1. LASVEGAS—
L’IMPENSABLES’EST
REPRODUIT
Un passé qui
dérange
Un passé qui
Esclavagisme,colonialisme,fascisme,communisme…
Commentcomposeravecune
histoirequ’onrenie?Desstatues
confédéréesauxÉtats-Unisàcellesde
LénineenUkraine,lapresseétrangère
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ILESTTEMPS
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5. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017 5
L’Allemagne
etsestrous
demémoire
Après une absence de soixante-
douze ans, l’extrême droite
allemande fait son retour au
Bundestag. L’élection de plus de
90 députés issus de l’Alternative pour
l’Allemagne (AfD) provoque un séisme
moral et politique [lire p. 20]. “Certes,
l’Allemagne n’est pas le seul pays européen
où les populistes de droite ont le vent en
poupe. Mais la résurgence de l’extrême droite
n’est nulle part plus perturbante qu’en
Allemagne, en raison de son passé”, note
l’ancien ministre des Affaires étrangères
Joschka Fischer*. Cette fin de l’exception
allemande signifie-t-elle que le cliquet
mémoriel, qui avait mis l’Allemagne
pendant plusieurs décennies à l’abri
de ses vieux démons, ne serait plus un
barrage démocratique efficace ? Ce qui ne
fonctionne plus, c’est l’entretien de cette
mémoire. Certains s’inquiéteront du
carton en librairie de Mein Kampf depuis
que l’ouvrage d’Adolf Hitler est passé dans
le domaine public en 2016. Mais l’édition,
assortie de très nombreuses notes
explicatives, offre toutes les garanties
de sérieux et de pédagogie indispensables
au travail de réflexion sur le passé.
En revanche, un sondage réalisé auprès
des écoliers révèle des trous de mémoire
inquiétants. Comment mettre en garde
les futurs électeurs face au retour de
l’extrême droite si on ne sait plus définir
ce qu’est la bête immonde ? Or, parmi les
14-16 ans, moins d’un Allemand sur deux
(47 %) sait ce qu’était Auschwitz, contre
86 % de la population allemande, rapporte
un sondage de l’institut Forsa pour
la fondation Körber. Ces fissures dans la
mémoire collective ne vont qu’émousser
les verrous bâtis par la classe politique
allemande depuis l’après-guerre. Car
même si l’AfD n’est pas à proprement
parler un parti néonazi, le mouvement
identitaire charrie dans son sein des idées
nauséabondes, colportées par des
personnes dangereuses. Plus que jamais
il importe de reconnaître les unes et
les autres afin de leur barrer la route.
La France, de ce côté-là, n’a guère de
leçon à donner à son voisin allemand.—
* www.project-syndicate.org/commentary/
germany-election-merkel-new-government-
by-joschka-fischer-2017-09/french
En couverture :
Dessin de Ale + Ale, Italie pour Courrier
international ;
Catalogne : Dessin de Langer, Argentine ;
Las Vegas : Dessin de Ruben, Pays-Bas.
p.32 à la une
UnpasséqUi
dérange
Amériques p.16
Mexique.L’overdosedeviolence
Presque chaque jour, de nombreuses victimes font face à une mort violente au Mexique. Comment
mettre fin à cet engrenage? Le reportage de La Jornada, les analyses d’El País et de Ríodoce.
FrANCe p.24
Macron,capitaliste
européen
Sur les plans économique et politique,
le président français veut réaffirmer
la place de la France, assurent le Financial
Times et la Süddeutsche Zeitung.
p.48
Esclavagisme,colonialisme,fascisme,
communisme…Commentcomposer
avecunehistoirequ’onrenie ?Desstatues
confédéréesauxÉtats-Unisauxtraces
deMussolinienItalie,l’interrogation
estmondiale.Étatdudébatsurlamémoire
àtraversdesarticlesdelapresseétrangère :
The NewYorkTimes,ElPaís,TheGuardian,
L’Espresso,Clarín,DieWelt,Ha’Aretz…
Ale+Ale,ItAlIe
sommaireéditoriAl
ériC Chol
J.C.FrAnCIs
Les sources Chaque semaine les journalistes de Courrier international sélectionnent
et traduisent des articles tirés de plus de 1 500 médias du monde entier. Voici la liste
exhaustive des journaux, sites et blogs utilisés cette semaine :
Ha’Aretz tel-Aviv, quotidien. Clarín Buenos Aires, quotidien. L’Espresso rome, hebdomadaire. Financial Times londres, quotidien. Frankfurter
Allgemeine Zeitung Francfort, quotidien. The Guardian londres, quotidien. Al-Hayat londres, quotidien. La Jornada Mexico, quotidien. Kur-
distan24 (kurdistan24.net) erbil, en ligne. Los Angeles Times los Angeles, quotidien. Mada Masr (madamasr.com) le Caire, en ligne. Mail &
Guardian Johannesburg, hebdomadaire. The New York Times new York, quotidien. Nikkei Asian Review tokyo, quotidien. Outlook new Delhi,
hebdomadaire. El País Madrid, quotidien. El Punt Avui Gérone, quotidien. Ríodoce Culiacán, hebdomadaire. Rousski Reporter Moscou, hebdo-
madaire. Der Spiegel Hambourg, hebdomadaire. Süddeutsche Zeitung Munich, quotidien. Tempo Jakarta, hebdomadaire. The Times londres,
quotidien. La Vanguardia Barcelone, quotidien. The Walrus toronto, mensuel. Die Welt Berlin, quotidien. Zvezda (zvzda.ru) Perm, en ligne.
360°
7 jours dans
le monde
p.10 Catalogne
Ilesttemps
dedialoguer
Après le référendum sur l’indépendance,
il faut revenir à la raison, estime
La Vanguardia. Le quotidien
indépendantiste El Punt Avui salue, lui,
le début “de notre vie de Catalans libres”.
En Europe, on craint l’effet domino.
p.12 LasVegas
L’impensable
s’estreproduit
La tuerie de masse, qui a fait au moins
59 morts le 1er octobre, est le résultat
de décennies d’inaction, déplore
le Los Angeles Times.
Des dizaines
d’Haïtiens
de toutes
confessions
se rendent
sur la colline
de Ti Pinski
pour prier.
Le photographe
belge Thomas
Freteur les
a rencontrés.
Prièresd’HaïtiPrièresd’Haïti tHoMAsFreteur
6. 6. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
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Balance (23 septembre-22 octobre) : Dans
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avec aise et grâce dans les rôles suivants :
1 – Un optimiste sceptique jouant tout
à la fois de sa lucidité et de son ouverture
d’esprit; 2 – Un énergique diseur de vérités
spécialisé dans les vérités provocatrices;
3 – Un charmant jusqu’au-boutiste, capable
d’élucider d’irréductibles énigmes; 4 – Un habile
nautonier guidant ses passagers vers des
rapides tout en maintenant le calme à son
bord; 5 – Un joueur éclairé, s’attachant
à remanier ou éviter les jeux qui abusent
de la puissance de la beauté.
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Actu. Suivez les suites du référendum
en Catalogne avec les analyses de la presse
espagnole et internationale.
Enquête. L’Ouganda est le pays qui
accueille le plus de réfugiés au monde.
Mais cette générosité n’est pas dénuée
d’arrière-pensées chez le pouvoir en place.
Interviewvidéo. Rencontre avec Sergio
Ocampo, journaliste au quotidien
mexicain La Jornada.
SOMMAIRE
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Présidentdudirectoire,directeurdelapublication :ArnaudAubron
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Conseil de surveillance : Louis Dreyfus, président
Dépôt légal octobre 2017. Commission paritaire no 0722c82101.
ISSN no 1154-516X Imprimé en France/Printed in France
Rédaction6-8,rueJean-Antoine-de-Baïf,75212ParisCedex13Accueil33(0)146
46 16 00 Fax général 33 (0) 1 46 46 16 01 Fax rédaction 33 (0) 1 46 46 16 02 Site
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en chef technique Nathalie Pingaud (16 25) Direction artistique Sophie-Anne
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Communeau, Nathalie Mounié (chef de fabrication, 45 35) Impression,
brochage, routage : Maury, 45330 Malesherbes
Ont participé à ce numéro Torunn Amiel, Leïla Bergougnoux, Gilles Berton,
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MarionDoutreligne,ArnaudDubois,EkaterinaDvinina,MaïderGérard,RomainGay,
AlineGerstner,RomainGiroux,ClaireGounon,CarolineKotcheff,AlexandrosKottis,
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Dunkerque.
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CE NUMÉRO COMPORTE DES PAGES SPÉCIALES
7 jours dans le monde
10. Catalogne. Il est temps
de dialoguer
12. Las Vegas. L’impensable
s’est reproduit
D’un continent à l’autre
16. Mexique. L’overdose de violence
20. Allemagne. L’AfD : fini
le clivage Est-Ouest
22. Russie. Les “dévots du tsar”
passent à l’attaque
24. France. Macron, capitaliste
européen
25. Europe. Le retour en grâce
de la France
26. Kurdistan. Ankara choisira
le pragmatisme
27. Égypte. Un arc-en-ciel a fait
trembler Le Caire
28. Liberia. La paix avant tout,
le reste viendra
30. Indonésie. Pour des femmes
éduquées
31. Thaïlande. Dans le Nord,
le culte de la Première ministre
À la une
32. Un passé qui dérange
Transversales
44. Économie. La prescription
végane du gouvernement indien
46. Sciences. Un trou géant
dans la banquise
47. Signaux. Ma nuit au mausolée
360°
48. Portfolio. Prières d’Haïti
52. Culture. Le refuge aux oiseaux
de Margaret Atwood
55. Tendances. Humains et bêtes
56. L’entretien. Alexandre Sokourov :
“Il faut un musée du goulag de portée
mondiale”
En vente chez votre
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Ce numéro comporte un encart Télérama sur la totalité des abonnés France
métropolitaine .
7. NOUVELLE SUZUKI SWIFT : Et vous, que feriez-vous ?
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Garantie 3 ans ou 100 000 km au 1er
terme échu.
Éclater des
kilomètres
de papier bulle
#TheSwiftList
88N°
8.
9. 9
7 jours dans
le monde
Nuitd’horreur
àVegas
Cela devait être une soirée
de détente et de musique.
Dans la nuit du dimanche
1er au lundi 2 octobre, durant
le festival de country organisé
en plein air à Las Vegas, aux
États-Unis, un homme a ouvert
le feu sur la foule amassée pour
voir la star du genre, Jason
Aldean. Stephen Paddock, 64 ans,
originaire du Nevada, a tiré
des dizaines de coups de feu, posté
au 31e étage de l’hôtel Mandalay
Bay, qui donne sur le lieu
du festival. Le tueur se serait
ensuite donné la mort, d’après
la police, qui a retrouvé le corps.
