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0123
JEUDI 17 SEPTEMBRE 2020
Entrelesécologistesetlesport,
«jet’aimemoinonplus»
Opposé,parculturepolitique,ausportbusiness,EELVdoit
désormaisgérerdesvillesaccueillantdesévénementssportifs
Est­ce un amour déçu ou
une franche hostilité? De­
puis leur succès en juin,
les nouveaux maires et élus Eu­
rope Ecologie­Les Verts (EELV)
multiplient les déclarations
concernant le sport de haut ni­
veau. L’édile de Lyon, Grégory
Doucet,aainsivivementcritiqué
le Tour de France, qui s’arrêtait
dans sa ville les 12 et 13 septem­
bre. Pour lui, cet événement est
«machiste et polluant» et doit,
comme les autres compétitions,
être repensé, modernisé, ainsi
qu’il l’a expliqué dans les colon­
nes du Progrès, avant de remet­
tre le maillot… vert du meilleur
sprinteur à l’Irlandais Sam Ben­
nett à l’arrivée dans sa ville. Au
cour de l’été, les élus écologistes
deRennes,alliésàlamairesocia­
liste Nathalie Appéré, se sont op­
posés à l’accueil du départ du
Touren2021.L’épreuvepartirafi­
nalement de Brest (Finistère).
A gauche, il n’est pas rare
d’avoir un regard acéré sur les
compétitions internationales
− Jeux olympiques (JO), Coupes
du monde et Euro de Foot, Tour
de France –, véritables barnums
qui transforment les villes orga­
nisatrices en de vastes espaces
publicitaires et commerciaux
pour les sponsors. La spécificité
des écologistes est de les assu­
mer encore davantage, quitte à
s’attirer de vives critiques.
«Leur rapport au sport symbo­
lise leur idéologie. On voit leur
rapport au plaisir. Pour eux, le
mondevamal,ilestdétruit.Ilsont
peur de jouir, de prendre leur plai­
sir total», tacle Daniel Cohn­Ben­
dit. L’ex­député européen Vert,
soutien de Macron, ne décolère
pas contre ses ex­camarades, lui
quiaimeplusquetoutlefootball,
le Tour de France et l’athlétisme.
Ilrésume:«DesJOécolos,onpeut
faire. Mais avouez qu’une finale
du 100 mètres, c’est magnifique,
c’est de l’art! Apprécier cela n’im­
plique pas d’oublier la corruption,
le dopage, l’argent.»
«Plaisir d’être ensemble»
Le député européen Yannick Ja­
dot n’est pas loin de penser la
même chose. «C’est vrai qu’il y a
une défiance chez nous envers le
sport business. Je ne m’y retrouve
pas complètement. J’adore les
Jeux olympiques, j’ai “kiffé” la
Coupe du monde en France. Les
militants ne sont pas toujours
fans de sport et notre parti est ca­
pable de coller des réunions un
soir de match… Mais on peut tou­
jours aimer cela et combattre la
corruption,ledopage,fairedesin­
frastructures respectueuses de
l’environnement, qui s’intègrent
dansletissuurbain…»,assure­t­il.
Ce supporteur d’autres Verts,
ceux de l’équipe de Saint­
Etienne, raconte les soirs où, à
Bruxelles et à Strasbourg, il
s’échappait avec ses collègues
écologistes Pascal Durand et Da­
niel Cohn­Bendit, et le socialiste
Stéphane Le Foll, pour regarder
les matchs. Il ajoute: «Les événe­
mentssportifscontribuentàfaire
société. Il y a peu de moments où
l’ensemble du pays a le plaisir
d’être ensemble, d’avoir une joie
simple, partagée par tous.»
David Cormand, ancien secré­
taire national d’EELV, souligne
que ce n’est pas la pratique spor­
tive qui est en question, mais les
excès du sport business. Et que
l’on fait un mauvais procès aux
écologistes.«Çavientdeséluslo­
caux.Quandondoitchercherdes
“thunes”, on voit qu’on nous re­
fuse des subventions alors qu’il y
avait des lignes budgétaires pour
les clubs pro et qu’ils n’en ont pas
besoin, explique le député euro­
péen. On ne veut pas financer le
sport business sur les deniers pu­
blics. C’est même le contraire de
l’esprit du sport! Ce n’est pas un
jugement de classe.»
