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Université de Nantes
Faculté de droit et de science politique
Ophélie Popille
Master 2 Science politique de l’Europe
(Année 2015 – 2016)
Ouverture des données publiques à
Nantes : espoirs, déceptions et évolution.
	
Sous la direction de Renaud EPSTEIN, maître de conférences en science politique
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
	
Jury :
Renaud EPSTEIN, maître de conférences en science politique
Goulven BOUDIC, maître de conférences en science politique
2
Remerciements
Tout d’abord, je souhaite remercier Mr Renaud Epstein qui, en tant que
directeur de mémoire, m’a aidé dans la construction de mon objet de
recherche et dans son approfondissement.
J’adresse ensuite mes remerciements aux acteurs qui m’ont accordé des
entretiens, me permettant d’étayer mon étude : Cécile Thomas, Claire
Gallon, Hervé Jaigu, Gérard Le Berre, Bassem Asseh, Alain Cairault,
Simon Boisserpe, Martin Lambert, Julien Kostrèche, Mounir Belhamiti,
Jean-Philippe Lefèvre, Bastien Kerspern.
Ces nombreuses et diverses rencontres m’ont permis d’alimenter ma
recherche et de nourrir ma réflexion afin de proposer l’étude qui va suivre.
3
SOMMAIRE
	
Introduction
Chapitre 1 : L’Open Data, un concept importé à adapter au niveau local
1.1 L’importation du concept d’ouverture des données
1.2 Adapter le programme au niveau local
1.3 L’Open Data « à la nantaise », véritablement inédit et opérationnel ?
Chapitre 2 : Un projet avec ses espoirs et ses faiblesses
2.1 L’Open Data n’est pas une « mine d’or » économique
2.2 Conséquences et perception de l’ouverture des données dans l’administration
2.3 Quelle pertinence pour l’échelon territorial ?
Chapitre 3 : Une action publique en pleine évolution
3.1 Une évolution nécessaire à la démarche
3.2 Replacer l’usager au cœur des préoccupations ?
	
Conclusion
Annexes
4
INTRODUCTION
À propos du sujet
L’Open Data, ou ouverture des données publiques, est un processus débuté autour
des années 2010 et 2011 en France et qui consiste, pour les administrations, à
publier sur un site internet les données produites et collectées dans le cadre de
l’activité de leurs services. Cette disposition ne concerne bien évidemment pas des
données jugées incommunicables – en raison d’un caractère trop sensible de ces
dernières, ou de données permettant trop facilement d’identifier les individus qui en
font l’objet. Outre la publication de ces données, les administrations qui participent à
ce mouvement se doivent également de suivre quelques règles afin d’en favoriser la
réutilisation, le but premier de l’Open Data étant d’inciter les individus à se saisir des
données afin d’en tirer des usages qui se révéleront utiles pour la vie locale, par
exemple. Au sein de cette étude, l’Open Data est considéré comme une politique
publique à part entière, ayant ainsi fait l’objet d’un processus comparable à celui
d’autres politiques, passant par la mise à l’agenda, la mise en œuvre ou encore
l’évaluation. C’est pourquoi cette recherche aura pour objectif de souligner ces
différents moments de la mise en œuvre, afin d’en tirer le bilan et de comprendre
l’évolution de cette politique publique.
Le sujet de l’Open Data est souvent accolé à celui du Big Data. Le Big Data est une
notion complexe à définir, tant elle recouvre différentes expertises, différents
domaines d’activité. La société IBM, spécialisée dans l’informatique, traite de ce sujet
sur son site web et propose, si ce n’est une définition, au moins une explication du
concept :
« Chaque jour, nous générons 2,5 trillions d’octets de données. A tel point
que 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux
dernières années seulement. Ces données proviennent de partout : de
capteurs utilisés pour collecter les informations climatiques, de messages
sur les sites de médias sociaux, d'images numériques et de vidéos
publiées en ligne, d'enregistrements transactionnels d'achats en ligne et
5
de signaux GPS de téléphones mobiles, pour ne citer que quelques
sources. Ces données sont appelées Big Data ou volumes massifs de
données. »1
L’Open Data peut alors être considéré comme une partie de cet ensemble de
données, et le Big Data est donc souvent évoqué en même temps. Cependant, ce
mémoire n’évoquera pas vraiment la question du Big Data, sinon pour compléter
l’analyse sur certains points. En effet, il s’agit d’abord d’un sujet extrêmement vaste,
qui recouvre des réalités très différentes en ce qu’il peut être appréhendé sous une
multitude d’aspects. Le travail effectué pour un mémoire n’est peut-être pas assez
long pour pouvoir évoquer toutes ces dimensions. Par ailleurs, il s’agit d’un sujet qui
n’est qu’assez peu politisé : le Big Data est resté, pour le moment, un sujet très
technique qui a plutôt trouvé sa place auprès des entreprises spécialisées et des
techniciens. C’est pourquoi il ne nous a pas semblé pertinent de l’évoquer trop
longuement ici.
Pour revenir à notre sujet de l’Open Data, ce dernier occupe une place de choix dans
l’actualité, tant au niveau local qu’au niveau national. En effet, le concept fait l’objet
de nombreuses réflexions à propos de son utilité mais aussi de son utilisation. À
l’échelle de Nantes, l’Open Data est entré dans une seconde phase, intervenant
après une période de bilan sur l’ouverture menée depuis l’année 2011. Ce bilan a
permis aux divers acteurs – élus comme acteurs privés – de faire le point sur les
résultats obtenus et sur les nouveaux objectifs qui peuvent être fixés. Au niveau
national, on observe à la fois une continuité dans l’ouverture des données des autres
collectivités qui ne se sont pas encore lancées, mais aussi d’autres mouvements à
l’œuvre. La mise à disposition des données publiques est devenue depuis peu une
obligation légale pour les collectivités de plus de 3500 habitants, ce qui est
susceptible de provoquer quelques changements. Par ailleurs, l’un des sujets
émergent autour des données publiques est celui de l’innovation ouverte, ou encore
de la démocratie participative grâce aux outils numériques, qui a pour vocation de
replacer les citoyens au cœur de la participation et donc de l’usage de ces outils,
incluant les données ouvertes. Mais il s’agit de sujets sur lesquels nous reviendrons
																																																								
1
IBM, « Définition du Big Data » in ibm.com, En ligne < https://www-
01.ibm.com/software/fr/data/bigdata/ >, consulté le 20 août 2016
6
au cours de cette étude et qui par conséquent ne seront pas développés dans cette
introduction.
La question de l’accessibilité des citoyens aux données produites par l’administration
n’est pas nouvelle. Comme nous le verrons plus tard, la législation a fait entrer cette
notion dans le cadre légal depuis de nombreuses années. Dès le mois de juillet
1978, une loi est promulguée, « portant diverses mesures d'amélioration des
relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre
administratif, social et fiscal »2
. Cette loi contient plusieurs chapitres, dont les deux
premiers portant sur le droit d’accès des individus aux documents administratifs et
sur le droit de réutilisation de ces documents. Il y a déjà presque cinquante ans, la
législation se penchait donc sur ces idées d’accès aux informations par la société
civile. Bien entendu, l’Open Data diffère en ce qu’il porte avec lui la dimension
numérique de cette idée, ce qui lui permet de diffuser à plus grande échelle encore
l’accès aux documents. En effet, afin de pouvoir accéder à ces documents, les
citoyens devaient, auparavant, interpeller l’administration concernée afin que celle-ci
mette à disposition l’information souhaitée. Parallèlement à la promulgation de cette
loi a été créée la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), dont le
rôle est de surveiller ce libre accès de tous aux documents administratifs. Elle
intervient particulièrement lorsque le demandeur fait face à un refus de la part du
service, examinant ainsi le bien-fondé de ce rejet. La CADA peut également
intervenir directement auprès des administrations afin de les aider à déterminer quels
documents peuvent être communiqués, et quels autres doivent être conservés en
interne. Car toutes les informations ne peuvent pas être mises à disposition du
public : c’est le cas d’informations trop sensibles, qu’il pourrait s’avérer dangereux de
transmettre. La nuance que l’on trouve avec l’Open Data est que dans le cas de la loi
de 1978, les documents pouvaient être demandés par la société civile mais étaient
dans le même temps conservés en interne par les administrations. Avec l’ouverture
des données publiques, ces données sont mises à disposition du public même si ce
dernier n’en fait pas la demande. Cela permet éventuellement de favoriser la
																																																								
2
Legifrance, mise à jour le 19 mars 2016, « Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures
d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre
administratif, social et fiscal » in Legifrance.gouv.fr, En ligne,
< https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339241 >, consulté le 20
août 2016
7
consultation et la réutilisation de ces données, dans la mesure où elles ne
nécessitent plus une réclamation auprès des administrations, impliquant un travail
bien moins fastidieux. Il serait donc possible de dire que l’Open Data est une sorte
de transformation de la loi de 1978 au regard des évolutions numériques prenant
place dans la société actuelle. Il s’agit alors d’une évolution logique du cadre
législatif, qui prend en compte les nouveaux outils d’information et de communication
que tous ont à disposition, administrations comme particuliers.
Avec le temps, de nombreux articles ont vu le jour à propos de l’Open Data. Il s’agit
d’un sujet qui peut intéresser un grand nombre de champs de recherche, aussi bien
le milieu scientifique que les domaines des sciences humaines ou des sciences
politiques. Il est donc possible de récolter différents points de vue. Si nous nous
concentrons sur le champ qui nous intéresse ici, à savoir le champ de la science
politique, la littérature est de plus en plus développée. S’il reste encore peu
d’ouvrages rédigés à ce propos, un certain nombre de revues spécialisées
s’intéressent à l’Open Data et aux implications que cette ouverture peut avoir sur
différents domaines de la société. La question fait d’ailleurs débat sur plusieurs
points. D’abord sur l’utilité économique de l’ouverture des données : si certains
semblent indiquer que l’Open Data est une immense opportunité de développement
économique pour les entreprises ou les start-ups et l’occasion de créer de nombreux
postes ainsi qu’une richesse autour des données, d’autres contestent cet argument
en avançant qu’aucun modèle économique ne peut être construit sur les données
publiques seules. D’autre part, sur la question des bouleversements que l’Open Data
produit sur les administrations publiques, le débat se divise entre une modernisation
certaine de ces services et une réticence des institutions qui impliqueraient la
conservation du statut quo, évoquant une inertie et une résistance au changement
de la part de ces entités. Enfin, l’un des autres points de débat autour de l’Open Data
repose sur les citoyens : les citoyens peuvent-ils réellement s’intéresser à l’Open
Data ? Ce dernier peut-il vraiment leur être utile ? Autant de questions débattues qui
seront reprises tout au long de ce mémoire et qui ont ainsi servi de base à cette
analyse.
8
Méthodologie
Afin de choisir le terrain sur lequel porte le sujet de ce mémoire, plusieurs éléments
ont été pris en compte. D’abord, la ville de Nantes est un territoire intéressant à
étudier dans la mesure où la ville a été la seconde en France à ouvrir ses données.
La démarche y est donc en place depuis plus de cinq ans désormais, ce qui permet
de prendre du recul et d’analyser plus finement les impacts et conséquences que
cela a pu avoir sur la collectivité. Le choix a été fait de n’étudier que la démarche
nantaise, car elle représente plutôt un prétexte afin de pouvoir porter le regard sur la
démarche générale d’Open Data, à une échelle plus nationale. Le cas nantais est
donc un bon point de départ pour cela, afin de pouvoir transposer l’étude à un niveau
local et ainsi de pouvoir accéder plus aisément à un terrain d’enquête. En ce qui
concerne ce terrain, les acteurs interrogés sont donc nantais. Certains occupent des
fonctions à une plus grande échelle, c’est le cas des agents qui ont été rencontrés
lors d’entretiens auprès de Nantes Métropole, du Département de Loire-Atlantique ou
de la Région des Pays de la Loire. Cela s’explique par le fait que la plateforme
d’Open Data à Nantes est mutualisée avec ces quatre niveaux d’institutions, ce qui
implique des relations entre elles et des collaborations afin d’assurer l’harmonie de
l’ouverture. Les différentes échelles institutionnelles ne pouvaient ainsi pas être
négligées.
Du côté de la période d’étude choisie, la décision de se pencher sur l’actualité est
venue au fil des entretiens réalisés. En effet, ce mémoire avait à son commencement
pour objectif d’étudier plus en détail le lancement de l’Open Data en 2011 et les
différents groupes d’acteurs s’étant mobilisés sur ce sujet, avec la volonté de faire
ressortir les intérêts de chacun, les enjeux de cette coopération et les résultats
obtenus. Cependant, rapidement après le début des entretiens, le constat a été fait
qu’il serait trop complexe de faire un historique précis des événements qui se sont
déroulés. Effectivement, il est très difficile pour des acteurs qui s’impliquent sur un
grand nombre de sujets de se remémorer précisément les actions auxquelles ils ont
participé ainsi que les acteurs avec lesquels ils ont collaboré, lorsque ces souvenirs
remontent à plusieurs années. Le sujet de l’Open Data connaît une évolution rapide
et constante, l’analyse aurait donc pu se retrouver faussée par des souvenirs biaisés.
Cette démarche a donc été laissée de côté afin de se concentrer sur des
événements plus récents, en phase avec l’actualité du sujet qui a été décrite plus tôt.
9
Afin de conduire la recherche présentée ici, le choix a été fait de se baser sur un
certain nombre d’entretiens réalisés auprès d’acteurs variés. Dans un premier temps,
la revue de la littérature sur le sujet a été nécessaire afin de construire un cadre
d’analyse. Le travail a donc d’abord consisté à lire un certain nombre d’ouvrages et
d’articles pour faire un état des lieux de la question et d’en tirer des questions qu’il
serait intéressant de traiter. Par la suite, les entretiens sont venus confirmer ou
infirmer certains propos et hypothèses qui guidaient la recherche. Pour cette
enquête, le terrain choisi s’est donc limité à la ville de Nantes, un grand nombre
d’acteurs issus de structures différentes y étant présents. Au moyen d’entretiens,
leurs opinions ont pu être recueillies. Pour cela, une grille d’entretien a été élaborée,
qui reprenait la plupart du temps des questions similaires pour chaque individu,
permettant ainsi la comparaison entre leurs propos. En outre, certaines questions
étaient spécifiques aux fonctions qu’ils occupent ou aux activités qu’ils mènent,
puisqu’ils ne sont pas tous issus du même milieu. En tout, onze entretiens ont été
réalisés, dont un mené avec deux personnes simultanément. En moyenne, ces
entretiens ont une durée d’une heure. Les interviewés ont d’abord été sélectionnés
en regard de leurs fonctions, mais aussi en raison de leur implication sur le sujet de
l’Open Data, que ce soit lors du début de l’ouverture en 2011 ou aujourd’hui.
L’ensemble des entretiens rassemble ainsi plusieurs milieux : le monde associatif,
les acteurs privés au sein d’entreprises ou de start-ups, les institutions sur plusieurs
niveaux avec des agents et élus de la ville de Nantes, Nantes Métropole, le
Département de Loire-Atlantique et la Région des Pays de la Loire. Le sujet n’a pas
été difficile à aborder, tant auprès des acteurs privés que des acteurs institutionnels.
Au contraire, le projet étant porté par des personnes enthousiastes à l’idée de
l’ouverture, les discussions se montrent intéressantes et fournies. Suite à ces
rencontres, les propos des interviewés ont été analysés et sont venus appuyer
l’étude menée tout au long de ce mémoire, en complément de la documentation
collectée et de la littérature.
Des difficultés se sont posées au cours de ce travail, notamment lors de la définition
du sujet : le sujet est très vaste et il existe une multitude d’angles sous lequel il peut
être étudié. Au commencement du projet de recherche, l’objectif était d’étudier la
mobilisation des différents acteurs locaux autour de l’ouverture des données en
10
2011. Cependant, lors des premiers entretiens il est clairement ressorti qu’il serait
très difficile voire impossible de faire un historique précis des différentes actions qui
se sont déroulées et encore plus de les étudier en profondeur. En effet, les acteurs
interrogés, n’avaient pas toujours de souvenirs précis du déroulement de la
démarche, des relations qu’ils ont pu avoir avec d’autres groupes. Il a donc fallu
rediriger l’étude, qui s’est ainsi recentrée sur l’évolution de la politique d’Open Data
en elle-même et non plus sur les acteurs qui l’ont forgée, bien qu’il s’agisse
également d’une question très intéressante.
Problématique
Le travail réalisé ici et l’étude qui en découle cherchera à répondre à une question
directrice : quels éléments de la mise en œuvre de l’Open Data – à Nantes et en
France – ont pu influencer l’évolution actuelle de la politique ? Il s’agit donc de
revenir sur le déploiement de la politique d’ouverture des données afin de
comprendre pourquoi cette dernière se trouve actuellement dans une phase
d’évolution. Si cette question porte sur deux échelles – le local et le national – c’est
parce qu’il nous apparaît que la politique d’ouverture menée à Nantes reflète bien le
déroulement de l’ouverture au niveau national. Par ailleurs, Nantes ayant été l’une
des premières villes françaises à se lancer dans l’Open Data, le recul et l’expérience
permettent une analyse plus approfondie.
Afin de répondre au mieux à la problématique, l’étude qui suit a été découpée en
trois grands chapitres, qui retracent les moments forts de la mise en œuvre et de
l’évolution de la politique d’Open Data. Dans un premier temps, nous étudierons
l’Open Data sous le prisme de son « importation » et de son adaptation au niveau
local. Le second chapitre sera l’occasion de se pencher sur le bilan de l’ouverture
des données et donc sur les déceptions qui ont pu faire suite aux espoirs. Pour finir,
le troisième et dernier chapitre sera consacré à la transformation de la démarche et
aux nouveaux questionnements qui se posent après six années d’ouverture des
données en France.
11
CHAPITRE 1 – L'OPEN DATA, UN CONCEPT « IMPORTE » A ADAPTER AU
NIVEAU LOCAL.
La notion d’Open Data résulte d’un processus relativement long et trouve ainsi des
racines au fil de l’Histoire, notamment en termes de droit d’accès des citoyens aux
informations détenues par les administrations. Cependant, si l’on prend la démarche
d’ouverture des données que l’on connaît aujourd’hui, l’inspiration est surtout anglo-
saxonne et également plus récente. Ce qui signifie que le concept a été à la fois
« importé » mais aussi adapté aux spécificités françaises et locales par les
collectivités s’étant lancées dans la démarche. C’est ce que nous étudierons tout au
long de ce premier chapitre.
1.1 L’importation du concept d’ouverture des données
	
« La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration »
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, article 15, 1789
De l’Open Data en 1789 ? Bien que l’anachronisme soit flagrant, force est de
constater que l’idée de transparence de l’administration française avait été pensée il
y a bien longtemps. Le concept d’open data tel qu’il est connu aujourd’hui est encore
très lointain, mais cet article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen
pose déjà des bases certainement nécessaires à un tel mouvement. Ces notions de
transparence et de droit de regard du citoyen sur l’activité de son administration ont
ensuite évolué au fil de l’Histoire, pour en arriver aujourd’hui à la situation que nous
connaissons. Presque 200 ans plus tard, en 1978, naît la Commission d’Accès aux
Documents Administratifs (CADA) chargée de garantir l’accès des citoyens à
certains documents qu’ils souhaiteraient consulter. Cette commission permet ainsi de
veiller à la bonne application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 qui portait les
germes du futur open data. Portait, car cette loi a depuis été modifiée afin d’appliquer
une directive européenne portant sur l’ouverture des données publiques en juillet
2015. Preuve en est que l’Open Data a trouvé ses sources dans l’Histoire et est donc
le fruit d’un processus bien plus long, dépassant de loin le simple tournant numérique
relativement récent.
12
Mais si l’histoire française comporte des traces de cette ouverture depuis longtemps,
le concept tel qu’il est connu aujourd’hui relève plutôt d’une construction Nord-
américaine.
	
