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2011


   Les facteurs et la modélisation
   de la croissance urbaine
   [Tapez le sous-titre du document]



   Préparé par : KHECHI Aziz
                 BRIBICH Said
                 ABDENAIM Mohamed
                 BROUM Samira




           Encadré par : Mr TACHFINE Youssef




                                   08/02/2011
INTRODUCTION

        I. SOUBASSEMENT THEORIQUES ET DEFINITION
             1.1   signification de la croissance urbaine
             1.2   les facteurs de la croissance urbaine
             1.3   les modèles analytiques de la croissance urbaine
                         1.3.1    théorie de la base
                         1.3.2    théorie de la croissance urbaine par étapes
                         1.3.3    théories néo-classique de la croissance urbaine
             1.4   les modèles interactifs de transport et d’occupation du sol
       II. LA CROISSANCE URBAINE DE GRAND AGADIR DEPUIS

             1960 ET SES FORMES

CONCLUSION
INTRODUCTION

    La croissance économique des villes est sans doute un des phénomènes économiques les moins connus

et les moins exploités dans la littérature économique. Ceci tient en partie à la difficulté d’obtenir des

données statistiques pertinentes au niveau local, et en partie également au fais qu’il n’y a pas de théorie

générale de croissance urbaine, ce qui rend difficile une formation rigoureuse. La croissance urbaine

constitue une résultante des interactions avec l’environnement, des liens entre la ville et la compagne et de

la politique urbaine, sa distribution et ses rythmes reflètent les choix opérés au niveau social et économique.

son analyse est d’un grand intérêt pour déceler les retombées et les tendances sur le système urbain .le

contexte dans lequel s’est effectuée l’urbanisation et les modalités de la croissance urbaine vont marquer le

système urbain dans sa configuration , sa hiérarchie et sa distribution spatiale .la faiblesse de la base

productive des villes , la forte centralisation du système et la diffusion des services vont déterminer les

caractères du système urbain national et des systèmes urbains régionaux .

    On vous propose dans le premier axe de ce travail modeste un éclairage sur la croissance urbaine, sa

définition et les facteurs affectant cette croissance, après on vous présente les différents modèles traitants

la croissance urbaine tout en essayons de mettre en lumière la particularité relevée par chaque modèle dans

l’explication du phénomène de la croissance urbaine. Pour enfin clôturer cet axe par la mise en question les

modèles interactifs de transports et d’occupation du sol.

    Le 2eme axe va opter pour le grand Agadir comme une agglomération qui mérite une relecture du fait de

la croissance considérable que témoigne son développement rapide sur tout les plans notamment celui qui

nous intéresse davantage : la croissance urbaine .
I. SOUBASSEMENT THEORIQUES ET DEFINITION
                  1.1.    signification de la croissance urbaine

     Parler de la croissance urbaine nous amènes à attaquer ses trois formes les plus connues. La plus
simple consiste à suivre dans un temps donne l’évolution numérique de la population sur l’air urbain.

     On peut également expliquer la croissance urbaine par consultation des revenus crées ou perçus sur le
territoire de la ville. Enfin on peut compter sur l’extension spatiale de l’agglomération pour mesurer sa cro
issance. La croissance revêt donc une triple signification :

                      - Démographique (augmentation de la population urbaine)
                      - Économique (croissance du produit urbain).
                      - Spatiale (extension de l’espace urbanisé).

    Le fait d’attribuer la croissance urbain à ces trois variables, ne signifie jamais qu’elle est due à l’un
d’eux séparément aux autres, mais il existe une certaine complémentarité entre les trois variables. L’idée
peut être affirmée par la simple observation que la population urbanisée et les revenus formés dans la ville
ne peuvent être saisis et mesurés que par référence à une aire urbaine préalablement définie. Or le tissu
urbain prolifère rapidement au-delà des limites territoriales des agglomérations.

                       1.1.1. L’augmentation de la population urbaine

    Si on abolie le cas ou la population urbaine croit par rattachement des communes rurales au rang de
communes urbaine ou par immigration internationale comme aux Etats unis, l’accroissement de la
population des villes provient en fait de deux sources : L’immigration rurale et l’accroissement naturel de la
population urbaine.

    Le premier a été largement prédominant dans l’urbanisation passée de la plupart des pays développés.
Quant au second, il est constant que la fécondité légitime est plus faible en ville que dans campagnes,
Plusieurs auteurs font d’ailleurs de cet écart entre les deux taux de croissance de la population urbaine et
rurale un instrument d’analyse des étapes de l’urbanisation. Ils remarquent qu’à l’époque actuelle, avec le
recul de la population rurale et diffusion du phénomène urbain, le taux de croissance des populations
urbanisées tend à rejoindre le taux d’accroissement de la population globale.

    Il faut garder dans l’esprit que l’accroissement de la population des villes s’accompagne d’un double
processus de densification de l’habitat sur l’espace urbain et d’extension de cet espace lui-même.
    La densification se traduit par la concentration des populations sur certaines portions de l’aire urbaine.
L’extension spatiale implique une modification des densités par abaissement au centre des villes et
relèvement à la périphérie.
Il est très difficile d’établir un raisonnement en composante démographique sans tenir compte des
autres composantes, économique et surtout spatial de la croissance urbaine.
                       1.1.2. L’élévation du produit et du revenu urbaine

     Le défit révélé lors de l’examination du produit urbain crée est celui des activités du milieu rural dont
le siège est implante en ville. Le poids économique du milieu urbain est (donc) devenu énorme ». Il semble
bien que les revenus et les patrimoines soient significativement plus élevés dans les villes et que leur
augmentation y soit plus rapide. Cette explosion des revenus peut être attribuée à certaines raisons, a
savoir : les professions rares, se concentrent dans les grandes métropoles. La demande de ses services
spécifiques est assez élastique au revenu. Enfin le secteur tertiaire supérieur et ce que l’on pourrait appeler
le secteur quaternaire – l’informatique, la bureautique, le télétraitement et les formes variées du travail à
distance cités et constituent un apport croissant à la formation du produit national.

                       1.1.3. L’extension des villes dans l’espace
                                          Essai de classement
                 Selon les modalités de la diffusion spatiale des villes, on peut distinguer, avec Guyot
            (1968) :
                    - La croissance par adjonction de nouvelles surfaces au noyau urbain central ;
                    - La croissance par absorption des localités périphériques ;
                    - La croissance par fusion de deux ou plusieurs villes voisines dont les faubourgs
               finissent par se rejoindre pour former une conurbation.
                 Selon les itinéraires de propagation du tissu urbain, on peut distinguer :
      -    La croissance concentrique par extension régulière des zones périphériques ;
      -    La croissance radiale ou axiale, disposés en croix, en patte d’oie, en étoile, en doigts de gant.
      -    La croissance radioconcentrique, qui résulte en quelque sorte de la combinaison des deux
           schémas précédents ;
      -    La croissance par secteurs, qui a été analysée et préconisée par Homer Hot (1939)
      -    La croissance annulaire, par création de villes satellites disposées en couronnes régulières ;
      -    La croissance polynucléaire, qui résulte soit de processus historiques (croissance par fusion de
           villes voisines), soit d’aménagements concertés en vue de réaliser un meilleur équilibre entre les
           divers pôles urbains d’une région ;
      -    Enfin les croissances irrégulières, résultant soit d’obstacles naturels opposés aux processus
           spontanés d’urbanisation, soit de schémas asymétriques élaborés par les architectes et les
           urbanistes, créateurs de villes nouvelles.

    Apres avoir présenter la signification démographique, économique et spatiale que revêt la croissance
urbaine, il nous apparait très utile de s’interroger sur les liens qui s’établissent entre urbanisation, vie
urbaine et modernité.
1.1.4. Croissance urbaine et modernité

     Le géographe Bernard Kayseri (1981) souligne de façon très pertinente la double nature de la notion
d’urbanisation lorsqu’il écrit : « la plupart des chercheurs en sciences sociales admettent aujourd’hui que la
notion d’urbanisation se réfère :

     « - de façon évidente, au processus suivant lequel une proportion importante de la population, au sien
d’une formation sociale donnée, se concentre sur un espace et reproduit, et

     « - de façon plus floue, à la diffusion du système socioculturel dominant, qui est un système urbain,
puisque pensé par la ville, dirigé par la ville »

     Il est de fait que le monde de vie urbaine est devenu aujourd’hui le modèle culturel dominant, au
moins dans la plupart des pays les plus développés ou l’urbanisation atteint ou dépasse 80%, voir 90%. Il
n’est pas jusqu’aux populations des campagnes les plus reculées qui ne subissent l’effet des décisions
urbaines, du mode de vie urbain, des messages liés et contrôlés par des médiat urbains, et la majorité des
grandes innovations progressive, les conquêtes ouvrières et sociales sont d’abord apparues dans les grandes
villes, avant de se diffuser dans l’ensemble de la société et d’y transformer les mentalités et les
comportements.

                   1.2.   Les facteurs de la croissance urbaine

     Il est commode de distinguer les conditions permissives, puis les facteurs exogènes et les causes
endogènes de la croissance des villes.

                      1.2.1. Les conditions permissives

     Fernand Guyot (1968) écrit : « les auteurs qui étudient la croissance urbaine estiment de manière à peu
prés unanime qu’elle est conditionnée par quatre facteurs : un progrès agricole important, le développement
des moyens de communication et de transport, une organisation politique et sociale bien structurée et enfin
une réserve d’eau adaptée aux besoins ».

     Le progrès agricole : l’élévation de la productivité agricole qui permet de dégager un surplus net dans
le secteur primaire, rend possible de dégager un surplus net dans le secteur primaire, visionnement vivrier.

     Les moyens de communication et de transport, et une organisation politique et sociale : contribuent de
manière évidente aux processus d’urbanisation.

     La réserve d’eau : peut être vue comme une condition permissive mais aussi un facteur limitatif de la
croissance urbaine, comme on commence à le constater dans les grandes mégapoles américaines.
Il est bien clair cependant que ces condition permissives de l’urbanisation en général que comme des
facteurs explicatifs directs de la croissance des villes et surtout de la ville. Sur ce point, les auteurs se
séparent en deux groupes selon qu’ils privilégient l’action des facteurs extérieurs ou intérieurs à la ville.

                     1.2.2. Les facteurs exogènes
    Selon un premier groupe d’auteurs, que l’on peut approximativement ranger parmi les tenants de la
théorie dite de la base, la croissance urbaine serait en grande partie orientée par le développement des
activités exportatrices de la ville. L’accent est ainsi placé sur les facteurs exogènes et présent trois
avantages :
     Attirer l’attention sur les problèmes d’équilibre de la balance des échanges extérieurs de la ville,
dans la mesure où, en quelque sorte, la ville doit couvrir ses importations de produits alimentaires par des
exportations de biens et services ;
     Mesurer l’effet entraînant des exportations de la ville sur les autres activités urbaines, par
application des idées keynésiennes sur l’effet multiplicateur du commerce extérieur ;
     Prévoir la croissance urbaine future par le calcul de multiplicateurs d’emploi dans les activités
exportatrices ou basique et de multiplicateurs de la population totale induite.
                     1.2.3. Les causes endogènes

    Nombreux sont les auteurs qui ont privilègé les forces internes du développement urbain. Chaque
institution doit innover ou bien découvrir ses propres facteurs de survie et d’extension. La ville sécrète ainsi
sa propre croissance à partir du complexe d’activités qu’elle constitue.

    Dés 1909, dans son analyse spatiale des localisations, weber avait parlé de forces agglomérat ives pour
caractériser les avantages de la concentration industrielle et urbaine (compression des frais généraux,
adaptabilité plus grande aux indications d’un marché élargi, possibilité des firmes, ect.)

    La conception wébérienne a été perfectionnée par les analystes des économies externes
d’agglomération et notamment par Jean Rémy (1966) dont l’ouvrage étudie en profondeur la signification
de la juxtaposition spatiale des activités du point de vue de l’entrepreneur et du point de vue de
consommateur final. C’est ainsi qu’il analyse tour à tour l’agglomération spatiale de la demande,
l’organisation de transports et le système d’interdépendance technico-économique entre les firmes en tant
que causes directes du développement urbain, ce qui le conduit à rejeter la théorie de la base comme
instrument d’analyse de la croissance des villes.

    Enfin nombreux sont ceux qui estiment que ce sont plutôt les services urbaine hautement spécialisés
(administrations, bureaux d’études, cabinets conseils, laboratoires, de recherches des universités, ect.) qui
contribuent pleinement a la croissance urbaine et qui peuvent être un véritable moteur de cette croissance.
Cette théorie des services urbains locaux a notamment été défendue sur l’exemple des villes
américaines par Hans Blumenfeld (1955) et Gunnar Alexandersson (1956). Il convient alors d’inverser le
sens des relations d’induction dans la théorie de la base en reconnaissant un rôle moteur aux services
locaux. On verra d’ailleurs que certaines tentatives de dynamisation de la théorie de la base conduisent à
relayer les activités basiques de l’industrie par les services tertiaires spécifiques des grandes
agglomérations.

     En définitive, les facteurs mis en jeu dans les processus de la croissance urbaine sont relativement
complexes : la logique d’évolution n’est pas univoque ; des causes différentes se relayent au cours de
phases successives. Jusqu’à présent, les forces motrices l’ont emporté sur les causes de déclin.

                  1.3.   les modèles analytiques de la croissance urbaine

    Les modèles de la croissance urbaine que l’on peut qualifier d’analytiques se rangent en deux
catégories qui correspondent aux deux premières générations des modèles urbains : la théorie de la base et
ses prolongements d’une part, les modèles explicatifs de la structure urbaine qui reposent sur l’équilibre
spatial des agents tel qu’il a été formalisé par Wingo et Alonso dans les années 60 et leurs extension dans
le cadre de la « nouvelle économie urbaine » d’autre part. Les premier de ce modèles s’inspirent d’une
approche keynésienne et macro-dynamique de la ville ; les seconds s’inscrivent dans la pure tradition néo-
classique du calcule économique. La simplicité des premiers en recommande l’usage dans la prévision de la
croissance urbaine. La relative complexité des seconds les cantonne dans l’explication des structures de la
ville. Ils contiennent cependant des aperçus dynamiques sur la croissance urbaine. Le présent chapitre les
développera en deux points

                     1.3.1.    la théorie de base

    L’instrument de prévision le plus simple est la théorie de la base selon laquelle les fonctions
exportatrices de la ville sont à l’origine d’effets multiplicateurs et constituent en quelque sorte le moteur de
la croissance future. Mais la théorie de la base reste statique ; sa dynamisation conduit aux modèles
séquentiels de la croissance urbaine.

                         1.3.1.1   Origine et fondements théorique

    Selon les tenants de la théorie de la base, la croissance urbaine serait principalement déterminée par
des facteurs extérieurs à la ville, en particulier par la demande d’exportations. Le point de départ de cette
conception réside dans une analyse dichotomique des fonctions urbaines. On peut en effet considérer que la
ville assure deux séries de fonctions. Les premières ont pour objet la satisfaction des besoins courants de la
population urbaine : il en est ainsi de la plupart des activités commerciales. Les secondes visent à satisfaire
une clientèle extérieure à la ville : on peut estimer que ces activités, qui intéressent surtout les diverses
branches industrielles, ont contribué à donner à la ville son originalité, sa physionomie, voire même sa
spécialisation (le charbon dans les villes du nord, les couteaux à Thiers, les pipes à Saint-Claude, ect.) Cette
seconde série d’activités représente en quelque sorte de la base économique de l’activité de la ville orientée
vers l’extérieur et le moteur de sa croissance future.

    Cette analyse dichotomique est relativement ancienne. Jean-Jacques Gouguet (1979) la fait remonter
au mercantilisme et cite à l’appui des auteurs comme Jean Bodin et Hollandais Het Werner Sombart.

    Nous avons personnellement montré que Richard Cantillon, dans son remarquable Essai sur la nature
du commerce en général s’était interrogé sur le caractère inducteur ou induit de la croissance urbaine. C’est
dans les travaux de l’école historique allemande que l’on trouve les précurseurs les plus directes : en 1902
Werner Sombart propose de distinguer entre les activités de fondation d’une ville (Stadtegründer) et les
activités d’accompagnement la croissance urbaine (Stadtfüller) distinction qui sera reprise plus tard par
l’historien Nussbaum (1933). Le géographe Aurousseau en 1921 Frédéric Law Olmstead la même année,
distinguent entre les activités primaires et les activités auxiliaires. En 1927-1929 Richard Murray Haig,
dans une étude sur les principaux facteurs de la croissance de l’agglomération new-yorkaise, met l’accent
sur les activités exportatrices de la ville. Il fait remarquer qu’une ville doit importer des denrées
alimentaires de son arrière-pays rural et des biens et services en provenance d’autres villes en fonction de sa
spécialisation géographique et économique. Il faut donc équilibrer les importations par des exportations au
moins équivalentes, ce qui implique des activités orientées vers la satisfaction d’une clientèle extérieure :
régionale, nationale, voire internationale.

    Mais c’est l’Américain Homer Hoyt qui est unanimement reconnu comme le fondateur de la théorie de
la base. Il en présente une formalisation mathématique alors qu’il est consultant, en 1936, de
l’administration fédérale pour le logement et développe sa méthode dans plusieurs articles parus en 1941,
1954, 1961.

    Les fondements théoriques de la base peuvent être recherchés dans plusieurs directions : le
mercantilisme, la théorie keynésienne et le modèle néo-classique de l’échange international. La théorie de
la base a incontestablement des racines mercantilistes puisqu’elle repose sur le développement des
échanges extérieurs de la ville de la balance commerciale urbain. Cette filiation mercantiliste a été
nettement affirmée entre autres par Andrews (1953) et Greenhut (1959). La position de Grosson (1960) et
de Gouguet (1979) est beaucoup plus nuancée : ces auteurs font remarquer, à la suite de Haig (1929) que le
développement des exportations de la ville n’est pas une fin en soi, mais s’explique par la nécessite de
financer des importations rendues nécessaires par les besoins primaires des populations urbaines.

    La filiation keynésienne est, elle, indiscutable puisque la théorie de la base conduit à la définition de
coefficients multiplicateurs qui, appliqués à un multiplicande constitué par la variation des emplois dans les
activités basiques, déterminent une variation de la population urbaine totale. On trouve d’ailleurs les deux
versions du paradigme keynésien, avec des multiplicateurs d’emploi urbain (multiplicateurs de kahn) et des
multiplicateurs de la balance urbaine (multiplicateurs de Keynes).

     La filiation néo-classique est moins évidente. On peut l’établir à partir de la notion d’intensité relative
d’une activité dans l’espace, mesurée par le coefficient de localisation c :


                   :


     Où       désigne la part de l’activité i dans l’ensemble des activités de la ville j ;


     Et         Désigne la part de l’activité i dans l’espace national.


     Une valeur de c égale à 1 implique que l’intensité relative de l’activité i dans la ville est comparable à
ce qu’elle est dans la notion : l’espace est donc neutre à l’égard de la localisation des activités (ce qui
correspond aux postulats néo-classique). Par contre, une activité i dont le coefficient c est supérieur à un,
sont bien exportatrice, ce qui n’est possible qu’à certaines condition, qui sont précisément celles de la
théorie néo-classique de la spécialisation : identité des goûts, des fonctions de demande et des productivités
entre les villes et les régions immobilité de certains facteurs de production, caractère fermé de l’économie
nationale, ect.

                               1.3.1.2 Enoncé de la théorie de la base
              H1 : On considère l’emploi total ET, c’est-à-dire la population en activité dans la ville, comme
          formé de deux parts que l’on peut repérer et mesurer :
                           -          L’emploi local EL, c’est-à-dire l’emploi dans des activités non basique
                       destinées à la satisfaction de la demande locale ;
                           -          L’emploi externe EX, c’est-à-dire l’emploi dans des activités basique, ou
                       secteur des exportations destinées à la satisfaction de la demande extérieure :
                                 ET = EL + EX (1)
              H2 : On admet qu’il existe un rapport stable : Entre l’emploi local et l’emploi total


                               K1=

                                         - Entre l’emploi externe et total :

                                K2=              0< K2<1                               (3)


           Il s’ensuite que : K1 + K2=1                                                (4)

     Et que l’on peut définir un troisième rapport stable r ou ratio de l’emploi local à basique :
=                                                             (5)


     Dans l’équation (1) on peut remplacer l’emploi local par sa valeur en fonction de l’emploi total tirée de
l’équation (2), soit :

          ET = K1ET + EX                                                                     (6)

     Il vient finalement :


                                                                                               (7)


     Où m est bien un coefficient multiplicateur (puisque K1 et K2 sont inférieurs à 1) de l’emploi total,
appliqué à une exportatrices.

