ont pas abouti à l’issue d’un processus de type auction, et se finissent par un deal de gré à gré, comme notamment l’acquisition de Kerneos par Astorg. Le vendeur préfère privilégier l'assurance d'aboutir à un deal plutôt que d'optimiser complètement la valeur ; il essaie de ne pas abîmer son actif. Antoine Krug : Dans les métiers d’investissement, il y a mécaniquement une période plus calme en fin et début d’année, période à laquelle les sociétés clôturent leurs comptes. Depuis quelques semaines, sur nos segments d’intervention, on constate un certain regain dans le nombre de sujets. Vous évoquiez une impression d’un marché calme, peut-être est-ce dû au fait qu’un certain nombre de sujets se traitent de gré à gré, avec des fonds d’investissements qui discutent beaucoup entre eux. Au global, le deal flow semble cependant assez actif en ce moment. Jean-MichelVignaux : A notre niveau, nous sommes actuellement sollicités par des small et mid caps dans le cadre soit d’opérations de croissance externe traditionnelle, soit dans le cadre de prises de participation minoritaire via des fonds d’investissements. Dans certains cas nous avons noté que certaines sociétés souhaitant lever des fonds pouvaient par ailleurs ne pas savoir comment réagir ou mal s’adapter lors de la réalisation des opérations de due diligence. En effet certains dirigeants ne savent pas comment réagir vis-à-vis des fonds, alors qu’en réalité la société peut ne pas poser de problèmes spécifiques en termes de business model. De plus on assiste parfois à des difficultés de négociation sur l’obtention des garanties de passif. Donc les due diligence peuvent prendre plus de temps car devenant très approfondies et de plus en plus larges. Elles peuvent intégrer des volets complémentaires tels que le corporate, le social, voire liés à de la propriété intellectuelle alors que dans d’autres cas de figure la due diligence aurait été limitée à un aspect financier et comptable. Xavier Leloup : Et comment ça, elles ne savent pas comment réagir par Table rondeTable ronde 373736
  • 3. Le financement unitranche sur des deals de valorisation inférieure à 50 M€ sera une des grandes tendances de l’année 2014 “ ” Tristan Parisot †† Directeur Général de European Capital depuis en 2009. Précédemment, il a passé plus de 10 ans chez 3i d’abord en tant que Chargé d’Affaires à Paris, Directeur de Participations à Nantes et enfin Directeur à Paris. †† Au cours de ses 18 années d’expérience dans le Private Equity, Tristan a réalisé et suivi de nombreuses opérations de LBO Mid-Cap major- itaires et minoritaires avec un focus particulier sur le secteur des services aux entreprises. †† Depuis 2012, European Capital a notam- ment participé : •Aux financements Unirate de Flexitallic, Unipex, Inseec et Asmodée •Au financement mezzanine de Precisium rapport au fonds ? Jean-Michel Vignaux : Pour vous donner un exemple, dans le cadre d’une due diligence qui a eu lieu sur une société avec des problématiques traditionnelles mais qui, par rapport aux attentes du fonds, s’est trouvée un peu démunie, parce qu'au cas d'espèce, elle n'avait pas de conseil vendeur qui puisse la coacher vis-à- vis de ses relations avec le fonds. Elle a donc été étonnée de la profondeur des investigations réalisées alors que le timing était serré. Ceci a créé des problèmes par rapport aux attentes des fonds qui en fait s’avéraient assez classiques dans ce cadre d’un investissement. Cela s’est avéré complexe en termes d’explications et il y avait un aspect didactique dans la réalisation de la due diligence. C'est une société dans laquelle on a passé un temps assez significatif en termes d’équipes du fait de la multiplicité des thèmes abordés mais sur une revue qui est finalement ce que j'appelle ‘‘flash’’ mais comprenant plusieurs volets. Finalement ils ne comprennent pas la réaction des fonds qui précisément souhaitaient des diligences approfondies au vu du calendrier. Yann Bak : Je voudrais revenir sur la question d'origine. J'ai une perception unpeudifférentesurleniveaud'activité dans le private equity: j'ai l'impression que le segment de l’ « Upper Mid-cap » est plutôt actif comme en témoignent toutes les transactions qui viennent d’être citées : Ceva, Diana je l'espère, Parex, Kerneos et CST. Néanmoins l’ensemble de ces deals sont plutôt au-dessus de 500 millions d’euros, or si on regarde le segment mid-cap historique, soit 150-500 millions, le deal flow est beaucoup plus faible voire de piètre qualité. Il y a sans doute certaines transactions de gré à gré en cours et qui ne sont pas officiellement sur le marché, mais je n'ai pas l'impression qu'on ait un deal flow réellement fourni non plus. Stéphane Salustro : Je partage cette vision sur la segmentation du marché. Laetitia Costa : C’est aussi ma perception. Elle s’explique je pense en partie par le retour sur le marché de dossiers dont la dette arrive à maturité et qui doivent donc faire l’objet soit d’un refinancement, soit d’une cession. Une autre explication du regain d’activité sur le large cap s’explique par un environnement économique favorable, surtout en Allemagne et au Royaume-Uni et enfin par des conditions de financement qui sont devenues très avantageuses, en témoigne celles du financement de l’acquisition du Groupe Ceva. Xavier Leloup : Ceva Santé ? Lætitia Costa : Oui. Fait nouveau, pour cette taille de transaction, les banques ont accepté de renoncer à la structure dite Double Luxco (qui est censée protéger les créanciers de l’ouverture d’une procédure de sauvegarde hostile) mais également d’avoir des cov-lite. Xavier Leloup : Et les fonds étrangers s'intéressent plus à la France qu'il y a un an ? Parce qu'il y avait une mauvaise perception de l'économie française pour tout un tas de raisons que l'on connaît, et souvent on entendait, je crois que d'ailleurs on en avait parlé, les fonds étrangers, les investisseurs étrangers hésitaient, même mettaient de côté volontairement la France quand ils faisaient une revue européenne. Il y avait même des comités d'investissements américains qui par principe ne voulaient pas se pencher sur la France. Est-ce exact ? Lætitia Costa : C’est effectivement ce que certains fonds US m’ont confié sur le dossier Diana par exemple. Benjamin Homo : Je l'entends encore. Xavier Leloup : C'est quelle activité, Diana, pour rappel ? Lætitia Costa : Diana produit des ingrédients naturels pour l’industrie agroalimentaire et animalière. Tristan Parisot : Tout à fait d’accord. Il y a 18 mois, il y avait une réelle défiance sur l’Europe notamment en raison des risques systémiques liés à l'euro. Cette défiance a aujourd’hui très fortement diminué. L’image de la France n'est pas aussi négative que ce qu'on veut bien penser. En private equity par exemple, la France reste le deuxième marché européen après l'Angleterre. Notre pays a développé des secteurs d’excellence dans lesquels nos groupes mais aussi des PME sont reconnues mondialement. Je pense notamment à l'agroalimentaire, le luxe, les cosmétiques, les transports et l’énergie pour n’en citer que quelques-uns. Notre maison mère, American Capital, est souvent impressionnée par les pépites françaises que nous dénichons. Ce qui les intéresse c’est le positionnement des sociétés que nous regardons, leur projet de développement, leur capacité à créer de la valeur en France ou à l’étranger et leur équipe de management. Les Américains ont une vision à long terme et connaissent suffisamment notre pays pour ne pas se laisser impressionner par le contexte global macro-économique et politique du moment. Antoine Krug : Pour compléter ce que vient de dire Tristan, je pense que l’éventuelle défiance qu’on a pu constater vis-à-vis de la France n’était pas tant liée à la qualité de nos sociétés françaises qu’à son environnement fiscal instable qui a constitué un frein pour réaliser des opérations. Xavier Leloup : C'est un tout. Lætitia Costa : Politique, fiscal et juridique, avec la crainte pour les prêteurs de faire les frais d’une procédure de sauvegarde et de manière générale de subir un droit des procédures collectives qui leur est défavorable. Benjamin Homo : Nous, on perçoit surtoutladéfiancedelapartdesprêteurs plus que de la part des investisseurs en equity. Le sentiment général est qu'on a un système français qui est compliqué et instable, et pas tellement ‘‘lender friendly’’. En pratique, on finit par ‘‘exporter’’ nos financements : la Double Luxco, c'est une façon de sortir de France la question des garanties. De même, quand on veut faire appel au marché américain, on entend beaucoup de prêteurs qui nous disent : ‘‘il faut un emprunteur américain, nous ne voulons pas d'emprunteur français’’. On se retrouve à créer des FinCo étrangères pour pouvoir lever les fonds sur le marché américain. C'est un peu navrant, mais c'est un constat que nous sommes obligés de faire. Et on entend beaucoup de prêteurs nous dire : ‘‘nous ne participons pas si vous ne nous trouvez pas un moyen d'éviter de prêter à la France’’. Au plan fiscal, c’est évidemment un sujet, parce que le financement doit in fine arriver en France et le passage par des entités liées étrangères complexifie assez vite la question de l’utilisation fiscale des charges financières… Lætitia Costa : C’est exactement la demande que je viens d’avoir dans une transaction US, une des MLAs a exigé un emprunteur US... Table rondeTable ronde 393938