Plus de 50 personnes ont été tuées,
et plus de 500 blessées.
“Une fois de plus : la fusillade
la plus meurtrière des États-
Unis”, titre l’hebdomadaire
new-yorkais The New Yorker
au lendemain de la tuerie, qui
relance le débat sur la détention
d’armes dans le pays [lire p. 12].
Photo John Locher/AP/SIPA
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Retrouvez tous les vendredis
notre diaporama “La semaine
en images”. Et dans notre
édition imprimée, chaque jeudi,
la photo d’actualité la plus forte.
10. 10. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
—La Vanguardia
(extraits) Barcelone
Désolation. Il n’y a pas de
motplusjustepourdécrire
l’état d’esprit qui domine
la société catalane ces derniers
jours. Les scènes de tensions du
dimanche1er octobreenCatalogne
font le tour du monde et laissent
des marques très difficiles à effa-
cer. Désolation, c’est le mot.
Aurait-on pu y échapper? Oui.
Les responsables politiques cata-
lansn’auraientjamaisdûimposer
l’unilatéralité et le gouvernement
central aurait dû créer assez tôt
les conditions d’un dialogue per-
mettant d’aboutir à un accord en
Catalogne. Madrid a coupé court
à un acte de désobéissance. Le
1er octobre, il n’y a pas eu de réfé-
rendum en Catalogne. Les partis
souverainistes doivent le recon-
naître et le plus tôt sera le mieux.
LegouvernementdeMarianoRajoy
acependantfaitplusquegarantir
l’ordre constitutionnel. Il a voulu
envoyer un message autoritaire à
l’ensembledelasociétéespagnole :
aux Catalans comme aux autres.
C’était un acte autoritaire spécia-
lement conçu pour ses électeurs.
Le prix de cette politique de la
fermeté,jamaisaccompagnéed’une
véritablepropositiondedialogue,
est élevé. C’est une grande déchi-
rurequ’asubielasociétécatalane,
qui,engrandemajorité,condamne
lesévénementsdedimanche.Nous
voulons être clairs : la déchirure
est profonde.
LegouvernementdeCatalogne
ne sort pas non plus indemne de
ce mauvais pas. Il n’a pas réussi à
mettre en œuvre un référendum
dignedecenometilestégalement
responsable de ce qui s’est passé
dimanche. La politique du pire
est-elle préférable ? Est-ce vrai-
ment ce que nous voulons pour
la Catalogne dans les prochaines
années?Personnenepeutêtrefier
de ce qui s’est passé. Personne ne
peutbomberletorse.Personnene
peut en parler d’un air satisfait.
Catalogne.Ilesttemps
dedialoguer
Après le référendum du 1er octobre, le grand quotidien
catalan lance un appel au calme et au dialogue entre Madrid
et Barcelone, pour trouver une solution institutionnelle.
7 jours dans
le monde
Revue
de presse
Une onde de
choc à travers
l’Europe
“La Catalogne n’est pas un cas
unique”, avertit le quotidien bri-
tannique The Guardian : “Aux
quatrecoinsdel’Europe,desmouve-
mentscherchentàredéfinirlesiden-
titésetàrejeterl’Étatcentral.”C’est
notamment le cas de l’Écosse, où
“la population remet en cause la
légitimité d’un gouvernement éloi-
gné […], qui impose son diktat et
des impôts injustes, et leur rendrait
moins qu’il ne leur prend”. Après le
cas catalan, les États européens
peuventcraindreuneffetdomino,
renchérit le News Letter : “Si
jamais la Catalogne quitte l’Es-
pagne,laprobabilitédevoirl’Écosse
se séparer du Royaume-Uni aug-
mentera. Or, soyons clairs : si la
Catalogne et l’Écosse partent, cela
donneraunnouveausouffleauxsen-
timents nationalistes en Irlande du
Nord, ce qui augmentera la proba-
bilité d’un référendum sur une réu-
nification de l’Irlande.”
“L’aspiration indépendantiste qui
se manifeste dans plusieurs régions
européennes entraîne l’UE sur des
terres politiquement et juridique-
ment inexplorées”, constate de son
côtélequotidiensuédois Svenska
Dagbladet, rappelant que ni la
Commissioneuropéenne,niaucun
État membre n’a pris parti dans
la crise catalane. À Londres, le
quotidien eurosceptique The
Daily Telegraph en profite pour
dénoncer “la réponse lente et peu
convaincante de l’UE, comme tou-
jours,lorsqu’ils’agitdesujetsimpor-
tants”. Le Telegraph assure que
si le conflit entre Barcelone et
Madrid s’aggrave, “il risque de
constituer,pourl’UE,unecriseplus
importante encore que le Brexit”.
En Belgique, c’est avec une cer-
tainefébrilitéqu’onasuivilacam-
pagne référendaire catalane. Et
pour cause : le pays est animé
par un courant indépendantiste
flamand, porté par un parti, la
N-VA, qui siège au gouverne-
ment au côté de formations qui
ne sont absolument pas indépen-
dantistes. Mais Le Soir souligne
que le Premier ministre belge,
le libéral francophone Charles
Michel, a su, jusqu’ici, négocier
avec des indépendantistes de
préalable obligatoire avant toute
forme d’accord. C’est la tâche la
plus urgente : assurer davantage
demodération.Nousdevonsréta-
blirlerespectmutuel.Faireappelà
l’amitié sincère que de nombreux
Espagnolséprouventpourlasociété
catalaneafinderenforcercelui-ci.
Le Congrès des députés [à
Madrid] devrait être le théâtre
d’undébatdefondsurlasituation.
Un débat orienté principalement
vers la recherche de solutions. Le
Parlement de Catalogne devrait
également affronter la question
sans être sur la défensive. Il lui
faut une nouvelle majorité. Et là
encore nous voulons être clairs.
La dynamique politique catalane
nepeutcontinueràêtreauxmains
d’unpartiquiarécoltéàpeine8 %
des voix aux dernières élections.
Et la politique catalane ne peut
jouer plus longtemps la partition
de la CUP [Candidature d’unité
populaire, anticapitaliste, d’ex-
trême gauche, dont les dix sièges
donnent une majorité aux indé-
pendantistes au Parlement auto-
nome catalan].
Nous alertons donc sur la ten-
tation du jusqu’au-boutisme, qui
n’obtiendrait aucun soutien en
Europe et dans le monde et qui
ne ferait qu’aggraver la situation.
Nous rejetons fermement la poli-
tiquedupire.Celanepourrajamais
êtrelapolitiqued’unesociétéeuro-
péenne. Il faut enrayer toute ten-
tation suicidaire et ramener les
centresdedirectiondelapolitique
catalanedansleslimitesducadre
constitutionnel.Lapolitiquedela
Generalitat[lesinstitutionsauto-
nomes catalanes] ne devrait pas
êtreguidéepard’obscurs comités.
Lesentités civiques du souverai-
nisme ne peuvent se substituer
au gouvernement. Il faut rétablir
le cadre institutionnel catalan.
Publié le 2 octobre
Personne ne peut
se juger vainqueur.
Nous sommes tous
perdants.
Personne ne peut se juger vain-
queur.Noussommestousperdants.
Etmaintenant,quefaut-ilfaire?
Toutd’abord,nepasresterprison-
niersdeslamentations.Ilfauttenter
d’engager sans délai un véritable
dialogue. Nous osons suggérer la
création d’une commission indé-
pendante, composée notamment
de juristes, chargée de remettre
une proposition aux gouverne-
ments espagnol et catalan dans
un délai imparti, afin de conce-
voir une issue qui, une fois vali-
dée, devra être soumise au vote
des Catalans. Ce serait une pre-
mière étape.
L’heure n’est pas aux phrases
creuses. Quand nous plaidons
pour le dialogue, nous devons
offrir quelque chose de tangible.
Face à l’ampleur de cette déchi-
rure, il nous faut agir rapidement
et concrètement. Dans tous les
espaces publics, les forces poli-
tiques, sociales, économiques et
syndicales du pays doivent s’unir
pour enrayer la spirale des ten-
sions. Il est temps de mettre fin
à la surenchère. Tempérer les dis-
cours est la première étape, et un
SourCe
La VanguaRdia
Barcelone, Espagne
Quotidien, 114 960 ex.
lavanguardia.com
“L’Avant-Garde”, fondée en 1881,
est le deuxième du pays en termes
de diffusion, et le numéro
un en Catalogne, juste devant
El Periódico de Catalunya.
↙ Le 2 octobre 2017, des personnes manifestent à Barcelone
contre les violences policières qui ont émaillé le référendum
pour l’indépendance de la Catalogne.
Photo Pierre-Philippe Marcou/AFP
11. 7 JOURS.Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017 11
“INSURRECTION”
El Periódico de Catalunya
s’indigne d’une “répression
intolérable”.
Àlaune
“LA FERMETÉ FACE
AU COUP D’ÉTAT”
La très conservatrice
La Razón, à Madrid, évoque
la “trahison” des Mossos,
la police catalane, qui n’est
pas intervenue lors du vote.
“L’ESPAGNE PEUT-ELLE
ENCORE ÊTRE SAUVÉE?”
Le quotidien de Berlin proche
des écologistes allemands,
Die Tageszeitung,
s’inquiète de l’avenir de l’État
espagnol.
“Lepremierjourdenotre
viedeCatalanslibres”
Les violences policières qui ont marqué le vote
prouvent que Madrid et Barcelone sont désormais
irréconciliables, estime cet éditorialiste nationaliste.
Les informés de franceinfo
Jean-Mathieu Pernin, du lundi au vendredi de 20h à 21h
chaque vendredi avec
Je pleurais
intérieurement.
D’émotion et de
rage.
—El Punt Avui Gérone
Hier,j’aivudesgensâgésqui
pleuraient d’émotion et
des jeunes qui pleuraient
de rage. Et moi, qui suis entre
les deux, je pleurais intérieure-
ment. D’émotion et de rage. Mais
jepensaisquenotregénérationse
devait de serrer les dents. Peut-
être que je me trompais. Comme
je me trompais en pensant que
les charges policières injustifiées
n’auraient pas lieu. Celles qui ont
fait pleurer de nombreuses per-
sonnes et qui ont gâché l’émotion
des plus âgés quand, après tout
ce qu’ils avaient vécu, ils ont pu
voter pour l’indépendance de la
Catalogne en y croyant presque
comme des enfants.
Je n’ai en revanche pas été sur-
prisdeconstaterquelegouverne-
ment espagnol et les médias à sa
botte niaient une réalité que tout
le monde avait observée. Si nous
avons le civisme inscrit dans nos
gènes, eux ont le monopole du
cynisme. L’abîme qui sépare leur
Espagne et la Catalogne qui veut
êtrelibreestdésormaisinsurmon-
table. La journée d’hier fut très
durepourlesCatalans,maiscefut
aussilepremierjourdenotreviede
Catalanslibres.Grâceàladignité
des Catalans, qui ont continué à
aller voter massivement malgré
les violences, le monde entier sait
désormais qu’il y a un problème
avec la démocratie en Espagne.