     Le passage de l’emploi aux populations exige deux hypothèses supplémentaires :

     H3 : On admet la correspondance entre activités et emplois. Cette hypothèse revient à supposer une
fonction de production à un seul facteur, le facteur travail, et à admettre le plein emploi, soit :
              Pa ≈ ET (Pa = population active)                                                (8)

     H4 : Le taux à d’activité de la population est supposé stable à court terme :

              Pa =AP         (P= population urbaine totale)                                  (9)
              Les trois dernières relations permettent finalement d’établir :
               P=


     Cette formulation très simple permet la prévision de la croissance démographique d’une ville à partir
des prévisions de variation des emplois basiques. Encore convient-il de s’assurer du bien-fondé des
hypothèses posées.

                             1.3.1.3 Le domaine de validité de la théorie de la base
     La ventilation entre secteur basiques et non basique a été source de nombreuses difficultés. Comme la
remarque Gouguet, on a souvent adapté la théorie à l’appareil statistique et non l’inverse. Les premières
études contestables utilisaient des méthodes de ventilation parfois très contestables. Ainsi Weimer et Hoyt,
dans leur étude sur New York en 1939, repèrent les entreprises destinant la totalité de leurs emplois. Quant
aux entreprises qui satisfont en majorité les besoins locaux, leur population active est forfaitairement
répartie par moitié entre emplois basiques et emplois non basiques.
     Georges Pinnel (1954) recourt à la même méthode à Evansville dans l’Indiana mais retient une dizaine
de branches différentes. D’autres auteurs recourent à des enquêtes, naturellement plus coûteuses que ces
méthodes assez approximatives.
La définition de l’unité de mesure soulève également beaucoup de problèmes. « dans toutes les études,
six unités de mesure de la base ont été usitées : l’emploi, les salaires, la valeur ajoutée, la production en
valeur, la production en volume, le revenu. Or il faut bien comprendre que la façon dont la base est mesurée
a une importante fondamentale dans l’interprétation des données ainsi collectées » (Gouguet). Ainsi la
valeur ajoutée par le facteur travail peut-elle être très variable selon les branches d’activités. Selon l’unité
de mesure retenue, des branches pourtant fortement exportatrices risquent d’être classées comme
faiblement basiques et réciproquement. En outre, le progrès technique peut modifier la part relative du
facteur travail.
      Il est certes possible d’apprécier a priori le caractère basique de certaines branches d’activités :
l’industrie lourde, l’industrie de biens d’équipement et les industries de biens durables dont la
consommation des ménages locaux représente une faible part de la population totale1. Mais cela est déjà
moins évident pour les services des activités tertiaires supérieures et de l’administration.
      Des villes de taille comparable peuvent avoir une structure d’activités basiques très différente (comme
l’ont montré deux études d’Alexander sur les villes d’Oshkosh et de Madison, dans le Wisconsin, en 1951-
1952) alors que les structures d’emplois locaux sont généralement plus proches. Enfin, il existe certaines
activités difficilement classables. Andrews (1954) cite le cas des travailleurs migrants, des étudient, des
fonctionnaires et des transporteurs.

      La constance des paramètres, notamment l’invariance du rapport r (emploi local/ emploi basique) a été
mise en doute par de très nombreux auteurs, qui ont observé que r variait à la fois dans le temps et l’espace.

                         Variabilité dans le temps

      Dans ses premiers travaux, Homer Hoyt avait acquis la conviction que r s’écartait peu d’une valeur
moyenne de 1 (d’où K1~K2 ~0.5 et m~2). Dans son article de 1961, il nuance sa position et mentionne trois
causes de variabilité de r.

       Une situation d’économie de guerre, qui accentue le caractère basique des activités urbaines
orientées vers l’effort de défense (rappelons que la plupart des études appliquées de Hoyt prennent place
entre 1939 et 1949) : ceci abaisserait la valeur de r ;
       La diversification des activités de la ville qui diminue l’importation en provenance d’autre villes et
rend moins nécessaire l’exportation de produit basiques : ceci élèverait la valeur de r ;
       Enfin l’élévation des revenus réels qui diminue la part relative, exprimée en valeur, des denrées
alimentaires, au profit du logement et des services locaux, ce qui abaisse également l’intensité basique et
élève la valeur de r.




         1
          Ainsi la part de pneumatiques absorbée par les habitants de la ville de Clermont-Ferrand est-elle négligeable dans les ventes totales
de pneumatiques de l’entreprise Mechelin.
A ce trois raisons, on pourrait ajouter l’influence possible de variations saisonnières ou conjoncturelles
et du chômage sur les valeurs de r. d’assez nombreux travaux ont entrepris de dégager les facteurs de
variabilité de l’intensité basique en long période. Une controverse a opposé Charles Tiebout et D.C. North
en 1956 sur ce point. Reprenant la question en 1970, deux auteurs ont montré qu’à San Diego, les délais de
réaction à des modifications de l’intensité basique pouvaient être de l’ordre de la dizaine d’années : des
écarts importants pouvaient dés lors apparaître entre multiplicateurs instantanés multiplicateurs à long
terme. De même, McNulty (1977) a trouvé des valeurs stables du multiplicateur à long terme (4 ans ou
plus) et d’assez grandes instabilités à court terme (un ou plus) l’une des raisons qui explique ces écarts
entre valeurs instantanées et valeurs à plus long terme est que la taille de la ville s’accroît, ce qui n’est pas
sans effets sur la valeur du multiplicateur…. Qui a précisément pour objet de prévoir la taille future de la
ville !

                    Variabilité dans l’espace

     Deux auteurs américains, Ullman et Dacey (1980) montrent sur un échantillon de villes américaines de
taille différent observés la même année que le rapport r variait assez largement entre 0.8 (petite villes de
10000 habitants) et 2.2 (grandes agglomérations urbaines multimillionnaires). Cette décroissance de
l’intensité basique est liée à l’élargissement du marché urbain : la demande extérieure est évidement
beaucoup plus importante dans une petite ville que dans une agglomération multimillionnaire où la part des
productions propres absorbées par le marché urbain devient prépondérante. Mais, parallèlement à la taille
de la ville, la part des activités tertiaires de services et d’administration s’élève également. On dispose alors
d’une méthode de calcul rapide de la valeur des multiplicateurs d’emplois urbains à partir de la part des
emplois tertiaires dans l’emploi total. Les valeurs obtenues aux Etats-Unis vers 1950 montrent que
l’approximation demeure acceptable.

     Il est donc acquis que la valeur du multiplicateur d’emplois n’est stable ni dans l’espace ni dans le
temps. En conséquence, il est difficile de considérer le multiplicateur des emplois basique comme un bon
instrument de prévision de la croissance urbaine.

     Enfin, la constance supposée du taux d’activité de la population n’est évidemment admissible qu’à
court terme.

                        1.3.1.4 Les applications de la théorie de la base

     Malgré ses implications la théorie de la base a été largement appliquée aux Etats-Unis.

     Par Homer Hoyt principalement : à New York en 1939, à Orlando en 1946 à Brockton dans le
Massachusetts en 1948, à Evanston dans l’Illinois en 1949, dans le comté d’Arlington en Virginie et dans le
Maryland en 1954 et 1955, mais aussi par john Alexander à madison et à Oshkosh dans le Wisconsin,….
Alors que les années 60 marquent un relatif déclin de la méthode aux Etats-Unis, celle-ci est utilisée en
France parallèlement aux études d’armature urbaine lors du IVe Plan. Nous nous en tiendrons à quelques
travaux français significatifs.

     L’étude de Paul Carrière (1963) perfectionne les relations de la base en introduisant, à côté de l’emploi
local et de la fraction principale de l’emploi basique une troisième catégorie d’emploi liés aux logements et
aux équipements collectifs nécessités par la croissance urbaine. Ces distinctions ont été appliquées aux 34
principales agglomérations françaises au recensement de 1954 ; elles ont conduit à des valeurs des
multiplicateurs d’emplois assez proches des résultats obtenus par les chercheurs américains sur des villes de
taille comparable.

     Lucienne Cahen et Claude Ponsard (1963) poussent encore plus loin la décomposition des activités
urbaines selon leurs orientations locale (trois sous-ensembles de populations) régionale (deux sous-
ensemble de populations) ou nationale (deux sous-ensembles de populations). Ces 7 distinctions permettent
d’aboutir à 4 multiplicateurs d’emplois, calculés dans deux variantes, selon qu’on inclut ou non le secteur
BTP dans le secteur basique. La valeur de ces 8 multiplicateurs (avec et sans BTP) sur l’ensemble des 27
principales agglomérations française au recensement de 1954, variait entre 1,6 et 2,1.

     Quant aux valeurs propres à chaque ville, elles variaient entre 1,5 (Limoges, Mulhouse, Saint-Etienne,
Troyes, villes plutôt industrielles) et 2,1 (Nice, ville plutôt résidentielle et tertiaire).

     Un aspect intéressant de l’étude Cahen-Ponsard est la prise en considération de modifications
dynamiques produites par les changements dans la taille moyenne des familles.

     Il est supposé que les relations inductrices de la base se traduisent par l’arrivée de nouveaux migrants
dont la structure familiale diffère des populations actives déjà en place. Ceci a correspondu à une réalité au
cours de la période de forte immigration étrangère qu’a connue la France de 1950 à 1975. On définit alors
deux nouveaux multiplicateurs dynamiques concernant respectivement la population active et la population
totale. Ce raffinement ne modifie d’ailleurs pas très sensiblement les valeurs trouvées pour les
multiplicateurs statistiques.

     Les géographies on apporté des contributions intéressantes avec les travaux de Le Guen (1960), Daniel
Noin (1974) Denise Pumain et Thérèse Saint-Julien (1976). Les économistes ne sont pas restés inactifs avec
les études, à la fois critiques et d’applications d’Humble (1967) de Sage (1970) et de Goguet (1979).

     Parmi toutes ces contributions, nous retiendrons celle de François Sage (1970) qui, bien qu’ancienne,
nous paraît illustrer de façon exemplaire les possibilités et les limites d’application de la théorie de la base à
la définition d’une politique urbaine de l’emploi dans le cadre d’une ville moyenne. Après avoir étudié dans
un premier travail, en 1969 le rôle des implantations industrielles dans les processus de croissance urbaine,
l’auteur a entrepris une étude appliquée à la ville de Gien 2. Il a cherché à établir des critères de sélection
d’activités industrielles susceptibles d’apporter à l’agglomération urbaine une croissance soutenue et un
certain niveau de bien-être à ses habitants. Cinq critères ont été finalement retenus et appliqués à 13
branches d’activités susceptibles d’être développées dans la ville de Gien et dans les zones industrielles
périphériques de l’agglomération.

            C1= industrie de croissance.

     Ce critère caractérise le niveau des salaires versés, le rythme de croissance et le degré de stabilité
conjoncturelle de la branche d’activité et permet une ventilation en trois groupes : très bien= 3 ; moyen= 1 ;
médiocre=0.

     C2 = intensité basique.

      Elle indique la part exportée par chaque branche ; 100% = 3 ; 80 à 100%= 2 ; 60 à 80% =1 ; moins de
60% = 0.

     C3 = relation interindustrielles.

     Ce troisième critère complet le critère d’intensité basique en ce qu’il saisit l’intensité des relations
intersectorielles et caractérise les liaisons amont et aval, les possibilités de sous-traitance, existence
d’affinités entre branches, soit :

                   Fortes liaisons amont et caractère attractif marqué = 3 ;
                   Liaisons amont de sous-traitance, existence, d’affinités intersectorielles=2 ;
                   Faibles liaisons amont, mais liaisons en aval=1 ;
                   Absence de liaisons amont et aval (industries travaillant pour la demande finale
    exclusivement)=0.

     C4 = aptitude de l’industrie à offrir des emplois féminins. – la création de ce type d’emplois, de nature
à procurer un second salaire à certains ménages, est importante dans une ville moyenne où le marché du
travail est étroit :

                   Forte proportion d’emplois, féminins qualifiés =3 ;
                   Forte proportion d’emplois féminins non qualifiés = 2
                   Forte proportion d’emplois féminins non qualifiés = 1
                   Absence d’emplois féminins = 0

     C5 = création de nuisances :


        2
            Gien complait, au recensement de 1968, 12164 habitants dont 6030 actifs, soit un taux d’activité élevé, de prés de 50%
       Absence de nuisances =3 ;
                  Nuisance faibles =2
                  Nuisance fortes =0.

L’application de ces 5 critères a conduit au classement suivant, les 8 premières branches pouvant être
 considérées comme les plus aptes à soutenir la croissance urbaine de Gien et à promouvoir le bien-être de
 ses habitants :

      Tableau 1. Classement des branches d’activité selon leur aptitude à soutenir la croissance urbaine


      BRANCHES d’activité                                                            Somme non pondérée des
 coefficients


                1. Machines et appareils électriques                           13
                2. Automobiles et cycles                                        12
                3. Machines et appareils mécaniques                             10
                4. Produits des industries chimiques                            10
                5. Industries diverses                                           9
                6. Verre                                                         9
                7. Presse et Edition                                             9
                8. Matériel de construction et céramique                        8
                9. Bâtiment et travaux publics                                   7
                10.        Habillement                                                   7
                11.        Industries agro-alimentaires                                  7
                12.        Cuirs                                                         5
                13.        Produits de l’industrie du bois                                4


      Source : François Saget (1970), p. 101

      Le travail de Saget n’est pas à proprement parler une étude de croissance urbaine. Il suggère
 néanmoins que la théorie de la base, complétée par une analyse de l’intensité des relations intersectorielles
 et par d’autres considérations, peut être utile à la définition et la conduite d’une politique de l’emploi
 urbain.

                            1.3.1.5 Les extensions de la théorie de base

       Il est sans doute difficile de faire le départ entre ce qui est application pure et simple de la théorie de
 la base et ce qui constitue des extensions : passage de multiplicateurs instantanés à des multiplicateurs
dynamiques, prise en considération de la structure familiale des nouveaux arrivants, distinction de
nouvelles catégories d’emplois permettant de mieux cerner les effets inducteurs sur la croissance urbaine,
ect.

       D’autres extensions sont concevables : passage à des modèles séquentiels et à des modèles de
simulation, tel celui de Goldner et Graybeal (1965).

       Nous voudrions insister ici sur deux types d’extensions qui sont conformes à une lecture de la théorie
de la base en termes d’analyse d’activités et en termes de multiplicateur keynésien de revenus.

                -          L’induction par les relations intersectorielles et le multiplicateur d’activités

       La théorie de la base est un cas limite d’un modèle d’échanges entre deux régions, dont on suppose
que les coefficients d’échange ne prennent que les valeurs 0 et 1. En effet les activités basiques sont
supposées satisfaire en totalité les besoins extérieurs, c’est-à-dire la demande finale du reste de l’économie,
alors que les activités non basique satisfont la totalité des besoins locaux, soit, si l’on fait abstraction des
demandes intermédiaires :


               Activités                    Espace


                                            ville                    Reste     de
                                                                l’économie


               Non basiques                 1                        0

               Basiques                     0                        1




       Il est clair qu’une interprétation plus souple de la réalité peut conduire à une infinité de cas
intermédiaires qui n’invalident pas la théorie de la base aussi longtemps que les coefficients d’échange
demeurent supérieurs à 0,5 dans les quadrants 1 et 4. Ceci permet d’introduire des nuances et des degrés
dans la ventilation entre secteurs basiques et non basiques. C’est ce que fais Allan Pred (1966) en
introduisant des seuils liés à la taille des villes. Il écrit notamment : « les industries orientées vers les
marchés locaux ou régionaux (entendons par là les activités locales et basiques) n’apparaîtront dans les
villes que lorsque leurs seuil locaux ou régionaux seront atteints ».

       Si l’on introduit la considération des demandes intermédiaires, le problème se complique. On peut
considérer, avec Romanoff (1974) :
- Que la production des activités locales se destine en totalité à la demande intermédiaire de produits
locaux, ce qui revient à admettre que les ménages consommant des produits locaux sont constitués en une
branche d’activités particulière ;

    - Que la production des secteurs basique ne requiert que des produits locaux et est exportée en totalité.

    Ces deux hypothèses reviennent à rejeter dans la demande finale les seules exportations basiques : la
demande finale est donc nulle en produits locaux et absorbe la totalité des produits basiques, fabriqués à
l’aide des seuls produits locaux. Ceci se formalise aisément à l’aide du système matriciel suivant :


                                                                                       [11]


    Où XL = vecteur-colonne de production totale de produits locaux ;

       XB = vecteur-colonne de production totale de produits basiques ;

       ALL = sous matrice des coefficients technique locaux ;

    YB = vecteur de la demande finale exogène de produits basiques, de même format que XB.

    La résolution du système [11] conduit à :

    XL =                                                                             [12]

    XB = YB                                                                          [13]

    Substituant [13] dans [12], il vient :

    XL =                                                                             [14]

    Introduisons les coefficients d’emplois liés aux productions. On peut écrire :

                                                                                       [15]

    Où      est l’emploi total (scalaire) ;

    AEL est le vecteur-ligne des coefficients d’emploi dans les industries locales (l’élément          de ce
vecteur indique combien de travailleurs actifs occupent un emploi dans la branche, par unité d’activité de
cette branche) ;

    AEB est le vecteur-ligne des coefficients d’emploi dans les industries basiques.

    Il vient finalement, en substituant [13] et [14] dans [15] :
[16]

    L’expression entre parenthèse est un multiplicateur de la demande finale exogène de produits basiques,
exprimée en termes d’emplois.      Est un scalaire et il est possible connaissant le taux moyen d’activité, de
prévoir la production totale, pour autant que les paramètres contenus dans            ,    ,      ,    soient
relativement satables.

    On peut encore se rapprocher un peu plus de la réalité : supposons que les produits basiques requièrent
des produits locaux et des consommations intermédiaires basiques importées. Le système [11]                 se
transforme :


           =                                                                              [11’]


     Dans ce nouveau système,         désigne d’importation de produits basiques par les industries basiques.
On obtient alors, au terme de substitutions successives :

                                                                                               [16’]

    Comme on le voit, à l’aide de ces développements, l’analyse des échanges interindustriels permet de
généraliser le principe de base (1). Il y a d’ailleurs équivalence entre les multiplicateurs dérivés de la
théorie de la base et ceux que permettent de calculer les modèles input-output, comme l’a montré Billings
en 1969.

               -         L’induction par la dépense et le multiplicateur du revenu urbain

    Le passage d’un multiplicateur d’emplois urbains à un multiplicateur d’activités, c’est-à-dire des
valeurs produites et échangées, et finalement des revenus créés sur l’aire urbaine est conforme aux
développements de la théorie keynésienne : Keynes avait, on le sait, substitué au multiplicateur d’emplois
découvert par Kahn vers 1930, un multiplicateur des revenus distribués et de la dépense de la théorie
générale. On peut avec Saget (1959), distinguer des modèles qui intègrent seulement la proportion
marginale à consommer de ceux qui recourent en outre à la proportion marginale à importer, c’est-à-dire
qui prennent en considération la balance du commerce extérieur de la ville et conduisent à des formules qui
ne sont pas sans rappeler les classiques multiplicateurs du commerce extérieur de la théorie keynésienne.

    1° le modèle de Charles Tiébout (1956 b) est du premier type. Le revenu sur l’aire urbaine est composé
en deux parts selon qu’il provient des activités basiques ou non basiques :

    R = R B + RL                                                              [17]

    Le revenu qui provient des activités locales est affecté en totalité à la consommation elle-même liée
linéairement au revenu total :
RL = C =      + C0                                                             [18]

     Avec c = propension marginale à consommer (c<1)

            C0 = niveau de consommation incompressible.


     Substituant [18] dans [17], il vient :                                                      [19]


     Et en accroissements :                                                                      [20]


     On reconnait le multiplicateur keynésien simple appliqué à un multiplicande formé par la variation
exogène des revenus basiques. Ce modèle est assez grossier car il suppose que le revenu basique est
épargné et il néglige et il néglige l’importation.

           2° le modèle de Pfouts (1957) corrige ce dernier point. Soient :

     E : les exportations ;

     M :les importations, y compris les achats des habitants de la ville à l’extérieur durant leurs voyages ;

     B = E – M la balance commerciale urbaine, supposée excédentaire (B>0).

                        L’importation est une fonction linéaire du revenu :

     M=        + M0                                                            [21]

     Avec m : propension marginale à importer (m<1)

      M0 : importation incompressible.

