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Histoire du Bénin 
Introduction 
L’histoire du Bénin pourrait se découper en quatre grandes périodes. 
Le Bénin-royaumes : du XVIè siècle jusqu’en 1894, le Bénin est une 
marqueterie de royaumes qui se font la guerre mais où s’affirme progressivement la 
domination de l’un d’entre eux, le royaume de Danxomé. 
Le Bénin-colonie : de 1894 à 1972, les Français vont coloniser le Bénin qu’ils 
appellent Dahomey. Ils y diffusent le catholicisme et forment une nouvelle élite pour 
son administration. A partir des années 1940, on s’achemine progressivement vers 
l’indépendance malgré une forte instabilité politique. 
Le Bénin-dictature : De 1972 à 1990, le Bénin vit à l’heure du marxisme-léninisme 
sous l’égide du dictateur Mathieu Kérékou. Sur le plan économique, le 
Bénin devient « un Etat-entrepôt » aux résultats mitigés. 
Le Bénin-démocratie : A partir de 1990 jusqu’à nos jours, le renouveau 
démocratique se met en place, non sans difficultés (corruption, népotisme et 
clientélisme) et paradoxes (le dictateur Kérékou sera élu deux fois présidents de la 
République). Une nouvelle Constitution est promulguée. 
1. Les royaumes africains : rivalité et hégémonie du Danxomé 
(v.1500-1894) 
Trois grands peuples mais une mosaïque de royaumes 
La population béninoise actuelle est issue de trois 
grands peuples anciens : les Adja, les Yoruba et les 
Bariba. 
Les Adja habitaient le sud de l’actuel Bénin 
jusqu’à Abomey. Ils viennent du Togo1. Ils sont à l’origine 
des puissants royaumes d’Allada, de Porto-Novo et 
surtout d’Abomey. 
Les Yoruba se trouvaient dans le centre du pays. 
Ils sont originaires du Nigeria2 d’où ils sont venus 
massivement à partir du XIIè siècle. Ils ont fondé les 
royaumes de Savé (avant 1550) et de Kétou. 
Les Bariba, troisième grand peuple, ont investi le 
nord du Bénin (région du Borgou). Ils viennent aussi du 
Nigeria mais quatre siècles plus tard que les Yoruba. Ils 
maîtrisaient un royaume de type féodal dont la capitale 
était Nikki, et avaient sous leur coupe les royaumes 
inféodés de Kouandé, Parakou et Kandi3. 
Au-delà de ces trois grands peuples, il existait des 
populations minoritaires : les Dendi se concentraient dans le nord-ouest, les Fulani 
(ou Peuls) dans le nord et les Bétamaribé (ou Somba) dans les montagnes de 
l’Atakora au nord-ouest. 
1 Cf la carte dans les documents annexes 
2 Cf la carte dans les documents annexes 
3 Cf la carte dans les documents annexes 
Guerrier bariba de 
Nikki
Dans le jeu des rivalités entre royaumes, des conflits de type féodal et des 
divisions entre héritiers, le royaume d’Abomey sortit en tête. 
Le royaume d’Abomey : le royaume le plus puissant 
Fils d’une panthère 
Les Adja sont le peuple qui a joué le plus grand rôle dans l’histoire du Bénin. A 
l’origine, ils viendraient du Togo, et plus précisément de la ville de Tado, qui se 
trouve sur le fleuve Mono. Une légende raconte que la fille du roi de la ville de 
Tado aurait rencontré une panthère qui lui aurait donné un fils nommé Agasu. Cet 
Agasu aurait eu plusieurs fils dont l’un d’eux, Adjahuto, aurait tué le prince héritier et 
se serait réfugié à Allada au Bénin pour y fonder son propre royaume (vers 1575). 
Ses trois fils se disputèrent le trône et fondèrent finalement chacun leur royaume : 
Meidji succéda à son père à la tête du royaume d’Allada, Do-Aklin créa le royaume 
de Bohicon et Zozérigbé fonda le royaume de Porto-Novo (ou Adjatché). 
Dans le ventre de Dan 
C’est alors qu’apparut Houegbadja, personnage central. Houegbadja était le 
neveu de Do-Aklin4. Il décide de fonder à son tour un royaume : pour cela, il a besoin 
de terres. Il demande alors au roi Dan (encore un autre monarque), à la tête d’un 
petit royaume côtier, de lui en donner. Contre toute attente, celui-ci accepte. 
Houegbadja s’installe alors sur cette parcelle octroyée. Quand il n’y eut plus de 
place, il redemande des terres au roi Dan. Mais cette fois, il doit faire face à un 
refus du roi Dan, qui, railleur, lui demande s’il veut construire des maisons 
dans son ventre (homè). Houegbadja attaque alors le roi Dan et gagne. Il le prend 
au mot et lui enfonce un pieu dans le ventre destiné à être le pilier central de sa 
case. Cette habitation devint alors Dan-Homè, c’est-à-dire « dans le ventre de Dan ». 
Le royaume de Dan-Homè ou d’Abomey (aussi appelée Danxomé, Agbomè ou 
Dahomey pour les colons européens) était né. Houegbadja y régna de 1645 à 
1685 et en fit un royaume puissant. 
Le commerce négrier avec les Européens 
Les successeurs de Houegbadja5 
engagent une série de conquêtes, étendent 
le royaume jusqu’à Allada, Ouidah et 
Porto-Novo et mettent en place un important 
commerce négrier avec les Européens. Le 
royaume d’Abomey se transforme en un 
puissant royaume esclavagiste qui 
prospère grâce aux ressources du commerce 
international. 
La porte du non-retour, souvenir du 
passé esclavagiste du Bénin 
4 Ou son petit-fils dans une autre version 
5 C’est-à-dire, chronologiquement, le roi Akaba de 1685 à 1708 (fils de Houégbadja, Houessou de son 
vrai nom), le roi Agadja de 1708 à 1732 (frère de Houessou, Dossou de son vrai nom), le roi 
Tegbessou de 1732 à 1774, le roi Kpingla de 1774 à 1789 (frère de Tegbessou), le roi Agonglo de 
1789 à 1797, le roi Adandozan de 1797 à 1818, le roi Ghézo de 1818 à 1858 (fils d’Adandozan, 
Gakpé de son vrai nom), le roi Glélé de 1858 à 1889 (fils de Ghézo), le roi Béhanzin de 1889 à 1894 
(fils de Ghézo, Kondo de son vrai nom)
Ce sont d’abord les Portugais qui mettent le pied au Bénin6. Les Portugais 
construisent un fort en 1721 à Ouidah. Francisco de Souza, portugais, métis 
brésilien, descendant de négrier et grand marchand d’esclaves, joua un rôle de 
premier plan : d’abord jeté en prison par Adandozan, il est libéré par le futur roi 
Ghézo et l’aide à renverser Adandozan. Il est nommé vice-roi (yovogan) de Ouidah. 
Parce qu’il eut une cinquantaine de femmes, il serait l’aïeul de tous les Souza du 
Bénin et du Togo. 
