Article dans Béton[s] Le Magazine N°61 novembre-décembre 2015

1. «
LeBIMillustrel’émergencedesnouvellestechnologies
de l’information et de la construction dans le BTP.
L’industrie mécanique, l’automobile et l’aéronautique
mettent en œuvre ces outils depuis plus de trente ans »,
explique Jean-Yves Vétil, directeur de Tekla France. Le
BIM (Building Information Modeling ou modélisation de
l’information de la construction) repose sur l’utilisation
partagéeetcollaborativedebasesdedonnéesd’informations
relatives à un ouvrage projeté. Ces bases contiennent des
objets en 3D, visualisables, enrichis par leurs caractéristiques
dimensionnelles et leurs performances. Par exemple : un
mur, un poteau, une dalle, une fenêtre, un équipement
électrique... Avec, pour chacun, ses dimensions, ses
caractéristiquesthermiques,acoustiques...Cesontcesbases
de données qui permettent l’élaboration de la “maquette
numérique” d’un ouvrage.
Supprimer les erreurs… Une élaboration
collaborative qui implique toutes les fonctions : maîtrise
d’ouvrage, maîtrise d’œuvre, bureaux d’études structure,
bureaux d’études techniques, entreprises, gestionnaires...
Et ceci pendant toutes les phases de la construction :
conception, réalisation, exploitation et – pourquoi pas ? –
déconstruction, recyclage… De plus, cette maquette est
évolutive, car elle est enrichie, au fur et à mesure, par les
[©DR]
BIM et béton
la machine se met
en route
Le BIM va modifier en profondeur les relations entre les intervenants de la
construction. Autour de la maquette numérique, les acteurs vont devoir communiquer
et s’entendre très en amont des projets. Comment se situent les professionnels
du béton dans cette nouvelle organisation ? Et les entreprises ?
intervenants. « A chaque stade, il est indispensable d’avoir
accès à la bonne information au bon moment, ni trop,
ni trop peu », souligne Christian Herreria, président de la
commission “Marché bâtiment” de la Fib (Fédération de
l’industrie du béton). L’application du BIM en France est liée
au Plan transition numérique dans le bâtiment (PTNB), qui
vise à accélérer le déploiement des outils numériques à
l’échelle du secteur du bâtiment.
Quid des moins équipés ? La profession
accorde au BIM de nombreux avantages. La collaboration
des acteurs très en amont du projet permet « la réalisation
d’un prototype ou une représentation virtuelle », détaille
Thierry Palvadeau, directeur général du bureau d’études
structure Serba. Optimisés, les projets sont censés offrir une
qualité globalement améliorée, être plus performants sur
le plan énergétique. Les délais de réalisation sont réduits
par l’amélioration de la préparation du chantier. « Mais la
phase de conception est allongée », fait remarquer Thierry
Palvadeau. Au total, estime le directeur général, le temps
du process total demeure peu ou prou inchangé. « Le BIM
devra supprimer les erreurs de conception trop coûteuses
danstouteslesphasesdel'actedeconstruire»,pointeDidier
Brosse, président de l’UMGO (Union de la maçonnerie et du
gros œuvre). Et Jean-Yves Vétil, de poursuivre : « L’entreprise
pourra fiabiliser ses quantitatifs, les plannings de coulage
du béton ». Il évoque également les liens possibles avec la
topographie:«Onpeutfaireremonterlespointsrelevésdans
la maquette ou, à l’inverse, définir des points importants,
caractéristiques et les envoyer aux outils d’implantation ».
« Le réseau des métiers et des entreprises dans le BTP est
très morcelé, avec beaucoup de PME. Et leur équipement
en logiciels reflète cette variété », constate Jean-Yves Vétil.
Premiersoucidonc :fairecommuniquerentreeuxleslogiciels
despartenairesd’unprojet.C’estd’autantplusimportantqu’il
faudra créer un nombre considérable d’objets en 3D. « Les
métiers sont plus ou moins avancés par rapport au BIM.
Beaucoup d’architectes travaillent encore en 2D, de même
beaucoup de bureaux d’études de corps techniques »,
indique le directeur de Tekla France.
