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FAITS-DIVERS
Des perspectives judiciaires
Clicanoo.com
publi le 18 avril 1998
00h00
A la Réunion, l’affaire ARMAS-Goulamaly a fait l’effet d’une bombe, dans les milieux
économiques. La corruption mise en lumière par les documents révélés jeudi, par le Journal de
l’Ile, induit de nombreuses conséquences d’ordre pénal, quand bien même les faits incriminés se
sont déroulés hors du territoire français.
En effet, dans les enregistrements des conversations tenues entre Denis Proto, directeur d’ARMAS, et Fulgence
Fanony, il apparaît de façon claire et nette que des sommes importantes ont été régulièrement affectées à des
personnalités administratives et politiques de la grande île. Denis Proto : "Concrètement, pour aller dans le sens de
l’accord habituel entre ton président et nous, essayons de voir ce que l’on peut décider et quelles mesures on peut
prendre rapidement, je dis rapidement, car demain je pars à (...) et mercredi je rentre à la Réunion car ma mère est très
malade. C’est pour ça que je veux qu’on arrête un plan pour ta situation personnelle (...) mais maintenant c’est toi,
comment tu sens la collaboration, la présence que nous pouvons avoir à côté du président ?" Plus loin Fulgence Fanony
fait référence à une précédente intervention financière auprès du président : "Quand on était chez lui on avait dit : bon
voilà, on avait donné quelque chose en lui laissant entendre que l’on pouvait aussi venir l’aider dans tout ça... c’est donc
sept milliards..."
L’ORIGINE DE CET ARGENT LIQUIDE
Et Denis Proto, qui entend garantir son avantage, de caler sa prochaine visite chez le président : "C’est ce que tu veux
que je prenne, 200 ou 300 millions et que je lui amène avec toi, comme la dernière fois..." Plus loin dans la
conversation, il est fait référence au premier contact Proto/Zafy : "Alors si je comprends bien, je ne demande rien, moi,
comme quand je l’ai eu la première fois et que je me suis engagé à le soutenir encore, je viens parce que je sais qu’il a
une campagne et, j’attends qu’on me sollicite, je viens pour obtenir ma part...".
DES ACTIONS D’ORDRE PÉNAL
En fin de compte, Proto et Fanony tombent d’accord pour verser 300 ou 400 millions au président, ce qui permettra au
directeur d’ARMAS de résoudre les problèmes qu’il rencontre dans son activité ; parallèlement Proto solde au profit de
Fanony sa dette sur un marché d’essence, soit 140 millions. En dernier lieu, le principe d’un virement mensuel de 2000
francs au bénéfice de l’un des enfants de Fulgence Fanony est posé. Un virement fait à partir du compte réunionnais de
Denis Proto... Quand bien même la parité franc français, franc malgache, ( Ndlr : 1 FF = 850 FMG), implique de
relativiser l’importance des sommes envisagées, la multiplication et la régularité patente des versements occultes
évoqués par les protagonistes de cette affaire, Proto et Fanony, ne laissent pas de s’interroger sur l’origine de cet argent
liquide, comme sur le traitement comptable de ces sommes. Il y a fort à parier que cette trésorerie n’apparaît pas dans
les livres des sociétés Mélaky et Ménabe, lesquelles sont des filiales de la société Armement des Mascareignes, et ont
pour pdg commun Abdéali Goulamaly. Ce qui implique des falsifications de comptes et de bilans entre les sociétés de la
Réunion et de Madagascar, d’éventuels abus de biens sociaux. Des charges qui peuvent être alourdies par les faits de
corruption active dont se sont rendus coupables les ressortissants français mis en cause dans cette affaire. Que penser
enfin du fait de filmer, à leur insu, les acteurs passifs de la corruption, à des fins que l’on imagine liées à d’éventuelles
actions coercitives, voire d’éventuels chantages ? Car il paraît évident que ce type de caméra cachée n’a rien à voir
avec les aimables facéties télévisées des "Piégeurs" ou de "Vidéogag". Il y a donc fort à parier que des actions d’ordre
pénal seront engagées à l’endroit d’Abdéali Goulamaly et de certains de ses collaborateurs. Elles seront
vraisemblablement complétées par le résultat des contrôles fiscaux en cours dans certaines entreprises du groupe.