Les Portugais sont bientôt supplantés par les Français : avec ces derniers, 
le roi Ghézo signe un traité d’amitié en 1851 autorisant le commerce négrier et la 
venue de missionnaires catholiques. Son fils, le roi Glélé, laisse s’installer les 
Français à Cotonou en 1863. Porto-Novo devient un protectorat français après que 
son roi, Toffa, a appelé les Français pour l’aider à résister à son suzerain, Glélé, 
avec qui il s’était brouillé. 
Mais le successeur de Glélé, Béhanzin, voyait d’un mauvais oeil la présence 
de ces étrangers qui menaçaient la souveraineté de son royaume. Il engage donc la 
lutte contre la France7. La coopération esclavagiste entre Européens et Danxoméens 
a vécu. 
La défaite face aux Français 
Une guerrière amazone 
Ghézo, roi de Dahomey, 
sous un parasol, attribut 
royal 
Dans un premier temps, les armées de Béhanzin font jeu égal avec celles de 
la France. Des commerçants français sont jetés en prison à Abomey. Les attaques 
des faubourgs de Cotonou, quoique repoussées, remettent sérieusement en cause 
la présence française dans la ville. A Porto-Novo8, l’armée française est obligée de 
reculer mais réussit à établir plus loin une position défensive qui résiste finalement 
aux assauts. Pour éviter l’escalade, les deux camps négocient un accord de paix le 
3 octobre 1890 : Porto-Novo et Cotonou deviennent des protectorats français en 
échange de quoi la France versera une somme de 20 000 francs à Béhanzin. 
6 Les Anglais et les Néerlandais ont également commercé avec le Bénin mais leur rôle apparaît 
comme négligeable. 
7 Le casus belli est l’attaque d’un village sous protectorat français sur le fleuve Ouémé par un 
régiment d’Amazones du Dahomey (le corps militaire des Amazones avait été créé par le roi Ghézo). 
8 Porto-Novo était devenu un réel protectorat français depuis que son roi Toffa s’était brouillé avec le 
roi d’Abomey Glélé et qu’il avait sollicité l’aide de la France.
Le roi Béhanzin 
Dans un deuxième temps, les armées de Béhanzin 
font les frais de la puissance de l’armée française. Les 
guerriers d’Abomey envahissent les territoires sous 
protectorat français. Le roi Toffa demande alors assistance à 
la France qui envoie le colonel Dodds à la tête d’une armée 
de 3 000 hommes. Un wharf ou port de débarquement est 
construit. A partir du 19 septembre 1892, la bataille fait rage 
et les deux armées perdent de nombreux hommes. 
Finalement, les Français conquièrent Abomey le 17 
novembre 1892 et, après plusieurs mois de résistance 
acharnée, Béhanzin se rend le 25 janvier 1894. Il est envoyé 
en exil à la Martinique, puis en Algérie où il meurt en 1906. 
Son frère accède au trône d’Abomey, sous le nom d’Agoli- 
Agbo, mais le pouvoir lui est arraché au bout de six ans de 
règne. 
La monarchie est abolie et le Dahomey passe sous 
administration directe des Français. 
2. Le Dahomey : de la colonisation à l’indépendance (1894-1972) 
Jusqu’à 1944 : le Bénin à l’heure française 
Les résistances au Nord 
Dès 1897, de sérieux troubles apparaissent au Nord. Les Bariba des villes de 
Kouandé, Nikki et Kandi se révoltent contre l’occupant français. Ils incendient Kandi 
et Kouandé. Après avoir obligé les Français à se replier, les Bariba sont finalement 
battus. Ils abandonnent Nikki, Kandi et Kouandé. Une nouvelle frontière nord est 
tracée, entérinée par l’Allemagne (1897) et l’Angleterre (1898). 
Une nouvelle révolte surgit en 1915 après que beaucoup d’hommes ont été 
enrôlés de force dans les armées engagées en Europe. Le chef bariba de l’époque, 
Bio Guéra, reprend les hommes. Il réussit à soulever les villes de Nikki et 
Bembéréké. Mais il est capturé et décapité en 1919. 
Les Sombas, autre peuple du Nord vivant dans les montagnes de l’Akatora, 
se révoltent à leur tour contre les Français. Kaba, leur chef, est finalement tué avec 
ses guerriers en 1918. 
L’organisation administrative 
Le protectorat est dirigé par Victor Ballot9. En 1904, la colonie est rattachée à 
l’Afrique Occidentale Française (AOF) dont le gouverneur général réside à Dakar, au 
Sénégal. A l’instar des autres pays de l’AOF, le Dahomey est alors organisé en 8 
cercles découpés eux-mêmes en cantons et villages10. La colonie est dirigée à partir 
de Porto-Novo où réside le gouverneur. L’essentiel de l’administration est assuré par 
les Français, aidés par quelques Dahoméens. Les anciens monarques sont 
marginalisés, confinés à un rôle honorifique alors que des nouveaux chefs de canton 
constituèrent de véritables dynasties11. 
9 23 gouverneurs lui succéderont. Citons parmi ceux-ci, R. Cornevin, qui sera nommé gouverneur du 
Dahomey et du Togo, annexé à la colonie à la fin de la Première Guerre mondiale 
10 Le nombre de cercles évolua : 13 cercles en 1934 et enfin 9 cercles en 1938 
11 Si dans les années 60, ces anciennes dynasties retrouvent un certain rôle politique en devenant les 
relais politiques des partis émergents, elles sont violemment combattues dans les années 70 par le
Les missions catholiques 
Les premières missions catholiques sont tentées dès le XVIIè siècle. Mais les 
puissants marchands d’esclaves et les « féticheurs » réagissent mal à cette incursion 
religieuse et s’empressent de la faire échouer. 
A la fin du XVIIè siècle, le catholicisme réussit à s’implanter par le biais 
d’esclaves affranchis au Brésil et revenus au pays. On les appelle les « Brésiliens ». 
Ceux-ci s’établissent sur la côté à Ouidah et Porto-Novo. Ils sont sous l’autorité de 
l’évêché de Goa aux Indes et protégés par le roi d’Abomey allié des Portugais. 
En 1860 est fondée la mission du Dahomey12. Son territoire s’étend bien au-delà 
des côtes béninoises, jusqu’à Lagos. Elle résiste aux obstacles que tentent de 
lui opposer les « féticheurs ». A partir de 1895, les pères Schenckel et Steinmetz 
assoient durablement les missions sous le protectorat de la France. Cette 
stabilisation permet d’envoyer des éléments dans le Nord du pays pour étendre 
l’influence catholique. En 1928, le premier prêtre dahoméen est ordonné. 
L’évangélisation du pays est assurée jusqu’en 1934 par le père Steinmetz13. Ses 
principaux concurrents religieux sont la religion animiste et l’islam, venu 
principalement du Nord. En 1940, une mission est fondée à Natitingou14 en pays 
somba, scellant l’ultime pénétration septentrionale du territoire par les missionnaires. 
