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Charlie ARNOULT
MBA 2 International Business Management
Groupe Sup de Co la Rochelle – 2017/2018
Tuteur : Monsieur Benjamin DREVETON
Le new public management et la gestion des
organisations publiques : étude du modèle de l’Armée de
terre française.
Le commandement militaire est-il un exemple de management, et quels
bénéfices pourrait-il apporter aux entreprises du secteur privé ?
1Charlie ARNOULT
2Charlie ARNOULT
Préface
J’ai découvert l’institution militaire à 18 ans, en m’engageant dans la réserve de l’Armée de
terre. Durant sept années, j’ai eu la chance de combiner mes études de commerce
international et l’Armée de terre.
Cet engagement m’a permis d’évoluer et de progresser dans le métier de soldat, en
commandant mon groupe, que ce soit lors de missions d’entrainement, ou lors de missions
opérationnelles de protection du territoire national.
Ce mémoire est pour moi l’occasion de présenter un sujet rarement abordé en école de
commerce, et de mettre en avant notre armée.
C’est aussi un moyen pour moi de me documenter et d’approfondir mes connaissances sur
l’institution militaire, dans le cadre de ma préparation aux concours de Saint Cyr, qui me
permettra je l’espère, de pouvoir rejoindre le corps des Officiers de l’Armée de terre.
3Charlie ARNOULT
Sommaire
I – Le management des organisations publiques
A – La gestion et le management
B – La gestion des organisations publiques
C – Le New Public Management
D – Conclusion
II – Le management dans la Défense : étude de l’armée de terre française
A – La Défense et le Ministère des Armées
B – Zoom sur l’armée de terre française
C – Conclusion
D – La GRH dans l’armée de terre
E – Entre stratégie et tactique
F – Le commandement
G – Conclusion
III – Armée de terre et monde civil : deux mondes si différents ?
A – Quelles différences et points communs entre Armée de terre et monde civil
B – Les forces du management militaire
C – Les bénéfices du management militaire pour les entreprises privées
D – Conclusions
E – Limites du modèle militaire et préconisations
IV – Conclusion
A – In fine
B – Limites de l’étude
C – Apports
D – Remerciements
Annexes
Sources
Table des matières
4Charlie ARNOULT
Introduction
Depuis la crise financière des Subprimes en 2008, l’économie française s’est effondrée :
baisse du PIB et des recettes fiscales, des dépenses publiques toujours plus élevées et un
niveau de chômage record.
Une politique d’austérité est mise en place sous le mandat de François Hollande. Malgré
cela, la concurrence étrangère reste féroce pour les entreprises française et les travailleurs
s’inquiètent de perdre leurs emplois. Les chefs d’entreprises, les managers et les
responsables des ressources humaines tentent de s’adapter pour sortir de la crise.
L’innovation peut être une solution. Le management aussi.
« Ordre et discipline font la force des armées » - Général Charles de Gaulle (1890-1970).
La France, pays doté de l’arme nucléaire, est la 5ème plus grande puissance militaire
mondiale. Malgré cette force de dissuasion, les attentats de janvier et de novembre 2015
ont eu lieu.
« La France est en guerre » - François Hollande (le 16 novembre 2015).
Dans l’urgence, des postes de commandement opérationnels sont érigés à Paris et nos
forces armées sont déployées pour protéger la capitale, puis tout le territoire national. Dans
un contexte de panique, et au lendemain des attentats, l’Armée de Terre était présente dans
les rues.
Aujourd’hui, le management des ressources humaines de l’Armée, notamment le
commandement, inspire de plus en plus les grands entreprises françaises. Les compétences
et les valeurs des hommes en uniforme veulent être reproduites dans les entreprises du
monde civil.
Mais qu’est ce qui caractérise le commandement militaire, et dans quelle mesure ce modèle
managérial peut-il augmenter la compétitivité des entreprises françaises ?
Nous répondrons à cette problématique en étudiant dans un premier temps, la gestion des
organisations publiques et de l’Armée de Terre. Dans un second temps, nous comparerons
l’Armée de Terre et les entreprises françaises du secteur privé afin de mettre en exergue les
similitudes et divergences. Nous terminerons en présentant les bénéfices apportés aux
entreprises françaises s’inspirant du modèle militaire, mais aussi les limites.
5Charlie ARNOULT
6Charlie ARNOULT
I. Le management des organisations
publiques
Dans cette première partie, nous allons définir le management et la gestion en entreprise,
puis nous allons présenter l’institution publique et ses méthodes de management, qu’elles
soient traditionnelles ou nouvelles.
A. La gestion et le management
Qu’est-ce que la gestion et le management ?
Issue du latin gestio (action de gérer), la gestion correspond à la conduite d’une entreprise,
d’une organisation, dans une recherche de performance1.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les grandes puissances connaissent une
période d’essor industriel. Au cours de la révolution industrielle de 1950, les méthodes
d’organisation scientifique du travail (OST) se développent considérablement. Naissent alors
de nouvelles méthodes de production telles que le Taylorisme et le Fordisme, avec la
division du travail, la répartition et la spécialisation des ouvriers à certaines tâches, dans une
optique de gain de temps.
Le mot « management » est alors utilisé. Le management, du latin manus (la main), et agere
(faire marcher, conduire), se définit par la mobilisation et la mise en œuvre des moyens
(financiers, humains2, matériels, immatériels), en vue d’atteindre des objectifs
préalablement fixés.
Normalement, cette phase d’exécution est précédée d’une étape de préparation et de
réflexion, et est finalisée par une phase de contrôle.
Management stratégique, opérationnel et tactique
Manager, c’est prendre des décisions, et selon Igor Ansoff3, il existe trois types de décisions :
Elaborées par la direction d’une entreprise, les décisions
stratégiques sont cruciales puisqu’elles vont guider
l’orientation de l’entreprise sur le long terme, tout en
définissant les ressources nécessaires.
Les décisions tactiques sont le prolongement des décisions
stratégiques. Ces décisions, d’ordre administratives,
correspondent souvent à des décisions de gestion de moyen
terme, qui font appel aux techniques d'aide à la décision et
à la gestion (notion de management moderne4
).
1
Une performance souvent financière
2
Management des Ressources Humaines : MRH
3
Igor Ansoff (1918-2002) : économiste, professeur et consultant en stratégie d’entreprise.
7Charlie ARNOULT
Les décisions opérationnelles ont un effet direct sur l’activité de l’entreprise mais ne sont
pas vitales. Ce sont des actions quotidiennes, d’exploitation courante, généralement prises
sur le court terme.
Dès 1994, Gary Hamel et C.K Prahalad rappelaient dans leur œuvre Competing for the
Future, l’importance cruciale de la cohérence entre le management stratégique et
opérationnel pour la réussite de l’entreprise.
« La stratégie générale, qui va se démultiplier en stratégie opérationnelle puis en stratégie
tactique, va être mise en œuvre par l’ensemble des personnels de l’entreprise. Ce sont donc
les personnels qui décideront du succès ou non de la stratégie. C’est pourquoi la stratégie de
management des Ressources Humaines constitue la clé de voute de la stratégie globale ». 5
B. La gestion des organisations publiques
Gestion ou management ?
Gestion et management sont deux termes similaires, mais ne sont pas employés dans les
mêmes situations. Quelle est la différence ?
- Par gestion, les gens entendent : gestion financière, gestion des achats ou des ventes.
- Par management, les gens pensent à : conduite d’une équipe, conduite des hommes.
Il semblerait aussi que le concept de management soit plus souvent utilisé aux seins des
entreprises à but lucratif (secteur privé), tandis que le concept de gestion soit plus souvent
rattaché aux administrations publiques. En effet, le terme « management » ferait référence à
une finalité marchande, incompatible alors avec les administrations du service public.
Qu’est-ce que la fonction publique ? Comment est-elle structurée ?
La fonction publique est un ensemble de personnes (fonctionnaires) qui travaillent afin de
garantir un service public.
La fonction publique a pour objectif de garantir un service administratif aux citoyens, alors
que le secteur privé sera d’avantage orienté vers une recherche de profit. Les entreprises du
secteur privé peuvent aussi sélectionner leurs clients, alors que le service public doit
répondre à l’intérêt général, c'est-à-dire à tout citoyen français.
4
Style de management profitant de l’évolution technologique et ayant recours à l’utilisation d’outils d’aide à la
gestion, tels que la matrice BCG, les études concurrentielles/sectorielles par exemple.
5
Extrait du livre De la stratégie. L’expérience militaire au service de l’entreprise, du Général Gil Fiévet (1993)
8Charlie ARNOULT
Le secteur public français est composé d’agents de
la fonction publique d’état (FPE), qui travaillent
dans le ministère de l’Education, de la Défense, de
l’Economie et de la Finances, de l’Intérieur, ou
encore de l’Equipement.
Nous retrouvons aussi la fonction publique
territoriale (FPT) avec les administrations publiques
locales (régions, départements, communes, communautés de communes…), ainsi que la
fonction publique hospitalière (FPH) qui regroupe plus de 1 000 000 d’agents du service
public hospitalier.
Les autres formes d’entités publiques
Les établissements Publics (EP), sont des entreprises nationalisées, dont les capitaux sont
publics et qui appartiennent partiellement ou entièrement à l’Etat. Mais leur mode de
fonctionnement est similaire à ceux d’entreprises privées.
EPA et EPIC : les EPA (Etablissement Public Administratif) et EPIC (Etablissement Public à
caractère industriel et commercial) sont les deux régimes juridiques possibles d’un
établissement public.
Ils se distinguent par leur activité : service public administratif pour les EPA (Sécurité sociale,
Pôle Emploi) et service public industriel et commercial pour les EPIC (RATP, théâtres
nationaux…).
L’évolution du secteur public
Dans son livre, "Le management dans les organisations publiques" (2005), Annie Bartoli
décrit le management public comme « l’ensemble des processus de finalisation,
d’organisation, d’animation et de contrôle des organisations publiques, visant à développer
leur performance générale et à piloter leur évolution dans le respect de leur vocation ».
C’est sous Napoléon que l’Etat français se structure et se décline en ministères afin de
répondre aux différentes questions d’intérêt général. Les principaux ministères publics sont
alors l’instruction civique, les finances, la justice et l’armée.
À la suite de la seconde guerre mondiale, l’Etat a joué un rôle important dans la
reconstruction du pays, et c’est sous le régime Vichy qu’apparait le premier statut général
des fonctionnaires.
Jusqu’en 1980, la sphère publique est caractérisée par une forte centralisation mais tend à
se décentraliser petit à petit. La France, et le secteur public, se trouvent alors dans un
contexte de profondes mutations : début de l’utilisation d’outils de gestion pour mesurer la
performance et contrôler les résultats, réductions de budgets publics, et première élection
dans l’histoire de la Vème République d’un président de gauche (François Mitterrand). C’est
alors qu’apparait le terme de « management public ».
9Charlie ARNOULT
C. Le New Public Management
Comme expliqué précédemment, dans un contexte de modernisation du secteur public les
démarches plus « managériales » ont été mises en œuvre. Ainsi, l’administration française,
très bureaucratisée et centralisée, se retrouve face aux réformes des année 60, avec
l’apparition de la RCB (rationalisation des choix budgétaires). Il s’agit pour l’Etat de planifier
des objectifs, d’allouer des moyens et de contrôler leur réalisation budgétaire.
Quelques années plus tard, apparait la DPO (Direction Par Objectifs) et la priorisation des
résultats, qui permet aux managers de fixer des objectifs à atteindre.
Mais ces deux nouveautés ne portent pas leurs fruits sur le court terme et il faut attendre
2001 avec l’apparition de la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances), pour que le
budget de l’Etat soit segmenté. L’argent public est donc réparti entre les ministères et des
bulletins publics sont publiés, afin d’améliorer la transparence des dépenses publiques
auprès des contribuables.
Puis, l’e-administration fait son apparition, avec les NTIC (Nouvelles Technologies de
l’information et de la Communication). Cet usage est d’abord interne, avec des logiciels (ex :
ERP SAP), puis externe (ex : la plateforme ANTS).
Dans ce contexte de modernisation, les entreprises privées ce sont aussi adaptées avec
l’utilisation de nouveaux outils technologiques : matrice BCG, études pays, de marchés
(études sectorielles) ou encore concurrentielles (benchmarking), les tableaux de bords, les
indicateurs de performance et les calculs de coûts.
L’ensemble de ces outils permet aux entreprises du secteur public et privé d’orienter
d’avantage les résultats vers de l’efficacité et la performance.
Aussi, dans une approche macro environnementale, l’administration publique française a
cherché à se rapprocher du citoyen et de faciliter ses démarches en se modernisant.
Sous l’angle micro environnemental, l’administration française a cherché à se décentraliser,
afin de déconcentrer son pouvoir. Au niveau local, les fonctionnaires se retrouvent plus
autonomes et reportent uniquement à leur supérieur direct.
Le New Public Management (NPM) a permis de dynamiser la fonction publique, en mettant
ses agences publiques en concurrence directe avec des entités autonomes, appelées
agences privées, qui répondent aux contrats émis par les autorités politiques.
Cependant, le New Public Management et la modernisation des outils de gestion
entraineraient une focalisation des regards sur les résultats à court terme, au détriment des
objectifs à long terme, selon Sylvie Trosa6.
6
Sylvie Trosa. (2012), La crise du management public, Comment conduire le changement ? Paris, édition De
Boeck, coll. Méthodes & Recherches.
10Charlie ARNOULT
Les difficultés de gestion dans le public
Après avoir interviewé plusieurs personnes travaillant dans le secteur public, l’une des
principales difficultés rencontrées concerne le statut des fonctionnaires. Il est jugé trop
protecteur pour permettre aux responsables d’unités publiques d’assurer leur rôle de
manageurs. En effet, ils ne sont pas maîtres de certains paramètres de la gestion de carrière
de leurs agents, tels que la rémunération, le recrutement ou encore le licenciement. Il est
alors évoqué la difficulté de différencier les individus selon leur compétence et le travail
réalisé, et par conséquent adapter leur avancement et rémunération. Cet aspect peut être
facteur de diminution de la motivation et de résultat au travail.
Au niveau structurel, les fonctionnaires reprochent souvent la lourdeur de l’institution
publique. Cette lourdeur et cette rigidité structurelle engendre une centralisation du pouvoir
et des décisions au échelons supérieurs, et freine la prise d’initiative des agents.
On peut aussi s’interroger du manque de budget et de l’obsolescence de certains
équipements, notamment informatique. Bien qu’ils aient été mis en place lors de la phase de
modernisation du secteur public, ils n’ont pas toujours été mis à jour au fil des années,
entrainant un retard technologique conséquent.
De part leur statut, nous pouvons aussi ajouter la réticence des agents publics à la mise en
place et à l’utilisation de nouveaux outils de pilotage. Cette attitude, appelée « not invented
here », se traduit par le rejet de la technologie et des nouveaux outils de travail qui ne sont
pas inventés par l’organisation en question.
D. Conclusion
Autrefois, le rôle du manageur était d’assurer la stabilité d’une organisation. Aujourd’hui, il
s’agit de piloter l’organisation face aux changements micro et macroéconomiques.
