Le dirigeant revient sur les dernières évolutions du principal port malgache, le long
d’une façade portuaire orientale également en plein développement.
FOCUS MARITIME, Monsieur Avellin Christian Eddy - DG de la Société du Port à gestion Autonome de Toamasina - « Durban reste notre lien privilégié avec le continent »
Par OLIVIER CASLIN | JEUNE AFRIQUE – N°3130 – NOVEMBRE 2023
Plan d’action régional sur l’économie bleue de la Commission de l’Océan Indien
Durban reste notre lien privilégié avec le continent JEUNE AFRIQUE – N°3130 – NOV. 2023
1. OLIVIER CASLIN
P
rincipale porte d’entrée
maritime de Madagascar,
le port de Toamasina
n’en finit pas de faire sa
mue. Depuis 2018, le seul port en
eau profonde de la Grande Île a
engagé d’importants travaux pour
sa modernisation et pour l’extension
de ses installations. Près de 640 mil-
lions de dollars sont investis pour
équiper Toamasina d’un nouveau
terre-plein de dix hectares gagné
sur le récif et destiné au stockage de
conteneurs. Un prolongement de
345 mètres du brise-lames déjà exis-
tant est également prévu, ainsi que
la construction d’un nouveau termi-
nal à conteneurs et la réhabilitation
des anciens quais du môle C, le tout
porté à un tirant d’eau de 16 mètres,
contre 11 actuellement.
Avec ses nouveaux équipements,
Toamasina ambitionne de devenir le
port moderne capable de répondre
aux besoins de Madagascar, tout
en jouant à plus long terme le rôle
de plateforme de redistribution des
marchandises à l’échelle régionale,
voire au-delà. Pour tenir une telle
place, le port malgache souhaite
s’appuyer sur l’essor des échanges
commerciaux entre l’Afrique et
l’Asie, tout en profitant de sa situa-
tion maritime pour développer
ses relations avec les marchés du
Moyen-Orient et de l’Afrique aus-
trale et orientale. Christian Avellin,
le directeur général de la Société
du port à gestion autonome de
Toamasina (Spat), revient sur le
positionnement de son port, situé
non loin d’une rangée portuaire
orientale, elle-même en pleine
évolution.
Quelles sont les relations
maritimes de Toamasina avec
l’Afrique?
Christian Avellin : Le trafic avec
le continent revêt de très fortes
potentialités qui doivent encore être
développées. Faute de connectivité,
ces trafics font le plus souvent des
escales, essentiellement par le port
de Durban, en Afrique du Sud, qui
est très bien connecté avec l’Afrique
et le reste du monde. C’est via ces
lignes régulières conteneurisées
que l’ensemble des pays de l’océan
Indien sont desservis. Nous dispo-
sons également de quelques tou-
chers directs avec d’autres ports
de la façade est-africaine, comme
Mombasa et Djibouti, et nous rece-
vons ici certains trafics d’Asie des-
tinés au Mozambique. Mais ces
activités restent très volatiles, et
notre lien privilégié avec l’Afrique
demeure Durban.
Vos trafics proviennent donc
essentiellement d’Asie?
D’Asie et d’Europe. Les volumes
de marchandises en provenance
d’Asie du Nord [Japon, Corée, Chine,
Hong Kong] vers l’Afrique pèsent
très lourd aujourd’hui, et, en effet,
certains passent par Madagascar,
essentiellement par les quais de
Toamasina, qui traitent chaque
année 75 % de tous les échanges
maritimes du pays.
Toamasina joue-t-il un rôle de
hub sous-régional, notamment
en direction des îles?
MADAGASCAR
Le dirigeant revient sur les dernières évolutions du principal port malgache, le long
d’une façade portuaire orientale également en plein développement.
Christian Avellin
DG de la Société du port à gestion autonome de Toamasina
« Durban reste
notre lien privilégié
avec le continent »
Chaque année, 5 millions
de conteneurs passent
à proximité de notre île
sans s’y arrêter.
SPAT
JEUNE AFRIQUE – N°3130 – NOVEMBRE 2023
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FOCUS MARITIME
2. SPAT
Absolument pas. Au stade actuel
de nos infrastructures, nous ne pou-
vons pas nous permettre d’avoir de
telles ambitions. D’autant que tous
les pays avoisinants aspirent eux
aussi à devenir un hub. Ici, faute
de disposer d’infrastructures aux
standards internationaux, nous ne
pouvons pas encore attirer ce genre
d’activité, mais nous devons nous y
préparer,etc’estcequenousfaisons.
De par son positionnement,
Toamasina semble pourtant
appeler à tenir un rôle central
dans la desserte de l’océan
Indien?
Certainement, mais ce n’est pas
notre priorité du moment. Il est vrai
que les relations commerciales à
travers l’océan Indien se sont beau-
coup développées ces dernières
années et vont continuer à le faire,
entre les exportations de matières
premières d’Afrique et celles de pro-
duits manufacturés d’Asie. Chaque
année, les estimations parlent de
5 millions de conteneurs qui passent
à proximité de Madagascar sans s’y
arrêter. Toamasina est donc au cœur
d’un énorme flux de trafics qui,
même réduit au minimum, doit lui
permettre de tenir sa place dans le
transbordement régional.
Où en sont les projets de déve-
loppement du port lancés en
2018?