Les médias étrangers ont pris
en défaut les Espagnols. Mais
notre principal atout a tout de
même été le gouvernement cata-
lan qui ne nous a pas déçus et ne
nous décevra pas. Bientôt, nous
pleurerons tous de joie. Ce n’est
plus qu’une (toute petite) ques-
tion de temps.
—Pep Riera
Publié le 2 octobre
la N-VA de sorte qu’“il n’est plus
question – pour l’instant – d’indé-
pendance flamande. Nul doute qu’il
y a là matière à enseignement pour
les Espagnols. Et pour l’Europe.”
Hasard du calendrier, le référen-
dum catalan survient à quelques
mois du 25e anniversaire de la
scission de la Tchécoslovaquie,
le 1er janvier 2018. Côté tchèque,
le quotidien Hospodárské
Noviny porte un regard cri-
tique surleconflitentreBarcelone
et Madrid et rappelle que “pour
les deux parties, un divorce est tou-
jours mauvais, douloureux, voire
stupide”. Avant de mettre en
garde : “En Europe, nous sommes
capables de couper la branche de
paix et de prospérité sur laquelle
nous sommes tant habitués à être
assis.”Côtéslovaque,enrevanche,
Pravda se montre plus compré-
hensif à l’égard de l’indépendan-
tisme catalan : “Il ne serait pas
éthique de critiquer l’aspiration
d’un autre peuple à l’accomplis-
sement de ses droits souverains.”
D’après ce journal libéral, plutôt
à gauche, il faut tirer les leçons de
lapartitiondelaTchécoslovaquie
en 1993, car “les deux pays ont été
capables de dépasser une méfiance
grandissanteetd’arriver,surlelong
terme, au développement des rela-
tions bilatérales”.
EnItalie,lescrutincatalanenrap-
pelle deux autres, imminents : le
22 octobre,deuxrégionsduNord,
laLombardieetlaVénétie,sepro-
noncerontsurleurautonomie.La
consultationseferaàl’initiativedu
parti xénophobe Ligue du Nord,
dont le mot d’ordre était, à l’ori-
gine,l’indépendancedelaPadanie,
une région fictive correspondant
au nord – plus prospère – de l’Ita-
lie. “Mais le calendrier est le seul
point commun aux deux scrutins,
qui diffèrent par leur importance
comme par leurs objectifs”, sou-
ligne Il Giornale. La Lombardie
et la Vénétie ne visent en effet
pas l’indépendance, ni même un
statut spécial, “mais simplement
le droit de disposer d’une part plus
importante de leurs ressources, en
reversantmoinsàl’État central”.—
SOURCE
EL PUNT AVUI
Gérone, Espagne
Quotidien, 23659 ex.
elpuntavui.cat
Né en 2011 de la fusion de deux
journaux catalans (Avui et El
Punt), “Le Point d’aujourd’hui”
est un quotidien qui se targue
d’être le troisième titre
le plus lu en Catalogne après
La Vanguardia et El Periódico.
Il soutient très clairement
l’indépendance de la
communauté autonome.
“ESPAGNE :
0, CATALOGNE : 1”
Pour le quotidien flamand
De Morgen, les images de
répression policière ont terni
la réputation du pouvoir central
espagnol.
↙ Dessin de Langer,
paru dans Clarín,
Buenos Aires.
12. 7 JOURS12. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
—Los Angeles Times Los Angeles
Les États-Unissesontréveilléslundi
matinsuruneénièmetragédieaussi
absurde que sanglante, qui nous
plonge dans la stupeur, la tristesse et l’ef-
froi. Pourtant, à en croire nos antécédents
enlamatière,nousn’allonspaspourautant
prendre le taureau par les cornes.
Une fois encore, un homme (car c’est
presque toujours un homme) a commis un
acte devenu une espèce de quintessence
du fait divers américain, en l’occurrence
sortir un arsenal d’armes automatiques
pour faucher un nombre ahurissant d’in-
nocents. Pas pour se défendre, non, pas
dans le feu de l’action d’un combat, pas
même, pour ce qu’on en sait à cette heure,
dans un quelconque objectif clair : simple-
ment pour satisfaire une colère, une frus-
tration,unerancœurvague.Lebilanactuel
faitétatde59 mortsetplusde500 blessésà
LasVegas,oùlapoliceprécisequeStephen
Paddock, 64 ans, a abattu sa pluie de balles
du31e étagedel’hôtelMandalayBaysurune
foulede22000 personnes,quiassistaitàun
concert de country en plein air.
Aucune motivation ne peut rendre com-
préhensible un acte d’une telle barbarie
ni atténuer la peine et le chagrin des cen-
taines de familles touchées. Toutes nos
pensées vont vers elles.
Mais regardons les choses en face. Tout
cela tient presque désormais du réflexe
pavlovien national. Dans les prochains
jours, certains assureront (certains le
font d’ailleurs déjà) que le moment est
mal choisi pour rouvrir le débat sur le
port d’armes ou sur notre culture de
cow-boys armés jusqu’aux dents, qu’il est
trop tôt pour noyer notre chagrin dans
de sordides considérations politiques. Le
moment est pourtant parfaitement choisi
pour dénoncer le fléau des armes à feu. Il
sera encore pertinent de le faire demain,
la semaine prochaine, le mois prochain
aussi et, plus encore, lors des prochaines
élections. Quelle horreur quand est appa-
rue la nouvelle que le bilan avait franchi
la barre des 50 morts, que ce massacre
battait ainsi le record américain, noyant
dans plus de sang encore l’effroyable
tuerie d’Orlando, l’année dernière ! Las
Vegas doit-il recevoir une médaille ? Un
défi est-il ainsi lancé à tous les esprits
dérangés de nos grandes villes pour qu’ils
tentent de faire mieux encore ?
LaNationalRifleAssociation(NRA),qui
milite depuis des décennies pour mettre
en circulation toujours plus d’armes dans
un cadre réglementaire le plus laxiste pos-
sible, a autant de sang sur les mains qu’il
n’y en a sur l’esplanade où se tenait le
concert à Las Vegas. Tout comme les poli-
tiques, uniquement préoccupés par leurs
propres intérêts, qui apportent cynique-
ment leur soutien à ce lobby, esclaves de
ses très généreuses contributions à leurs
campagnes électorales et de son influence
politique écrasante. Si nous en sommes là
aujourd’hui, c’est à cause du poids illégi-
time dont jouit la NRA au Congrès et des
idées fausses que se font certains législa-
teurs sur le sens véritable du deuxième
amendement [de la Constitution].
Le lobby des armes fait valoir que
les armes de type militaire sont néces-
saires pour la chasse et le tir sportif.
Mais dimanche soir, on l’a vu, de telles
armes ont été utilisées pour ce pour quoi
elles sont vraiment destinées : tuer un
grand nombre de gens en un temps très
court. Tous ceux qui ont vu des vidéos
de la fusillade et entendu le crépitement
des armes à tir rapide ont immédiate-
ment compris qu’il s’agissait d’armes
de guerre, et non de sport. Prétendre le
contraire, c’est soit être un menteur, soit
ne pas comprendre la différence, et dans
les deux cas c’est inacceptable.
Pour la énième fois, dans les jours qui
viennent, on va nous faire avaler les
Les investisseurs
de Wall Street ont
fait grimper la cote
des fabricants d’armes.
Àlaune
“INIMAGINABLE”
Au lendemain de
la tragédie, le plus
grand quotidien
du Nevada,
le Las Vegas
Review-Journal,
affiche en une cette
photo du Las Vegas
Strip, la célèbre avenue où a eu lieu
la tuerie perpétrée par le tireur
Stephen Paddock. Une image
de désolation après un “carnage
stupéfiant”, “une embuscade
meurtrière dans une ville bâtie comme
une invitation ouverte au monde”,
écrit le journal.
Contexte
UNE LOI TRÈS PERMISSIVE
“Le Nevada a l’une des réglementations
les plus laxistes des États-Unis en ce qui
concerne les armes à feu et les munitions”,
relève le site Quartz. Ainsi, pas besoin
d’avoir un permis pour acheter un fusil,
un fusil de chasse ou un pistolet,
ni d’enregistrer l’arme ou d’avoir
une licence pour en posséder une.
Pas besoin non plus de permis
pour porter l’arme, tant qu’elle n’est
pas cachée – il faut en revanche
demander une licence si on souhaite
la dissimuler, mais c’est un point
de législation qui est décrié dans tout le
Nevada, note le site. Il n’y a pas davantage
de limite au nombre d’armes qu’on peut
acheter en une fois, ni de temps d’attente
pour se procurer une arme. Enfin, il
n’existe pour l’heure aucune vérification
des antécédents de santé mentale des
acquéreurs. Sur un autre plan, le Nevada
n’a pas de loi propre réglementant
les armes d’assaut, les fusils de calibre 50
et les chargeurs de grande capacité.
↙ Dessin de Curry
paru dans El Diario
de Coahuila, Mexique.
→ 14
200
300
400
Au Nevada, nombre de morts causées par :
Un fléau pour le Nevada
la circulation routière
les armes à feu
2004 2010 2015
SOURCES : “QUARTZ”, US Centers for Disease Control and Prevention
29,7
15 079
Nombre d’homicides par armes à feu pour 1 million de personnes (2012)
Un problème américain
SOURCES : “THE GUARDIAN”, OFFICE DES NATIONS UNIES CONTRE LA DROGUE ET LE CRIME, SMALL ARMS SURVEY, GUN VIOLENCE ARCHIVE
ÉTATS-UNIS
7,7SUISSE
5,1CANADA
1,9ALLEMAGNE
1,4AUSTRALIE
Morts par armes
à feu en 2016
aux États-Unis
ÉTATS-UNIS
LasVegas:l’impensable
s’estreproduit
La tuerie lors d’un concert en plein air à Las Vegas, qui a fait au
moins 59 morts le 1er octobre, est un événement tristement
familier dans un pays où beaucoup sont armés jusqu’aux dents.
13. Du 9 au 21 octobre 2017, Bouygues Telecom
et ses partenaires organisent une grande opération
de collecte et de recyclage des mobiles usagés.
Pourquoi? Parce qu’en France il y a 100 millions(1) de vieux mobiles inutilisés
qui pourraient être recyclés pour préserver les ressources naturelles.