                        La consommation locale est également une fonction linéaire du revenu :
                      C=      + C0                                                               [22]
                               Avec c : propension marginale à consommer (c<1)
                               C0 : niveau de consommation incompressible.
     On considère l’excédent B de la balance commerciale comme un supplément de revenu, dont une
fraction       est importée. Le revenu disponible sur place est donc                  et une fraction           est
consommée au terme de la première période, une fraction                    au terme de la seconde période, etc.
     La série des accroissements, de revenus engendrés par la consommation sur n périodes s’exprime par :
                                                                                  [23]
      Ou encore :                                                                         [24]
Si n est élevé. Le multiplicateur peut évidemment agir à la baisse si la balance est déficitaire
 (B<0).
     3° en 1962, Charles Tiébout perfectionne son premier modèle de 1956. D’une part il aboutit à une
formule du multiplicateur légèrement différente de celle du modèle précédent :
                                                                                      [25]

      Avec           propension marginale à importer des biens de consommation.
     D’autre part et surtout il introduit, à côté de la consommation et de la balance commerciale, le rôle de
l’investissement. Soient :
           La propension marginale à investir le revenu ;
           La part de l’accroissement du revenu des investissements absorbés par des importations.

                                                                                    [26]

      Enfin Tiébout distingue entre plusieurs formes d’investissement :
     L’investissement privé du secteur industriel et commercial, l’investissement public et l’investissement
dans le secteur de la construction. On aboutit alors à des formules de multiplicateurs tenant compte :
                       Des propensions à consommer des produits locaux et à importer des biens extérieurs ;
                       Des propensions à investir dans les trois secteurs d’investissement distingués

     D’autres raffinements sont encore possibles. Plutôt que de les passer en revue, il est préférable de
s’interroger sur la signification de ces multiplicateurs au regard des processus inducteur de la croissance
urbaine. En effet, il manque un dernier maillon, dans la chaîne causale : celui reliant les accroissements de
revenus aux accroissements de population urbaine. En l’absence de ce dernier maillon, la croissance urbaine
est exprimée en termes de suppléments de revenus et non en termes de nouveaux habitants : la lecture
keynésienne de la théorie de la base est moins directement opératoire.

                          1.3.1.6 Conclusion sur la valeur prédictive de la théorie de la base

     La théorie de la base a longtemps constitué l’archétype des modèles urbains. C’est pourquoi elle
approfondi. On peut en marquer les limites par rapport à ses quatre hypothèses constitutives (H1 à H4 ; voire
supra) :

     H1. Difficultés de ventilation et de mesure de l’emploi basique .

     H2. Constance des paramètres caractérisant l’intensité basique, alors que ceux-ci varient dans le temps
et dans l’espace ;

     H3. Hypothèse de plein emploi de la population active disponible, qui apparaît contradictoire avec la
genèse d’effets multiplicateurs. L’on sait depuis Keynes qu’il n’y a pas d’effet de multiplication de plein
emploi ;
H4. Constance supposée du taux moyen d’activité.

     Deux auteurs américains, Blumenfeld (1955) et Ferguson (1959), ont fait une brillante synthèse des
principales critiques adressée à la théorie de la base.

      Blumenfeld insiste principalement sur le fait que les activités basique et non basique induisent des
accroissements différents de population totale par l’intermédiaire de coefficients de structure familiale
particuliers. Finalement la théorie de la base ne permet la prévision qu’à condition de disposer de six
informations :
      1.   Le niveau de vie moyen de la collectivité urbaine ;
      2.   La part importée des biens consommés ;
      3.   La perte ou le gain net la collectivité du à l’autres causes que la balance   urbaine ;
      4.   Le coefficient familial dans les emplois basiques ;
      5.   Le coefficient familial dans les emplois non basiques ;
      6.   Le pourcentage d’inactifs qui ne dépendent pas des actifs, enfin.
      La critique de Ferguson est plus incisive encore. Elle repose sur les caractéristiques de la fonction
de production sous jacente à la théorie de la base. La prévision n’est possible à des exportations très
restrictives :
      Il faut un accroissement autonome des exportations .
      1.   La fonction des activités basique doit rester inchangée durant toute la phase d’adaptation à des
exportations croissantes .
      2.   Les propensions marginales à consommer et à importer demeurent, elles aussi inchangée : il n’y a
donc aucun glissement dans les goûtes des habitants de la ville qui les pousserait à modifier les proportions
consommées entre biens locaux et biens exportable ;
      3.   La fonction de production des activités locale reste, elle aussi inchangée durant toute la phase
d’adaptation à une demande locale croissante ;
      4.   Il reste des facteurs disponibles pour développer la production basique. Au regard de la condition
2, cela implique un stock de capital excédentaire dans les activités basiques ou des travailleurs inemployés
ou, plus vraisemblablement, les deux.

     A la lumière de toutes ces critiques, peut-on prétendre que la théorie de la base est définitivement
invalide ? Il est vrai que ce modèle repose sur des relations frustes, qu’il ignore le sol et considère l’offre
des facteurs de production autres que le travail comme parfaitement élastique. Pourtant la relation de la
base se recommande par sa simplicité : elle est souvent la seule relation d’induction de la croissance
urbaine dont l’aménageur puisse disposer quant il s’interroge sur les perspectives de développement d’une
ville nouvelles par exemple. En définitive la théorie de la base peut constituer un bon instrument de
défrichement pour la prévision de la croissance urbaine. Il serait contestable et même dangereux d’en faire
une explication théorique de la croissance des villes.
1.3.2.    théorie de la croissance urbaine par étapes

    La théorie de la base, la théorie de la croissance par étapes peuvent être associées à la ville aussi bien
qu’à la région. Cela montre sans doute leur souplesse, mais également leur fragilité : qu’une conception de
la croissance s’adapte à des objets aussi différents (la ville, la région, voire la nation) montre qu’il s’agit de
théories très « standard » reposant sur une définition simpliste de la ville.

      L’application aux villes de l’idée des étapes de la croissance peut sembler particulièrement
contestable, car cela revient à penser que toutes les villes suivent un modèle d’évolution qui doit faire
d’elles, tôt ou tard, des métropoles. C’est le cas de W. Thompson (1965) qui considère 4 phases :

             la spécialisation dans une activité de la base qui lance le développement de la ville
             une diversification progressive qui, de proche en proche, va élargir la base d’activités de la
              ville et crée un complexe d’activités.
             Un processus de maturation tel que la diversification des activités progressant, la ville devient
              de moins en moins spécialisée,
             Le stade de la métropole qui permet à la ville ayant attient ce niveau de dominer l’ensemble
              des villes moins avancées dans l’évolution. Doit-on penser que l’évolution prend alors fin, et
              que se trouve gelée l’évolution des autres villes ?

    Le Quebécois Fernand Martin précise ce modèle en distinguant plusieurs séries d’activités, depuis les
activités de base jusqu’aux activités strictement résidentielles qui satisfont les besoins courants de la
population. Ces activités doivent pour F. Marin se développer tour à tour (des plus « basique » jusqu’aux
plus résidentielles). Le terme de l’évolution demeurant celui de la métropole régionale.

    Ces travaux présentent l’avantage de poser les bases d’une analyse diachronique des relations entre
activités de la base et activités résidentielles, alors que la théorie de la base se borne à considérer que les
deux types d’activités sont liés par des relations synchroniques. La théorie de la croissance urbaine par
étapes monté que les villes peuvent se distinguer par l’extension relative des deux secteurs (basique et
résidentiel) et tente de lier la relation qui les unit à une périodisation de leur développement. Cette relation
n’est pas du tout certain, mais elle constitue une approche intéressante du développement urbain.

    Quelle que soit sa formulation, une théorie de la croissance par étapes relève des remarques faites plus
haut (p. 118) : conception biologique des phénomènes sociaux idée de l’unité de destin de toutes les
sociétés humaines (à des décalages temporels prés). L’analyse historique présente ici des dangers. Tous
exemples choisis relèvent de l’expérience urbaine de l’Occident et ces conceptions partent de l’idée que la
modèle des métropoles occidentales est le modèle unique.

    En ce domaine, l’approche historique montre ses dangers : pour des raisons de centrisme culturel,
l’analyse ne considère que les villes principales des civilisations occidentales et considère leur succession
historique, de Sumer à New-York, oubliant en fait les expériences extérieures à ce cadre culturel, omettant
également le cas des villes de culture dominée, dépendante. On donne donc force de loi universelle au
modèle de la ville-capitale du monde occidental.

                     1.3.3.   L’analyse néo-classique de la croissance urbaine
                        1.3.3.1 Economies externes et développement urbain

    Les externalités, notion fréquemment analysée et discutée ont acquis en économie urbaine un droit de
cité qui n’est guère discuté aujourd’hui. On en a fait la base de la définition même de la ville. J. Remy
(1968) fonde sur elles son analyse du fait urbain, des auteurs marxistes les utilisent couramment. Avec les
développements de l’analyse spatiale, les externalités ont fait l’objet de classification de Richardson, trois
concepts :

            Les économies internes d’échelle, propres à une entreprise,
            Les économies de localisation, issues du regroupement de plusieurs entreprises appartenant à
             la même activité,
            Les économies d’urbanisation qui découlent du groupement d’activités différentes,

    Elles ne sont pas mesurables et demeurent difficiles à appréhender. Qu’est ce qui, dans le fait urbain,
est créateur d’économies pour les entreprises ? La minimisation des coûts de transports dont la décroissance
réduit le poids ? La minimisation des coûts de communication ? On peut aussi classer les économies
externes en fonction de l’agent bénéficiaire. Ainsi Jean Remy, comme d’autres, les économises allant aux
consommateurs (liées à la proximité de nombreux offreurs de services, producteurs et commerçants) et les
économies allant aux producteurs (du fait de la proximité d’un marché groupé) ; de même pourrait-on à la
suite des travaux de François Perroux, distinguer les économies externes transmises horizontalement
(proprement urbaines) à travers l’extension du marché, la diffusion des revenus et l’accroissement de la
demande, et les économies transmises verticalement (d’une branche à l’autre par des échanges directs).

    Pour de nombreux auteurs, la ville accroit ainsi l’efficacité des combinaisons productives. Barr (1972),
Svenkauskas (1975) ont proposé des fonctions production incorporant un facteur d’échelle : outre la
quantité de capital, la productivité serait fonction du volume total de l’emploi (ou de la population) d’une
façon voisine, on insiste fréquemment sur le fait que les villes sont le siège privilégie des innovations.
Aussi bien historiquement (les progrès techniques paraissent liés au développement de l’urbanisation) que
logiquement (les contacts que secrète la ville mettent en évidence les besoins nouveaux), la somme
procédés qui se concentre dans les villes permet de créer les biens et les procédés nouveaux qui permettent
leur satisfaction. Alan Perd (1977) voit dans la croissance des villes un processus de feed-back reposant sur
l’adaptation et la diffusion de l’innovation, le multiplicateur de la base économique et les économies
d’agglomération engendrant un processus de développement ans cesse relancé par le progrès technique.
1.3.3.2 Commentaires

    Les ambiguïtés ne manquent pas quant on tente de rendre compte de phénomènes économiques à
l’aide du concept d’économies externes. Mal définies, non mesurables, elles souffrent d’apparaitre comme
la trop facile réponse à des problèmes que l’on ne parvient pas à résoudre autrement. Il certain que la
proximité d’un grand nombre de partenaires (ménages, entreprises…) peut apporter des avantages et aussi
des inconvénients. S’il n’y a que deux abonnés au téléphone l’intérêt au téléphone n’est pas considérable.
Si avec mon appareil, je peux appeler un million de personnes, sans que j’ai rien fait de plus je tire du
téléphone de bien plus grands avantages. Cela est certain mais ne suffit peut-être pas à rendre compte de la
formation des villes de leur croissance du ralentissement de celles-ci à partir d’un certain niveau ?

    On verra dans quelle mesure l’usage universel des externalités ce concept « attrape tout » selon
Richardson, est une commodité bien contestable. Plus généralement, on se trouve ici dans un domaine où il
est facile de confondre la cause et l’effet ; ainsi quant on voit dans les villes le siège et le facteur créateur
des innovations. L’innovation est-elle le fruit de la grande ville, ou bien celui de grandes entreprises ou de
grands instituts publics qui localisent, par ailleurs, leurs laboratoires dans les villes ? Une autre forme
d’organisation, d’autres choix technologiques, d’autres modalités de transmission des instructions ou des
informations, pourraient justifier une dispersion de la recherche en dehors des grandes villes. C’est, en
partie, ce qui advient depuis peu. Si la région parisienne possède depuis longtemps plus de la moitié de la
recherche française, les autres centres majeurs de la recherche scientifique se trouvent dans des villes qui ne
sont pas les plus grandes (Axi en Provence, Nice, Toulouse, Grenoble, et même Sophia Antipolis dans les
Alpes Maritimes).

    N’a-t-on pas tort de considérer comme un atout de la ville –et de la grande ville- le fait qu’elle
concentre des activités variées pour des raisons qui tiennent moins aux économies externes qu’elle est
supposée sécréter qu’à la localisation du pouvoir économique ? Que certaines activités se développent en
ville ne signifie pas que les villes les ont suscitées. Cela peut signifier que le système économique les y a
localisées pour des raisons qui peuvent être très variées…

    Il est enfin douteux que les externalités qui tiennent aux relations économiques entre agents soient
nécessairement créées par la proximité. Aves les progrès dans les techniques de communication, les mêmes
effets peuvent intervenir à distance et donc briser à terme la relation entre économies externes et ville.
1.4.   Les modèles interactifs de transport et d’occupation des sols : principes , apports et
                         limites
                     1.4.1 La nécessaire de prise en compte des interactions entre transport et occupation
                             des sols

     L'influence du développement urbain sur l’évolution de la mobilité est un processus largement admis.
Depuis les années 60, les plans de transports ont été influencés par l'idée que les équipements en matière de
transport doivent être adaptés à l'utilisation des sols. Toutefois, la perspective de l'interaction entre
l'occupation des sols et les transports s'est élargie depuis que LOWRY (1964) a postulé que les équipements
de transports conditionnent eux-mêmes l'utilisation des sols. Pourtant, l'idée d'une interaction entre
l'utilisation des sols et les transports ne s'est introduite qu'assez lentement dans les études de planification. Il
apparaît que les changements que connaissent les villes ont des incidences sur les déplacements et l'offre de
transport, lesquels affectent à leur tour la façon dont les villes évoluent. La demande de déplacement est une
demande dérivée, intermédiaire. L’espace crée une séparation spatiale entre les agents qui désirent interagir
en vue d’accroître leur utilité. L’interaction spatiale se réalise via le réseau de transport. Les besoins de
déplacements naissent ainsi des besoins d'échanges. Il existe des liens étroits entre la structure du système de
transport et l’organisation géographique de l’espace concerné par les interactions.
     Si les structures urbaines viennent à changer (c'est le cas avec le mouvement de périurbanisation), la
demande de déplacement s'en trouve modifiée. En retour, dans la mesure où les décisions de localisation des
acteurs urbains sont en partie déterminées par les coûts relatifs de transport, des conditions de transport
peuvent avoir à long terme des effets sur la structure des localisations des individus. Si l'influence des
structures urbaines sur la demande de déplacements est largement acceptée et modélisée, en revanche,
l'influence des transports sur la localisation des individus et des activités et plus généralement sur les formes
urbaines n'est pas totalement reconnue.
     Si l'on reconnaît son rôle non négligeable sur l'évolution historique des formes urbaines6, cette action ne
présente pas un caractère automatique et univoque et ne peut s'observer que sur un horizon de long terme.
Cependant, certains auteurs, comme WIEL, soulignent que "c’est la gestion des déplacements qui induit
l’évolution urbaine beaucoup plus que l’inverse, bien sûr en interférence avec une multiplicité d’autres
évolutions. Le moteur de la transformation de la ville n’est plus ou n’est plus seulement la croissance
démographique mais la mobilité" (WIEL, 1994).
     Il ressort que l'évolution future des déplacements doit être envisagée en considérant les tendances
lourdes socio-économiques affectant la mobilité des agents, le développement des différents réseaux de
transport, mais aussi en considérant les rétroactions potentielles sur le système d’occupation des sols. Parce
que ces interactions sont extrêmement complexes, la seule façon pratique d'évaluer les impacts des politiques
est d'utiliser un modèle mathématique basé sur une compréhension approfondie des mécanismes à l'œuvre.
C'est l'objet des modèles interactifs de transport et de localisation3.
     Ces modèles puisent à la fois dans les modèles de prévision de la demande de transport et dans les
différentes traditions de modélisation du développement urbain : les modèles de la microéconomie urbaine et
les modèles d’interaction spatiale qui s’appuient sur des analogies aux sciences physiques. A ce titre, les
principes de ces modèles peuvent être rappelés en insistant particulièrement sur la façon dont ils rendent
compte de la relation entre les transports et les mécanismes d’occupation des sols.

                        1.4.2 De la prise en compte de la relation entre transport et occupation des sols dans
                                 les modeles urbains
                           1.4.2.1 L'approche de la microéconomie urbaine

     Les travaux fondateurs de ce champ, c'est-à-dire les contributions de VON THÜNEN (1826), WINGO
(1961), ALONSO (1964), et par la suite le courant de la Nouvelle Economie Urbaine, essayent de
comprendre le fonctionnement d'une ville à partir d'une approche analytique. Les modèles de la NEU se
préoccupent en particulier des comportements des ménages en termes de choix de localisation résidentielle et
de formation des prix fonciers. Les hypothèses générales posent que la ville est circulaire, mono-centrique et
implantée sur une plaine isotrope, les emplois sont regroupés au centre (Central Business District). La
distance au centre est la seule variable de différenciation des sols. Elle est analysée en termes de coût de
transport. Cette conception de la distance, freins aux déplacements, confère aux transports un rôle majeur.
Les ménages ne se déplacent que radialement de leur lieu de résidence vers leur lieu de travail (le centre), et
un seul mode de transport est considéré. Les ménages se localisent de façon à maximiser leur niveau d'utilité
sous contrainte de budget spatialisé (par l'incorporation du prix du sol et des coûts de transport, fonctions
explicites de la distance). Les coûts de transport du ménage sont l'élément central de son arbitrage entre sa
position dans l'espace et la valeur du sol qu'il est prêt à payer.
     ALONSO (1964) décrit un processus d'enchères. Les enchères, qualifiées d’enchères de localisation
dans la mesure où ce qui est convoité n'est pas le sol en lui-même mais sa distance au centre, reflètent
l'arbitrage du ménage entre le niveau d'utilité et le prix du sol qu'il est prêt à payer (ce prix est fonction de la
distance au centre et du type de logement). L’augmentation des coûts de transport entraîne une baisse des
revenus nets dans la ville, donc un moindre "prix de réserve" pour les enchères, ce qui se traduit
immédiatement par une plus grande désirabilité des localisations centrales, permettant d'économiser ces
coûts. La pente de la rente de marché s'accroît et la taille de la ville se réduit. Inversement, lorsque le coût de
transport s'abaisse cela a pour effet opposé de rendre le profil de rente plus aplati et d'augmenter la taille de
la ville (GANNON, 1992).
     Ainsi, une amélioration des transports abaisse les valeurs foncières au centre tout en les augmentant à la
périphérie, ce qui a pour effet d'ouvrir de nouveaux terrains à l'urbanisation et d'étendre le tissu urbain. De