1.1.1 Un concept né Outre-Atlantique
	
Le concept d’open data au sens entendu aujourd’hui – la publication des données
publiques et leur mise à disposition grâce aux outils numériques – est donc né aux
États-Unis, plus précisément en Californie. Fin 2007, un groupe d’une trentaine de
personnalités se réunit à Sébastopol afin de discuter d’un sujet qu’ils défendent tous
ardemment : l’Open Data. Avec les élections présidentielles prévues pour 2009,
l’objectif est avant tout de donner une définition à ce concept et de l’imposer comme
objet politique auprès des candidats. La figure de proue de cette initiative n’est autre
que Tim O’Reilly, auteur et éditeur avant-gardiste et majeur dans le domaine de
l’informatique ; c’est notamment à lui que l’on doit l’expression de Web 2.0 puisqu’il
est le premier à l’avoir formulée. Ce dernier invite donc quelques personnages
influents (dont Lawrence Lessig, fondateur de Creative Commons) afin de réfléchir
de façon commune à une définition de l’Open D doncata.
Afin de poser un cadre plus précis sur ce que devrait être une donnée ouverte, des
critères ont ainsi été établis, qui permettent de considérer ou non une donnée
publique comme étant ouverte. Ces critères sont au nombre de huit et constituent
donc une feuille de route pour les programmes d’ouverture de données publiques,
bien que tous les critères ne soient pas systématiquement réunis dans chaque
démarche. Dans un premier temps, la donnée ou le jeu de données doivent être le
plus complet possible, afin de restituer au mieux son sens lors de sa publication.
Les données doivent également être primaires, c’est-à-dire qu’elles sont destinées à
être publiées telles qu’elles ont été collectées, sans modification préalable. Par
ailleurs, si elles sont présentes sous forme de visualisation plus esthétique, le fichier
original ayant servi de base devra être mentionné en même temps. La publication de
ces données doit être la plus rapide possible : dans le domaine du numérique qui
évolue à une vitesse extrêmement rapide, la donnée perdra de sa valeur si elle est
mise en ligne trop tardivement. L’accessibilité doit être possible pour tous, il faut
donc penser à la meilleure manière de diffuser et publier ces données afin que
chacun puisse s’en saisir et les réutiliser. Il faut également veiller à la facilité de la
prise en main des données sur n’importe quel support, ce qui correspond plus ou
13
moins à des questions d’intuitivité. L’accès pour tous garantit également que
l’ouverture des données ne présente pas de discriminations, de cette façon les
individus souhaitant télécharger des jeux de données n’ont pas à s’inscrire au
préalable et peuvent, s’ils le souhaitent, le faire de manière anonyme. Le format
ouvert est bien entendu un critère primordial pour la publication de ces données,
condition sine qua non pour les qualifier d’ouvertes. Le format choisi pour mettre en
ligne la donnée doit donc être complètement ouvert et permettre les consultations et
réutilisations sans conditions. Par ailleurs, les données publiques ne répondent pas
aux contraintes du droit d’auteur, toujours dans l’optique d’éviter toute contrainte
dans leur réutilisation.3
Outre la définition de ce qu’est une donnée ouverte, le projet de Tim O’Reilly lorsqu’il
réunit ces influents consiste également à faire passer l’open government à l’agenda
politique. La mise à l’agenda politique du sujet de l’open government aux Etats-Unis
s’est donc faite sur le modèle de la « fenêtre d’opportunité » de John W. Kingdon4
.
« La fenêtre constitue une métaphore comparant la mise sur agenda au lancement
d’une mission spatiale [...]. Dans le cas de la fenêtre politique, il ne s’agit plus de
planètes qui s’alignent mais de courants qui se rejoignent »5
. Ces courants, au
nombre de trois selon Kingdon, correspondent à trois champs de l’activité politique
qui évoluent indépendamment, jusqu’au jour ou l’opportunité se présente de les
rassembler. Le premier courant, le problem stream, correspond donc aux problèmes
politiques pouvant se manifester et auxquels la mise sur agenda aura pour but de
répondre. Dans le cas de l’apparition de l’open government, le problème que l’on
peut identifier est celui de la légitimité du gouvernement et de la confiance qu’ont les
citoyens en ce dernier. Toute la question est de savoir comment rétablir une relation
de confiance entre particuliers et élus. Le policy stream correspond quant à lui aux
solutions qui peuvent être apportées au problème politique, solutions proposées par
différents acteurs sans lien systématique avec le politique ; c’est le cas de la
																																																								
3
Opengovdata, «The 8 Principles of Open Government Data » in The Annotated 8 Principles
of Open Government Data, En ligne, < https://opengovdata.org/ >, consulté le 21 juillet 2016
4
Politologue et professeur émérite à l’université du Michigan, John W. Kingdon fait figure de référence
dans la littérature des politiques publiques, notamment grâce à son ouvrage Agendas, alternatives
and public policies publié en 1984, qui traite de la mise à l’agenda
5
Pauline, Ravinet, « Fenêtre d’opportunité » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des politiques
publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, page 276
14
« solution » de l’open government, qui a émergé dans les milieux de l’informatique et
de la science.
La racine scientifique de l’Open Data
On peut dire que le phénomène d’Open Data trouve en partie sa source dans le
monde de la science. En effet, des chercheurs se sont penchés sur la question et ont
prouvé qu’en mettant en commun les données que chacun récoltait au cours de son
travail, il serait alors possible d’en tirer des études bien plus approfondies et
fouillées. Ainsi, les résultats s’en trouveraient améliorés et le partage d’informations
permettrait à chacun de travailler avec les mêmes outils et connaissances.
Le troisième et dernier courant proposé par Kingdon est le political stream : il est
composé de tout ce qui fait la « vie » de la politique, à savoir les opinions publiques,
les événements politiques, les changements de l’administration ou encore la vie
électorale, dont les périodes de campagne. Aux États-Unis, précisément, la réunion
de Sébastopol intervient quelques mois avant les élections présidentielles de 2009.
En théorie, tous les éléments sont réunis pour que l’idée d’open governement puisse
atteindre la sphère politique et s’inscrire à l’agenda. C’est ainsi que Barack Obama
s’empare du sujet durant sa campagne électorale, contrairement à son adversaire
John McCain, pour en faire un point central de son programme et de sa future
administration. Afin de prouver ses intentions de s’engager réellement dans ce
processus, Obama se met en action dès sa prise de fonctions et signe lors de son
arrivée à la Maison Blanche le 20 février 2009 la directive qui lancera l’Open
Government Initiative, premier projet porté par le quarante-quatrième président des
États-Unis. Selon ce dernier, les trois principes fondamentaux de cette initiative sont
les suivants : la transparence du gouvernement et ses administrations, la
participation des citoyens à la prise de décision grâce aux données portées à leur
connaissance et la collaboration entre société civile et sphère politique afin de co-
construire les meilleures politiques possibles. L’Open Data est l’un des moyens
utilisés par le gouvernement afin de mettre en place cet open government : les
données publiques ouvertes à tous sont ainsi un moyen pour les citoyens de prendre
connaissance d’éléments jusque-là réservés à l’administration afin de les combiner
avec leur propre expérience et leur propre usage de leur environnement dans le but
de proposer les solutions de gouvernance les plus adéquates.
15
Le président Obama s’est donc lancé dans son mandat en portant haut l’argument
de l’open government. Les Etats-Unis ont fait partie par la suite des huit pays
fondateurs de l’open government partnership (OGP), partenariat multilatéral
cherchant à promouvoir les gouvernements ouverts dans le monde. Les sept autres
pays fondateurs, c’est-à-dire le Brésil, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, l’Indonésie,
les Philippines, le Mexique et la Norvège, ont décidé du lancement de cette
démarche en septembre 2011.
Si les États-Unis ont été les pionniers des idéaux de gouvernements ouverts, le bilan
de l’administration Obama reste globalement négatif : beaucoup d’observateurs
indiquent qu’il s’agit de l’un des gouvernements américains les plus opaques. En
2013 notamment, le Committe to Protect Journalists (CPJ) déclare dans un rapport :
« The administration’s war on leaks and other efforts to control information are the
most aggressive I’ve seen since the Nixon administration » 6
(« La guerre
administrative contre les fuites et les efforts pour contrôler l’information sont les plus
agressifs que j’ai vu depuis le gouvernement Nixon »). Une critique d’autant plus
acerbe que l’affaire Edward Snowden n’a fait qu’entériner cette vision du
gouvernement américain plus secret que jamais. Les élections présidentielles à venir
seront par ailleurs certainement décisives pour l’avenir de l’open government : si
Hillary Clinton est déjà impliquée sur le sujet – elle était secrétaire d’État au moment
de la création de l’OGP et a participé à son lancement – il ne semble pas que Donald
Trump se soit positionné sur la question.
	
1.1.2 Une influence « par le haut » ?
	
Outre les Etats-Unis faisant figure d’exemple, ainsi que le Royaume-Uni, qui a suivi
de près et de manière assez précoce ce mouvement d’ouverture – en 2015, le pays
arrive second au classement de l’Open Data Index7
– l’influence pour l’ouverture est
également venue par les hautes sphères de l’État français, voire d’un niveau encore
																																																								
6	Committe to Protect Journalists, « The Obama Administration and the Press » in cpj.org, En ligne, <
https://www.cpj.org/reports/2013/10/obama-and-the-press-us-leaks-surveillance-post-911.php >,
consulté le 30 juillet 2016.
7	Open Knowledge Foundation, « United Kingdom » in Global Open Data Index, En ligne,
< http://index.okfn.org/place/united-kingdom/ >, consulté le 15 août 2016.
16
supérieur. En effet, l’Union Européenne a aussi joué un rôle dans l’ouverture des
données publiques en France. Depuis 2003 déjà, une directive vise à faciliter la
réutilisation de documents produits par les administrations des États-membres8
. Il
existe par ailleurs un portail Open Data à l’échelle européenne, le site web
data.europa.eu donnant libre accès à des documents produits par les institutions et
organismes de l’Union Européenne.
En France, le mouvement d’Open Data au niveau national se met en marche durant
l’année 2011. La mission Etalab est créée le 21 février 2011 au moyen d’un décret,
rattachée aux services du Premier Ministre. Son objectif est de créer un « portail
unique interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition librement
l'ensemble des informations publiques de l'Etat, de ses établissements publics
administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes
de droit public ou de droit privé chargées d'une mission de service public »9
. Elle doit
donc venir appuyer l’ouverture des données publiques au niveau national.
Son action se poursuit, notamment avec la conception en octobre
2011 de la Licence Ouverte (ou Open Licence), utilisée depuis
novembre de la même année dans toutes les démarches de
libération de données de l’administration étatique.
Le 5 décembre 2011, le site data.gouv.fr est lancé : il s’agit de la plateforme Open
Data à l’échelle nationale. À son lancement, 330 000 jeux de données sont déjà
disponibles, les plus anciennes remontant à l’année 1905. Cette initiative à grande
échelle a permis de lancer la France dans la démarche, jusqu’alors hésitante dans
l’hexagone.
																																																								
8
Europa, «Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003
concernant la réutilisation des informations du secteur public» in eur-lex.europa.eu, En ligne,
<http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0098:FR:HTML>, consulté le
30 juillet 2016.	
9
Legifrance, « Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portant création d'une mission "Etalab" chargée
de la création d'un portail unique interministériel des données publiques » in Legifrance.gouv.fr, En
ligne,
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023619063&dateTexte=2012
1030>, consulté le 30 juillet 2016.
17
Le 2 mai 2014, Marylise Lebranchu, alors Ministre de la Décentralisation, de la
Réforme de l’État et de la Fonction Publique, adresse une lettre aux membres du
comité de pilotage de l’OGP afin de faire part de la volonté de la France de rejoindre
le partenariat. En août 2014, le pays rejoint le comité de pilotage de l’organisation à
la suite d’un vote. Depuis octobre 2015, la France est vice-présidente de
l’organisation – qui procède selon le principe de présidence tournante entre les
différents membres – et prendra la tête de l’OGP à partir d’octobre 2016, pour une
durée d’un an. Un arrêté du 21 septembre 2015 créé le secrétariat général pour la
modernisation de l’action publique (SGMAP) et, dans le même temps, organise la
fusion de la mission Etalab – dirigée depuis 2013 par Henri Verdier – et de la
Direction des systèmes d’information (DSI) de l’État afin de créer la Direction
interministérielle des systèmes d’information et de communication (DISIC)10
.
L’influence du niveau étatique dans l’ouverture des données à Nantes ne paraît pas
être un argument valable, puisque les démarches réalisées à l’échelon national ont
commencé après l’annonce de l’ouverture à Nantes. Cependant, l’accélération des
démarches dans les collectivités françaises et au niveau national a pu représenter un
moteur pour la collectivité nantaise.
	
1.1.3 Le modèle de Rennes, ville pionnière en France
	
Historiquement, Nantes peut être considérée comme une place forte du numérique
en France. Avant l’apparition de ces questions, la ville était très avancée dans les
domaines de l’informatique ou du web. Il n’est donc pas étonnant qu’elle se soit
rapidement emparée du sujet de l’open data. Mais malgré son statut de pionnière au
sein du mouvement en France, Nantes n’est pas la première commune à avoir
ouvert ses données. En effet, la ville de Rennes a entamé cette démarche en 2010,
créant ainsi une dynamique qui poussera Nantes à se lancer également dans le
processus. Cette ouverture rapide n’est pas seulement due au désir nantais d’ouvrir
ses données : on peut y voir l’expression d’une sorte de rivalité historique entre ces
deux villes, se disputant souvent le titre de capitale du grand Ouest. Il s’agit alors de
																																																								
10
Legifrance, «Arrêté du 21 septembre 2015 portant organisation du secrétariat général pour la
modernisation de l'action publique» in Legifrance.gouv.fr, En ligne,
<https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031194455&dateTexte=2015
0922>, consulté le 30 juillet 2016.
18
ne pas se laisser devancer, d’autant plus sur un domaine que Nantes maîtrise
particulièrement.
Dès 2010, la ville de Rennes se penche donc sur le sujet de l’ouverture des données
publiques et devient la première collectivité à publier ses propres données. En Mars
2010, la décision est prise de créer une plateforme dédiée aux données publiques.
Son ouverture effective se fait trois mois plus tard : la ville de Rennes et Rennes
Métropole publient les premières données du service de vélo en libre-service et
celles de plusieurs organismes publics locaux. Dans la foulée, un concours est lancé,
ouvert d’octobre 2010 à mars 2011 et intitulé « Rennes Métropole en accès libre ».
L’objectif est d’inviter les individus – particuliers, professionnels du numérique – à
s’emparer des données afin de créer de nouveaux services innovants. L’originalité
de la démarche, selon les institutions rennaises, tient dans le partenariat conclu avec
Appel à projets de Rennes
Lancé en même temps que la libération
des données publiques et doté de
50000€, le concours initié par la ville de
Rennes, Rennes Métropole et Keolis
Rennes a pour but de stimuler la
création d’applications ou services
innovants sur tous types de supports, sur
la base des données publiées sur la
plateforme. Six prix ont été décernés et
les projets lauréats ont bénéficié d’une
communication via la plateforme. En
contrepartie, les applications devaient
être mises à disposition de tous
gratuitement durant un an avant de
pouvoir être exploitées. Les données
mises à disposition portaient
essentiellement sur les transports et
l’environnement.
19
Keolis, opérateur des transports en commun de l’agglomération, qui ouvre ses
données concernant le réseau de bus et de métro. Aujourd’hui, 158 jeux de données
sont disponibles sur le site data.rennes-metropole.fr. Les objectifs principaux de cette
ouverture reprenaient globalement ceux affichés dans le cadre du lancement de
l’open government aux Etats-Unis – améliorer le quotidien des citoyens et la
participation au débat politique ainsi que la transparence de l’administration – à
l’exception d’un élément qui n’apparaissait pas dans la démarche américaine : la
création d’une « valeur d’usage » des données et l’augmentation de l’attractivité de la
métropole. Il est donc certain que l’engagement de Rennes dans l’ouverture des
données publiques a poussé Nantes à s’y impliquer à son tour, d’autant plus que
l’exemple d’une expérience précédente relativement réussie constituait un argument
de plus en faveur de l’Open Data nantais.
Il est important de rappeler que l’ouverture des données publiques à Nantes ne s’est
pas faite seulement grâce à des influences extérieures. Des demandes étaient déjà
formulées sur le territoire, notamment par l’association LiberTIC, acteur majeur de
l’Open Data dans la collectivité. L’association a lancé une pétition dès la fin de
l’année 2010 afin de donner plus de poids à la demande, destinée à être portée
devant les élus au début de l’année 2011. La pétition, réunissant environ 200
signatures dont un grand nombre de « têtes de réseaux » a permis de lancer le
dialogue avec la collectivité et d’enclencher la démarche d’ouverture des données. Il
est donc intéressant de constater que l’idée d’Open Data est moins née d’une
volonté politique que de « pressions » extérieures. Une fois la collectivité lancée
dans le processus, l’année 2011 a été décisive, avec l’annonce de l’ouverture par
Jean-Marc Ayrault le 3 février 2011 à l’occasion de l’inauguration de la Cantine
Numérique, puis la mise en ligne de la plateforme en novembre 2011. Il est
intéressant, dans le cadre de ce travail, d’étudier de manière plus approfondie la
mise en place de ce programme d’action publique, puisque cette mise en place sera
sans aucun doute déterminante pour la suite de la démarche.
1.2 Adapter le programme au niveau local
	
Il paraît assez clair que l’ouverture aux États-Unis figure comme modèle pour celle
des pays ayant suivi le mouvement : c’est bien Outre-Atlantique qu’ont été définis les
20
critères de l’Open Data et que s’est mise en place cette libération des données,
même si des germes étaient déjà présents dans les législations nationales ou
européennes. En France, l’argument d’une ouverture réussie aux États-Unis et
l’exemple de Barack Obama a permis de donner plus de poids au mouvement
d’ouverture des données publiques, ce qu’a confirmé Jean-Philippe Lefèvre,
responsable de la Mission participation citoyenne et usages numériques au
Département de Loire-Atlantique. Nous avons ainsi pu assister à une sorte de
transfert de politique publique. Sarah Russeil, dans le Dictionnaire des politiques
publiques, décrit ce processus de cette manière :
« Sont rassemblés, sous l’expression transfert, les processus de
développement au sein des systèmes politiques et/ou sociaux existants, de
programmes d’action, de politiques ou encore d’institutions dont les cadres
d’action relèvent d’idées ou proviennent d’institutions ou de programmes
d’action de systèmes politiques et/ou sociaux autres (en général
étrangers) »11
.
Cela peut donc correspondre à ce qu’il s’est passé lors de l’apparition du mouvement
d’ouverture des données publiques en France – voire en Europe. Plusieurs acteurs
rencontrés lors d’entretiens dans le cadre de cette recherche ont par ailleurs souligné
que la communication faite par le président Obama autour de ce programme
légitimait plus encore l’ouverture en France. Mais, d’une part, ce transfert n’a pas été
total. Les démarches françaises poursuivent un seul but, à savoir l’ouverture des
données. Cette même ouverture des données qui, aux États-Unis, constituaient l’un
des moyens pour parvenir à l’élaboration d’un gouvernement ouvert. David Dolowitz
et David Marsh évoquent ces différentes formes de transfert dans leur article
Learning from abroad : the role of policy transfer in contemporary policy-making12
. Ils
en relèvent quatre, qui correspondent à différents « degrés » de transfert : la copie
(qui correspond à un transfert direct et complet), l’émulation (évoquant plutôt un
																																																								
11
Sarah, Russeil, « Transfert de politiques publiques » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des
politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, pages 640-641
12
David Dolowitz, David Marsh, «Learning frome abroad : the role of policy transfer in contemporary
policy-making» in Governance, volume 13 (2000), pages 5-23
21
transfert d’idées attachées au programme d’action publique), la combinaison (un
mélange de plusieurs politiques différentes) et l’inspiration (la base de la politique est
inspirée d’une autre mais sa mise en œuvre peut être très différente). De ces quatre
modèles, on peut considérer que le transfert du programme d’action publique
concernant l’Open Data relève plutôt de l’émulation : en effet, nous l’avons vu, l’idée
de gouvernement ouvert recherchée aux États-Unis n’apparaît pas réellement – du
moins pour le moment – en France. Il s’agit donc de transférer certaines idées
provenant de l’initiative d’origine afin de les appliquer au niveau national, voire local
dans le cas de Nantes et des autres collectivités ouvrant leurs données. Ceci paraît
relativement normal, car comme le rappelle Sarah Russeil, les transferts sont
« porteurs d’échanges, de transformations et d’ajustements »13
. Le phénomène
d’ouverture des données est donc un concept largement importé des États-Unis,
mais repris à un concept plus grand encore, celui de gouvernement ouvert. Ce
changement peut s’expliquer par le transfert qu’a connu le programme d’action
publique, mais aussi par sa nécessaire adaptation au niveau local. Effectuer ce
changement d’échelle implique un changement dans les enjeux politiques et sociaux
de la démarche, puisque le territoire et les acteurs ne sont plus les mêmes. Les
moyens sont également différents et le niveau local ne peut certainement pas
reproduire une action menée par une administration étatique. Cela peut donc
expliquer pourquoi, lorsque l’on compare les discours entourant l’ouverture des
données, on peut voir que les arguments avancés en faveur de cet Open Data ne
sont pas les mêmes.
	