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(1)Sénat : Rapport d’information du 26/09/16. (2)15000 bons d’achat disponibles pour l’opération, à valoir le jour même dans la boutique
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14. 7 JOURS14. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
Legazdeschiste
est de retour
ALGÉRIE— Le Premier ministre
algérien, Ahmed Ouyahia, a
plaidé le 1er octobre en faveur de
larelancedel’exploitationdugaz
de schiste. Une annonce qui “fait
apparaître l’absence de choix dont
dispose le gouvernement face à la
crise” due à la chute du prix du
pétrole et à la baisse des recettes
issues de la vente des matières
premières, souligne El-Watan.
Alors que le gouvernement pré-
voit une révision de la loi sur les
hydrocarbures, les manifesta-
tions dans la région d’In Salah,
dans le sud du pays, n’auraient
donc pas réussi à écarter l’option
du gaz de schiste, juge le journal.
La tension
remonte
CUBA— “L’administration amé-
ricaine va expulser près des deux
tiers du personnel de l’ambassade
de Cuba à Washington”, annonce
El Nuevo Herald le 2 octobre.
Dans le même temps, plus de la
moitié des employés de l’ambas-
sade américaine à La Havane ont
été priés par Washington de ren-
trer aux États-Unis. Ce regain
de tension fait suite au mystère
des “attaques acoustiques” qui
affectent depuis des mois les
diplomates travaillantà l’ambas-
sade américaine de La Havane.
Les enquêtes n’ont pas permis
de déterminer la cause exacte de
ces troubles provoquant maux
de tête et nausées.
PaulBiyadoitagir
CAMEROUN — Le 1er octobre,
jour de l’anniversaire de l’unité
camerounaise, des séparatistes
anglophones ont symbolique-
ment proclamé l’indépendance
de l’“Ambazonie”, qui regroupe
les régions anglophones du pays.
Au moins dix-sept personnes ont
ététuéesparlesforcesdesécurité.
C’est “un anniversaire au goût de
cendre”, regrette L’Observateur
Paalga, qui rappelle que la mino-
rité anglophone du pays (20 %
des Camerounais) est durement
frappéeparlechômage.Lejournal
burkinabé demande au président
camerounais–“leroifainéantPaul
Biya” – de sortir de son “apathie”
et de réformer le pays.
Réconciliation
vitale
PALESTINE—LePremierministre
palestinien, Rami Hamdallah, a
réuni le 3 octobre son gouverne-
mentdanslabandedeGaza,pour
la première fois depuis 2014. Un
geste qui marque le premier pas
dans le transfert du pouvoir du
Hamas, qui dirige Gaza depuis
2007, au Fatah, dont est issu
Hamdallah. Le quotidien israé-
lienHa’Aretznotequelenouveau
leader du Hamas à Gaza, Yahya
Sinouar,apréféré“fairedesconces-
sionspourrétablirl’économiedansle
territoire”.L’Autoritépalestinienne
avait en effet cessé de verser les
salaires des fonctionnaires de
Gaza et de payer l’électricité.
mêmes bobards. On va nous expli-
querquesilesgensvenusdanserdimanche
au son de la musique country sous les
étoiles avaient eux aussi été armés, le
bilan aurait été moins lourd. Mais même
dans ce cas, comment auraient-ils pu se
défendre contre un homme qui tirait avec
unearmebienpluspuissante,d’unefenêtre
éloignée d’un 31e étage ? C’est absurde.
L’une des questions auxquelles la police
va essayer de répondre, et qui va engager
la suite du débat, est de savoir si Paddock a
acquis ses armes à feu légalement. Mais la
vraie question qu’il va falloir se poser est
la suivante : pourquoi laissons-nous tant
d’armes entre les mains de civils ? Notre
pays regorge d’armes à feu – d’après cer-
taines estimations, les États-Unis comp-
teraient plus d’armes que d’habitants,
et lundi les investisseurs de Wall Street
ont fait grimper la cote des fabricants
d’armes. Selon la Gun Violence Archive,
il s’est produit 273 “fusillades de masse”
(au moins 4 personnes tuées lors d’un seul
incident, sans compter le tireur) dans les
275 derniers jours.
Si l’on en croit un reportage de la BBC
diffusé l’année dernière, le nombre d’ho-
micides par armes à feu et par habitant
aux États-Unis en 2012 – l’année la plus
−0,6 %Pour la première fois depuis 2009, les prix de l’immobilier à Londres
ont baissé au troisième trimestre 2017, rapporte le Financial
Times le 29 septembre, en raison des “incertitudes liées au Brexit
et au ralentissement de la hausse des salaires”. Cette légère
érosion “met fin à une longue période d’augmentation des prix
de l’immobilier dans la capitale britannique”, qui reste toutefois
“l’endroit le plus cher pour acheter une maison au Royaume-Uni”,
note le quotidien économique. Londres demeure cependant une
exception, puisque les prix immobiliers ont augmenté de 2,2 %
dans le reste du pays au cours de ce même troisième trimestre.
ÉCLAIRAGE
Armes à feu : les républicains
veulent encore assouplir la loi
“Après le massacre de dimanche
à Las Vegas, la plus meurtrière
fusillade de masse de notre histoire
contemporaine, la Chambre
des représentants votera bientôt
une proposition de loi facilitant
les fusillades de masse”, résume
avec ironie le chroniqueur Doyle
McManus dans le Los Angeles
Times. La Chambre se prépare en
effet à examiner un texte portant
officiellement sur la chasse
et les loisirs, qui “légalise la vente
de balles perforantes si leur
fabricant déclare qu’elles sont
destinées à des activités de loisir”
et “assouplit de vieilles
réglementations fédérales
sur les silencieux”. Or, note
le journaliste, il ne fait
pratiquement aucun doute
que le texte, ardemment soutenu
par le lobby des armes à feu,
la NRA, sera facilement adopté
par la Chambre, dominée
par les élus républicains.
Ainsi, écrit-il, “voilà où nous
en sommes sur la législation
fédérale concernant la limitation
des armes : non pas paralysés, mais
pire que cela. À chaque fois que
la NRA trouve de nouvelles
réglementations à supprimer,
le Congrès s’efforce aussitôt de
rendre plus faciles l’acquisition,
le transport et l’usage d’armes
et de munitions puissantes.”
récentepourlaquelleondisposedechiffres
comparables – était 30 fois plus élevé qu’au
Royaume-Uni, soit 2,9 pour 100 000,
contre seulement 0,1. Nous ne sommes
peut-être pas capables de freiner les accès
de violence de nos concitoyens, mais
nous devons limiter l’accès aux armes et
faire mieux appliquer la réglementation.
Ne pas le faire relève de la lâcheté poli-
tique, de la capitulation morale. En accep-
tant depuis si longtemps qu’il y ait tant
d’armes en circulation dans notre pays,
nous avons fait ce choix de société : être
armés et dangereux.—
Publié le 2 octobre
STRINGER/AFP
MARTIRENA,CUBA
← Dessin de Ruben,
Pays-Bas.
12 ←
2004 2010 2016
11
5,4
3
Une production
qui a doublé en six ans
SOURCES : “QUARTZ”, US BUREAU OF ALCOHOL, TOBACCO,
FIREARMS AND EXPLOSIVES
Armes à feu fabriquées aux États-Unis
(en millions)
15. LE SENS DE L’ACCUEIL*
*Le verre Leffe a été spécialement créé pour mieux accueillir les arômes de Leffe.
16. REPORTAGE
16. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
REPORTAGE
Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
ÉTATS-UNIS
Mexico
4 628
État de Mexico
11 604
État de Jalisco
5 292
État de Chihuahua
7 240
État de Sinaloa
4 914
État de Guerrero 8 986
500 km
Océan
Pacifique
Plus de 4 500
De 3 000 à 4 500
De 1 500 à 2 999
Moins de 1 500
Nombre d’homicides
(par État, sur la période
2012-mars 2017)
SOURCE : ZETA
Mexique.
L’overdose
deviolence
Europe ........... 20
France ........... 24
Moyen-Orient..... 26
Afrique.......... 28
Asie ............. 30
d’un
continent
à l’autre.
amériques
Presquechaquejour,on
déploreauMexiquede
nombreusesvictimesdemort
violente.Lafauteauxcartels,
accusentlesuns.Lafauteàlamisèreet
àl’incuriedelaclassedirigeante,affirment
lesautres.Analysed’unphénomène
quirongecegrandpaysdel’intérieur.
FOCUS
Chroniqued’un
villagefantôme
Des villages entiers sont sous la coupe
des narcotrafiquants, avec la complicité de leurs
proches, simples paysans. Et quand les choses
tournent mal, tout le monde s’enfuit. Portrait
d’un village déserté après une série d’attaques.
18 %DU PRODUIT INTÉRIEUR BRUT
La violence a coûté au Mexique près
d’un cinquième de son PIB en 2016, selon le
think tank Institute for Economics and Peace.
Ce chiffre a été établi en prenant en compte
les dépenses dans l’armée et dans la police,
les investissements dans des entreprises
de sécurité mais aussi l’impact d’un
meurtre sur le budget d’un ménage.
—La Jornada Mexico
ALaGavia[danslesud-ouest
dupays],onnecompteplus
quedeuxpersonnesâgées :
aucœurdel’ÉtatdeGuerrero,les
quelque 500 autres habitants du
villageonttousfuilaviolencedes
affrontements entre le gang des
Tequilerosetdesvillageoisducoin.
Levillageestàl’abandoncelundi
matin.Lesruessontvides,lesécoles
désertesetlesanimauxlivrésàeux-
mêmes, sans eau ni
nourriture.
Énième village
abandonné,avecson
école sans enfants,
son église sans
paroissiens; le tout
dansunsilencequeseulsviennent
troublerlesaboiements,lesmeugle-
mentsetleshennissementsd’ani-
maux affamés. Tel est le portrait
d’unvillagefantômetypiquedela
Tierra Caliente [“Terre chaude”,
nom donné à la région en raison
de son climat chaud et sec] dure-
ment éprouvée.
Mais La Gavia n’est pas un
village comme les autres. Le
bétail y est de bonne qualité et
les chevaux sont des pur-sang
qui cavalent librement à travers
les rues boueuses.
Lecoupledevieuxestrestéparce
que,d’aprèslesmembresdugroupe
d’autodéfense Mouvement pour
la paix, de San Miguel Totolapan
[situé à proximité], ils espèrent
queleurfilskidnappéparlabande
du chef local, Raybel Jacobo de
Almonte, dit “El Tequilero” [“le
Tequilero”],varevenirvivant,bien
qu’onsachequ’ilaétéassassinéau
troisièmejourdesaséquestration.
L’une des maisons aux toits de
tuilesetauxmursdebriquesdela
localitéestlademeuredudénommé
ElTequilero.Elleestsituéeàcôté
de l’école, et on raconte qu’y a été
tournéeunevidéod’unefête–dif-
fusée à la télévision – sur laquelle
l’hommeapparaîtauxcôtésdeson
“pote”, le député du
PRI[Partirévolution-
naireinstitutionnel,au
pouvoir] Saúl Beltrán
Orozco,actuellement
en disponibilité. À en
croire le Mouvement
pour la paix, ce dernier serait le
vrai chef des Tequileros.