  • 4. Aujourd'hui, un deal à trois ou quatre milliards d’euros peut être financé “ ” Yann Bak †† Director au sein de l’équipe Mid Market Ente- prise Capital d’Ardian dirigée par Philippe Poletti †† Depuis 10 ans au sein de l’équipe, Yann couvre les transactions situées entre 150 M€ et 1 Md€ de valeur entreprise †† Au cours des dernières années, il a notam- ment travaillé sur les investissements suivants : •Spotless Group •Larivière (distribution matériaux de toitures) •Outremer Telecom •Newrest (catering multi-secteurs) •Odigeo (GoVoyages/Opodo/eDreams) •Trescal (prestataire de métrologie) et Unipex Tristan Parisot : Mais la loi sur les procédures collectives évolue actuellement dans le bon sens pour les prêteurs. Lætitia Costa : En effet, la loi évolue, certes dans le bon sens, mais très lentement. L’ordonnance du 12 mars dernier a en effet conduit à un mini rééquilibrage des droits des créanciers d’entreprises en difficulté au détriment de leurs actionnaires. Mais n’a en revanche en rien affaibli la structure Double Luxco, contrairement à ce que j’ai pu entendre très récemment sur un dossier. La loi offre certes la possibilité aux créanciers de pouvoir dorénavant proposer un plan de sauvegarde qui va venirêtreencompétitionavecleplande sauvegarde proposé par le management du débiteur, mais c’est tout. Par ailleurs, si ce plan de sauvegarde contient un debt-equity swap, il faudra toujours l'accord de la majorité des deux tiers de l'actionnaire pour mettre en place ce plan de sauvegarde. Enfin et surtout, les créanciers demeurent toujours après l’ouverture de la procédure de sauvegarde dans l’impossibilité de prendre le contrôle du débiteur. Xavier Leloup : D'où l'utilité encore de la Double Luxco. Lætitia Costa : La Double Luxco, a, je pense encore de beaux jours devant elle. Malgré l’insistance de certains sponsors, les mêmes banques qui avaient accepté à contre coeur d’y renoncer sur le dossier Ceva ont opposé «un non ferme» sur le dossier Diana balayant l’argument du précédent (Ceva) et celui de la récente réforme du droit des procédures collectives qui serait venu affaiblir la Double Luxco. La Double Luxco demeure par ailleurs une contrainte de syndication. Benjamin Homo : La contrainte, c'est la syndication. Ce qui est mis en avant par les prêteurs, c'est : on ne trouvera pas preneur en syndication si on n’a pas la Double Luxco. Xavier Leloup : Donc c'est les frais de mise en place de la Double Luxco sont pour l'emprunteur ? Et ça coûte cher ? Lætitia Costa : Oui, ils sont pour l’emprunteur. La structure est suffisamment coûteuse en termes de mise en place et maintenance pour n’être réservée qu’à des transactions « large cap ». Pierre-Emmanuel Chevalier : La marge de négociation sur la clause de syndication est d’ailleurs proche du néant, c'est à la main du prêteur qui aura beaucoup de difficultés voir une réelle réticence à accepter toute modification pouvant limiter peu ou prou sa liberté de syndication. Lætitia Costa : Quand l'argument devient : ‘‘c'est un problème de syndication’’, il n'y a plus vraiment de négociation possible. Pierre-Emmanuel Chevalier : La clause est comme ça, et il ne faudra pas y toucher. Benjamin Homo : Dans le coût de la Double Luxco, il faut inclure... Lætitia Costa : Le possible coût fiscal, la mise en place et la maintenance. Benjamin Homo : Et il y a un effet ricochet sur la fiscalité ensuite, puisque par définition, on met en place la Double Luxco pour donner des garanties qui sont, du point de vue fiscal, de nature à placer la dette bancaire dans le champ direct de sous- capitalisation. En d’autres termes, on la traite comme une dette empruntée à des sociétés liées, et on écrase éventuellement le levier fiscal français à cause de ça. Lætitia Costa : C’est vrai, mais compte tenu de la structure des financements, senior/mezzanine complétée par une PIK, une double Frenchco qui vient optimiser le montant des intérêts déductibles est justifiable. Xavier Leloup : ‘‘Double frenchCo’’ ? Lætitia Costa : Depuis l'amendement Marini, la Double Luxco est souvent assortie d’une Double FrenchCo pour la raison que je viens d’évoquer. Benjamin Homo : Mais cette solution double FrenchCo pose question. Si elle aboutit à une maximisation du levier fiscal, l'administration pourrait tenter de soutenir que cette double structure n’a pas d’autre objet réel que cet effet fiscal favorable. Lætitia Costa : L’argument tient à la nature même des lignes de financement qui sont mises en place, à savoir des lignes de financement senior/mezzanine et PIK/HY et qui nécessitent deux voire trois niveaux d’investissement. Benjamin Homo : Il y a des arguments sur le plan bancaire. Le problème, c'est que quand on a au-dessus une Double Luxco, qui déjà sur le principe est supposée donner aux banques l'essentiel de ce qu'elles demandent, la justification de la double FrenchCo devient à notre sens plus fragile. Xavier Leloup : Pourquoi vous le faites à trois étages différents ? Lætitia Costa : Afin d'organiser une subordination structurelle des différentes lignes de financement : plus simplement, pour s'assurer que, dans le cadre d'une procédure liquidative, les créanciers junior n'aient accès aux actifs du groupe qu'une fois les créanciers senior intégralement désinteréssés. Xavier Leloup : Sur l'aspect marché, tout ce qui se passe sur le M&A, est-ce qu'il y a finalement matière, pour les fonds d'investissement, d'en profiter ? La bourse est au plus haut, les introductions en bourse se multiplient,ilyadesrapprochements corporate, mais souvent dans le sillage de ce type d'opérations, il y a des cessions d'actifs, de filiales. Est- ce un environnement porteur pour l'investissement en Private Equity ? Ou bien s'agit-il de deux mondes totalement étanches ? Antoine Krug : Cet environnement est effectivement porteur, les mondes ne sont pas étanches. Sur la partie introductions en bourse, il y a sûrement beaucoup de sociétés éligibles, mais une introduction n’est possible que lors de fenêtres de tirs qui sont courtes. Les sociétés intéressées doivent donc être prêtes à saisir ces fenêtres, avec des ouvertures sur le marché boursier qui peuvent ne durer que quelques mois. Concernant les petites capitalisations, il y a parfois des périodes d'euphorie sur ces marchés, qu’il faut savoir saisir. Pour les fonds actionnaires de cette typologie de société, cela peut constituer des opportunités de liquidité. Sur la partie M&A et corporate, le regain d’activité peut avoir des conséquences positives pour tout le marché du private equity. Concernant Siparex, nous voyons des dossiers de spin off, avec toute la difficulté que ce type d’opérations peut représenter sur des petites sociétés. Siparex a réalisé l’an dernier un spin off en reprenant la société CEBTP, qui réalise 110 millions d'euros dans le domaine de l’expertise technique pour la construction. Sur des opérations de spin off plus petites, il faut cependant avoir une grande vigilance car ces entités sont souvent pilotées par des cadres supérieurs qui ne seront pas forcément de bons managers dirigeants. Il faut donc un gros travail de convictions vis-à-vis des équipes qui vont être amenées à diriger la société. TristanParisot:Dansl’environnement actuel, les industriels sont à nouveau actifs et très enclins à revoir leur périmètre pour se concentrer sur des activités et des géographies qu’ils Table rondeTable ronde 414140