Vers l’indépendance 
Le renouveau d’une vie politique … mais très instable 
En 1943-1944 a lieu la conférence de Brazzaville qui 
réunit des représentants des colonies françaises africaines. Il 
en ressort l’idée d’une participation accrue de la population 
africaine à la vie politique et la volonté d’une extension des 
droits. En 1946, les droits des Béninois sont effectivement 
étendus : travail libre, droit de vote (pas encore universel), 
représentation démocratique au sein du Parlement français. 
En 1956 est adoptée la Loi-cadre Deferre : elle instaure dans 
toute l’AOF le suffrage universel et dote les territoires d’un 
régime de semi-autonomie, prélude à l’autonomie interne. 
Elues par tous les citoyens, des assemblées territoriales ont le 
pouvoir de nommer les ministres. L’accès aux plus hauts 
postes de direction est facilité aux Béninois. Des collectivités 
rurales sont mises en place dans les campagnes. L’Etat 
transfère aux gouvernements des territoires plusieurs de ses 
prérogatives. 
La vie politique s’organise autour de trois grands partis 
dirigés par trois grandes figures politiques qui se partagent le 
pouvoir pendant plus de 30 ans : Souron Migan Apithy (en 
régime révolutionnaire du général Kérékou. Après 1990, elles profitent du processus de 
démocratisation pour revenir sur le devant de la scène publique à grand renfort de « tradition 
réinventée ». 
12 Jean Bonfils, La mission catholique en République du Bénin. Des origines à nos jours, Karthala, 
Mémoires d’Eglise, 1999, 279 p. 
13 Depuis 1941, un boulevard de Cotonou porte son nom 
14 Cf la carte dans les documents annexes
photo en haut), fondateur du Parti républicain du Dahomey (P.R.D) ; Hubert Maga 
(photo du milieu), à la tête du Rassemblement démocratique dahoméen (R.D.D) et 
Justin Tométhin Ahomadegbé (photo du bas), dirigeant de l’Union démocratique 
dahoméenne (U.D.D). Pendant vingt ans, ces trois hommes se partagent le pouvoir 
tour à tour, s’alliant tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, renversant tantôt l’un, tantôt 
l’autre. Ce cycle instable se termine généralement par l’intervention de l’armée, 
ultime arbitre du jeu des factions : en 1957, Apithy devient vice-président. En 1958, 
quand la République est proclamée, Maga devient Premier ministre. En 1960, quand 
l’indépendance est proclamée, Maga devient le premier président du Dahomey et 
Apithy est nommé vice-président. Trois ans plus tard, des grèves et manifestations 
font chuter le gouvernement. L’armée intervient et remet le pouvoir à Apithy et 
Ahomadegbé. Nouveau coup d’Etat militaire en 1965 : les militaires restent au 
pouvoir jusqu’en 1969 en interdisant au trio Apithy-Maga-Ahomadegbé de briguer de 
nouveaux mandats. Mais ces derniers réussissent finalement, en raison d’une volte-face 
de l’armée, à instaurer un Conseil présidentiel avec présidence tournante. Cela 
durera jusqu’en 1972 où l’armée du commandant Mathieu Kérékou prend 
définitivement le pouvoir, écarte les trois leaders historiques et instaure un régime 
marxiste-léniniste. 
Ces rivalités politiques sont doublées de rivalités « ethno-régionalistes ». 
En effet, Hubert Maga est originaire du nord (Bourgou), Sourou Migan Apithy du sud-ouest 
(Porto-Novo) et Justin Thométin Ahomadegbé du centre-sud (Abomey). Les 
antagonismes ancestraux des royaumes se réveillent et chacun des leaders 
politiques fait ses meilleurs scores dans sa région d’origine. Ces identifications 
politiques ethno-régionales ont indubitablement nourri l’instabilité institutionnelle. 
Le « Quartier latin » de l’Afrique 
Dès les années 40, les fonctions du pouvoir sont monopolisées par une petite 
élite de lettrées dont le stéréotype est devenu l’akowé, c’est-à-dire « l’évolué ». 
Depuis le XIXè siècle, il a toujours existé une élite intellectuelle au Bénin. 
Avant l’akowé, ce fut l’aguda. Les agudas, c’est-à-dire les « Brésiliens », sont des 
esclaves du Brésil émancipés (ou leurs descendants) et revenus au pays qui se sont 
engagés à leur tour dans la traite négrière en servant d’intermédiaires entre les 
Européens et les monarques béninois locaux. Ils se sont enrichis et ont formé une 
bourgeoisie de négoce. Ils avaient gardé le nom de leur ancien maître portugais 
(d’Almeida, de Souza, Vieyra, …) et bénéficiaient du statut de « quasi-Blancs ». 
Après la fin de la traite négrière, dans les années 1840, ils s’engagèrent dans le 
commerce de l’huile de palme. Au début de la colonisation, ils furent d’utiles 
collaborateurs pour l’administration française qui les envoyait dans les écoles 
missionnaires. Mais les aguda sont progressivement supplantés par une élite 
intellectuelle émergente, les akowé, à partir des années 40. 
Ces akowé sont une élite autochtone. Ils sont issus des écoles catholiques 
implantées pendant la colonisation15. S’ils font leurs classes dans l’administration 
française (comme les aguda) ou dans les « sociétés de presse », ils prennent bientôt 
la tête des nouveaux partis politiques. Maga, Apithy et Ahomadegbé en sont leurs 
plus éminents représentants16. Ils formeront l’élite postcoloniale. 
3. La République populaire : le régime révolutionnaire de Mathieu 
Kérékou (1972-1990) 
15 Cf supra 
16 Cf supra
Le Bénin à l’heure du marxisme-léninisme 
L’alternance de régimes civils et militaires depuis l’indépendance en 1960 se 
termine par la prise du pouvoir le 26 octobre 1972 par le commandant Mathieu 
Kérékou. Une nouvelle intervention militaire mais qui était destinée à durer. 
Il prend la tête du nouveau gouvernement, appelé Gouvernement Militaire 
Révolutionnaire (GMR). La doctrine marxiste-léniniste est officiellement adoptée 
en 1974. On crée un parti unique en 1975 : le Parti de la Révolution Populaire 
Béninoise (PRPB). Le Dahomey change de nom et devient le Bénin. Les 
structures traditionnelles (chefs de village, couvent, animisme) sont supplantées par 
les nouveaux représentants de l’administration territoriale réformée (maires, 
délégués politiques). Les institutions révolutionnaires fournissent à certaines 
catégories de la société, marginalisées auparavant en raison de leur statut social ou 
de leur origine géographique, l’occasion d’une revanche. Les paysans, par exemple, 
ont bénéficié d’une politique active de promotion économique et ont acquis une 
représentation nationale. Les élites nordistes prennent également une importance 
croissante dans l’administration et dans les réseaux du P.R.P.B. Les nationalisations 
se succèdent : banques, assurances, hôtels. Le système éducatif est réformé. Des 
coopératives agricoles sont créées. Un plan d’industrialisation est décidé. 