        3
           Ces modèles sont également nommés "modèles intégrés de transport et d’occupation des sols". Nous emploierons ces deux
dénominations de façon indifférente.
même, WINGO (1961) donne une position centrale au rôle des transports dans son ouvrage "Transportation
and urban land". Il suppose que le marché des valeurs foncières est conditionné par les transports urbains.
Son modèle a l'intérêt de prendre en considération un coût généralisé de transport (et non plus simplement un
coût de transport fonction linéaire de la distance au centre), ensemble des dépenses monétaires de transport
et de la valeur attribuée au temps de trajet. Son modèle aboutit à établir qu'une amélioration du réseau de
transport se traduit par une diminution des valeurs foncières et des densités résidentielles et par une
extension des limites de la ville.
      Il établit ainsi le lien entre transport et croissance urbaine. Devant le caractère réducteur des hypothèses
des modèles élémentaires de la NEU concernant la représentation du système de transport (système radial,
monomodal, homogénéité des coûts de transport), divers auteurs ont tenté d'améliorer le modèle initial en
levant certaines hypothèses. Un des premiers à avoir davantage pris en compte les transports est MILLS
(1967) en introduisant dans son modèle le secteur des transports en tant que secteur de production. KRAUSS
(1974) conserve l'hypothèse d'un seul mode de transport mais complète le système radial par un nouveau
réseau routier circonférentiel.
       De son côté, CAPOZZA (1973 ; 1976) distingue deux modes de transport qui se différencient selon la
combinaison des facteurs capital et sol qu'ils incorporent. D'un côté, le métro se caractérise par une
technologie capitalistique, économisant le facteur terre ; de l'autre, la route utilise le facteur terre de manière
intensive mais économise le facteur capital. Etant donné les prix relatifs des facteurs, le métro doit être
construit près du centre urbain et combiné au réseau routier. En dehors de cette zone intérieure, seul le réseau
routier se maintient. D’autres modèles visent à introduire la congestion8. Dans les premiers modèles
intégrant la congestion, on suppose que le degré de congestion diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne
du centre. Cela induit une augmentation du coût de transport plus forte près du centre d’emplois où la
congestion du trafic est importante et moins fortement à la périphérie où l’encombrement est négligeable.
Etant donné la relation de complémentarité entre la rente foncière et les coûts du transport, on peut dire que
la situation de rente diminue plus fortement près du centre et moins fortement à la périphérie du fait de la
congestion (BONIVER, 1979). DERYCKE et GANNON (1990) produisent un modèle qui introduit le
phénomène de congestion comme une source d’externalité négative.
      Ils parviennent donc à la conclusion suivante : le profil des rentes foncières de l'agglomération reflète
celui des coûts de transports et peut être non convexe : le marché foncier ou résidentiel intègre dans ses prix
les niveaux de coûts de congestion4, qui viennent eux-mêmes perturber l'allure de la courbe des coûts de
transports généralisés. A l'équilibre, les ménages vont incorporer les nuisances que la congestion leur fait
subir, en termes de temps perdu dans les encombrements, et leurs enchères sur les marchés fonciers et
résidentiels seront telles qu'elles favoriseront la hausse des prix aux endroits où la congestion induit la perte
de temps la plus faible, d'une part, et où l'économie réalisée sur le plan des nuisances l'emporte sur les

4
 Lorsque l’on introduit la congestion dans le modèle de la NEU, cela revient à considérer que les routes sont des services collectifs caractérisés
par un seuil d’encombrement au delà duquel l’utilisation de la route par un individu additionnel a un effet pervers pour tous les autres utilisateurs
qui se traduit par une perte de temps.
dépenses supplémentaires de transport liées à l'éloignement du centre-ville d'autre part, toutes choses égales
par ailleurs.
     D’autres auteurs, enfin, se sont appliqués à montrer l’existence d’effets de capitalisation dans les biens
fonciers et immobiliers du réseau de transport. Le réseau de transport peut être considéré comme un support
opérant sur une surface. Les agents localisés sur cette surface ne sont pas indifférents à leur position par
rapport au réseau et aux polarisations qu’il engendre et vont donc se concurrencer pour occuper certaines
zones à l’intérieur de la surface.
     Cette concurrence pour l’occupation du sol se traduit dans la fonction des marchés immobiliers. Si les
agents valorisent l’accessibilité au réseau et à ses pôles, ils sont prêts à surenchérir pour occuper le sol à
proximité de ces localisations. A l’équilibre du marché foncier, la différence de prix entre deux biens
fonciers identiques, sauf pour ce qui est de leur localisation, est égale à la valeur de la différence
d’accessibilité au réseau. On dit que les prix fonciers et immobiliers capitalisent la valeur du bien public
qu’est le réseau.
     ANAS (1985) a tenté d’intégrer cet effet de capitalisation dans un modèle visant à rendre compte de
l'impact d'une amélioration des transports sur les valeurs des biens immobiliers en milieu urbain. Ce principe
est repris dans quelques modèles interactifs. Plusieurs modèles interactifs de transport et de localisation sont
fondés sur l'approche de l'économie urbaine. En particulier, les modèles de DE LA BARRA (1989),
TRANUS, et celui de MARTINEZ (1992), 5-LUT, appuient leurs mécanismes d'occupation des sols sur les
concepts développés par la NEU, en essayant cependant d'apporter des adaptations par rapport aux exigences
de l’opérationnalité. Deux améliorations sont développées dans ces modèles, la première consiste à
introduire les apports des modèles de choix discrets (décrits en première partie) en considérant non plus une
fonction d'utilité totalement déterministe mais comportant un caractère aléatoire. La deuxième extension vise
à remettre en question le caractère trop statique des modèles de la NEU parfois dénoncé (BONIVER, 1979).
"Tous les modèles considérés sont des modèles statiques de long terme. Or toute situation d'équilibre est en
fait le résultat d'une évolution plus ou moins longue. L'analyse statique ne suffit donc pas mais doit être
complétée par une analyse dynamique qui tiendrait compte du caractère durable de l'infrastructure urbaine
ainsi que des anticipations venant affecter les décisions des ménages. La NEU se heurte cependant à la
difficulté d'inclure à la fois le temps et l'espace dans un modèle continu".

                         1.4.2.2     L'approche des modèles d'interactions spatiales

     La seconde tradition de la prise en compte des transports et des localisations des individus et des
activités réside dans les modèles d'interactions spatiales. Leur contenu théorique est nettement plus
négligeable que les précédents modèles, mais leur objectif principal est l'application empirique. Il existe une
littérature abondante sur les modèles d'interaction spatiale. Les premiers travaux dans ce domaine renvoient
aux contributions de REILLY (1931), HOYTT (1939), STEWARD (1948), ZIPF (1949), CONVERSE
(1949), CLARK (1951), ISARD (1956). Les fondements de ces modèles s’inspirent principalement
d’analogies aux sciences physiques et à la thermodynamique.
Les premiers modèles d'interaction spatiale se sont basés principalement sur l'analogie gravitaire. Dans
ces modèles, les sols occupés par des activités sont définis comme des unités d'espaces agrégés ou des zones,
contenant un certain nombre d'activités. Ces agrégats interagissent, générant des flux de nature diverse, qui
peuvent être des flux concrets comme les déplacements, les migrations, les transports de marchandises ou de
façon plus abstraite, comme des dépendances, des diffusions, des opportunités. Chaque zone est décrite
selon un nombre d'attributs. Les zones sont reliées aux autres par des infrastructures de transport. La forme
gravitaire des modèles d'interaction spatiale établit l'interaction entre deux zones en proportion avec le
nombre d'activités dans chaque zone (masse) et en proportion inverse à la friction imposée par une
infrastructure particulière qui les connecte entre elles.
     Une première étape dans cette direction est représentée par les travaux de HANSEN (1959) qui tout en
utilisant l'analogie gravitationnelle élabore un modèle de localisation des résidents comme fonction
d'accessibilité aux emplois. Le modèle le plus connu est celui de LOWRY (1964). Il peut être considéré
comme le premier modèle, visant l'opérationnalité, à introduire le système de transport comme fortement
structurateur des formes urbaines, et donc le fondateur des modèles intégrés. La logique interne du modèle
de LOWRY consiste en une fusion de deux hypothèses théoriques : la théorie de la base économique urbaine
et le principe d'interaction spatiale, sous la forme de deux modèles de potentiel gravitationnel à contrainte
unique, utilisés pour loger d’une part, la population autour des lieux de travail (modèle résidentiel) et d’autre
part, l'emploi de service autour des résidences et des lieux de travail (modèle de localisation des services).
L'hypothèse sous-jacente à la logique de localisation est la recherche de la proximité : le choix du lieu
résidentiel est guidé par les seules considérations d'accessibilité aux lieux de travail et le choix de
localisation des services se réalise en fonction de la proximité à la clientèle potentielle (CAMAGNI, 1996).
     Les modèles d'interaction spatiale dérivent également de l’analogie à la thermodynamique avec les
travaux de WILSON (1970) sur la maximisation de l'entropie. Il modélise, sur la base d'un modèle de
maximisation de l'entropie à double contrainte, la distribution des déplacements. Cette approche apporte des
bases théoriques statistiques plus solides aux modèles précédents. En outre, plus récemment, ANAS (1983) a
montré que le modèle logit multinomial résultant de la maximisation de l'utilité aléatoire de la théorie des
choix discrets, était, à un niveau similaire d'agrégation, formellement équivalent au modèle de maximisation
d'entropie proposé par WILSON. Ceci permet d'apporter aux modèles d'interaction spatiale les fondements
théoriques économiques qui leur faisaient défaut.
     De nombreux modèles d'interaction de transport et de localisation s'inspirent de la logique du modèle de
LOWRY en y apportant les améliorations qu'il convient. Très tôt, ECHNIQUE (1975) combine un modèle
de localisation à la LOWRY et un modèle de transport à quatre étapes. On rencontre également le modèle de
BERECHMAN (1980), et les modèles plus élaborés ITLUP (1971), LILT (1974), MEP (1968) et OSAKA
(1981).
1.4.3 Principes et caractéristiques des modèles interactifs de transport et de
                               localisation

    L'originalité essentielle de cette approche est de souligner l'importance dans le processus de
planification d'intégrer les interactions entre le transport et l'occupation des sols. Les modèles interactifs de
transport et de localisation obéissent à certains grands principes dans leur structure. Cependant, ce type de
modèle est loin d’être institutionnalisé, et on rencontre une grande diversité de leurs bases théoriques, de
leurs techniques de modélisation, des niveaux de désagrégation de l’analyse, et même de leurs objectifs.

                          1.4.3.1    Les principes généraux des modèles interactifs de transport et d’occupation
                                        des sols

    Les modèles intégrés s'efforcent de produire un mécanisme à travers lequel les effets indirects causés
par le développement d'un système peuvent être transférés comme entrées dans la simulation de l'autre
système. Les propriétés essentielles de ces modèles sont de pouvoir modéliser à l'échelle d'une
agglomération, les conséquences de diverses politiques de développement de réseaux de transports, de
variations des coûts de transports, de politiques de régulation de l'usage des sols, etc.
    Dans ces modèles, la région urbaine est représentée comme un ensemble de zones discrètes. La
dimension temporelle est représentée en subdivisant le temps en périodes de temps discrètes (entre 1 et 5
ans). Dans la plupart des cas, ce sont des modèles de simulation récursifs. Les modèles interactifs de
transport et d’occupation des sols se fondent sur le concept que l’interaction des activités dans l’espace
induit la demande de transport en retour, l’accessibilité qui résulte de l’équilibre entre la demande et l’offre
de transport conditionne la façon dont les activités entrent en interaction. Ainsi, l’espace géographique crée
une séparation entre les agents localisés qui désirent interagir en vue d’accroître leur utilité ; le transport est
la matérialisation mais aussi un élément contraignant ces besoins d’échange.
    Une structure dynamique met en relation les deux systèmes de transport et d’occupation des sols
(Figure1). L’influence des conditions de transport sur les localisations urbaines est un feed-back retardé : les
accessibilités de la période 1 affectent les localisations des activités et des individus dans la période 2. Ainsi,
un changement dans le système de transport, tel qu’une nouvelle route ou un système de transport collectif
lourd, aura un effet immédiat sur la demande de déplacement mais n’affectera le système de localisation et
ses interactions seulement une ou plusieurs périodes de temps après.
    Figure 1 : Les relations dynamiques entre le système des transports et le système d’occupation des sols




    Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996).
Les modèles interactifs présentent un certain nombre de rétroactions (Figure1).


    Figure 2 : La structure générale des modèles d’interaction entre transport et occupation des sols




    Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996).


                          1.4.3.2    Une grande variété de modèles

    Depuis les années 70, un grand nombre de modèles intégrés très divers a été élaboré par différentes
équipes scientifiques dans différents pays. Le Tableau 1 donne une illustration des études réalisées dans ce
domaine. De nombreuses avancées ont été faites dans l'objectif de formuler un cadre théorique approprié à
l'explication des comportements de choix spatiaux et par rapport aux techniques empiriques de calibrages de
ces modèles. Au-delà d’une certaine uniformité, il existe des différences significatives entre les fondements
théoriques des modèles, des techniques de modélisation, des variables introduites, des lois comportementales
et même des objectifs poursuivis.
Tableau 2 : Les principaux modèles intégrés développés




    Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996)


    Tous les modèles n’introduisent pas le marché des sols de façon totalement endogène. Une autre source
de différenciation est le degré de désagrégation intégré par le modèle. On rencontre ainsi des modèles très
désagrégés, comme TRANUS ou 5-LUT, qui tentent de rendre compte de l’ensemble du                                   processus
complexe de choix de décideur en fonction des alternatives qui s’offrent à lui. Dans ce cas, les modèles se
fondent sur des techniques de modélisation assez complexes et leurs bases théoriques s’appuient sur
l’analyse de l’économie urbaine intégrant l’apport de la théorie des choix discrets.
    Les modèles plus agrégés visent à produire les conditions générales du système de transport, les
tendances d’urbanisation et les flux de déplacements. Ils se basent essentiellement sur les modèles
d’interactions spatiales. En outre, suivant les objectifs que poursuit le modélisateur, le modèle place l'accent
sur des variables du système urbain et des interrelations différentes. Par exemple, si l’objectif essentiel est de
rendre compte des mécanismes d’occupation des sols, la représentation du système de transport peut être très
réduite. Ainsi, le modèle consistera essentiellement en un modèle de localisation des activités et des
individus, certes sur la base de calculs d’accessibilités, mais sans véritable référence au fonctionnement du
système de transport. Il ne prendra pas en compte les problèmes de choix modal, les choix d’itinéraires et
l’effet de la congestion. Cependant, les modèles, afin de rendre pleinement compte des interactions
possibles, doivent intégrer un module de transport relativement bien détaillé, en particulier un module
d'affectation capable de répercuter les modifications des conditions de transport face aux modifications d'une
part de la demande de transport et d'autre part de l'offre.

                     1.4.4 Les enseignements et limites des modèles

    Un bilan critique doit être dressé à propos de ce type de modèles. Dans un premier temps, nous
relaterons des résultats d’une procédure d’évaluation entreprise par plusieurs équipes scientifiques consistant
à comparer les principaux modèles développés. Cette étude tente d’apporter un éclairage quant aux
performances de ces modèles en leur appliquant une série de tests. Dans un deuxième temps, nous porterons
un regard critique plus général en reprenant la grille de lecture proposée par BONNAFOUS (1972) de
jugement de l’opérationnalité des modèles.

                        1.4.4.1 Un essai d’évaluation : les travaux de l’ISGLUTI

    Le nombre et la diversité des modèles intégrés développés appelaient un bilan sur les performances de
ces modèles. C'est sous l'impulsion du United Kingdom Transport and Road Research Laboratory qu'un
programme de collaboration internationale, lancée dans les années 80 avec plusieurs universités, s’est créée
afin d'effectuer une étude comparative sur les principaux modèles disponibles. Les différentes équipes de
recherche ont été regroupées au sein de l'International Study Group on Land Use / Transport Interaction
(ISGLUTI). L'étude a débuté en 1981 et a réuni des chercheurs de huit pays et étudié neuf modèles
opérationnels5. Malgré les différences des modèles tant dans leurs objectifs, leurs formes et les méthodes
auxquelles ils recourent, les auteurs de cette étude ont estimé que ces modèles produisaient des résultats
partiellement comparables et sur lesquels une évaluation de leurs performances pouvait être réalisée.
    L'étude a procédé en deux phases. La première consiste à comparer les modèles existants, leurs
structures, leurs mécanismes, et leurs performances, ainsi que d'évaluer leur sensibilité à un ensemble de
mesures d'usage des sols et de transport. Pour des raisons pratiques, chaque modèle a été appliqué à la ville
sur laquelle il avait été calibré au départ (WEBSTER, PAULLEY, 1988).
    Les résultats de la première phase ont permis d'éclairer les performances de chacun des modèles et les
améliorations qu'ils devaient recevoir. Les principaux enseignements des tests mettent en évidence que la
localisation endogène des activités semble être une nécessité difficilement contournable (les modèles
introduisant la localisation de façon exogène produisent en effet des variations d'amplitude plus importante
que ceux qui les endogénéisent) ; le recours à des méthodes de modélisation trop rudimentaires conduit à des
résultats dont la pertinence est inférieure à celle des autres ; la désagrégation de la population en différentes
catégories ainsi que celle des activités paraît être relativement importante dans la qualité des résultats
(DUCHIER, 1991).


       5
      Les neuf modèles étudiés sont les suivants : TOPAZ (1970), DORTMUND (1977), CALUTAS (1978), OSAKA (1981),
AMERSFOOT (1976), SALOC (1973), LILT (1974), MEP (1968), MEPLAN (1988) et ITLUP (1971).
Cependant, cette première phase d’évaluation s'est heurtée au problème de la forte influence des
données implémentant chaque modèle, et de façon plus fondamentale, de l'influence du type
d'agglomération, sa structure, la configuration de son réseau de transport, sur les résultats. La deuxième
phase a essayé de surmonter ces difficultés. Elle a consisté à appliquer, premièrement, un même modèle à
des villes différentes, et deuxièmement, différents modèles à une même ville. Différents tests ont été
appliqués (impacts de l’évolution de la structuration urbaine et du système de transport, effets des
changements de localisation des activités industrielles, sous contrainte d’usage des sols, conséquences des
variations dans les coûts et les temps de transport).
      Un des premiers enseignements de la deuxième phase est qu'en effet, un même modèle appliqué à des
villes différentes ne donne pas les mêmes résultats, ce qui confirme l'existence de différences entre les villes,
résultant d'une structuration spatiale différente, d'habitudes de comportements différentes. La seconde partie
du test, consistant à appliquer plusieurs modèles à une même ville, et représentant un test relativement
rigoureux, s'est révélé délicate. Les chercheurs se sont en effet confrontés au problème de la non
transposabilité parfaite de certains modèles à d'autres villes sur lesquelles ils n'avaient pas fait l'objet d'un
premier calage du fait de la non disponibilité des données à un niveau de détail approprié pour satisfaire les
performances du modèle.
      De façon générale, les auteurs de l'étude concluent que ces modèles sont utiles pour un certain nombre
de tâches clairement définies et apportent des lumières nouvelles sur les impacts d'un certain nombre de
politiques urbaines. Sur certains résultats, une divergence dans les réponses des modèles a pu être observée,
à la fois dans l'intensité de la réponse, mais aussi parfois sur le sens de la réponse. Cela souligne les
différences fondamentales des modèles dans la construction de leurs causalités mais pose la difficulté de
savoir quel est le modèle le plus pertinent. Cependant, cette divergence n'a pas été observée très souvent, et
dans tous les cas, elle est plutôt due à des problèmes dans l'application des modèles (qualité des données
insuffisante, calibrage et validation inadéquate) que des problèmes de définition des mécanismes de
comportements et de causalités.
      Du côté des impacts des mesures des politiques, l'ISGLUTI a été capable de confirmer un certain
nombre d'effets bien connus, et d'éclairer les chercheurs sur des effets moins connus à long terme. Il est
apparu que les utilisateurs de l'automobile ne sont pas beaucoup affectés par les changements dans les coûts
d'utilisation de la voiture particulière. En revanche, les modèles ne parviennent pas à une conclusion
convergente sur les impacts des modifications des coûts de transports sur l'occupation des sols. Cependant, la
plupart montrent un effet minime des politiques de transports sur les mouvements globaux de population,
malgré le rôle historique qu’on leur reconnaît. Cela est probablement lié au fait que les villes modernes ont
déjà un système de transport bien développé, ainsi la portée des améliorations générales dans l'accessibilité
est limitée. Il semble, qu'eu égard aux résultats de l'étude ISGLUTI, les modèles interactifs de transports et
des localisations soient plus largement acceptés qu'auparavant6. Cependant, cette série de tests ne constitue

         6
           On peut souligner à ce titre qu'une tentative d'application d'un modèle d'interactivité sur une agglomération française (Lyon) est en
cours actuellement. Ce projet, initié par le CERTU, vise à appliquer le modèle TRANUS, développé par DE LA BARRA.
pas vraiment une procédure de recherche de validité de ces modèles. L'ultime test de validation consisterait
en l’application de ces modèles de manière rétrospective afin de tenter de reproduire l'évolution du système
urbain sur une longue période. Cette solution se heurte à la disponibilité des données nécessaires à ce travail
(manque de données historiques dans de nombreux domaines). Une autre solution serait de tester un
programme d'investissement majeur en transport, et d'effectuer une confrontation entre les résultats simulés
et les effets effectivement observés. Mais cela nécessite une procédure lourde et coûteuse (par exemple, la
mise en place d'un observatoire de ces effets).