Le secteur public français s’est modernisé et s’est adapté à son environnement, malgré les
contraintes budgétaires imposées.
Le rôle du cadre du secteur public a aussi évolué, et suit à présent une logique de
« manageur intégrateur », qui donne du sens au travail de ses agents, en répartissant les
taches et en les responsabilisant. Cette approche plus participative, permet de valoriser leur
potentiel et ainsi de motiver les employés dans la réalisation de leur travail.
L’encouragement de la prise d’initiative et d’innovation est aussi un paramètre fondamental
au bon fonctionnement des unités publiques.
Malgré tout, le statut d’agent (avancement, rémunération, garantie de l’emploi…) est un
obstacle majeur pour les « managers intégrateurs ».
11Charlie ARNOULT
II. Le management dans la Défense : étude
de l’Armée de Terre
A. La Défense et le Ministère des Armées
« S’il est un milieu où l’élaboration des ordres et des directives, leur transmission, leur
interprétation, leur mise en œuvre et l’évaluation de leurs résultats, en un mot le
commandement, constituent une œuvre forte, c’est bien celui des armée (…). Les armées,
dans ce vaste mouvement inéluctable, ont depuis longtemps joué, et jouent plus que jamais,
un rôle de précurseur et d’éclaireur ». 7
Présentation de la Défense
Qu’est-ce que la Défense ?
« La défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes
les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population.
Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux » - Article L.
1111-1 du code de la Défense.
Depuis 2017, le Ministère de la Défense s’appelle le Ministère des Armées. Il occupe une
place vitale dans la Défense de notre pays. A sa tête, la ministre des armées, Florence Parly.
Les 5 grandes fonctions de la Défense
La stratégie de défense de la France repose sur ces 4 grandes fonctions :
• Dissuasion : 4 sous-marins nucléaires, la puissance de frappe aérienne (Rafales), ainsi que
des missiles moyenne portée de la marine.
• Prévention : exercer la surveillance (satellite militaire Hélios) en vue d’acquérir du
renseignement sur les crises actuelles et futures, les anticiper et empêcher leur
émergence, protégeant ainsi les intérêts et la population française et de nos alliés.
• La projection : intervenir directement, projection en OPEX8. Transall, Hercules ou encore
A400M permettent le transport de nos hommes sur les théâtres d’opérations.
• La protection : assurer la sureté du territoire national avec les 3 armées, ainsi que les
FSI9, et les réservistes. Ex : Sentinelle/Vigipirate (contre-terrorisme) en France, Opération
Harpie (lutte contre l’orpaillage illégal) en Guyane.
• Connaitre et anticiper : connaître ses alliés et ses ennemis pour anticiper la projection de
coalitions et anticiper d’éventuelles attaques.
7
Général Baudouin ALBANEL - Le Management au ministère de la Défense (2004).
8
OPEX : Opération Extérieures. Envoyer des troupes en missions à l’étranger.
9
FSI : Forces de Sécurité Intérieures. Ex : police, gendarmerie.
12Charlie ARNOULT
Les documents cadres stratégiques de la Défense
Cadre financier :
La Loi de Programmation Militaire (LPM), planifie les dépenses de l’Etat dans le domaine
militaire sur 6 ans (2019-2025). Chaque année est ponctuée d’une loi de finance qu’il faut
rigoureusement respecter en termes de budget. Le montant du budget alloué s’élève à 295
milliards d'euros.
Selon les prévisions de la LPM, le budget Défense représentera 1,91% du PIB en 2023, contre
1,78% aujourd’hui (2017). Cet effort budgétaire devra permettre la création de 3.000 postes
civils et militaires, ainsi que l’entretien et l’achat de nouvelles ressources matérielles (voir
programme Scorpion par exemple).
Cadre stratégique :
Le Livre blanc de 2013 et la Revue stratégique de 2018 permettent de comprendre le
contexte stratégique et le rôle de notre défense. Ils présentent les menaces auxquelles la
France doit faire face et les objectifs de notre politique de défense.
Cadre juridique :
Le Code de la défense regroupe l’ensemble des textes législatifs relatifs à la Défense
nationale.
13Charlie ARNOULT
B. Zoom sur l’Armée de Terre française
À la suite de la suspension du service national (service militaire) en 199710, l’armée française
s’est professionnalisée. Il n’y a plus d’appelés et seuls les engagés volontaires qui ont signé
un contrat peuvent rejoindre les rangs de l’armée.
Il m’est arrivé plusieurs fois de discuter avec des anciens appelés, qui me racontaient qu’ils
avaient connu un management militaire directif, souvent autoritaire. Cela n’est
naturellement plus le cas aujourd’hui, et nous monterons qu’en se professionnalisant,
l’Armée de terre s’est élevée et s’est responsabilisée, et fait figure d’exemple en termes de
management auprès des autres armées des grandes nations.
Présentation de l’armée de terre
L’Armée de terre est forte de 112 50211 militaires d’active, de 18 751 réservistes
opérationnels et de 8058 personnels civils. Ces chiffres ont légèrement augmenté en 2018.
La diversité des origines, se mêle à l’exhaustivité des métiers puisqu’il y a plus de 100
spécialités dans l’Armée de terre.
Finalité et missions
La finalité est l’engagement opérationnel pour assurer la protection de la population et des
intérêts français.
Cela se traduit au travers de missions de protection nationale (ex : Sentinelle), de soutien à
la population (plan Neptune inondations), à l’étranger (aide aux gouvernements pour la
stabilité, aide aux ressortissants français, lutte anti-terroriste).
Budget
Budget de l’Etat français : 322,4 milliard €.
Budget de la Défense en 2017 : 32,7 milliards €.
Budget Armée de Terre : 8,6 milliards € (soit moins de 1% des
dépenses publiques).
Le nucléaire militaire représente 20% du budget défense.
La France est le 8ème plus gros budget défense au monde12.
10
Remplacé par la JDC (Journée Défense Citoyenneté), anciennement appelée JAPD (Journée d’Appel pour la
Défense).
11
Chiffres issus du Ministère des Armées (2017) – « Les chiffres clés de la Défense ».
12
Après les Etats-Unis, la Chine, la Grande Bretagne, l’Inde, l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Allemagne.
14Charlie ARNOULT
Organisation structurelle : le modèle « Au contact »
En réponse à la vague d’attentats ayant frappés la France en janvier 2015, les forces armées
françaises ont modifié l’organisation structurelle de la Défense.
« La structure est l’ensemble des fonctions et des relations déterminant formellement les
missions que chaque unité de l’organisation doit accomplir et les modes de collaboration
entre ces unités ». Citation issue du livre Strategor (1993).
Ainsi, au courant de l’été 2016, le nouveau modèle organisationnel « au contact » est mis en
place. Il suit une architecture plus souple et dynamique, afin de pouvoir s’adapter
rapidement pour répondre aux nouvelles formes de menaces. Voici sa chaîne de
commandement en 2018 :
Commandement des Armées
Voici le plus haut échelon de commandement de nos armées, avec à leur tête le Chef des
Armées (Emmanuel Macron). Le CEMA remplit la fonction de conseiller militaire du
gouvernement. Il supervise également la DGA (Direction générale de l’armement), le CICOS
15Charlie ARNOULT
(Centre interarmées de coordination et de soutien), la SGA (Secrétariat général de
l’administration), et le SCA (Service du commissariat des armées).
Commandement de l’armée de terre
Le Chef d’Etat-Major des Armées dirige les trois armées, qui ont chacune leur chef respectif.
Pour l’armée de terre, nous retrouvons sur le schéma ci-dessus le Général d’armées Jean-
Pierre BOSSER, qui dirige plus d’une centaine de régiments dans l’Armée de Terre.
Concentré sur le CEMAT, le pouvoir est basé sur une unité de commandement. Un
commandement monocratique, détenu par une personne située au plus haut niveau
hiérarchique, c'est-à-dire sous l’autorité du Général d’armée Jean Pierre BOSSER.
16Charlie ARNOULT
Organisation d’une caserne
Comme présenté précédemment dans la chaine de commandement, il y a plus de 100
casernes, également appelées régiments, ou encore corps de troupe dans l’Armée de Terre.
Voici l’organisation d’un régiment par services/fonctions :
17Charlie ARNOULT
Organisation par
service/fonction d’un régiment
18Charlie ARNOULT
Il aussi possible de présenter l’organisation d’un corps par importance de grade/hiérarchie :
Ainsi, nous retrouvons au plus haut niveau le Chef de corps, puis les Officiers supérieurs et
subalternes, ensuite les Sous-officiers et enfin les militaires du rang.
19Charlie ARNOULT
Etat-Major Régimentaire et GsBdD
Une caserne militaire est donc dirigée par un Chef de corps (grade de colonel), qui dirige
l’Etat-Major de son régiment.
Le BOI (Bureau des Opérations et Instructions) ainsi que le service des Ressources Humaines
est également sous son autorité. Le BOI est le centre décisionnel du régiment, que ce soit
dans le cadre d’exercices ou d’engagements réels sur des théâtres d’opérations extérieurs.
Nous pouvons aussi présenter le GsBdD (Groupement de Soutien Base de Défense), qui
regroupe les services de soutien de l’armée, souvent gérés par des civils de la défense. Les
GsBdD couvrent des zones géographiques bien délimitées, et sont commandées par un
Officier (ComBdD), relevant directement du CEMAT.
20Charlie ARNOULT
Les Unités Elémentaires
Au sein du régiment, se déclinent des unités élémentaires, aussi appelées compagnies. Ces
compagnies sont les plus petites unités administratives autonomes au sein d'un régiment.
Elles sont dirigées par un CDU (Commandant d’Unité), épaulé par un OA (Officier Adjoint).
L’ADU (adjudant d’unité) s’occupe de la logistique générale au sein de la compagnie, et des
perception et réintégrations avec les autres compagnies.
Enfin, les CDS (Chefs de Section), épaulés d’un SOA (Sous-Officier Adjoint), dirigent une
trentaine d’hommes, souvent déclinés en trois groupes, avec à leur tête un chef de groupe
respectifs, un adjoint et des chefs d’équipes.
21Charlie ARNOULT
C. Conclusion
Nous venons de voir l’articulation globale de la Défense et plus précisément des forces
armées terrestres.
Ainsi, nous avons vu qu’au niveau interministériel et interarmes, le commandement est
hypercentralisé, et axé sur un seul chef : Le Président de la République pour le niveau
interministériel, et le Chef d’Etat-major pour les trois Armées. La subsidiarité dans les
rapports hiérarchiques montre bien l’importance du grade et de l’autorité qui y est
rattachée.
Au niveau central et local de l’Armée de Terre, la chaine de commandement des Armées
s’est décentralisée avec le modèle « au contact ». Plusieurs logiques organisationnelles
(spécialisations) se croisent aux mêmes strates hiérarchiques, entre dimension verticale
(issue d’une logique fonctionnelle) et dimension horizontale.
La réorganisation en 12 commandements de niveaux divisionnaires redonne de la verticalité
à la structure de l’Armée de terre.
Nous aurions pu élargir la dimension horizontale de cet organigramme en intégrant au
niveau interarmes13, les alliances avec les armées étrangères, les coalitions internationales
(OTAN, EUROCORPS, ou ONU par exemple).
Au sens strict de Max Weber14, les Etats-majors de l’armée de terre française sont des
organisations bureaucratiques, structurées de manière verticale, voire pyramidale, tout en
respectant une hiérarchie des grades, fixant ainsi le cadre disciplinaire.
13 Pour rappel : niveau interarmes : 3 Armées => Terre, Air, Marine.
14 Max Weber (1864-1920) est un économiste et sociologue allemand, ayant réalisé des travaux sur le
management, la légitimité du pouvoir sur l’armée prussienne.
22Charlie ARNOULT
Recrutement
Formation
Gestion de carrière
Avancement
Départ
Reconversion
Réinsertion
D. La GRH dans l’armée de terre
Impliqué dans le processus de modernisation publique, la Défense suit une ligne de conduite
priorisant le management par objectifs, le contrôle de gestion et la gestion des ressources
humaines.
Les étapes de la carrière d’un militaire :
Le recrutement
Le site internet des Armées permet de se renseigner, puis les CIRFA15 permettent de
rencontrer des conseillers recrutement. La DRHAT16 suit et valide les dossiers de
recrutement. Le recrutement vise une moyenne d’âge basse, nécessaire aux contraintes
spécifiques du métier.
La formation, la gestion de carrière et l’avancement
La formation initiale va permettre aux recrues d’apprendre les bases du métier de soldat
puis leur spécialité.
La gestion de carrière leur permettra d’évoluer et d’acquérir de nouvelles compétences,
mais aussi de passer des qualifications et de monter en grade. Un militaire reçoit en
moyenne 25 jours de formation par an, contre 10 pour les autres agents publics. Ces
nombreuses formations entretiennent les capacités techniques et la faculté d’adaption des
militaires, et renforcent leur attachement à l’institution.
La gestion des ressources humaines avec la GEC et la GPEC17, permet d’améliorer la flexibilité
des ressources humaines face aux mutations actuelles et futures de l’environnement, sur le
plan qualitatif et surtout quantitatif.
15 Centre d’Informations et de Recrutement des Forces Armées
16
Direction des Ressources Humaines de l’Armée de Terre
17
G(P)EC : Gestion (Prévisionnelle) des Emplois et Compétences
23Charlie ARNOULT
C’est au sein des unités mais aussi dans les GsBdD que le suivi administratif des militaires est
réalisé. Il s’agit de la gestion des soldes, du suivi des qualifications, mais aussi d’évaluer
individuellement leur potentiel, via les entretiens annuels d’évaluation (BNA18).
L’exercice de notation, la gestion de carrière, l’attribution de récompenses, sont tant de
paramètres qui permettent de fidéliser et de responsabiliser les hommes.
Départ, reconversion, réinsertion
À la suite d’un départ de l’institution, le militaire peut décider de rester dans la défense, la
fonction publique, ou retourner à la vie civile. Il existe des aides à la reconversion en fin de
contrat d’une durée d’au moins 4 ans.
La création du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM), chargé d’écrire
un rapport annuel adressé au Président de la République et au Parlement, permet d’évaluer
et d’alerter les autorités sur la situation des militaires, sur le plan économique, social ou
psychologique, dans l’optique d’améliorer les conditions de vie des soldats et ainsi réduire le
nombre de départs.
E. Entre stratégie et tactique
Stratégie délibérée et émergente
La stratégie générale est un processus permettant aux dirigeants de définir un but à
atteindre, en fixant des objectifs sur le moyen-long terme, tout en respectant la politique de
l’organisation et ses valeurs.
Elle permet aussi de déterminer les ressources disponibles et manquantes, et comment les
mobiliser.
Une stratégie délibérée sera le fruit d’une réflexion rigoureuse, tandis qu’une stratégie
émergente n’est pas programmée initialement et se révèlera en cours d’action.
Stratégie générale et opérationnelle
La stratégie générale est celle définie précédemment, qu’elle soit délibérée ou émergente.
Elle s’appliquera d’avantage aux entreprises civile que dans le domaine militaire, sur le
champ de bataille. La stratégie opérationnelle, quant à elle, s’appliquera d’avantage au
domaine militaire, et sera fréquemment appelée « tactique ».