Le joug politique est d’autant mieux accepté que l’économie du Bénin est en 
plein essor. Grâce à sa rente de situation d’une économie de transit, la croissance 
atteint les 5% de moyenne entre 1977 et 1980. Le pays devient le port des pays du 
Sahel. On a pu parle d’ « Etat-entrepôt ».Toutes les marchandises à destination du 
Nigeria et des pays du Sahel, en particulier le pétrole, transitent par le Bénin qui 
s’enrichit ainsi. Les bénéfices financiers sont considérables. Les bénéfices politiques 
également car les recettes permettent le paiement régulier des salaires et permettent 
de huiler les rouages de la cooptation des élites. Ce système économique lucratif 
permettait de garantir le « contrat social ». 
Fragilités et radicalisation 
Mathieu Kérékou, 
hier et aujourd’hui : 
A gauche, le 
commandant 
Mathieu Kérékou 
A droite, Kérékou II 
Mais à partir de 1977, les positions du régime se radicalisent. Il a en effet 
essuyé une grève générale en 1975 (violemment réprimée) et une tentative de coup 
d’Etat deux ans plus tard (menée par la France, le Maroc et le Gabon, elle échoue). 
Une Loi fondamentale est instaurée : l’opinion est désormais muselée ; un système
de candidature unique aux élections est instauré ; les prisonniers politiques ne 
bénéficient plus de procès. 
Mais à la fin des années 80, les années s’obscurcissent pour le régime. 
La mauvaise gestion des finances et la corruption de l’administration aboutissent à 
une grave crise en 1986. Le Bénin connaît une crise économique, fiscale et bancaire 
sans précédent. Les trois banques du pays font faillite. En 1989, la banqueroute 
accable le pays, malgré l’intervention du F.M.I. Des voix s’élèvent et demandent des 
réformes, voir un autre régime. On raille ce système qui est bien loin de la doctrine 
originale dont il prétend s’inspirer en le qualifiant de « laxisme-béninisme »17. Le Parti 
communiste du Dahomey organisait d’ailleurs secrètement la résistance dans la 
clandestinité depuis longtemps. Les évêques élèvent la voix. La rue se fait entendre 
en avril 1989 lors d’une grève générale illimitée. Le président essuie un complot, puis 
à un putsch militaire. 
Face à cette levée de boucliers, Mathieu Kérékou abandonne officiellement la 
ligne marxiste-léniniste et organise en février 1990 une Conférence nationale qui 
réunit des acteurs de la politique et de la société civile afin de trouver une issue à la 
crise. Il est décidé d’écrire une nouvelle Constitution et d’instaurer le multipartisme. 
Les bases de la démocratie sont jetées. L’économie se joue désormais sur un mode 
libéral. Un gouvernement de transition dirigé par Nicéphore Soglo mène à bien les 
résolutions de la Conférence nationale. Le 2 décembre 1990, la nouvelle 
Constitution est adoptée par référendum. Cette Conférence nationale historique, 
moment clé du processus de démocratisation béninoise s’impose à travers tout le 
continent africain comme un modèle de transition pacifique. 
4. La République du Bénin : « le Renouveau démocratique » (1991- 
2011) 
Soglo vs Kérékou II 
En février 1991 sont organisées des élections législatives. Le 24 mars, c’est le 
tour des élections présidentielles. Nicéphore Soglo gagne contre Kérékou avec 
67,7% des voix. Sa tâche s’avère immense. Il s’y attèle rapidement : les finances 
publiques sont assainies ; le secteur bancaire est restructuré ; les infrastructures sont 
modernisées ; le vaudou est rétabli. Mais les retombées sociales des réformes 
libérales entreprises par Soglo se font attendre : le chômage explose ; la précarité 
n’est pas résolue ; les trafics clandestins s’épanouissent au grand jour (whisky, 
essence, ciment, voitures, etc). 
A la fin de son mandat, en 1996, il est battu et c’est « Kérékou II », autrement 
dit un Mathieu Kérékou rallié à la cause démocratique qui est élu président de la 
République. Son élection repose sur deux veines : l’une nationaliste et l’autre 
religieuse car il accréditait l’idée qu’il avait changé au contact des Saintes Ecritures. 
Malgré la victoire des partisans de Soglo au Parlement en 1999, Kérékou brigue un 
second mandat présidentiel en 2001. Il recueille 84% des suffrages au second 
tour ! C’est une bien curieuse démocratie que l’on a pu voir à cette occasion car son 
principal rival, Soglo, déclare forfait à l’issue du premier tour, qualifiant l’élection de 
« mascarade », et son adversaire au second tour, Bruno Amoussou, appellera les 
électeurs à voter pour … Kérékou ! 
17 Emile Dersin Zinsou (président du Dahomey de juin 1968 à 1969) écrira dans une lettre ouverte au 
monde : le Bénin, après dix-sept années de République populaire, est « un pays sans industrie mais 
gouverné au nom de la classe ouvrière », une « Roumanie sans exportations, une Bohême sans 
usines, une Pologne sans charbon, une Prusse sans discipline ».
Yayi Boni : un ou deux mandats ? 
En 2006, Kérékou quitte définitivement la scène politique car la Constitution 
limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Une nouvelle élection n’était de 
toute façon pas assurée à cause du triple contexte de récession économique, de 
crise sociale et d’affairisme politique. Malgré des pressions de son entourage, 
Mathieu Kérékou ne veut pas modifier la Constitution pour prolonger son pouvoir. 
Quant à son fidèle adversaire, Soglo, il a atteint la limite d’âge prévue par la 
Constitution. 
Son successeur Yayi Boni, nouveau venu sur la scène politique béninoise 
et ancien président de la Banque ouest-africainde de développement (BOAD), est 
élu démocratiquement. Son bilan reste très mitigé. 
Les résultats des dernières élections présidentielles de mars 2011, qui 
donnent Yayi Boni vainqueur, sont fortement sujets à caution. Le jeune Bénin 
démocratique paraît encore bien fragile. 
Yayi Boni prête serment le 6 
avril 2006 
SOURCES 
- Encyclopédie Universalis – Article « Bénin » 
- Wikipédia – Articles « Bénin » et « Histoire du Bénin » 
- Auzias Dominique et Fontaine Sandra, Le Petit Futé – Bénin, Paris, 2006, pp. 29-35
DOCUMENT 1 – LE DRAPEAU BENINOIS 
Le drapeau du Bénin est composé de deux 
bandes horizontales jaune (dessus) et rouge 
marquées d'une bande verte d'égale largeur du 
côté de la lance. 
La signification des couleurs est expliquée 
dans l'hymne national du Bénin, L'Aube 
Nouvelle : le vert rappel l'espoir, le rouge le 
courage des ancêtres et le jaune incite à 
conserver la puissance du pays. 
Il est adopté le 16 novembre 1959 et utilisé pour 
la première fois le 1er août 1960. Il est abandonné en 
1975 pendant la période marxiste de Mathieu Kérékou, 
remplacé par un drapeau uni vert avec l’étoile rouge 
communiste-socialiste, puis réutilisé à partir du 1er août 
1990. 
DOCUMENT 2 – LES ARMOIRIES DU BENIN 
Les armoiries du Bénin ont été réadoptées en 1990 après avoir été remplacées 
durant la période de la République populaire du Bénin (1975-1990). 