À quelque distance, quarante
policiersarmésprotègentlesjour-
nalistes venus en reportage dans
ce village qui fut pendant neuf
ans le fief de Raybel Jacobo, dont
lesurnomviendraitdesonamour
immodéré pour la tequila.
Jusqu’à ce jour, les photos
étaient interdites à La Gavia.
RaybelJacoboempêchaitqui-
conquenefaisantpaspartiede
sonorganisationcriminelle
de fouiner dans la région.
Destémoinsaffirmentque
la moitié des habitants
du village étaient des
proches du Tequilero
et assuraient le ravi-
taillement des
17. AMÉRIQUES.Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017 17Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
Pics de violence
SOURCE : INDICEDEPAZMEXICO.ORG (SESNSP, CALCULS DE L’IEP)
Pics de violence
2006 20072005 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016
2011 Point
culminant
des violences
meurtrières.
2016 Détérioration
globale des
indicateurs de paix
dans le pays
par rapport à 2011.
2015 Le nombre
d’homicides violents
augmente pour la
première fois depuis 2011.
2014 Disparition
non élucidée
de 43 étudiants
à Iguala,
État de Guerrero.
2008 Premières
manifestations
contre
la violence
induite par
cette politique
offensive.
2006 Début
de la guerre
du gouvernement
contre le trafic
de drogue.
2,9
10,4
8,2
7,5
11,4
4,7
Évolution du nombre d’homicides
au Mexique pour 100 000 habitants
Uneviemeilleure
estpossible
Assassinats de journalistes, exécutions de citoyens
ordinaires, féminicides, règlements de comptes :
il règne au Mexique un parfum de mort.
Il existe pourtant des pistes pour mettre
un terme à ce cycle infernal, affirme El País.
—El País Madrid
On pourrait se demander
indéfiniment pourquoi les
journalistes sont assassi-
nés au Mexique et pourquoi ce
pays est, après la Syrie, le plus
meurtrier du monde, d’après le
rapport annuel de l’Institut inter-
national d’études stratégiques
(IISS, à Londres) sur les conflits
armés [un classement contesté
par le gouvernement mexicain].
Pourquoi des hommes armés
attaquent une famille sur une
autoroute près de Mexico, violant
deux femmes dont une mineure
et tuant par balle un petit de
2 ans. Pourquoi le féminicide
fait autant de victimes (en 2014,
le nombre quotidien de décès de
femmes avec présomption d’ho-
micide s’élevait à 6,3 selon une
étude réalisée par ONU Femmes,
le ministère mexicain de l’Inté-
rieur et l’Institut mexicain des
femmes). Ou encore pourquoi les
zones où les citoyens se sentent
en danger sont de plus en plus
vastes. Pourquoi la peur règne
dans des villages entiers.
Pourtant, même en ébauchant
une réponse – le trafic de drogue,
lacorruption,l’impunité,lecrime
organisé –, nous n’atteindrons
pas le cœur du problème dont
souffre le pays.
Les violences démultipliées
que subissent les Mexicains sont
d’abord structurelles, parce que
liées à des organisations sociales
bienenracinéesquisechargentde
les perpétuer (une notion décrite
parlepolitologuenorvégienJohan
Galtung). Elles sont également
systémiques,àsavoirinscritesdans
les comportements et les per-
ceptions des gens, qui acceptent
et reproduisent les rapports de
domination par habitude, sans
rechigner (d’après le sociologue
françaisPierreBourdieu).Etelles
sont aussi objectives, intimement
liées au système et perpétuant
ainsi les rapports de domina-
tion et d’exploitation capitalistes
(selonlephilosopheslovèneSlavoj
Zizek).
Ungrandvide.Danscecontexte,
le plus effrayant est que la vio-
lence annihile toute possibilité
d’agir, imposant à ses victimes
une passivité absolue, car elle est
un mal qui ronge l’individu, le nie
et le détruit. C’est ainsi qu’une
société risque la mort si elle est
incapable de rejeter la violence
et de s’immuniser contre elle. La
violence se manifeste de manière
“expressive, explosive, explicite,
impulsive et invasive”, explique le
philosopheByung-ChulHan[pen-
seurallemandd’originecoréenne,
dans Topologie der Gewalt, non
traduite en français] et dépos-
sède le sujet de lui-même. Elle
vise toujours les créatures dotées
d’uneconscience,cardétruireune
pierre ne peut être assimilé à de
la violence.
Par ailleurs, la violence n’est
passymboliquemaisdiabolique–
elle est pauvre en symboles et en
langage. Elle détruit tout espace
de liberté et laisse derrière elle
un grand vide.
Comment peut-on mettre fin à
tout cela ? La première cause de
violence est la guerre contre le
trafic de drogue [depuis 2006].
Cette expression a toujours été
une espèce de tautologie, car le
germe du narcotrafic moderne se
développe dans les forces mêmes
quilecombattent :policierslicen-
ciés, militaires déserteurs, ins-
tancesjudiciairesetresponsables
politiques corrompus. La seule
issue à ce problème serait de
légaliser les drogues. Car il ne
suffit pas que le secrétaire d’État
américain Rex Tillerson admette
que les assassinats comme celui
du journaliste Javier Valdez [le
15 mai dernier à Culiacán, dans
l’État de Sinaloa] résultent de
la violence liée au narcotrafic,
ni même que John Kelly,
personnes séquestrées. Ils sont
désormais accusés d’avoir atta-
quédespoliciersle19 juindernier.
Le lendemain de cette attaque,
La Gavia s’est vidée de ses habi-
tants et a rejoint la cohorte des
vingt-cinq villages fantômes de
SanMiguelTotolapan,quicompte
cent quinze communes.
Député suspect. Même si l’on
suppose que les membres des
Tequileros sont déjà loin, les
agents de la police locale et fédé-
rale qui surveillent La Gavia et
accompagnent les journalistes
restent prudents. Ils pensent que
lescriminelspeuventreveniràtout
moment. L’accès à la planque des
Tequileros est interdit.
Cette planque, où sont morts
quatre policiers et où sept autres
ont été blessés, est située en
dehorsduvillage,prèsde
lacollineoùElTequilero
a emmené les quelque
200 victimes qu’il a
enlevées, affirment
les miliciens du
Mouvement pour la
paix.Lesenlèvements
ont été légion [depuis
2016,dansleGuerrero],
commeceluid’ElSalitre,
où27 personnesontété
enlevées en se rendant
à un mariage, ou celui
de 24 employés dans
une mine de Temixco,
ou encore celui de 8 ins-
tituteurs de Santa Ana del
Águila,arrachésàleurécole
etdontledirecteurestmort
sur la route.
Tandis que les journalistes
font le tour du village, les ani-
maux affamés quémandent
un peu de nourriture dans un
vacarme épouvantable.
Pour leur part, les membres
du Mouvement pour la paix ont
déposélesarmes[lecollectifd’au-
todéfenselocalavaitprislesarmes
endécembre2016,arguantdel’in-
capacité des autorités à freiner la
violenceliéeauxnarcotrafiquants
danslesecteur]etsetiennentaux
côtésdesforcesdepolicefédérales
et de l’État de Guerrero.
Maislesmembresdececollectif
deSanMiguelTotolapanontànou-
veau demandé au gouverneur de
l’Étatetauprésident[duMexique],
Enrique Peña Nieto, d’arrêter El
Tequilero. Et ils exigent que les
autoritésagissentcontreceluiqui,
seloneux,dirigelesTequileros :le
député Beltrán Orozco.
—Sergio Ocampo Arista
Publié le 4 juillet
Même en ébauchant
une réponse, nous
n’atteindrons pas
le cœur du problème.
↙ Dessin de Boligán paru dans
El Universal, Mexico.
→ 18
18. EUROPE18. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017AMÉRIQUES FOCUS MEXIQUE
le secrétaire général de la
Maison-Blanche, reconnaisse
[en mai dernier] que le trafic de
stupéfiants et les morts qui en
découlent au Mexique relèvent
de la demande de drogue aux
États-Unis.Cesderniersreprésen-
tent le “marché”, mais un marché
“noir” dans lequel s’impose par
conséquent non pas la loi du plus
fort mais celle du plus violent, du
mieux armé et du plus corrompu.
Les responsables politiques
mexicainstelsqueLuisVidegaray,
le ministre des Affaires étran-
gères, proposent de réaliser des
études et de signer des accords
avec les États-Unis pour, en
équipe, s’atteler à la forte réduc-
tion de la demande de drogues.
Mais cette bataille est perdue
d’avance si on ne s’en prend pas
à la racine du mal, c’est-à-dire le
trafic illégal de stupéfiants.
Dessolutions.Pourtant, même
en légalisant les drogues, la vio-
lencenecesseraitpasauMexique.
Il faudrait se lancer en même
temps dans une réforme com-
plète du système judiciaire [déjà
partiellement engagée en 2016]
pour veiller à ce que toutes les
formes de crimes et de délits –
qui se sont diversifiées au sein
desbandesdenarcotrafiquantset
incluent désormais l’enlèvement,
l’extorsion, le viol et le cambrio-
lage – ne restent pas impunies. Il
faudrait aussi engager une pro-
fonde transformation des forces
del’ordre,tantpolicièresquemili-
taires, une professionnalisation
qui intègre des codes éthiques
et humains, aux antipodes des
méthodes actuelles, que tout
citoyen mexicain connaît bien.
Enfin, et peut-être surtout, il
faudraits’attaqueràlacorruption,
unepratiquequitouchetoutesles
couches de la société mexicaine.
L’éradiquer suppose un proces-
sus très lent de recomposition
des institutions, du cadre de la
famille à celui de l’État dans son
ensemble, qui permettrait aux
individus de voir évoluer leurs
rapports sociaux et d’accéder à
des responsabilités citoyennes
grâce à un meilleur niveau d’édu-
cation, que la nation serait prête
à leur apporter.
Siriendetoutcelaneseréalise,
le Mexique continuera à subir la
violence qui ravage aujourd’hui
son territoire. Et dont l’overdose
le plonge dans l’une des pages les
plus misérables de son histoire.
—Carlos Rubio Rosell
Publié le 7 juillet
—Ríodoce Culiacán
Trente-deux ans jour pour
jour après l’effroyable
tremblement de terre de
1985, qui s’était soldé par des mil-
liers de morts et des dizaines de
milliers de sinistrés, la terreur et
la tragédie se sont abattues sur
Mexico le 19 septembre [2017,
après un précédent séisme dans
le sud du pays, le 7 septembre].