Fondateur, lors de la Coupe du
monde au Brésil en2014, du
Chico Mendes FC – un club de
football populaire et écologiste,
du nom du syndicaliste brési­
lien, défenseur de la forêt ama­
zonienne, assassiné en 1988 –,
Jordan Trombetta milite au sein
d’associations. Il explique la
penséevertesurlesport:«L’idée
estdecapterlesrichessesdusport
business pour les redistribuer
dans le sport amateur, populaire.
Ils veulent rééquilibrer. Le sport
pro et moderne incarne la société
de croissance. On veut construire
une prospérité sans croissance.»
L’affichage en faveur d’un
sport plus populaire s’observe à
la mairie de Bordeaux, devenue
écologiste, en juin, après sept
décennies à droite. A peine élu,
très défiant à l’égard du fonds de
pension américain qui détient le
clubdefootball local,PierreHur­
mic assistait à une manifesta­
tion de supporteurs pour récla­
mer le départ du président des
Girondins, Frédéric Longuépée.
«Ingérence totalement inaccep­
table»,ontrépliquélesdeuxsyn­
dicats des clubs professionnels.
Comme Grégory Doucet,
David Cormand souligne l’aber­
ration que constitue, aux yeux
des écologistes, l’organisation
de grands événements sportifs,
telsquelesJO.«Ilfautvoirceque
cela implique en termes d’infras­
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blicité omniprésente. A cause de
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En Haute­Savoie, le maire éco­
logiste d’Annecy (ex­EELV), Fran­
çois Astorg, a milité, des années
plustôt,contrelacandidaturede
la ville à l’organisation des Jeux
olympiques d’hiver 2018. «S’op­
poser aux JO, c’est simplement
préserver notre magnifique pa­
trimoine environnemental et le
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deniers publics», écrivait­il dans
un communiqué, il y a neuf ans.
AquatreansdesJO2024àParis,
la question olympique apparaît
désormais encore plus brûlante.
Et plus clivante. Les préparatifs
laissent déjà entrevoir des diver­
gences parmi les Verts. Autant le
groupe écologiste du conseil de
Parisaditsonopposition,autant
Anne­Marie Heugas, vice­prési­
denteEELVchargéedessportsde
l’établissement public Est En­
semble, en Seine­Saint­Denis,
faitpreuved’unsoutiencritique:
«Plutôt que de vouloir interrom­
pre les Jeux, je suis partisane de
mettre le pied dans la porte et de
faireensortequ’ilssoientàlahau­
teur de ce qu’on nous a “vendu”.»
D’autant que l’événement se
tiendra en partie au Stade de
France, à Saint­Denis: «Les Pari­
siens ont leur point de vue, mais
ils oublient peut­être un peu les
enjeux pour la Seine­Saint­Denis,
notamment en termes d’emplois
pérennes pour les jeunes.»
Ancienne athlète de niveau
national, l’ex­maire adjointe
écologiste de Montreuil observe
une évolution dans les débats
internes. «Quand je suis arrivée,
en 1995, la pensée de Jean­Marie
Brohm semblait avoir imprégné
les Verts», se souvient Anne­Ma­
rie Heugas, citant le sociologue
bien connu, à l’extrême gauche,
poursacritiquesystématiquedu
sport en tant qu’entreprise tota­
litaire et facteur d’aliénation.
«Relations bienveillantes»
Malgré l’écho fait aux propos de
M. Doucet sur le Tour de France,
le discours des écologistes se
veut aujourd’hui bien plus
nuancé. D’un côté les dérives du
sport marchand. De l’autre, la
portée bénéfique du «sport
pour toutes et tous», pour
reprendre le titre d’un débat
tenu, en août, à l’université d’été
des écologistes. Comme chez les
communistes et les socialistes
depuis des décennies, une com­
mission sports existe désormais
à EELV. Anne­Marie Heugas, qui
enestlacosecrétaire,faitremon­
ter ses débuts à l’année 2010.