Blasonnement : Écartelé ; au premier quartier argent, un fort traditionnel (Somba) 
d'or à quatre tours pavillonnées ; au deuxième aussi argent, la croix de l'Ordre de 
l'Etoile noire du Bénin qui est symbole de vie ; au troisième encore d' argent, un 
cocotier de sinople fruité au naturel, rappelant les héros ; au quatrième toujours d' 
argent, un navire trois mâts, évocateur de la pénétration européenne dans le pays. 
écu soutenu par deux panthères mouchetées au naturel, timbré de deux cornes 
d'abondance de sable (noires) emplies de maïs et posé sur un listel portant la devise 
du Bénin : « FRATERNITÉ - JUSTICE - TRAVAIL ».
DOCUMENT 3 – CARTE DU BENIN
Histoiredubenin

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  • 1. Histoire du Bénin Introduction L’histoire du Bénin pourrait se découper en quatre grandes périodes. Le Bénin-royaumes : du XVIè siècle jusqu’en 1894, le Bénin est une marqueterie de royaumes qui se font la guerre mais où s’affirme progressivement la domination de l’un d’entre eux, le royaume de Danxomé. Le Bénin-colonie : de 1894 à 1972, les Français vont coloniser le Bénin qu’ils appellent Dahomey. Ils y diffusent le catholicisme et forment une nouvelle élite pour son administration. A partir des années 1940, on s’achemine progressivement vers l’indépendance malgré une forte instabilité politique. Le Bénin-dictature : De 1972 à 1990, le Bénin vit à l’heure du marxisme-léninisme sous l’égide du dictateur Mathieu Kérékou. Sur le plan économique, le Bénin devient « un Etat-entrepôt » aux résultats mitigés. Le Bénin-démocratie : A partir de 1990 jusqu’à nos jours, le renouveau démocratique se met en place, non sans difficultés (corruption, népotisme et clientélisme) et paradoxes (le dictateur Kérékou sera élu deux fois présidents de la République). Une nouvelle Constitution est promulguée. 1. Les royaumes africains : rivalité et hégémonie du Danxomé (v.1500-1894) Trois grands peuples mais une mosaïque de royaumes La population béninoise actuelle est issue de trois grands peuples anciens : les Adja, les Yoruba et les Bariba. Les Adja habitaient le sud de l’actuel Bénin jusqu’à Abomey. Ils viennent du Togo1. Ils sont à l’origine des puissants royaumes d’Allada, de Porto-Novo et surtout d’Abomey. Les Yoruba se trouvaient dans le centre du pays. Ils sont originaires du Nigeria2 d’où ils sont venus massivement à partir du XIIè siècle. Ils ont fondé les royaumes de Savé (avant 1550) et de Kétou. Les Bariba, troisième grand peuple, ont investi le nord du Bénin (région du Borgou). Ils viennent aussi du Nigeria mais quatre siècles plus tard que les Yoruba. Ils maîtrisaient un royaume de type féodal dont la capitale était Nikki, et avaient sous leur coupe les royaumes inféodés de Kouandé, Parakou et Kandi3. Au-delà de ces trois grands peuples, il existait des populations minoritaires : les Dendi se concentraient dans le nord-ouest, les Fulani (ou Peuls) dans le nord et les Bétamaribé (ou Somba) dans les montagnes de l’Atakora au nord-ouest. 1 Cf la carte dans les documents annexes 2 Cf la carte dans les documents annexes 3 Cf la carte dans les documents annexes Guerrier bariba de Nikki
  • 2. Dans le jeu des rivalités entre royaumes, des conflits de type féodal et des divisions entre héritiers, le royaume d’Abomey sortit en tête. Le royaume d’Abomey : le royaume le plus puissant Fils d’une panthère Les Adja sont le peuple qui a joué le plus grand rôle dans l’histoire du Bénin. A l’origine, ils viendraient du Togo, et plus précisément de la ville de Tado, qui se trouve sur le fleuve Mono. Une légende raconte que la fille du roi de la ville de Tado aurait rencontré une panthère qui lui aurait donné un fils nommé Agasu. Cet Agasu aurait eu plusieurs fils dont l’un d’eux, Adjahuto, aurait tué le prince héritier et se serait réfugié à Allada au Bénin pour y fonder son propre royaume (vers 1575). Ses trois fils se disputèrent le trône et fondèrent finalement chacun leur royaume : Meidji succéda à son père à la tête du royaume d’Allada, Do-Aklin créa le royaume de Bohicon et Zozérigbé fonda le royaume de Porto-Novo (ou Adjatché). Dans le ventre de Dan C’est alors qu’apparut Houegbadja, personnage central. Houegbadja était le neveu de Do-Aklin4. Il décide de fonder à son tour un royaume : pour cela, il a besoin de terres. Il demande alors au roi Dan (encore un autre monarque), à la tête d’un petit royaume côtier, de lui en donner. Contre toute attente, celui-ci accepte. Houegbadja s’installe alors sur cette parcelle octroyée. Quand il n’y eut plus de place, il redemande des terres au roi Dan. Mais cette fois, il doit faire face à un refus du roi Dan, qui, railleur, lui demande s’il veut construire des maisons dans son ventre (homè). Houegbadja attaque alors le roi Dan et gagne. Il le prend au mot et lui enfonce un pieu dans le ventre destiné à être le pilier central de sa case. Cette habitation devint alors Dan-Homè, c’est-à-dire « dans le ventre de Dan ». Le royaume de Dan-Homè ou d’Abomey (aussi appelée Danxomé, Agbomè ou Dahomey pour les colons européens) était né. Houegbadja y régna de 1645 à 1685 et en fit un royaume puissant. Le commerce négrier avec les Européens Les successeurs de Houegbadja5 engagent une série de conquêtes, étendent le royaume jusqu’à Allada, Ouidah et Porto-Novo et mettent en place un important commerce négrier avec les Européens. Le royaume d’Abomey se transforme en un puissant royaume esclavagiste qui prospère grâce aux ressources du commerce international. La porte du non-retour, souvenir du passé esclavagiste du Bénin 4 Ou son petit-fils dans une autre version 5 C’est-à-dire, chronologiquement, le roi Akaba de 1685 à 1708 (fils de Houégbadja, Houessou de son vrai nom), le roi Agadja de 1708 à 1732 (frère de Houessou, Dossou de son vrai nom), le roi Tegbessou de 1732 à 1774, le roi Kpingla de 1774 à 1789 (frère de Tegbessou), le roi Agonglo de 1789 à 1797, le roi Adandozan de 1797 à 1818, le roi Ghézo de 1818 à 1858 (fils d’Adandozan, Gakpé de son vrai nom), le roi Glélé de 1858 à 1889 (fils de Ghézo), le roi Béhanzin de 1889 à 1894 (fils de Ghézo, Kondo de son vrai nom)