1.2.1 Les enjeux de l’ouverture selon les acteurs politiques
Le programme d’ouverture des données publiques dans les collectivités a dû trouver
des arguments afin de soutenir la démarche, notamment car, il faut le rappeler, la
libération de ces données représente un coût conséquent pour les administrations
locales. En terme de temps, pour commencer, la publication de données nécessite
de mobiliser du personnel au sein des institutions afin de décider d’une « ligne
éditoriale ». Un travail doit être aussi fait pour contextualiser les données, ne pas les
publier sans explications qui permettraient de faciliter la compréhension et,
																																																								
13
Sarah Russeil, Transfert de politiques publiques, op. cit., p 641
22
potentiellement, la réutilisation. Ces missions sont d’autant plus complexes à réaliser
que, nous le verrons par la suite, les agents des services publics français n’ont pas
encore acquis la culture de la donnée et ne sont donc pas forcément les plus à
même de travailler ces datas. Par ailleurs, les coûts financiers sont également assez
élevés, pour plusieurs raisons. La mise en ligne des données sur une plateforme
peut représenter un grand budget si le portail est hébergé par un prestataire
extérieur et non par la collectivité : la démarche nantaise ne connaît pas ce problème
grâce au portail mutualisé entre les quatre niveaux d’institution. Dans tous les cas,
ces portails engendrent des frais de maintenance non négligeables (à titre
d’exemple, la ville de Montpellier a déboursé 15 000€ en 2011 pour la maintenance
de son portail Open Data). La publication des données implique également des
dépenses pour obtenir une expertise capable de juger de la conformité de ces
données, mais aussi pour les mettre en forme, afin de les proposer sous un format
plus compréhensible pour les réutilisateurs. Le coût de la publication d’un jeu de
données peut parfois se chiffrer en millions d’euros, dépenses difficilement
supportables pour la plupart des communes lancées dans l’Open Data.14
Afin de justifier une telle démarche coûteuse et chronophage, les politiques ont donc
présenté plusieurs arguments lors de l’annonce de l’ouverture des données, afin de
démontrer que l’investissement, certes assez lourd sur le moment, allait devenir
bénéfique sur le long terme. Pour cela, plusieurs champs ont été investis par ces
décideurs. C’est notamment Jean-Marc Ayrault, alors maire de Nantes, qui a avancé
plusieurs arguments via un dossier de presse publié en novembre 2011. On y
retrouve l’argument économique, la modernisation de l’action publique, l’attractivité
du territoire ou encore, le dialogue citoyen. À la différence des autres démarches que
l’on a pu observer, c’est à dire l’open government américain et l’ouverture des
données publiques à Rennes, Nantes fait de l’argument économique l’une des
principales justifications de la libération de ses datas. Le communiqué de presse
publié le 21 novembre 2011 afin d’annoncer le lancement du portail commun revient
ainsi sur les raisons qui ont poussé Jean-Marc Ayrault, à l’époque maire de la ville, à
																																																								
14
La gazette des communes, mis à jour le 21 avril 2014, «Open data : quels coûts pour les
collectivités locales ? » in La gazette des communes, En ligne,
<http://www.lagazettedescommunes.com/438803/open-data-quels-couts-pour-les-collectivites-
locales/>, consulté le 31 juillet 2016.
23
ouvrir les données publiques. La collectivité s’appuie alors sur des chiffres
européens, selon lesquels le marché de la réutilisation des données publiques
produirait environ 27 milliards d’euros de bénéfices par an. En effet, en 2006, le
rapport « Measuring European Public Sector Information Resources » (MESPIR)
annonce cette somme comme estimation des bénéfices possibles créés par les
réutilisations de données. L’argument économique, d’autant plus lorsqu’il est appuyé
par l’Union Européenne, n’est pas négligeable puisqu’il permet de justifier la
démarche d’ouverture qui risquerait de se heurter à de fortes réticences. Il s’agit
donc d’un bon compromis : l’effort d’ouverture aujourd’hui sera payant dans un
avenir par ailleurs pas si lointain. Il ressort de ces communiqués de presse un
sentiment d’émulation, comme si la machine allait pouvoir se mettre en marche à
l’instant même de la publication des données. Les entreprises de l’écosystème
numérique pourront s’emparer de ces données afin de les transformer en services
utiles pour les citoyens et la vie locale. Toujours selon ce même communiqué de
presse, « encourager l’émulation sur le territoire tend à favoriser l’émergence de
nouveaux acteurs et le développement de l’activité économique au profit d’une
meilleure qualité de vie pour les habitants. »15
. Créer un écosystème des données
permet également d’attirer de jeunes entrepreneurs ou de plus grandes firmes
souhaitant utiliser les données dans leur activité. Une attractivité économique, donc,
qui sera rapidement remise en cause par la suite.
Lorsque l’on revient sur la démarche d’open government des États-Unis, nulle
mention n’est faite d’un potentiel économique pour les données. L’argument apparaît
toutefois dans la démarche rennaise. Un argument économique qui sera par la suite
beaucoup appuyé grâce aux différentes actions de la collectivité, notamment au
travers des appels à projets et autres hackathons. Nous étudierons ceci dans le
second chapitre.
Dans une autre perspective, l’ouverture des données est appuyée par l’argument de
la modernisation des services publics. C’est un fait, l’image de l’administration
française auprès des citoyens usagers n’est pas la meilleure possible. La société
actuelle réclame de plus en plus de transparence de la part des administrations, en
même temps que la confiance des citoyens en leurs institutions et leurs élus décroît.
																																																								
15	Voir annexe n° 1, page 79
24
L’opinion publique témoigne d’un véritable manque de « croyance » en la politique
actuelle. Publier les données publiques pourrait ainsi être un moyen de dépasser
cette vision : garder les données en interne incite les individus à penser que quelque
chose est à cacher, puisque ces informations ne sont pas divulguées. Libérer des
données à propos du fonctionnement des institutions permettrait éventuellement
d’écarter cette suspicion, si toutefois les données permettaient réellement d’en savoir
plus sur le fonctionnement de l’administration. Cela favoriserait, dans le même
temps, le changement de l’image des institutions, souvent perçues comme
« archaïques » et peu rompues aux usages numériques. Il s’agit d’ailleurs d’une
démarche déjà engagée avec les différents processus de numérisation des services
publics, de plus en plus de démarches étant réalisables via Internet. Mais l’Open
Data permettrait aussi de moderniser l’action même, le travail des services publics.
C’est un argument sous-jacent qui ressort beaucoup dans les différents modes de
promotion de l’Open Data. Si les agents produisent une grande quantité de données,
les mettre en ligne peut aussi permettre d’en augmenter la qualité (puisqu’elles
seront visibles par tous). Elles pourront également être réutilisées rapidement dans
les différents services, au lieu d’une information actuellement en « silos » qui oblige
les agents à effectuer des démarches parfois lentes pour obtenir des informations
provenant d’autres services. Cela menant, en fin de compte, à un gain de temps
dans le travail effectué en interne.
L’un des objectifs est aussi de rendre la vie (et la ville) plus facile pour les citoyens.
Grâce à l’ouverture des données et à la multitude de nouveaux services et usages
qui seront créés par des professionnels en ébullition, de nombreuses applications et
sites web pourront faciliter les usages de la ville pour tous. Il s’agit ainsi d’utiliser les
données, de les croiser, afin de produire des services utilisés par les habitants dans
leur vie quotidienne et sur tous les volets : transports, loisirs, environnement, ... Cela
transparaît d’ailleurs lorsque l’on voit que beaucoup de données publiées dans un
premier temps étaient des données au sujet des transports, de l’environnement. En
outre, il existe également une volonté de rendre la ville plus attractive aux yeux de
potentiels futurs résidants du territoire. Une ville « connectée », dont on peut faire un
usage intelligent grâce aux données permettrait de favoriser l’installation dans les
communes pratiquant l’ouverture des données. Un argument que l’on peut trouver
discutable car il a été prouvé depuis que les citoyens s’intéressent très peu aux
25
données : l’attractivité de ces dernières est donc probablement loin d’être un critère
pour l’installation sur le territoire.
Ces différents arguments participent tous des récits construits autour du référentiel
d’ouverture des données. Claudio Radaelli en donne un exemple dans une
occurrence du Dictionnaire des politiques publiques : « Un récit sur les applications
positives pour la santé humaine des manipulations génétiques peut, par exemple,
servir à soutenir le référentiel de modernisation »16
. Cet exemple est tout à fait
transposable au cas de l’Open Data nantais, dans la mesure où les récits à propos
des bénéfices potentiels de l’ouverture des données publiques servent à appuyer
l’action publique globale.
	
1.2.2 L’Open Data devient une fin à atteindre et non plus un moyen
	
En réalisant ce transfert dans la politique publique, on peut aussi observer que le
propos même de l’action s’est transformé. D’une volonté de créer un gouvernement
ouvert aux États-Unis, l’objectif en France a consisté en l’ouverture des données
seule. Tout ce qui « habillait » le concept d’ouverture des données a disparu, en
laissant pour seul but de créer des plateformes afin d’y publier des données et de
laisser les réutilisateurs s’en saisir. Il existe bien entendu dans la politique d’Open
Data française une volonté de renforcer le dialogue entre élus et citoyens ainsi que la
transparence de l’administration, mais cela apparaît plutôt comme un objectif parmi
d’autres, en lieu et place de l’objectif final, global de la politique. Ce changement
d’objet peut être dû au changement d’échelle qui s’est opéré lorsque les communes
ont commencé à ouvrir les données : l’idée d’un gouvernement ouvert étant plutôt
sous la responsabilité de l’État, les communes se sont apparemment concentrées
sur d’autres aspects du processus. De façon secondaire, on assiste aujourd’hui à
des volontés de créer une participation à l’échelle locale, mais cela arrive plusieurs
années après le début de l’ouverture. Nous le verrons dans le troisième chapitre de
cette étude.
Les élus locaux ont donc dû adapter la démarche américaine, menée à une échelle
nationale, au niveau des territoires. On peut observer des mécanismes en partie
																																																								
16
Claudio, Radaelli, « Récits (policy narrative) » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des
politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, page 548
26
similaires, notamment à propos de la mise sur agenda : à Nantes, le militantisme a
joué un grand rôle dans l’apparition de l’Open Data au sein des préoccupations
politiques, ce qui s’est déroulé également dans la démarche américaine. Pour autant,
d’autres facteurs ont pu jouer, en particulier les exemples d’ouvertures déjà
effectuées avant celle de Nantes, paramètre qui n’était pas présent pour l’ouverture
aux États-Unis. La collectivité nantaise a su mettre en place une communication de
grande ampleur autour de l’ouverture des données pour se positionner comme un
acteur majeur de ce mouvement. Cette communication peut cependant faire l’objet
d’un questionnement, afin de savoir dans quelle mesure les arguments avancés se
sont réellement mis en place dans la démarche.
	
1.3 L’open data “à la nantaise”, véritablement inédit et opérationnel ?
	
	
Nantes a fait de l’Open Data un formidable sujet de communication sur les aspects
du numérique et de l’innovation. À en croire les différentes institutions, la ville a
développé son Open Data « à la nantaise », en faisant ainsi une particularité
territoriale, de manière à se démarquer des autres démarches d’ouverture des
données publiques. Avec le recul, il peut être utile de questionner la légitimité de cet
argument, afin de distinguer, entre l’objet de communication et l’intention réelle, dans
quelle mesure cela s’est avéré vrai.
	
1.3.1 La démarche « multi-acteurs »
	
Lors de la libération des données, la collectivité a choisi de communiquer sur ce qui
doit représenter l’Open Data nantais, en faire son originalité ; la démarche « multi-
acteurs ». Le jeu à la nantaise consiste ainsi à réunir dans la démarche d’ouverture
un grand nombre d’acteurs issus de différents milieux : des associations, des élus,
des professionnels du numérique et, bien entendu, les citoyens. Il s’agit d’une
volonté faisant suite assez logiquement au désir de voir se créer un écosystème
autour des données publiques. Or, cette démarche pose plusieurs questions. Tout
d’abord, celle de la réelle importance du caractère pragmatique de ce jeu à la
nantaise. En effet, la collectivité avait en tous les cas besoin d’acteurs extérieurs afin
de mener à bien l’ouverture des données, d’autant plus lorsque l’on se remémore
que cette ouverture relativement précoce est en grande partie due à l’action militante
de l’association LiberTIC sur le territoire. Les différents acteurs ayant participé de
27
près ou de loin à la libération des données s’accordent à dire que sans cette
intervention de LiberTIC et sa cofondatrice Claire Gallon, les données ne se seraient
ouvertes que bien plus tard à Nantes. Si l’impulsion a été en grande partie donnée
par l’action militante, la suite de la démarche reposait également sur les
connaissances des différents acteurs présents sur le territoire. Pour développer un
Open Data cohérent, il fallait en effet pouvoir compter sur l’expertise de
développeurs et entreprises qui ont pu opérer pour mettre en valeur les données,
lors des hackathons par exemple. Proposer des réutilisations des données sous la
forme d’applications utiles, qui feront l’objet d’une communication, permet ainsi de
médiatiser la donnée et éventuellement d’attirer de nouveaux curieux. L’expertise et
le réseau des associations ont également été un apport précieux pour la collectivité.
Cela est particulièrement vrai pour l’association LiberTIC, qui a pu se positionner
comme médiateur entre les élus et la société civile puisque ce dialogue lui a été
délégué par les institutions. Cela permettait ainsi d’exploiter le réseau déjà construit
de l’association, qui avait une meilleure connaissance des acteurs du numérique à
Nantes que les politiques. Cette nécessité de s’entourer d’une multitude d’acteurs est
donc devenue un sujet de communication sur lequel la collectivité a pu s’appuyer
pour promouvoir une démarche d’ouverture des données co-construite et
participative, utilisant cet argument afin de se démarquer de la ville de Rennes. Les
élus ont ainsi été capables de s’approprier des enjeux propres à l’ouverture des
données pour en faire un argument de communication en faveur de la libération des
datas. Il est intéressant de voir comment un discours portant au départ sur l’utilité
pure de la démarche peut alors devenir la justification d’une démarche, permettant
aux politiques d’expliquer leurs choix et décisions en matière d’Open Data.
La seconde question que soulève cette volonté d’Open Data « à la nantaise » tient
dans le fonctionnement véritable de cet écosystème. Les différentes annonces
effectuées lors de la décision d’ouvrir les données ou de la mise en ligne de la
plateforme indiquaient le souhait de la collectivité de s’entourer de nombreux
acteurs, non seulement pour profiter de différentes expertises mais aussi afin de
fédérer ces acteurs autour du sujet de l’Open Data, espérant créer ainsi un
écosystème de la donnée, réunissant associations, professionnels, chercheurs. Il est
vrai que beaucoup d’acteurs se sont mobilisés sur le sujet, et ce relativement tôt.
Cela s’explique de plusieurs manières en fonction des acteurs concernés. Les
différentes associations étaient déjà positionnées sur les données ouvertes en amont
28
du lancement de la démarche nantaise. LiberTIC est la structure ayant poussé cette
ouverture à Nantes, tandis qu’Atlantic 2.0 fédérait déjà des acteurs du numérique et
de l’innovation au sein de son association, action concrétisée par la suite grâce à
l’ouverture de la Cantine Numérique, dont l’inauguration fut l’occasion pour Jean-
Marc Ayrault d’annoncer le lancement de l’Open Data nantais. L’association
Médiagraph, que l’on peut également retrouver parmi les acteurs, s’était quant à elle
déjà tournée vers des actions de sensibilisation et de formation aux données grâce à
son fonctionnement sous forme d’infolab, notamment auprès d’associations ou de
porteurs de projet souhaitant acquérir des connaissances nécessaires à la mise en
valeur de leurs propres données. L’association, dont l’action autour des données
publiques s’est accélérée à partir de 2012, a aussi pu utiliser des données publiques
dans son activité de sensibilisation auprès des retraités, son public principal. Sur le
territoire nantais, une autre association a pu se nourrir de l’ouverture des données,
même si elle ne figurait pas parmi les pionnières du mouvement : il s’agit d’Hellodata.
Spécialisée dans la visualisation de données, l’association se propose
d’accompagner les détenteurs de données afin de les aider à analyser ces dernières
et les mettre en forme afin qu’elles puissent être diffusées par la suite. Un grand
nombre d’acteurs associatifs ont donc pu trouver un intérêt dans l’ouverture des
données afin de proposer des solutions à d’autres individus souhaitant manipuler ces
nouvelles sources d’information.
Chez les professionnels, l’engouement pour les données a rapidement suscité un
intérêt : dès les premiers mois de l’ouverture, les données ont pu être utilisées par
différentes structures lors d’événements tels que les appels à projets, ou les
hackathons. Les développeurs, notamment, se sont beaucoup emparés des données
afin d’essayer de créer des usages à partir de ces dernières. D’autres structures,
comme la communauté des chercheurs notamment au laboratoire LINA de
l’université de Nantes ou encore à l’école de Design a pu s’intéresser aux données
dans leurs travaux de recherche. Même si la médiatisation est retombée quelques
mois après l’ouverture des données et l’effervescence qu’elle a provoquée,
l’écosystème numérique à Nantes s’est rapidement emparé de la question. Il reste
que beaucoup d’acteurs l’ont par la suite délaissée. Par ailleurs, on remarque que
malgré quelques initiatives pour réunir ces différents acteurs, ils ont finalement
beaucoup travaillé chacun de leur côté, utilisant les données selon des modes bien
différents en fonction de leur activité. Cette unité de l’écosystème numérique nantais,
29
si elle a pu être observée dans les premiers mois de la libération des données, s’est
en revanche rapidement dissoute après quelques temps.
Avec le recul, on peut donc observer que la démarche nantaise, au lieu d’une
démarche multi-acteurs, a plutôt vu naître une pluralité d’initiatives issues de tous
milieux. Les différents acteurs ne se sont pas réellement côtoyé – c’est en tout cas
ce qui ressort des entretiens menés lors des recherches – à l’exception de
l’association LiberTIC qui dans son rôle de « médiatrice » comme nous l’avons vu
plus tôt a pu être en contact avec un certain nombre d’individus ou de structures. Les
seules occasions qui ont pu réunir plus d’acteurs ont été les événements de type
hackathons, durant lesquels des rencontres ont pu se faire, ce qui a pu être
bénéfique pour l’écosystème. L’annonce de cet Open Data « à la nantaise » s’est
donc basée sur un besoin de la collectivité de pouvoir compter sur différentes
expertises, mais ne s’est pas forcément déroulée comme prévu. Ce qui ne signifie
évidemment pas que la démarche pluri-acteurs n’a pas été voulue par les politiques,
puisque ces derniers avaient bien conscience des effets bénéfiques qu’elle pouvait
avoir sur le processus d’ouverture. Seulement, elle ne s’est pas réellement mise en
place, chaque acteur ayant plus ou moins délaissé le sujet tour à tour.
	
1.3.2 Apporter de l'inédit
	
Un autre argument fort dans le lancement de l’ouverture des données fut l’aspect
inédit de la démarche, notamment au travers de la plateforme mutualisée entre la
Ville et la Métropole, rejointe par la suite par le Département de Loire-Atlantique et la
Région des Pays de la Loire. Cette mutualisation, qui permet surtout de réduire
sensiblement les coûts de l’ouverture en réunissant les frais d’hébergement et de
maintenance, a donc été utilisée comme argument afin de montrer l’innovation
apportée par la collectivité nantaise en matière d’Open Data. Par ailleurs, cette
mutualisation a pu être facilitée du fait que ces différents niveaux institutionnels
portaient tous la même couleur politique à l’époque. Une plateforme mutualisée à
tant d’échelons est en effet une démarche inédite en France. La ville de Rennes, qui
a précédemment ouvert ses données, a proposé un portail commun à la Ville et la
Métropole, un premier effort de mutualisation dont a pu s’inspirer Nantes. D’autres
similitudes sont visibles avec Rennes, notamment dans l’appel à projets lancé en
30
parallèle de la libération des données. Les concours de « Rennes Métropole en
accès libre » et « Rendez-moi la ville + facile » ont en effet proposé pendant
plusieurs mois aux réutilisateurs de s’emparer des données afin d’en créer des
applications, avec un suivi et un financement à la clé. Une démarche ressemblante
dans les étapes qu’elle a parcouru. Si l’on se penche sur la liste des partenaires, un
autre rapprochement peut être fait : les villes de Rennes et de Nantes se sont toutes
deux entourées de l’opérateur de transport public local, respectivement Keolis et la
Semitan, ces deux structures ayant accepté d’ouvrir certaines de leurs données en
même temps que les données publiques. Cela a produit des similitudes dans les
réponses proposées par les développeurs lors des appels à projets, incluant un
grand nombre d’applications à propos des transports, ou de l’environnement.
Il est donc possible de questionner le caractère réellement inédit du processus, car
certaines idées se retrouvent dans les différentes démarches. Cela paraît normal,
étant donné que l’Open Data restait, en 2011, un sujet très récent en France, à tel
point que l’État commençait tout juste à s’en emparer. Par ailleurs, bénéficier d’un
exemple de l’exemple de l’ouverture à Rennes permettait à la collectivité nantaise de
s’appuyer sur une expérience et ainsi de ne pas se lancer à l’aveugle dans un tel
mouvement. En revanche, et c’est ce que nous allons voir dans un second chapitre,
la mise en œuvre de la politique d’Open Data à Nantes, tout comme les promesses
qu’elle portait, ont rapidement montré leurs limites et on fait place à un certain
nombre de déceptions de la part des différents acteurs. Il existe un écart entre le
référentiel, l’imaginaire construit autour de l’Open Data et ses réelles applications.
C’est un fait, l’Open Data a constitué un sujet de communication formidable pour la
collectivité nantaise au cours des mois qui ont suivi l’ouverture en 2011. De
nombreuses attentes ont été formulées autour de la démarche et les différents
acteurs se sont montrés optimistes quant à la formation d’un véritable écosystème
des données. Bémol : la traduction française et locale de la politique par rapport à
son inspiration américaine ne s’est pas faite sans pertes. En effet, l’idée d’open
government prônée par Barack Obama n’a pas réellement fait surface en France,
même si les élus nantais poursuivaient l’objectif d’ouverture de la démocratie locale
et de participation accrue des citoyens. Ces promesses qui ont été posées il y a
quelques années ont naturellement suscité des attentes de la part des différents
31
groupes impliqués. Après cinq ans d’ouverture, nous allons à présent voir dans
quelle mesure ces promesses se sont réalisées.
32
CHAPITRE 2 – UN PROJET AVEC SES ESPOIRS ET SES FAIBLESSES
Ce n’est plus réellement un secret, le programme d’Open Data nantais lancé en
2011 avec ses premiers objectifs n’a pas véritablement comblé les attentes qu’il avait
soulevé. Si l’on reprend les trois arguments phares exprimés par les élus lors de
l’annonce de la libération des données, on peut citer l’argument économique, le
processus de modernisation des services publics et le bénéfice pour les citoyens. Or,
si certaines améliorations ou initiatives sont tout de même apparues sur le territoire,
on ne peut pas affirmer que ces résultats correspondent aux espoirs formulés par les
acteurs. Dans ce chapitre, nous nous pencherons davantage sur les arguments de
développement économique et de modernisation de l’administration, la question du
citoyen faisant l’objet du chapitre trois puisqu’il mérite d’être traité avec d’autant plus
de profondeur.
2.1 L’Open Data n’est pas une « mine d’or » économique
	