Comme elle, d’autres écologis­
tes reconnaissent que, parfois,
lesinfrastructuressportivespeu­
vent redynamiser un territoire.
C’est pour cette raison que le
nouveau président de la métro­
poledeLyon,BrunoBernard,voit
plutôt d’un bon œil le projet
d’unesalleArenaàDécines­Char­
pieu (Rhône), jouxtant l’enceinte
de 59000 places où se tiennent
les matchs de football de l’Olym­
pique lyonnais (OL). «Je suis cela
avec bienveillance, c’est financé
par le privé. Il y a une synergie po­
sitive entre l’OL et l’Asvel [club de
basket]. J’étais opposé au grand
stade qui n’était pas pertinent en
termes de lieu et d’augmentation
des dépenses pour la desserte.
Maisunefoisqu’ilestfait,quecela
fait évoluer le quartier, il faut
prendre cela en considération.»
Jean­Michel Aulas, président
de l’OL depuis 1987, parle de «re­
lations bienveillantes de part et
d’autre» avec ses nouveaux in­
terlocuteurs Verts. «Dans la vie,
il n’y a pas que des clivages», se­
lon le dirigeant, longtemps resté
proche de l’ancien maire Gérard
Collomb, soutien d’Emmanuel
Macron. Alors, avant même les
élections, le patron du club avait
pris le parti de rencontrer Bruno
Bernard, par ailleurs grand sup­
porteur du club. «Il y a quand
même de grandes tendances en
France,desquestionnements,no­
tamment parmi les populations
les plus jeunes. Il ne faut pas op­
poserécologieetcroissance,deux
notions indispensables au travail
et au bien­être de la population.»
Fair­play, M. Jadot reconnaît:
«On doit améliorer notre com­
munication,mêmesurdebonnes
décisions.» En sport ou en politi­
que, on ne gagne pas forcément
avec des bonnes intentions. 
abelmestre et adrien pécout
« LE RAPPORT DES 
ÉCOLOGISTES AU SPORT  
SYMBOLISE LEUR 
IDÉOLOGIE. POUR EUX, 
LE MONDE VA MAL. 
ILS ONT PEUR DE PRENDRE 
LEUR PLAISIR TOTAL »
DANIEL COHN-BENDIT
ex-eurodéputé EELV

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Ecologistes et le Sport

  • 1. 0123 JEUDI 17 SEPTEMBRE 2020 Entrelesécologistesetlesport, «jet’aimemoinonplus» Opposé,parculturepolitique,ausportbusiness,EELVdoit désormaisgérerdesvillesaccueillantdesévénementssportifs Est­ce un amour déçu ou une franche hostilité? De­ puis leur succès en juin, les nouveaux maires et élus Eu­ rope Ecologie­Les Verts (EELV) multiplient les déclarations concernant le sport de haut ni­ veau. L’édile de Lyon, Grégory Doucet,aainsivivementcritiqué le Tour de France, qui s’arrêtait dans sa ville les 12 et 13 septem­ bre. Pour lui, cet événement est «machiste et polluant» et doit, comme les autres compétitions, être repensé, modernisé, ainsi qu’il l’a expliqué dans les colon­ nes du Progrès, avant de remet­ tre le maillot… vert du meilleur sprinteur à l’Irlandais Sam Ben­ nett à l’arrivée dans sa ville. Au cour de l’été, les élus écologistes deRennes,alliésàlamairesocia­ liste Nathalie Appéré, se sont op­ posés à l’accueil du départ du Touren2021.L’épreuvepartirafi­ nalement de Brest (Finistère). A gauche, il n’est pas rare d’avoir un regard acéré sur les compétitions internationales − Jeux olympiques (JO), Coupes du monde et Euro de Foot, Tour de France –, véritables barnums qui transforment les villes orga­ nisatrices en de vastes espaces publicitaires et commerciaux pour les sponsors. La spécificité des écologistes est de les assu­ mer encore davantage, quitte à s’attirer de vives critiques. «Leur rapport au sport symbo­ lise leur idéologie. On voit leur rapport au plaisir. Pour eux, le mondevamal,ilestdétruit.Ilsont peur de jouir, de prendre leur plai­ sir total», tacle Daniel Cohn­Ben­ dit. L’ex­député européen Vert, soutien de Macron, ne décolère pas contre ses ex­camarades, lui