                        1.4.4.2 De l’opérationnalité des modèles interactifs

    Les modèles interactifs de transport et de localisation visent clairement l’opérationnalité. Ainsi, ils se
heurtent nécessairement au triptyque des trois conditions de cohérence, pertinence et mesurabilité
(BONNAFOUS, 1972).
    Ils visent en particulier une plus grande pertinence en regard de leur objectif, celui de rendre compte des
évolutions du système urbain face à des stimuli de plusieurs types. Cela les conduits à introduire des
variables ou des mécanismes supplémentaires qui posent souvent des difficultés de mesures et des problèmes
de cohérence. Ces modèles sont souvent confrontés au manque de données disponibles, ce qui les contraint
parfois à réduire le nombre de leurs variables et donc à perdre en pertinence. Malgré une amélioration des
bases de données disponibles notamment dans le domaine des déplacements (avec les enquêtes ménage de
déplacements par exemple), il n’en demeure pas moins que ces bases restent insuffisantes tant dans leur
qualité que dans le recul temporel qu’elles permettent. En effet, on ne peut que déplorer l’absence de séries
temporelles dans ce domaine. En ce qui concerne le champ de l’occupation des sols, les mêmes problèmes se
rencontrent, en particulier quant à la connaissance des marchés fonciers et immobiliers.
    Quant au problème de la cohérence, l'insuffisance de bases théoriques solides subsiste encore, en
particulier dans les modèles les plus rudimentaires fortement agrégés et mettant en œuvre une simplification
abusive des mécanismes. Cependant, l'intégration de la théorie des choix discrets dans la plupart des modèles
les plus récents permet d'une certaine façon de surmonter cette difficulté, en apportant des bases théoriques
assez bien établies et une meilleure prise en compte des comportements réels des agents.
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  • 1. 2011 Les facteurs et la modélisation de la croissance urbaine [Tapez le sous-titre du document] Préparé par : KHECHI Aziz BRIBICH Said ABDENAIM Mohamed BROUM Samira Encadré par : Mr TACHFINE Youssef 08/02/2011
  • 2. INTRODUCTION I. SOUBASSEMENT THEORIQUES ET DEFINITION 1.1 signification de la croissance urbaine 1.2 les facteurs de la croissance urbaine 1.3 les modèles analytiques de la croissance urbaine 1.3.1 théorie de la base 1.3.2 théorie de la croissance urbaine par étapes 1.3.3 théories néo-classique de la croissance urbaine 1.4 les modèles interactifs de transport et d’occupation du sol II. LA CROISSANCE URBAINE DE GRAND AGADIR DEPUIS 1960 ET SES FORMES CONCLUSION
  • 3. INTRODUCTION La croissance économique des villes est sans doute un des phénomènes économiques les moins connus et les moins exploités dans la littérature économique. Ceci tient en partie à la difficulté d’obtenir des données statistiques pertinentes au niveau local, et en partie également au fais qu’il n’y a pas de théorie générale de croissance urbaine, ce qui rend difficile une formation rigoureuse. La croissance urbaine constitue une résultante des interactions avec l’environnement, des liens entre la ville et la compagne et de la politique urbaine, sa distribution et ses rythmes reflètent les choix opérés au niveau social et économique. son analyse est d’un grand intérêt pour déceler les retombées et les tendances sur le système urbain .le contexte dans lequel s’est effectuée l’urbanisation et les modalités de la croissance urbaine vont marquer le système urbain dans sa configuration , sa hiérarchie et sa distribution spatiale .la faiblesse de la base productive des villes , la forte centralisation du système et la diffusion des services vont déterminer les caractères du système urbain national et des systèmes urbains régionaux . On vous propose dans le premier axe de ce travail modeste un éclairage sur la croissance urbaine, sa définition et les facteurs affectant cette croissance, après on vous présente les différents modèles traitants la croissance urbaine tout en essayons de mettre en lumière la particularité relevée par chaque modèle dans l’explication du phénomène de la croissance urbaine. Pour enfin clôturer cet axe par la mise en question les modèles interactifs de transports et d’occupation du sol. Le 2eme axe va opter pour le grand Agadir comme une agglomération qui mérite une relecture du fait de la croissance considérable que témoigne son développement rapide sur tout les plans notamment celui qui nous intéresse davantage : la croissance urbaine .
  • 4. I. SOUBASSEMENT THEORIQUES ET DEFINITION 1.1. signification de la croissance urbaine Parler de la croissance urbaine nous amènes à attaquer ses trois formes les plus connues. La plus simple consiste à suivre dans un temps donne l’évolution numérique de la population sur l’air urbain. On peut également expliquer la croissance urbaine par consultation des revenus crées ou perçus sur le territoire de la ville. Enfin on peut compter sur l’extension spatiale de l’agglomération pour mesurer sa cro issance. La croissance revêt donc une triple signification : - Démographique (augmentation de la population urbaine) - Économique (croissance du produit urbain). - Spatiale (extension de l’espace urbanisé). Le fait d’attribuer la croissance urbain à ces trois variables, ne signifie jamais qu’elle est due à l’un d’eux séparément aux autres, mais il existe une certaine complémentarité entre les trois variables. L’idée peut être affirmée par la simple observation que la population urbanisée et les revenus formés dans la ville ne peuvent être saisis et mesurés que par référence à une aire urbaine préalablement définie. Or le tissu urbain prolifère rapidement au-delà des limites territoriales des agglomérations. 1.1.1. L’augmentation de la population urbaine Si on abolie le cas ou la population urbaine croit par rattachement des communes rurales au rang de communes urbaine ou par immigration internationale comme aux Etats unis, l’accroissement de la population des villes provient en fait de deux sources : L’immigration rurale et l’accroissement naturel de la population urbaine. Le premier a été largement prédominant dans l’urbanisation passée de la plupart des pays développés. Quant au second, il est constant que la fécondité légitime est plus faible en ville que dans campagnes, Plusieurs auteurs font d’ailleurs de cet écart entre les deux taux de croissance de la population urbaine et rurale un instrument d’analyse des étapes de l’urbanisation. Ils remarquent qu’à l’époque actuelle, avec le recul de la population rurale et diffusion du phénomène urbain, le taux de croissance des populations urbanisées tend à rejoindre le taux d’accroissement de la population globale. Il faut garder dans l’esprit que l’accroissement de la population des villes s’accompagne d’un double processus de densification de l’habitat sur l’espace urbain et d’extension de cet espace lui-même. La densification se traduit par la concentration des populations sur certaines portions de l’aire urbaine. L’extension spatiale implique une modification des densités par abaissement au centre des villes et relèvement à la périphérie.
  • 5. Il est très difficile d’établir un raisonnement en composante démographique sans tenir compte des autres composantes, économique et surtout spatial de la croissance urbaine. 1.1.2. L’élévation du produit et du revenu urbaine Le défit révélé lors de l’examination du produit urbain crée est celui des activités du milieu rural dont le siège est implante en ville. Le poids économique du milieu urbain est (donc) devenu énorme ». Il semble bien que les revenus et les patrimoines soient significativement plus élevés dans les villes et que leur augmentation y soit plus rapide. Cette explosion des revenus peut être attribuée à certaines raisons, a savoir : les professions rares, se concentrent dans les grandes métropoles. La demande de ses services spécifiques est assez élastique au revenu. Enfin le secteur tertiaire supérieur et ce que l’on pourrait appeler le secteur quaternaire – l’informatique, la bureautique, le télétraitement et les formes variées du travail à distance cités et constituent un apport croissant à la formation du produit national. 1.1.3. L’extension des villes dans l’espace Essai de classement Selon les modalités de la diffusion spatiale des villes, on peut distinguer, avec Guyot (1968) : - La croissance par adjonction de nouvelles surfaces au noyau urbain central ; - La croissance par absorption des localités périphériques ; - La croissance par fusion de deux ou plusieurs villes voisines dont les faubourgs finissent par se rejoindre pour former une conurbation. Selon les itinéraires de propagation du tissu urbain, on peut distinguer : - La croissance concentrique par extension régulière des zones périphériques ; - La croissance radiale ou axiale, disposés en croix, en patte d’oie, en étoile, en doigts de gant. - La croissance radioconcentrique, qui résulte en quelque sorte de la combinaison des deux schémas précédents ; - La croissance par secteurs, qui a été analysée et préconisée par Homer Hot (1939) - La croissance annulaire, par création de villes satellites disposées en couronnes régulières ; - La croissance polynucléaire, qui résulte soit de processus historiques (croissance par fusion de villes voisines), soit d’aménagements concertés en vue de réaliser un meilleur équilibre entre les divers pôles urbains d’une région ; - Enfin les croissances irrégulières, résultant soit d’obstacles naturels opposés aux processus spontanés d’urbanisation, soit de schémas asymétriques élaborés par les architectes et les urbanistes, créateurs de villes nouvelles. Apres avoir présenter la signification démographique, économique et spatiale que revêt la croissance urbaine, il nous apparait très utile de s’interroger sur les liens qui s’établissent entre urbanisation, vie urbaine et modernité.
  • 6. 1.1.4. Croissance urbaine et modernité Le géographe Bernard Kayseri (1981) souligne de façon très pertinente la double nature de la notion d’urbanisation lorsqu’il écrit : « la plupart des chercheurs en sciences sociales admettent aujourd’hui que la notion d’urbanisation se réfère : « - de façon évidente, au processus suivant lequel une proportion importante de la population, au sien d’une formation sociale donnée, se concentre sur un espace et reproduit, et « - de façon plus floue, à la diffusion du système socioculturel dominant, qui est un système urbain, puisque pensé par la ville, dirigé par la ville » Il est de fait que le monde de vie urbaine est devenu aujourd’hui le modèle culturel dominant, au moins dans la plupart des pays les plus développés ou l’urbanisation atteint ou dépasse 80%, voir 90%. Il n’est pas jusqu’aux populations des campagnes les plus reculées qui ne subissent l’effet des décisions urbaines, du mode de vie urbain, des messages liés et contrôlés par des médiat urbains, et la majorité des grandes innovations progressive, les conquêtes ouvrières et sociales sont d’abord apparues dans les grandes villes, avant de se diffuser dans l’ensemble de la société et d’y transformer les mentalités et les comportements. 1.2. Les facteurs de la croissance urbaine Il est commode de distinguer les conditions permissives, puis les facteurs exogènes et les causes endogènes de la croissance des villes. 1.2.1. Les conditions permissives Fernand Guyot (1968) écrit : « les auteurs qui étudient la croissance urbaine estiment de manière à peu prés unanime qu’elle est conditionnée par quatre facteurs : un progrès agricole important, le développement des moyens de communication et de transport, une organisation politique et sociale bien structurée et enfin une réserve d’eau adaptée aux besoins ». Le progrès agricole : l’élévation de la productivité agricole qui permet de dégager un surplus net dans le secteur primaire, rend possible de dégager un surplus net dans le secteur primaire, visionnement vivrier. Les moyens de communication et de transport, et une organisation politique et sociale : contribuent de manière évidente aux processus d’urbanisation. La réserve d’eau : peut être vue comme une condition permissive mais aussi un facteur limitatif de la croissance urbaine, comme on commence à le constater dans les grandes mégapoles américaines.
  • 7. Il est bien clair cependant que ces condition permissives de l’urbanisation en général que comme des facteurs explicatifs directs de la croissance des villes et surtout de la ville. Sur ce point, les auteurs se séparent en deux groupes selon qu’ils privilégient l’action des facteurs extérieurs ou intérieurs à la ville. 1.2.2. Les facteurs exogènes Selon un premier groupe d’auteurs, que l’on peut approximativement ranger parmi les tenants de la théorie dite de la base, la croissance urbaine serait en grande partie orientée par le développement des activités exportatrices de la ville. L’accent est ainsi placé sur les facteurs exogènes et présent trois avantages :  Attirer l’attention sur les problèmes d’équilibre de la balance des échanges extérieurs de la ville, dans la mesure où, en quelque sorte, la ville doit couvrir ses importations de produits alimentaires par des exportations de biens et services ;  Mesurer l’effet entraînant des exportations de la ville sur les autres activités urbaines, par application des idées keynésiennes sur l’effet multiplicateur du commerce extérieur ;  Prévoir la croissance urbaine future par le calcul de multiplicateurs d’emploi dans les activités exportatrices ou basique et de multiplicateurs de la population totale induite. 1.2.3. Les causes endogènes Nombreux sont les auteurs qui ont privilègé les forces internes du développement urbain. Chaque institution doit innover ou bien découvrir ses propres facteurs de survie et d’extension. La ville sécrète ainsi sa propre croissance à partir du complexe d’activités qu’elle constitue. Dés 1909, dans son analyse spatiale des localisations, weber avait parlé de forces agglomérat ives pour caractériser les avantages de la concentration industrielle et urbaine (compression des frais généraux, adaptabilité plus grande aux indications d’un marché élargi, possibilité des firmes, ect.) La conception wébérienne a été perfectionnée par les analystes des économies externes d’agglomération et notamment par Jean Rémy (1966) dont l’ouvrage étudie en profondeur la signification de la juxtaposition spatiale des activités du point de vue de l’entrepreneur et du point de vue de consommateur final. C’est ainsi qu’il analyse tour à tour l’agglomération spatiale de la demande, l’organisation de transports et le système d’interdépendance technico-économique entre les firmes en tant que causes directes du développement urbain, ce qui le conduit à rejeter la théorie de la base comme instrument d’analyse de la croissance des villes. Enfin nombreux sont ceux qui estiment que ce sont plutôt les services urbaine hautement spécialisés (administrations, bureaux d’études, cabinets conseils, laboratoires, de recherches des universités, ect.) qui contribuent pleinement a la croissance urbaine et qui peuvent être un véritable moteur de cette croissance.
  • 8. Cette théorie des services urbains locaux a notamment été défendue sur l’exemple des villes américaines par Hans Blumenfeld (1955) et Gunnar Alexandersson (1956). Il convient alors d’inverser le sens des relations d’induction dans la théorie de la base en reconnaissant un rôle moteur aux services locaux. On verra d’ailleurs que certaines tentatives de dynamisation de la théorie de la base conduisent à relayer les activités basiques de l’industrie par les services tertiaires spécifiques des grandes agglomérations. En définitive, les facteurs mis en jeu dans les processus de la croissance urbaine sont relativement complexes : la logique d’évolution n’est pas univoque ; des causes différentes se relayent au cours de phases successives. Jusqu’à présent, les forces motrices l’ont emporté sur les causes de déclin. 1.3. les modèles analytiques de la croissance urbaine Les modèles de la croissance urbaine que l’on peut qualifier d’analytiques se rangent en deux catégories qui correspondent aux deux premières générations des modèles urbains : la théorie de la base et ses prolongements d’une part, les modèles explicatifs de la structure urbaine qui reposent sur l’équilibre spatial des agents tel qu’il a été formalisé par Wingo et Alonso dans les années 60 et leurs extension dans le cadre de la « nouvelle économie urbaine » d’autre part. Les premier de ce modèles s’inspirent d’une approche keynésienne et macro-dynamique de la ville ; les seconds s’inscrivent dans la pure tradition néo- classique du calcule économique. La simplicité des premiers en recommande l’usage dans la prévision de la croissance urbaine. La relative complexité des seconds les cantonne dans l’explication des structures de la ville. Ils contiennent cependant des aperçus dynamiques sur la croissance urbaine. Le présent chapitre les développera en deux points 1.3.1. la théorie de base L’instrument de prévision le plus simple est la théorie de la base selon laquelle les fonctions exportatrices de la ville sont à l’origine d’effets multiplicateurs et constituent en quelque sorte le moteur de la croissance future. Mais la théorie de la base reste statique ; sa dynamisation conduit aux modèles séquentiels de la croissance urbaine. 1.3.1.1 Origine et fondements théorique Selon les tenants de la théorie de la base, la croissance urbaine serait principalement déterminée par des facteurs extérieurs à la ville, en particulier par la demande d’exportations. Le point de départ de cette conception réside dans une analyse dichotomique des fonctions urbaines. On peut en effet considérer que la ville assure deux séries de fonctions. Les premières ont pour objet la satisfaction des besoins courants de la population urbaine : il en est ainsi de la plupart des activités commerciales. Les secondes visent à satisfaire une clientèle extérieure à la ville : on peut estimer que ces activités, qui intéressent surtout les diverses branches industrielles, ont contribué à donner à la ville son originalité, sa physionomie, voire même sa
  • 9. spécialisation (le charbon dans les villes du nord, les couteaux à Thiers, les pipes à Saint-Claude, ect.) Cette seconde série d’activités représente en quelque sorte de la base économique de l’activité de la ville orientée vers l’extérieur et le moteur de sa croissance future. Cette analyse dichotomique est relativement ancienne. Jean-Jacques Gouguet (1979) la fait remonter au mercantilisme et cite à l’appui des auteurs comme Jean Bodin et Hollandais Het Werner Sombart. Nous avons personnellement montré que Richard Cantillon, dans son remarquable Essai sur la nature du commerce en général s’était interrogé sur le caractère inducteur ou induit de la croissance urbaine. C’est dans les travaux de l’école historique allemande que l’on trouve les précurseurs les plus directes : en 1902 Werner Sombart propose de distinguer entre les activités de fondation d’une ville (Stadtegründer) et les activités d’accompagnement la croissance urbaine (Stadtfüller) distinction qui sera reprise plus tard par l’historien Nussbaum (1933). Le géographe Aurousseau en 1921 Frédéric Law Olmstead la même année, distinguent entre les activités primaires et les activités auxiliaires. En 1927-1929 Richard Murray Haig, dans une étude sur les principaux facteurs de la croissance de l’agglomération new-yorkaise, met l’accent sur les activités exportatrices de la ville. Il fait remarquer qu’une ville doit importer des denrées alimentaires de son arrière-pays rural et des biens et services en provenance d’autres villes en fonction de sa spécialisation géographique et économique. Il faut donc équilibrer les importations par des exportations au moins équivalentes, ce qui implique des activités orientées vers la satisfaction d’une clientèle extérieure : régionale, nationale, voire internationale. Mais c’est l’Américain Homer Hoyt qui est unanimement reconnu comme le fondateur de la théorie de la base. Il en présente une formalisation mathématique alors qu’il est consultant, en 1936, de l’administration fédérale pour le logement et développe sa méthode dans plusieurs articles parus en 1941, 1954, 1961. Les fondements théoriques de la base peuvent être recherchés dans plusieurs directions : le mercantilisme, la théorie keynésienne et le modèle néo-classique de l’échange international. La théorie de la base a incontestablement des racines mercantilistes puisqu’elle repose sur le développement des échanges extérieurs de la ville de la balance commerciale urbain. Cette filiation mercantiliste a été nettement affirmée entre autres par Andrews (1953) et Greenhut (1959). La position de Grosson (1960) et de Gouguet (1979) est beaucoup plus nuancée : ces auteurs font remarquer, à la suite de Haig (1929) que le développement des exportations de la ville n’est pas une fin en soi, mais s’explique par la nécessite de financer des importations rendues nécessaires par les besoins primaires des populations urbaines. La filiation keynésienne est, elle, indiscutable puisque la théorie de la base conduit à la définition de coefficients multiplicateurs qui, appliqués à un multiplicande constitué par la variation des emplois dans les activités basiques, déterminent une variation de la population urbaine totale. On trouve d’ailleurs les deux
  • 10. versions du paradigme keynésien, avec des multiplicateurs d’emploi urbain (multiplicateurs de kahn) et des multiplicateurs de la balance urbaine (multiplicateurs de Keynes). La filiation néo-classique est moins évidente. On peut l’établir à partir de la notion d’intensité relative d’une activité dans l’espace, mesurée par le coefficient de localisation c : : Où désigne la part de l’activité i dans l’ensemble des activités de la ville j ; Et Désigne la part de l’activité i dans l’espace national. Une valeur de c égale à 1 implique que l’intensité relative de l’activité i dans la ville est comparable à ce qu’elle est dans la notion : l’espace est donc neutre à l’égard de la localisation des activités (ce qui correspond aux postulats néo-classique). Par contre, une activité i dont le coefficient c est supérieur à un, sont bien exportatrice, ce qui n’est possible qu’à certaines condition, qui sont précisément celles de la théorie néo-classique de la spécialisation : identité des goûts, des fonctions de demande et des productivités entre les villes et les régions immobilité de certains facteurs de production, caractère fermé de l’économie nationale, ect. 1.3.1.2 Enoncé de la théorie de la base H1 : On considère l’emploi total ET, c’est-à-dire la population en activité dans la ville, comme formé de deux parts que l’on peut repérer et mesurer : - L’emploi local EL, c’est-à-dire l’emploi dans des activités non basique destinées à la satisfaction de la demande locale ; - L’emploi externe EX, c’est-à-dire l’emploi dans des activités basique, ou secteur des exportations destinées à la satisfaction de la demande extérieure : ET = EL + EX (1) H2 : On admet qu’il existe un rapport stable : Entre l’emploi local et l’emploi total K1= - Entre l’emploi externe et total : K2= 0< K2<1 (3) Il s’ensuite que : K1 + K2=1 (4) Et que l’on peut définir un troisième rapport stable r ou ratio de l’emploi local à basique :