  • 3. Ce sont d’abord les Portugais qui mettent le pied au Bénin6. Les Portugais construisent un fort en 1721 à Ouidah. Francisco de Souza, portugais, métis brésilien, descendant de négrier et grand marchand d’esclaves, joua un rôle de premier plan : d’abord jeté en prison par Adandozan, il est libéré par le futur roi Ghézo et l’aide à renverser Adandozan. Il est nommé vice-roi (yovogan) de Ouidah. Parce qu’il eut une cinquantaine de femmes, il serait l’aïeul de tous les Souza du Bénin et du Togo. Les Portugais sont bientôt supplantés par les Français : avec ces derniers, le roi Ghézo signe un traité d’amitié en 1851 autorisant le commerce négrier et la venue de missionnaires catholiques. Son fils, le roi Glélé, laisse s’installer les Français à Cotonou en 1863. Porto-Novo devient un protectorat français après que son roi, Toffa, a appelé les Français pour l’aider à résister à son suzerain, Glélé, avec qui il s’était brouillé. Mais le successeur de Glélé, Béhanzin, voyait d’un mauvais oeil la présence de ces étrangers qui menaçaient la souveraineté de son royaume. Il engage donc la lutte contre la France7. La coopération esclavagiste entre Européens et Danxoméens a vécu. La défaite face aux Français Une guerrière amazone Ghézo, roi de Dahomey, sous un parasol, attribut royal Dans un premier temps, les armées de Béhanzin font jeu égal avec celles de la France. Des commerçants français sont jetés en prison à Abomey. Les attaques des faubourgs de Cotonou, quoique repoussées, remettent sérieusement en cause la présence française dans la ville. A Porto-Novo8, l’armée française est obligée de reculer mais réussit à établir plus loin une position défensive qui résiste finalement aux assauts. Pour éviter l’escalade, les deux camps négocient un accord de paix le 3 octobre 1890 : Porto-Novo et Cotonou deviennent des protectorats français en échange de quoi la France versera une somme de 20 000 francs à Béhanzin. 6 Les Anglais et les Néerlandais ont également commercé avec le Bénin mais leur rôle apparaît comme négligeable. 7 Le casus belli est l’attaque d’un village sous protectorat français sur le fleuve Ouémé par un régiment d’Amazones du Dahomey (le corps militaire des Amazones avait été créé par le roi Ghézo). 8 Porto-Novo était devenu un réel protectorat français depuis que son roi Toffa s’était brouillé avec le roi d’Abomey Glélé et qu’il avait sollicité l’aide de la France.
  • 4. Le roi Béhanzin Dans un deuxième temps, les armées de Béhanzin font les frais de la puissance de l’armée française. Les guerriers d’Abomey envahissent les territoires sous protectorat français. Le roi Toffa demande alors assistance à la France qui envoie le colonel Dodds à la tête d’une armée de 3 000 hommes. Un wharf ou port de débarquement est construit. A partir du 19 septembre 1892, la bataille fait rage et les deux armées perdent de nombreux hommes. Finalement, les Français conquièrent Abomey le 17 novembre 1892 et, après plusieurs mois de résistance acharnée, Béhanzin se rend le 25 janvier 1894. Il est envoyé en exil à la Martinique, puis en Algérie où il meurt en 1906. Son frère accède au trône d’Abomey, sous le nom d’Agoli- Agbo, mais le pouvoir lui est arraché au bout de six ans de règne. La monarchie est abolie et le Dahomey passe sous administration directe des Français. 2. Le Dahomey : de la colonisation à l’indépendance (1894-1972) Jusqu’à 1944 : le Bénin à l’heure française Les résistances au Nord Dès 1897, de sérieux troubles apparaissent au Nord. Les Bariba des villes de Kouandé, Nikki et Kandi se révoltent contre l’occupant français. Ils incendient Kandi et Kouandé. Après avoir obligé les Français à se replier, les Bariba sont finalement battus. Ils abandonnent Nikki, Kandi et Kouandé. Une nouvelle frontière nord est tracée, entérinée par l’Allemagne (1897) et l’Angleterre (1898). Une nouvelle révolte surgit en 1915 après que beaucoup d’hommes ont été enrôlés de force dans les armées engagées en Europe. Le chef bariba de l’époque, Bio Guéra, reprend les hommes. Il réussit à soulever les villes de Nikki et Bembéréké. Mais il est capturé et décapité en 1919. Les Sombas, autre peuple du Nord vivant dans les montagnes de l’Akatora, se révoltent à leur tour contre les Français. Kaba, leur chef, est finalement tué avec ses guerriers en 1918. L’organisation administrative Le protectorat est dirigé par Victor Ballot9. En 1904, la colonie est rattachée à l’Afrique Occidentale Française (AOF) dont le gouverneur général réside à Dakar, au Sénégal. A l’instar des autres pays de l’AOF, le Dahomey est alors organisé en 8 cercles découpés eux-mêmes en cantons et villages10. La colonie est dirigée à partir de Porto-Novo où réside le gouverneur. L’essentiel de l’administration est assuré par les Français, aidés par quelques Dahoméens. Les anciens monarques sont marginalisés, confinés à un rôle honorifique alors que des nouveaux chefs de canton constituèrent de véritables dynasties11. 9 23 gouverneurs lui succéderont. Citons parmi ceux-ci, R. Cornevin, qui sera nommé gouverneur du Dahomey et du Togo, annexé à la colonie à la fin de la Première Guerre mondiale 10 Le nombre de cercles évolua : 13 cercles en 1934 et enfin 9 cercles en 1938 11 Si dans les années 60, ces anciennes dynasties retrouvent un certain rôle politique en devenant les relais politiques des partis émergents, elles sont violemment combattues dans les années 70 par le
  • 5. Les missions catholiques Les premières missions catholiques sont tentées dès le XVIIè siècle. Mais les puissants marchands d’esclaves et les « féticheurs » réagissent mal à cette incursion religieuse et s’empressent de la faire échouer. A la fin du XVIIè siècle, le catholicisme réussit à s’implanter par le biais d’esclaves affranchis au Brésil et revenus au pays. On les appelle les « Brésiliens ». Ceux-ci s’établissent sur la côté à Ouidah et Porto-Novo. Ils sont sous l’autorité de l’évêché de Goa aux Indes et protégés par le roi d’Abomey allié des Portugais. En 1860 est fondée la mission du Dahomey12. Son territoire s’étend bien au-delà des côtes béninoises, jusqu’à Lagos. Elle résiste aux obstacles que tentent de lui opposer les « féticheurs ». A partir de 1895, les pères Schenckel et Steinmetz assoient durablement les missions sous le protectorat de la France. Cette stabilisation permet d’envoyer des éléments dans le Nord du pays pour étendre l’influence catholique. En 1928, le premier prêtre dahoméen est ordonné. L’évangélisation du pays est assurée jusqu’en 1934 par le père Steinmetz13. Ses principaux concurrents religieux sont la religion animiste et l’islam, venu principalement du Nord. En 1940, une mission est fondée à Natitingou14 en pays somba, scellant l’ultime pénétration septentrionale du territoire par les missionnaires. Vers l’indépendance Le renouveau d’une vie politique … mais très instable En 1943-1944 a lieu la conférence de Brazzaville qui réunit des représentants des colonies françaises africaines. Il en ressort l’idée d’une participation accrue de la population africaine à la vie politique et la volonté d’une extension des droits. En 1946, les droits des Béninois sont effectivement étendus : travail libre, droit de vote (pas encore universel), représentation démocratique au sein du Parlement français. En 1956 est adoptée la Loi-cadre Deferre : elle instaure dans toute l’AOF le suffrage universel et dote les territoires d’un régime de semi-autonomie, prélude à l’autonomie interne. Elues par tous les citoyens, des assemblées territoriales ont le pouvoir de nommer les ministres. L’accès aux plus hauts postes de direction est facilité aux Béninois. Des collectivités rurales sont mises en place dans les campagnes. L’Etat transfère aux gouvernements des territoires plusieurs de ses prérogatives. La vie politique s’organise autour de trois grands partis dirigés par trois grandes figures politiques qui se partagent le pouvoir pendant plus de 30 ans : Souron Migan Apithy (en régime révolutionnaire du général Kérékou. Après 1990, elles profitent du processus de démocratisation pour revenir sur le devant de la scène publique à grand renfort de « tradition réinventée ». 