quiaimeplusquetoutlefootball, le Tour de France et l’athlétisme. Ilrésume:«DesJOécolos,onpeut faire. Mais avouez qu’une finale du 100 mètres, c’est magnifique, c’est de l’art! Apprécier cela n’im­ plique pas d’oublier la corruption, le dopage, l’argent.» «Plaisir d’être ensemble» Le député européen Yannick Ja­ dot n’est pas loin de penser la même chose. «C’est vrai qu’il y a une défiance chez nous envers le sport business. Je ne m’y retrouve pas complètement. J’adore les Jeux olympiques, j’ai “kiffé” la Coupe du monde en France. Les militants ne sont pas toujours fans de sport et notre parti est ca­ pable de coller des réunions un soir de match… Mais on peut tou­ jours aimer cela et combattre la corruption,ledopage,fairedesin­ frastructures respectueuses de l’environnement, qui s’intègrent dansletissuurbain…»,assure­t­il. Ce supporteur d’autres Verts, ceux de l’équipe de Saint­ Etienne, raconte les soirs où, à Bruxelles et à Strasbourg, il s’échappait avec ses collègues écologistes Pascal Durand et Da­ niel Cohn­Bendit, et le socialiste Stéphane Le Foll, pour regarder les matchs. Il ajoute: «Les événe­ mentssportifscontribuentàfaire société. Il y a peu de moments où l’ensemble du pays a le plaisir d’être ensemble, d’avoir une joie simple, partagée par tous.» David Cormand, ancien secré­ taire national d’EELV, souligne que ce n’est pas la pratique spor­ tive qui est en question, mais les excès du sport business. Et que l’on fait un mauvais procès aux écologistes.«Çavientdeséluslo­ caux.Quandondoitchercherdes “thunes”, on voit qu’on nous re­ fuse des subventions alors qu’il y avait des lignes budgétaires pour les clubs pro et qu’ils n’en ont pas besoin, explique le député euro­ péen. On ne veut pas financer le sport business sur les deniers pu­ blics. C’est même le contraire de l’esprit du sport! Ce n’est pas un jugement de classe.» Fondateur, lors de la Coupe du monde au Brésil en2014, du Chico Mendes FC – un club de football populaire et écologiste, du nom du syndicaliste brési­ lien, défenseur de la forêt ama­ zonienne, assassiné en 1988 –, Jordan Trombetta milite au sein d’associations. Il explique la penséevertesurlesport:«L’idée estdecapterlesrichessesdusport business pour les redistribuer dans le sport amateur, populaire. Ils veulent rééquilibrer. Le sport pro et moderne incarne la société de croissance. On veut construire une prospérité sans croissance.» L’affichage en faveur d’un sport plus populaire s’observe à la mairie de Bordeaux, devenue écologiste, en juin, après sept décennies à droite. A peine élu, très défiant à l’égard du fonds de pension américain qui détient le clubdefootball local,PierreHur­ mic assistait à une manifesta­ tion de supporteurs pour récla­ mer le départ du président des Girondins, Frédéric Longuépée. «Ingérence totalement inaccep­ table»,ontrépliquélesdeuxsyn­ dicats des clubs professionnels. Comme Grégory Doucet, David Cormand souligne l’aber­ ration que constitue, aux yeux des écologistes, l’organisation de grands événements sportifs, telsquelesJO.«Ilfautvoirceque cela implique en termes d’infras­ tructures, de gaz à effets de serre, d’impact des installations, de pu­ blicité omniprésente. A cause de cela, on ne peut pas financer des besoinsstructurels»,résume­t­il. En Haute­Savoie, le maire éco­ logiste d’Annecy (ex­EELV), Fran­ çois Astorg, a milité, des années plustôt,contrelacandidaturede la ville à l’organisation des Jeux olympiques d’hiver 2018. «S’op­ poser aux JO, c’est simplement préserver notre magnifique pa­ trimoine environnemental et le bien­être des citoyens, comme les deniers publics», écrivait­il dans un communiqué, il