2.1.1 Malgré quelques initiatives réussies ...
	
L’ouverture des données publiques à Nantes a permis de faire naître un certain
nombre d’initiatives extrêmement intéressantes, en terme d’activité et d’animation de
l’écosystème numérique. Comme nous le verrons cependant, rien ne permet
réellement de créer un modèle économique autour des données. De nombreuses
initiatives sont lancées par des associations, quand d’autres intègrent l’Open Data
comme une partie de leur activité seulement et se chargent plutôt de médiation.
Dans tous les cas, il n’existe pas réellement de start-up ou d’entreprise bâtie sur les
données ouvertes. Les lauréats d’appels à projets ou développeurs d’applications
proposent des projets qui peuvent se révéler pérennes mais qui ne suffisent pas pour
autant à en faire une activité à part entière. Nous allons ici revenir sur ces différents
usages des données, qui produisent des activités variées mais difficilement
quantifiables au niveau économique.
En ce qui concerne les associations, elles sont nombreuses à s’être emparées du
sujet de l’Open Data afin de proposer des services basés sur ces données. Le milieu
associatif touchant au sujet des données ouvertes est particulièrement dynamique,
que ce soit au niveau local et au niveau étatique. Parmi les projets que l’on peut
identifier sur le territoire, l’association OpenStreetMap est bien entendu un acteur
33
important. Fondé en 2004 au Royaume-Uni, le projet a pour objectif de créer une
cartographie du monde, alimentée par les citoyens selon leurs connaissances. La
branche nantaise de l’association organise notamment des « cartoparties », invitant
des citoyens à se réunir et explorer une zone délimitée de la ville afin de reporter les
données collectées sur une carte interactive, alimentée de manière collective avec
des données produites par les usagers et disponibles en accès et réutilisation libre.
Un exemple vient illustrer cette activité : à Nantes, OpenStreetMap a proposé
plusieurs cartoparties visant à recenser les appuis vélos présents sur la commune.
Autre initiative intéressante, la création de l’association Hellodata spécialisée dans la
visualisation de données publiques. Il s’agit ainsi de rendre les données plus lisibles
et plus compréhensibles afin de donner aux citoyens les clés pour les analyser, sans
avoir besoin de connaissances techniques préalables. L’association propose ainsi
sur son site des visualisations de données, infographies et cartographies qui mettent
en valeur des données publiques afin de renseigner sur un sujet à portée locale ou
territoriale (il peut s’agir de la question de Notre-Dame des Landes, des industries
culturelles et créatives nantaises ou encore de consommation collaborative). À la
différence d’OpenStreetMap, qui invite les citoyens à participer aux différentes
cartographies réalisées, l’association Hellodata se charge de mettre en forme les
données afin d’en proposer des visualisations à son public. Activité également
proposée par le cluster Ouest Médialab, dont le public est plutôt ciblé sur des
professionnels. En effet, la structure organise régulièrement des « hyblabs » tournés
sur les datas : datajournalisme, datasport. Il s’agit d’ateliers se déroulant sur
plusieurs jours et rassemblant, dans le cas des hyblabs nantais, des étudiants de
l’Université de Nantes, d’Audencia, de l’École de Design ou encore de Polytech.
L’idée étant de créer des équipes transdisciplinaires afin de faire travailler les
étudiants sur des jeux de données, en vue de les exploiter de manière innovante et
de faire usage de nouveaux outils de communication afin de diffuser ces données.
Le hyblab datajournalisme en est à sa quatrième édition, celui portant sur le
datasport ayant quant à lui trois éditions à son actif. Il s’agit donc de former à la
réutilisation des données ouvertes des étudiants démontrant un certain attrait pour
ces dernières. Outre ces hyblabs, le cluster propose également des formations
envers les professionnels afin de les aider à appréhender les nouveaux outils
s’offrant à eux dans leur activité. En juin 2016, la formation Datacom « Communiquer
avec des données » proposait de former des professionnels, essentiellement
34
journalistes et communicants, à la datavisualisation. Lors des différentes Digital
Week, Ouest Médialab propose également des sessions de « speed training »,
formations rapides d’une trentaine de minutes chacune et se déroulant sur une
journée afin d’accompagner les professionnels vers les nouveaux usages de la
communication. Le cluster opère donc plutôt dans une logique de formation des
professionnels, ce qui reste indispensable, notamment en matière d’Open Data. En
effet, si ces données publiques permettent de créer des activités nouvelles, telles
que le datajournalisme, elles apportent également des réticences chez les différents
acteurs. Restons sur l’exemple du datajournalisme : cette activité relativement
nouvelle commence à se populariser auprès des journalistes et consiste à exploiter
les jeux de données publiques mis en ligne afin d’en faire la source de leur travail.
Cette pratique, si elle rencontre un certain succès auprès d’une partie des
journalistes, suscite également des interrogations chez d’autres. Le milieu du
journalisme, en particulier écrit, est depuis longtemps menacé par les différents
supports numériques qui prennent de plus en plus de place dans les modes
d’information des individus. Le journalisme de données est ainsi vu comme un
prolongement de ce mouvement, qui risquerait donc de fragiliser d’autant plus cette
activité. Par ailleurs, certains journalistes considèrent encore qu’explorer des bases
de données sur un ordinateur ne relève pas d’un travail journalistique, ce dernier
consistant plutôt, pour eux, à se déplacer directement sur le terrain. Les données
publiques ne sont pas vues comme un terrain et provoquent donc des réticences. Il
existe donc toujours des méfiances au sein des différents secteurs d’activité vis à vis
des données. Les initiatives rencontrant un certain succès à Nantes permettent de
conserver un dynamisme autour des données publiques, mais ne permettent pas
d’occulter le fait qu’il n’existe pas de réel bénéfice économique direct grâce à ces
dernières. En effet, du point de vue des acteurs extérieurs à l’institution et en
particulier des professionnels du numérique, l’ouverture a permis de créer quelques
projets mais pas réellement de fonder une activité autour d’elle.
	
2.1.2 ... Un modèle économique difficile à trouver
	
Nous l’avons vu, l’ouverture des données a permis sur le territoire la création d’une
bonne dynamique autour de la formation et la médiation vers les datas, mais il faut
se rendre à l’évidence, l’objectif affiché par les politiques lors de l’ouverture n’a pas
été réellement atteint. Dans le communiqué de presse diffusé par la collectivité, le
35
discours laissait en effet penser que les entreprises ou start-ups allaient pouvoir
s’emparer des données, les réutiliser et en tirer des usages innovants afin de créer
une économie autour de la donnée. Or, après cinq ans d’ouverture, on peut observer
que cette attente a été déçue. Les promesses de bâtir une économie de la donnée
se sont rapidement révélées utopiques. Force est de constater que, cinq ans après
l’ouverture des données publiques, aucun modèle économique n’a pu être trouvé
autour de ces datas, et ce pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, les
données publiques mises en ligne, malgré le travail effectué avant leur publication,
restent d’une qualité insuffisante pour des usages approfondis. Les jeux de données
sont souvent incomplets, il est donc difficile de les croiser car les niveaux
d’informations ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, le nombre de données apparaît
également comme insuffisant. En 2015, la France est classée 10ème
du « global open
data index » réalisé par l’association Open Knowledge Foundation. Cet index se
base sur le jugement de différents jeux de données considérés comme des
informations clés à propos du fonctionnement du gouvernement, tels que les
résultats électoraux, la qualité de l’air ou de l’eau, les budgets, etc. Sur cette base,
l’index établit une note des différents critères, jugeant ainsi si les données les
concernant sont satisfaisantes ou non, et une note globale est attribuée au pays
concerné. La France a obtenu sur l’année 2015 une note globale de 63%.
Le classement comporte 122 rangs, ce qui place la France à un bon niveau.
Seulement, lorsque l’on se penche sur l’étude des jeux de données plus
36
précisément, on se rend compte que les moins bien notés correspondent à des
éléments primordiaux : les dépenses de l’État viennent en dernière position, ces
données étant considérées comme ouvertes à seulement 10%. Les données à
propos de la propriété foncière viennent ensuite, suivies des registres d’entreprises
et de la cartographie du pays. Des éléments qui semblent pourtant assez importants
si la volonté de l’État est de créer un gouvernement ouvert. On peut donc en
conclure que les données ouvertes sur les différents portails sont relativement
« superficielles », en ce qu’elles ne concernent pas des secteurs au cœur du
fonctionnement du gouvernement. Les données ouvertes, dans les communes mais
aussi au niveau étatique, ne seraient ainsi pas assez approfondies et complètes pour
permettre de réels usages et réutilisations.
Afin de créer des outils ou services suffisamment puissants, il faudrait également
disposer de nombreuses années de données, ce qui n’est pas forcément le cas, ces
dernières remontant la plupart du temps à deux ou trois ans en arrière, autrement dit
très peu de temps dans le domaine du numérique. C’était notamment le cas, pour un
projet mené conjointement par Nantes Métropole et le laboratoire LINA – que nous
avons évoqué lors de notre entretien avec Hervé Jaigu – afin de créer un outil pour
les bibliothèques de Nantes, basées sur les données des emprunts de livres, afin de
proposer des recommandations, des suggestions et étudier le lectorat. Cependant,
une profondeur de données trop insuffisante en termes de temps ne permettait pas
une analyse suffisamment fine des résultats : au lieu de deux ou trois ans, il aurait
fallu disposer d’une dizaine d’années de données. On peut donc aisément penser
que les données publiques, destinées à être publiées gratuitement, souffrent d’un
manque de qualité qui empêcherait les réutilisations pertinentes. Dans le même
temps, la production des données publiques relève d’une mission « annexe » des
institutions. Cela ne relève pas du même processus de production des autres
données, par exemple produites dans le cadre d’une activité privée et largement
mises en valeur avant d’être libérées. L’administration publique n’a pas pour mission
première de produire des données. Cela peut en partie expliquer la qualité moindre
des données publiques publiées. Par ailleurs, si les entreprises et développeurs sont
en capacité de créer des services à partir des données, ces derniers ne possèdent
pas systématiquement de valeur : ce qui créé la valeur d’un service ou d’une
application réside notamment dans la concurrence. Or, il n’existe pas réellement de
concurrence dans les services basés sur les données : en tout cas pas suffisamment
37
pour être en mesure de monnayer ces services et donc construire un modèle
économique grâce à ce dernier.
Au-delà du modèle économique difficile à fonder sur les données publiques, un autre
écueil réside dans la relation entre les professionnels et les institutions. Le principal
point d’accrochage étant la différence de temporalité entre ces deux univers.
L’ouverture des données et la collaboration qu’elle implique entre des acteurs
différents est incontestablement bénéfique puisqu’elle permet, dans une certaine
mesure, de rapprocher des milieux qui ne se côtoient habituellement pas, favorisant
ainsi le dialogue entre élus, agents du service public, développeurs, militants, et bien
d’autres encore. Cependant, ce dialogue devient compliqué lorsque l’on s’aperçoit
que les temporalités de ces différents milieux sont assez différentes, il devient alors
difficile de synchroniser tous ces acteurs. C’est ici le cas entre la collectivité et les
professionnels du numérique. Ces derniers, qui avaient déjà connaissance des
questions d’Open Data ou de Big Data grâce à leur activité, ont pu s’emparer très tôt
du mouvement afin de l’exploiter selon leurs compétences et leurs ressources.
Seulement, cette mise en marche très rapide ne correspondait pas réellement à la
gestion faite par les institutions, qui, elles, n’avaient pas vraiment de connaissances
en la matière et n’imaginaient pas encore les usages qui pourraient être faits des
données, malgré une volonté de lancer une dynamique capable de créer des
services innovants. Alors que les entreprises avaient déjà des visions pour les
données, l’institution a continué à « tâtonner », si bien que l’enthousiasme des
professionnels a fini par s’étioler, lassés d’attendre le soutien de la collectivité. Car la
réutilisation des données afin d’en faire usage est une activité plutôt chronophage,
que beaucoup de professionnels ont d’abord fait de façon bénévole. Au bout de
quelques mois, voyant que la réponse politique tardait à arriver, de nombreuses
entreprises ont ainsi délaissé le sujet de l’Open Data. Le problème, ici, est causé par
différents facteurs. Les entreprises du numérique, de l’innovation connaissent bien
les données et les travaillent régulièrement, elles sont donc familières du sujet, au
contraire des institutions qui n’avaient jamais réellement approché les données.
Cette différence de connaissances a ainsi impacté la manière dont les différents
acteurs se sont saisis de la question. Les entreprises, déjà opérationnelles dès la
libération des données, se sont confrontées à une administration apprivoisant
progressivement ce nouvel objet. Elles ont donc démarré très rapidement, pour se
38
rendre compte que le portage politique dont elles avaient besoin ne suivait pas. Pour
venir illustrer cela, prenons l’exemple d’un projet porté par le laboratoire Arts et
Technologie de Stereolux. Dès 2011, le laboratoire avait réfléchi, conjointement avec
l’association LiberTIC, à un « open data événementiel ». Il s’agissait d’ouvrir les
données culturelles d’une multitude d’acteurs – structures et institutions – dans le but
de les réunir sur une même plateforme. Cela permettrait de rendre plus lisible une
offre culturelle nantaise très dense et d’agréger les données afin de rendre leur
consultation plus simple. Ainsi, il serait beaucoup plus rapide de savoir exactement
quels événements se déroulent à Nantes à une date précise, toutes les offres étant
regroupées à un même endroit grâce au travail effectué sur les données. Présenté
en décembre 2011, quelques semaines seulement après la libération des données, il
s’agissait alors d’un premier véritable travail de réutilisation des données à l’échelle
de la collectivité, prouvant ainsi le dynamisme des acteurs privés autour de l’Open
Data. Malheureusement, les institutions, dont l’implication dans le projet était
indispensable à sa mise en œuvre, n’ont pas suivi le mouvement. En effet, le
développement d’un tel projet demandait l’appui d’un financement afin de pouvoir
dépasser le stade expérimental et être déployé à grande échelle. Cette absence
d’apport n’a donc pas permis de pérenniser le projet et les acteurs impliqués s’en
sont détournés, simplement car ils ne pouvaient plus se permettre de passer un
temps considérable, de façon bénévole, pour un projet qui ne pouvait perdurer sans
soutien. Le projet avait-il démarré trop tôt, sans laisser aux acteurs publics le temps
de définir ses attentes ? C’est en tout cas ce que l’on peut penser, lorsque l’on sait
qu’aujourd’hui, l’Open Data culturel fait partie de l’une des nouvelles orientations de
la démarche. Le projet d’Open Data événementiel porté par Stereolux y aurait donc
totalement sa place, seulement à l’époque, il ne correspondait pas aux priorités des
institutions en matière de données publiques. La direction générale de la culture s’est
récemment demandée si les données pouvaient effectivement jouer un rôle sur l’offre
culturelle nantaise, plusieurs années après qu’un projet ait déjà été proposé. Cette
différence de temps entre ces deux propositions – environ quatre ans se sont
écoulés – montre bien à quel point le dialogue entre deux milieux très différents peut
encore être complexe. Elle montre également dans quelle mesure le politique
influence la démarche Open Data, faisant le choix ou non d’ouvrir et de valoriser
certaines données lorsque cela est le plus arrangeant. Certaines données qui
pourraient être rendues publiques dès aujourd’hui sont conservées en interne en
39
attendant un moment plus propice, où la libération de ces données précises sera
plus pertinente. Or, cela interroge l’un des critères de base de l’Open Data, dont
nous avons pris connaissance dans le premier chapitre, celui indiquant qu’une
donnée doit être publiée le plus rapidement possible après sa collecte pour être
qualifiée d’ouverte. Dans le cas où une donnée possédée par l’administration est
conservée de la sorte, attendant un moment idéal pour être publiée, ne s’éloigne-t-on
pas du concept d’Open Data, pour se rapprocher purement et simplement d’un outil
de communication ?
Pour le moment, l’Open Data sert plutôt d’outil pour les start-ups et entreprises afin
de démontrer leurs savoir-faire en termes de manipulation de données. Il peut alors
s’agir d’un tremplin afin de se diriger ensuite vers le traitement de données plus
massives telles que les Big Datas. Ces dernières peuvent justement représenter une
solution, à croiser avec les données publiques, afin de créer plus de solutions
pertinentes et approfondies, qui pourraient éventuellement correspondre à un
modèle économique.
2.1.3 Quelle valeur, quels usages pour les données publiques ?
	
Plusieurs pistes de réflexion sont permises pour tenter de comprendre comment les
données publiques issues de l’Open Data peuvent gagner de la valeur, au point de
créer une éventuelle économie. La question se pose ici du potentiel réel de l’Open
Data pour créer des opportunités économiquement intéressantes. Au-delà de
quelques exceptions, cela reste en effet un objectif compliqué à atteindre, nous
l’avons vu précédemment. Les données publiques sont-elles réellement vouées à
être d’une qualité suffisante pour construire des usages ? Elles ne sont en effet pour
le moment qu’un produit annexe du travail des administrations, non pensées pour
des usages extérieurs. Il est possible qu’avec l’extension du principe d’ouverture des
données et l’obligation par la loi dont elles font désormais l’objet, ces datas gagnent
en qualité au fil du temps. Mais elles restent des données publiques, c’est à dire
gratuites et réutilisables par tous. En temps normal, un bien prend de la valeur en
raison de sa rareté : ce n’est pas vraiment le cas avec ces données : celles-ci ne
sont pas rares, bien au contraire et elles ne s’épuisent pas après leur utilisation. Les
données publiques sont d’autant plus confrontées à ce problème de valeur qu’elles
sont publiées gratuitement : elles perdent ainsi toute rareté, puisqu’elles sont
disponibles pour tous. La valeur augmente également avec le traitement des
40
données, qui deviennent alors plus compréhensibles, plus facilement réutilisables.
Ces recherches sur la valeur des données sont explicitées dans l’ouvrage
Datanomics17
, co-écrit par Simon Chignard et Louis-David Benyayer. On remarque
bien qu’il est extrêmement difficile de poser une valeur précise sur les données,
d’autant plus que cette estimation varie en fonction de l’acteur qui la donne : pour un
agent du service public, une donnée vaut le travail qu’il produit. Pour un
professionnel du numérique, c’est plutôt l’usage qu’il peut en faire qui donne de la
valeur aux datas. Cette idée de valeur est essentielle pour la construction d’une
éventuelle économie de la donnée, car elle amène ainsi à questionner la façon dont
les données doivent être traitées pour produire des usages intéressants sur le plan
de la rentabilité. Nous explorons ici quelques pistes qui pourraient être intéressantes
pour l’usage des données dans un but économique.
Dans un premier temps, la collectivité peut chercher à élargir le champ des acteurs
non institutionnels impliqués dans l’ouverture des données. Cette volonté d’étendre
le réseau existe aujourd’hui et se manifeste par le désir de faire de la plateforme
Open Data nantaise une sorte de « réceptacle » pour les données d’acteurs
extérieurs à l’administration. Poursuivant le partenariat commencé au début de la
libération des données, la collectivité collabore ainsi avec la TAN et Air Pays de la
Loire afin de mettre à disposition certains jeux de données. D’autres acteurs se sont
progressivement ajoutés à la liste ; l’association Mieux trier à Nantes met à
disposition les données du recyclage des déchets. Des jeux de données d’Atlanpole
ou de Nantes Métropole Habitat ont également été publiés. Ainsi, le nombre
grandissant de données disponibles offrirait potentiellement la possibilité de les
croiser afin d’en faire naître des services ou usages plus approfondis. Mais pour
cela, la quantité ne suffit pas, les données devant aussi être de qualité afin d’être
considérées comme fiables et ainsi dépasser le simple stade des tests. Il y a donc
tout un travail à effectuer sur les données pour les rendre utilisables pour de telles
fins, ce qui sera probablement permis par une plus grande attention portée aux
données au sein des administrations qui les produisent. Nous le verrons par la suite,
																																																								