La stratégie opérationnelle se réalise davantage sur le court terme que la stratégie générale.
Elle a souvent pour objectifs l’action imminente, ou la résolution de soucis imprévus.
18
BNA : Bulletin de Notation Annuel
24Charlie ARNOULT
Sur le champ de bataille, la tactique aura pour objectif de surpasser son adversaire. Pour se
faire, les officiers traduiront leurs réflexions en ordres, qu’ils transmettront avec motivation
à leurs hommes, afin de garantir la victoire.
Pour une entreprise évoluant dans un contexte concurrentiel fort ou pour des militaires
planifiant une action offensive dans une zone risquée, l’intention stratégique ne sera pas de
s’adapter à son environnement mais de le changer, le transformer à son profit. Le
changement n’est alors plus une contrainte mais un objectif pour réussir selon Hamel G. et
Prahalad C. K19.
Adapter sa stratégie
« Un général d’empire ne doit jamais arriver au combat avec un seul plan. Le grand art c’est
de savoir changer pendant la bataille »20
Une stratégie ne doit pas rester figée, elle doit pouvoir évoluer, et changer en cours de
route.
Prenons l’exemple de France Télécom. En 1998, cette entreprise détenue à 80% par l’Etat
français, se voit contrainte, par l’ouverture du secteur des télécommunications en 1998 en
France, d’adapter sa stratégie pour rivaliser sur un marché pluri concurrentiel sur lequel elle
n’a plus le monopole de l’offre. Cette adaptation s’est réalisée difficilement car elle ne s’était
pas préparée structurellement face à un tel changement stratégique.
Attaquer la stratégie ennemie
« Il est d’une importance extrême dans la guerre d’attaquer la stratégie ennemie ». 21
Comment l’utilisation de la guerre de dissuasion dans la stratégie militaire permet de
prendre l’ascendant sur ses adversaires ? Comment la guerre des prix pour les entreprises,
permettent d’obtenir un avantage concurrentiel ?
Etre compétitif, c’est donc être meilleur que ses concurrents. La distinction peut se faire par
la différenciation de prix mais aussi par l’innovation produit.
Prenons l’exemple de Pepsi et Coca Cola pour illustrer la victoire par différenciation de prix.
Bien que Coca Cola soit fort de son ancienneté et bien implanté dans le monde, Pepsi a su se
différencier et gagner des parts de marchés en appliquant une politique tarifaire agressive
envers son concurrent (plus de contenu pour un prix inférieur).
19
Hamel G. et Prahalad C.K - Competing for the future, Harvard Business Review (1994).
20
Citation de Gérard Depardieu dans le film Carbone (2017).
21
Sun Tse - L'art de la guerre.
25Charlie ARNOULT
Dans un contexte de guerres économiques, les entreprises peuvent poursuivre une stratégie
s’inspirant de la démarche militaire afin de rester compétitive. En effet, l’expérience
millénaire des stratèges militaires peut être réutilisée par les dirigeants d’entreprises.
L’utilisation de l’intelligence économique et les veilles est un moyen dans le monde militaire
mais aussi civil de comprendre la démarche de son ennemi pour mieux connaitre ses
faiblesses et se positionner, l’attaquer de manière optimale. Le Benchmarking est une forme
de renseignement pour les entreprises, en étudiant l’offre concurrente pour mieux se
positionner.
Applicable dans un environnement concurrentiel fort, où la rivalité est intense, la dissuasion
est un moyen de dominer son adversaire. Lors de la guerre froide opposant l’URSS aux USA,
la détention et la possible utilisation de l’arme atomique était une forme de dissuasion.
La dissuasion par le risque d’entraîner des pertes peut également être appliquées entre des
entreprises concurrentes, avec notamment la dissuasion par les prix.
Prenons l’exemple de deux entreprises, l’une entrant sur le marché, et l’autre étant
fortement ancrée et disposant de ressources financières importantes. Mise en concurrence
et lancée dans un contexte de guerre des prix (ex : Coca-cola et Pepsi), l’entreprise détenant
de fortes ressources financières pourrait mettre en garde le nouvel entrant, en montrant sa
volonté et sa détermination à utiliser sa capacité financière dans une guerre des prix. Cette
forme de dissuasion peut freiner et décourager le nouvel entrant à entrer sur ce marché.
Mais cela a tout de même ses limites : limite de rentabilité/vente à perte, interdiction de
telles pratiques avec les lois anti-dumping des prix, ou encore les futurs projets de lois pour
encadrer la grande distribution.
26Charlie ARNOULT
F. Le commandement
« Que l’on soit général ou caporal, on est placé, en permanence ou dans certaines
circonstances, dans une position d’autorité, en position de chef ». 22
Qu’est-ce que le commandement ?
Le management est la version civile du commandement. Selon le Maréchal Foch, le
commandement se traduit par cette équation :
Pour être plus précis, le commandement correspond à la conception, la conduite et le
contrôle de l’exécution d’un ordre émanant du commandement, d’un supérieur.
« Commander, c’est avant tout connaître ses hommes 23», et pour les connaître, il faut
passer du temps avec eux, apprendre à les connaitre, discuter avec eux pour mieux les
comprendre.
En se confrontant à la difficulté, on comprend que commander, ce n'est pas
simplement donner des ordres, c'est aussi créer la cohésion et la fraternité au sein d'une
équipe.
Le management insiste davantage sur l’art de faire travailler ses collaborateurs en équipe,
plutôt que de commander au sens propre. Cette tendance conduit à fragiliser la notion
d’autorité pleinement liée au pouvoir statuaire du chef, pour la remplacer par la force de
conviction.
Il est important de bien distinguer deux types de commandement :
• Le commandement opérationnel : responsable de l’emploi des forces.
• Le commandement organique : responsable de la préparation des forces.
22
Citation de Pierre BOSSER, actuel Chef d’Etat-major de l’armée de terre.
23
Citation entendue lors d’une conférence sur la gestion du stress en opération, au 6ème
Régiment du Génie.
Commander = comprendre + faire comprendre
27Charlie ARNOULT
Evolution du commandement militaire
Les évolutions de la société ont poussé l’armée à adapter son modèle de commandement.
Le développement de l’individualisme, la judiciarisation de la société, et la contestation de
l’autorité, sont des facteurs qui ont influencé les modes de direction des hommes.
Des militaires retraités et des appelés me racontaient qu’à l’époque du service militaire, ils
avaient été confrontés à un management qu’ils définissaient de très autoritaire mais,
finalement nécessaire à une époque où la France était engagée sur plusieurs conflits. En se
professionnalisant, l’Armée de terre a évolué et a su adapter ses méthodes de
commandement à l’évolution de la société et à ses mutations internes.
Avant la professionnalisation des armées, les appelés étaient des hommes qui n’étaient pas
des engagés volontaires et qui n’avaient pas signé de contrat. La difficulté pour les dirigeants
militaires était de taille. Comment faire exécuter un ordre à une personne démotivée, qui
n’a pas demandé à se retrouver ici ?
Un management, qualifié d’autocratique était alors appliqué. Les officiers et sous-officiers
prenaient les décisions et exigeaient de leurs subordonnés une exécution strictement
identique à celle ordonnée, suivant à la lettre le processus d’exécution communiqué par le
supérieur. La communication se faisait à sens unique, du haut vers le bas.
Le manque de confiance réciproque entrainait des contrôles récurrents, et la centralisation
des décisions par les supérieurs, sans délégation envisageable.
Les subordonnés redoutaient certaines réactions de leurs supérieurs et craignaient les
sanctions facilement appliquées. Ils n’avaient que peu de responsabilité et pouvaient
rarement faire preuve d’initiatives.
Le commandement militaire aujourd’hui
Aujourd’hui, le commandement militaire s’est tourné vers un management plus paternaliste,
voir participatif.
Le commandement militaire ne peut se définir comme un style propre de management.
C’est un subtil mélange de différents styles de management, qui varie certes, selon les
personnalités, mais aussi selon le contexte.
Bien que les méthodes de management tendent à l’uniformité dans l’armée, elles diffèrent
surtout selon les strates hiérarchiques, et selon les grades.
28Charlie ARNOULT
Il faut alors bien distinguer les trois strates hiérarchiques suivantes afin de mieux présenter
le mode de commandement s’y rapportant :
1 : D’officier supérieur (CDU) à officiers subalternes (chefs de section), le management sera
plutôt directif : faiblement relationnel, il est purement organisationnel et consiste à
structurer les relations de travail. La communication est principalement descendante, et le
CDU effectuera des contrôles. Le CDU accorde sa confiance à ses officiers, en leur indiquant
la mission, tout en les laissant libre de choisir le plan d’action. Cela leur laisse des marges de
manœuvre suffisantes pour commander la mission de manière optimale, car cela fait naitre
des initiatives et permet d’impliquer d’avantage les officiers et sous-officiers dans leur
mission.
2 : D’officier à sous-officier, le management sera plus participatif et délégatif : Il y a une
véritable écoute des besoins des subalternes en respectant la chaine hiérarchique de
communication (les sous-officiers s’adressent aux officiers subalternes, qui vont ensuite
s’adresser aux officiers supérieurs). Cela permet aussi de prendre en compte les limites
auxquelles font face les sous-officiers dans la réalisation de leur mission. Ce pragmatisme
permet la remontée d’informations jusqu’aux officiers supérieurs, qui ne peuvent pas
toujours tout voir sur le terrain, et qui peuvent ainsi suivre au plus près le déroulement de la
mission et l’articulation de leurs groupes.
L’holocratie, c’est cette volonté des officiers subalternes, de responsabiliser et
d’autonomiser les sous-officiers.
29Charlie ARNOULT
3 : De sous-officiers à militaires du rang, le management sera généralement plus
paternaliste : C’est à cette strate hiérarchique que le management a véritablement évolué
depuis la professionnalisation des armées. Paternaliste, dans le sens ou les supérieurs
conservent leur pouvoir et leur autorité, tout en adoptant une posture protectrice et
conseillère envers leurs subordonnés.
Il y a une attention plus grande à leur égard, une communication plus importante
permettant de réduire la distance hiérarchique entre les deux strates. Ce qui a également
été constaté, c’est l’effort fourni par les sous-officiers qui prennent d’avantage le temps
pour décrire la mission, mais surtout pour expliquer le contexte, l’objectif recherché, la
finalité et les bénéfices espérés au travers de leur engagement.
En effet, donner un ordre directif, celui d’aller d’un point A à un point B sera effectué sans
réelle motivation par le soldat. Mais lui expliquer que la progression doit se faire en
discrétion, en passant par tel itinéraire, afin de reconnaitre une zone, permettra alors une
meilleure compréhension du soldat et une meilleure implication dans la réalisation de
l’ordre.
Nous pouvons appuyer cet extrait par les études managériales menées par R. LIKERT24,
concernant le management participatif, qui serait le style management plus adapté au sein
d’un groupe. Il ajoute également qu’une personne qui travaille en ayant la conscience d’être
utile à son organisation, sera naturellement plus motivée et créera de meilleurs résultats.
Cette logique de participation est rappelée dans « L’exercice du commandement dans
l’armée de terre – Commandement et fraternité 25», avec la volonté de responsabiliser et de
valoriser les individus, tout en créant la satisfaction de servir.
La recette d’un bon commandement
La légitimité, l’autorité et la persuasion sont les trois critères qui garantissent un
commandement efficace.
Comme l’illustre le schéma ci-dessous, les sentiments crées par ces trois critères seront la
reconnaissance, l’obéissance et l’adhésion.
Un bon chef saura trouver le juste équilibre entre ces trois points afin de se faire respecter,
par son grade et sa fonction, mais aussi son expérience et son exemplarité, tout en étant
suffisamment convainquant par la parole.
La fonction du chef en tant que donneur d’ordre sera légitimement accepté et les
subalternes adhéreront fidèlement aux décisions de leur chef.
24
RENSIS Likert (1903 – 1981) est un psychologue et auteur américain ayant réalisé des études sur les styles de
management en entreprise.
25
Publication diffusée par l’Etat-major de l’armée de terre (2016).
30Charlie ARNOULT
Les ordres d’opérations dans l’armée de terre
Il existe deux types d’ordres : les ordres de mouvements et les ordres de préparation aux
opérations.
Les ordres de mouvements restent toujours identiques dans leur forme, ils sont dynamiques
et sont exécutés immédiatement par les subalternes. Par exemple : « Face à la lisière de
forêt, formation en ligne, Halte ! ».
A contrario, les ordres d’opérations, tels que les OPO26 ou les OI27, sont des ordres
préparatoires, pré-missions. Leur rédaction est complète et très détaillée. Ces ordres sont
ensuite transmis du rédacteur (Commandant d’Unité en général), aux exécutants, donc les
chefs de sections et les Chef de groupes.
Voici les différents paragraphes structurant un Ordre Initial :
1 – Situation Eni (ennemi) et Amie.
2 – Mission de l’unité.
3 – Mode d’action donné par les supérieurs.
4 et 5 – Moyens à mettre en œuvre.
26
Operation Order : Ordre d’Opération.
27
OI : Ordre Initial.
31Charlie ARNOULT
Il existe deux types de commandement pour transmettre cet OI, notamment la partie 3)
« mode d’action » :
• Le commandement directif, par ordre, aussi appelé commandement « Top-Down » :
le but, les ressources disponibles et la mise en œuvre de celles-ci sont communiquées
par le supérieur au subalterne en charge de la mission. Les subalternes ont donc une
faible liberté d’exécution. Ces ordres sont donnés à de rares occasions, en situation de
crise aigüe, ou lorsque le combat est engagé. Rapidement, le chef prend des décisions
verticales.
• Le commandement par objectifs, aussi appelé « Bottom-Up » :
l’objectif est donné par le chef, mais l’exécutant a une plus grande liberté d’action dans
l’exécution de la mission. Cela incite le chef à la prise d’initiative et lui permet de
personnaliser son plan d’action. Le Général Vincent Desportes qualifie cette autonomie
de « bulle de liberté d’action des subordonnés ».
En règle générale, le type de commandement par objectif est privilégié, mais dans un
contexte de crise aigüe, le commandement par ordre facilitera une exécution rapide de la
mission.
L’exercice de commandement est un exercice cyclique qui se décline en 3 étapes, quel que
soit le niveau hiérarchique auquel il est communiqué.
1 – Réflexion : détermination de l’objectif, avec prise en compte des forces/faiblesses,
menaces et opportunités, des risques et menaces de l’environnement, mais aussi des
ressources (humaines, financières, matérielles) à disposition. Phase de réflexion et de travail
en équipe.
2 – Action : Il s’agit ici de décider et de transmettre des ordres clairs et synthétisés. Le
supérieur (Chef) doit faire preuve de conviction et de motivation, afin de susciter l’adhésion
et l’implication de ses subalternes.
32Charlie ARNOULT
3 – Contrôler : effectué par le supérieur, le contrôle permet de vérifier la bonne exécution de
l’ordre. Cela permet de mettre en évidence les erreurs d’exécution des subalternes mais
aussi de transmission d’ordre par le supérieur en cas de mauvaise compréhension des
ordres. Le contrôle permet de réaliser un bilan de l’action menée et permet ainsi un progrès
sur le moyen/long terme, en se servant du « Retex » (Retour d’Expérience) des précédentes
missions.