Defait,ce19 septembrenoirest
unefunesterépliqueduséismequi
amarquépourtoujoursleMexique,
etenparticulierlevivre-ensemble
dans notre capitale. Le Mexique
a changé au cours de ces trente-
deux années, mais il l’a fait sous
l’impulsiond’unesociétécivilequi
acomblélesvidesd’ungouverne-
ment paralysé, à l’époque dirigé
par le président Miguel de
la Madrid [1982-1988].
Untelévénement,naturelet
imprévisible, fait ressortir ce que
nous sommes profondément, en
tantquepays,dansnotregrandeur
comme dans notre faiblesse. Le
séismedu7 septembreafrappépar-
ticulièrementlespluspauvres.Le
constatestlemêmeaprèsle19 sep-
tembre, où le drame a plus dure-
menttouchélesclassesdémunies.
Cesmalheursmettentenlumière
uneautrefaiblesse :l’indolencede
laclassepolitique,despartisetdes
parlementaires, absents jusqu’à
nous faire honte, insensibles à la
douleur et à la tragédie. Hormis
AndrésManuelLópezObrador[dit
“Amlo”, candidat à l’élection pré-
sidentiellede2018]etsonmouve-
ment Morena, qui dès le premier
jour ont annoncé qu’ils feraient
donauxvictimesde20 %desres-
sources qui leur sont attribuées
pourlescampagnesélectoralesde
2018, les autres partis n’ont réagi
que lorsque la clameur populaire
estdevenuetropforte.Mêmel’Ins-
titutnationalélectoral,quidansun
premier temps avait déclaré que
l’initiative d’Amlo serait illégale,
a ensuite cherché un moyen de la
mettreenapplicationpourtousles
partis. Face à la pression de l’opi-
nion,presquetouslesautrespartis
ont ensuite avancé une variante
de la même proposition, ce qui
signifiequ’ilspeuventtravailleret
fairecampagneavecmoinsderes-
sources.Ilfautsaisircetteoccasion
pourqueleslégislateursréduisent
une bonne fois les fonds destinés
auxpartispolitiques,dessommes
excessivesetscandaleusesdansun
paysoùcertainsmeurentdefaim.
Le Mexique n’a réduit ni son
tauxdepauvreté,nil’exploitation,
Brascroisés
devant
ladétresse
Le mauvais sort qui
a frappé la population
lors du séisme du
19 septembre a révélé
l’indifférence de la classe
au pouvoir.
Orilyena,deschosesàchanger.
Commentsefait-ilquedansunpays
oùilyatantdepauvresetd’exclus,
tant de personnes exploitées, les
entreprises conservent leurs pri-
vilèges?Pourquoinepunit-onpas
l’évasion fiscale dont se rendent
coupableslesgrandsgroupes,ceux
de Carlos Slim [magnat des télé-
communications, sixième dans la
listedesplusrichesdumonde],les
chaînes de télévision, les sociétés
d’exploitationminière,lesgroupes
de télécoms, ou encore Cemex
[construction], Modelo [brasse-
rie], Coca-Cola, Bimbo [agroali-
mentaire], ICA [infrastructures],
Walmart?Quefait-onpourqueces
entreprises,pourcertainesmulti-
nationales, améliorent les condi-
tionsdetravaildeleursemployés?
Delamêmefaçonqu’ilyatrente-
deuxansémergeaitdesdécombres
une société assoiffée d’entraide,
aujourd’hui ce sont les jeunes qui
ontincarnécetélansolidaire,exi-
geant à cor et à cri, par leur com-
portementexemplaire,quesurgisse
enfin un autre Mexique.
—Ismael Bojórquez
Publié le 24 septembre
SOURCE
RÍODOCE
Culiacán, Mexique
Hebdomadaire
riodoce.mx
Ríodoce a été créé en 2003 dans
l’État de Sinaloa (nord-ouest du
Mexique), région marquée par la
présence du puissant cartel
du narcotrafiquant El Chapo.
Le 15 mai 2017, l’un des fondateurs
du journal, Javier Valdez
Cárdenas, a été assassiné par
balles devant le siège de Ríodoce.
ni l’impunité face aux
violences, ni la cor-
ruption. Mais les bud-
gets alloués aux partis,
aux chambres législa-
tives,àlajusticeetauxdifférentes
branches de l’exécutif augmen-
tent chaque année.
Il est temps que cela change,
et que les fruits des richesses
produites dans ce pays soient
moins injustement redistri-
bués. La Bolivie, le Chili, l’Uru-
guay et d’autres font reculer la
pauvreté et la misère, pourquoi
pas le Mexique? Ce n’est pas un
hasardsilapauvretéstagne,voire
augmente, dans un pays qui par
ailleurs se classe parmi les plus
corrompus : il y a très certaine-
ment un lien entre ces deux faits.
C’est que ceux qui font la poli-
tique dans ce pays sont concen-
tréssurleurbénéficepersonnelet
non sur le bien-être des citoyens
qu’ils représentent et de la popu-
lation qu’ils dirigent.
Il est urgent que tout cela
change. Et les premiers à en
prendreconsciencedevraientêtre
précisémentceuxquisetrouvent
aupouvoir.Cen’estpasunhasard
siaulendemainduséismede1985
qui dévasta Mexico et mobilisa
immédiatement les Mexicains
ordinaires, le PRI [Parti révolu-
tionnaire institutionnel, au pou-
voir] a connu en son sein une
fracturequil’aconduiten1988àla
toutepremièredéfaitedesonhis-
toireàuneélectionprésidentielle
– défaite qu’il n’a pas reconnue.
“Les narcotrafiquants
ont surgi des inégalités sociales
qui persistent depuis l’époque
coloniale”, affirme l’écrivain
et scénariste colombien
Sergio Álvarez dans
une interview
accordée au
site Deutsche
Welle en
espagnol. Pour lui, les racines
de la violence sur le continent
sont très profondément
ancrées dans l’histoire. Auteur
du roman remarqué 35 morts,
un témoignage sur la période
la plus sombre du narcotrafic
en Colombie des années 1960
à l’aube du xxie siècle,
il compare la situation du
Mexique à celle de son pays à
cette époque. Il considère que
cette violence systémique naît
“de l’humiliation permanente
infligée à celui qui n’a ni
argent ni éducation,
par un système
économique qui génère
beaucoup de pauvreté”. Pour
sortir de l’escalade entre la
répression sanglante du trafic
et les exactions commises
par le crime organisé, la seule
issue reste de négocier avec
les cartels, avance Sergio
Álvarez. L’auteur rappelle que
c’est le choix auquel a fini
par se résoudre la Colombie
à l’égard de Pablo Escobar
(en 1991) puis des cartels qui
lui ont succédé. “C’est plus une
question pratique que morale,
explique-t-il. “Il est question
d’éviter des morts, de pacifier
des régions et de construire
une société différente.”
Vu de Colombie, il faut négocier avec les cartels
La classe politique,
absente jusqu’à
nous faire honte.
↙ Dessin de Boligán paru dans
El Universal, Mexico.
17 ←
19.
20. EUROPE20. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
ALLEMAGNE
L’AfD:c’estfini
leclivage Est-Ouest
Célébrer l’unité allemande après le vote protestataire
du 24 septembre et la percée de l’extrême droite au
Bundestag n’est pas chose aisée. Mais existe-t-il
encoredeuxAllemagnes,27ansaprèslaréunification?
—Frankfurter
Allgemeine Zeitung
Francfort
L’Allemagne célèbre tou-
jourssonunitéle3 octobre.
Orcetteannée,vingt-sept
ans après la réunification et au
lendemain des élections légis-
latives du 24 septembre, jamais
le fossé n’aura paru aussi grand
entre l’Est et l’Ouest. C’est pour-
tanttoutlecontraire.Mêmesil’on
tient compte du résultat de l’AfD
[Alternative pour l’Allemagne,
extrême droite] : ce parti, rela-
tivement jeune [fondé en 2013],
est un phénomène d’ampleur
nationale qui plonge ses racines
dans le terreau national ou plus
encore mondial. L’AfD a rassem-
blé sur son nom les voix protesta-
taires du pays tout entier. D’après
les instituts de sondage, les trois
quarts de son score viennent de
là. Qu’on proteste davantage à
l’Est qu’à l’Ouest, voilà qui n’est
pas nouveau. La seule différence
aujourd’huiestquecelaneprofite
plusseulementaupartidegauche
Die Linke. Représenté dans trois
gouvernementsrégionauxdel’Est
[Thuringe,BrandebourgetBerlin]
ainsiqueparunministre-président
[BodoRamelow,enThuringe],Die
Linkefaitdésormais,auxyeuxde
Munich,FrancfortouHambourgy
font face difficilement, et Leipzig,
Iéna ou Berlin grandissent à un
rythme proprement vertigineux.
La plupart des grandes métro-
poles de l’Est n’arrivent toute-
fois qu’après celles de l’Ouest,
en raison d’une moins bonne
dynamique économique qui per-
dure. Ainsi, alors que Düsseldorf
compte à peu près autant d’ha-
bitants que Dresde, sa munici-
palité encaisse quatre fois plus
de recettes fiscales que celle de
Dresde. Dans les métropoles
de l’Est, l’administration reste
un des principaux pourvoyeurs
d’emplois, suivie des institutions
publiques comme les universi-
tés, les hôpitaux et les instituts
de recherche.
Et cela n’est pas près de chan-
ger car il faut du temps, beaucoup
de temps, pour corriger certains
grandsdéséquilibres,commel’ab-
sence de grandes entreprises et
de sièges de grandes entreprises
danslesLänderdel’Est.Enconsé-
quence, il faudra plutôt miser sur
les PME et les jeunes entreprises
[pour faire évoluer la situation].
Il faudra leur permettre de déve-
lopperleurproprecroissancesans
être, comme cela s’est souvent
vu ces dernières années, rache-
tées par la concurrence et délo-
calisées à l’Ouest ou à l’étranger.
La chancelière vient précisé-
ment d’indiquer que les Länder
de l’Est auront encore besoin
d’aide en raison de leur “niveau
de recettes fiscales dramatiquement
bas”. Parallèlement, le futur gou-
vernement devra mieux prendre
encomptelesbesoinsdesrégions
défavorisées, et ce à l’échelle de
tout le pays. La proposition du
ministre-président de Thuringe,
Bodo Ramelow [Die Linke], d’uti-
liser la taxe de solidarité [préle-
vée sur l’impôt sur le revenu, sur
lesbénéficesetsurlessociétéset]
jusqu’à présent versée sans dis-
tinction au budget de la nation,
mérite au minimum réflexion. En
revanche, la création d’un minis-
tère de l’Est, tel que l’a proposé
Die Linke au cours de sa cam-
pagne, serait contre-productive
puisqu’ellerenforceraitl’idéed’un
statut spécial des Länder de l’Est
et ne ferait qu’accroître – à juste
titre – le sentiment d’injustice
des autres régions en difficulté.