Maquette
numérique de
la piscine de
Saint-Nazaire (44).
Ce projet a reçu
le BIM d’or 2014
du Moniteur.
Architecte :
agence Coste. BET
structure : Serba.
En couverture
28 BETON [S] N°61 – NOV/DEC 2015

2. La préfabrication prépare ses bases.
Parmi les fournisseurs du bâtiment, les industriels de la
préfabrication et les armaturiers paraissent en avance. « C’est
génétique, ils utilisent des modeleurs 3D pour automatiser
leurs process de fabrication », observe Jean-Yves Vétil. Il n’en
est pas forcément de même dans les entreprises, mais le
BIM ne doit pas exclure les moins équipés. « On ne va pas
écarter le très bon artisan du coin sous prétexte qu’il n’est
pas équipé en 3D, remarque Thierry Palvadeau. Un croquis
peut alimenter la maquette numérique ! » Ce qui pousse
Didier Brosse à déclarer : « Le bâtiment 2.0 ne peut pas – et
ne doit pas – se passer de notre savoir-faire et de la valeur
ajoutéedesentreprisesdemaçonnerieetdugrosœuvre…»
« Nous voyons tout l’intérêt du BIM, commente Christian
Herreria. Nous pourrons partager davantage, travailler plus
vite. » Mais il faut se préparer. « Nos entreprises diffusaient
leurs catalogues de produits auprès des prescripteurs,
avec des onglets en fonction des métiers de l’interlocuteur.
Aujourd’hui, ces classeurs devront être embarqués dans la
maquette. » La Fib travaille à présent à aider les industriels à
décrire de façon structurée et correcte leurs produits et, en
particulier, à créer les produits “génériques” de l’industrie du
béton. Elle travaille aussi à associer aux bases de données
produits des guides de mise en œuvre et de préconisation.
« Pour cela, nous travaillons avec l’UMGO et EGF-BTP, qui
expriment les besoins et les souhaits des entreprises. Nous
comptons sur le BIM pour mieux faire connaître et valoir
nos produits », résume Christian Herreria.
«LesbasesdesdonnéesduBIMserontconstituéesd’objets,
argumenteJean-MarcPottier,chargédemissiontechniqueau
SNBPE. Mais le béton prêt à l’emploi n’est pas un objet fini.
Nous vendons un produit pour que les entreprises puissent
réaliser des “objets” au sens du BIM. Dès lors, qui doit créer
cesobjetsen3D? »LeSNBPEestentraindecréerungroupe
de travail pour répondre à cette question et fixer, en fonction
des besoins des entreprises, une méthode.
Le BPE n’est pas un “objet” BIM. « Notre
souciestdefairepassernosproduitsinnovantsdanslabase
de données », prévient Alain Birault, directeur Prospective
construction durable de Lafarge. Mais il y a un danger. « Les
marques commerciales sont interdites dans le descriptif
des bâtiments des marchés publics. Dès lors, la création
d’objets génériques par filière, y compris celle du BPE,
a pour risque que les produits innovants n’entrent pas
dans le cadre de ces descriptifs. » Dommageable pour la
filière, car il est important que les produits innovants soient
accessibles aux prescripteurs très en amont, sachant que
les choix constructifs se feront très tôt… C’est aussi cette
possibilité d’innover qu’invoquent les entreprises. « Nous
aurons besoin d’un maximum de produits génériques,
déclare Wilfried Pillard, directeur technique d’EGF-BTP. Ceci
afin que les entreprises puissent proposer des variantes. »
Ce sont les conceptions anglo-saxonne et européenne des
rôles respectifs des bureaux d’études et des entreprises qui
risquent de se confronter à l’occasion du BIM. « Le choix
du système de normalisation, entre le CEN et l’ISO, qui a
déjà beaucoup travaillé sur le BIM, sera déterminant sur ce
point », conclut Wilfried Pillard.
Michel Roche
Retrouvez un dossier complet
sur le sujet “BIM et béton” dans
le prochain numéro de Béton[s]
le Magazine.
[©DR]
En couverture
29BETON [S] N°61 – NOV/DEC 2015
La préfabrication
est plus avancée
que le BPE
dans la logique
du BIM.