  • 5. Il faut une grande vigilance lors des spin- offs de petites sociétés car elles sont souvent pilotées par des cadres supérieurs qui ne seront pas forcément de bons managers dirigeants “ ” Antoine Krug †† Directeur Associé au sein de l’équipe Midmarket de Siparex †† Fondé en 1977, Siparex a effectué plus de 900 investissements pour 1,1 Md€ sous gestion et réalise des investissements en majoritaire ou minoritaire sur les segments du Small et Mid Cap †† En 15 ans passées chez Siparex, Antoine Krug a accompagné des entreprises allant de la PME à l’ETI parmi lesquelles on peut citer : •Ausy (SSII) •Legallais (quincaillerie industrielle) •Sergent Major (textile enfants) •La Grande Récré (jeux et jouets) •Roche Bobois (mobilier) considèrent comme prioritaires. En parallèle la cession d’autres activités et géographies leur permet de dégager les ressources nécessaires au financement de leur plan de croissance. Cet environnement incertain incite les industriels à faire des choix plus structurants, ce qui explique certainementlenombred’opportunités de spin-off en ce moment. Xavier Leloup : Comme Alstom qui a cédé au fonds allemand Triton. Tristan Parisot : Effectivement. Cela dit, il faut avoir en tête que l’étude, l’acquisition et l’intégration d’un spin-off peut s’avérer plus complexe que l’achat d’une société indépendante. Xavier Leloup : Parce qu'il y a un an, on disait qu'il y avait un problème de sourcing dans le marché du Private Equity français en raison notamment d'une raréfaction des deals primaires... Tristan Parisot : Le marché est plus actif en ce moment, notamment sur les transactions jusqu'à 200 millions d'euros. Au-delà, il y a effectivement moins d’opportunités en dehors des quelques deals large cap de place emblématiques, également plus nombreux cette année que l'année dernière. J’ajouterais que pour les prêteurs que nous sommes, le marché est beaucoup plus actif si vous incluez les projets de refinancement sur lesquels les sponsors travaillent activement en ce moment. Xavier Leloup : Et sur des montants plus importants, est-ce que les fonds sont susceptibles de faire des partenariats ? Par exemple, en infrastructure, c'est ce qu'ils font. Ils font des partenariats institutionnels, Ardian l'a fait avec Vinci Park il y a quelques semaines. C'est un cas de figure un peu particulier, mais est-ce que les fonds private equity traditionnel sont capables de faire des clubs deals ou des alliances pour prendre une société dont la valeur est plus importante que ce qu'ils font d'habitude ? Tristan Parisot : Ce n'est pas une question de taille mais une question d’alignement d’intérêt dans la création de valeur et à la sortie. Les deals entre fonds ou avec des institutionnels se développent mais avec des industriels ça reste compliqué. L’industriel a rarement pour objectif principal la maximisation de la création de valeur à la sortie. Yann Bak : Oui, je pense que ce type de partenariat est tout à fait possible. Là, on est en train de l'expérimenter aussi sur le Club Med où on a finalement le mariage d'un acteur français, Ardian, avec Fosun, un investisseur chinois. Chaque acteur apporte sa pierre à l'édifice et son expertise. Mais je rejoins le commentaire de Tristan sur le fait que le principal enjeu est la corporate governance et qu'il faut un alignement d'intérêts à la fois au cours de la vie du deal et lors de la sortie. Une fois qu'on a répondu à ces deux questions, c'est relativement simple... Stéphane Salustro : Pour en revenir à la question sur le dynamisme du marché corporate, et l’émulation créée par les marchés de capitaux sur l’activité du private equity, je pense qu'il y a le « pour » qui a déjà été évoqué, à savoir des opportunités de sorties pour les fonds, pour peu qu'on soit dans la bonne fenêtre de tir, mais également des opportunités d’acquisitions liées au recentrage post- fusion ou acquisition par les industriels qui déboucheront sur des spin-offs. Il y en a, et il va y en avoir, et il y en a qu'on voit moins, parce que ce sont des petites opérations en gré à gré d’industriel à industriel, qui s'échangent des actifs. A contrario, il y a le « contre » : le dynamisme des marchés de capitaux créé aussi de la concurrence pour les fonds à l’achat, sur les deals sponsors to sponsors où une partie du deal flow peut être tarie par des sorties vers les marchés de capitaux ou vers les industriels, plutôt que vers des fonds. Yann Bak : Votre question relative aux IPO est d’actualité puisqu’on vient justement d’introduire en bourse le groupe eDreams/Odigeo aujourd’hui. Mais une introduction en bourse n’est pas forcément adaptée à chaque situation. Dans le cas d’Odigeo, on a un leader sur les agences de voyages online avec un historique de croissance à deux chiffres. Le marché apprécie cette equity story surtout qu’il y a relativement peu d’acteurs online européens. Néanmoins tous les candidats à l’IPO n’ont pas ce profil. Par ailleurs il faut savoir vivre avec les contraintes d’une mise en bourse, notamment en termes de liquidité. D’un point de vue plus général, on s’aperçoit que la réouverture du marché donne plus de cartes en main aux fonds d’investissement, que ce soit en cas de sortie partielle comme dans le cas d’Odigeo ou en cas de dual track. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de process où le fonds lance un « dual-track » afin de faire monter les enchères et essaye de faire en sorte que le fonds, in fine, s'aligne sur un prix qui est proche de l'IPO. C’est ce qui semble se passer sur Applus et c’est un bon moyen de maintenir une intensité concurrentielle et de converger vers une sortie. Stéphane Salustro : Pour le vendeur ? Yann Bak : Pour le vendeur. Stéphane Salustro : C'est le sens de mon propos. Benjamin Homo : Mais au-delà d'une certaine taille de deals, l'IPO ne devient-elle pas, à défaut de financement ou d'appétit des acheteurs en private equity, un mode de sortie privilégié ? On peut prendre l’exemple d’Elior, cité dans les journaux, comme un IPO potentiel sur les mois à venir : sur des deals de cette taille-là aujourd'hui, l’introduction en bourse n’est-elle pas le seul moyen de liquidité à un horizon court, compte tenu d’un marché private equity qui pour l’instant n’a que peu d’appétit pour des transactions de cette taille ? Yann Bak : Je ne suis pas tout à fait d'accord. Je pense que le diagnostic était vrai il y a un ou deux ans, quand on avait vraiment des problèmes de liquidité sur le financement. Aujourd'hui, un deal à 3 ou 4 milliards peut être financé. Tristan Parisot : Tout dépend de sa qualité, en fait. Pour un deal large cap attractif, il y a beaucoup d’argent disponible aussi bien en equity qu’en financement. En revanche, pour un actif qui n'a pas démontré de création de valeur historique, les acteurs en capital mais aussi en financement sont beaucoup plus attentistes et prudents qu’auparavant. Yann Bak : Et en source de liquidité, je parle à la fois du financement bancaire classique - il y a l'unitranche qui se rajoute - mais également du financement High Yield qui permet fondamentalement de financer de grosses opérations, comme cela s’est fait récemment avec Kerneos. Dans un autre cas de figure, quand Altice fait une offre sur SFR et se ‘‘back’’ avec un financement de 10 milliards, la liquidité est là. Table rondeTable ronde 434342
  • 6. Certaines sociétés souhaitant lever des fonds ne savent pas toujours comment réagir lors de la réalisation des opérations de due diligence “ ” Jean-Michel Vignaux †† Associé fondateur de Blue Cell Con- sulting, cabinet indépendant créé en 2008 et spécialisé dans la due diligence financière, corporate et fiscale †† Ancien d’EY et de KPMG, Jean-Michel Vignaux intervient pour le compte de fonds d’investissement comme IDF Capital ou Bred Perspectives & Participations à l’occasion de leurs opérations de LBO, capital-développe- ment ou capital-risque en France et à l’étranger †† Formateur national au sein de la Com- pagnie Nationale des Commissaires aux Comptes †† Exemples d’opérations marquantes : •Viareport (éditeur de logiciels) •Artemys (SSII) •Arséo (Hi Tech & Software) Olivier Bénureau : J'aimerais juste rebondir sur les deals de 150 à 500 millions. Alors que le marché repart, on est plutôt en bas de cycle, donc ça devrait être un bon moment pour investir pour les fonds, comment expliquer dès lors qu'il y ait finalement peu d'activité sur ce segment-là qui est quand même le poumon du private equity ? Est-ce que c'est lié à l'exposition à des entreprises qui sont moins internationales ? Yann Bak : C’est ma perception sur la base de seulement un trimestre, cela peut donc évoluer. Concernant le deal flow qui vient du secondaire, je pense qu'une partie des contraintes est liée à certains objectifs psychologiques dans l'univers du private equity: quand on ne fait pas deux fois la mise, ce n'est pas un bon deal, donc on préfère à la limite attendre un peu, tester le marché en parallèle, et ne pas