12 Jean Bonfils, La mission catholique en République du Bénin. Des origines à nos jours, Karthala, Mémoires d’Eglise, 1999, 279 p. 13 Depuis 1941, un boulevard de Cotonou porte son nom 14 Cf la carte dans les documents annexes
  • 6. photo en haut), fondateur du Parti républicain du Dahomey (P.R.D) ; Hubert Maga (photo du milieu), à la tête du Rassemblement démocratique dahoméen (R.D.D) et Justin Tométhin Ahomadegbé (photo du bas), dirigeant de l’Union démocratique dahoméenne (U.D.D). Pendant vingt ans, ces trois hommes se partagent le pouvoir tour à tour, s’alliant tantôt avec l’un, tantôt avec l’autre, renversant tantôt l’un, tantôt l’autre. Ce cycle instable se termine généralement par l’intervention de l’armée, ultime arbitre du jeu des factions : en 1957, Apithy devient vice-président. En 1958, quand la République est proclamée, Maga devient Premier ministre. En 1960, quand l’indépendance est proclamée, Maga devient le premier président du Dahomey et Apithy est nommé vice-président. Trois ans plus tard, des grèves et manifestations font chuter le gouvernement. L’armée intervient et remet le pouvoir à Apithy et Ahomadegbé. Nouveau coup d’Etat militaire en 1965 : les militaires restent au pouvoir jusqu’en 1969 en interdisant au trio Apithy-Maga-Ahomadegbé de briguer de nouveaux mandats. Mais ces derniers réussissent finalement, en raison d’une volte-face de l’armée, à instaurer un Conseil présidentiel avec présidence tournante. Cela durera jusqu’en 1972 où l’armée du commandant Mathieu Kérékou prend définitivement le pouvoir, écarte les trois leaders historiques et instaure un régime marxiste-léniniste. Ces rivalités politiques sont doublées de rivalités « ethno-régionalistes ». En effet, Hubert Maga est originaire du nord (Bourgou), Sourou Migan Apithy du sud-ouest (Porto-Novo) et Justin Thométin Ahomadegbé du centre-sud (Abomey). Les antagonismes ancestraux des royaumes se réveillent et chacun des leaders politiques fait ses meilleurs scores dans sa région d’origine. Ces identifications politiques ethno-régionales ont indubitablement nourri l’instabilité institutionnelle. Le « Quartier latin » de l’Afrique Dès les années 40, les fonctions du pouvoir sont monopolisées par une petite élite de lettrées dont le stéréotype est devenu l’akowé, c’est-à-dire « l’évolué ». Depuis le XIXè siècle, il a toujours existé une élite intellectuelle au Bénin. Avant l’akowé, ce fut l’aguda. Les agudas, c’est-à-dire les « Brésiliens », sont des esclaves du Brésil émancipés (ou leurs descendants) et revenus au pays qui se sont engagés à leur tour dans la traite négrière en servant d’intermédiaires entre les Européens et les monarques béninois locaux. Ils se sont enrichis et ont formé une bourgeoisie de négoce. Ils avaient gardé le nom de leur ancien maître portugais (d’Almeida, de Souza, Vieyra, …) et bénéficiaient du statut de « quasi-Blancs ». Après la fin de la traite négrière, dans les années 1840, ils s’engagèrent dans le commerce de l’huile de palme. Au début de la colonisation, ils furent d’utiles collaborateurs pour l’administration française qui les envoyait dans les écoles missionnaires. Mais les aguda sont progressivement supplantés par une élite intellectuelle émergente, les akowé, à partir des années 40. Ces akowé sont une élite autochtone. Ils sont issus des écoles catholiques implantées pendant la colonisation15. S’ils font leurs classes dans l’administration française (comme les aguda) ou dans les « sociétés de presse », ils prennent bientôt la tête des nouveaux partis politiques. Maga, Apithy et Ahomadegbé en sont leurs plus éminents représentants16. Ils formeront l’élite postcoloniale. 3. La République populaire : le régime révolutionnaire de Mathieu Kérékou (1972-1990) 15 Cf supra 16 Cf supra
  • 7. Le Bénin à l’heure du marxisme-léninisme L’alternance de régimes civils et militaires depuis l’indépendance en 1960 se termine par la prise du pouvoir le 26 octobre 1972 par le commandant Mathieu Kérékou. Une nouvelle intervention militaire mais qui était destinée à durer. Il prend la tête du nouveau gouvernement, appelé Gouvernement Militaire Révolutionnaire (GMR). La doctrine marxiste-léniniste est officiellement adoptée en 1974. On crée un parti unique en 1975 : le Parti de la Révolution Populaire Béninoise (PRPB). Le Dahomey change de nom et devient le Bénin. Les structures traditionnelles (chefs de village, couvent, animisme) sont supplantées par les nouveaux représentants de l’administration territoriale réformée (maires, délégués politiques). Les institutions révolutionnaires fournissent à certaines catégories de la société, marginalisées auparavant en raison de leur statut social ou de leur origine géographique, l’occasion d’une revanche. Les paysans, par exemple, ont bénéficié d’une politique active de promotion économique et ont acquis une représentation nationale. Les élites nordistes prennent également une importance croissante dans l’administration et dans les réseaux du P.R.P.B. Les nationalisations se succèdent : banques, assurances, hôtels. Le système éducatif est réformé. Des coopératives agricoles sont créées. Un plan d’industrialisation est décidé. Le joug politique est d’autant mieux accepté que l’économie du Bénin est en plein essor. Grâce à sa rente de situation d’une économie de transit, la croissance atteint les 5% de moyenne entre 1977 et 1980. Le pays devient le port des pays du Sahel. On a pu parle d’ « Etat-entrepôt ».Toutes les marchandises à destination du Nigeria et des pays du Sahel, en particulier le pétrole, transitent par le Bénin qui s’enrichit ainsi. Les bénéfices financiers sont considérables. Les bénéfices politiques également car les recettes permettent le paiement régulier des salaires et permettent de huiler les rouages de la cooptation des élites. Ce système économique lucratif permettait de garantir le « contrat social ». Fragilités et radicalisation Mathieu Kérékou, hier et aujourd’hui : A gauche, le commandant Mathieu Kérékou A droite, Kérékou II Mais à partir de 1977, les positions du régime se radicalisent. Il a en effet essuyé une grève générale en 1975 (violemment réprimée) et une tentative de coup d’Etat deux ans plus tard (menée par la France, le Maroc et le Gabon, elle échoue). Une Loi fondamentale est instaurée : l’opinion est désormais muselée ; un système