La notion d’animation permet de dépasser le commandement au sens strict, en intégrant
cette dimension plus participative.
Manager dans l’armée de terre
Comme vu précédemment, le commandement est la transmission d’ordres du haut vers le
bas. La relation de commandement varie en fonction des strates hiérarchiques en question.
Ainsi, le degré d’autonomie, de liberté d’action, d’écoute et de prise en compte des
supérieurs n’est pas toujours le même selon le niveau de grade.
Mais le management n’est pas uniquement réservé aux entreprises du monde civil. En effet,
aux plus hauts niveaux hiérarchiques, au sein des Etats-majors régimentaires, de brigade ou
divisionnaires, ainsi qu’au sein des BOI28, et des GTIA29, la prise de décision ne peut se faire
par une seule personne, car elle demande concertation et un long travail de réflexion.
Pour certaines missions, ces grands décideurs doivent faire appel à des spécialistes de
différents domaines (formation ou fonction), d’autres Armes30 ou d’autres métiers, voire
même à des civils de la Défense.
Pour résumer, les hauts gradés ayant des responsabilités techniques ou scientifiques
(expertises), tels que les officiers du BOI ou des Etats-Majors, ainsi que les hauts contrôleurs
et administrateurs civils de la Défense, auront recours à des méthodes de management pour
travailler sur des projets communs, de manière collaborative. En revanche, le
commandement s’assimilera à un ordre plus directif, et trouvera d’avantage sa place sur le
terrain. Les méthodes de management seront principalement utilisées dans les bureaux
militaires.
28 28
BOI : Bureau Opérations Instructions. Services qui s’occupent d’organiser (procédures) et de structurer
(cadrer) les missions.
29
GTIA : Groupement Tactiques Interarmes : lorsque différents Régiments, spécialités travaillent ensemble sur
une même mission, diversifiant les compétences et savoir-faire.
30
Ex d’Armes : Génie, cavalerie, infanterie, transmissions….
33Charlie ARNOULT
G. Conclusion
Au cours d’une mission, il est fondamental d’adapter sa stratégie à l’environnement, mais
aussi de modifier l’environnement afin de faciliter l’exécution de son plan d’action.
Depuis la professionnalisation des armées, les méthodes de commandement se sont
améliorées, et sont devenues plus participatives et paternalistes. Elles ont su mettre en
avant les subalternes et réduire le clivage officiers/sous-officiers et sous-officiers/militaires
du rang, en les impliquant d’avantage et en les responsabilisant dans la réalisation de la
mission. Le commandement par ordre s’est assoupli afin de laisser une plus grande liberté
d’action aux subalternes.
Le management trouvera sa place aux plus hauts échelons dans l’armée de terre. Il est
fondamental de saisir la complémentarité du commandement et du management militaire.
Bien que très formelle et hiérarchisée, l’armée de Terre reste polyvalente et participative. La
décentralisation des décisions a permis d’assouplir l’organisation général de l’institution.
34Charlie ARNOULT
III. Armée de terre et monde civil : deux
mondes si différents ?
A. Quelles différences et points communs entre l’Armée de Terre et le civil
Nous avions précédemment expliqué que le monde civil caractérise tout ce qui n’est pas
militaire. La sphère publique, qui comprend l’Armée de terre, se différencie des entreprises
privées, notamment sur les notions de management et de gestion.
Mais La frontière entre sphère publique et privée est imprécise. Qu’est-ce qui les
différencient et les rapprochent ?
Pour rappel, il existe en France trois grandes fonctions publique :
• La fonction publique d'État (FPE)
• La fonction publique territoriale (FPT)
• La fonction publique hospitalière (FPH)
 L’armée fait partie de la fonction publique d’Etat et est donc rattaché au ministère des
armées.
Dissemblances secteur privé et armée
En interrogeant les gens, la première différence qui leur vient à l’esprit concerne la finalité
du métier.
« On ne pourrait assimiler le commandement des hommes dans les armées et la direction des
hommes en entreprise, car les finalités à atteindre, les caractéristiques de l’action conduite,
les structures respectives n’ont guère de points communs ». 31
• En effet, la finalité reste diamétralement opposée : les entreprises privées exercent leur
activité dans un but lucratif, tandis que les armées doivent remplir des missions
commandées par l’Etat, tout en respectant un budget alloué. Cette notion de rentabilité
économique est en opposition avec la recherche d’efficience dans la réalisation de la
mission pour l’armée de terre.
31
Extrait du livre De la stratégie. L’expérience militaire au service de l’entreprise, du Général Gil Fiévet (1993).
35Charlie ARNOULT
• La seconde différence concerne les contraintes et les difficultés liées à l’activité du
métier de militaire :
- Disponibilité en tout temps et en tout lieu, le militaire peut être réquisitionné à tout
moment en cas de rupture de la normalité. Il a également un devoir de disponibilité
quelques années après avoir quitté les rangs.
- Les journées durent souvent plus de 8h.
- A hauteur de 45 jours par an, les congés, appelés permissions, sont rarement
intégralement utilisés par les militaires, et sont souvent imposées pour une grande partie
en août.
- Enfin, les risques liés au métier ainsi que la distance avec la famille et son pays sont
également des contraintes fortes en OPEX au cours de la mission.
• L’environnement juridique dans lequel évoluent les entreprises privées et l’Armée sont
codifiées, mais ne dépendent pas du même cadre légal.
- Pour le privé, l’activité est déréglementée et suit une politique libérale. Les entreprises
relèvent du droit privé : code du commerce, code civil, et pour les RH le droit du travail
avec le code du travail.
- Pour l’armée de terre, l’activité est régalienne et la règlementation publique (droit
publique). L’activité militaire doit répondre à l’intérêt général, tout comme la fonction
publique. Il n’y a pas de code du travail pour les fonctionnaires et militaires. Cette non-
soumission de la Fonction Publique au code du travail permet de réduire les normes et
procédures complexes.
Pour l’Armée, nous retrouvons le code de la défense, qui définit les grandes lignes
stratégiques et politiques de nos armées. Ensuite, il existe un droit du militaire, appelé le
Statut Général des Militaires français (SGM), définissant les droits et les devoirs, mais
aussi les sanctions et les récompenses applicables aux militaires. Les règles de vie, le
comportement attendu et les us et coutumes du métier de soldat sont également
rappelées dans le Code du soldat ainsi que dans le TTA (Traité Toutes Armes),
notamment avec le TTA 101 : règlement de discipline générale, ou encore le TTA 102 :
règlement du service intérieur.
Enfin, l’armée de terre diffuse régulièrement de nouvelles circulaires via sa nouvelle
plateforme électronique Boréale.
• N’étant pas soumis aux mêmes droits, les hommes en treillis n’ont pas de droit de grève,
n’ont pas de syndicats et donc pas de délégué syndical.
Ils sont aussi soumis au devoir de Réserve, c'est-à-dire de discrétion concernant leur
activité, et n’ont pas le droit de manifester.
36Charlie ARNOULT
Pour se faire entendre dans leur Régiment, les militaires ont des référents : les
représentants de catégories. Ce sont vers eux que les militaires se tournent pour
adresser leurs requêtes, qui seront ensuite transmise au président de catégorie qui
travaille en lien étroit avec le Chef de corps. Il est important de respecter cette chaîne
hiérarchique.
• La gestion des ressources humaines est également différente. Le chef militaire d’une
compagnie (fonction de commandant d’unité), peut influer sur la gestion de la carrière
de ses hommes et peut les positionner sur certaines formations ou stages. Cependant, et
contrairement aux Responsables des ressources humaines (RRH) des entreprises privées,
il lui est impossible de réaliser son propre recrutement car il est géré par les CIRFA32, ou
encore d’influer sur la gestion de la solde (salaire) de ses hommes.
• La notion de responsabilité : Les dirigeants d’entreprises ne sont pas, ou peu,
responsables des actes de leurs salariés sur leur temps de travail. Or, pour l’armée, cette
notion est amplifiée et est élargie même en dehors des heures de travail. Le chef
militaire est responsable 24h/24 des faits et gestes de ses hommes. Il endosse donc la
responsabilité de leurs erreurs et se porte garant de leur comportement.
• Relation entre salariés : les relations restent souvent purement professionnelles dans le
civil, que ce soit dans le secteur privé ou public. A contrario, le rythme et le risque des
missions à l’armée, ainsi que la distance et l’absence de repères familiers, renforceront
les liens fraternels entre les hommes. Les militaires apprendront à se connaître,
parleront de leur famille, mais aussi de leur santé morale et de leurs soucis. Cette notion
est importante et est prise en compte par les chefs militaires dans le cadre de la mission.
Prendre en compte une rupture amoureuse entre un militaire et son épouse, avec 5000
km de distance entre les deux, peut entrainer de lourdes répercussions sur l’état
physique et psychologique du militaire, qui doit être pris en compte par son chef. Ces
facteurs restent très rarement évoqués dans le civil, que ce soit dans la fonction publique
ou les entreprises privées.
• La position de client : pour le privé, le client achète un bien ou un droit qu’il choisit de se
procurer. L’entreprise peut aussi décider de vendre ou non ce bien à certains clients.
Dans le civil, le client d’un organisme public est consommateur mais aussi actionnaire. Il
contribue indirectement au paiement de ce service en payant ses taxes. Qu’il utilise ou
non ce service, il participera à son financement. Les agents de la fonctions publiques ne
peuvent refuser des clients, et ont l’obligation de répondre à leur demande.
32
CIRFA : Centres d’information et de recrutement des forces armées.
37Charlie ARNOULT
Points communs
• Entreprises privées et organismes publiques recherchent la satisfaction du client. Ces
entités ont des structures qui leur sont propres, mais les schémas organisationnels
restent similaires, avec une structure hiérarchique, une direction :
- Direction Officiers généraux
- Top Managers Officiers supérieurs
- Middle Managers Officiers
- Front Managers  Sous-officiers
- Main d’œuvre Militaires du rang
• Juridiquement, Armée et entreprises privées sont soumises au code pénal et aux droits
de l’homme.
• Nous retrouvons également les même grandes fonctions de management et de gestion.
Le management stratégique (Officier / Top Managers) et opérationnel (Sous-Officiers /
Middle Managers), les ressources humaines, la comptabilité, ou encore le service achats
(Direction Générale de l’Armement), etc.
• La notions de qualifications et de compétences est très présente au sein de l’armée, avec
les nombreux stages et formations proposées aux militaires. La stratégie et les objectifs à
atteindre à moyen et long terme, sont comme dans le civils, présents dans l’armée. Le
livre blanc s’adresse aux militaires et aux citoyens, en développant les grandes lignes
stratégiques des armées françaises, remises en forme en 2017 sous le nom de « revue
stratégique de défense et de sécurité nationale » par le CEMA.
Monde civil et militaire ont certes, leur lot de différences. Mais quelles sont ces valeurs qui
font la force de l’Armée de terre, et quelles méthodes de travail militaires peuvent être
bénéfiques aux entreprises du secteur privé ?
38Charlie ARNOULT
Etre
reconnu
Etre
entendu
Agir
utilement
B. Les forces du management militaire
« Il serait absurde de vouloir diriger un service commercial comme un commando de
parachutistes » - colonel Cyril Barth, directeur de la Fondation Saint-Cyr.
Certes, mais bien des valeurs et des qualités militaires sont aujourd’hui reprises par les
entreprises du CAC 40 pour former leurs cadres.
La multiplication des formations aux cadres supérieurs, aux banquiers, à la suite des crises
financières, et ce besoin de conseils des entreprises dans un environnement mouvant et
instable, ont motivé d’anciens militaires à créer leur entreprise de conseil et d’audit.
Ces entreprises, telles que Scyfco ou Pegasus Leadership, sont spécialisées dans la
formation, les mises en situations et les Team Building militaires. Le centre de formation de
St Cyr Coëtquidan accueille aussi environ 2 000 cadres et étudiants par an pour des stages de
management.
Les attentes du militaire
-Etre reconnu : en tant qu’homme et non comme un soldat. Le militaire est une finalité, mais
il n’est pas uniquement un moyen permettant d’obtenir un résultat. Il ne faut pas oublier de
placer l’homme au centre des préoccupations, au centre de la stratégie, au lieu de se
focaliser sur la recherche de profit financiers ou d’efficience pour le secteur public.
-Etre entendu : son avis, son ressenti sur sa capacité, sur la tactique, sur l’ennemi, doivent
être pris en compte. Imposer une manière de faire à un homme qui ne lui est pas propre
peut rapidement être une erreur.
-Agir utilement : Voir les résultats, le fruit de son travail et les bien faits, la corrélation entre
le résultat final et l’ordre de mission.
39Charlie ARNOULT
Valeurs
Cohésion et esprit de
corps
Discipline
Communication
Adaptabilité de
commandement
Une armée avec des valeurs33
« Le sentiment de servir des valeurs collectives positives permet de développer l’acceptation
quotidienne des contraintes ». 34
Ce sont ces valeurs collectives, qui font la force de l’armée de terre, qui malgré des
réductions budgétaires et un métier difficile, permettent de remplir les missions et
repousser les limites de chaque homme.
Faire partager les valeurs de l’entreprise, c’est susciter l’intérêt des individus autours d’un
dénominateur commun.
33
Réponses issues du questionnaire en annexe 2.
34
« Management : l'armée, un modèle à suivre ? » (2013) de Patrice Huiban et Hugues Marchat
40Charlie ARNOULT
La cohésion d’équipe et esprit de corps
« Formez d’avance l’esprit de corps ». 35
Bien qu’elle ait été prononcée il y a des dizaines d’années, cette citation reste d’actualité. En
effet, la cohésion doit être façonnée dès le temps de paix, notamment au cours de la
préparation opérationnelle, car une fois la bataille engagée, il est trop tard.
La cohésion, c’est lorsqu’un groupe solidaire maintient son implication dans une même
direction, afin d’atteindre un objectif commun. Ainsi, l’esprit de groupe et la réussite en
équipe pousse les éléments à repousser leur limite et à aller plus loin qu’ils n’iraient
individuellement.
Le soutien mutuel se trouve dans les moments difficiles. Lors d’opérations à l’étranger ou
lors d’une effort physique intense, avec l’épreuve d’un parcours d’obstacle en équipe par
exemple, où les meilleurs devront aider les moins forts pour passer la ligne d’arrivée
ensemble. Ce type d’exercice permet d’éliminer les comportements individualistes ou
égoïstes.
Selon Elliott Jacques36, la culture d’entreprise se partage entre les membres d’une
organisation, au travers de manifestations telles que les mythes, les valeurs, les rituels, les
tabous, les symboles et les héros.
L’esprit de corps dans l’armée de terre repose en effet sur des traditions communes qui
renforcent ce Sentiment d’appartenance à une collectivité militaire. Cela se traduit par
exemple par les soirées « cohésion » organisées au sein des unités, afin de renforcer l’esprit
de camaraderie dans un cadre festif et convivial.