17
Simon Chignard, Louis-David Benyayer, Datanomics : les nouveaux business models des données,
Limoges, Éditions FYP, « Entreprendre – Développement professionnel », 2015, pages 35-37
41
cela prendra effectivement du temps, mais la culture qui est actuellement en train de
s’installer favorisera sûrement une meilleure qualité des données publiques.
Ensuite, il faut également rapprocher l’Open Data du Big Data, concept souvent mis
de côté dans le développement de l’action publique d’ouverture des données.
L’Open Data fait partie des Big Datas et les complète. Le terme de Big Data est très
difficile à définir précisément, mais il regroupe toutes les données informatiques
produites et stockées en masse et provenant de tous les appareils producteurs de
données. Les données publiques sont donc comprises dans ce grand ensemble,
mais les Big Datas sont souvent associées aux données manipulées par les grandes
entreprises, pour la simple raison que ces données sont tellement massives qu’elles
nécessitent d’immenses moyens pour être traitées. C’est ici qu’intervient la question
de la construction de modèles économiques sur les données. En effet, les données
issues des Big Datas sont traitées depuis plusieurs années maintenant afin de créer
des outils utilisés par des entreprises. C’est le cas de grandes firmes telles que
Google, Amazon ou Facebook, qui utilisent les données produites par les utilisateurs
et recueillies afin de cibler les publicités en fonction des navigations des individus,
affiner les recherches grâce aux données annexes ou encore proposer d’autres
services ou produits en fonction des achats des internautes. Ces pratiques reposent
donc sur le croisement d’un grand nombre de données entre elles, toutes concernant
l’internaute ciblé et permettant de lui proposer des offres ou des services en fonction
des pages web qu’il a pu visiter, des informations personnelles qu’il a renseigné. De
tels usages sont désormais de plus en plus répandus, et si l’Open Data est loin de
pouvoir en développer de similaires, les données publiques pourraient néanmoins
être intéressantes à utiliser dans un cadre semblable. Au lieu d’informations sur les
achats, les consultations de pages web, les données publiques fournissent des
informations sur les usages que les habitants font de la ville, le mode de vie de ces
individus, les services proposés par la collectivité. Croiser ces données avec les
informations contenues dans le reste des Big Datas, à savoir des informations à
caractère commercial, ne pourrait-il pas permettre de créer des services pour la ville
avec une portée bien plus grande ?
Il est difficile de savoir par quels moyens l’Open Data pourrait représenter un
bénéfice économique, dans la mesure où l’usage de données est une activité
Ophélie popille   ouverture des données publiques à nantes
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  • 1. Université de Nantes Faculté de droit et de science politique Ophélie Popille Master 2 Science politique de l’Europe (Année 2015 – 2016) Ouverture des données publiques à Nantes : espoirs, déceptions et évolution. Sous la direction de Renaud EPSTEIN, maître de conférences en science politique Jury : Renaud EPSTEIN, maître de conférences en science politique Goulven BOUDIC, maître de conférences en science politique
  • 2. 2 Remerciements Tout d’abord, je souhaite remercier Mr Renaud Epstein qui, en tant que directeur de mémoire, m’a aidé dans la construction de mon objet de recherche et dans son approfondissement. J’adresse ensuite mes remerciements aux acteurs qui m’ont accordé des entretiens, me permettant d’étayer mon étude : Cécile Thomas, Claire Gallon, Hervé Jaigu, Gérard Le Berre, Bassem Asseh, Alain Cairault, Simon Boisserpe, Martin Lambert, Julien Kostrèche, Mounir Belhamiti, Jean-Philippe Lefèvre, Bastien Kerspern. Ces nombreuses et diverses rencontres m’ont permis d’alimenter ma recherche et de nourrir ma réflexion afin de proposer l’étude qui va suivre.
  • 3. 3 SOMMAIRE Introduction Chapitre 1 : L’Open Data, un concept importé à adapter au niveau local 1.1 L’importation du concept d’ouverture des données 1.2 Adapter le programme au niveau local 1.3 L’Open Data « à la nantaise », véritablement inédit et opérationnel ? Chapitre 2 : Un projet avec ses espoirs et ses faiblesses 2.1 L’Open Data n’est pas une « mine d’or » économique 2.2 Conséquences et perception de l’ouverture des données dans l’administration 2.3 Quelle pertinence pour l’échelon territorial ? Chapitre 3 : Une action publique en pleine évolution 3.1 Une évolution nécessaire à la démarche 3.2 Replacer l’usager au cœur des préoccupations ? Conclusion Annexes
  • 4. 4 INTRODUCTION À propos du sujet L’Open Data, ou ouverture des données publiques, est un processus débuté autour des années 2010 et 2011 en France et qui consiste, pour les administrations, à publier sur un site internet les données produites et collectées dans le cadre de l’activité de leurs services. Cette disposition ne concerne bien évidemment pas des données jugées incommunicables – en raison d’un caractère trop sensible de ces dernières, ou de données permettant trop facilement d’identifier les individus qui en font l’objet. Outre la publication de ces données, les administrations qui participent à ce mouvement se doivent également de suivre quelques règles afin d’en favoriser la réutilisation, le but premier de l’Open Data étant d’inciter les individus à se saisir des données afin d’en tirer des usages qui se révéleront utiles pour la vie locale, par exemple. Au sein de cette étude, l’Open Data est considéré comme une politique publique à part entière, ayant ainsi fait l’objet d’un processus comparable à celui d’autres politiques, passant par la mise à l’agenda, la mise en œuvre ou encore l’évaluation. C’est pourquoi cette recherche aura pour objectif de souligner ces différents moments de la mise en œuvre, afin d’en tirer le bilan et de comprendre l’évolution de cette politique publique. Le sujet de l’Open Data est souvent accolé à celui du Big Data. Le Big Data est une notion complexe à définir, tant elle recouvre différentes expertises, différents domaines d’activité. La société IBM, spécialisée dans l’informatique, traite de ce sujet sur son site web et propose, si ce n’est une définition, au moins une explication du concept : « Chaque jour, nous générons 2,5 trillions d’octets de données. A tel point que 90% des données dans le monde ont été créées au cours des deux dernières années seulement. Ces données proviennent de partout : de capteurs utilisés pour collecter les informations climatiques, de messages sur les sites de médias sociaux, d'images numériques et de vidéos publiées en ligne, d'enregistrements transactionnels d'achats en ligne et
  • 5. 5 de signaux GPS de téléphones mobiles, pour ne citer que quelques sources. Ces données sont appelées Big Data ou volumes massifs de données. »1 L’Open Data peut alors être considéré comme une partie de cet ensemble de données, et le Big Data est donc souvent évoqué en même temps. Cependant, ce mémoire n’évoquera pas vraiment la question du Big Data, sinon pour compléter l’analyse sur certains points. En effet, il s’agit d’abord d’un sujet extrêmement vaste, qui recouvre des réalités très différentes en ce qu’il peut être appréhendé sous une multitude d’aspects. Le travail effectué pour un mémoire n’est peut-être pas assez long pour pouvoir évoquer toutes ces dimensions. Par ailleurs, il s’agit d’un sujet qui n’est qu’assez peu politisé : le Big Data est resté, pour le moment, un sujet très technique qui a plutôt trouvé sa place auprès des entreprises spécialisées et des techniciens. C’est pourquoi il ne nous a pas semblé pertinent de l’évoquer trop longuement ici. Pour revenir à notre sujet de l’Open Data, ce dernier occupe une place de choix dans l’actualité, tant au niveau local qu’au niveau national. En effet, le concept fait l’objet de nombreuses réflexions à propos de son utilité mais aussi de son utilisation. À l’échelle de Nantes, l’Open Data est entré dans une seconde phase, intervenant après une période de bilan sur l’ouverture menée depuis l’année 2011. Ce bilan a permis aux divers acteurs – élus comme acteurs privés – de faire le point sur les résultats obtenus et sur les nouveaux objectifs qui peuvent être fixés. Au niveau national, on observe à la fois une continuité dans l’ouverture des données des autres collectivités qui ne se sont pas encore lancées, mais aussi d’autres mouvements à l’œuvre. La mise à disposition des données publiques est devenue depuis peu une obligation légale pour les collectivités de plus de 3500 habitants, ce qui est susceptible de provoquer quelques changements. Par ailleurs, l’un des sujets émergent autour des données publiques est celui de l’innovation ouverte, ou encore de la démocratie participative grâce aux outils numériques, qui a pour vocation de replacer les citoyens au cœur de la participation et donc de l’usage de ces outils, incluant les données ouvertes. Mais il s’agit de sujets sur lesquels nous reviendrons 1 IBM, « Définition du Big Data » in ibm.com, En ligne < https://www- 01.ibm.com/software/fr/data/bigdata/ >, consulté le 20 août 2016
  • 6. 6 au cours de cette étude et qui par conséquent ne seront pas développés dans cette introduction. La question de l’accessibilité des citoyens aux données produites par l’administration n’est pas nouvelle. Comme nous le verrons plus tard, la législation a fait entrer cette notion dans le cadre légal depuis de nombreuses années. Dès le mois de juillet 1978, une loi est promulguée, « portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal »2 . Cette loi contient plusieurs chapitres, dont les deux premiers portant sur le droit d’accès des individus aux documents administratifs et sur le droit de réutilisation de ces documents. Il y a déjà presque cinquante ans, la législation se penchait donc sur ces idées d’accès aux informations par la société civile. Bien entendu, l’Open Data diffère en ce qu’il porte avec lui la dimension numérique de cette idée, ce qui lui permet de diffuser à plus grande échelle encore l’accès aux documents. En effet, afin de pouvoir accéder à ces documents, les citoyens devaient, auparavant, interpeller l’administration concernée afin que celle-ci mette à disposition l’information souhaitée. Parallèlement à la promulgation de cette loi a été créée la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), dont le rôle est de surveiller ce libre accès de tous aux documents administratifs. Elle intervient particulièrement lorsque le demandeur fait face à un refus de la part du service, examinant ainsi le bien-fondé de ce rejet. La CADA peut également intervenir directement auprès des administrations afin de les aider à déterminer quels documents peuvent être communiqués, et quels autres doivent être conservés en interne. Car toutes les informations ne peuvent pas être mises à disposition du public : c’est le cas d’informations trop sensibles, qu’il pourrait s’avérer dangereux de transmettre. La nuance que l’on trouve avec l’Open Data est que dans le cas de la loi de 1978, les documents pouvaient être demandés par la société civile mais étaient dans le même temps conservés en interne par les administrations. Avec l’ouverture des données publiques, ces données sont mises à disposition du public même si ce dernier n’en fait pas la demande. Cela permet éventuellement de favoriser la 2 Legifrance, mise à jour le 19 mars 2016, « Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal » in Legifrance.gouv.fr, En ligne, < https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000339241 >, consulté le 20 août 2016
  • 7. 7 consultation et la réutilisation de ces données, dans la mesure où elles ne nécessitent plus une réclamation auprès des administrations, impliquant un travail bien moins fastidieux. Il serait donc possible de dire que l’Open Data est une sorte de transformation de la loi de 1978 au regard des évolutions numériques prenant place dans la société actuelle. Il s’agit alors d’une évolution logique du cadre législatif, qui prend en compte les nouveaux outils d’information et de communication que tous ont à disposition, administrations comme particuliers. Avec le temps, de nombreux articles ont vu le jour à propos de l’Open Data. Il s’agit d’un sujet qui peut intéresser un grand nombre de champs de recherche, aussi bien le milieu scientifique que les domaines des sciences humaines ou des sciences politiques. Il est donc possible de récolter différents points de vue. Si nous nous concentrons sur le champ qui nous intéresse ici, à savoir le champ de la science politique, la littérature est de plus en plus développée. S’il reste encore peu d’ouvrages rédigés à ce propos, un certain nombre de revues spécialisées s’intéressent à l’Open Data et aux implications que cette ouverture peut avoir sur différents domaines de la société. La question fait d’ailleurs débat sur plusieurs points. D’abord sur l’utilité économique de l’ouverture des données : si certains semblent indiquer que l’Open Data est une immense opportunité de développement économique pour les entreprises ou les start-ups et l’occasion de créer de nombreux postes ainsi qu’une richesse autour des données, d’autres contestent cet argument en avançant qu’aucun modèle économique ne peut être construit sur les données publiques seules. D’autre part, sur la question des bouleversements que l’Open Data produit sur les administrations publiques, le débat se divise entre une modernisation certaine de ces services et une réticence des institutions qui impliqueraient la conservation du statut quo, évoquant une inertie et une résistance au changement de la part de ces entités. Enfin, l’un des autres points de débat autour de l’Open Data repose sur les citoyens : les citoyens peuvent-ils réellement s’intéresser à l’Open Data ? Ce dernier peut-il vraiment leur être utile ? Autant de questions débattues qui seront reprises tout au long de ce mémoire et qui ont ainsi servi de base à cette analyse.
  • 8. 8 Méthodologie Afin de choisir le terrain sur lequel porte le sujet de ce mémoire, plusieurs éléments ont été pris en compte. D’abord, la ville de Nantes est un territoire intéressant à étudier dans la mesure où la ville a été la seconde en France à ouvrir ses données. La démarche y est donc en place depuis plus de cinq ans désormais, ce qui permet de prendre du recul et d’analyser plus finement les impacts et conséquences que cela a pu avoir sur la collectivité. Le choix a été fait de n’étudier que la démarche nantaise, car elle représente plutôt un prétexte afin de pouvoir porter le regard sur la démarche générale d’Open Data, à une échelle plus nationale. Le cas nantais est donc un bon point de départ pour cela, afin de pouvoir transposer l’étude à un niveau local et ainsi de pouvoir accéder plus aisément à un terrain d’enquête. En ce qui concerne ce terrain, les acteurs interrogés sont donc nantais. Certains occupent des fonctions à une plus grande échelle, c’est le cas des agents qui ont été rencontrés lors d’entretiens auprès de Nantes Métropole, du Département de Loire-Atlantique ou de la Région des Pays de la Loire. Cela s’explique par le fait que la plateforme d’Open Data à Nantes est mutualisée avec ces quatre niveaux d’institutions, ce qui implique des relations entre elles et des collaborations afin d’assurer l’harmonie de l’ouverture. Les différentes échelles institutionnelles ne pouvaient ainsi pas être négligées. Du côté de la période d’étude choisie, la décision de se pencher sur l’actualité est venue au fil des entretiens réalisés. En effet, ce mémoire avait à son commencement pour objectif d’étudier plus en détail le lancement de l’Open Data en 2011 et les différents groupes d’acteurs s’étant mobilisés sur ce sujet, avec la volonté de faire ressortir les intérêts de chacun, les enjeux de cette coopération et les résultats obtenus. Cependant, rapidement après le début des entretiens, le constat a été fait qu’il serait trop complexe de faire un historique précis des événements qui se sont déroulés. Effectivement, il est très difficile pour des acteurs qui s’impliquent sur un grand nombre de sujets de se remémorer précisément les actions auxquelles ils ont participé ainsi que les acteurs avec lesquels ils ont collaboré, lorsque ces souvenirs remontent à plusieurs années. Le sujet de l’Open Data connaît une évolution rapide et constante, l’analyse aurait donc pu se retrouver faussée par des souvenirs biaisés. Cette démarche a donc été laissée de côté afin de se concentrer sur des événements plus récents, en phase avec l’actualité du sujet qui a été décrite plus tôt.
  • 9. 9 Afin de conduire la recherche présentée ici, le choix a été fait de se baser sur un certain nombre d’entretiens réalisés auprès d’acteurs variés. Dans un premier temps, la revue de la littérature sur le sujet a été nécessaire afin de construire un cadre d’analyse. Le travail a donc d’abord consisté à lire un certain nombre d’ouvrages et d’articles pour faire un état des lieux de la question et d’en tirer des questions qu’il serait intéressant de traiter. Par la suite, les entretiens sont venus confirmer ou infirmer certains propos et hypothèses qui guidaient la recherche. Pour cette enquête, le terrain choisi s’est donc limité à la ville de Nantes, un grand nombre d’acteurs issus de structures différentes y étant présents. Au moyen d’entretiens, leurs opinions ont pu être recueillies. Pour cela, une grille d’entretien a été élaborée, qui reprenait la plupart du temps des questions similaires pour chaque individu, permettant ainsi la comparaison entre leurs propos. En outre, certaines questions étaient spécifiques aux fonctions qu’ils occupent ou aux activités qu’ils mènent, puisqu’ils ne sont pas tous issus du même milieu. En tout, onze entretiens ont été réalisés, dont un mené avec deux personnes simultanément. En moyenne, ces entretiens ont une durée d’une heure. Les interviewés ont d’abord été sélectionnés en regard de leurs fonctions, mais aussi en raison de leur implication sur le sujet de l’Open Data, que ce soit lors du début de l’ouverture en 2011 ou aujourd’hui. L’ensemble des entretiens rassemble ainsi plusieurs milieux : le monde associatif, les acteurs privés au sein d’entreprises ou de start-ups, les institutions sur plusieurs niveaux avec des agents et élus de la ville de Nantes, Nantes Métropole, le Département de Loire-Atlantique et la Région des Pays de la Loire. Le sujet n’a pas été difficile à aborder, tant auprès des acteurs privés que des acteurs institutionnels. Au contraire, le projet étant porté par des personnes enthousiastes à l’idée de l’ouverture, les discussions se montrent intéressantes et fournies. Suite à ces rencontres, les propos des interviewés ont été analysés et sont venus appuyer l’étude menée tout au long de ce mémoire, en complément de la documentation collectée et de la littérature. Des difficultés se sont posées au cours de ce travail, notamment lors de la définition du sujet : le sujet est très vaste et il existe une multitude d’angles sous lequel il peut être étudié. Au commencement du projet de recherche, l’objectif était d’étudier la mobilisation des différents acteurs locaux autour de l’ouverture des données en
  • 10. 10 2011. Cependant, lors des premiers entretiens il est clairement ressorti qu’il serait très difficile voire impossible de faire un historique précis des différentes actions qui se sont déroulées et encore plus de les étudier en profondeur. En effet, les acteurs interrogés, n’avaient pas toujours de souvenirs précis du déroulement de la démarche, des relations qu’ils ont pu avoir avec d’autres groupes. Il a donc fallu rediriger l’étude, qui s’est ainsi recentrée sur l’évolution de la politique d’Open Data en elle-même et non plus sur les acteurs qui l’ont forgée, bien qu’il s’agisse également d’une question très intéressante. Problématique Le travail réalisé ici et l’étude qui en découle cherchera à répondre à une question directrice : quels éléments de la mise en œuvre de l’Open Data – à Nantes et en France – ont pu influencer l’évolution actuelle de la politique ? Il s’agit donc de revenir sur le déploiement de la politique d’ouverture des données afin de comprendre pourquoi cette dernière se trouve actuellement dans une phase d’évolution. Si cette question porte sur deux échelles – le local et le national – c’est parce qu’il nous apparaît que la politique d’ouverture menée à Nantes reflète bien le déroulement de l’ouverture au niveau national. Par ailleurs, Nantes ayant été l’une des premières villes françaises à se lancer dans l’Open Data, le recul et l’expérience permettent une analyse plus approfondie. Afin de répondre au mieux à la problématique, l’étude qui suit a été découpée en trois grands chapitres, qui retracent les moments forts de la mise en œuvre et de l’évolution de la politique d’Open Data. Dans un premier temps, nous étudierons l’Open Data sous le prisme de son « importation » et de son adaptation au niveau local. Le second chapitre sera l’occasion de se pencher sur le bilan de l’ouverture des données et donc sur les déceptions qui ont pu faire suite aux espoirs. Pour finir, le troisième et dernier chapitre sera consacré à la transformation de la démarche et aux nouveaux questionnements qui se posent après six années d’ouverture des données en France.
  • 11. 11 CHAPITRE 1 – L'OPEN DATA, UN CONCEPT « IMPORTE » A ADAPTER AU NIVEAU LOCAL. La notion d’Open Data résulte d’un processus relativement long et trouve ainsi des racines au fil de l’Histoire, notamment en termes de droit d’accès des citoyens aux informations détenues par les administrations. Cependant, si l’on prend la démarche d’ouverture des données que l’on connaît aujourd’hui, l’inspiration est surtout anglo- saxonne et également plus récente. Ce qui signifie que le concept a été à la fois « importé » mais aussi adapté aux spécificités françaises et locales par les collectivités s’étant lancées dans la démarche. C’est ce que nous étudierons tout au long de ce premier chapitre. 1.1 L’importation du concept d’ouverture des données « La Société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, article 15, 1789 De l’Open Data en 1789 ? Bien que l’anachronisme soit flagrant, force est de constater que l’idée de transparence de l’administration française avait été pensée il y a bien longtemps. Le concept d’open data tel qu’il est connu aujourd’hui est encore très lointain, mais cet article de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen pose déjà des bases certainement nécessaires à un tel mouvement. Ces notions de transparence et de droit de regard du citoyen sur l’activité de son administration ont ensuite évolué au fil de l’Histoire, pour en arriver aujourd’hui à la situation que nous connaissons. Presque 200 ans plus tard, en 1978, naît la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) chargée de garantir l’accès des citoyens à certains documents qu’ils souhaiteraient consulter. Cette commission permet ainsi de veiller à la bonne application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 qui portait les germes du futur open data. Portait, car cette loi a depuis été modifiée afin d’appliquer une directive européenne portant sur l’ouverture des données publiques en juillet 2015. Preuve en est que l’Open Data a trouvé ses sources dans l’Histoire et est donc le fruit d’un processus bien plus long, dépassant de loin le simple tournant numérique relativement récent.