exposer l'actif lors d’un process. Et c'est ce qu'il se passe sur plusieurs sujets en cours. C'est une explication parmi d’autres. Je ne pense que cela soit lié à un déficit de sociétés internationales. Nos derniers investissements - Trescal, Anios et plus récemment NHV - partagent tous cette caractéristique. Et je pense qu'on trouvera toujours des sociétés françaises avec une exposition internationale intéressante. Tristan Parisot : Entièrement d'accord. Aujourd’hui, les process de cession sont souvent plus restreints, plus discrets. Il y a plus d’opportunités en gré à gré, avec des vendeurs qui veulent tester l'appétit de certains acheteurs, et inversement des acheteurs qui veulent sécuriser confidentiellement et en amont l’achat d’un actif qu’ils jugent très attractif. Sur Trescal par exemple, Ardian est allé voir 3i en disant : « c'est un actif qui nous intéresse, nous sommes prêts à vous offrir dès maintenant le prix que vous espérez obtenir en lançant votre process de vente en fin d’année». Ardian a intelligemment inclus dans sa valorisation les deux acquisitions que Trescal était en train de finaliser. A ma connaissance, et je parle sous contrôle de Yann bien sûr, le pari d’Ardian a été gagnant. Nous pourrions également citer Bridgepoint qui a acquis hors process Flexitallic auprès de Eurazeo. Sur notre segment du small et mid cap, la plupart des opportunités de financement que nous étudions actuellement font l’objet de processus de cession très restreint voire sont en gré à gré. Nous sommes d’ailleurs souvent approchés pour un financement unitranche par des fonds très soucieux de confidentialité. Les banques peuvent ne pas être mises dans la boucle car la confidentialité y est souvent plus difficile à contrôler. Stéphane Salustro : Il y a un autre sujet,onparlebeaucoupdesecondaires, mais je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de primaires dans les segments qu'on évoquait, en tout cas en France. Xavier Leloup : Sauf des spin-offs. Il y en a peu... Stéphane Salustro : Les spin-offs, on en parle, on a quelques exemples en tête, et on est en train de se dire qu'il va y en avoir davantage parce que le marché du M&A industriel est en effervescence, mais les spin-offs ne courent pas les rues. Jean-Michel Vignaux : On peut trouver des spin-offs parfois dans des grands groupes, on a eu le cas récemment, notamment quand des sociétés qui avaient investi dans des technologies lourdes ne voyaient plus l'intérêt de leur développement au vu de leur coût, et souhaitaient donc s’en désengager. Cela passait donc par un spin-off dans lequel un fonds avait lourdement investi alors qu’en face on avait une société qui, elle, n'arrivait pas concrètement à développer cette technologie. C'était dans des sociétés à l'étranger où le fond disait : « j'arrête, je ne souhaite plus financer ce type de technologie, on arrive à une limite ». Donc effectivement, le spin-off passait par le build-up, pour une société française. Stéphane Salustro : Juste pour en revenir au primaire, on peut se demander pourquoi il y a beaucoup moins de primaires en France qu'ailleurs. Et on en revient au sujet de l'environnement économique et fiscal, en particulier à la situation des entrepreneurs en France. Je ne suis pas sûr qu'un chef d'entreprise, quand il fait l'arbitrage entre un refinancement et une cession se pose la question très longtemps. Je laisse la parole aux spécialistes. Benjamin Homo : Ça a été très vrai en 2013, parce que pendant toute l'année on ne savait pas quel allait être le traitement d'un cédant- personne physique. On a commencé l'année avec un régime qui était vraiment défavorable. Dès avril il a été annoncé qu'il ne s'appliquerait pas, mais, on n'avait pas de texte officiel. Et finalement, on a voté un texte en fin d'année, qui s'appliquait rétroactivement en début d'année, et qui effectivement a ramené les taux d'imposition à des niveaux plus proches de ce qu'ils étaient auparavant. Aujourd'hui, le dispositif est quand même sur le principe plus balisé, même si l'expérience de ces deux ou trois dernières années montre qu'il ne faut jamais parier en début d'année sur la sauce à laquelle on sera mangé en fin d'année. Et l'un des problèmes c'est effectivement que la loi fiscale est généralement votée au moment des lois de finances de fin d'année, et qu'elle peut s'appliquer sur l'exercice. On peut donc se retrouver à payer une addition supérieure à celle anticipée à la date d’une transaction. Cela dit, pour 2014, à mon avis, cet enjeu devrait se dégonfler. Xavier Leloup : Est-ce qu'on a des fonds français qui s'intéressent à des actifs purement étrangers ? On nous en a parlé. Tristan Parisot : Effectivement, beaucoup de fonds, plutôt que de baisser leur niveau de sélectivité sur les deals qu’ils regardent en France, vont chercher des beaux actifs en dehors de France, dans les pays limitrophes. Pour les fonds qui n’ont pas de présence locale, la difficulté est de trouver le bon angle pour gagner le bon deal et pas celui que tous les fond locaux ont rejeté. Pour l’investissement en equity sur le segment du small et mid cap, la présence locale est indispensable. Le slogan de 3i, c’était « Think global, Act local ». Ce slogan qui a plus de vingt ans est toujours d’actualité dans le private equity. En financement, nous n’avons pas besoin d'avoir la même couverture géographique. Cela dit, la proximité est très valorisée par les sponsors. Antoine Krug : Pour un fonds généraliste, réaliser une opération dans un pays tiers me semble extrêmement compliqué, sauf à posséder un angle d’approche très spécifique ou une connaissance sectorielle très forte. Sur le mid cap, et encore plus sur le small, l’aspect culturel et la proximité avec les dirigeants est tellement essentielle, qu’il me semble très risqué de réaliser Table rondeTable ronde 454544
  • 7. Chez certains fonds, il y a une vraie mutualisation des ressources entre les différents bureaux “ Pierre-Emmanuel Chevalier †† Ancien de Lefèvre Pelletier et Associé du cabinet Wragge Lawrence Graham & Co depuis 2010, qui comprend 119 associés et plus de 1300 personnes dont 770 avocats. Présent dans dix bureaux à travers le monde, le cabinet regroupe 35 avocats à Paris. †† Activité centrée sur le M&A et le Private Equity dont le Private Equity à sous-jacent immobiliers †† Pierre-Emmanuel a notamment conseillé : •LBO France lors de la cession de Financière Selec à Powerhouse France pour une valeur de 1Md € (Financière Selec détient un portefeuille immobilier d’environ 7 600 maisons individuelles réparties dans toute la France et louées à EDF) ou les acquisitions du portefeuille Lips et de l’immeuble le Cap •Société Générale Capital Partners dans le cadre du LBO réalisé au côté de Cobepa sur le groupe de crèches Babilou des opérations sans avoir une présence et une culture locale. C’est le cas pour Siparex, présent en Espagne et en Italie avec l’appui d’équipes locales. Xavier Leloup : Donc ça ne peut se faire que pour les grosses cibles ? Antoine Krug : Des opérations peuvent être faites également sur des sujets plus petits mais, comme nous le faisons chez Siparex, avec des équipes locales. Olivier Bénureau : Ardian est un des fonds les plus actifs dans le build-up, en tout cas en 2013. Et sauf erreur de part, la plupart ont été faits à l'étranger. N’est-ce pas Yann ? Yann Bak : Dans tous les cas, le build- up reste un driver de création de valeur important. Ce driver a toujours existé mais il est sans doute plus systématique et peut faire partie du business model de la société : par exemple Trescal a réalisé 15 acquisitions en près de 5 ans et depuis le closing nous en sommes déjà à 4 acquisitions. Dun point de vue plus général, il est vrai qu’on sort de plus en plus des frontières de l’Europe pour nos stratégies de build-up et que des acquisitions en Inde, Chine, États Unis, Brésil sont désormais plus communes. On s’aperçoit que certains acteurs étendent également leurs zones d’intervention en dehors de France ou d'Europe et pas uniquement sur des build-up. Le cas de Wendel est intéressant. Ils passent plus qu'une frontière et ont déjà réalisé deux dossiers en Afrique. Stéphane Salustro : Sachant que Wendel « s'équipe » pour passer les frontières. Ils ont maintenant une équipe dévolue aux sujets Afrique. Ils ont aussi une équipe aux US... Ce qui rejoint le point que vous faisiez sur la nécessité d’une présence locale. Tristan Parisot : Il faut avoir soit une présence locale, sinon une organisation sectorielle avec des experts ayant une vision internationale d’un secteur. Cette approche