y a neuf ans. AquatreansdesJO2024àParis, la question olympique apparaît désormais encore plus brûlante. Et plus clivante. Les préparatifs laissent déjà entrevoir des diver­ gences parmi les Verts. Autant le groupe écologiste du conseil de Parisaditsonopposition,autant Anne­Marie Heugas, vice­prési­ denteEELVchargéedessportsde l’établissement public Est En­ semble, en Seine­Saint­Denis, faitpreuved’unsoutiencritique: «Plutôt que de vouloir interrom­ pre les Jeux, je suis partisane de mettre le pied dans la porte et de faireensortequ’ilssoientàlahau­ teur de ce qu’on nous a “vendu”.» D’autant que l’événement se tiendra en partie au Stade de France, à Saint­Denis: «Les Pari­ siens ont leur point de vue, mais ils oublient peut­être un peu les enjeux pour la Seine­Saint­Denis, notamment en termes d’emplois pérennes pour les jeunes.» Ancienne athlète de niveau national, l’ex­maire adjointe écologiste de Montreuil observe une évolution dans les débats internes. «Quand je suis arrivée, en 1995, la pensée de Jean­Marie Brohm semblait avoir imprégné les Verts», se souvient Anne­Ma­ rie Heugas, citant le sociologue bien connu, à l’extrême gauche, poursacritiquesystématiquedu sport en tant qu’entreprise tota­ litaire et facteur d’aliénation. «Relations bienveillantes» Malgré l’écho fait aux propos de M. Doucet sur le Tour de France, le discours des écologistes se veut aujourd’hui bien plus nuancé. D’un côté les dérives du sport marchand. De l’autre, la portée bénéfique du «sport pour toutes et tous», pour reprendre le titre d’un débat tenu, en août, à l’université d’été des écologistes. Comme chez les communistes et les socialistes depuis des décennies, une com­ mission sports existe désormais à EELV. Anne­Marie Heugas, qui enestlacosecrétaire,faitremon­ ter ses débuts à l’année 2010. Comme elle, d’autres écologis­ tes reconnaissent que, parfois, lesinfrastructuressportivespeu­ vent redynamiser un territoire. C’est pour cette raison que le nouveau président de la métro­ poledeLyon,BrunoBernard,voit plutôt d’un bon œil le projet d’unesalleArenaàDécines­Char­ pieu (Rhône), jouxtant l’enceinte de 59000 places où se tiennent les matchs de football de l’Olym­ pique lyonnais (OL). «Je suis cela avec bienveillance, c’est financé par le privé. Il y a une synergie po­ sitive entre l’OL et l’Asvel [club de basket]. J’étais opposé au grand stade qui n’était pas pertinent en termes de lieu et d’augmentation des dépenses pour la desserte. Maisunefoisqu’ilestfait,quecela fait évoluer le quartier, il faut prendre cela en considération.» Jean­Michel Aulas, président de l’OL depuis 1987, parle de «re­ lations bienveillantes de part et d’autre» avec ses nouveaux in­ terlocuteurs Verts. «Dans la vie, il n’y a pas que des clivages», se­ lon le dirigeant, longtemps resté proche de l’ancien maire Gérard Collomb, soutien d’Emmanuel Macron. Alors, avant même les élections, le patron du club avait pris le parti de rencontrer Bruno Bernard, par ailleurs grand sup­ porteur du club. «Il y a quand même de grandes tendances en France,desquestionnements,no­ tamment parmi les populations les plus jeunes. Il ne faut pas op­ poserécologieetcroissance,deux notions indispensables au travail et au bien­être de la population.» Fair­play, M. Jadot reconnaît: «On doit améliorer notre com­ munication,mêmesurdebonnes décisions.» En sport ou en politi­ que, on ne gagne pas forcément avec des bonnes intentions.  abelmestre et adrien pécout « LE RAPPORT DES  ÉCOLOGISTES AU SPORT   SYMBOLISE LEUR  IDÉOLOGIE. POUR EUX,  LE MONDE VA MAL.  ILS ONT PEUR DE PRENDRE  LEUR PLAISIR TOTAL » DANIEL COHN-BENDIT ex-eurodéputé EELV