  • 12. 12 Mais si l’histoire française comporte des traces de cette ouverture depuis longtemps, le concept tel qu’il est connu aujourd’hui relève plutôt d’une construction Nord- américaine. 1.1.1 Un concept né Outre-Atlantique Le concept d’open data au sens entendu aujourd’hui – la publication des données publiques et leur mise à disposition grâce aux outils numériques – est donc né aux États-Unis, plus précisément en Californie. Fin 2007, un groupe d’une trentaine de personnalités se réunit à Sébastopol afin de discuter d’un sujet qu’ils défendent tous ardemment : l’Open Data. Avec les élections présidentielles prévues pour 2009, l’objectif est avant tout de donner une définition à ce concept et de l’imposer comme objet politique auprès des candidats. La figure de proue de cette initiative n’est autre que Tim O’Reilly, auteur et éditeur avant-gardiste et majeur dans le domaine de l’informatique ; c’est notamment à lui que l’on doit l’expression de Web 2.0 puisqu’il est le premier à l’avoir formulée. Ce dernier invite donc quelques personnages influents (dont Lawrence Lessig, fondateur de Creative Commons) afin de réfléchir de façon commune à une définition de l’Open D doncata. Afin de poser un cadre plus précis sur ce que devrait être une donnée ouverte, des critères ont ainsi été établis, qui permettent de considérer ou non une donnée publique comme étant ouverte. Ces critères sont au nombre de huit et constituent donc une feuille de route pour les programmes d’ouverture de données publiques, bien que tous les critères ne soient pas systématiquement réunis dans chaque démarche. Dans un premier temps, la donnée ou le jeu de données doivent être le plus complet possible, afin de restituer au mieux son sens lors de sa publication. Les données doivent également être primaires, c’est-à-dire qu’elles sont destinées à être publiées telles qu’elles ont été collectées, sans modification préalable. Par ailleurs, si elles sont présentes sous forme de visualisation plus esthétique, le fichier original ayant servi de base devra être mentionné en même temps. La publication de ces données doit être la plus rapide possible : dans le domaine du numérique qui évolue à une vitesse extrêmement rapide, la donnée perdra de sa valeur si elle est mise en ligne trop tardivement. L’accessibilité doit être possible pour tous, il faut donc penser à la meilleure manière de diffuser et publier ces données afin que chacun puisse s’en saisir et les réutiliser. Il faut également veiller à la facilité de la prise en main des données sur n’importe quel support, ce qui correspond plus ou
  • 13. 13 moins à des questions d’intuitivité. L’accès pour tous garantit également que l’ouverture des données ne présente pas de discriminations, de cette façon les individus souhaitant télécharger des jeux de données n’ont pas à s’inscrire au préalable et peuvent, s’ils le souhaitent, le faire de manière anonyme. Le format ouvert est bien entendu un critère primordial pour la publication de ces données, condition sine qua non pour les qualifier d’ouvertes. Le format choisi pour mettre en ligne la donnée doit donc être complètement ouvert et permettre les consultations et réutilisations sans conditions. Par ailleurs, les données publiques ne répondent pas aux contraintes du droit d’auteur, toujours dans l’optique d’éviter toute contrainte dans leur réutilisation.3 Outre la définition de ce qu’est une donnée ouverte, le projet de Tim O’Reilly lorsqu’il réunit ces influents consiste également à faire passer l’open government à l’agenda politique. La mise à l’agenda politique du sujet de l’open government aux Etats-Unis s’est donc faite sur le modèle de la « fenêtre d’opportunité » de John W. Kingdon4 . « La fenêtre constitue une métaphore comparant la mise sur agenda au lancement d’une mission spatiale [...]. Dans le cas de la fenêtre politique, il ne s’agit plus de planètes qui s’alignent mais de courants qui se rejoignent »5 . Ces courants, au nombre de trois selon Kingdon, correspondent à trois champs de l’activité politique qui évoluent indépendamment, jusqu’au jour ou l’opportunité se présente de les rassembler. Le premier courant, le problem stream, correspond donc aux problèmes politiques pouvant se manifester et auxquels la mise sur agenda aura pour but de répondre. Dans le cas de l’apparition de l’open government, le problème que l’on peut identifier est celui de la légitimité du gouvernement et de la confiance qu’ont les citoyens en ce dernier. Toute la question est de savoir comment rétablir une relation de confiance entre particuliers et élus. Le policy stream correspond quant à lui aux solutions qui peuvent être apportées au problème politique, solutions proposées par différents acteurs sans lien systématique avec le politique ; c’est le cas de la 3 Opengovdata, «The 8 Principles of Open Government Data » in The Annotated 8 Principles of Open Government Data, En ligne, < https://opengovdata.org/ >, consulté le 21 juillet 2016 4 Politologue et professeur émérite à l’université du Michigan, John W. Kingdon fait figure de référence dans la littérature des politiques publiques, notamment grâce à son ouvrage Agendas, alternatives and public policies publié en 1984, qui traite de la mise à l’agenda 5 Pauline, Ravinet, « Fenêtre d’opportunité » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, page 276
  • 14. 14 « solution » de l’open government, qui a émergé dans les milieux de l’informatique et de la science. La racine scientifique de l’Open Data On peut dire que le phénomène d’Open Data trouve en partie sa source dans le monde de la science. En effet, des chercheurs se sont penchés sur la question et ont prouvé qu’en mettant en commun les données que chacun récoltait au cours de son travail, il serait alors possible d’en tirer des études bien plus approfondies et fouillées. Ainsi, les résultats s’en trouveraient améliorés et le partage d’informations permettrait à chacun de travailler avec les mêmes outils et connaissances. Le troisième et dernier courant proposé par Kingdon est le political stream : il est composé de tout ce qui fait la « vie » de la politique, à savoir les opinions publiques, les événements politiques, les changements de l’administration ou encore la vie électorale, dont les périodes de campagne. Aux États-Unis, précisément, la réunion de Sébastopol intervient quelques mois avant les élections présidentielles de 2009. En théorie, tous les éléments sont réunis pour que l’idée d’open governement puisse atteindre la sphère politique et s’inscrire à l’agenda. C’est ainsi que Barack Obama s’empare du sujet durant sa campagne électorale, contrairement à son adversaire John McCain, pour en faire un point central de son programme et de sa future administration. Afin de prouver ses intentions de s’engager réellement dans ce processus, Obama se met en action dès sa prise de fonctions et signe lors de son arrivée à la Maison Blanche le 20 février 2009 la directive qui lancera l’Open Government Initiative, premier projet porté par le quarante-quatrième président des États-Unis. Selon ce dernier, les trois principes fondamentaux de cette initiative sont les suivants : la transparence du gouvernement et ses administrations, la participation des citoyens à la prise de décision grâce aux données portées à leur connaissance et la collaboration entre société civile et sphère politique afin de co- construire les meilleures politiques possibles. L’Open Data est l’un des moyens utilisés par le gouvernement afin de mettre en place cet open government : les données publiques ouvertes à tous sont ainsi un moyen pour les citoyens de prendre connaissance d’éléments jusque-là réservés à l’administration afin de les combiner avec leur propre expérience et leur propre usage de leur environnement dans le but de proposer les solutions de gouvernance les plus adéquates.
  • 15. 15 Le président Obama s’est donc lancé dans son mandat en portant haut l’argument de l’open government. Les Etats-Unis ont fait partie par la suite des huit pays fondateurs de l’open government partnership (OGP), partenariat multilatéral cherchant à promouvoir les gouvernements ouverts dans le monde. Les sept autres pays fondateurs, c’est-à-dire le Brésil, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, l’Indonésie, les Philippines, le Mexique et la Norvège, ont décidé du lancement de cette démarche en septembre 2011. Si les États-Unis ont été les pionniers des idéaux de gouvernements ouverts, le bilan de l’administration Obama reste globalement négatif : beaucoup d’observateurs indiquent qu’il s’agit de l’un des gouvernements américains les plus opaques. En 2013 notamment, le Committe to Protect Journalists (CPJ) déclare dans un rapport : « The administration’s war on leaks and other efforts to control information are the most aggressive I’ve seen since the Nixon administration » 6 (« La guerre administrative contre les fuites et les efforts pour contrôler l’information sont les plus agressifs que j’ai vu depuis le gouvernement Nixon »). Une critique d’autant plus acerbe que l’affaire Edward Snowden n’a fait qu’entériner cette vision du gouvernement américain plus secret que jamais. Les élections présidentielles à venir seront par ailleurs certainement décisives pour l’avenir de l’open government : si Hillary Clinton est déjà impliquée sur le sujet – elle était secrétaire d’État au moment de la création de l’OGP et a participé à son lancement – il ne semble pas que Donald Trump se soit positionné sur la question. 1.1.2 Une influence « par le haut » ? Outre les Etats-Unis faisant figure d’exemple, ainsi que le Royaume-Uni, qui a suivi de près et de manière assez précoce ce mouvement d’ouverture – en 2015, le pays arrive second au classement de l’Open Data Index7 – l’influence pour l’ouverture est également venue par les hautes sphères de l’État français, voire d’un niveau encore 6 Committe to Protect Journalists, « The Obama Administration and the Press » in cpj.org, En ligne, < https://www.cpj.org/reports/2013/10/obama-and-the-press-us-leaks-surveillance-post-911.php >, consulté le 30 juillet 2016. 7 Open Knowledge Foundation, « United Kingdom » in Global Open Data Index, En ligne, < http://index.okfn.org/place/united-kingdom/ >, consulté le 15 août 2016.
  • 16. 16 supérieur. En effet, l’Union Européenne a aussi joué un rôle dans l’ouverture des données publiques en France. Depuis 2003 déjà, une directive vise à faciliter la réutilisation de documents produits par les administrations des États-membres8 . Il existe par ailleurs un portail Open Data à l’échelle européenne, le site web data.europa.eu donnant libre accès à des documents produits par les institutions et organismes de l’Union Européenne. En France, le mouvement d’Open Data au niveau national se met en marche durant l’année 2011. La mission Etalab est créée le 21 février 2011 au moyen d’un décret, rattachée aux services du Premier Ministre. Son objectif est de créer un « portail unique interministériel destiné à rassembler et à mettre à disposition librement l'ensemble des informations publiques de l'Etat, de ses établissements publics administratifs et, si elles le souhaitent, des collectivités territoriales et des personnes de droit public ou de droit privé chargées d'une mission de service public »9 . Elle doit donc venir appuyer l’ouverture des données publiques au niveau national. Son action se poursuit, notamment avec la conception en octobre 2011 de la Licence Ouverte (ou Open Licence), utilisée depuis novembre de la même année dans toutes les démarches de libération de données de l’administration étatique. Le 5 décembre 2011, le site data.gouv.fr est lancé : il s’agit de la plateforme Open Data à l’échelle nationale. À son lancement, 330 000 jeux de données sont déjà disponibles, les plus anciennes remontant à l’année 1905. Cette initiative à grande échelle a permis de lancer la France dans la démarche, jusqu’alors hésitante dans l’hexagone. 8 Europa, «Directive 2003/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 concernant la réutilisation des informations du secteur public» in eur-lex.europa.eu, En ligne, <http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003L0098:FR:HTML>, consulté le 30 juillet 2016. 9 Legifrance, « Décret n° 2011-194 du 21 février 2011 portant création d'une mission "Etalab" chargée de la création d'un portail unique interministériel des données publiques » in Legifrance.gouv.fr, En ligne, <https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000023619063&dateTexte=2012 1030>, consulté le 30 juillet 2016.
  • 17. 17 Le 2 mai 2014, Marylise Lebranchu, alors Ministre de la Décentralisation, de la Réforme de l’État et de la Fonction Publique, adresse une lettre aux membres du comité de pilotage de l’OGP afin de faire part de la volonté de la France de rejoindre le partenariat. En août 2014, le pays rejoint le comité de pilotage de l’organisation à la suite d’un vote. Depuis octobre 2015, la France est vice-présidente de l’organisation – qui procède selon le principe de présidence tournante entre les différents membres – et prendra la tête de l’OGP à partir d’octobre 2016, pour une durée d’un an. Un arrêté du 21 septembre 2015 créé le secrétariat général pour la modernisation de l’action publique (SGMAP) et, dans le même temps, organise la fusion de la mission Etalab – dirigée depuis 2013 par Henri Verdier – et de la Direction des systèmes d’information (DSI) de l’État afin de créer la Direction interministérielle des systèmes d’information et de communication (DISIC)10 . L’influence du niveau étatique dans l’ouverture des données à Nantes ne paraît pas être un argument valable, puisque les démarches réalisées à l’échelon national ont commencé après l’annonce de l’ouverture à Nantes. Cependant, l’accélération des démarches dans les collectivités françaises et au niveau national a pu représenter un moteur pour la collectivité nantaise. 1.1.3 Le modèle de Rennes, ville pionnière en France Historiquement, Nantes peut être considérée comme une place forte du numérique en France. Avant l’apparition de ces questions, la ville était très avancée dans les domaines de l’informatique ou du web. Il n’est donc pas étonnant qu’elle se soit rapidement emparée du sujet de l’open data. Mais malgré son statut de pionnière au sein du mouvement en France, Nantes n’est pas la première commune à avoir ouvert ses données. En effet, la ville de Rennes a entamé cette démarche en 2010, créant ainsi une dynamique qui poussera Nantes à se lancer également dans le processus. Cette ouverture rapide n’est pas seulement due au désir nantais d’ouvrir ses données : on peut y voir l’expression d’une sorte de rivalité historique entre ces deux villes, se disputant souvent le titre de capitale du grand Ouest. Il s’agit alors de 10 Legifrance, «Arrêté du 21 septembre 2015 portant organisation du secrétariat général pour la modernisation de l'action publique» in Legifrance.gouv.fr, En ligne, <https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031194455&dateTexte=2015 0922>, consulté le 30 juillet 2016.
  • 18. 18 ne pas se laisser devancer, d’autant plus sur un domaine que Nantes maîtrise particulièrement. Dès 2010, la ville de Rennes se penche donc sur le sujet de l’ouverture des données publiques et devient la première collectivité à publier ses propres données. En Mars 2010, la décision est prise de créer une plateforme dédiée aux données publiques. Son ouverture effective se fait trois mois plus tard : la ville de Rennes et Rennes Métropole publient les premières données du service de vélo en libre-service et celles de plusieurs organismes publics locaux. Dans la foulée, un concours est lancé, ouvert d’octobre 2010 à mars 2011 et intitulé « Rennes Métropole en accès libre ». L’objectif est d’inviter les individus – particuliers, professionnels du numérique – à s’emparer des données afin de créer de nouveaux services innovants. L’originalité de la démarche, selon les institutions rennaises, tient dans le partenariat conclu avec Appel à projets de Rennes Lancé en même temps que la libération des données publiques et doté de 50000€, le concours initié par la ville de Rennes, Rennes Métropole et Keolis Rennes a pour but de stimuler la création d’applications ou services innovants sur tous types de supports, sur la base des données publiées sur la plateforme. Six prix ont été décernés et les projets lauréats ont bénéficié d’une communication via la plateforme. En contrepartie, les applications devaient être mises à disposition de tous gratuitement durant un an avant de pouvoir être exploitées. Les données mises à disposition portaient essentiellement sur les transports et l’environnement.
  • 19. 19 Keolis, opérateur des transports en commun de l’agglomération, qui ouvre ses données concernant le réseau de bus et de métro. Aujourd’hui, 158 jeux de données sont disponibles sur le site data.rennes-metropole.fr. Les objectifs principaux de cette ouverture reprenaient globalement ceux affichés dans le cadre du lancement de l’open government aux Etats-Unis – améliorer le quotidien des citoyens et la participation au débat politique ainsi que la transparence de l’administration – à l’exception d’un élément qui n’apparaissait pas dans la démarche américaine : la création d’une « valeur d’usage » des données et l’augmentation de l’attractivité de la métropole. Il est donc certain que l’engagement de Rennes dans l’ouverture des données publiques a poussé Nantes à s’y impliquer à son tour, d’autant plus que l’exemple d’une expérience précédente relativement réussie constituait un argument de plus en faveur de l’Open Data nantais. Il est important de rappeler que l’ouverture des données publiques à Nantes ne s’est pas faite seulement grâce à des influences extérieures. Des demandes étaient déjà formulées sur le territoire, notamment par l’association LiberTIC, acteur majeur de l’Open Data dans la collectivité. L’association a lancé une pétition dès la fin de l’année 2010 afin de donner plus de poids à la demande, destinée à être portée devant les élus au début de l’année 2011. La pétition, réunissant environ 200 signatures dont un grand nombre de « têtes de réseaux » a permis de lancer le dialogue avec la collectivité et d’enclencher la démarche d’ouverture des données. Il est donc intéressant de constater que l’idée d’Open Data est moins née d’une volonté politique que de « pressions » extérieures. Une fois la collectivité lancée dans le processus, l’année 2011 a été décisive, avec l’annonce de l’ouverture par Jean-Marc Ayrault le 3 février 2011 à l’occasion de l’inauguration de la Cantine Numérique, puis la mise en ligne de la plateforme en novembre 2011. Il est intéressant, dans le cadre de ce travail, d’étudier de manière plus approfondie la mise en place de ce programme d’action publique, puisque cette mise en place sera sans aucun doute déterminante pour la suite de la démarche. 1.2 Adapter le programme au niveau local Il paraît assez clair que l’ouverture aux États-Unis figure comme modèle pour celle des pays ayant suivi le mouvement : c’est bien Outre-Atlantique qu’ont été définis les
  • 20. 20 critères de l’Open Data et que s’est mise en place cette libération des données, même si des germes étaient déjà présents dans les législations nationales ou européennes. En France, l’argument d’une ouverture réussie aux États-Unis et l’exemple de Barack Obama a permis de donner plus de poids au mouvement d’ouverture des données publiques, ce qu’a confirmé Jean-Philippe Lefèvre, responsable de la Mission participation citoyenne et usages numériques au Département de Loire-Atlantique. Nous avons ainsi pu assister à une sorte de transfert de politique publique. Sarah Russeil, dans le Dictionnaire des politiques publiques, décrit ce processus de cette manière : « Sont rassemblés, sous l’expression transfert, les processus de développement au sein des systèmes politiques et/ou sociaux existants, de programmes d’action, de politiques ou encore d’institutions dont les cadres d’action relèvent d’idées ou proviennent d’institutions ou de programmes d’action de systèmes politiques et/ou sociaux autres (en général étrangers) »11 . Cela peut donc correspondre à ce qu’il s’est passé lors de l’apparition du mouvement d’ouverture des données publiques en France – voire en Europe. Plusieurs acteurs rencontrés lors d’entretiens dans le cadre de cette recherche ont par ailleurs souligné que la communication faite par le président Obama autour de ce programme légitimait plus encore l’ouverture en France. Mais, d’une part, ce transfert n’a pas été total. Les démarches françaises poursuivent un seul but, à savoir l’ouverture des données. Cette même ouverture des données qui, aux États-Unis, constituaient l’un des moyens pour parvenir à l’élaboration d’un gouvernement ouvert. David Dolowitz et David Marsh évoquent ces différentes formes de transfert dans leur article Learning from abroad : the role of policy transfer in contemporary policy-making12 . Ils en relèvent quatre, qui correspondent à différents « degrés » de transfert : la copie (qui correspond à un transfert direct et complet), l’émulation (évoquant plutôt un 11 Sarah, Russeil, « Transfert de politiques publiques » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, pages 640-641 12 David Dolowitz, David Marsh, «Learning frome abroad : the role of policy transfer in contemporary policy-making» in Governance, volume 13 (2000), pages 5-23
  • 21. 21 transfert d’idées attachées au programme d’action publique), la combinaison (un mélange de plusieurs politiques différentes) et l’inspiration (la base de la politique est inspirée d’une autre mais sa mise en œuvre peut être très différente). De ces quatre modèles, on peut considérer que le transfert du programme d’action publique concernant l’Open Data relève plutôt de l’émulation : en effet, nous l’avons vu, l’idée de gouvernement ouvert recherchée aux États-Unis n’apparaît pas réellement – du moins pour le moment – en France. Il s’agit donc de transférer certaines idées provenant de l’initiative d’origine afin de les appliquer au niveau national, voire local dans le cas de Nantes et des autres collectivités ouvrant leurs données. Ceci paraît relativement normal, car comme le rappelle Sarah Russeil, les transferts sont « porteurs d’échanges, de transformations et d’ajustements »13 . Le phénomène d’ouverture des données est donc un concept largement importé des États-Unis, mais repris à un concept plus grand encore, celui de gouvernement ouvert. Ce changement peut s’expliquer par le transfert qu’a connu le programme d’action publique, mais aussi par sa nécessaire adaptation au niveau local. Effectuer ce changement d’échelle implique un changement dans les enjeux politiques et sociaux de la démarche, puisque le territoire et les acteurs ne sont plus les mêmes. Les moyens sont également différents et le niveau local ne peut certainement pas reproduire une action menée par une administration étatique. Cela peut donc expliquer pourquoi, lorsque l’on compare les discours entourant l’ouverture des données, on peut voir que les arguments avancés en faveur de cet Open Data ne sont pas les mêmes. 1.2.1 Les enjeux de l’ouverture selon les acteurs politiques Le programme d’ouverture des données publiques dans les collectivités a dû trouver des arguments afin de soutenir la démarche, notamment car, il faut le rappeler, la libération de ces données représente un coût conséquent pour les administrations locales. En terme de temps, pour commencer, la publication de données nécessite de mobiliser du personnel au sein des institutions afin de décider d’une « ligne éditoriale ». Un travail doit être aussi fait pour contextualiser les données, ne pas les publier sans explications qui permettraient de faciliter la compréhension et, 13 Sarah Russeil, Transfert de politiques publiques, op. cit., p 641