autour de quelques secteurs cibles fait aussi beaucoup de sens notamment sur le segment du mid large cap. Benjamin Homo : Chez l’un de mes clients, l'équipe française du fonds a géré de A à Z un investissement en Grèce. C'est en soi un monde assez différent, surtout en ce moment, et de fait ils ont été obligés de mettre beaucoup de moyens sur les conseils : ils n'avaient pas de présence locale, ils ont été obligés de faire appel à énormément de support. Mais c’est à mon sens une exception liée au fait qu’il y avait vraiment une opportunité sur ce dossier, ce qui les a décidés à le faire. Il y avait effectivement une prise de risque, clairement. Pierre-Emmanuel Chevalier : Chez certains fonds, il y a une vraie mutualisation des ressources entre les différents bureaux. Par exemple, l’un de mes clients qui dispose de plusieurs bureaux en Europe n’hésite pas à envoyer certains membres d’un bureau « moins occupé » temporairement donner des coups de main à un autre bureau qui lui est en phase active sur une transaction. Cela permet d'avoir une structure moins importante dans chaque pays, mais d'avoir la présence locale nécessaire à l’origination d’un deal. Stéphane Salustro : Je pense que la dimension spécialisation sectorielle est intéressante et complémentaire de la dimension géographique, parce que je suis persuadé que la spécialisation sectorielle réduit les distances. Il y a une différence entre investir à l'étranger quand on est un fonds, c’est à dire aller chercher des opportunités à l'étranger sans présence locale versus faire du build-up à l’étranger. Le build-up c'est, comme on le disait, un vecteur de création de valeur, et la valeur on va la chercher souvent hors de nos frontières, là où se trouve la croissance. Le build-up, qui le gère ? C'est souvent le management de la portfolio compagnie qui, pour le coup, a par essence cette spécialisation sectorielle et a plus de capacité à identifier, sur des nouveaux marchés, des cibles qui vont générer de la création de valeur versus l'acquisition par un fonds d'une cible sur un secteur qui n'est pas obligatoirement le sien. Olivier Bénureau : Si les corporate sont très actifs en matière d’acquisitions dans les pays émergents, j’ai l’impression que les fonds le sont beaucoup moins. Je me trompe ? Lætitia Costa : Dans une stratégie de vente, la dimension «internationale» est importante car synonyme de relais de croissance, or pour trouver une croissance à deux chiffres aujourd’hui il faut s’éloigner de l’Europe et regarder les pays émergents. C’est pourquoi, lorsque cela fait du sens en terme de stratégie et de synergies, les fonds saisissent aujourd’hui non seulement l’opportunité de refinancer une dette d’acquisition existante couteuse mais en profite également pour, à défaut de vendre dans l’immédiat, mettre en place des ligne de croissance externe pour revaloriser leur investissements. C’est par exemple ce que le fonds Ardian a accompli avec le groupe Novacap, par des investissements en Asie ou auparavant avec le groupe Spotless. Yann Bak : Il y a eu plusieurs acquisitions : une en France avec également une petite activité au Brésil et une deuxième en Chine. L'histoire de Spotless était une histoire de développement européenne avec six acquisitions réalisées en Europe. En revanche sur nos dernières acquisitions la part des build-up en dehors de France et en dehors d’Europe est encore plus importante : nous venons de finaliser une deuxième acquisition pour Trescal aux Etats-Unis et Novacap a réalisé une acquisition en Chine l’année dernière. Olivier Bénureau : Quelle taille faisait cette acquisition ? Yann Bak : Près de 70 millions d’euros en chiffre d’affaires et beaucoup plus en terme d’employés. Je crois que près de la moitié des employés de Novacap est désormais localisée en Asie. Et c’est sur ce type d’acquisitions que la présence locale est importante. Compte tenu des cultures différentes et des barrières linguistiques, un membre de notre bureau de Pékin nous a accompagnés dans l’étude de ce build-up. Les besoins ne sont pas les mêmes aux Etats-Unis. Lors d’un build-up dans ce pays, on arrive à traiter en direct sans faire intervenir d’équipe locale. Antoine Krug : La croissance de nos sociétés passe effectivement par le build up, mais également par la croissance interne et le développement international. Parmi nos participations récentes, on peut évoquer le cas d’Ausy, entreprise dans laquelle nous avons spécifiquement investi il y a trois ans pour accompagner la croissance hors de France. Depuis lors, la société a réalisé trois opérations d’acquisition à l’international, portant son chiffre d’affaires hors de France de 16 millions d'euros à 90 millions d'euros sur la période.Defaçonplusgénérale,cesujet du développement à l’international, pour compenser une croissance en Europe qui risque de continuer à être faible à moyen terme, es devenu un sujet de préoccupation majeur pour nos managers. On constate de leur part une demande d’accompagnement beaucoup plus forte. Un fonds d’investissement n’est cependant pas forcément outillé pour accompagner une ETI française à se développer au Vietnam ou au Brésil. Concernant Siparex, nous avons répondu à cette attente de nos dirigeants en nouant un partenariat en 2012 avec la société Erai, ” Table rondeTable ronde 474746
  • 8. Stéphane Salustro †† Associé au sein du pôle Transaction Services de PwC †† 16 ans d’expérience en transactions dont 3 passés à New-York †† Spécialiste des missions de Due Diligence financières à l’achat ou à la vente pour le compte de grands corporate (Lagardere, Air France KLM, Alstom) ou de fonds de LBO large et mid-cap comme PAI Partners, Eurazeo ou Activa Capital †† Exemples d’opérations marquantes : •Spin-off de l’activité capteurs de Schneider Electric (CST), reprise par PAI Partners et Carlyle •Acquisition de Barfield (USA) filiale de Sabena Technics, par Air France-KLM •Reprise d’APEM par ICG •Cession d’Arc International Cookware (AIC) par Arc International •Acquisition de Nexeya par Activa Capital et BPI France présente dans une trentaine de pays, et qui est spécialisée dans le business développement à l’international. A ce stade, ce partenariat a déjà abouti à la réalisation de plus d’une vingtaine de missions pour le compte des sociétés de notre portefeuille. Par ailleurs, nous avons toujours développé une approche forte de la notion de réseau, via le Club Siparex, qui regroupe l’ensemble de nos participations, nos souscripteurs institutionnels et family offices, et qui constituentunoutilfortdenetworking, en France mais également à l’export. Cette importance grandissante de la dimension internationale constitue ainsi une vraie évolution dans nos approches des sociétés et dans nos relations avec les dirigeants. Tristan Parisot : Tout à fait d’accord avec toi, Antoine. En ce qui nous concerne, nous nous appuyons beaucoup sur notre réseau américain pour apporter de la valeur ajoutée aux PME que nous accompagnons. Sur Flexitallic, par exemple, nous avons présenté au CEO français nos experts Oil & Gas basés au Texas ainsi que des boutiques M&A spécialisées dans le secteur Oil & Gas. Plus récemment, sur notre dernier deal, Asmodée, closé en janvier, nous avons fait intervenir notre expert américain qui a partagé avec le dirigeant français et avec Eurazeo, son actionnaire majoritaire, sa vision du marché du jeu aux Etats- Unis et plus globalement du jeu on- line. Cette valeur ajoutée rarissime de la part d’un fond de dette a été tellement appréciée que nous avons aujourd’hui deux personnes de chez nous, dont notre expert bien sûr, qui siègent au conseil, ce qui n’est pas fréquent pour un prêteur ! Pierre-Emmanuel Chevalier : Après, dans un univers plus européen, dans le cadre de certains dossiers on a vu qu'effectivement le choix du management s’est porté sur le fonds qui a été capable de lui assurer qu’il serait capable de les accompagner dans le développement de la cible hors de l’Hexagone, développement qui d’ailleurs est le plus souvent critique en termes de création de valeur ; et cela est d’ailleurs vrai en Europe mais également de façon plus globale. Tristan Parisot : La valeur ajoutée de la part des fonds est souvent restée à l’état de promesse. Cela est en train de changer. Les dirigeants veulent de plus en plus des partenaires capables de les accompagner, et leur apporter de la valeur ajoutée qui peut être multi facette selon leur problématique. Le bon ‘‘fit’’ qui suffisait souvent à gagner un deal dans les années 90 ne suffit clairement plus aujourd’hui. Chaque fonds doit avoir une proposition