Affaire à suivre, donc, s’agissant du volet réunionnais de cette histoire de crevettes, pas très fraîches... Philippe Leclaire
Vif intérêt à Antananarivo A Madagascar, c’est plutôt une lecture politique de l’affaire qui est retenue, à la veille des
législatives, alors que plusieurs personnalités politiques de premier plan sont concernées, Albert Zafy, ex-président de la
République, Fulgence Fanony, ex-ministre de l’Education, Gilbert François, ex-directeur des Pêches et conseiller de
M. Tsialetra, son ministre... Nombre d’autres personnalités pourraient avoir bénéficié de la compréhension et des
largesses de M. Goulamaly ou de ses sociétés, à l’occasion de diverses visites à la Réunion. Ce pourrait-être le cas de
certains hauts fonctionnaires liés au ministère des Pêches, ou même d’amis(-es) de personnalités politiques de haut
niveau. Mais ceci appartient à d’autres chapitres de cette histoire. Pour l’heure, à Antananarivo, le quotidien Midi
Madagascar qui a accédé via Internet aux articles du Journal de l’Ile, se fait extrêmement prudent et s’interroge :
"Machination ou simple coïncidence ? A un mois des élections législatives, un dossier mettant en cause des
personnalités de l’ancien régime a été publié hier à la Réunion...". Se refusant à citer le noms et les sociétés mis en
cause, Midi Madagascar feint de s’interroger sur les motivations liées à la publication de ce dossier tout en prenant soin
de citer, sans le nommer, un Fulgence Fanony touchant de candeur : "Joint par téléphone, hier soir, l’ancien ministre en
question nie tout. Tout étonné que de tels faits soient rapportés dans la presse, il reconnaît toutefois connaître le
directeur de la société en question (Ndlr : Denis Proto). "Je le connais et on se voit souvent. Il est actuellement à
l’extérieur mais à son retour, je ne manquerai pas de lui demander cette histoire", nous a-t-il déclaré. Pour lui il s’agit
d’une pure machination politique en vue des législatives. "Je suis candidat à la députation et je suis la bête noire dans
ma circonscription, tous les moyens sont bons pour me détruire...."
UNE GUERRE LARVÉE
Ce pauvre Fulgence Fanony connaît pourtant cette histoire sur le bout des doigts, et il faut avouer que le rôle qu’on lui
voit jouer dans le court métrage de Denis Proto, filmé avec les moyens de la société Investig’action, ne paraît pas être
un rôle de composition. Si caractère politique il y a dans cette affaire, il découle principalement des paramètres
économiques liés à la guerre de la crevette à laquelle se livrent nombre d’opérateurs, dont ARMAS d’Abdeali
Goulamaly, les PNB d’Aziz Ismaël, Somapêche (Japon), Refrigépêche (France), Aquamen... Les uns et les autres jouant
de leur influence politique pour favoriser leurs intérêts aux dépens de leurs concurrents respectifs. Ainsi, en 95, des
accords secrets liant Emmanuel Rakotovahiny et Aziz Ismaël se sont manifestés de façon négative à l’endroit d’ARMAS,
provoquant l’intervention d’Albert Zafy en faveur de M. Goulamaly. D’où les libéralités de ce dernier en direction du
président de la République et de ses proches collaborateurs. Libéralités qui ont été jusqu’au versement de sommes
importantes à Mme Zafy, alors en déplacement à la Réunion en 1994, à des fins humanitaires, cela va sans dire. Cet
épisode a marqué en fait la fin de la collusion qui liguait Goulamaly et Ismaël, avec la complicité latente des Japonais de
Somapêche, contre les sociétés françaises intervenant sur la zone. Ironie du sort, Goulamaly intervenant en tant
qu’opérateur français, a bénéficié longtemps de l’appui de la coopération française et des financements de la Caisse
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française de développement. Depuis, entre Goulamaly et Ismaël s’est développée une guerre larvée qui a tourné au
désavantage de Goulamaly, ce dernier étant contraint de se rapprocher de ses concurrents français pour espérer
maintenir ses activités de pêche à la crevette. La domination des PNB et de Somapêche a été clairement mise en cause
par le rapport du comité des sages consécutif à la commission interministérielle des pêches de décembre 97. Il apparaît
enfin que les Pêcheries de Nosy Be (Aziz Ismaël) tentent de s’appuyer sur l’armement Aquamen, lequel bénéficie de
l’influence d’un poids lourd de l’actuelle majorité, M. Herizo.
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