  • 22. 22 potentiellement, la réutilisation. Ces missions sont d’autant plus complexes à réaliser que, nous le verrons par la suite, les agents des services publics français n’ont pas encore acquis la culture de la donnée et ne sont donc pas forcément les plus à même de travailler ces datas. Par ailleurs, les coûts financiers sont également assez élevés, pour plusieurs raisons. La mise en ligne des données sur une plateforme peut représenter un grand budget si le portail est hébergé par un prestataire extérieur et non par la collectivité : la démarche nantaise ne connaît pas ce problème grâce au portail mutualisé entre les quatre niveaux d’institution. Dans tous les cas, ces portails engendrent des frais de maintenance non négligeables (à titre d’exemple, la ville de Montpellier a déboursé 15 000€ en 2011 pour la maintenance de son portail Open Data). La publication des données implique également des dépenses pour obtenir une expertise capable de juger de la conformité de ces données, mais aussi pour les mettre en forme, afin de les proposer sous un format plus compréhensible pour les réutilisateurs. Le coût de la publication d’un jeu de données peut parfois se chiffrer en millions d’euros, dépenses difficilement supportables pour la plupart des communes lancées dans l’Open Data.14 Afin de justifier une telle démarche coûteuse et chronophage, les politiques ont donc présenté plusieurs arguments lors de l’annonce de l’ouverture des données, afin de démontrer que l’investissement, certes assez lourd sur le moment, allait devenir bénéfique sur le long terme. Pour cela, plusieurs champs ont été investis par ces décideurs. C’est notamment Jean-Marc Ayrault, alors maire de Nantes, qui a avancé plusieurs arguments via un dossier de presse publié en novembre 2011. On y retrouve l’argument économique, la modernisation de l’action publique, l’attractivité du territoire ou encore, le dialogue citoyen. À la différence des autres démarches que l’on a pu observer, c’est à dire l’open government américain et l’ouverture des données publiques à Rennes, Nantes fait de l’argument économique l’une des principales justifications de la libération de ses datas. Le communiqué de presse publié le 21 novembre 2011 afin d’annoncer le lancement du portail commun revient ainsi sur les raisons qui ont poussé Jean-Marc Ayrault, à l’époque maire de la ville, à 14 La gazette des communes, mis à jour le 21 avril 2014, «Open data : quels coûts pour les collectivités locales ? » in La gazette des communes, En ligne, <http://www.lagazettedescommunes.com/438803/open-data-quels-couts-pour-les-collectivites- locales/>, consulté le 31 juillet 2016.
  • 23. 23 ouvrir les données publiques. La collectivité s’appuie alors sur des chiffres européens, selon lesquels le marché de la réutilisation des données publiques produirait environ 27 milliards d’euros de bénéfices par an. En effet, en 2006, le rapport « Measuring European Public Sector Information Resources » (MESPIR) annonce cette somme comme estimation des bénéfices possibles créés par les réutilisations de données. L’argument économique, d’autant plus lorsqu’il est appuyé par l’Union Européenne, n’est pas négligeable puisqu’il permet de justifier la démarche d’ouverture qui risquerait de se heurter à de fortes réticences. Il s’agit donc d’un bon compromis : l’effort d’ouverture aujourd’hui sera payant dans un avenir par ailleurs pas si lointain. Il ressort de ces communiqués de presse un sentiment d’émulation, comme si la machine allait pouvoir se mettre en marche à l’instant même de la publication des données. Les entreprises de l’écosystème numérique pourront s’emparer de ces données afin de les transformer en services utiles pour les citoyens et la vie locale. Toujours selon ce même communiqué de presse, « encourager l’émulation sur le territoire tend à favoriser l’émergence de nouveaux acteurs et le développement de l’activité économique au profit d’une meilleure qualité de vie pour les habitants. »15 . Créer un écosystème des données permet également d’attirer de jeunes entrepreneurs ou de plus grandes firmes souhaitant utiliser les données dans leur activité. Une attractivité économique, donc, qui sera rapidement remise en cause par la suite. Lorsque l’on revient sur la démarche d’open government des États-Unis, nulle mention n’est faite d’un potentiel économique pour les données. L’argument apparaît toutefois dans la démarche rennaise. Un argument économique qui sera par la suite beaucoup appuyé grâce aux différentes actions de la collectivité, notamment au travers des appels à projets et autres hackathons. Nous étudierons ceci dans le second chapitre. Dans une autre perspective, l’ouverture des données est appuyée par l’argument de la modernisation des services publics. C’est un fait, l’image de l’administration française auprès des citoyens usagers n’est pas la meilleure possible. La société actuelle réclame de plus en plus de transparence de la part des administrations, en même temps que la confiance des citoyens en leurs institutions et leurs élus décroît. 15 Voir annexe n° 1, page 79
  • 24. 24 L’opinion publique témoigne d’un véritable manque de « croyance » en la politique actuelle. Publier les données publiques pourrait ainsi être un moyen de dépasser cette vision : garder les données en interne incite les individus à penser que quelque chose est à cacher, puisque ces informations ne sont pas divulguées. Libérer des données à propos du fonctionnement des institutions permettrait éventuellement d’écarter cette suspicion, si toutefois les données permettaient réellement d’en savoir plus sur le fonctionnement de l’administration. Cela favoriserait, dans le même temps, le changement de l’image des institutions, souvent perçues comme « archaïques » et peu rompues aux usages numériques. Il s’agit d’ailleurs d’une démarche déjà engagée avec les différents processus de numérisation des services publics, de plus en plus de démarches étant réalisables via Internet. Mais l’Open Data permettrait aussi de moderniser l’action même, le travail des services publics. C’est un argument sous-jacent qui ressort beaucoup dans les différents modes de promotion de l’Open Data. Si les agents produisent une grande quantité de données, les mettre en ligne peut aussi permettre d’en augmenter la qualité (puisqu’elles seront visibles par tous). Elles pourront également être réutilisées rapidement dans les différents services, au lieu d’une information actuellement en « silos » qui oblige les agents à effectuer des démarches parfois lentes pour obtenir des informations provenant d’autres services. Cela menant, en fin de compte, à un gain de temps dans le travail effectué en interne. L’un des objectifs est aussi de rendre la vie (et la ville) plus facile pour les citoyens. Grâce à l’ouverture des données et à la multitude de nouveaux services et usages qui seront créés par des professionnels en ébullition, de nombreuses applications et sites web pourront faciliter les usages de la ville pour tous. Il s’agit ainsi d’utiliser les données, de les croiser, afin de produire des services utilisés par les habitants dans leur vie quotidienne et sur tous les volets : transports, loisirs, environnement, ... Cela transparaît d’ailleurs lorsque l’on voit que beaucoup de données publiées dans un premier temps étaient des données au sujet des transports, de l’environnement. En outre, il existe également une volonté de rendre la ville plus attractive aux yeux de potentiels futurs résidants du territoire. Une ville « connectée », dont on peut faire un usage intelligent grâce aux données permettrait de favoriser l’installation dans les communes pratiquant l’ouverture des données. Un argument que l’on peut trouver discutable car il a été prouvé depuis que les citoyens s’intéressent très peu aux
  • 25. 25 données : l’attractivité de ces dernières est donc probablement loin d’être un critère pour l’installation sur le territoire. Ces différents arguments participent tous des récits construits autour du référentiel d’ouverture des données. Claudio Radaelli en donne un exemple dans une occurrence du Dictionnaire des politiques publiques : « Un récit sur les applications positives pour la santé humaine des manipulations génétiques peut, par exemple, servir à soutenir le référentiel de modernisation »16 . Cet exemple est tout à fait transposable au cas de l’Open Data nantais, dans la mesure où les récits à propos des bénéfices potentiels de l’ouverture des données publiques servent à appuyer l’action publique globale. 1.2.2 L’Open Data devient une fin à atteindre et non plus un moyen En réalisant ce transfert dans la politique publique, on peut aussi observer que le propos même de l’action s’est transformé. D’une volonté de créer un gouvernement ouvert aux États-Unis, l’objectif en France a consisté en l’ouverture des données seule. Tout ce qui « habillait » le concept d’ouverture des données a disparu, en laissant pour seul but de créer des plateformes afin d’y publier des données et de laisser les réutilisateurs s’en saisir. Il existe bien entendu dans la politique d’Open Data française une volonté de renforcer le dialogue entre élus et citoyens ainsi que la transparence de l’administration, mais cela apparaît plutôt comme un objectif parmi d’autres, en lieu et place de l’objectif final, global de la politique. Ce changement d’objet peut être dû au changement d’échelle qui s’est opéré lorsque les communes ont commencé à ouvrir les données : l’idée d’un gouvernement ouvert étant plutôt sous la responsabilité de l’État, les communes se sont apparemment concentrées sur d’autres aspects du processus. De façon secondaire, on assiste aujourd’hui à des volontés de créer une participation à l’échelle locale, mais cela arrive plusieurs années après le début de l’ouverture. Nous le verrons dans le troisième chapitre de cette étude. Les élus locaux ont donc dû adapter la démarche américaine, menée à une échelle nationale, au niveau des territoires. On peut observer des mécanismes en partie 16 Claudio, Radaelli, « Récits (policy narrative) » in Laurie, Boussaguet (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, « Références », 2014, page 548
  • 26. 26 similaires, notamment à propos de la mise sur agenda : à Nantes, le militantisme a joué un grand rôle dans l’apparition de l’Open Data au sein des préoccupations politiques, ce qui s’est déroulé également dans la démarche américaine. Pour autant, d’autres facteurs ont pu jouer, en particulier les exemples d’ouvertures déjà effectuées avant celle de Nantes, paramètre qui n’était pas présent pour l’ouverture aux États-Unis. La collectivité nantaise a su mettre en place une communication de grande ampleur autour de l’ouverture des données pour se positionner comme un acteur majeur de ce mouvement. Cette communication peut cependant faire l’objet d’un questionnement, afin de savoir dans quelle mesure les arguments avancés se sont réellement mis en place dans la démarche. 1.3 L’open data “à la nantaise”, véritablement inédit et opérationnel ? Nantes a fait de l’Open Data un formidable sujet de communication sur les aspects du numérique et de l’innovation. À en croire les différentes institutions, la ville a développé son Open Data « à la nantaise », en faisant ainsi une particularité territoriale, de manière à se démarquer des autres démarches d’ouverture des données publiques. Avec le recul, il peut être utile de questionner la légitimité de cet argument, afin de distinguer, entre l’objet de communication et l’intention réelle, dans quelle mesure cela s’est avéré vrai. 1.3.1 La démarche « multi-acteurs » Lors de la libération des données, la collectivité a choisi de communiquer sur ce qui doit représenter l’Open Data nantais, en faire son originalité ; la démarche « multi- acteurs ». Le jeu à la nantaise consiste ainsi à réunir dans la démarche d’ouverture un grand nombre d’acteurs issus de différents milieux : des associations, des élus, des professionnels du numérique et, bien entendu, les citoyens. Il s’agit d’une volonté faisant suite assez logiquement au désir de voir se créer un écosystème autour des données publiques. Or, cette démarche pose plusieurs questions. Tout d’abord, celle de la réelle importance du caractère pragmatique de ce jeu à la nantaise. En effet, la collectivité avait en tous les cas besoin d’acteurs extérieurs afin de mener à bien l’ouverture des données, d’autant plus lorsque l’on se remémore que cette ouverture relativement précoce est en grande partie due à l’action militante de l’association LiberTIC sur le territoire. Les différents acteurs ayant participé de
  • 27. 27 près ou de loin à la libération des données s’accordent à dire que sans cette intervention de LiberTIC et sa cofondatrice Claire Gallon, les données ne se seraient ouvertes que bien plus tard à Nantes. Si l’impulsion a été en grande partie donnée par l’action militante, la suite de la démarche reposait également sur les connaissances des différents acteurs présents sur le territoire. Pour développer un Open Data cohérent, il fallait en effet pouvoir compter sur l’expertise de développeurs et entreprises qui ont pu opérer pour mettre en valeur les données, lors des hackathons par exemple. Proposer des réutilisations des données sous la forme d’applications utiles, qui feront l’objet d’une communication, permet ainsi de médiatiser la donnée et éventuellement d’attirer de nouveaux curieux. L’expertise et le réseau des associations ont également été un apport précieux pour la collectivité. Cela est particulièrement vrai pour l’association LiberTIC, qui a pu se positionner comme médiateur entre les élus et la société civile puisque ce dialogue lui a été délégué par les institutions. Cela permettait ainsi d’exploiter le réseau déjà construit de l’association, qui avait une meilleure connaissance des acteurs du numérique à Nantes que les politiques. Cette nécessité de s’entourer d’une multitude d’acteurs est donc devenue un sujet de communication sur lequel la collectivité a pu s’appuyer pour promouvoir une démarche d’ouverture des données co-construite et participative, utilisant cet argument afin de se démarquer de la ville de Rennes. Les élus ont ainsi été capables de s’approprier des enjeux propres à l’ouverture des données pour en faire un argument de communication en faveur de la libération des datas. Il est intéressant de voir comment un discours portant au départ sur l’utilité pure de la démarche peut alors devenir la justification d’une démarche, permettant aux politiques d’expliquer leurs choix et décisions en matière d’Open Data. La seconde question que soulève cette volonté d’Open Data « à la nantaise » tient dans le fonctionnement véritable de cet écosystème. Les différentes annonces effectuées lors de la décision d’ouvrir les données ou de la mise en ligne de la plateforme indiquaient le souhait de la collectivité de s’entourer de nombreux acteurs, non seulement pour profiter de différentes expertises mais aussi afin de fédérer ces acteurs autour du sujet de l’Open Data, espérant créer ainsi un écosystème de la donnée, réunissant associations, professionnels, chercheurs. Il est vrai que beaucoup d’acteurs se sont mobilisés sur le sujet, et ce relativement tôt. Cela s’explique de plusieurs manières en fonction des acteurs concernés. Les différentes associations étaient déjà positionnées sur les données ouvertes en amont
  • 28. 28 du lancement de la démarche nantaise. LiberTIC est la structure ayant poussé cette ouverture à Nantes, tandis qu’Atlantic 2.0 fédérait déjà des acteurs du numérique et de l’innovation au sein de son association, action concrétisée par la suite grâce à l’ouverture de la Cantine Numérique, dont l’inauguration fut l’occasion pour Jean- Marc Ayrault d’annoncer le lancement de l’Open Data nantais. L’association Médiagraph, que l’on peut également retrouver parmi les acteurs, s’était quant à elle déjà tournée vers des actions de sensibilisation et de formation aux données grâce à son fonctionnement sous forme d’infolab, notamment auprès d’associations ou de porteurs de projet souhaitant acquérir des connaissances nécessaires à la mise en valeur de leurs propres données. L’association, dont l’action autour des données publiques s’est accélérée à partir de 2012, a aussi pu utiliser des données publiques dans son activité de sensibilisation auprès des retraités, son public principal. Sur le territoire nantais, une autre association a pu se nourrir de l’ouverture des données, même si elle ne figurait pas parmi les pionnières du mouvement : il s’agit d’Hellodata. Spécialisée dans la visualisation de données, l’association se propose d’accompagner les détenteurs de données afin de les aider à analyser ces dernières et les mettre en forme afin qu’elles puissent être diffusées par la suite. Un grand nombre d’acteurs associatifs ont donc pu trouver un intérêt dans l’ouverture des données afin de proposer des solutions à d’autres individus souhaitant manipuler ces nouvelles sources d’information. Chez les professionnels, l’engouement pour les données a rapidement suscité un intérêt : dès les premiers mois de l’ouverture, les données ont pu être utilisées par différentes structures lors d’événements tels que les appels à projets, ou les hackathons. Les développeurs, notamment, se sont beaucoup emparés des données afin d’essayer de créer des usages à partir de ces dernières. D’autres structures, comme la communauté des chercheurs notamment au laboratoire LINA de l’université de Nantes ou encore à l’école de Design a pu s’intéresser aux données dans leurs travaux de recherche. Même si la médiatisation est retombée quelques mois après l’ouverture des données et l’effervescence qu’elle a provoquée, l’écosystème numérique à Nantes s’est rapidement emparé de la question. Il reste que beaucoup d’acteurs l’ont par la suite délaissée. Par ailleurs, on remarque que malgré quelques initiatives pour réunir ces différents acteurs, ils ont finalement beaucoup travaillé chacun de leur côté, utilisant les données selon des modes bien différents en fonction de leur activité. Cette unité de l’écosystème numérique nantais,
  • 29. 29 si elle a pu être observée dans les premiers mois de la libération des données, s’est en revanche rapidement dissoute après quelques temps. Avec le recul, on peut donc observer que la démarche nantaise, au lieu d’une démarche multi-acteurs, a plutôt vu naître une pluralité d’initiatives issues de tous milieux. Les différents acteurs ne se sont pas réellement côtoyé – c’est en tout cas ce qui ressort des entretiens menés lors des recherches – à l’exception de l’association LiberTIC qui dans son rôle de « médiatrice » comme nous l’avons vu plus tôt a pu être en contact avec un certain nombre d’individus ou de structures. Les seules occasions qui ont pu réunir plus d’acteurs ont été les événements de type hackathons, durant lesquels des rencontres ont pu se faire, ce qui a pu être bénéfique pour l’écosystème. L’annonce de cet Open Data « à la nantaise » s’est donc basée sur un besoin de la collectivité de pouvoir compter sur différentes expertises, mais ne s’est pas forcément déroulée comme prévu. Ce qui ne signifie évidemment pas que la démarche pluri-acteurs n’a pas été voulue par les politiques, puisque ces derniers avaient bien conscience des effets bénéfiques qu’elle pouvait avoir sur le processus d’ouverture. Seulement, elle ne s’est pas réellement mise en place, chaque acteur ayant plus ou moins délaissé le sujet tour à tour. 1.3.2 Apporter de l'inédit Un autre argument fort dans le lancement de l’ouverture des données fut l’aspect inédit de la démarche, notamment au travers de la plateforme mutualisée entre la Ville et la Métropole, rejointe par la suite par le Département de Loire-Atlantique et la Région des Pays de la Loire. Cette mutualisation, qui permet surtout de réduire sensiblement les coûts de l’ouverture en réunissant les frais d’hébergement et de maintenance, a donc été utilisée comme argument afin de montrer l’innovation apportée par la collectivité nantaise en matière d’Open Data. Par ailleurs, cette mutualisation a pu être facilitée du fait que ces différents niveaux institutionnels portaient tous la même couleur politique à l’époque. Une plateforme mutualisée à tant d’échelons est en effet une démarche inédite en France. La ville de Rennes, qui a précédemment ouvert ses données, a proposé un portail commun à la Ville et la Métropole, un premier effort de mutualisation dont a pu s’inspirer Nantes. D’autres similitudes sont visibles avec Rennes, notamment dans l’appel à projets lancé en
  • 30. 30 parallèle de la libération des données. Les concours de « Rennes Métropole en accès libre » et « Rendez-moi la ville + facile » ont en effet proposé pendant plusieurs mois aux réutilisateurs de s’emparer des données afin d’en créer des applications, avec un suivi et un financement à la clé. Une démarche ressemblante dans les étapes qu’elle a parcouru. Si l’on se penche sur la liste des partenaires, un autre rapprochement peut être fait : les villes de Rennes et de Nantes se sont toutes deux entourées de l’opérateur de transport public local, respectivement Keolis et la Semitan, ces deux structures ayant accepté d’ouvrir certaines de leurs données en même temps que les données publiques. Cela a produit des similitudes dans les réponses proposées par les développeurs lors des appels à projets, incluant un grand nombre d’applications à propos des transports, ou de l’environnement. Il est donc possible de questionner le caractère réellement inédit du processus, car certaines idées se retrouvent dans les différentes démarches. Cela paraît normal, étant donné que l’Open Data restait, en 2011, un sujet très récent en France, à tel point que l’État commençait tout juste à s’en emparer. Par ailleurs, bénéficier d’un exemple de l’exemple de l’ouverture à Rennes permettait à la collectivité nantaise de s’appuyer sur une expérience et ainsi de ne pas se lancer à l’aveugle dans un tel mouvement. En revanche, et c’est ce que nous allons voir dans un second chapitre, la mise en œuvre de la politique d’Open Data à Nantes, tout comme les promesses qu’elle portait, ont rapidement montré leurs limites et on fait place à un certain nombre de déceptions de la part des différents acteurs. Il existe un écart entre le référentiel, l’imaginaire construit autour de l’Open Data et ses réelles applications. C’est un fait, l’Open Data a constitué un sujet de communication formidable pour la collectivité nantaise au cours des mois qui ont suivi l’ouverture en 2011. De nombreuses attentes ont été formulées autour de la démarche et les différents acteurs se sont montrés optimistes quant à la formation d’un véritable écosystème des données. Bémol : la traduction française et locale de la politique par rapport à son inspiration américaine ne s’est pas faite sans pertes. En effet, l’idée d’open government prônée par Barack Obama n’a pas réellement fait surface en France, même si les élus nantais poursuivaient l’objectif d’ouverture de la démocratie locale et de participation accrue des citoyens. Ces promesses qui ont été posées il y a quelques années ont naturellement suscité des attentes de la part des différents
  • 31. 31 groupes impliqués. Après cinq ans d’ouverture, nous allons à présent voir dans quelle mesure ces promesses se sont réalisées.
  • 32. 32 CHAPITRE 2 – UN PROJET AVEC SES ESPOIRS ET SES FAIBLESSES Ce n’est plus réellement un secret, le programme d’Open Data nantais lancé en 2011 avec ses premiers objectifs n’a pas véritablement comblé les attentes qu’il avait soulevé. Si l’on reprend les trois arguments phares exprimés par les élus lors de l’annonce de la libération des données, on peut citer l’argument économique, le processus de modernisation des services publics et le bénéfice pour les citoyens. Or, si certaines améliorations ou initiatives sont tout de même apparues sur le territoire, on ne peut pas affirmer que ces résultats correspondent aux espoirs formulés par les acteurs. Dans ce chapitre, nous nous pencherons davantage sur les arguments de développement économique et de modernisation de l’administration, la question du citoyen faisant l’objet du chapitre trois puisqu’il mérite d’être traité avec d’autant plus de profondeur. 2.1 L’Open Data n’est pas une « mine d’or » économique 2.1.1 Malgré quelques initiatives réussies ... L’ouverture des données publiques à Nantes a permis de faire naître un certain nombre d’initiatives extrêmement intéressantes, en terme d’activité et d’animation de l’écosystème numérique. Comme nous le verrons cependant, rien ne permet réellement de créer un modèle économique autour des données. De nombreuses initiatives sont lancées par des associations, quand d’autres intègrent l’Open Data comme une partie de leur activité seulement et se chargent plutôt de médiation. Dans tous les cas, il n’existe pas réellement de start-up ou d’entreprise bâtie sur les données ouvertes. Les lauréats d’appels à projets ou développeurs d’applications proposent des projets qui peuvent se révéler pérennes mais qui ne suffisent pas pour autant à en faire une activité à part entière. Nous allons ici revenir sur ces différents usages des données, qui produisent des activités variées mais difficilement quantifiables au niveau économique. En ce qui concerne les associations, elles sont nombreuses à s’être emparées du sujet de l’Open Data afin de proposer des services basés sur ces données. Le milieu associatif touchant au sujet des données ouvertes est particulièrement dynamique, que ce soit au niveau local et au niveau étatique. Parmi les projets que l’on peut identifier sur le territoire, l’association OpenStreetMap est bien entendu un acteur