Les Régiments ont aussi leurs propres décorations, drapeaux, signes et emblèmes
d’appartenance, ou encore le souvenir d’un fait d’arme. Par exemple, les Troupes de Marine,
ont pour héritage collectif un souvenir de guerre et, aujourd’hui comme fête annuelle, la
bataille de Bazeilles 37.
La fraternité dépasse la simple amitié. La fraternité nait lorsque les militaires font des
missions ensemble, vivent des aventures difficiles ensemble et se soutiennent. C’est la
fraternité qui permet aux soldats de s’engager personnellement au service de la réussite
collective.
35
Citation du Colonel Ardant du Picq (1820-1870)
36 Psychologue canadien qui a introduit la psychanalyse dans l'étude des entreprises.
37 La bataille de Bazeilles (1870) pendant la guerre franco-prussienne.
41Charlie ARNOULT
La discipline
La discipline formelle est quotidiennement véhiculée à l’extérieur par l’uniforme et la
visibilité des grades.
A cette notion de grade, s’ajoute celle de l’expérience. L’expérience des OPEX et des départs
en missions, mais aussi de l’ancienneté.
Enfin, la particularité propre à l’Armée de terre concerne la fonction occupée. « La fonction
prime sur le grade ». Cela signifie par exemple qu’un pilote de véhicule blindé de l’avant,
peut refuser l’ordre d’un supérieur, de prendre une route minée, car lui seul détient la
fonction de pilote et connait son véhicule, les risques du terrain et les dommages qu’ils
pourraient causer au véhicule et ses hommes à l’intérieur.
La communication interne
La communication est quotidienne et permet la bonne circulation des informations. Les
rassemblements quotidiens le matin, les bilans individuel chaque année, et les entretiens
régulier entre subordonnés et supérieurs permettent d’entretenir ce lien.
Communiquer régulièrement permet de favoriser les échanges, d’éviter les interprétations,
et de lever les doutes.
Dans l’exercice du commandement, la communication est un art. L’art de bien
communiquer pour susciter l’adhésion de ses subalternes.
Il s’agit en pratique de consacrer du temps à bien détailler les ordres, de façon claire et
précise, tout en expliquant le contexte, l’objectif de la mission et les enjeux. C’est ainsi que
les personnels se sentirons plus impliquées et s’investiront davantage.
Selon E. Mayo38, les relations humaines, notamment l’intérêt porté aux subalternes, est un
facteur de motivation, et provoquera une augmentation de leur motivation et de leur
productivité.
Il s’agit aussi de redonner du sens. Avant la projection de troupes sur un théâtre à risques
comme l’Afghanistan, il conviendra de prendre le temps d’expliquer aux hommes pourquoi
la France décide d’y envoyer des soldats, et quels sont les objectifs à remplir.
L’information et la participation permettent à chaque soldat de parfaitement saisir la
responsabilité qui lui incombe pour mener à bien la mission. Une bonne communication
38 Elton Mayo (1880-1949) est un psychologue et sociologue australien à l'origine du mouvement des relations
humaines en management.
42Charlie ARNOULT
entrainera donc une meilleure compréhension de la mission et une participation plus active
des hommes en treillis.
L’adaptabilité
L’Armée de terre française est reconnue pour sa capacité à adapter ses méthodes de
commandement aux conditions de l’engagement et à ses objectifs stratégiques.
Un chef n’adoptera pas le même comportement et le même discours auprès de ses hommes
lorsque ceux-ci sont au régiment, que lorsqu’ils sont en plein désert, épuisés par une journée
de combat et sans liaisons avec les autres unités alliées.
S’avoir s’adapter à la situation et adapter son discours à ses hommes est une forme
d’intelligence de situation et d’humanisme. C’est aussi une des formes du rôle social du chef
auprès de ses subalternes.
C. Les bénéfices du management militaire pour les entreprises privées
Malgré des restrictions budgétaires toujours plus importantes au cours de ces vingt
dernières années, l’Armée de terre présente des indicateurs de bien-être supérieurs à la
moyenne, malgré la difficulté et les risques du métier.
Nous avons précédemment montré que le commandement militaire par objectif s’orientait
vers une pédagogie plus participative, en responsabilisant ses hommes et en les impliquant
d’avantage.
Nous pouvons donc nous interroger sur les bonnes pratiques que les Chefs militaires sont en
mesure de transmettre aux managers du secteur privé ?
Après analyse des interviews (annexe 3) et grâce aux réponses du questionnaire en ligne
(annexe 2), j’ai pu regrouper plusieurs méthodes de travail et habitudes propres à l’Armée,
qui selon les personnes interrogées dans le sondage, mériteraient d’être d’avantage
appliquées dans les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. Il est important de
rappeler qu’un grand nombre des sondés sont réservistes, et par définition, ont un pied dans
l’Armée et l’autre dans en entreprises.
Les quatre premiers points ci-dessous sont, selon les votes du questionnaire, ceux qui
méritent le plus d’être appliqués en entreprises. Ils sont classés du plus important au moins
important (voir nombre de votes en annexe 2).
43Charlie ARNOULT
1 - Les RETEX :
Le RETEX est une abréviation militaire, issue de l’association des abréviations entre
« retour » et « expérience ». En entreprise, on utilise le terme « feed-back ».
Le RETEX permet pour ceux qui ont réalisé une mission, de faire remonter les difficultés
rencontrées aux suivants, afin d’éviter de reproduire les mêmes erreurs, mais aussi de
réduire le stress pré-opération.
Dans le privé, cette méthode n’est pas assez utilisée. Les managers ont tendance à
réinventer tout une méthodologie pour chaque nouveau projet, alors même qu’ils
pourraient s’inspirer des anciens. Ce retour d’expérience permet de mette en perspective ce
qui a fonctionné et ce qui a échoué.
Les feed-back sont faits lors de débriefing à l’issu des missions réalisées, mais il est aussi
possible de faire un retour sur ses collaborateurs et leur travail. Ce sont deux formes de
RETEX, qui renforcent la communication au sein des équipes. Les retours sur soi permettent
de s’améliorer, de mieux se connaitre, mais aussi de se remotiver lorsqu’il s’agit de retours
positifs.
Les erreurs réalisées individuellement à l’Armée sont appelées « axes d’amélioration » afin
de ne pas blessé le concerné. Lors du debriefing post-mission, le Chef commencera toujours
en énumérant ces axes d’amélioration, puis finira en annonçant les points positifs, afin de ne
pas terminer sur une note négative.
2 - Rendre compte
Comme rappelé précédemment, la communication occupe une place très importante chez
les militaires. Lors d’une mission, les échanges entre les différentes strates hiérarchiques
sont omniprésents, au travers des comptes rendus. Cette action de rendre compte permet
aux militaires de suivre l’évolution de chaque étape de la mission même à distance. Ainsi, les
supérieurs hiérarchiques sont continuellement informés de l’avancement, des obstacles
rencontrés ou des étapes franchies. Cela permet un suivi précis et continu de l’exécution de
la mission, et permet une réactivité accrue en cas de modification de l’ordre initiale de
mission.
Ce souci du reporting continu peut être amélioré dans le civil. Trop de salariés ont peur de
déranger leur référent en les tenant informé, or le suivi de ses subalternes est l’essence
même du rôle d’un manager.
Comme l’a expliqué le Lieutenant (R) Philippe dans son interview (annexe 3), le compte
rendu militaire n’est pas exercé comme un contrôle abusif (à l’instar des géolocalisations
dans le privé ou des comptes rendus intempestifs). C’est un moyen d’informer en temps réel
le déroulé de la mission afin de pouvoir changer la stratégie initiale et ainsi adapter son plan
44Charlie ARNOULT
d’action à tout moment. La chaine hiérarchique peut dès lors, modifier les ordres avec des
« OCA » (ordre en cours d’action).
3 - Cultiver la proximité dans le commandement
Au rythme de l’industrialisation et de la mondialisation, les échanges ont évolué sur le lieu
de travail, et peu de personnes donnent de leur temps aux autres. Les échanges humains
sont bien souvent limités à l’aspect purement professionnel.
L’armée a bien compris que pour commander ses hommes, il faut les connaître. Pour les
connaître, il faut s’ouvrir à eux et être humain.
En entreprise, les gens se saluent le matin. Parfois, certains demanderont « comment ça
va ?». Mais combien posent cette question en prenant bien le temps de bien regarder la
personne dans les yeux, d’analyser la réponse, et de s’assurer que la personne va vraiment
bien ?
Etre humain, c’est créer des liens et connaître ses collègues de travail, quelle que soit la
hiérarchie. Connaître la situation familiale (enfants, marié) afin de faire preuve d’intelligence
de situation et d’empathie en cas de séparation ou de situation de handicap. Cela permet
également de fêter les réussites familiales (obtention du diplôme d’un enfant) et d’améliorer
les rapports quotidiens. Certaines entreprises l’ont déjà bien compris en organisant des
stages de cohésion et en s’appuyant sur les comités d’entreprise pour organiser des
évènements collaboratifs.
Autrefois caporal-chef de réserve et aujourd’hui officier dans l’active, le sous-lieutenant Jean
m’a dressé sa vision du rôle social du chef de groupe à l’armée. Etre à l'écoute des difficultés
rencontrées par les subordonnés rejoint finalement la cohésion de l'unité et l'esprit de corps
qui doit l'animer. Un manager dans le privé qui comprendrait qu'il a également un rôle social
à jouer vis-à-vis de ses subordonnés/employés, pourrait ainsi décupler leur capacité de
travail de ces derniers en les impliquant et en les reconnaissant.
4 - Anticiper l’imprévu
La transmission des ordres du chef de section à ses chefs de groupe a pour objectif de
décrire le contexte de mission, en incluant la situation de l’ennemi, des amis, et surtout la
conduite à tenir en cas de prise à partie. Comment réagir si l’ennemi nous a repéré ou s’il
nous tire dessus ? Quel chemin de repli en cas d’imprévu ou d’abandon de la mission ?
Peu d’entreprises se posent la question de la roue de secours lorsqu’elles mettent en place
une stratégie. Comment réagir si un nouvel entrant arrive sur le marché et concurrence nos
parts de marché ?
45Charlie ARNOULT
A quel moment rompre le contact et se replier ? Comment minimiser les pertes humaines
pour l’armée, et financières ou matérielles pour les entreprises ?
C’est pourquoi les entreprises doivent consacrer du temps à l’élaboration d’un plan B, en
déterminant la conduite à tenir en cas d’imprévu, pour gérer au mieux les risques
apparaissant en cours de stratégie.
Gestion de groupe et leadership
Une des premières étapes dans la réalisation d’une mission de groupe consiste à définir la
fonction de chacun, ses compétences, et donc le rôle de chacun dans le travail qu’il doit
fournir, afin de garantir efficacité dans la réalisation de la mission. Le rôle de chacun est
donc clairement identifié (Chef, adjoints, exécutants) et repose sur la hiérarchie. Le groupe
doit être structuré et discipliné.
Le leadership militaire est différent du civil dans le sens où le Chef de groupe et son adjoint
ne doivent montrer aucun signe de difficulté, de pessimisme ou de remise en cause des
ordres qui émanent de leurs supérieurs. En effet, son Chef militaire est souvent un exemple,
et son avis peut facilement influencer négativement la perception que les subalternes
peuvent se faire de la mission ou de ses autres supérieurs hiérarchiques. Un chef démotivé
est bien souvent un chef démotivant ! Si le chef s’assoit, ses hommes s’allongent.
Le supérieur a pour rôle de soutenir, mais pas d’assister ses hommes. Il les aidera à aller de
l’avant en les conseillant, mais ne fera pas le travail à leur place. Il les valorisera et les tirera
vers le haut.
La cohésion d’équipe
Nous avons particulièrement insisté sur l’esprit de corps qui est le ciment des fondations de
notre armée.
Pour reproduire ce ciment dans le civil, les managers peuvent s’inspirer des principes utilisés
dans l’armée, en jouant sur la transparence et l’exemplarité. De plus, il ne faut pas avoir
peur du contact, et aller voir la personne directement. A l’ère des nouvelles technologies de
l’information de et la communication, trop de manager préfèrent envoyer un e-mail à leurs
équipes plutôt que leur parler en face à face. Cela permet pourtant de gagner du temps, de
mieux transmettre ses informations afin d’éviter les erreurs de compréhension, ou encore
de désamorcer des situations conflictuelles qui finiraient par s’envenimer avec le temps.
La concentration des efforts
La concentration des efforts est une méthode de stratégie militaire applicable en marketing
dans les entreprises privées. Cette concentration des forces sur un objectif précis, à un
moment précis, sera plus efficace que de se disperser sur différents angles d’attaques.
46Charlie ARNOULT
Il en est de même pour conquérir des marchés étrangers par exemple. Une entreprise peut
concentrer ses efforts sur l’exportation de ses produits en Allemagne par exemple, en
concentrant ses efforts sur un seul pays afin de bien entrer sur son marché, en s’y installant
et en y renforçant sa position par la suite.
Après avoir conquis ce marché, l’entreprise pourra s’attaquer à de nouveaux pays comme
l’Autriche par exemple, en s’appuyant sur la victoire précédente.
De plus, la notion d'objectif occupe une place prépondérante à l’Armée. Dans les grandes
entreprises françaises, beaucoup de temps est perdu par manque d'objectifs clairs.
L’importance du renseignement
« Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ». Sun Tse - L'art de la guerre.
L’utilisation du renseignement permet de comprendre la stratégie adverse, ses capacités
(forces, faiblesses, ressources), ses possibilités et les intentions de cet ennemi.
A l’instar du renseignement militaire pour nos armées, les entreprises réalisent des études
concurrentielles (Benchmarking). Collecter des informations et les exploiter permet de
mieux connaître et comprendre la stratégie de ses concurrents, déterminer leurs forces,
leurs faiblesses, et leurs intentions, afin de contrer ou même attaquer leurs positions.
Cette notion d’intelligence économique s’applique aujourd’hui à toutes les fonctions de
l’entreprise et s’est amplifiée avec le développement des NTIC.
L’importance de la gestion du temps
Militairement, l’échec de la Blitzkrieg39 menée par Hitler contre l’URSS est la preuve de
l’importance de la gestion du temps.
Cet exemple rappelle l’importance de maîtriser le temps, avec une armée allemande
engagée sur le front russe, et qui par retard, sera surprise par l’hiver. Mal équipée, elle sera
considérablement réduite par la perte de nombreux hommes et le disfonctionnement
d’armement et de véhicules.
Cet exemple est certes radical, mais il illustre bien le fait qu’il est rare que nous passions
moins de temps que prévu à la réalisation d’une tâche en entreprise.
L’objectif est donc de prévoir large, en s’accordant des marges de manœuvre.
39
Blirzkrieg : Guerre étoile – Guerre éclaire, très rapide.
47Charlie ARNOULT
Notion d’interculturel
La nature religieuse ou idéologique de certain conflit amène notre armée occidentale à
réfléchir sur les références culturelles des théâtres sur lesquels elle est engagée. Il en va de
même pour les service ADV/export qui doivent constamment s’adapter dans leur manière de
communiquer ou de travailler, afin de se faire comprendre, voire d’éviter les écueils et
erreurs de compréhensions qui pourraient amener à des conflits dans les affaires. Pour
l’armée, la question diplomatique est également importante.