Pourcettemêmeraison,legou-
vernementdevraitégalementabolir
lafonctionde“chargédesnouveaux
Länder”[actuellementIrisGleicke
(SPD)].Outrelefaitqu’aprèsvingt-
sept ans de réunification, les cinq
“nouveaux Länder” n’ont plus
grand-chosedenouveau,forceest
de constater qu’ils ont connu des
évolutionstrèsdifférentes.Hormis
le passé commun de la RDA et de
sesconséquences,aujourd’hui,rien
ne relie davantage la Thuringe au
Brandebourg qu’à la Basse-Saxe
ou la Hesse. Mais la chargée des
nouveaux Länder doit – par défi-
nition–soulignerenpermanence
lesspécificités“est-allemandes”et
leségrenerdanssonrapportannuel
surl’unitéallemande.C’estlàqu’on
mesureaumètreprèsleretardqui
reste à rattraper pour arriver au
niveaudel’Ouest.Àl’Est,cecom-
paratifdonnesurtoutlesentiment
désagréable d’être toujours à la
traîne, tandis que l’Ouest nourrit
un sentiment d’impatience et se
demande combien de temps cela
va encore durer.
L’histoire de la réunification
montre en outre que l’argent
peut guérir bien des blessures,
mais certainement pas toutes. Il
importe donc, particulièrement
au lendemain d’élections qui ont
vu resurgir en force les ressen-
timents, qu’Allemands de l’Est
et de l’Ouest se racontent leur
histoire respective. Il existe un
endroit en Saxe où depuis plus
de vingt ans, des Allemands de
l’Est et de l’Ouest viennent “dia-
loguersurleurbiographie”etten-
tent de briser ainsi les préjugés
en adoptant le regard de l’autre.
Une initiative privée qui, à ce
que l’on dit, porte ses fruits. Un
tel travail “panallemand” sur le
passé pourrait donner de la subs-
tance au slogan “Ensemble, nous
sommesl’Allemagne”retenucette
année pour célébrer, dans la ville
de Mayence, l’unité nationale.
—Stefan Locke
Publié le 2 octobre
Pour beaucoup,
Die Linke fait
autant partie de
“l’establishment” que
la CDU ou le SPD.
Les grandes
entreprises ne
vont pas implanter
leurs sièges à l’Est.
beaucoup, autant partie de “l’es-
tablishment” que la CDU [Union
chrétienne-démocrate], le SPD
[Parti social-démocrate], le FDP
[Parti libéral] ou les Verts. Et que
la faible propension de l’électo-
rat est-allemand à s’attacher à un
parti soit inversement propor-
tionnel à son goût pour la nou-
veauté dans les urnes est loin
d’être une surprise.
Fracture sociale. L’Allemagne
estpourtantbeaucoupplushomo-
gène qu’on ne le croit. Cela vaut
toutefoispluspourlescampagnes
quepourlesvilles,contrairementà
cequelaissentsupposerlesimages
descentres-villesrénovésdel’Est
etdeleursartèresimmaculées.La
viedanslesmontagnesduHarzou
dans l’Uckermarck n’est pas très
différentedelaviedanslePalatinat
ou dans le Vogelsberg : toutes ces
régions, à l’Est comme à l’Ouest,
sont aux prises avec le dépeuple-
ment, la stagnation et le vieillis-
sement. Elles ont en commun
de chercher comment faire pour
garder les écoles, les médecins,
les commerces, les curés et tous
cesindicateursdelavie publique.
Face à cela, le pouvoir d’attrac-
tion des villes ne se dément pas
et il s’exerce lui aussi à l’échelle
nationale (et même mondiale).
↙ Tout est sous contrôle !
Dessin de Schneider, Suisse.
37,4
30,8
24,2
17,7
11,1
4,5
SOURCE:OFFICEFÉDÉRALDELASTATISTIQUE
Résultats du vote pour l’AfD
aux élections législatives du 24 septembre 2017
(en % des suffrages exprimés, par circonscription électorale)
Présence de l’AfD dans les Parlements régionaux
Hesse
6
Rhénanie-
du-Nord-
Westphalie
15
Rhénanie-
Palatinat
4
Sarre
1
Mecklembourg-
Poméranie-
Occidentale
3
Bavière
14
Thuringe
5
Schleswig-
Holstein
2
Basse-Saxe
7
Br.*
1
Ha.*
1
Saxe
11
Saxe-
Anhalt
4
Brandebourg
5
Be.*
4
Bade-
Wurtemberg
11
* Be. Berlin,
Br. Brême,
Ha. Hambourg
Moyenne
nationale :
12,64
En rouge : répartition par Land du nombre de sièges obtenus par l’AfD
le 24 septembre au Bundestag (au total : 94 sur 709)
21.
22. EUROPE22. Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
cérémonien’estpasunrassemble-
mentdemasse–60à70 personnes
toutauplus.AndreïKormoukhine
invitetoutlemondeàunprochain
meetingpourlequelilattendl’aval
des autorités.
“Mes frères, nous comptons par-
ticulièrement sur vous. Nous allons
perdre la Russie si nous restons
ainsi passifs ! Ils ont déjà pris un
tiers des sièges dans les conseils
municipaux à Moscou ! Ils pré-
parent un nouveau Maïdan ! 1917
ressemblera à une bagatelle à côté !
Ce ne sera peut-être pas aussi san-
glant, mais du point de vue moral,
ils vont tout laminer! Ils prendront
nos enfants pour les donner à des
familleshomosexuelles!Nousallons
hurler de douleur! Je vous le garan-
tis, nous allons pleurer ! Parce que
je connais ces gens !”
L’ampleuretlaradicalitédumou-
vement de protestation contre
Matilda ont surpris la classe poli-
tique. Dans la nuit du 31 août,
quelqu’un a lancé des cocktails
Molotovsurlesfenêtresdustudio
pétersbourgeois d’Alexeï
Outchitel, le réalisateur
du film. Le 4 sep-
tembre,à6 heures
du matin, une
c a m ion ne t te
chargée de bon-
bonnes de gaz et de bidons
de 200 litres d’essence a été
projetée contre la façade du
cinéma Cosmos à Ekaterinbourg;
leconducteurestsortiduvéhicule
etalancédanslebâtimentuncock-
tailMolotov.Lesbonbonnesn’ont
pasexplosé,maisilafallu18véhi-
cules de pompiers pour éteindre
l’incendie du cinéma.
Le 11 septembre à 5 heures du
matin, des inconnus ont mis le
feu à deux voitures dans le centre
—Rousski Reporter
(extraits) Moscou
Nous parviendrons à arrê-
ter cette épidémie!” lance à
ses compagnons de lutte
Andreï Kormoukhine, leader du
mouvement orthodoxe Sorok
Sorokov[locutiondésignantlamul-
titudedeséglisesetdescroyants],
enparlantdufilmMatildalorsd’une
prière collective à Moscou.
Ledimanche24 septembre,Omsk
[dans le sud-ouest de la Sibérie] a
étélethéâtred’unrassemblement
contre Matilda. Les gens venus
à l’appel d’Andreï Kormoukhine
donnent l’impression que toute la
Russieorthodoxeoupresques’est
soulevéecontreMatilda;lagrande
processionquialieuannuellement
àSaint-Pétersbourgenseptembre
ressemblaitcetteannéeàunemani-
festationcontrelefilm.Le24 sep-
tembre,SorokSorokovavaitprévu
de mener des actions à Moscou,
maisàlademandedesservicesde
sécurité,ilsontorganiséàlaplace
uneprièrecollectivepourlesmar-
tyrsdelafamilleimpérialeàl’église
de la Résurrection de Kadachi.
Larueestdéserte,lecielcouvert.
L’égliseestentravauxdepuisplu-
sieursannées.Parmilesparoissiens,
certainssontvêtusdetee-shirtsà
l’effigiedel’empereurNicolasII.À
lafindel’office,toutlemondesort
del’égliseenprocession,faitletour
du bâtiment puis passe sous une
immenseaffichedelafamilleimpé-
rialeaccrochéedanslacourarrière.
De retour dans l’église, presque
toute l’assemblée s’agenouille.
“Lafamilleimpériale,aveclaquelle
la lignée des Romanov s’est éteinte,
s’estmontréeparticulièrementvaleu-
reuse”, dit le prêtre Alexandre
Saltykov. Pas l’un d’entre eux n’a
opposé la moindre résistance à
leursassassins,etcedélibérément.
C’estuncasuniquedansl’histoire
de l’humanité. Puis vient le tour
deMatildaqu’ilqualified’“ignoble
calomnie”.Lesgensvontseprendre
enphotosousl’affichedelafamille
impériale,etl’onpeutvoirquecette
RUSSIE
Les“dévotsdutsar”
passentàl’attaque
Au nom de “la patrie”, des forces conservatrices
extrémistes se déchaînent contre le film Matilda
qui, selon eux, salit l’image du tsar Nicolas II.
de Moscou, laissant sur place des
tracts portant le message “Brûlez
pourMatilda”.L’incendieatouchéle
véhiculedeConstantinDobrynine,
l’avocat d’Alexeï Outchitel. Les
incendiaires ont été filmés par
lescamérasdevidéosurveillance.
LesréseauxdesallesCinémaPark
et Formula Kino ont renoncé à
diffuser le film, craignant pour
leursspectateurs;l’avant-première
au cinéma Illusion a été annulée,
tandis que la projection privée
pour les membres du studio de
production, à Saint-Pétersbourg,
a fait l’objet de mesures de sécu-
rité sans précédent.
Christianisme militant. Il a
falluplusd’unesemainepourque
lesautoritéssemettentenaction.
Entre-temps, le leader de l’État
chrétien-SainteRussie,Alexandre
Kalinine[arrêtéle21 septembre],a
puexposersonidéologieaumédia
enligneMeduza.Qu’est-cequiest
si révoltant dans les propos du
chef de l’État chrétien? Eh bien,
par exemple, ceci : “Nous avons
des exemples de grands saints qui
réservaient le supplice du pal aux
blasphémateurs et aux sacrilèges.
Nousappartenonsàl’orthodoxie,un
christianisme militant! Lorsque les
gens voient cette folie impie, ils s’ar-
ment de l’exemple des saints. Ainsi,
celui qui voit combien Outchitel est
inflexiblepourraitbienluifairesubir
le supplice du pal… Et même si cela
lui coûte dix ans de prison, il sera
heureux, parce qu’il aura sauvé la
Russie de la profanation.”
Quelle est l’importance des
forcesconservatricesextrémistes
en Russie ? Parmi les activistes
orthodoxes proches de l’Église,
on trouve des ramifications plus
ou moins radicales. Toutes font
l’objetdel’attentionduthinktank
Sova qui travaille depuis plus de
vingtanssurlesrapportsentrela
société russe et la religion. Nous
noussommesentretenusavecson
directeur, Alexandre Verkhovski.