  • 33. 33 important. Fondé en 2004 au Royaume-Uni, le projet a pour objectif de créer une cartographie du monde, alimentée par les citoyens selon leurs connaissances. La branche nantaise de l’association organise notamment des « cartoparties », invitant des citoyens à se réunir et explorer une zone délimitée de la ville afin de reporter les données collectées sur une carte interactive, alimentée de manière collective avec des données produites par les usagers et disponibles en accès et réutilisation libre. Un exemple vient illustrer cette activité : à Nantes, OpenStreetMap a proposé plusieurs cartoparties visant à recenser les appuis vélos présents sur la commune. Autre initiative intéressante, la création de l’association Hellodata spécialisée dans la visualisation de données publiques. Il s’agit ainsi de rendre les données plus lisibles et plus compréhensibles afin de donner aux citoyens les clés pour les analyser, sans avoir besoin de connaissances techniques préalables. L’association propose ainsi sur son site des visualisations de données, infographies et cartographies qui mettent en valeur des données publiques afin de renseigner sur un sujet à portée locale ou territoriale (il peut s’agir de la question de Notre-Dame des Landes, des industries culturelles et créatives nantaises ou encore de consommation collaborative). À la différence d’OpenStreetMap, qui invite les citoyens à participer aux différentes cartographies réalisées, l’association Hellodata se charge de mettre en forme les données afin d’en proposer des visualisations à son public. Activité également proposée par le cluster Ouest Médialab, dont le public est plutôt ciblé sur des professionnels. En effet, la structure organise régulièrement des « hyblabs » tournés sur les datas : datajournalisme, datasport. Il s’agit d’ateliers se déroulant sur plusieurs jours et rassemblant, dans le cas des hyblabs nantais, des étudiants de l’Université de Nantes, d’Audencia, de l’École de Design ou encore de Polytech. L’idée étant de créer des équipes transdisciplinaires afin de faire travailler les étudiants sur des jeux de données, en vue de les exploiter de manière innovante et de faire usage de nouveaux outils de communication afin de diffuser ces données. Le hyblab datajournalisme en est à sa quatrième édition, celui portant sur le datasport ayant quant à lui trois éditions à son actif. Il s’agit donc de former à la réutilisation des données ouvertes des étudiants démontrant un certain attrait pour ces dernières. Outre ces hyblabs, le cluster propose également des formations envers les professionnels afin de les aider à appréhender les nouveaux outils s’offrant à eux dans leur activité. En juin 2016, la formation Datacom « Communiquer avec des données » proposait de former des professionnels, essentiellement
  • 34. 34 journalistes et communicants, à la datavisualisation. Lors des différentes Digital Week, Ouest Médialab propose également des sessions de « speed training », formations rapides d’une trentaine de minutes chacune et se déroulant sur une journée afin d’accompagner les professionnels vers les nouveaux usages de la communication. Le cluster opère donc plutôt dans une logique de formation des professionnels, ce qui reste indispensable, notamment en matière d’Open Data. En effet, si ces données publiques permettent de créer des activités nouvelles, telles que le datajournalisme, elles apportent également des réticences chez les différents acteurs. Restons sur l’exemple du datajournalisme : cette activité relativement nouvelle commence à se populariser auprès des journalistes et consiste à exploiter les jeux de données publiques mis en ligne afin d’en faire la source de leur travail. Cette pratique, si elle rencontre un certain succès auprès d’une partie des journalistes, suscite également des interrogations chez d’autres. Le milieu du journalisme, en particulier écrit, est depuis longtemps menacé par les différents supports numériques qui prennent de plus en plus de place dans les modes d’information des individus. Le journalisme de données est ainsi vu comme un prolongement de ce mouvement, qui risquerait donc de fragiliser d’autant plus cette activité. Par ailleurs, certains journalistes considèrent encore qu’explorer des bases de données sur un ordinateur ne relève pas d’un travail journalistique, ce dernier consistant plutôt, pour eux, à se déplacer directement sur le terrain. Les données publiques ne sont pas vues comme un terrain et provoquent donc des réticences. Il existe donc toujours des méfiances au sein des différents secteurs d’activité vis à vis des données. Les initiatives rencontrant un certain succès à Nantes permettent de conserver un dynamisme autour des données publiques, mais ne permettent pas d’occulter le fait qu’il n’existe pas de réel bénéfice économique direct grâce à ces dernières. En effet, du point de vue des acteurs extérieurs à l’institution et en particulier des professionnels du numérique, l’ouverture a permis de créer quelques projets mais pas réellement de fonder une activité autour d’elle. 2.1.2 ... Un modèle économique difficile à trouver Nous l’avons vu, l’ouverture des données a permis sur le territoire la création d’une bonne dynamique autour de la formation et la médiation vers les datas, mais il faut se rendre à l’évidence, l’objectif affiché par les politiques lors de l’ouverture n’a pas été réellement atteint. Dans le communiqué de presse diffusé par la collectivité, le
  • 35. 35 discours laissait en effet penser que les entreprises ou start-ups allaient pouvoir s’emparer des données, les réutiliser et en tirer des usages innovants afin de créer une économie autour de la donnée. Or, après cinq ans d’ouverture, on peut observer que cette attente a été déçue. Les promesses de bâtir une économie de la donnée se sont rapidement révélées utopiques. Force est de constater que, cinq ans après l’ouverture des données publiques, aucun modèle économique n’a pu être trouvé autour de ces datas, et ce pour plusieurs raisons. Dans un premier temps, les données publiques mises en ligne, malgré le travail effectué avant leur publication, restent d’une qualité insuffisante pour des usages approfondis. Les jeux de données sont souvent incomplets, il est donc difficile de les croiser car les niveaux d’informations ne sont pas les mêmes. Par ailleurs, le nombre de données apparaît également comme insuffisant. En 2015, la France est classée 10ème du « global open data index » réalisé par l’association Open Knowledge Foundation. Cet index se base sur le jugement de différents jeux de données considérés comme des informations clés à propos du fonctionnement du gouvernement, tels que les résultats électoraux, la qualité de l’air ou de l’eau, les budgets, etc. Sur cette base, l’index établit une note des différents critères, jugeant ainsi si les données les concernant sont satisfaisantes ou non, et une note globale est attribuée au pays concerné. La France a obtenu sur l’année 2015 une note globale de 63%. Le classement comporte 122 rangs, ce qui place la France à un bon niveau. Seulement, lorsque l’on se penche sur l’étude des jeux de données plus
  • 36. 36 précisément, on se rend compte que les moins bien notés correspondent à des éléments primordiaux : les dépenses de l’État viennent en dernière position, ces données étant considérées comme ouvertes à seulement 10%. Les données à propos de la propriété foncière viennent ensuite, suivies des registres d’entreprises et de la cartographie du pays. Des éléments qui semblent pourtant assez importants si la volonté de l’État est de créer un gouvernement ouvert. On peut donc en conclure que les données ouvertes sur les différents portails sont relativement « superficielles », en ce qu’elles ne concernent pas des secteurs au cœur du fonctionnement du gouvernement. Les données ouvertes, dans les communes mais aussi au niveau étatique, ne seraient ainsi pas assez approfondies et complètes pour permettre de réels usages et réutilisations. Afin de créer des outils ou services suffisamment puissants, il faudrait également disposer de nombreuses années de données, ce qui n’est pas forcément le cas, ces dernières remontant la plupart du temps à deux ou trois ans en arrière, autrement dit très peu de temps dans le domaine du numérique. C’était notamment le cas, pour un projet mené conjointement par Nantes Métropole et le laboratoire LINA – que nous avons évoqué lors de notre entretien avec Hervé Jaigu – afin de créer un outil pour les bibliothèques de Nantes, basées sur les données des emprunts de livres, afin de proposer des recommandations, des suggestions et étudier le lectorat. Cependant, une profondeur de données trop insuffisante en termes de temps ne permettait pas une analyse suffisamment fine des résultats : au lieu de deux ou trois ans, il aurait fallu disposer d’une dizaine d’années de données. On peut donc aisément penser que les données publiques, destinées à être publiées gratuitement, souffrent d’un manque de qualité qui empêcherait les réutilisations pertinentes. Dans le même temps, la production des données publiques relève d’une mission « annexe » des institutions. Cela ne relève pas du même processus de production des autres données, par exemple produites dans le cadre d’une activité privée et largement mises en valeur avant d’être libérées. L’administration publique n’a pas pour mission première de produire des données. Cela peut en partie expliquer la qualité moindre des données publiques publiées. Par ailleurs, si les entreprises et développeurs sont en capacité de créer des services à partir des données, ces derniers ne possèdent pas systématiquement de valeur : ce qui créé la valeur d’un service ou d’une application réside notamment dans la concurrence. Or, il n’existe pas réellement de concurrence dans les services basés sur les données : en tout cas pas suffisamment
  • 37. 37 pour être en mesure de monnayer ces services et donc construire un modèle économique grâce à ce dernier. Au-delà du modèle économique difficile à fonder sur les données publiques, un autre écueil réside dans la relation entre les professionnels et les institutions. Le principal point d’accrochage étant la différence de temporalité entre ces deux univers. L’ouverture des données et la collaboration qu’elle implique entre des acteurs différents est incontestablement bénéfique puisqu’elle permet, dans une certaine mesure, de rapprocher des milieux qui ne se côtoient habituellement pas, favorisant ainsi le dialogue entre élus, agents du service public, développeurs, militants, et bien d’autres encore. Cependant, ce dialogue devient compliqué lorsque l’on s’aperçoit que les temporalités de ces différents milieux sont assez différentes, il devient alors difficile de synchroniser tous ces acteurs. C’est ici le cas entre la collectivité et les professionnels du numérique. Ces derniers, qui avaient déjà connaissance des questions d’Open Data ou de Big Data grâce à leur activité, ont pu s’emparer très tôt du mouvement afin de l’exploiter selon leurs compétences et leurs ressources. Seulement, cette mise en marche très rapide ne correspondait pas réellement à la gestion faite par les institutions, qui, elles, n’avaient pas vraiment de connaissances en la matière et n’imaginaient pas encore les usages qui pourraient être faits des données, malgré une volonté de lancer une dynamique capable de créer des services innovants. Alors que les entreprises avaient déjà des visions pour les données, l’institution a continué à « tâtonner », si bien que l’enthousiasme des professionnels a fini par s’étioler, lassés d’attendre le soutien de la collectivité. Car la réutilisation des données afin d’en faire usage est une activité plutôt chronophage, que beaucoup de professionnels ont d’abord fait de façon bénévole. Au bout de quelques mois, voyant que la réponse politique tardait à arriver, de nombreuses entreprises ont ainsi délaissé le sujet de l’Open Data. Le problème, ici, est causé par différents facteurs. Les entreprises du numérique, de l’innovation connaissent bien les données et les travaillent régulièrement, elles sont donc familières du sujet, au contraire des institutions qui n’avaient jamais réellement approché les données. Cette différence de connaissances a ainsi impacté la manière dont les différents acteurs se sont saisis de la question. Les entreprises, déjà opérationnelles dès la libération des données, se sont confrontées à une administration apprivoisant progressivement ce nouvel objet. Elles ont donc démarré très rapidement, pour se
  • 38. 38 rendre compte que le portage politique dont elles avaient besoin ne suivait pas. Pour venir illustrer cela, prenons l’exemple d’un projet porté par le laboratoire Arts et Technologie de Stereolux. Dès 2011, le laboratoire avait réfléchi, conjointement avec l’association LiberTIC, à un « open data événementiel ». Il s’agissait d’ouvrir les données culturelles d’une multitude d’acteurs – structures et institutions – dans le but de les réunir sur une même plateforme. Cela permettrait de rendre plus lisible une offre culturelle nantaise très dense et d’agréger les données afin de rendre leur consultation plus simple. Ainsi, il serait beaucoup plus rapide de savoir exactement quels événements se déroulent à Nantes à une date précise, toutes les offres étant regroupées à un même endroit grâce au travail effectué sur les données. Présenté en décembre 2011, quelques semaines seulement après la libération des données, il s’agissait alors d’un premier véritable travail de réutilisation des données à l’échelle de la collectivité, prouvant ainsi le dynamisme des acteurs privés autour de l’Open Data. Malheureusement, les institutions, dont l’implication dans le projet était indispensable à sa mise en œuvre, n’ont pas suivi le mouvement. En effet, le développement d’un tel projet demandait l’appui d’un financement afin de pouvoir dépasser le stade expérimental et être déployé à grande échelle. Cette absence d’apport n’a donc pas permis de pérenniser le projet et les acteurs impliqués s’en sont détournés, simplement car ils ne pouvaient plus se permettre de passer un temps considérable, de façon bénévole, pour un projet qui ne pouvait perdurer sans soutien. Le projet avait-il démarré trop tôt, sans laisser aux acteurs publics le temps de définir ses attentes ? C’est en tout cas ce que l’on peut penser, lorsque l’on sait qu’aujourd’hui, l’Open Data culturel fait partie de l’une des nouvelles orientations de la démarche. Le projet d’Open Data événementiel porté par Stereolux y aurait donc totalement sa place, seulement à l’époque, il ne correspondait pas aux priorités des institutions en matière de données publiques. La direction générale de la culture s’est récemment demandée si les données pouvaient effectivement jouer un rôle sur l’offre culturelle nantaise, plusieurs années après qu’un projet ait déjà été proposé. Cette différence de temps entre ces deux propositions – environ quatre ans se sont écoulés – montre bien à quel point le dialogue entre deux milieux très différents peut encore être complexe. Elle montre également dans quelle mesure le politique influence la démarche Open Data, faisant le choix ou non d’ouvrir et de valoriser certaines données lorsque cela est le plus arrangeant. Certaines données qui pourraient être rendues publiques dès aujourd’hui sont conservées en interne en
  • 39. 39 attendant un moment plus propice, où la libération de ces données précises sera plus pertinente. Or, cela interroge l’un des critères de base de l’Open Data, dont nous avons pris connaissance dans le premier chapitre, celui indiquant qu’une donnée doit être publiée le plus rapidement possible après sa collecte pour être qualifiée d’ouverte. Dans le cas où une donnée possédée par l’administration est conservée de la sorte, attendant un moment idéal pour être publiée, ne s’éloigne-t-on pas du concept d’Open Data, pour se rapprocher purement et simplement d’un outil de communication ? Pour le moment, l’Open Data sert plutôt d’outil pour les start-ups et entreprises afin de démontrer leurs savoir-faire en termes de manipulation de données. Il peut alors s’agir d’un tremplin afin de se diriger ensuite vers le traitement de données plus massives telles que les Big Datas. Ces dernières peuvent justement représenter une solution, à croiser avec les données publiques, afin de créer plus de solutions pertinentes et approfondies, qui pourraient éventuellement correspondre à un modèle économique. 2.1.3 Quelle valeur, quels usages pour les données publiques ? Plusieurs pistes de réflexion sont permises pour tenter de comprendre comment les données publiques issues de l’Open Data peuvent gagner de la valeur, au point de créer une éventuelle économie. La question se pose ici du potentiel réel de l’Open Data pour créer des opportunités économiquement intéressantes. Au-delà de quelques exceptions, cela reste en effet un objectif compliqué à atteindre, nous l’avons vu précédemment. Les données publiques sont-elles réellement vouées à être d’une qualité suffisante pour construire des usages ? Elles ne sont en effet pour le moment qu’un produit annexe du travail des administrations, non pensées pour des usages extérieurs. Il est possible qu’avec l’extension du principe d’ouverture des données et l’obligation par la loi dont elles font désormais l’objet, ces datas gagnent en qualité au fil du temps. Mais elles restent des données publiques, c’est à dire gratuites et réutilisables par tous. En temps normal, un bien prend de la valeur en raison de sa rareté : ce n’est pas vraiment le cas avec ces données : celles-ci ne sont pas rares, bien au contraire et elles ne s’épuisent pas après leur utilisation. Les données publiques sont d’autant plus confrontées à ce problème de valeur qu’elles sont publiées gratuitement : elles perdent ainsi toute rareté, puisqu’elles sont disponibles pour tous. La valeur augmente également avec le traitement des
  • 40. 40 données, qui deviennent alors plus compréhensibles, plus facilement réutilisables. Ces recherches sur la valeur des données sont explicitées dans l’ouvrage Datanomics17 , co-écrit par Simon Chignard et Louis-David Benyayer. On remarque bien qu’il est extrêmement difficile de poser une valeur précise sur les données, d’autant plus que cette estimation varie en fonction de l’acteur qui la donne : pour un agent du service public, une donnée vaut le travail qu’il produit. Pour un professionnel du numérique, c’est plutôt l’usage qu’il peut en faire qui donne de la valeur aux datas. Cette idée de valeur est essentielle pour la construction d’une éventuelle économie de la donnée, car elle amène ainsi à questionner la façon dont les données doivent être traitées pour produire des usages intéressants sur le plan de la rentabilité. Nous explorons ici quelques pistes qui pourraient être intéressantes pour l’usage des données dans un but économique. Dans un premier temps, la collectivité peut chercher à élargir le champ des acteurs non institutionnels impliqués dans l’ouverture des données. Cette volonté d’étendre le réseau existe aujourd’hui et se manifeste par le désir de faire de la plateforme Open Data nantaise une sorte de « réceptacle » pour les données d’acteurs extérieurs à l’administration. Poursuivant le partenariat commencé au début de la libération des données, la collectivité collabore ainsi avec la TAN et Air Pays de la Loire afin de mettre à disposition certains jeux de données. D’autres acteurs se sont progressivement ajoutés à la liste ; l’association Mieux trier à Nantes met à disposition les données du recyclage des déchets. Des jeux de données d’Atlanpole ou de Nantes Métropole Habitat ont également été publiés. Ainsi, le nombre grandissant de données disponibles offrirait potentiellement la possibilité de les croiser afin d’en faire naître des services ou usages plus approfondis. Mais pour cela, la quantité ne suffit pas, les données devant aussi être de qualité afin d’être considérées comme fiables et ainsi dépasser le simple stade des tests. Il y a donc tout un travail à effectuer sur les données pour les rendre utilisables pour de telles fins, ce qui sera probablement permis par une plus grande attention portée aux données au sein des administrations qui les produisent. Nous le verrons par la suite, 17 Simon Chignard, Louis-David Benyayer, Datanomics : les nouveaux business models des données, Limoges, Éditions FYP, « Entreprendre – Développement professionnel », 2015, pages 35-37
  • 41. 41 cela prendra effectivement du temps, mais la culture qui est actuellement en train de s’installer favorisera sûrement une meilleure qualité des données publiques. Ensuite, il faut également rapprocher l’Open Data du Big Data, concept souvent mis de côté dans le développement de l’action publique d’ouverture des données. L’Open Data fait partie des Big Datas et les complète. Le terme de Big Data est très difficile à définir précisément, mais il regroupe toutes les données informatiques produites et stockées en masse et provenant de tous les appareils producteurs de données. Les données publiques sont donc comprises dans ce grand ensemble, mais les Big Datas sont souvent associées aux données manipulées par les grandes entreprises, pour la simple raison que ces données sont tellement massives qu’elles nécessitent d’immenses moyens pour être traitées. C’est ici qu’intervient la question de la construction de modèles économiques sur les données. En effet, les données issues des Big Datas sont traitées depuis plusieurs années maintenant afin de créer des outils utilisés par des entreprises. C’est le cas de grandes firmes telles que Google, Amazon ou Facebook, qui utilisent les données produites par les utilisateurs et recueillies afin de cibler les publicités en fonction des navigations des individus, affiner les recherches grâce aux données annexes ou encore proposer d’autres services ou produits en fonction des achats des internautes. Ces pratiques reposent donc sur le croisement d’un grand nombre de données entre elles, toutes concernant l’internaute ciblé et permettant de lui proposer des offres ou des services en fonction des pages web qu’il a pu visiter, des informations personnelles qu’il a renseigné. De tels usages sont désormais de plus en plus répandus, et si l’Open Data est loin de pouvoir en développer de similaires, les données publiques pourraient néanmoins être intéressantes à utiliser dans un cadre semblable. Au lieu d’informations sur les achats, les consultations de pages web, les données publiques fournissent des informations sur les usages que les habitants font de la ville, le mode de vie de ces individus, les services proposés par la collectivité. Croiser ces données avec les informations contenues dans le reste des Big Datas, à savoir des informations à caractère commercial, ne pourrait-il pas permettre de créer des services pour la ville avec une portée bien plus grande ? Il est difficile de savoir par quels moyens l’Open Data pourrait représenter un bénéfice économique, dans la mesure où l’usage de données est une activité