  • 8. de candidature unique aux élections est instauré ; les prisonniers politiques ne bénéficient plus de procès. Mais à la fin des années 80, les années s’obscurcissent pour le régime. La mauvaise gestion des finances et la corruption de l’administration aboutissent à une grave crise en 1986. Le Bénin connaît une crise économique, fiscale et bancaire sans précédent. Les trois banques du pays font faillite. En 1989, la banqueroute accable le pays, malgré l’intervention du F.M.I. Des voix s’élèvent et demandent des réformes, voir un autre régime. On raille ce système qui est bien loin de la doctrine originale dont il prétend s’inspirer en le qualifiant de « laxisme-béninisme »17. Le Parti communiste du Dahomey organisait d’ailleurs secrètement la résistance dans la clandestinité depuis longtemps. Les évêques élèvent la voix. La rue se fait entendre en avril 1989 lors d’une grève générale illimitée. Le président essuie un complot, puis à un putsch militaire. Face à cette levée de boucliers, Mathieu Kérékou abandonne officiellement la ligne marxiste-léniniste et organise en février 1990 une Conférence nationale qui réunit des acteurs de la politique et de la société civile afin de trouver une issue à la crise. Il est décidé d’écrire une nouvelle Constitution et d’instaurer le multipartisme. Les bases de la démocratie sont jetées. L’économie se joue désormais sur un mode libéral. Un gouvernement de transition dirigé par Nicéphore Soglo mène à bien les résolutions de la Conférence nationale. Le 2 décembre 1990, la nouvelle Constitution est adoptée par référendum. Cette Conférence nationale historique, moment clé du processus de démocratisation béninoise s’impose à travers tout le continent africain comme un modèle de transition pacifique. 4. La République du Bénin : « le Renouveau démocratique » (1991- 2011) Soglo vs Kérékou II En février 1991 sont organisées des élections législatives. Le 24 mars, c’est le tour des élections présidentielles. Nicéphore Soglo gagne contre Kérékou avec 67,7% des voix. Sa tâche s’avère immense. Il s’y attèle rapidement : les finances publiques sont assainies ; le secteur bancaire est restructuré ; les infrastructures sont modernisées ; le vaudou est rétabli. Mais les retombées sociales des réformes libérales entreprises par Soglo se font attendre : le chômage explose ; la précarité n’est pas résolue ; les trafics clandestins s’épanouissent au grand jour (whisky, essence, ciment, voitures, etc). A la fin de son mandat, en 1996, il est battu et c’est « Kérékou II », autrement dit un Mathieu Kérékou rallié à la cause démocratique qui est élu président de la République. Son élection repose sur deux veines : l’une nationaliste et l’autre religieuse car il accréditait l’idée qu’il avait changé au contact des Saintes Ecritures. Malgré la victoire des partisans de Soglo au Parlement en 1999, Kérékou brigue un second mandat présidentiel en 2001. Il recueille 84% des suffrages au second tour ! C’est une bien curieuse démocratie que l’on a pu voir à cette occasion car son principal rival, Soglo, déclare forfait à l’issue du premier tour, qualifiant l’élection de « mascarade », et son adversaire au second tour, Bruno Amoussou, appellera les électeurs à voter pour … Kérékou ! 17 Emile Dersin Zinsou (président du Dahomey de juin 1968 à 1969) écrira dans une lettre ouverte au monde : le Bénin, après dix-sept années de République populaire, est « un pays sans industrie mais gouverné au nom de la classe ouvrière », une « Roumanie sans exportations, une Bohême sans usines, une Pologne sans charbon, une Prusse sans discipline ».
  • 9. Yayi Boni : un ou deux mandats ? En 2006, Kérékou quitte définitivement la scène politique car la Constitution limite à deux le nombre de mandats présidentiels. Une nouvelle élection n’était de toute façon pas assurée à cause du triple contexte de récession économique, de crise sociale et d’affairisme politique. Malgré des pressions de son entourage, Mathieu Kérékou ne veut pas modifier la Constitution pour prolonger son pouvoir. Quant à son fidèle adversaire, Soglo, il a atteint la limite d’âge prévue par la Constitution. Son successeur Yayi Boni, nouveau venu sur la scène politique béninoise et ancien président de la Banque ouest-africainde de développement (BOAD), est élu démocratiquement. Son bilan reste très mitigé. Les résultats des dernières élections présidentielles de mars 2011, qui donnent Yayi Boni vainqueur, sont fortement sujets à caution. Le jeune Bénin démocratique paraît encore bien fragile. Yayi Boni prête serment le 6 avril 2006 SOURCES - Encyclopédie Universalis – Article « Bénin » - Wikipédia – Articles « Bénin » et « Histoire du Bénin » - Auzias Dominique et Fontaine Sandra, Le Petit Futé – Bénin, Paris, 2006, pp. 29-35
  • 10. DOCUMENT 1 – LE DRAPEAU BENINOIS Le drapeau du Bénin est composé de deux bandes horizontales jaune (dessus) et rouge marquées d'une bande verte d'égale largeur du côté de la lance. La signification des couleurs est expliquée dans l'hymne national du Bénin, L'Aube Nouvelle : le vert rappel l'espoir, le rouge le courage des ancêtres et le jaune incite à conserver la puissance du pays. Il est adopté le 16 novembre 1959 et utilisé pour la première fois le 1er août 1960. Il est abandonné en 1975 pendant la période marxiste de Mathieu Kérékou, remplacé par un drapeau uni vert avec l’étoile rouge communiste-socialiste, puis réutilisé à partir du 1er août 1990. DOCUMENT 2 – LES ARMOIRIES DU BENIN Les armoiries du Bénin ont été réadoptées en 1990 après avoir été remplacées durant la période de la République populaire du Bénin (1975-1990). Blasonnement : Écartelé ; au premier quartier argent, un fort traditionnel (Somba) d'or à quatre tours pavillonnées ; au deuxième aussi argent, la croix de l'Ordre de l'Etoile noire du Bénin qui est symbole de vie ; au troisième encore d' argent, un cocotier de sinople fruité au naturel, rappelant les héros ; au quatrième toujours d' argent, un navire trois mâts, évocateur de la pénétration européenne dans le pays. écu soutenu par deux panthères mouchetées au naturel, timbré de deux cornes d'abondance de sable (noires) emplies de maïs et posé sur un listel portant la devise du Bénin : « FRATERNITÉ - JUSTICE - TRAVAIL ».
  • 11. DOCUMENT 3 – CARTE DU BENIN