— En quoi la campagne contre
Matilda diffère-t-elle de toutes les
autres?
— En partie à cause du tsar. La
figure de Nicolas II n’est pas impor-
tantepourtoutlemondeaupointde
courir les manifestations. Mais il y
adesgensquiassocientl’orthodoxie
avant tout à la monarchie – au sein
de l’Église on les appelle les “dévots
du tsar”, ceux pour qui la figure du
tsar éclipse parfois celle de Dieu. Ils
sonttrèsactifsauseindel’Église,mais
peu visibles en dehors. La politique
menéecesdernièresannéesaimpliqué
de plus en plus l’orthodoxie comme
courantconservateur,etdonnéselon
moiàcesgensl’impressionquel’État
allait dans le sens du fondamenta-
lisme orthodoxe.
— D’où vient la violence?
— La “violence de basse inten-
sité” devient progressivement la
normeparcequelapolicen’arrêtepas
les coupables. Elle est extrêmement
prudente lorsqu’il s’agit de l’Église.
Je pense que ce mouvement a des
protecteurs haut placés au sein du
clergé,maisilresteéclaté.Àpropre-
mentparler,personnen’acondamné
l’incendie du cinéma Cosmos. Quel
enquêteur voudrait tomber
sur un évêque au cours
d’une enquête?
— Combien sont ces
gens et qui sont-ils?
—Difficileàévaluer.Àpartl’État
chrétien et Sorok Sorokov, il existe
d’autres groupes, parfois depuis les
années 1990. Certains font partie
demouvancesnationalistes.Volonté
divinemenaitdesactionsquirestaient
dans les limites de l’acceptable, pour
que la police ferme les yeux.
— Que va-t-il se passer
maintenant?
—Contreunpetitgroupe,ilsuffit
de pas grand-chose. Mais face à un
groupe décentralisé, ce n’est pas évi-
dent. Les poursuites contre l’État
chrétien pourraient en effrayer cer-
tains, mais en radicaliser d’autres,
voiren’avoiraucuneffet.C’estpour-
quoi je pense malheureusement que
le mouvement contre Matilda fera
encore parler de lui.
—Vitali Leïbine, Olga
Timofeeva-Glazounova
Publié le 28 septembre
Contexte
●●● Le film Matilda d’Alexeï
Outchitel a obtenu son visa
d’exploitation le 10 août, après
des mois de polémiques.
Politiques et associations
ultraorthodoxes faisaient
pression pour interdire
sa sortie, jugeant “antirusse”
et “antireligieux” le fait de
raconter la liaison amoureuse
du tsarévitch Nicolas
Romanov (futur Nicolas II)
avec une danseuse, avant son
mariage avec la future tsarine
Alexandra Fiodorovna. Mais,
depuis,lesactivistesontchangé
de méthode, passant aux
actes d’intimidation, voire à
la violence directe, contre les
auteursdufilm,oulescinémas
qui prévoient de le projeter.
La radicalité
du mouvement de
protestation contre
Matilda a surpris
la classe politique.
“La police
est extrêmement
prudente lorsqu’il
s’agit de l’Église.”
Alexandre Verkhovski,
dIRecteuR du thINk tANk sOvA
↗ Dessin de Kazanevsky,
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24. 24. D’UN CONTINENT À L’AUTRE Courrier international — no 1405 du 5 au 11 octobre 2017
Économie.Macron,
capitalisteeuropéen
En acceptant le rachat d’Alstom par l’Allemand Siemens et celui
de STX par les Italiens de Fincantieri, Emmanuel Macron veut
en finir avec le protectionnisme français et créer des champions
européens, avance ce journal britannique libéral.
—Financial Times Londres
Quandilétaitencoreministredel’Éco-
nomie,EmmanuelMacronavaitsus-
cité un tollé en autorisant la vente
d’Alcatel-LucentauFinlandaisNokia.Depuis
qu’il est président, il est allé encore plus
loin en acceptant de laisser partir l’un des
plus beaux fleurons tricolores : Alstom, le
constructeurduTGV,symboledesprouesses
de la France sur le plan technique.
Cetaccord–Siemensprendralecontrôle
du conseil d’administration d’Alstom et
fusionnera son unité ferroviaire avec l’en-
treprisefrançaise–révèlelavisionpragma-
tique, réaliste et dénuée de sentiments de
l’ancienbanquierd’affaireschezRothschild
à l’égard des questions industrielles.
Cet accord sur les transports et la déci-
siond’autoriserlegroupeitalienFincantieri
à devenir l’actionnaire majoritaire de STX,
propriétairedeschantiersnavalsdelacôte
atlantique,montrentbienlavolontédunou-
veauprésidentderompreaveclatraditionqui
consistaitàprotégerlesatoutsstratégiques
tricoloresdesappétitsétrangers.“Macronse
fiche de savoir à qui appartiennent les usines
ou les entreprises. Il appartient à une généra-
tion qui n’a pas ce genre d’attachement, sou-
tientPatrickArtus,directeurdelarecherche
économiquechezNatixis.Pourlui,parlerde
fleurons nationaux n’a pas de sens. Il agit au
niveau européen.”
Quatre mois après son élection, Macron
cherche à donner un nouvel élan à la
deuxième plus grosse économie de la zone
euro avec des réformes de l’emploi favo-
rables aux entreprises et des incitations
fiscales pour les investisseurs, et ce afin de
fairebaisserlechômagequidépasseles9 %.
Danslemêmetemps,ledirigeantde39 ans
veutuneEuropequiprotègedavantageses
travailleurs et ses intérêts économiques. Il
réclameuncontrôleplussévèredesinvestis-
sementsétrangersetademandéàBruxelles
d’interdireaux entreprisesn’appartenantpas
à l’Unioneuropéennederacheterdesentités
européennes si leur pays d’origine impose
des restrictions commerciales à l’Union.
Les accords Alstom et STX ont lieu alors
que Macron essaie de convaincre le reste
de l’UE, Berlin en particulier, de s’engager
dansdesréformesambitieuses.Etprouvent
La France ne peut plus trouver des jus-
tifications “romantiques” pour refuser les
rachatsétrangers,avaitdéclaréMacrondans
unentretienauFinancialTimes en2015après
la vente pour 15,6 milliards d’euros d’Alca-
tel-Lucent à Nokia.
Évoquant la fiscalité et le coût du travail
relativement élevé du pays, il avait ajouté :
“Nousnepouvonsignorerl’environnementéco-
nomique et industriel dans lequel nous agis-
sons, avec ses forces et ses faiblesses.” Attirer
ougarderdescentresdedéveloppementou
de recherche en France était pour lui plus
important que de conserver le siège d’une
d’entreprise.
Deux ans plus tard, le gouvernement de
MacronsebatcontreladécisiondeNokiade
supprimer600 emploisenFrance,aumépris
de ses engagements, ce qui prouve à quel
pointcetteapprochecomportedesrisques.
Macronnesefait“aucuneillusion”surl’état
de l’économie française, affirme Philippe
Martin,professeurd’économieàSciences-Po
et conseiller du candidat pendant la cam-
pagne.C’estpourquoiilchercheàencoura-
ger l’émergence d’une nouvelle génération
de start-up innovantes. “C’est un pari sur le
longterme.Ilprenddesrisques.Sidansquatre
ans,touslesTGVsontconstruitsenAllemagne,
il devra rendre des comptes.”
—Anne-Sylvaine Chassany
Publié le 28 septembre
Emmanuel Macron
ne se fait “aucune
illusion” sur l’état de
l’économie française.
Philippe Martin,
professeur à sciences po.
↙ Dessin d’Aguilar
paru dans La Vanguardia,
Barcelone.
l’appétence de Macron pour ce que les
Françaisappellentle“Meccanoindustriel”.
Legouvernementamenélesnégociations
entreAlstometSiemens,quiontcommencé
il y a un mois. Pour finir, l’État français a
renoncéàacquérir20 %despartsd’Alstom.
Enéchange,l’entrepriseallemandeaaccepté
degarderleFrançaisHenriPoupart-Lafarge
comme PDG de la nouvelle entité pendant
quatre ans. Elle a également donné des
garantiesconcernantlesemploisde l’usine
historique Alstom à Belfort, dans l’est de la
France.“NousnelaissonspastomberAlstom,a
déclaréunprocheduministredel’Économie.
LesTGVontunetrèshautevaleursymbolique,
maisilsreprésententseulementunepetitepartie
desrevenusd’Alstom.Noussommesentrainde
créer un champion mondial capable de rivali-
ser avec les Chinois.”
SurledossierSTX,Macronsemblaits’en
tenir aux traditions quand il a bloqué la
repriseparlegroupeitalienenjuillet,cequi
avaitdéclenchéuneminicrisediplomatique
avecRome,mêmesin’importequelgouver-
nementauraitrenâcléàl’idéedevendreson
seul site capable de construire un porte-
avionsàuneentreprisepubliqueétrangère.
Mercredi [27 septembre], il donnait son
feu vert – mais après un montage financier
dignedesonpassédebanquierd’affaireschez
Rothschild.LaFrancevaprêteràFincantieri
1 %ducapital,cedernieraura donc51 %des
droitsdevote.Maisaucoursdesdouzepro-
chainesannées,Parispourrarécupérerses
1 %etreprendrelecontrôledeschantierssi
legroupeitalienneremplitpassesengage-
ments. Selon les conseillers de Macron et
ceuxquionttravailléaveclui,sonexpérience
chez Rothschild puis celle de conseiller du
président et enfin de ministre de l’Écono-
mie l’ont convaincu qu’il existait d’autres
moyens de doper l’emploi qu’en poursui-
vant une politique gaulliste consistant à
favoriser les repreneurs français au détri-
ment des étrangers.
Vud’ItalieSTX,unaccord
“scélérat”
●●● Le 27 septembre, les chefs d’État
français et italien se sont réunis à Lyon
afin de sceller la vente des chantiers
navals de saint-nazaire au groupe
italien fincantieri. un accord qui
ne satisfait pas le quotidien italien
La Repubblica. “Il s’agit d’un pacte
scélérat” selon Massimo Giannini,
éditorialiste du journal, qui rappelle que
“l’Italie partait de 66,7 %, soit la part
détenue par les Coréens”, précédents
propriétaires de sTX france. “Macron,
lui, partait des 33,3 % aux mains
de l’État, il monte à 50 % avec un droit
de veto sur les nominations et de retrait
sur le ‘prêt’, résume le quotidien italien
de centre gauche. Alors, qui a le plus
gagné ?” selon le journal de rome,
cet accord n’est qu’une preuve
supplémentaire de “la faiblesse
objective” de l’italie au sein de l’europe.
“Une faiblesse qui mêle, depuis toujours,
politique et économique.”
france