  • 11. = (5) Dans l’équation (1) on peut remplacer l’emploi local par sa valeur en fonction de l’emploi total tirée de l’équation (2), soit : ET = K1ET + EX (6) Il vient finalement : (7) Où m est bien un coefficient multiplicateur (puisque K1 et K2 sont inférieurs à 1) de l’emploi total, appliqué à une exportatrices. Le passage de l’emploi aux populations exige deux hypothèses supplémentaires : H3 : On admet la correspondance entre activités et emplois. Cette hypothèse revient à supposer une fonction de production à un seul facteur, le facteur travail, et à admettre le plein emploi, soit : Pa ≈ ET (Pa = population active) (8) H4 : Le taux à d’activité de la population est supposé stable à court terme : Pa =AP (P= population urbaine totale) (9) Les trois dernières relations permettent finalement d’établir : P= Cette formulation très simple permet la prévision de la croissance démographique d’une ville à partir des prévisions de variation des emplois basiques. Encore convient-il de s’assurer du bien-fondé des hypothèses posées. 1.3.1.3 Le domaine de validité de la théorie de la base La ventilation entre secteur basiques et non basique a été source de nombreuses difficultés. Comme la remarque Gouguet, on a souvent adapté la théorie à l’appareil statistique et non l’inverse. Les premières études contestables utilisaient des méthodes de ventilation parfois très contestables. Ainsi Weimer et Hoyt, dans leur étude sur New York en 1939, repèrent les entreprises destinant la totalité de leurs emplois. Quant aux entreprises qui satisfont en majorité les besoins locaux, leur population active est forfaitairement répartie par moitié entre emplois basiques et emplois non basiques. Georges Pinnel (1954) recourt à la même méthode à Evansville dans l’Indiana mais retient une dizaine de branches différentes. D’autres auteurs recourent à des enquêtes, naturellement plus coûteuses que ces méthodes assez approximatives.
  • 12. La définition de l’unité de mesure soulève également beaucoup de problèmes. « dans toutes les études, six unités de mesure de la base ont été usitées : l’emploi, les salaires, la valeur ajoutée, la production en valeur, la production en volume, le revenu. Or il faut bien comprendre que la façon dont la base est mesurée a une importante fondamentale dans l’interprétation des données ainsi collectées » (Gouguet). Ainsi la valeur ajoutée par le facteur travail peut-elle être très variable selon les branches d’activités. Selon l’unité de mesure retenue, des branches pourtant fortement exportatrices risquent d’être classées comme faiblement basiques et réciproquement. En outre, le progrès technique peut modifier la part relative du facteur travail. Il est certes possible d’apprécier a priori le caractère basique de certaines branches d’activités : l’industrie lourde, l’industrie de biens d’équipement et les industries de biens durables dont la consommation des ménages locaux représente une faible part de la population totale1. Mais cela est déjà moins évident pour les services des activités tertiaires supérieures et de l’administration. Des villes de taille comparable peuvent avoir une structure d’activités basiques très différente (comme l’ont montré deux études d’Alexander sur les villes d’Oshkosh et de Madison, dans le Wisconsin, en 1951- 1952) alors que les structures d’emplois locaux sont généralement plus proches. Enfin, il existe certaines activités difficilement classables. Andrews (1954) cite le cas des travailleurs migrants, des étudient, des fonctionnaires et des transporteurs. La constance des paramètres, notamment l’invariance du rapport r (emploi local/ emploi basique) a été mise en doute par de très nombreux auteurs, qui ont observé que r variait à la fois dans le temps et l’espace. Variabilité dans le temps Dans ses premiers travaux, Homer Hoyt avait acquis la conviction que r s’écartait peu d’une valeur moyenne de 1 (d’où K1~K2 ~0.5 et m~2). Dans son article de 1961, il nuance sa position et mentionne trois causes de variabilité de r.  Une situation d’économie de guerre, qui accentue le caractère basique des activités urbaines orientées vers l’effort de défense (rappelons que la plupart des études appliquées de Hoyt prennent place entre 1939 et 1949) : ceci abaisserait la valeur de r ;  La diversification des activités de la ville qui diminue l’importation en provenance d’autre villes et rend moins nécessaire l’exportation de produit basiques : ceci élèverait la valeur de r ;  Enfin l’élévation des revenus réels qui diminue la part relative, exprimée en valeur, des denrées alimentaires, au profit du logement et des services locaux, ce qui abaisse également l’intensité basique et élève la valeur de r. 1 Ainsi la part de pneumatiques absorbée par les habitants de la ville de Clermont-Ferrand est-elle négligeable dans les ventes totales de pneumatiques de l’entreprise Mechelin.
  • 13. A ce trois raisons, on pourrait ajouter l’influence possible de variations saisonnières ou conjoncturelles et du chômage sur les valeurs de r. d’assez nombreux travaux ont entrepris de dégager les facteurs de variabilité de l’intensité basique en long période. Une controverse a opposé Charles Tiebout et D.C. North en 1956 sur ce point. Reprenant la question en 1970, deux auteurs ont montré qu’à San Diego, les délais de réaction à des modifications de l’intensité basique pouvaient être de l’ordre de la dizaine d’années : des écarts importants pouvaient dés lors apparaître entre multiplicateurs instantanés multiplicateurs à long terme. De même, McNulty (1977) a trouvé des valeurs stables du multiplicateur à long terme (4 ans ou plus) et d’assez grandes instabilités à court terme (un ou plus) l’une des raisons qui explique ces écarts entre valeurs instantanées et valeurs à plus long terme est que la taille de la ville s’accroît, ce qui n’est pas sans effets sur la valeur du multiplicateur…. Qui a précisément pour objet de prévoir la taille future de la ville ! Variabilité dans l’espace Deux auteurs américains, Ullman et Dacey (1980) montrent sur un échantillon de villes américaines de taille différent observés la même année que le rapport r variait assez largement entre 0.8 (petite villes de 10000 habitants) et 2.2 (grandes agglomérations urbaines multimillionnaires). Cette décroissance de l’intensité basique est liée à l’élargissement du marché urbain : la demande extérieure est évidement beaucoup plus importante dans une petite ville que dans une agglomération multimillionnaire où la part des productions propres absorbées par le marché urbain devient prépondérante. Mais, parallèlement à la taille de la ville, la part des activités tertiaires de services et d’administration s’élève également. On dispose alors d’une méthode de calcul rapide de la valeur des multiplicateurs d’emplois urbains à partir de la part des emplois tertiaires dans l’emploi total. Les valeurs obtenues aux Etats-Unis vers 1950 montrent que l’approximation demeure acceptable. Il est donc acquis que la valeur du multiplicateur d’emplois n’est stable ni dans l’espace ni dans le temps. En conséquence, il est difficile de considérer le multiplicateur des emplois basique comme un bon instrument de prévision de la croissance urbaine. Enfin, la constance supposée du taux d’activité de la population n’est évidemment admissible qu’à court terme. 1.3.1.4 Les applications de la théorie de la base Malgré ses implications la théorie de la base a été largement appliquée aux Etats-Unis. Par Homer Hoyt principalement : à New York en 1939, à Orlando en 1946 à Brockton dans le Massachusetts en 1948, à Evanston dans l’Illinois en 1949, dans le comté d’Arlington en Virginie et dans le Maryland en 1954 et 1955, mais aussi par john Alexander à madison et à Oshkosh dans le Wisconsin,…. Alors que les années 60 marquent un relatif déclin de la méthode aux Etats-Unis, celle-ci est utilisée en
  • 14. France parallèlement aux études d’armature urbaine lors du IVe Plan. Nous nous en tiendrons à quelques travaux français significatifs. L’étude de Paul Carrière (1963) perfectionne les relations de la base en introduisant, à côté de l’emploi local et de la fraction principale de l’emploi basique une troisième catégorie d’emploi liés aux logements et aux équipements collectifs nécessités par la croissance urbaine. Ces distinctions ont été appliquées aux 34 principales agglomérations françaises au recensement de 1954 ; elles ont conduit à des valeurs des multiplicateurs d’emplois assez proches des résultats obtenus par les chercheurs américains sur des villes de taille comparable. Lucienne Cahen et Claude Ponsard (1963) poussent encore plus loin la décomposition des activités urbaines selon leurs orientations locale (trois sous-ensembles de populations) régionale (deux sous- ensemble de populations) ou nationale (deux sous-ensembles de populations). Ces 7 distinctions permettent d’aboutir à 4 multiplicateurs d’emplois, calculés dans deux variantes, selon qu’on inclut ou non le secteur BTP dans le secteur basique. La valeur de ces 8 multiplicateurs (avec et sans BTP) sur l’ensemble des 27 principales agglomérations française au recensement de 1954, variait entre 1,6 et 2,1. Quant aux valeurs propres à chaque ville, elles variaient entre 1,5 (Limoges, Mulhouse, Saint-Etienne, Troyes, villes plutôt industrielles) et 2,1 (Nice, ville plutôt résidentielle et tertiaire). Un aspect intéressant de l’étude Cahen-Ponsard est la prise en considération de modifications dynamiques produites par les changements dans la taille moyenne des familles. Il est supposé que les relations inductrices de la base se traduisent par l’arrivée de nouveaux migrants dont la structure familiale diffère des populations actives déjà en place. Ceci a correspondu à une réalité au cours de la période de forte immigration étrangère qu’a connue la France de 1950 à 1975. On définit alors deux nouveaux multiplicateurs dynamiques concernant respectivement la population active et la population totale. Ce raffinement ne modifie d’ailleurs pas très sensiblement les valeurs trouvées pour les multiplicateurs statistiques. Les géographies on apporté des contributions intéressantes avec les travaux de Le Guen (1960), Daniel Noin (1974) Denise Pumain et Thérèse Saint-Julien (1976). Les économistes ne sont pas restés inactifs avec les études, à la fois critiques et d’applications d’Humble (1967) de Sage (1970) et de Goguet (1979). Parmi toutes ces contributions, nous retiendrons celle de François Sage (1970) qui, bien qu’ancienne, nous paraît illustrer de façon exemplaire les possibilités et les limites d’application de la théorie de la base à la définition d’une politique urbaine de l’emploi dans le cadre d’une ville moyenne. Après avoir étudié dans un premier travail, en 1969 le rôle des implantations industrielles dans les processus de croissance urbaine,
  • 15. l’auteur a entrepris une étude appliquée à la ville de Gien 2. Il a cherché à établir des critères de sélection d’activités industrielles susceptibles d’apporter à l’agglomération urbaine une croissance soutenue et un certain niveau de bien-être à ses habitants. Cinq critères ont été finalement retenus et appliqués à 13 branches d’activités susceptibles d’être développées dans la ville de Gien et dans les zones industrielles périphériques de l’agglomération. C1= industrie de croissance. Ce critère caractérise le niveau des salaires versés, le rythme de croissance et le degré de stabilité conjoncturelle de la branche d’activité et permet une ventilation en trois groupes : très bien= 3 ; moyen= 1 ; médiocre=0. C2 = intensité basique. Elle indique la part exportée par chaque branche ; 100% = 3 ; 80 à 100%= 2 ; 60 à 80% =1 ; moins de 60% = 0. C3 = relation interindustrielles. Ce troisième critère complet le critère d’intensité basique en ce qu’il saisit l’intensité des relations intersectorielles et caractérise les liaisons amont et aval, les possibilités de sous-traitance, existence d’affinités entre branches, soit :  Fortes liaisons amont et caractère attractif marqué = 3 ;  Liaisons amont de sous-traitance, existence, d’affinités intersectorielles=2 ;  Faibles liaisons amont, mais liaisons en aval=1 ;  Absence de liaisons amont et aval (industries travaillant pour la demande finale exclusivement)=0. C4 = aptitude de l’industrie à offrir des emplois féminins. – la création de ce type d’emplois, de nature à procurer un second salaire à certains ménages, est importante dans une ville moyenne où le marché du travail est étroit :  Forte proportion d’emplois, féminins qualifiés =3 ;  Forte proportion d’emplois féminins non qualifiés = 2  Forte proportion d’emplois féminins non qualifiés = 1  Absence d’emplois féminins = 0 C5 = création de nuisances : 2 Gien complait, au recensement de 1968, 12164 habitants dont 6030 actifs, soit un taux d’activité élevé, de prés de 50%
  • 16. Absence de nuisances =3 ;  Nuisance faibles =2  Nuisance fortes =0. L’application de ces 5 critères a conduit au classement suivant, les 8 premières branches pouvant être considérées comme les plus aptes à soutenir la croissance urbaine de Gien et à promouvoir le bien-être de ses habitants : Tableau 1. Classement des branches d’activité selon leur aptitude à soutenir la croissance urbaine BRANCHES d’activité Somme non pondérée des coefficients 1. Machines et appareils électriques 13 2. Automobiles et cycles 12 3. Machines et appareils mécaniques 10 4. Produits des industries chimiques 10 5. Industries diverses 9 6. Verre 9 7. Presse et Edition 9 8. Matériel de construction et céramique 8 9. Bâtiment et travaux publics 7 10. Habillement 7 11. Industries agro-alimentaires 7 12. Cuirs 5 13. Produits de l’industrie du bois 4 Source : François Saget (1970), p. 101 Le travail de Saget n’est pas à proprement parler une étude de croissance urbaine. Il suggère néanmoins que la théorie de la base, complétée par une analyse de l’intensité des relations intersectorielles et par d’autres considérations, peut être utile à la définition et la conduite d’une politique de l’emploi urbain. 1.3.1.5 Les extensions de la théorie de base Il est sans doute difficile de faire le départ entre ce qui est application pure et simple de la théorie de la base et ce qui constitue des extensions : passage de multiplicateurs instantanés à des multiplicateurs
  • 17. dynamiques, prise en considération de la structure familiale des nouveaux arrivants, distinction de nouvelles catégories d’emplois permettant de mieux cerner les effets inducteurs sur la croissance urbaine, ect. D’autres extensions sont concevables : passage à des modèles séquentiels et à des modèles de simulation, tel celui de Goldner et Graybeal (1965). Nous voudrions insister ici sur deux types d’extensions qui sont conformes à une lecture de la théorie de la base en termes d’analyse d’activités et en termes de multiplicateur keynésien de revenus. - L’induction par les relations intersectorielles et le multiplicateur d’activités La théorie de la base est un cas limite d’un modèle d’échanges entre deux régions, dont on suppose que les coefficients d’échange ne prennent que les valeurs 0 et 1. En effet les activités basiques sont supposées satisfaire en totalité les besoins extérieurs, c’est-à-dire la demande finale du reste de l’économie, alors que les activités non basique satisfont la totalité des besoins locaux, soit, si l’on fait abstraction des demandes intermédiaires : Activités Espace ville Reste de l’économie Non basiques 1 0 Basiques 0 1 Il est clair qu’une interprétation plus souple de la réalité peut conduire à une infinité de cas intermédiaires qui n’invalident pas la théorie de la base aussi longtemps que les coefficients d’échange demeurent supérieurs à 0,5 dans les quadrants 1 et 4. Ceci permet d’introduire des nuances et des degrés dans la ventilation entre secteurs basiques et non basiques. C’est ce que fais Allan Pred (1966) en introduisant des seuils liés à la taille des villes. Il écrit notamment : « les industries orientées vers les marchés locaux ou régionaux (entendons par là les activités locales et basiques) n’apparaîtront dans les villes que lorsque leurs seuil locaux ou régionaux seront atteints ». Si l’on introduit la considération des demandes intermédiaires, le problème se complique. On peut considérer, avec Romanoff (1974) :
  • 18. - Que la production des activités locales se destine en totalité à la demande intermédiaire de produits locaux, ce qui revient à admettre que les ménages consommant des produits locaux sont constitués en une branche d’activités particulière ; - Que la production des secteurs basique ne requiert que des produits locaux et est exportée en totalité. Ces deux hypothèses reviennent à rejeter dans la demande finale les seules exportations basiques : la demande finale est donc nulle en produits locaux et absorbe la totalité des produits basiques, fabriqués à l’aide des seuls produits locaux. Ceci se formalise aisément à l’aide du système matriciel suivant : [11] Où XL = vecteur-colonne de production totale de produits locaux ; XB = vecteur-colonne de production totale de produits basiques ; ALL = sous matrice des coefficients technique locaux ; YB = vecteur de la demande finale exogène de produits basiques, de même format que XB. La résolution du système [11] conduit à : XL = [12] XB = YB [13] Substituant [13] dans [12], il vient : XL = [14] Introduisons les coefficients d’emplois liés aux productions. On peut écrire : [15] Où est l’emploi total (scalaire) ; AEL est le vecteur-ligne des coefficients d’emploi dans les industries locales (l’élément de ce vecteur indique combien de travailleurs actifs occupent un emploi dans la branche, par unité d’activité de cette branche) ; AEB est le vecteur-ligne des coefficients d’emploi dans les industries basiques. Il vient finalement, en substituant [13] et [14] dans [15] :
  • 19. [16] L’expression entre parenthèse est un multiplicateur de la demande finale exogène de produits basiques, exprimée en termes d’emplois. Est un scalaire et il est possible connaissant le taux moyen d’activité, de prévoir la production totale, pour autant que les paramètres contenus dans , , , soient relativement satables. On peut encore se rapprocher un peu plus de la réalité : supposons que les produits basiques requièrent des produits locaux et des consommations intermédiaires basiques importées. Le système [11] se transforme : = [11’] Dans ce nouveau système, désigne d’importation de produits basiques par les industries basiques. On obtient alors, au terme de substitutions successives : [16’] Comme on le voit, à l’aide de ces développements, l’analyse des échanges interindustriels permet de généraliser le principe de base (1). Il y a d’ailleurs équivalence entre les multiplicateurs dérivés de la théorie de la base et ceux que permettent de calculer les modèles input-output, comme l’a montré Billings en 1969. - L’induction par la dépense et le multiplicateur du revenu urbain Le passage d’un multiplicateur d’emplois urbains à un multiplicateur d’activités, c’est-à-dire des valeurs produites et échangées, et finalement des revenus créés sur l’aire urbaine est conforme aux développements de la théorie keynésienne : Keynes avait, on le sait, substitué au multiplicateur d’emplois découvert par Kahn vers 1930, un multiplicateur des revenus distribués et de la dépense de la théorie générale. On peut avec Saget (1959), distinguer des modèles qui intègrent seulement la proportion marginale à consommer de ceux qui recourent en outre à la proportion marginale à importer, c’est-à-dire qui prennent en considération la balance du commerce extérieur de la ville et conduisent à des formules qui ne sont pas sans rappeler les classiques multiplicateurs du commerce extérieur de la théorie keynésienne. 1° le modèle de Charles Tiébout (1956 b) est du premier type. Le revenu sur l’aire urbaine est composé en deux parts selon qu’il provient des activités basiques ou non basiques : R = R B + RL [17] Le revenu qui provient des activités locales est affecté en totalité à la consommation elle-même liée linéairement au revenu total :
  • 20. RL = C = + C0 [18] Avec c = propension marginale à consommer (c<1) C0 = niveau de consommation incompressible. Substituant [18] dans [17], il vient : [19] Et en accroissements : [20] On reconnait le multiplicateur keynésien simple appliqué à un multiplicande formé par la variation exogène des revenus basiques. Ce modèle est assez grossier car il suppose que le revenu basique est épargné et il néglige et il néglige l’importation. 2° le modèle de Pfouts (1957) corrige ce dernier point. Soient : E : les exportations ; M :les importations, y compris les achats des habitants de la ville à l’extérieur durant leurs voyages ; B = E – M la balance commerciale urbaine, supposée excédentaire (B>0).  L’importation est une fonction linéaire du revenu : M= + M0 [21] Avec m : propension marginale à importer (m<1) M0 : importation incompressible.  La consommation locale est également une fonction linéaire du revenu : C= + C0 [22] Avec c : propension marginale à consommer (c<1) C0 : niveau de consommation incompressible. On considère l’excédent B de la balance commerciale comme un supplément de revenu, dont une fraction est importée. Le revenu disponible sur place est donc et une fraction est consommée au terme de la première période, une fraction au terme de la seconde période, etc. La série des accroissements, de revenus engendrés par la consommation sur n périodes s’exprime par : [23] Ou encore : [24]