Cela impose une grande ouverture d’esprit aux cultures et aux croyances étrangères.
La motivation intrinsèque
En entreprise, chacun s’implique individuellement en utilisant ses propres connaissances et
ses compétences. Les sources de motivations sont généralement la rémunération ou les
promotions à des postes plus élevés.
Dans l’armée de terre, il n’existe aucune récompense pécuniaire et ce sera le plaisir de
mettre à contribution son savoir qui devient source de motivation, puisqu’il permet la
reconnaissance de ses camarades.
Les entreprises ne bénéficient pas de cette même implication de leurs salariés. Le statut de
militaire est considéré comme un métier de passion, de patriotisme, de sacrifice et de mérite
avant même de considérer les missions, qui peuvent être très variées selon le poste. C'est
dans cette optique que beaucoup intègrent leur régiment. De plus, les sacrifices que l'on fait
pour son entreprise ou l'obéissance aveugle à la hiérarchie sont souvent perçus de manière
négative en France et ne sont pas source de cohésion mais plutôt de fracture au sein des
équipes.
Planification
Quel que soit la nature des missions, leur programmation se fait sur le court et le moyen
terme. Il est rare qu’une mission soit annoncée aux militaires moins d’un an avant le départ,
afin de rester dans un futur proche, tout en laissant aux hommes le temps de se préparer.
Geert Hofstede 40 rappelait l’importance du contrôle de l’incertitude et la peur de l’inconnu.
Ces pratiques militaires permettent aux militaires d’éviter les facteurs d’angoisse, mais aussi
de mieux planifier, de se préparer physiquement et psychologiquement, et de préparer la
famille à une absence longue.
40 Geert Hofstede, (1928) est un psychologue néerlandais
48Charlie ARNOULT
Se reposer, passer du temps en famille, organiser ses jours de congés, savoir quand auront
lieu les pics d’activité lors de la préparation, sont des facteurs très importants à prendre en
compte. Savoir de quelle OPEX il s’agit est aussi un élément crucial.
Cette planification des départs en mission est clairement partagée avec des moyens très
simples tels que l’utilisation de tableaux-Excel prévisionnels sur 1 an, affichés dans les
couloirs de la compagnie, afin d’informer les hommes des missions futures et des effectifs
retenus.
Le système de parrainage
Le système de parrainage à l’armée fait partie des traditions chez les nouveaux sous-officiers
et officiers.
Le parrainage est une forme de coaching des anciens vers les nouveaux, afin de leur réserver
un accueil bienveillant, tout en les conseillant et en les rassurant.
Le maître de stage en entreprises ou encore le tuteur qui aide l’étudiant dans la réalisation
de son mémoire, sont aussi des formes de parrainage dans le civil. Ils épaulent les étudiants,
prennent le temps de les corriger, et leur transmettent des axes d’améliorations grâce à leur
expérience. Il pourrait être intéressant que les seniors puissent d’avantage épauler les
nouveaux arrivants.
Le suivi et le recyclage des compétences
Le suivi des qualifications est omniprésent au sein des armées. Il s’agit de déterminer quelles
compétences sont détenues dans la compagnie, mais aussi de veiller à ce que les diplômes
relatifs à ces compétences soient encore valides.
Certains diplômes ne sont valides qu’une certaine durée car les savoir techniques, les
processus, et les matériels évoluent au cours des années. C’est le cas par exemple pour le
sauvetage au combat ou encore les sports de défense.
Cela permet d’être à jour et de suivre les évolutions technologiques, mais aussi de pousser
les hommes au maintien des savoir-faire acquis et à ne pas se reposer sur leurs acquis.
49Charlie ARNOULT
D. Conclusion
Les armées ont su s’inspirer des nouvelles méthodes de gestion dans le cadre de la
modernisation du secteur public, notamment en adaptant ses méthodes de management et
de commandement, mais aussi en utilisant les nouveaux outils informatiques, ainsi que les
nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Les valeurs militaires acquises au cours des décennies, renforcées par les guerres, et
maintenues par les traditions, les souvenirs et les décorations, permettent à ses hommes de
se surpasser quotidiennement et de remplir des missions toujours plus complexes, avec de
moins en moins de moyens.
Comme vu précédemment, les méthodes de gestion militaires et civiles sont différentes mais
complémentaires. Chacune des deux entités peuvent s’inspirer du meilleur de l’autre.
Les guerres peuvent prendre différentes formes :
• Guerres asymétriques, opposant une force armée à un groupe de combattants
matériellement insignifiants : lutte de la coalition contre l’Etat Islamique.
• Guerres révolutionnaires, avec la guerre d’indépendance des Etats-Unis contre le
Royaume Unis 1775-1783.
• Guerre froide, entre l’URSS et les Etats Unis 1947-1991.
• Guerre classique, avec neutralisation de l’ennemi, lors de la 1ère et 2ème Guerre
mondiale.
• Guerre économique, avec des embargos, ou des blocus.
C’est la stratégie économique qui va le plus intéresser les dirigeants d’entreprises, dans le
cas où l’entreprise est engagée dans une lutte contre un ou plusieurs concurrents.
L’entreprise va chercher à se différencier de ses concurrents, et restera dans une
confrontation économique, sans rentrer en guerre physique contre celui-ci. A cet instant,
l’expérience militaire des guerres n’est plus applicable.
« La conquête des marchés a désormais remplacé celle des territoires : la troisième guerre
mondiale a débuté » - Bernard ESAMBERT41.
41
Bernard Esambert est un ingénieur et financier français
50Charlie ARNOULT
La LPM et la révision de certains
postes de dépenses comme solution
E. Limites du modèle militaire et préconisations
Nous venons de présenter les différents savoirs faires, méthodes de travail issues du monde
militaire et les avantages qu’ils peuvent apporter aux entreprises civiles.
Néanmoins, l’Armée de terre a aussi ses faiblesses et elle fait également face à une série de
difficultés qui lui est propre.
Une partie des faiblesses est abordée ci-dessous, avec la volonté d’apporter à chacune une
solution ou une alternative afin de pallier le problème.
Une armée en difficultés financières
L’Armée de terre a fait face à une diminution de ses capacité financière avec la part du PIB
consacré à la défense divisée par 2 en 30 ans.
Depuis la nouvelle loi de programmation militaire, cette situation est en voie d’amélioration.
Le budget prévisionnel devrait s’élever à 295 milliards d'euros, l’amélioration du portefeuille
militaire est donc possible sur ces quelques prochaines années.
D’autre part, il est possible de réaliser des économies en interne, en révisant et en réduisant
certains postes de dépenses. La France, détenant plus de 300 ogives nucléaires, est aussi un
des cinq pays signataire du traité de non-prolifération de l’arme nucléaire. Ne peut-elle pas
réduire ce poste de dépense, pourtant extrêmement coûteux puisqu’il représente plus de
20% du budget des armées ?
Difficultés financières et baisse
de budget militaire
51Charlie ARNOULT
Mieux cibler les besoins du terrain
Des mauvaises décisions du service achat de l’Armée de terre
Dans un second temps, de nombreuses personnes dénoncent l’achat d’équipements
militaires inadaptés, parfois même absurdes.
Le système FELIN :
Le système FELIN (Fantassin à équipement et liaison intégrée) pour l’infanterie est un
équipement à la pointe de la technologie. Cependant, il n’est pas adapté car il est jugé trop
lourd et encombrant. Egalement très cher, même les américains friands de ce type de
matériels ne se sont pas intéressés au projet.
L’Auxylium :
Prenons comme second exemple le système de communication Auxylium, actuellement
utilisé par nos unités en patrouille Sentinelle en région parisienne pour communiquer entre
elles.
L’Auxylium est composé d’un smartphone, ainsi que d’un boitier réseau supplémentaire, et
de deux batteries externes. Il faut savoir que la connexion entre le smartphone et le boitier
se fait très difficilement (appareil alors inutilisable), et les militaires utilisant ce produit ne
cessent de se poser la même question : pourquoi l’appareil est composé de deux parties
aussi lourdes et encombrantes ? et pourquoi la connexion aux réseaux est-elle si mauvaise ?
Aujourd’hui tous nos smartphones sont conçus d’une seule pièce. La batterie permet
l’autonomie pour une journée complète et nos appareils ont très rarement des soucis de
connexion au réseau (bien que le réseau ne soit pas crypté).
Malgré tous ces défauts, cet appareil qui était très récemment encore en phase de test,
semblerait avoir convaincu l’Etat-Major terre, qui validera probablement une seconde
commande pour équiper toutes les militaires en patrouille sentinelle en France…
Ce genre d’achat est perçu par nos militaires sur le terrain, comme du gaspillage financier.
Porter plus d’attention aux achats que l’Armée réalise, en étudiant mieux les besoins et les
problématiques des militaires permettrait d’éviter l’achat de matériel inadapté et de limiter
les dépenses.
Difficultés financières et baisse
de budget militaire
52Charlie ARNOULT
Un combattant d’infanterie porte déjà beaucoup de poids et doit pouvoir se déplacer
rapidement au combat. Il paraît donc absurde de développer un équipement faiblement
utile qui lui rajoutera 10kg sur les bras ! En étudiant mieux les besoins de militaires, en leur
faisant tester des prototypes afin de recueillir des feed-back, les gradés responsables des
achats éviteront de dépenser inutilement de l’argent.
Ce travail en amont peut aussi permettre de développer des équipements spécifiques avec
les constructeurs français.
Il y a aussi la problématique des quantités d’achat. L’Armée de terre a parfois passé de trop
grosse commande et se retrouve avec des stocks de vieux matériels à écouler. C’est le cas
des papiers PDF1 ou encore des chemises F2 que peu de militaires portent aujourd’hui mais
qui restent en stock. La revente de tous ces vieux matériels qui sont dépassés auprès des
pays dont les armées sont en développement, permettrait de se débarrasser de ces stocks
encombrants, et de capitaliser pour l’achat d’équipements futurs.
La plupart des militaires sur le terrain n’ont aucune influence sur les décisions d’achat des
matériels militaires, mais ils sont pourtant contraints d’utiliser ce matériel ensuite en
dotation. Dans un tel contexte, il n’est pas rare d’entendre des militaires dire que les hauts
dirigeants militaires privilégient leurs propres intérêts relationnels et politiques dans les
décisions d’achat de matériel militaire. Peut-on se demander si dans certaines situations, les
intérêts économiques ne passeraient pas avant les intérêts de la France ?
Néanmoins, on peut féliciter les importants efforts réalisés afin d’équiper les militaires avec
des équipements mieux adaptés : les nouveaux treillis félins, les rangers Haix, le nouveau
fusil HK 416/417, le nouveau gilet pare-balle (SMB) ou encore du programme de
modernisation des véhicules « Scorpio » sont des exemples de la récente modernisation de
notre armée.
53Charlie ARNOULT
Mise en place d'un nouveau logiciel
de gestion des soldes
Former ses militaires à la gestion
Le système de gestion des soldes
A la suite du dysfonctionnement informatique du logiciel « Louvois », responsable du calcul
de la solde des militaires français, beaucoup de militaires ont été gravement atteint
financièrement. Certains ont eu des trop perçu, qu’ils ont par la suite dû rembourser contre
toute attente, tandis que d’autres ne recevaient plus de salaire pendant plusieurs mois,
entraînant des situations financières très complexes dans de nombreux foyers.
Les soucis ont été en partie régularisés et la situation s’est aujourd’hui stabilisée mais cette
défaillance de logiciel fût lourde de conséquences pour de nombreux militaires se retrouvant
dans des situations complexes auprès de leur famille et de leur banque.
Le remplacement du logiciel Louvois est prévu depuis un certain temps avec le logiciel
"Source Code", mais son installation n’est toujours pas finalisée.
Des outils de gestion complexes issus du secteur privé
D’une manière générale, l’armée de terre est ralentie par un manque de compétences en
informatique et en gestion.
En effet, l’article « Traduction d’un outil de gestion dans le secteur public : le cas du BSC dans
l’armée de terre française 42», l’armée française fait face à des difficultés dans la mise en
place d’un balanced-scoreboard, un outil de gestion issu du privé.
42
Article issu d’une revue de gestion, et rédigé par Ludivine Perray-Redslob et Julien Malaurent – 2015
Soucis de gestion des soldes des
militaires
Difficulté de traduire dans l’armée, des
outils de gestion issu du privé
54Charlie ARNOULT
Développer la communication
En effet, l’utilisation du logiciel est effectuée par des civils de la Défense qui font face à des
difficultés de traduction des termes issus du jargon militaire.
De plus, ces civils n’ont pas pleinement connaissance des valeurs de l’armée, de l’institution,
et du travail opérationnel, ce qui ralentit la communication. Une communication compliquée
entre civils et militaires, ces derniers faisant preuve de résistance dans la communication des
données.
Pour solutionner cette situation, la formation de militaires en fin de carrière aux outils de
gestion apparait comme une solution. La combinaison de leur expérience militaire avec
l’apprentissage de techniques informatiques et de gestion permettrait la manipulation des
nouveaux logiciels issus du privé.
Une autre alternative serait l’utilisation accrue des réservistes. Issus du monde civil et
formés dans des entreprises privées, leur double connaissance des outils informatiques et du
fonctionnement de l’institution militaire pourrait être un parfait compromis. Le défis réside
dans la disponibilité du réserviste sur un poste qui nécessite un emploi à plein temps.
La distance Armée-Nation
Ce point a été mentionné plusieurs fois dans le questionnaire publié en ligne. Le manque
d'information et de prise de parole publique de la part des hauts-gradés afin de renforcer le
lien armée-nation.
Selon le 11ème rapport du HCECM43, « la fonction militaire bénéficie d’un niveau élevé de
bonnes opinions, 88% des français ont une bonne image des armée ». Mais donner une
bonne image n’est pas suffisant et il est aussi très important de communiquer et de
s’adresser à l’opinion publique, aux français.
Les représentants de l’institution devraient passer plus de temps à expliquer aux français les
raisons de l'engagement de nos forces armées au Mali par exemple.
43
11ème
rapport du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire – (Sept 2017), La fonction militaire dans
la société française.
Un manque de communication auprès des
citoyens
55Charlie ARNOULT
Adopter un management plus transversal
La revue stratégique définit la stratégie et les théâtres d’opérations mais cela ne suffit pas et
ce moyen de communication a un trop faible impact sur les français.
En revanche, s'adresser aux français en utilisant les « mass média » tels que la TV par
exemple avec un passage au journal télévisé de 20h de TF1 par exemple, permettrait à
l’armée de renouer avec le peuple et de présenter ses opérations et les raisons de son
engagement. La transparence est importante et prendre le temps de répondre aux questions
permet aux citoyens de se sentir concerné par les problématiques de défense et de sécurité.
Cet effort de communication est déjà réalisé auprès des militaires avant leur départ en
mission (expliquer les raisons de leur engagement, les enjeux, les règles d’engagement, le
respect du droit international, etc.).