différenciante en fonction de son histoire, de son ancrage régional ou international, de son expertise sectorielle et/ou opérationnelle. Olivier Bénureau : Jean-Michel, votre métier consiste à challenger les business models des entreprises. Est- ce que la croissance à l’international des entreprises sur le Smid-Cap gagne du terrain ? Jean-Michel Vignaux : Disons que c'est quelque chose qu'on voit de plus en plus depuis deux ans maintenant, mais il y a une chose qui est importante maintenant, ce qu'on nous demande de plus en plus : c'est le post-acquisition. Evidemment, il peut y avoir des choses qu'on ne fait pas forcément qui sont le networking à l'étranger. Il y a les due diligence post acquisition qui est l'accompagnement de structures, qui quelques fois sont des petites structures à l'étranger. Tout à l'heure, on parlait de technologie, effectivement,lessociétésvontchercher à trouver dans certains cas la croissance ou la technologie qu'elles ne trouvent pas en France. Mais le problème, c'est que la plupart du temps, l’aspect post acquisition n’est pas anticipé. Pourquoi ? Parce qu'il y a des aspects culturels, quelqu'un en parlait tout à l'heure, il y a des aspects organisationnels, et en fait, dans ces cas-là, ils demandent tout simplement à la structure qui les a accompagnés lors des due diligence de continuer à les accompagner pendant un certain temps, qui peut être deux mois, trois mois, je dirais jusqu'à ce que la société prenne tout simplement son autonomie par exemple sur des thèmes liés à la mise en place de reportings, de suivi de cash flows, de niveau de résultat etc… Les fonds le demandent dans certains cas. Récemment un dirigeant nous interpellait sur plusieurs thèmes à caractère financier et juridique, parce qu'effectivement, le business model en période de faible démarrage n’est pas toujours évident à apprécier. Un dirigeant à qui on demandait récemment : ‘‘pourquoi finalement vous allez vous lancer dans du build- up aujourd’hui ?’’, répondait : ‘‘parce que si je ne le fais pas, je recule, et actuellement je dois aller chercher de la croissance qui passe par du build-up, de la croissance externe’’. Olivier Bénureau : Et on le rappelle, il y a des statistiques qui tendent à montrer que les opérations de croissance externe ne sont pas toujours créatrices de valeur. Il y a une opération sur deux où la greffe ne prend pas… Jean-Michel Vignaux : Je ne sais plus qui parlait tout à l'heure des problématiques de culture. En fait la greffe ne se fait souvent pas quand des équipes doivent se mélanger parce que souvent, au-delà des aspects purement financiers ou juridiques, on s’aperçoit que la création de valeur bute sur les différences de cultures d'entreprise. Ce cas de figure se présente souvent et on a alors énormément de mal à chiffrer ce qu'on appelle des synergies. C'est toujours délicat parce que l'acquisition se fait pour de la création de valeur, et la création de valeur, normalement, c'est un, la rentabilité, mais deux, les synergies. Et ça, on a de plus en plus de mal à les chiffrer. XavierLeloup:Oui,c'estimmatériel. Jean-Michel Vignaux : C'est totalement immatériel. On peut mettre ça dans ce qu'on appelle le goodwill. Récemment une société spécialisée dans les processus informatiques qu'on a accompagnée dans l'acquisition d’une small cap avait identifié comme l’un des risques majeurs de l’opération le fait que de jeunes équipes pouvaient avoir des problèmes d’intégration dans un nouveau groupe, qui impliquait des nouvelles règles au vu de la taille de la structure acquéreuse. L’aspect intégration devenait prépondérant en termes de culture d’entreprise, même si les deux business models étaient, à l’évidence, complémentaires. Yann Bak : Sur la question des build- up, effectivement, on a quelques statistiques en tête selon lesquelles une acquisition sur deux réalisée par un corporate ne marcherait pas, etc... Nous n'avons pas les mêmes chiffres dans le private equity, mais j'imagine que ce ratio est beaucoup plus faible. Une des problématiques des stratégies de build-up est liée à l’intégration d’équipes de management aux cultures d’entreprise différente. Or la possibilité pour les équipes de management de build-up d'investir dans l'opération, d'être alignées sur un projet commun facilite quand même les choses. Je ne suis pas sûr que ce soit la seule clé du succès, mais je sais qu'on le propose, nous, de façon systématique. Cela permet quand même de tirer dans la même direction. Tristan Parisot : Je suis d'accord avec Yann. Les fonds ont une vraie valeur ajoutée en matière de build-up depuis le sourcing jusqu’à l’intégration en Il ne faut pas négliger la valeur ajoutée qu'apportent les équipes de fonds de LBO “ ” Table rondeTable ronde 494948
  • 9. On perçoit surtout la défiance de la part des prêteurs plus que de la part des investisseurs en equity “ ” Benjamin Homo †† Ancien d’Andersen et Associé co-fonda teur du département fiscal du cabinet Mayer Brown à Paris †† Spécialiste du Private Equity et la structuration de transactions pour le compte de fonds comme Montefiore, LBO France, Oaktree ou Charterhouse †† Exemples d’opérations marquantes : •Structuration fiscale des cessions, par Matéris, de Kerneos à Astorg Partners (600 M€) et de Parex à CVC Capital (880 M€) •Conseil d’Oaktree Capital sur l’acquisition et le refinancement d’Ileos, ainsi que sur le refinancement du groupe SGD •Acquisition et refinancements de Consolis par LBO France •Acquisition et refinancement d’Elis par Eurazeo passant par l’exécution bien sûr. Pour moi, un build-up doit s'accompagner d’un plan de route incluant un plan d'action à 100 ou 180 jours validé par ou avec le sponsor, et différents chantiers avec des équipes projet et des objectifs clairs pour s’assurer que l'intégration se fait le plus rapidement possible. Olivier Bénureau : Vous l'estimez à combien le taux de réussite des build- up dans le capital investissement français? Yann Bak : Franchement, je n'ai pas de statistiques pour l’industrie. Mais si je prends le cas d’Ardian, j’ai en tête uniquement deux acquisitions qui ont mal tourné sur près de 60 build-up. Antoine Krug : Il est difficile de tenir ce genre de statistiques. Les dirigeants de nos participations, qui ont généralement une implication actionnariale forte, sont prudents dans leur approche des opérations de croissance externe. Il y a donc très peu d’échecs. On peut cependant constater des délais d’intégration plus longs que ceux initialement anticipés, mais, heureusement il y a très peu d’échecs. Stéphane Salustro : Il ne faut pas négliger la valeur ajoutée qu'apportent les équipes de fonds de LBO à ce type d'opération. Au-delà, il y a une chose dont on n’a pas parlé, c'est le phasing du build-up. On a vu pas mal de dossiers récemment dont l’une des caractéristiques est l’acquisition d’actifs supplémentaires en fin de vie du cycle d'investissement : et ceux-là ont tendance à être discountés lors des due diligences par les acquéreurs potentiels, qui vont accorder plus de valeur à la performance « like for like ». Alors que les build-ups en milieu ou en début de cycle peuvent être assimilés à de la croissance organique, pour peu qu’un historique suffisant, de deux-trois ans valide la thèse d’investissement. Et il y a un troisième cas de figure, c'est le build-up post-acquisition, c'est- à-dire le pipeline, et pour le coup, celui-là peut apporter une valeur supplémentaire marginale non incluse dans le périmètre organique, pour peu qu’il soit « marketé » au moment de la transaction. Tristan Parisot : Il n’est pas toujours facile de dire si un build-up a été ou non un succès. Cela dépend des critères retenus. J'ai en tête l’exemple d'une société dans l’agroalimentaire qui a fait une acquisition en Pologne. Les synergies industrielles espérées n'ont pas été au rendez-vous, et cette filiale a été revendue quelques années plus tard en « stand alone » avec une plus- value appréciable grâce à un « PE arbitrage » très positif. In fine, cet « aller-retour financier » s’est donc avéré très bénéfique du point de vue de l’actionnaire financier. Xavier Leloup : Juste un petit mot sur Bpifrance, on a l'impression qu'ils sont partout, ils arrosent le marché. C'est de la concurrence déloyale pour les fonds ? Ou c'est un partenaire bienvenu ? Antoine Krug : Siparex a réalisé des co investissements avec Bpifrance qui intervient en effet quasi exclusivement en co investissement, aux côtés de fonds de la place, donc dans des conditions qui agréent à l’ensemble du tour de table. Il s’agit donc pour nous d’un véritable