  • 21. Si n est élevé. Le multiplicateur peut évidemment agir à la baisse si la balance est déficitaire (B<0). 3° en 1962, Charles Tiébout perfectionne son premier modèle de 1956. D’une part il aboutit à une formule du multiplicateur légèrement différente de celle du modèle précédent : [25] Avec propension marginale à importer des biens de consommation. D’autre part et surtout il introduit, à côté de la consommation et de la balance commerciale, le rôle de l’investissement. Soient : La propension marginale à investir le revenu ; La part de l’accroissement du revenu des investissements absorbés par des importations. [26] Enfin Tiébout distingue entre plusieurs formes d’investissement : L’investissement privé du secteur industriel et commercial, l’investissement public et l’investissement dans le secteur de la construction. On aboutit alors à des formules de multiplicateurs tenant compte :  Des propensions à consommer des produits locaux et à importer des biens extérieurs ;  Des propensions à investir dans les trois secteurs d’investissement distingués D’autres raffinements sont encore possibles. Plutôt que de les passer en revue, il est préférable de s’interroger sur la signification de ces multiplicateurs au regard des processus inducteur de la croissance urbaine. En effet, il manque un dernier maillon, dans la chaîne causale : celui reliant les accroissements de revenus aux accroissements de population urbaine. En l’absence de ce dernier maillon, la croissance urbaine est exprimée en termes de suppléments de revenus et non en termes de nouveaux habitants : la lecture keynésienne de la théorie de la base est moins directement opératoire. 1.3.1.6 Conclusion sur la valeur prédictive de la théorie de la base La théorie de la base a longtemps constitué l’archétype des modèles urbains. C’est pourquoi elle approfondi. On peut en marquer les limites par rapport à ses quatre hypothèses constitutives (H1 à H4 ; voire supra) : H1. Difficultés de ventilation et de mesure de l’emploi basique . H2. Constance des paramètres caractérisant l’intensité basique, alors que ceux-ci varient dans le temps et dans l’espace ; H3. Hypothèse de plein emploi de la population active disponible, qui apparaît contradictoire avec la genèse d’effets multiplicateurs. L’on sait depuis Keynes qu’il n’y a pas d’effet de multiplication de plein emploi ;
  • 22. H4. Constance supposée du taux moyen d’activité. Deux auteurs américains, Blumenfeld (1955) et Ferguson (1959), ont fait une brillante synthèse des principales critiques adressée à la théorie de la base.  Blumenfeld insiste principalement sur le fait que les activités basique et non basique induisent des accroissements différents de population totale par l’intermédiaire de coefficients de structure familiale particuliers. Finalement la théorie de la base ne permet la prévision qu’à condition de disposer de six informations : 1. Le niveau de vie moyen de la collectivité urbaine ; 2. La part importée des biens consommés ; 3. La perte ou le gain net la collectivité du à l’autres causes que la balance urbaine ; 4. Le coefficient familial dans les emplois basiques ; 5. Le coefficient familial dans les emplois non basiques ; 6. Le pourcentage d’inactifs qui ne dépendent pas des actifs, enfin.  La critique de Ferguson est plus incisive encore. Elle repose sur les caractéristiques de la fonction de production sous jacente à la théorie de la base. La prévision n’est possible à des exportations très restrictives :  Il faut un accroissement autonome des exportations . 1. La fonction des activités basique doit rester inchangée durant toute la phase d’adaptation à des exportations croissantes . 2. Les propensions marginales à consommer et à importer demeurent, elles aussi inchangée : il n’y a donc aucun glissement dans les goûtes des habitants de la ville qui les pousserait à modifier les proportions consommées entre biens locaux et biens exportable ; 3. La fonction de production des activités locale reste, elle aussi inchangée durant toute la phase d’adaptation à une demande locale croissante ; 4. Il reste des facteurs disponibles pour développer la production basique. Au regard de la condition 2, cela implique un stock de capital excédentaire dans les activités basiques ou des travailleurs inemployés ou, plus vraisemblablement, les deux. A la lumière de toutes ces critiques, peut-on prétendre que la théorie de la base est définitivement invalide ? Il est vrai que ce modèle repose sur des relations frustes, qu’il ignore le sol et considère l’offre des facteurs de production autres que le travail comme parfaitement élastique. Pourtant la relation de la base se recommande par sa simplicité : elle est souvent la seule relation d’induction de la croissance urbaine dont l’aménageur puisse disposer quant il s’interroge sur les perspectives de développement d’une ville nouvelles par exemple. En définitive la théorie de la base peut constituer un bon instrument de défrichement pour la prévision de la croissance urbaine. Il serait contestable et même dangereux d’en faire une explication théorique de la croissance des villes.
  • 23. 1.3.2. théorie de la croissance urbaine par étapes La théorie de la base, la théorie de la croissance par étapes peuvent être associées à la ville aussi bien qu’à la région. Cela montre sans doute leur souplesse, mais également leur fragilité : qu’une conception de la croissance s’adapte à des objets aussi différents (la ville, la région, voire la nation) montre qu’il s’agit de théories très « standard » reposant sur une définition simpliste de la ville. L’application aux villes de l’idée des étapes de la croissance peut sembler particulièrement contestable, car cela revient à penser que toutes les villes suivent un modèle d’évolution qui doit faire d’elles, tôt ou tard, des métropoles. C’est le cas de W. Thompson (1965) qui considère 4 phases :  la spécialisation dans une activité de la base qui lance le développement de la ville  une diversification progressive qui, de proche en proche, va élargir la base d’activités de la ville et crée un complexe d’activités.  Un processus de maturation tel que la diversification des activités progressant, la ville devient de moins en moins spécialisée,  Le stade de la métropole qui permet à la ville ayant attient ce niveau de dominer l’ensemble des villes moins avancées dans l’évolution. Doit-on penser que l’évolution prend alors fin, et que se trouve gelée l’évolution des autres villes ? Le Quebécois Fernand Martin précise ce modèle en distinguant plusieurs séries d’activités, depuis les activités de base jusqu’aux activités strictement résidentielles qui satisfont les besoins courants de la population. Ces activités doivent pour F. Marin se développer tour à tour (des plus « basique » jusqu’aux plus résidentielles). Le terme de l’évolution demeurant celui de la métropole régionale. Ces travaux présentent l’avantage de poser les bases d’une analyse diachronique des relations entre activités de la base et activités résidentielles, alors que la théorie de la base se borne à considérer que les deux types d’activités sont liés par des relations synchroniques. La théorie de la croissance urbaine par étapes monté que les villes peuvent se distinguer par l’extension relative des deux secteurs (basique et résidentiel) et tente de lier la relation qui les unit à une périodisation de leur développement. Cette relation n’est pas du tout certain, mais elle constitue une approche intéressante du développement urbain. Quelle que soit sa formulation, une théorie de la croissance par étapes relève des remarques faites plus haut (p. 118) : conception biologique des phénomènes sociaux idée de l’unité de destin de toutes les sociétés humaines (à des décalages temporels prés). L’analyse historique présente ici des dangers. Tous exemples choisis relèvent de l’expérience urbaine de l’Occident et ces conceptions partent de l’idée que la modèle des métropoles occidentales est le modèle unique. En ce domaine, l’approche historique montre ses dangers : pour des raisons de centrisme culturel, l’analyse ne considère que les villes principales des civilisations occidentales et considère leur succession
  • 24. historique, de Sumer à New-York, oubliant en fait les expériences extérieures à ce cadre culturel, omettant également le cas des villes de culture dominée, dépendante. On donne donc force de loi universelle au modèle de la ville-capitale du monde occidental. 1.3.3. L’analyse néo-classique de la croissance urbaine 1.3.3.1 Economies externes et développement urbain Les externalités, notion fréquemment analysée et discutée ont acquis en économie urbaine un droit de cité qui n’est guère discuté aujourd’hui. On en a fait la base de la définition même de la ville. J. Remy (1968) fonde sur elles son analyse du fait urbain, des auteurs marxistes les utilisent couramment. Avec les développements de l’analyse spatiale, les externalités ont fait l’objet de classification de Richardson, trois concepts :  Les économies internes d’échelle, propres à une entreprise,  Les économies de localisation, issues du regroupement de plusieurs entreprises appartenant à la même activité,  Les économies d’urbanisation qui découlent du groupement d’activités différentes, Elles ne sont pas mesurables et demeurent difficiles à appréhender. Qu’est ce qui, dans le fait urbain, est créateur d’économies pour les entreprises ? La minimisation des coûts de transports dont la décroissance réduit le poids ? La minimisation des coûts de communication ? On peut aussi classer les économies externes en fonction de l’agent bénéficiaire. Ainsi Jean Remy, comme d’autres, les économises allant aux consommateurs (liées à la proximité de nombreux offreurs de services, producteurs et commerçants) et les économies allant aux producteurs (du fait de la proximité d’un marché groupé) ; de même pourrait-on à la suite des travaux de François Perroux, distinguer les économies externes transmises horizontalement (proprement urbaines) à travers l’extension du marché, la diffusion des revenus et l’accroissement de la demande, et les économies transmises verticalement (d’une branche à l’autre par des échanges directs). Pour de nombreux auteurs, la ville accroit ainsi l’efficacité des combinaisons productives. Barr (1972), Svenkauskas (1975) ont proposé des fonctions production incorporant un facteur d’échelle : outre la quantité de capital, la productivité serait fonction du volume total de l’emploi (ou de la population) d’une façon voisine, on insiste fréquemment sur le fait que les villes sont le siège privilégie des innovations. Aussi bien historiquement (les progrès techniques paraissent liés au développement de l’urbanisation) que logiquement (les contacts que secrète la ville mettent en évidence les besoins nouveaux), la somme procédés qui se concentre dans les villes permet de créer les biens et les procédés nouveaux qui permettent leur satisfaction. Alan Perd (1977) voit dans la croissance des villes un processus de feed-back reposant sur l’adaptation et la diffusion de l’innovation, le multiplicateur de la base économique et les économies d’agglomération engendrant un processus de développement ans cesse relancé par le progrès technique.
  • 25. 1.3.3.2 Commentaires Les ambiguïtés ne manquent pas quant on tente de rendre compte de phénomènes économiques à l’aide du concept d’économies externes. Mal définies, non mesurables, elles souffrent d’apparaitre comme la trop facile réponse à des problèmes que l’on ne parvient pas à résoudre autrement. Il certain que la proximité d’un grand nombre de partenaires (ménages, entreprises…) peut apporter des avantages et aussi des inconvénients. S’il n’y a que deux abonnés au téléphone l’intérêt au téléphone n’est pas considérable. Si avec mon appareil, je peux appeler un million de personnes, sans que j’ai rien fait de plus je tire du téléphone de bien plus grands avantages. Cela est certain mais ne suffit peut-être pas à rendre compte de la formation des villes de leur croissance du ralentissement de celles-ci à partir d’un certain niveau ? On verra dans quelle mesure l’usage universel des externalités ce concept « attrape tout » selon Richardson, est une commodité bien contestable. Plus généralement, on se trouve ici dans un domaine où il est facile de confondre la cause et l’effet ; ainsi quant on voit dans les villes le siège et le facteur créateur des innovations. L’innovation est-elle le fruit de la grande ville, ou bien celui de grandes entreprises ou de grands instituts publics qui localisent, par ailleurs, leurs laboratoires dans les villes ? Une autre forme d’organisation, d’autres choix technologiques, d’autres modalités de transmission des instructions ou des informations, pourraient justifier une dispersion de la recherche en dehors des grandes villes. C’est, en partie, ce qui advient depuis peu. Si la région parisienne possède depuis longtemps plus de la moitié de la recherche française, les autres centres majeurs de la recherche scientifique se trouvent dans des villes qui ne sont pas les plus grandes (Axi en Provence, Nice, Toulouse, Grenoble, et même Sophia Antipolis dans les Alpes Maritimes). N’a-t-on pas tort de considérer comme un atout de la ville –et de la grande ville- le fait qu’elle concentre des activités variées pour des raisons qui tiennent moins aux économies externes qu’elle est supposée sécréter qu’à la localisation du pouvoir économique ? Que certaines activités se développent en ville ne signifie pas que les villes les ont suscitées. Cela peut signifier que le système économique les y a localisées pour des raisons qui peuvent être très variées… Il est enfin douteux que les externalités qui tiennent aux relations économiques entre agents soient nécessairement créées par la proximité. Aves les progrès dans les techniques de communication, les mêmes effets peuvent intervenir à distance et donc briser à terme la relation entre économies externes et ville.
  • 26. 1.4. Les modèles interactifs de transport et d’occupation des sols : principes , apports et limites 1.4.1 La nécessaire de prise en compte des interactions entre transport et occupation des sols L'influence du développement urbain sur l’évolution de la mobilité est un processus largement admis. Depuis les années 60, les plans de transports ont été influencés par l'idée que les équipements en matière de transport doivent être adaptés à l'utilisation des sols. Toutefois, la perspective de l'interaction entre l'occupation des sols et les transports s'est élargie depuis que LOWRY (1964) a postulé que les équipements de transports conditionnent eux-mêmes l'utilisation des sols. Pourtant, l'idée d'une interaction entre l'utilisation des sols et les transports ne s'est introduite qu'assez lentement dans les études de planification. Il apparaît que les changements que connaissent les villes ont des incidences sur les déplacements et l'offre de transport, lesquels affectent à leur tour la façon dont les villes évoluent. La demande de déplacement est une demande dérivée, intermédiaire. L’espace crée une séparation spatiale entre les agents qui désirent interagir en vue d’accroître leur utilité. L’interaction spatiale se réalise via le réseau de transport. Les besoins de déplacements naissent ainsi des besoins d'échanges. Il existe des liens étroits entre la structure du système de transport et l’organisation géographique de l’espace concerné par les interactions. Si les structures urbaines viennent à changer (c'est le cas avec le mouvement de périurbanisation), la demande de déplacement s'en trouve modifiée. En retour, dans la mesure où les décisions de localisation des acteurs urbains sont en partie déterminées par les coûts relatifs de transport, des conditions de transport peuvent avoir à long terme des effets sur la structure des localisations des individus. Si l'influence des structures urbaines sur la demande de déplacements est largement acceptée et modélisée, en revanche, l'influence des transports sur la localisation des individus et des activités et plus généralement sur les formes urbaines n'est pas totalement reconnue. Si l'on reconnaît son rôle non négligeable sur l'évolution historique des formes urbaines6, cette action ne présente pas un caractère automatique et univoque et ne peut s'observer que sur un horizon de long terme. Cependant, certains auteurs, comme WIEL, soulignent que "c’est la gestion des déplacements qui induit l’évolution urbaine beaucoup plus que l’inverse, bien sûr en interférence avec une multiplicité d’autres évolutions. Le moteur de la transformation de la ville n’est plus ou n’est plus seulement la croissance démographique mais la mobilité" (WIEL, 1994). Il ressort que l'évolution future des déplacements doit être envisagée en considérant les tendances lourdes socio-économiques affectant la mobilité des agents, le développement des différents réseaux de transport, mais aussi en considérant les rétroactions potentielles sur le système d’occupation des sols. Parce que ces interactions sont extrêmement complexes, la seule façon pratique d'évaluer les impacts des politiques
  • 27. est d'utiliser un modèle mathématique basé sur une compréhension approfondie des mécanismes à l'œuvre. C'est l'objet des modèles interactifs de transport et de localisation3. Ces modèles puisent à la fois dans les modèles de prévision de la demande de transport et dans les différentes traditions de modélisation du développement urbain : les modèles de la microéconomie urbaine et les modèles d’interaction spatiale qui s’appuient sur des analogies aux sciences physiques. A ce titre, les principes de ces modèles peuvent être rappelés en insistant particulièrement sur la façon dont ils rendent compte de la relation entre les transports et les mécanismes d’occupation des sols. 1.4.2 De la prise en compte de la relation entre transport et occupation des sols dans les modeles urbains 1.4.2.1 L'approche de la microéconomie urbaine Les travaux fondateurs de ce champ, c'est-à-dire les contributions de VON THÜNEN (1826), WINGO (1961), ALONSO (1964), et par la suite le courant de la Nouvelle Economie Urbaine, essayent de comprendre le fonctionnement d'une ville à partir d'une approche analytique. Les modèles de la NEU se préoccupent en particulier des comportements des ménages en termes de choix de localisation résidentielle et de formation des prix fonciers. Les hypothèses générales posent que la ville est circulaire, mono-centrique et implantée sur une plaine isotrope, les emplois sont regroupés au centre (Central Business District). La distance au centre est la seule variable de différenciation des sols. Elle est analysée en termes de coût de transport. Cette conception de la distance, freins aux déplacements, confère aux transports un rôle majeur. Les ménages ne se déplacent que radialement de leur lieu de résidence vers leur lieu de travail (le centre), et un seul mode de transport est considéré. Les ménages se localisent de façon à maximiser leur niveau d'utilité sous contrainte de budget spatialisé (par l'incorporation du prix du sol et des coûts de transport, fonctions explicites de la distance). Les coûts de transport du ménage sont l'élément central de son arbitrage entre sa position dans l'espace et la valeur du sol qu'il est prêt à payer. ALONSO (1964) décrit un processus d'enchères. Les enchères, qualifiées d’enchères de localisation dans la mesure où ce qui est convoité n'est pas le sol en lui-même mais sa distance au centre, reflètent l'arbitrage du ménage entre le niveau d'utilité et le prix du sol qu'il est prêt à payer (ce prix est fonction de la distance au centre et du type de logement). L’augmentation des coûts de transport entraîne une baisse des revenus nets dans la ville, donc un moindre "prix de réserve" pour les enchères, ce qui se traduit immédiatement par une plus grande désirabilité des localisations centrales, permettant d'économiser ces coûts. La pente de la rente de marché s'accroît et la taille de la ville se réduit. Inversement, lorsque le coût de transport s'abaisse cela a pour effet opposé de rendre le profil de rente plus aplati et d'augmenter la taille de la ville (GANNON, 1992). Ainsi, une amélioration des transports abaisse les valeurs foncières au centre tout en les augmentant à la périphérie, ce qui a pour effet d'ouvrir de nouveaux terrains à l'urbanisation et d'étendre le tissu urbain. De 3 Ces modèles sont également nommés "modèles intégrés de transport et d’occupation des sols". Nous emploierons ces deux dénominations de façon indifférente.
  • 28. même, WINGO (1961) donne une position centrale au rôle des transports dans son ouvrage "Transportation and urban land". Il suppose que le marché des valeurs foncières est conditionné par les transports urbains. Son modèle a l'intérêt de prendre en considération un coût généralisé de transport (et non plus simplement un coût de transport fonction linéaire de la distance au centre), ensemble des dépenses monétaires de transport et de la valeur attribuée au temps de trajet. Son modèle aboutit à établir qu'une amélioration du réseau de transport se traduit par une diminution des valeurs foncières et des densités résidentielles et par une extension des limites de la ville. Il établit ainsi le lien entre transport et croissance urbaine. Devant le caractère réducteur des hypothèses des modèles élémentaires de la NEU concernant la représentation du système de transport (système radial, monomodal, homogénéité des coûts de transport), divers auteurs ont tenté d'améliorer le modèle initial en levant certaines hypothèses. Un des premiers à avoir davantage pris en compte les transports est MILLS (1967) en introduisant dans son modèle le secteur des transports en tant que secteur de production. KRAUSS (1974) conserve l'hypothèse d'un seul mode de transport mais complète le système radial par un nouveau réseau routier circonférentiel. De son côté, CAPOZZA (1973 ; 1976) distingue deux modes de transport qui se différencient selon la combinaison des facteurs capital et sol qu'ils incorporent. D'un côté, le métro se caractérise par une technologie capitalistique, économisant le facteur terre ; de l'autre, la route utilise le facteur terre de manière intensive mais économise le facteur capital. Etant donné les prix relatifs des facteurs, le métro doit être construit près du centre urbain et combiné au réseau routier. En dehors de cette zone intérieure, seul le réseau routier se maintient. D’autres modèles visent à introduire la congestion8. Dans les premiers modèles intégrant la congestion, on suppose que le degré de congestion diminue au fur et à mesure que l’on s’éloigne du centre. Cela induit une augmentation du coût de transport plus forte près du centre d’emplois où la congestion du trafic est importante et moins fortement à la périphérie où l’encombrement est négligeable. Etant donné la relation de complémentarité entre la rente foncière et les coûts du transport, on peut dire que la situation de rente diminue plus fortement près du centre et moins fortement à la périphérie du fait de la congestion (BONIVER, 1979). DERYCKE et GANNON (1990) produisent un modèle qui introduit le phénomène de congestion comme une source d’externalité négative. Ils parviennent donc à la conclusion suivante : le profil des rentes foncières de l'agglomération reflète celui des coûts de transports et peut être non convexe : le marché foncier ou résidentiel intègre dans ses prix les niveaux de coûts de congestion4, qui viennent eux-mêmes perturber l'allure de la courbe des coûts de transports généralisés. A l'équilibre, les ménages vont incorporer les nuisances que la congestion leur fait subir, en termes de temps perdu dans les encombrements, et leurs enchères sur les marchés fonciers et résidentiels seront telles qu'elles favoriseront la hausse des prix aux endroits où la congestion induit la perte de temps la plus faible, d'une part, et où l'économie réalisée sur le plan des nuisances l'emporte sur les 4 Lorsque l’on introduit la congestion dans le modèle de la NEU, cela revient à considérer que les routes sont des services collectifs caractérisés par un seuil d’encombrement au delà duquel l’utilisation de la route par un individu additionnel a un effet pervers pour tous les autres utilisateurs qui se traduit par une perte de temps.