Alors que les attentats du Bataclan faisaient rage, nos soldats étaient aux pieds du bâtiments
mais n’avaient pas eu l’autorisation d’intervenir. Peu de temps après ce tragique évènement,
les civils ont manifesté de vives critiques sur les militaires restés stoïques. C’est alors qu’un
discours des représentants militaires aurait permis de désamorcer le conflit par le dialogue.
Prendre quelques minutes, pour présenter les raisons ayant empêché l’intervention de
l’armée.
La rigidité et le respect de la hiérarchie
Le respect de la voie hiérarchique pour délivrer un message ou faire une demande est
primordial dans l’armée.
Pour faire une demande au Commandant d'Unité, un militaire du rang doit d'abord
s'adresser à son adjoint chef de groupe ou son chef de groupe, qui s'adressera au chef de
section, qui transmettra la demande au Commandant d'Unité.
Il y a beaucoup d'intermédaires pour délivrer un simple message, avec entre temps le risque
d'oubli, de déformation du message ou même de bloquage de la demande par un supérieur
hiérarchique.
Pour pallier ce soucis de communication, la réduction de la distance hiérarchique et la
modification de la structure traditionelle en structure "agile", permettrait de faciliter la
communication entre les diférentes strates hiérarchiques.
Une communication freinée par une
hiérarchie omniprésente et verticale.
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?
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Le commandement militaire est-il un exemple de management pour les entreprises privées ?

  • 1. Charlie ARNOULT MBA 2 International Business Management Groupe Sup de Co la Rochelle – 2017/2018 Tuteur : Monsieur Benjamin DREVETON Le new public management et la gestion des organisations publiques : étude du modèle de l’Armée de terre française. Le commandement militaire est-il un exemple de management, et quels bénéfices pourrait-il apporter aux entreprises du secteur privé ?
  • 3. 2Charlie ARNOULT Préface J’ai découvert l’institution militaire à 18 ans, en m’engageant dans la réserve de l’Armée de terre. Durant sept années, j’ai eu la chance de combiner mes études de commerce international et l’Armée de terre. Cet engagement m’a permis d’évoluer et de progresser dans le métier de soldat, en commandant mon groupe, que ce soit lors de missions d’entrainement, ou lors de missions opérationnelles de protection du territoire national. Ce mémoire est pour moi l’occasion de présenter un sujet rarement abordé en école de commerce, et de mettre en avant notre armée. C’est aussi un moyen pour moi de me documenter et d’approfondir mes connaissances sur l’institution militaire, dans le cadre de ma préparation aux concours de Saint Cyr, qui me permettra je l’espère, de pouvoir rejoindre le corps des Officiers de l’Armée de terre.
  • 4. 3Charlie ARNOULT Sommaire I – Le management des organisations publiques A – La gestion et le management B – La gestion des organisations publiques C – Le New Public Management D – Conclusion II – Le management dans la Défense : étude de l’armée de terre française A – La Défense et le Ministère des Armées B – Zoom sur l’armée de terre française C – Conclusion D – La GRH dans l’armée de terre E – Entre stratégie et tactique F – Le commandement G – Conclusion III – Armée de terre et monde civil : deux mondes si différents ? A – Quelles différences et points communs entre Armée de terre et monde civil B – Les forces du management militaire C – Les bénéfices du management militaire pour les entreprises privées D – Conclusions E – Limites du modèle militaire et préconisations IV – Conclusion A – In fine B – Limites de l’étude C – Apports D – Remerciements Annexes Sources Table des matières
  • 5. 4Charlie ARNOULT Introduction Depuis la crise financière des Subprimes en 2008, l’économie française s’est effondrée : baisse du PIB et des recettes fiscales, des dépenses publiques toujours plus élevées et un niveau de chômage record. Une politique d’austérité est mise en place sous le mandat de François Hollande. Malgré cela, la concurrence étrangère reste féroce pour les entreprises française et les travailleurs s’inquiètent de perdre leurs emplois. Les chefs d’entreprises, les managers et les responsables des ressources humaines tentent de s’adapter pour sortir de la crise. L’innovation peut être une solution. Le management aussi. « Ordre et discipline font la force des armées » - Général Charles de Gaulle (1890-1970). La France, pays doté de l’arme nucléaire, est la 5ème plus grande puissance militaire mondiale. Malgré cette force de dissuasion, les attentats de janvier et de novembre 2015 ont eu lieu. « La France est en guerre » - François Hollande (le 16 novembre 2015). Dans l’urgence, des postes de commandement opérationnels sont érigés à Paris et nos forces armées sont déployées pour protéger la capitale, puis tout le territoire national. Dans un contexte de panique, et au lendemain des attentats, l’Armée de Terre était présente dans les rues. Aujourd’hui, le management des ressources humaines de l’Armée, notamment le commandement, inspire de plus en plus les grands entreprises françaises. Les compétences et les valeurs des hommes en uniforme veulent être reproduites dans les entreprises du monde civil. Mais qu’est ce qui caractérise le commandement militaire, et dans quelle mesure ce modèle managérial peut-il augmenter la compétitivité des entreprises françaises ? Nous répondrons à cette problématique en étudiant dans un premier temps, la gestion des organisations publiques et de l’Armée de Terre. Dans un second temps, nous comparerons l’Armée de Terre et les entreprises françaises du secteur privé afin de mettre en exergue les similitudes et divergences. Nous terminerons en présentant les bénéfices apportés aux entreprises françaises s’inspirant du modèle militaire, mais aussi les limites.
  • 7. 6Charlie ARNOULT I. Le management des organisations publiques Dans cette première partie, nous allons définir le management et la gestion en entreprise, puis nous allons présenter l’institution publique et ses méthodes de management, qu’elles soient traditionnelles ou nouvelles. A. La gestion et le management Qu’est-ce que la gestion et le management ? Issue du latin gestio (action de gérer), la gestion correspond à la conduite d’une entreprise, d’une organisation, dans une recherche de performance1. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, les grandes puissances connaissent une période d’essor industriel. Au cours de la révolution industrielle de 1950, les méthodes d’organisation scientifique du travail (OST) se développent considérablement. Naissent alors de nouvelles méthodes de production telles que le Taylorisme et le Fordisme, avec la division du travail, la répartition et la spécialisation des ouvriers à certaines tâches, dans une optique de gain de temps. Le mot « management » est alors utilisé. Le management, du latin manus (la main), et agere (faire marcher, conduire), se définit par la mobilisation et la mise en œuvre des moyens (financiers, humains2, matériels, immatériels), en vue d’atteindre des objectifs préalablement fixés. Normalement, cette phase d’exécution est précédée d’une étape de préparation et de réflexion, et est finalisée par une phase de contrôle. Management stratégique, opérationnel et tactique Manager, c’est prendre des décisions, et selon Igor Ansoff3, il existe trois types de décisions : Elaborées par la direction d’une entreprise, les décisions stratégiques sont cruciales puisqu’elles vont guider l’orientation de l’entreprise sur le long terme, tout en définissant les ressources nécessaires. Les décisions tactiques sont le prolongement des décisions stratégiques. Ces décisions, d’ordre administratives, correspondent souvent à des décisions de gestion de moyen terme, qui font appel aux techniques d'aide à la décision et à la gestion (notion de management moderne4 ). 1 Une performance souvent financière 2 Management des Ressources Humaines : MRH 3 Igor Ansoff (1918-2002) : économiste, professeur et consultant en stratégie d’entreprise.
  • 8. 7Charlie ARNOULT Les décisions opérationnelles ont un effet direct sur l’activité de l’entreprise mais ne sont pas vitales. Ce sont des actions quotidiennes, d’exploitation courante, généralement prises sur le court terme. Dès 1994, Gary Hamel et C.K Prahalad rappelaient dans leur œuvre Competing for the Future, l’importance cruciale de la cohérence entre le management stratégique et opérationnel pour la réussite de l’entreprise. « La stratégie générale, qui va se démultiplier en stratégie opérationnelle puis en stratégie tactique, va être mise en œuvre par l’ensemble des personnels de l’entreprise. Ce sont donc les personnels qui décideront du succès ou non de la stratégie. C’est pourquoi la stratégie de management des Ressources Humaines constitue la clé de voute de la stratégie globale ». 5 B. La gestion des organisations publiques Gestion ou management ? Gestion et management sont deux termes similaires, mais ne sont pas employés dans les mêmes situations. Quelle est la différence ? - Par gestion, les gens entendent : gestion financière, gestion des achats ou des ventes. - Par management, les gens pensent à : conduite d’une équipe, conduite des hommes. Il semblerait aussi que le concept de management soit plus souvent utilisé aux seins des entreprises à but lucratif (secteur privé), tandis que le concept de gestion soit plus souvent rattaché aux administrations publiques. En effet, le terme « management » ferait référence à une finalité marchande, incompatible alors avec les administrations du service public. Qu’est-ce que la fonction publique ? Comment est-elle structurée ? La fonction publique est un ensemble de personnes (fonctionnaires) qui travaillent afin de garantir un service public. La fonction publique a pour objectif de garantir un service administratif aux citoyens, alors que le secteur privé sera d’avantage orienté vers une recherche de profit. Les entreprises du secteur privé peuvent aussi sélectionner leurs clients, alors que le service public doit répondre à l’intérêt général, c'est-à-dire à tout citoyen français. 4 Style de management profitant de l’évolution technologique et ayant recours à l’utilisation d’outils d’aide à la gestion, tels que la matrice BCG, les études concurrentielles/sectorielles par exemple. 5 Extrait du livre De la stratégie. L’expérience militaire au service de l’entreprise, du Général Gil Fiévet (1993)
  • 9. 8Charlie ARNOULT Le secteur public français est composé d’agents de la fonction publique d’état (FPE), qui travaillent dans le ministère de l’Education, de la Défense, de l’Economie et de la Finances, de l’Intérieur, ou encore de l’Equipement. Nous retrouvons aussi la fonction publique territoriale (FPT) avec les administrations publiques locales (régions, départements, communes, communautés de communes…), ainsi que la fonction publique hospitalière (FPH) qui regroupe plus de 1 000 000 d’agents du service public hospitalier. Les autres formes d’entités publiques Les établissements Publics (EP), sont des entreprises nationalisées, dont les capitaux sont publics et qui appartiennent partiellement ou entièrement à l’Etat. Mais leur mode de fonctionnement est similaire à ceux d’entreprises privées. EPA et EPIC : les EPA (Etablissement Public Administratif) et EPIC (Etablissement Public à caractère industriel et commercial) sont les deux régimes juridiques possibles d’un établissement public. Ils se distinguent par leur activité : service public administratif pour les EPA (Sécurité sociale, Pôle Emploi) et service public industriel et commercial pour les EPIC (RATP, théâtres nationaux…). L’évolution du secteur public Dans son livre, "Le management dans les organisations publiques" (2005), Annie Bartoli décrit le management public comme « l’ensemble des processus de finalisation, d’organisation, d’animation et de contrôle des organisations publiques, visant à développer leur performance générale et à piloter leur évolution dans le respect de leur vocation ». C’est sous Napoléon que l’Etat français se structure et se décline en ministères afin de répondre aux différentes questions d’intérêt général. Les principaux ministères publics sont alors l’instruction civique, les finances, la justice et l’armée. À la suite de la seconde guerre mondiale, l’Etat a joué un rôle important dans la reconstruction du pays, et c’est sous le régime Vichy qu’apparait le premier statut général des fonctionnaires. Jusqu’en 1980, la sphère publique est caractérisée par une forte centralisation mais tend à se décentraliser petit à petit. La France, et le secteur public, se trouvent alors dans un contexte de profondes mutations : début de l’utilisation d’outils de gestion pour mesurer la performance et contrôler les résultats, réductions de budgets publics, et première élection dans l’histoire de la Vème République d’un président de gauche (François Mitterrand). C’est alors qu’apparait le terme de « management public ».
  • 10. 9Charlie ARNOULT C. Le New Public Management Comme expliqué précédemment, dans un contexte de modernisation du secteur public les démarches plus « managériales » ont été mises en œuvre. Ainsi, l’administration française, très bureaucratisée et centralisée, se retrouve face aux réformes des année 60, avec l’apparition de la RCB (rationalisation des choix budgétaires). Il s’agit pour l’Etat de planifier des objectifs, d’allouer des moyens et de contrôler leur réalisation budgétaire. Quelques années plus tard, apparait la DPO (Direction Par Objectifs) et la priorisation des résultats, qui permet aux managers de fixer des objectifs à atteindre. Mais ces deux nouveautés ne portent pas leurs fruits sur le court terme et il faut attendre 2001 avec l’apparition de la LOLF (la loi organique relative aux lois de finances), pour que le budget de l’Etat soit segmenté. L’argent public est donc réparti entre les ministères et des bulletins publics sont publiés, afin d’améliorer la transparence des dépenses publiques auprès des contribuables. Puis, l’e-administration fait son apparition, avec les NTIC (Nouvelles Technologies de l’information et de la Communication). Cet usage est d’abord interne, avec des logiciels (ex : ERP SAP), puis externe (ex : la plateforme ANTS). Dans ce contexte de modernisation, les entreprises privées ce sont aussi adaptées avec l’utilisation de nouveaux outils technologiques : matrice BCG, études pays, de marchés (études sectorielles) ou encore concurrentielles (benchmarking), les tableaux de bords, les indicateurs de performance et les calculs de coûts. L’ensemble de ces outils permet aux entreprises du secteur public et privé d’orienter d’avantage les résultats vers de l’efficacité et la performance. Aussi, dans une approche macro environnementale, l’administration publique française a cherché à se rapprocher du citoyen et de faciliter ses démarches en se modernisant. Sous l’angle micro environnemental, l’administration française a cherché à se décentraliser, afin de déconcentrer son pouvoir. Au niveau local, les fonctionnaires se retrouvent plus autonomes et reportent uniquement à leur supérieur direct. Le New Public Management (NPM) a permis de dynamiser la fonction publique, en mettant ses agences publiques en concurrence directe avec des entités autonomes, appelées agences privées, qui répondent aux contrats émis par les autorités politiques. Cependant, le New Public Management et la modernisation des outils de gestion entraineraient une focalisation des regards sur les résultats à court terme, au détriment des objectifs à long terme, selon Sylvie Trosa6. 6 Sylvie Trosa. (2012), La crise du management public, Comment conduire le changement ? Paris, édition De Boeck, coll. Méthodes & Recherches.