partenaire, qui apporte des moyens complémentaires pour réaliser des opérations plus significatives, sur lesquelles nous conservons le leadership. Récemment, pour l’une de nos participations, qui souhaitait réaliser une augmentation de capital pour des montants qui en 2011 étaient un peu élevés pour Siparex seul, nous avons pu syndiquer une partie de l’opération en les faisant co investir à nos côtés, dans des conditions de valorisation et de gouvernance que nous avions au préalable négociées avec la société. Xavier Leloup : Et ils ont une politique d'investissement qui diffère du feu le FSI ? Antoine Krug : Je ne connais pas assez précisément leur stratégie d’investissement pour la commenter. Mais il me semble avoir cependant une approche compatible avec celle de Siparex, notamment en termes de structuration et de leviers bancaires à des niveaux plutôt prudents Olivier Bénureau : Pour revenir sur le financement, Antoine, vous disiez que désormais les financements unitranche étaient possibles même sur le Smid-Cap. C’est bien cela ? Antoine Krug : Le financement unitranche est maintenant devenu une option y compris sur les tailles d’opérations visées par Siparex. Nous ne l’avons pas encore utilisé, mais cette option a été en concurrence avec des financements plus classiques dans un deal récent que nous avons finalisé. Cela ouvre le champ des possibles en matière de financement et peut constituer dorénavant une alternative au financement bancaire, ce qui n’était pas encore le cas sur notre segment de marché il y a encore quelques mois. Tristan Parisot : Jusqu'à présent, il y a eu très peu d'unitranche mis en place sur des valorisations inférieures à 50 millions. En 2013 il y a eu 30 financements unitranche en Europe, à ma connaissance, seuls trois ont concerné des valorisations inférieures à Table rondeTable ronde 515150
  • 10. 50 millions. Mais je suis d'accord avec Antoine, le financement unitranche sur des deals de valorisation inférieure sera, j’en suis convaincu, une des grandes tendances de l’année 2014. Olivier Bénureau : De quel ordre ? De mémoire, le plus petit High Yield était de 180 millions d'euros en France ? Lætitia Costa : C'est ce qu'on disait tout à l'heure, c'est vrai qu'il était plutôt autour des 180-200, et les dernières opérations, qui ne sont pas encore sorties, tournent autour de 150-170. Ce qui met le High Yield en compétition avec d'autres produits. Tristan Parisot : Le High Yield est une offre complémentaire de l’unitranche pour les emprunteurs mid-large cap mais c’est un outil de financement qui est plus volatil et incertain. Lætitia Costa : Le marché du High Yield est en effet un marché qui se referme très vite en témoigne l’expérience de ces trois dernières années. Antoine Krug : Ces types de financement sont maintenant proposés sur des sociétés plus petites, avec des valorisations de quelques dizaines de millions d’euros. Sur ces entreprises, les meilleurs financeurs restent cependant les banques commerciales de la société, qui ont uneconnaissancehistoriquedelacible et propose souvent des conditions de rémunération favorables. Xavier Leloup : Le produit unitranche est le même quand on le propose à une société pour des besoins de 500 millions ou de 30 millions d'euros ? C'est la même chose ? Lætitia Costa : Oui, il n’y pas de différence. Xavier Leloup: Et c'est moins cher pour des plus petits montants ? Est-ce qu'ils font des offres moins chères ? Tristan Parisot : Pas forcément, le prix est directement relié au risque pris par le prêteur. Ce risque s’apprécie en fonction du levier de financement mais aussi des caractéristiques de l’actif. Toute chose étant égale par ailleurs, une société plus petite est par nature plus risquée. Xavier Leloup : Donc c'est la même chose, ça se démocratise. Tristan Parisot : Plus la taille de l'entreprise est grande, plus elle a accès à des sources de financement variées : all-senior, senior plus mezzanine, unitranche, High Yield, obligations privées, financement aux US. Sur le marché du small/mid cap sur lequel nous intervenons, les choix sont plus restreints. L’emprunteur a le choix entre un financement classique, all senior ou senior plus mezzanine, ou l’unirate. Xavier Leloup : Et le financement de manière générale, ce n'est plus un sujet ? C'est ce que vous disiez, il y a énormément de gens qui veulent prêter, c'est moins cher. Tristan Parisot : Oui, aujourd'hui il y a beaucoup de liquidités. Chaque offre de financement a ses spécificités mais aujourd’hui on peut dire que les beaux projets n'ont aucun problème pour boucler leurs financements assez rapidement. Lætitia Costa : Et toutes les protections que les banques avaient négociées dans la documentation de financement post « Credit Crunch » ont pour la plupart été remises en question. Xavier Leloup : Ce qui fait dire à certains qu'on revient à l’époque d’avant crise. Lætitia Costa : Oui, vraiment. Aujourd'hui je négocie une documentation bancaire qui est à certains égards bien plus agressive que celle de 2007. Xavier Leloup : Plus agressive, ça se manifeste comment concrètement ? Lætitia Costa : Par la réapparition de souplesses, flexibilités que les banques avait bannies des documents de financement LBO post credit crunch et qui portent les doux noms de «cove- lite», «springing covenants», «honey moon», «soft mulligan»/mulligan, «equity cure» version 2007, apparition de security package allégés, le tout combiné à des leviers oscillant entre sept et dix, ce qui laisse peu de marge de manoeuvre au débiteur par rapport au business plan initial. Lorsque le défaut survient au titre de la documentation bancaire (s’il survient...), il sera souvent trop tard pour réunir le débiteur et ses créanciers autour d’une table. Le plus surprenant, c’est la coexistence de ce retour pour le goût du risque alors, qu’au même moment, sortent des dossiers en restructuration, du type Vivarte, dans lesquels certains établissements financiers vont laisser quelques plumes..... Tristan Parisot : Le « cov lite » se rencontre ponctuellement sur les deal large cap mais je n’en vois pas sur les deals Smid-cap. Xavier Leloup : Donc il y a un nouvel appétit pour le risque. Laetitia Costa : Oui, de part et d’autres d’ailleurs, une sorte de «lâcher prise» collectif, sur certains dossiers en tout cas. La Double Luxco fait partie des rares protections auxquelles les banques n’ont pas renoncé. Le dossier Diana a servi de test sur ce point. Je ne pense que la documentation bancaire de Ceva fasse jurisprudence. Xavier Leloup : Mais Ceva, c'est particulier, puisqu'ils avaient fait plusieurs LBO donc le management est très rompu à cet exercice. Je crois que c'est le troisième ou quatrième LBO. Lætitia Costa : Ils étaient très rompus à l'exercice, car abordaient leur quatrième LBO. L’absence de structure Double Luxco faisait partie des premières conditions du management avec les «springing covenant». L’absence de Double Luxco n’était par ailleurs nullement liée à des contraintes juridiques ou fiscales qui peuvent justifier l’absence de ce type de structure dans d’autres dossiers. Par exemple, la Double Luxco doit souvent être abandonnée dans des dossiers de refinancement pour des problématiques de sous-capitalisation, peut-être que tu pourras développer Benjamin... La sûreté Double Luxco fait en effet entrer de plein-pied le financement dans les règles de sous- capitalisation en venant limiter la déductibilité des intérêts. Dans le cadre d’une cession, la dette d’acquisition La double Luxco demeure une contrainte de syndication et a encore de de beaux jours devant elle “ ” Table rondeTable ronde 535352