  • 29. dépenses supplémentaires de transport liées à l'éloignement du centre-ville d'autre part, toutes choses égales par ailleurs. D’autres auteurs, enfin, se sont appliqués à montrer l’existence d’effets de capitalisation dans les biens fonciers et immobiliers du réseau de transport. Le réseau de transport peut être considéré comme un support opérant sur une surface. Les agents localisés sur cette surface ne sont pas indifférents à leur position par rapport au réseau et aux polarisations qu’il engendre et vont donc se concurrencer pour occuper certaines zones à l’intérieur de la surface. Cette concurrence pour l’occupation du sol se traduit dans la fonction des marchés immobiliers. Si les agents valorisent l’accessibilité au réseau et à ses pôles, ils sont prêts à surenchérir pour occuper le sol à proximité de ces localisations. A l’équilibre du marché foncier, la différence de prix entre deux biens fonciers identiques, sauf pour ce qui est de leur localisation, est égale à la valeur de la différence d’accessibilité au réseau. On dit que les prix fonciers et immobiliers capitalisent la valeur du bien public qu’est le réseau. ANAS (1985) a tenté d’intégrer cet effet de capitalisation dans un modèle visant à rendre compte de l'impact d'une amélioration des transports sur les valeurs des biens immobiliers en milieu urbain. Ce principe est repris dans quelques modèles interactifs. Plusieurs modèles interactifs de transport et de localisation sont fondés sur l'approche de l'économie urbaine. En particulier, les modèles de DE LA BARRA (1989), TRANUS, et celui de MARTINEZ (1992), 5-LUT, appuient leurs mécanismes d'occupation des sols sur les concepts développés par la NEU, en essayant cependant d'apporter des adaptations par rapport aux exigences de l’opérationnalité. Deux améliorations sont développées dans ces modèles, la première consiste à introduire les apports des modèles de choix discrets (décrits en première partie) en considérant non plus une fonction d'utilité totalement déterministe mais comportant un caractère aléatoire. La deuxième extension vise à remettre en question le caractère trop statique des modèles de la NEU parfois dénoncé (BONIVER, 1979). "Tous les modèles considérés sont des modèles statiques de long terme. Or toute situation d'équilibre est en fait le résultat d'une évolution plus ou moins longue. L'analyse statique ne suffit donc pas mais doit être complétée par une analyse dynamique qui tiendrait compte du caractère durable de l'infrastructure urbaine ainsi que des anticipations venant affecter les décisions des ménages. La NEU se heurte cependant à la difficulté d'inclure à la fois le temps et l'espace dans un modèle continu". 1.4.2.2 L'approche des modèles d'interactions spatiales La seconde tradition de la prise en compte des transports et des localisations des individus et des activités réside dans les modèles d'interactions spatiales. Leur contenu théorique est nettement plus négligeable que les précédents modèles, mais leur objectif principal est l'application empirique. Il existe une littérature abondante sur les modèles d'interaction spatiale. Les premiers travaux dans ce domaine renvoient aux contributions de REILLY (1931), HOYTT (1939), STEWARD (1948), ZIPF (1949), CONVERSE (1949), CLARK (1951), ISARD (1956). Les fondements de ces modèles s’inspirent principalement d’analogies aux sciences physiques et à la thermodynamique.
  • 30. Les premiers modèles d'interaction spatiale se sont basés principalement sur l'analogie gravitaire. Dans ces modèles, les sols occupés par des activités sont définis comme des unités d'espaces agrégés ou des zones, contenant un certain nombre d'activités. Ces agrégats interagissent, générant des flux de nature diverse, qui peuvent être des flux concrets comme les déplacements, les migrations, les transports de marchandises ou de façon plus abstraite, comme des dépendances, des diffusions, des opportunités. Chaque zone est décrite selon un nombre d'attributs. Les zones sont reliées aux autres par des infrastructures de transport. La forme gravitaire des modèles d'interaction spatiale établit l'interaction entre deux zones en proportion avec le nombre d'activités dans chaque zone (masse) et en proportion inverse à la friction imposée par une infrastructure particulière qui les connecte entre elles. Une première étape dans cette direction est représentée par les travaux de HANSEN (1959) qui tout en utilisant l'analogie gravitationnelle élabore un modèle de localisation des résidents comme fonction d'accessibilité aux emplois. Le modèle le plus connu est celui de LOWRY (1964). Il peut être considéré comme le premier modèle, visant l'opérationnalité, à introduire le système de transport comme fortement structurateur des formes urbaines, et donc le fondateur des modèles intégrés. La logique interne du modèle de LOWRY consiste en une fusion de deux hypothèses théoriques : la théorie de la base économique urbaine et le principe d'interaction spatiale, sous la forme de deux modèles de potentiel gravitationnel à contrainte unique, utilisés pour loger d’une part, la population autour des lieux de travail (modèle résidentiel) et d’autre part, l'emploi de service autour des résidences et des lieux de travail (modèle de localisation des services). L'hypothèse sous-jacente à la logique de localisation est la recherche de la proximité : le choix du lieu résidentiel est guidé par les seules considérations d'accessibilité aux lieux de travail et le choix de localisation des services se réalise en fonction de la proximité à la clientèle potentielle (CAMAGNI, 1996). Les modèles d'interaction spatiale dérivent également de l’analogie à la thermodynamique avec les travaux de WILSON (1970) sur la maximisation de l'entropie. Il modélise, sur la base d'un modèle de maximisation de l'entropie à double contrainte, la distribution des déplacements. Cette approche apporte des bases théoriques statistiques plus solides aux modèles précédents. En outre, plus récemment, ANAS (1983) a montré que le modèle logit multinomial résultant de la maximisation de l'utilité aléatoire de la théorie des choix discrets, était, à un niveau similaire d'agrégation, formellement équivalent au modèle de maximisation d'entropie proposé par WILSON. Ceci permet d'apporter aux modèles d'interaction spatiale les fondements théoriques économiques qui leur faisaient défaut. De nombreux modèles d'interaction de transport et de localisation s'inspirent de la logique du modèle de LOWRY en y apportant les améliorations qu'il convient. Très tôt, ECHNIQUE (1975) combine un modèle de localisation à la LOWRY et un modèle de transport à quatre étapes. On rencontre également le modèle de BERECHMAN (1980), et les modèles plus élaborés ITLUP (1971), LILT (1974), MEP (1968) et OSAKA (1981).
  • 31. 1.4.3 Principes et caractéristiques des modèles interactifs de transport et de localisation L'originalité essentielle de cette approche est de souligner l'importance dans le processus de planification d'intégrer les interactions entre le transport et l'occupation des sols. Les modèles interactifs de transport et de localisation obéissent à certains grands principes dans leur structure. Cependant, ce type de modèle est loin d’être institutionnalisé, et on rencontre une grande diversité de leurs bases théoriques, de leurs techniques de modélisation, des niveaux de désagrégation de l’analyse, et même de leurs objectifs. 1.4.3.1 Les principes généraux des modèles interactifs de transport et d’occupation des sols Les modèles intégrés s'efforcent de produire un mécanisme à travers lequel les effets indirects causés par le développement d'un système peuvent être transférés comme entrées dans la simulation de l'autre système. Les propriétés essentielles de ces modèles sont de pouvoir modéliser à l'échelle d'une agglomération, les conséquences de diverses politiques de développement de réseaux de transports, de variations des coûts de transports, de politiques de régulation de l'usage des sols, etc. Dans ces modèles, la région urbaine est représentée comme un ensemble de zones discrètes. La dimension temporelle est représentée en subdivisant le temps en périodes de temps discrètes (entre 1 et 5 ans). Dans la plupart des cas, ce sont des modèles de simulation récursifs. Les modèles interactifs de transport et d’occupation des sols se fondent sur le concept que l’interaction des activités dans l’espace induit la demande de transport en retour, l’accessibilité qui résulte de l’équilibre entre la demande et l’offre de transport conditionne la façon dont les activités entrent en interaction. Ainsi, l’espace géographique crée une séparation entre les agents localisés qui désirent interagir en vue d’accroître leur utilité ; le transport est la matérialisation mais aussi un élément contraignant ces besoins d’échange. Une structure dynamique met en relation les deux systèmes de transport et d’occupation des sols (Figure1). L’influence des conditions de transport sur les localisations urbaines est un feed-back retardé : les accessibilités de la période 1 affectent les localisations des activités et des individus dans la période 2. Ainsi, un changement dans le système de transport, tel qu’une nouvelle route ou un système de transport collectif lourd, aura un effet immédiat sur la demande de déplacement mais n’affectera le système de localisation et ses interactions seulement une ou plusieurs périodes de temps après. Figure 1 : Les relations dynamiques entre le système des transports et le système d’occupation des sols Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996).
  • 32. Les modèles interactifs présentent un certain nombre de rétroactions (Figure1). Figure 2 : La structure générale des modèles d’interaction entre transport et occupation des sols Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996). 1.4.3.2 Une grande variété de modèles Depuis les années 70, un grand nombre de modèles intégrés très divers a été élaboré par différentes équipes scientifiques dans différents pays. Le Tableau 1 donne une illustration des études réalisées dans ce domaine. De nombreuses avancées ont été faites dans l'objectif de formuler un cadre théorique approprié à l'explication des comportements de choix spatiaux et par rapport aux techniques empiriques de calibrages de ces modèles. Au-delà d’une certaine uniformité, il existe des différences significatives entre les fondements théoriques des modèles, des techniques de modélisation, des variables introduites, des lois comportementales et même des objectifs poursuivis.
  • 33. Tableau 2 : Les principaux modèles intégrés développés Source : D’après DE LA BARRA (1996), « Optimising technics in activities transports models », In HAYASHI, ROY (1996) Tous les modèles n’introduisent pas le marché des sols de façon totalement endogène. Une autre source de différenciation est le degré de désagrégation intégré par le modèle. On rencontre ainsi des modèles très désagrégés, comme TRANUS ou 5-LUT, qui tentent de rendre compte de l’ensemble du processus complexe de choix de décideur en fonction des alternatives qui s’offrent à lui. Dans ce cas, les modèles se fondent sur des techniques de modélisation assez complexes et leurs bases théoriques s’appuient sur l’analyse de l’économie urbaine intégrant l’apport de la théorie des choix discrets. Les modèles plus agrégés visent à produire les conditions générales du système de transport, les tendances d’urbanisation et les flux de déplacements. Ils se basent essentiellement sur les modèles d’interactions spatiales. En outre, suivant les objectifs que poursuit le modélisateur, le modèle place l'accent sur des variables du système urbain et des interrelations différentes. Par exemple, si l’objectif essentiel est de rendre compte des mécanismes d’occupation des sols, la représentation du système de transport peut être très réduite. Ainsi, le modèle consistera essentiellement en un modèle de localisation des activités et des individus, certes sur la base de calculs d’accessibilités, mais sans véritable référence au fonctionnement du système de transport. Il ne prendra pas en compte les problèmes de choix modal, les choix d’itinéraires et l’effet de la congestion. Cependant, les modèles, afin de rendre pleinement compte des interactions
  • 34. possibles, doivent intégrer un module de transport relativement bien détaillé, en particulier un module d'affectation capable de répercuter les modifications des conditions de transport face aux modifications d'une part de la demande de transport et d'autre part de l'offre. 1.4.4 Les enseignements et limites des modèles Un bilan critique doit être dressé à propos de ce type de modèles. Dans un premier temps, nous relaterons des résultats d’une procédure d’évaluation entreprise par plusieurs équipes scientifiques consistant à comparer les principaux modèles développés. Cette étude tente d’apporter un éclairage quant aux performances de ces modèles en leur appliquant une série de tests. Dans un deuxième temps, nous porterons un regard critique plus général en reprenant la grille de lecture proposée par BONNAFOUS (1972) de jugement de l’opérationnalité des modèles. 1.4.4.1 Un essai d’évaluation : les travaux de l’ISGLUTI Le nombre et la diversité des modèles intégrés développés appelaient un bilan sur les performances de ces modèles. C'est sous l'impulsion du United Kingdom Transport and Road Research Laboratory qu'un programme de collaboration internationale, lancée dans les années 80 avec plusieurs universités, s’est créée afin d'effectuer une étude comparative sur les principaux modèles disponibles. Les différentes équipes de recherche ont été regroupées au sein de l'International Study Group on Land Use / Transport Interaction (ISGLUTI). L'étude a débuté en 1981 et a réuni des chercheurs de huit pays et étudié neuf modèles opérationnels5. Malgré les différences des modèles tant dans leurs objectifs, leurs formes et les méthodes auxquelles ils recourent, les auteurs de cette étude ont estimé que ces modèles produisaient des résultats partiellement comparables et sur lesquels une évaluation de leurs performances pouvait être réalisée. L'étude a procédé en deux phases. La première consiste à comparer les modèles existants, leurs structures, leurs mécanismes, et leurs performances, ainsi que d'évaluer leur sensibilité à un ensemble de mesures d'usage des sols et de transport. Pour des raisons pratiques, chaque modèle a été appliqué à la ville sur laquelle il avait été calibré au départ (WEBSTER, PAULLEY, 1988). Les résultats de la première phase ont permis d'éclairer les performances de chacun des modèles et les améliorations qu'ils devaient recevoir. Les principaux enseignements des tests mettent en évidence que la localisation endogène des activités semble être une nécessité difficilement contournable (les modèles introduisant la localisation de façon exogène produisent en effet des variations d'amplitude plus importante que ceux qui les endogénéisent) ; le recours à des méthodes de modélisation trop rudimentaires conduit à des résultats dont la pertinence est inférieure à celle des autres ; la désagrégation de la population en différentes catégories ainsi que celle des activités paraît être relativement importante dans la qualité des résultats (DUCHIER, 1991). 5 Les neuf modèles étudiés sont les suivants : TOPAZ (1970), DORTMUND (1977), CALUTAS (1978), OSAKA (1981), AMERSFOOT (1976), SALOC (1973), LILT (1974), MEP (1968), MEPLAN (1988) et ITLUP (1971).
  • 35. Cependant, cette première phase d’évaluation s'est heurtée au problème de la forte influence des données implémentant chaque modèle, et de façon plus fondamentale, de l'influence du type d'agglomération, sa structure, la configuration de son réseau de transport, sur les résultats. La deuxième phase a essayé de surmonter ces difficultés. Elle a consisté à appliquer, premièrement, un même modèle à des villes différentes, et deuxièmement, différents modèles à une même ville. Différents tests ont été appliqués (impacts de l’évolution de la structuration urbaine et du système de transport, effets des changements de localisation des activités industrielles, sous contrainte d’usage des sols, conséquences des variations dans les coûts et les temps de transport). Un des premiers enseignements de la deuxième phase est qu'en effet, un même modèle appliqué à des villes différentes ne donne pas les mêmes résultats, ce qui confirme l'existence de différences entre les villes, résultant d'une structuration spatiale différente, d'habitudes de comportements différentes. La seconde partie du test, consistant à appliquer plusieurs modèles à une même ville, et représentant un test relativement rigoureux, s'est révélé délicate. Les chercheurs se sont en effet confrontés au problème de la non transposabilité parfaite de certains modèles à d'autres villes sur lesquelles ils n'avaient pas fait l'objet d'un premier calage du fait de la non disponibilité des données à un niveau de détail approprié pour satisfaire les performances du modèle. De façon générale, les auteurs de l'étude concluent que ces modèles sont utiles pour un certain nombre de tâches clairement définies et apportent des lumières nouvelles sur les impacts d'un certain nombre de politiques urbaines. Sur certains résultats, une divergence dans les réponses des modèles a pu être observée, à la fois dans l'intensité de la réponse, mais aussi parfois sur le sens de la réponse. Cela souligne les différences fondamentales des modèles dans la construction de leurs causalités mais pose la difficulté de savoir quel est le modèle le plus pertinent. Cependant, cette divergence n'a pas été observée très souvent, et dans tous les cas, elle est plutôt due à des problèmes dans l'application des modèles (qualité des données insuffisante, calibrage et validation inadéquate) que des problèmes de définition des mécanismes de comportements et de causalités. Du côté des impacts des mesures des politiques, l'ISGLUTI a été capable de confirmer un certain nombre d'effets bien connus, et d'éclairer les chercheurs sur des effets moins connus à long terme. Il est apparu que les utilisateurs de l'automobile ne sont pas beaucoup affectés par les changements dans les coûts d'utilisation de la voiture particulière. En revanche, les modèles ne parviennent pas à une conclusion convergente sur les impacts des modifications des coûts de transports sur l'occupation des sols. Cependant, la plupart montrent un effet minime des politiques de transports sur les mouvements globaux de population, malgré le rôle historique qu’on leur reconnaît. Cela est probablement lié au fait que les villes modernes ont déjà un système de transport bien développé, ainsi la portée des améliorations générales dans l'accessibilité est limitée. Il semble, qu'eu égard aux résultats de l'étude ISGLUTI, les modèles interactifs de transports et des localisations soient plus largement acceptés qu'auparavant6. Cependant, cette série de tests ne constitue 6 On peut souligner à ce titre qu'une tentative d'application d'un modèle d'interactivité sur une agglomération française (Lyon) est en cours actuellement. Ce projet, initié par le CERTU, vise à appliquer le modèle TRANUS, développé par DE LA BARRA.
  • 36. pas vraiment une procédure de recherche de validité de ces modèles. L'ultime test de validation consisterait en l’application de ces modèles de manière rétrospective afin de tenter de reproduire l'évolution du système urbain sur une longue période. Cette solution se heurte à la disponibilité des données nécessaires à ce travail (manque de données historiques dans de nombreux domaines). Une autre solution serait de tester un programme d'investissement majeur en transport, et d'effectuer une confrontation entre les résultats simulés et les effets effectivement observés. Mais cela nécessite une procédure lourde et coûteuse (par exemple, la mise en place d'un observatoire de ces effets). 1.4.4.2 De l’opérationnalité des modèles interactifs Les modèles interactifs de transport et de localisation visent clairement l’opérationnalité. Ainsi, ils se heurtent nécessairement au triptyque des trois conditions de cohérence, pertinence et mesurabilité (BONNAFOUS, 1972). Ils visent en particulier une plus grande pertinence en regard de leur objectif, celui de rendre compte des évolutions du système urbain face à des stimuli de plusieurs types. Cela les conduits à introduire des variables ou des mécanismes supplémentaires qui posent souvent des difficultés de mesures et des problèmes de cohérence. Ces modèles sont souvent confrontés au manque de données disponibles, ce qui les contraint parfois à réduire le nombre de leurs variables et donc à perdre en pertinence. Malgré une amélioration des bases de données disponibles notamment dans le domaine des déplacements (avec les enquêtes ménage de déplacements par exemple), il n’en demeure pas moins que ces bases restent insuffisantes tant dans leur qualité que dans le recul temporel qu’elles permettent. En effet, on ne peut que déplorer l’absence de séries temporelles dans ce domaine. En ce qui concerne le champ de l’occupation des sols, les mêmes problèmes se rencontrent, en particulier quant à la connaissance des marchés fonciers et immobiliers. Quant au problème de la cohérence, l'insuffisance de bases théoriques solides subsiste encore, en particulier dans les modèles les plus rudimentaires fortement agrégés et mettant en œuvre une simplification abusive des mécanismes. Cependant, l'intégration de la théorie des choix discrets dans la plupart des modèles les plus récents permet d'une certaine façon de surmonter cette difficulté, en apportant des bases théoriques assez bien établies et une meilleure prise en compte des comportements réels des agents.