Ils concernent essentiellement
nos trafics conteneurisés, sur
lesquels le port est très en retard
en matière d’infrastructures, qu’il
s’agisse de linéaires de quai ou de
tirant d’eau. Nos projets avancent,
et nous en sommes aujourd’hui à un
taux de réalisation de 50 %. Les tra-
vaux, financés par le gouvernement
malgache et par son homologue
japonais, devraient arriver à leur
terme en 2026. À cette date, nous
pourrons alors tenir notre place
dans la course en étantenmesure de
recevoir les navires de grande taille
mis aujourd’hui en ligne.
Quels sont les principaux
concurrents du port de
Toamasina dans la région?
Les ports de La Réunion et
de Maurice, mais aussi, sur le
Le port de Toamasina, face à Maurice et à La Réunion, est le seul en eau profonde de la Grande Île.
JEUNE AFRIQUE – N°3130 – NOVEMBRE 2023 167
FOCUS MARITIME
3. continent, de Maputo et de
Mombasa. Pour l’instant, nous
avons pris la décision de moder-
niser nos installations pour servir
d’abord le marché domestique.
Madagascar est une grande île de
27 millions d’habitants, qui pour-
rait en compter 50 millions d’ici à
une génération. Nous devons donc
anticiper aujourd’hui les besoins de
demain, sinon le port risquerait de
devenir un frein pour l’économie
malgache. Nous verrons ensuite ce
que nous pourrons faire en matière
de transbordement.
Quel serait aujourd’hui
l’exemple à suivre sur le
continent pour Toamasina?
Tous les principaux ports du
continent sont aujourd’hui en
phase de développement. Chacun
selon ses propres spécificités et son
contexte. Tous peuvent donc être,
à des degrés divers, source d’ins-
piration pour nous. Ce qu’il faut
noter, c’est que tout le monde est
aujourd’hui conscient de l’impor-
tance de l’économie portuaire dans
le développement d’un pays.
Ces dernières années, les trafics
sur la côte ouest-africaine,
jusqu’au golfe de Guinée, ont
enregistré d’importantes
augmentations rapidement
après la modernisation des
principaux ports de la région.
Quelle est la situation sur la
façade orientale du continent?
Le canal de Suez nous rap-
proche de la Méditerranée et de
l’Europe, et permet de réduire les
coûts de transport et les temps de
transit. Les ports situés au nord
de Mombasa en ont profité pour
augmenter avec régularité leurs
volumes conteneurisés. Les autres,
plus au sud, ont conforté leur rôle,
notamment en direction des pays
enclavés. Mombasa, Dar es-Sa-
laam, Maputo ont un vaste hinter-
land à desservir. Le Rwanda, qui
est aujourd’hui l’un des pays les
plus dynamiques du continent,
alimente son économie via le port
de Mombasa, situé pourtant à près
de 1 500 kilomètres. Les échanges
commerciaux entre pays voisins
représentent d’ailleurs une oppor-
tunité qui reste à saisir pour doper
les activités des ports de la région.
À l’exemple de Maputo, qui peut
traiter les marchandises destinées
aux régions proches du Nord de
l’Afrique du Sud à la place des ports
sud-africains. Il reste de nombreux
marchés potentiels à développer,
et l’arrivée de la Zlecaf doit nous y
aider.
N’est-il pas nécessaire, aupara-
vant, de renforcer la desserte
terrestre depuis les grands ports
de la façade est?
Les chemins de fer existent, entre
Djibouti et Addis-Abeba, entre
Mombasa et Nairobi, entre Dar es-
Salaam et la Zambie. La desserte
multimodale est une réalité dans
cette partie de l’Afrique, elle doit
seulement continuer à se déve-
lopper pour densifier le transport
des marchandises et ainsi sou-
tenir efficacement les échanges
interafricains.
Que pensez-vous d’une éven-
tuelle privatisation partielle
des terminaux sud-africains,
dont Durban, comme semble
aujourd’hui l’envisager
Pretoria?
Chaque pays a ses spécificités.
L’Afrique du Sud est le pays le plus
industrialisé d’Afrique, et les ports
ne doivent pas faire exception. Il
faut aujourd’hui expérimenter un
nouveau schéma pour résoudre les
insuffisances constatées actuelle-
ment. Les ports sud-africains fonc-
tionnent mais ils pourraient faire
beaucoup mieux, notamment dans
la desserte de l’Afrique australe et
de l’océan Indien. Ils disposent des
moyens financiers nécessaires pour
cela.
Quel regard portez-vous sur les
projets annoncés – mais pour
l’instant toujours reportés – de
Mombasa?
Mombasa reste un port essentiel
sur la façade orientale. L’Autorité
portuaire travaille en effet depuis
plusieurs années avec les Japonais
pour améliorer et moderniser
ses infrastructures. Il est évident
que tout cela se mettra en place
un jour. Mombasa travaille dur
pour améliorer ses services dans
l’intérêt de la desserte de son hin-
terland, qui s’étend jusqu’aux
pays des Grands Lacs. Et, comme
Mombasa, l’ensemble des ports
est-africains cherche aujourd’hui à
se mettre au niveau demandé par le
secteur.
Toamasina traite 75 %
des échanges maritimes
du pays, qui proviennent
essentiellement
d’Europe et d’Asie.
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