  • 11. sort du périmètre des règles de sous- capitalisation car elle bénéficie de l’une des exceptions qui est prévue par la loi (à savoir la survenance d’un changement de contrôle). Dans le cadre d'un refinancement, on ne bénéficie pas de cette exception. Et du coup, on se retrouve dans l'impossibilité de maintenir une structure Double Luxco. Deux options s’offrent alors à nous: une structure sans aucune protection contre l’ouverture d’une sauvegarde hostile (je pense à Loxham, Kaufman & Broad) ou une structure dite FCPR qui est une structure alternative offrant une protection à peu près équivalente mais qui est usuellement réservée aux opérations mid cap. Le FCPR n'ayant pas de personnalité juridique, il ne peut par nature faire l’objet d’une procédure collective. Ce dernier consent une sureté sur les titres de Bidco, sureté qui restera donc réalisable nonobstant l’ouverture d’une procédure sauvegarde à l’encontre de Bidco ou de l’une de ses filiales. Sur le papier, la principale différence réside dans la possibilité pour les créanciers, dans une structure Double Luxco, de prendre l’equity, via une réalisation de la sûreté luxembourgeoise, sans accélération de leur dette alors que dans le cadre d’une structure FCPR, les créanciers devront, pour arriver au même résultat, via une réalisation de la sureté consentie par le FCPR sur les actions de Bidco, accélérer leur dette. Ceci étant dit, la réalisation sans accélération soulève de nombreuses questions juridiques et pratiques. Benjamin Homo : Mais nous, le dispositif reposant sur le nantissement consenti par le FCPR, on le voit plutôt sur des deals en deçà d’une certaine taille... Lætitia Costa : Normalement, c'est une structure réservée aux opérations small et mid cap et à des sponsors français. Benjamin Homo : À partir de 120 millions de financement, on sort de ça, et on revient sur la Double Luxco. Lætitia Costa : Oui, mais parce que la structure Double Luxco est trop coûteuse pour cette taille d'opération. Xavier Leloup : Qui n'a jamais été testée. Lætitia Costa : Qui n'a en effet jamais été testée à ma connaissance. La structure FCPR est quant elle plus facile dans sa mise en place, moins coûteuse et moins controversée sur un plan juridique que la structure dite Double luxco. Benjamin Homo : Mais l'effet des garanties et des Doubles Luxco a pris un relief particulier ces deux, trois dernières années quand on a renégocié des financements existants. Lorsqu’on change de contrôle, et que la dette devientexigibleàcetteoccasion,tousles nouveaux prêts bancaires, quelles que soient les garanties qui sont données, qui servent à refinancer cette dette devenue exigible, vont rester hors du champ des règles de sous-capitalisation. Au final, la dette existante reste ainsi en dehors des calculs, et il n'y a que la dette d'acquisition qui est un enjeu. Quand on procède à un refinancement sans changement de contrôle, on peut avoir une dette qui avait été mise en place avant 2011, avec beaucoup de garanties, mais qui était en dehors du champ des règles, parce qu'antérieure à l'entrée en vigueur des nouveaux textes. Son remplacement par une nouvelle dette avec les mêmes garanties fait basculer le groupe dans les règles de sous-capitalisation, avec potentiellement un écrasement de la déductibilité des intérêts. Il est donc important, lors d’une renégociation, de s'assurer que les modifications sont uniquementdesajustementsdestermes de la dette existante et ne sont pas de nature à créer une ‘‘nouvelle dette’’. Et il y a des documentations où c'est possible, et des documentations où ce n'est pas possible car elles imposent de tirer une nouvelle dette pour remplacer l'ancienne. A ce sujet, l’évolution du marché vers la mise en place de dettes portables simplifie certes beaucoup de choses, mais par définition ça veut dire que ladite dette n'est plus exigible en cas de changement de contrôle. La capacité d’un acquéreur à se dire qu’il peut consentir les garanties demandées par les prêteurs dès lors que la dette tirée sert à refinancer l’existant va être impactée. Il y a là quelque chose qu'il va falloir qu'on suive un petit peu. Olivier Bénureau : Comment voyez-vous l’année en cours ? Est-ce que 2014 est vraiment l'année du redémarrage du private equity en France ? Antoine Krug : En ce qui concerne Siparex, 2013 a été une bonne année en termes d'investissement avec environ 80 millions d'euros pour le Groupe. En matière de levée de fonds et malgré un contexte difficile, nous avons bouclé en ce début d’année la levée de notre FCPR MidMarket III, qui nous donne une force de frappe de 220 millions complémentaires pour investir. En 2014, nous voyons l’année avec optimisme ; nous avons d’ores et déjà bouclé trois « closing » depuis le début de l'année sur notre activité midmarket, sur la lancée de 2013. Par ailleurs, et même s’ils demeurent à des conditions élevées, les financements sont présents, pour autant qu’on continue à avoir des effets de levier raisonnables. Enfin, d'un point de vue plus macro, le contexte économique global est quand même meilleur qu'il y a un an, que ce soit en France, ou même à un niveau plus international. Xavier Leloup : Donc les entreprises ont plus de visibilité ? Antoine Krug : Oui. On a vu déjà en 2013 un second semestre qui a été plus serein que le premier, et on reste un peu sur cette lancée-là pour le premier trimestre 2014. Xavier Leloup : Pour le business, il y a plus de visibilité sur les cash flow, non ? Jean-Michel Vignaux : Plus de visibilité, je ne sais pas. Peut-être qu'elles hésitent moins à se dire « finalement avant je reportais », et maintenant peut-être qu'elles hésitent moins à dire : « j'y vais ». Avant on entendait beaucoup plus souvent : ‘‘je mets les freins, je gèle mes investissements’’. Alors que maintenant, on entend plus souvent: ‘‘ pourquoi ne pas y aller ?’’, avec malgré tout beaucoup de précautions dans le « process » pour border tout ça, mais finalement on préfère l’action. Xavier Leloup : On y va quand même, on passe à l'acte. Pierre-Emmanuel Chevalier : On a intégré le fait, comme on disait, que nous étions en croissance molle, et Le «cov lite» se rencontre ponctuellement sur les deal large cap mais je n’en vois pas sur les deals Smid-cap Tristan Parisot “ ” À partir de 120 millions de financement,on sort du FCPR et on revient sur la Double Luxco Benjamin Homo “ ” Table rondeTable ronde 555554
  • 12. après l'avoir digéré, maintenant on y est, mais il faut bien quand même redresser, donc on y va, doucement, des fois on s'arrête, mais on y va quand même, et ça prend du temps, mais on fait. Jean-Michel Vignaux : Sans vouloir être trop optimiste il semble qu’une culture du risque commence à réapparaître pour faire face à la crise. Olivier Bénureau : La dynamique américaine a une influence sur l’Europe et la France ? Tristan Parisot : Oui, les Américains ont effectivement la chance de bénéficier d'une économie qui est très bien orientée et nous en profitons indirectement. Cela dit, en France, nous avons fait notre meilleure année en 2013, que ce soit en termes de sortie, de valorisation de portefeuilles ou de nouveaux investissements. Nous espérons bien sûr faire aussi bien, sinon mieux, en 2014. Nous avons closé notre premier deal en début d'année avec Asmodée et espérons arranger un financement en mezzanine dans les prochaines semaines. Nous voyons pas mal de choses, notamment des deals en gré à gré, mais tous ne sont pas de qualité. Dans nos métiers, cela ne tient pas à grand-chose, il suffit de trois, quatre deals pour réussir son année et clamer que le marché est très actif. Jean-Michel Vignaux : Je suis assez d'accord. Yann Bak : 2013 n’a pas été une année exceptionnelle d’un point de vue macro et 2014 est dans la même tendance, peut-être même un peu mieux. Mais on arrive à trouver des bonnes thèses d'investissement. Si je regarde les derniers deals réalisés - Trescal, Anios, NHV - à chaque fois on a des groupes avec des potentiels de développement impressionnant, que ce soit organiques ou M&A. Donc je n'ai aucun doute sur le fait qu'on arrivera à trouver d'autres cas d'investissements similaires. Après, d'un point de vue ‘‘sortie’’, on est dans un marché qui reste vendeur et assez porteur. On a déjà deux-trois sorties qui sont dans le pipe, donc je n'ai pas trop de craintes sur ce sujet. Stéphane Salustro : J'ajouterais sur 2014, et ça rejoint ce qu'on disait en introduction, pour d’une certaine manière boucler la boucle, que ce qu'on voit, premièrement, c'est une segmentation du marché en ce début d'année, avec davantage d'activité sur le large cap, et deuxièmement peu de visibilité en général ne serait- ce que parce que, je pense, il y a une recrudescence des deals en gré à gré. Partant de là, on anticipe d'être dans la volumétrie de 2013, mais en tout état de cause, il y a des actifs de qualité, il y a eu des actifs de qualité sur le marché, il va y en avoir, mais qui dit actifs de qualité dit actifs pas seulement présents en France, mais aussi et surtout à l'international. †† Yann Bak, Ardian ‘‘La réouverture du marché donne plus de cartes en main aux fonds d’investissement, que ce soit en cas de sortie partielle ou en dual track’’ Ils ont dit : †† Stéphane Salustro, PwC ‘‘Pour un fonds, je suis persuadé que la spécialisation sectorielle réduit les distances’’ †† Antoine Krug, Siparex ‘‘Le sujet du développement à l’international pour compenser une croissance faible en Europe est devenu un sujet de préoccupation majeur pour nos managers’’ Table rondeTable ronde 575756