  • 11. 10Charlie ARNOULT Les difficultés de gestion dans le public Après avoir interviewé plusieurs personnes travaillant dans le secteur public, l’une des principales difficultés rencontrées concerne le statut des fonctionnaires. Il est jugé trop protecteur pour permettre aux responsables d’unités publiques d’assurer leur rôle de manageurs. En effet, ils ne sont pas maîtres de certains paramètres de la gestion de carrière de leurs agents, tels que la rémunération, le recrutement ou encore le licenciement. Il est alors évoqué la difficulté de différencier les individus selon leur compétence et le travail réalisé, et par conséquent adapter leur avancement et rémunération. Cet aspect peut être facteur de diminution de la motivation et de résultat au travail. Au niveau structurel, les fonctionnaires reprochent souvent la lourdeur de l’institution publique. Cette lourdeur et cette rigidité structurelle engendre une centralisation du pouvoir et des décisions au échelons supérieurs, et freine la prise d’initiative des agents. On peut aussi s’interroger du manque de budget et de l’obsolescence de certains équipements, notamment informatique. Bien qu’ils aient été mis en place lors de la phase de modernisation du secteur public, ils n’ont pas toujours été mis à jour au fil des années, entrainant un retard technologique conséquent. De part leur statut, nous pouvons aussi ajouter la réticence des agents publics à la mise en place et à l’utilisation de nouveaux outils de pilotage. Cette attitude, appelée « not invented here », se traduit par le rejet de la technologie et des nouveaux outils de travail qui ne sont pas inventés par l’organisation en question. D. Conclusion Autrefois, le rôle du manageur était d’assurer la stabilité d’une organisation. Aujourd’hui, il s’agit de piloter l’organisation face aux changements micro et macroéconomiques. Le secteur public français s’est modernisé et s’est adapté à son environnement, malgré les contraintes budgétaires imposées. Le rôle du cadre du secteur public a aussi évolué, et suit à présent une logique de « manageur intégrateur », qui donne du sens au travail de ses agents, en répartissant les taches et en les responsabilisant. Cette approche plus participative, permet de valoriser leur potentiel et ainsi de motiver les employés dans la réalisation de leur travail. L’encouragement de la prise d’initiative et d’innovation est aussi un paramètre fondamental au bon fonctionnement des unités publiques. Malgré tout, le statut d’agent (avancement, rémunération, garantie de l’emploi…) est un obstacle majeur pour les « managers intégrateurs ».
  • 12. 11Charlie ARNOULT II. Le management dans la Défense : étude de l’Armée de Terre A. La Défense et le Ministère des Armées « S’il est un milieu où l’élaboration des ordres et des directives, leur transmission, leur interprétation, leur mise en œuvre et l’évaluation de leurs résultats, en un mot le commandement, constituent une œuvre forte, c’est bien celui des armée (…). Les armées, dans ce vaste mouvement inéluctable, ont depuis longtemps joué, et jouent plus que jamais, un rôle de précurseur et d’éclaireur ». 7 Présentation de la Défense Qu’est-ce que la Défense ? « La défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. Elle pourvoit de même au respect des alliances, traités et accords internationaux » - Article L. 1111-1 du code de la Défense. Depuis 2017, le Ministère de la Défense s’appelle le Ministère des Armées. Il occupe une place vitale dans la Défense de notre pays. A sa tête, la ministre des armées, Florence Parly. Les 5 grandes fonctions de la Défense La stratégie de défense de la France repose sur ces 4 grandes fonctions : • Dissuasion : 4 sous-marins nucléaires, la puissance de frappe aérienne (Rafales), ainsi que des missiles moyenne portée de la marine. • Prévention : exercer la surveillance (satellite militaire Hélios) en vue d’acquérir du renseignement sur les crises actuelles et futures, les anticiper et empêcher leur émergence, protégeant ainsi les intérêts et la population française et de nos alliés. • La projection : intervenir directement, projection en OPEX8. Transall, Hercules ou encore A400M permettent le transport de nos hommes sur les théâtres d’opérations. • La protection : assurer la sureté du territoire national avec les 3 armées, ainsi que les FSI9, et les réservistes. Ex : Sentinelle/Vigipirate (contre-terrorisme) en France, Opération Harpie (lutte contre l’orpaillage illégal) en Guyane. • Connaitre et anticiper : connaître ses alliés et ses ennemis pour anticiper la projection de coalitions et anticiper d’éventuelles attaques. 7 Général Baudouin ALBANEL - Le Management au ministère de la Défense (2004). 8 OPEX : Opération Extérieures. Envoyer des troupes en missions à l’étranger. 9 FSI : Forces de Sécurité Intérieures. Ex : police, gendarmerie.
  • 13. 12Charlie ARNOULT Les documents cadres stratégiques de la Défense Cadre financier : La Loi de Programmation Militaire (LPM), planifie les dépenses de l’Etat dans le domaine militaire sur 6 ans (2019-2025). Chaque année est ponctuée d’une loi de finance qu’il faut rigoureusement respecter en termes de budget. Le montant du budget alloué s’élève à 295 milliards d'euros. Selon les prévisions de la LPM, le budget Défense représentera 1,91% du PIB en 2023, contre 1,78% aujourd’hui (2017). Cet effort budgétaire devra permettre la création de 3.000 postes civils et militaires, ainsi que l’entretien et l’achat de nouvelles ressources matérielles (voir programme Scorpion par exemple). Cadre stratégique : Le Livre blanc de 2013 et la Revue stratégique de 2018 permettent de comprendre le contexte stratégique et le rôle de notre défense. Ils présentent les menaces auxquelles la France doit faire face et les objectifs de notre politique de défense. Cadre juridique : Le Code de la défense regroupe l’ensemble des textes législatifs relatifs à la Défense nationale.
  • 14. 13Charlie ARNOULT B. Zoom sur l’Armée de Terre française À la suite de la suspension du service national (service militaire) en 199710, l’armée française s’est professionnalisée. Il n’y a plus d’appelés et seuls les engagés volontaires qui ont signé un contrat peuvent rejoindre les rangs de l’armée. Il m’est arrivé plusieurs fois de discuter avec des anciens appelés, qui me racontaient qu’ils avaient connu un management militaire directif, souvent autoritaire. Cela n’est naturellement plus le cas aujourd’hui, et nous monterons qu’en se professionnalisant, l’Armée de terre s’est élevée et s’est responsabilisée, et fait figure d’exemple en termes de management auprès des autres armées des grandes nations. Présentation de l’armée de terre L’Armée de terre est forte de 112 50211 militaires d’active, de 18 751 réservistes opérationnels et de 8058 personnels civils. Ces chiffres ont légèrement augmenté en 2018. La diversité des origines, se mêle à l’exhaustivité des métiers puisqu’il y a plus de 100 spécialités dans l’Armée de terre. Finalité et missions La finalité est l’engagement opérationnel pour assurer la protection de la population et des intérêts français. Cela se traduit au travers de missions de protection nationale (ex : Sentinelle), de soutien à la population (plan Neptune inondations), à l’étranger (aide aux gouvernements pour la stabilité, aide aux ressortissants français, lutte anti-terroriste). Budget Budget de l’Etat français : 322,4 milliard €. Budget de la Défense en 2017 : 32,7 milliards €. Budget Armée de Terre : 8,6 milliards € (soit moins de 1% des dépenses publiques). Le nucléaire militaire représente 20% du budget défense. La France est le 8ème plus gros budget défense au monde12. 10 Remplacé par la JDC (Journée Défense Citoyenneté), anciennement appelée JAPD (Journée d’Appel pour la Défense). 11 Chiffres issus du Ministère des Armées (2017) – « Les chiffres clés de la Défense ». 12 Après les Etats-Unis, la Chine, la Grande Bretagne, l’Inde, l’Arabie Saoudite, la Russie et l’Allemagne.
  • 15. 14Charlie ARNOULT Organisation structurelle : le modèle « Au contact » En réponse à la vague d’attentats ayant frappés la France en janvier 2015, les forces armées françaises ont modifié l’organisation structurelle de la Défense. « La structure est l’ensemble des fonctions et des relations déterminant formellement les missions que chaque unité de l’organisation doit accomplir et les modes de collaboration entre ces unités ». Citation issue du livre Strategor (1993). Ainsi, au courant de l’été 2016, le nouveau modèle organisationnel « au contact » est mis en place. Il suit une architecture plus souple et dynamique, afin de pouvoir s’adapter rapidement pour répondre aux nouvelles formes de menaces. Voici sa chaîne de commandement en 2018 : Commandement des Armées Voici le plus haut échelon de commandement de nos armées, avec à leur tête le Chef des Armées (Emmanuel Macron). Le CEMA remplit la fonction de conseiller militaire du gouvernement. Il supervise également la DGA (Direction générale de l’armement), le CICOS
  • 16. 15Charlie ARNOULT (Centre interarmées de coordination et de soutien), la SGA (Secrétariat général de l’administration), et le SCA (Service du commissariat des armées). Commandement de l’armée de terre Le Chef d’Etat-Major des Armées dirige les trois armées, qui ont chacune leur chef respectif. Pour l’armée de terre, nous retrouvons sur le schéma ci-dessus le Général d’armées Jean- Pierre BOSSER, qui dirige plus d’une centaine de régiments dans l’Armée de Terre. Concentré sur le CEMAT, le pouvoir est basé sur une unité de commandement. Un commandement monocratique, détenu par une personne située au plus haut niveau hiérarchique, c'est-à-dire sous l’autorité du Général d’armée Jean Pierre BOSSER.
  • 17. 16Charlie ARNOULT Organisation d’une caserne Comme présenté précédemment dans la chaine de commandement, il y a plus de 100 casernes, également appelées régiments, ou encore corps de troupe dans l’Armée de Terre. Voici l’organisation d’un régiment par services/fonctions :
  • 19. 18Charlie ARNOULT Il aussi possible de présenter l’organisation d’un corps par importance de grade/hiérarchie : Ainsi, nous retrouvons au plus haut niveau le Chef de corps, puis les Officiers supérieurs et subalternes, ensuite les Sous-officiers et enfin les militaires du rang.
  • 20. 19Charlie ARNOULT Etat-Major Régimentaire et GsBdD Une caserne militaire est donc dirigée par un Chef de corps (grade de colonel), qui dirige l’Etat-Major de son régiment. Le BOI (Bureau des Opérations et Instructions) ainsi que le service des Ressources Humaines est également sous son autorité. Le BOI est le centre décisionnel du régiment, que ce soit dans le cadre d’exercices ou d’engagements réels sur des théâtres d’opérations extérieurs. Nous pouvons aussi présenter le GsBdD (Groupement de Soutien Base de Défense), qui regroupe les services de soutien de l’armée, souvent gérés par des civils de la défense. Les GsBdD couvrent des zones géographiques bien délimitées, et sont commandées par un Officier (ComBdD), relevant directement du CEMAT.
  • 21. 20Charlie ARNOULT Les Unités Elémentaires Au sein du régiment, se déclinent des unités élémentaires, aussi appelées compagnies. Ces compagnies sont les plus petites unités administratives autonomes au sein d'un régiment. Elles sont dirigées par un CDU (Commandant d’Unité), épaulé par un OA (Officier Adjoint). L’ADU (adjudant d’unité) s’occupe de la logistique générale au sein de la compagnie, et des perception et réintégrations avec les autres compagnies. Enfin, les CDS (Chefs de Section), épaulés d’un SOA (Sous-Officier Adjoint), dirigent une trentaine d’hommes, souvent déclinés en trois groupes, avec à leur tête un chef de groupe respectifs, un adjoint et des chefs d’équipes.
  • 22. 21Charlie ARNOULT C. Conclusion Nous venons de voir l’articulation globale de la Défense et plus précisément des forces armées terrestres. Ainsi, nous avons vu qu’au niveau interministériel et interarmes, le commandement est hypercentralisé, et axé sur un seul chef : Le Président de la République pour le niveau interministériel, et le Chef d’Etat-major pour les trois Armées. La subsidiarité dans les rapports hiérarchiques montre bien l’importance du grade et de l’autorité qui y est rattachée. Au niveau central et local de l’Armée de Terre, la chaine de commandement des Armées s’est décentralisée avec le modèle « au contact ». Plusieurs logiques organisationnelles (spécialisations) se croisent aux mêmes strates hiérarchiques, entre dimension verticale (issue d’une logique fonctionnelle) et dimension horizontale. La réorganisation en 12 commandements de niveaux divisionnaires redonne de la verticalité à la structure de l’Armée de terre. Nous aurions pu élargir la dimension horizontale de cet organigramme en intégrant au niveau interarmes13, les alliances avec les armées étrangères, les coalitions internationales (OTAN, EUROCORPS, ou ONU par exemple). Au sens strict de Max Weber14, les Etats-majors de l’armée de terre française sont des organisations bureaucratiques, structurées de manière verticale, voire pyramidale, tout en respectant une hiérarchie des grades, fixant ainsi le cadre disciplinaire. 13 Pour rappel : niveau interarmes : 3 Armées => Terre, Air, Marine. 14 Max Weber (1864-1920) est un économiste et sociologue allemand, ayant réalisé des travaux sur le management, la légitimité du pouvoir sur l’armée prussienne.
  • 23. 22Charlie ARNOULT Recrutement Formation Gestion de carrière Avancement Départ Reconversion Réinsertion D. La GRH dans l’armée de terre Impliqué dans le processus de modernisation publique, la Défense suit une ligne de conduite priorisant le management par objectifs, le contrôle de gestion et la gestion des ressources humaines. Les étapes de la carrière d’un militaire : Le recrutement Le site internet des Armées permet de se renseigner, puis les CIRFA15 permettent de rencontrer des conseillers recrutement. La DRHAT16 suit et valide les dossiers de recrutement. Le recrutement vise une moyenne d’âge basse, nécessaire aux contraintes spécifiques du métier. La formation, la gestion de carrière et l’avancement La formation initiale va permettre aux recrues d’apprendre les bases du métier de soldat puis leur spécialité. La gestion de carrière leur permettra d’évoluer et d’acquérir de nouvelles compétences, mais aussi de passer des qualifications et de monter en grade. Un militaire reçoit en moyenne 25 jours de formation par an, contre 10 pour les autres agents publics. Ces nombreuses formations entretiennent les capacités techniques et la faculté d’adaption des militaires, et renforcent leur attachement à l’institution. La gestion des ressources humaines avec la GEC et la GPEC17, permet d’améliorer la flexibilité des ressources humaines face aux mutations actuelles et futures de l’environnement, sur le plan qualitatif et surtout quantitatif. 15 Centre d’Informations et de Recrutement des Forces Armées 16 Direction des Ressources Humaines de l’Armée de Terre 17 G(P)EC : Gestion (Prévisionnelle) des Emplois et Compétences
  • 24. 23Charlie ARNOULT C’est au sein des unités mais aussi dans les GsBdD que le suivi administratif des militaires est réalisé. Il s’agit de la gestion des soldes, du suivi des qualifications, mais aussi d’évaluer individuellement leur potentiel, via les entretiens annuels d’évaluation (BNA18). L’exercice de notation, la gestion de carrière, l’attribution de récompenses, sont tant de paramètres qui permettent de fidéliser et de responsabiliser les hommes. Départ, reconversion, réinsertion À la suite d’un départ de l’institution, le militaire peut décider de rester dans la défense, la fonction publique, ou retourner à la vie civile. Il existe des aides à la reconversion en fin de contrat d’une durée d’au moins 4 ans. La création du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire (HCECM), chargé d’écrire un rapport annuel adressé au Président de la République et au Parlement, permet d’évaluer et d’alerter les autorités sur la situation des militaires, sur le plan économique, social ou psychologique, dans l’optique d’améliorer les conditions de vie des soldats et ainsi réduire le nombre de départs. E. Entre stratégie et tactique Stratégie délibérée et émergente La stratégie générale est un processus permettant aux dirigeants de définir un but à atteindre, en fixant des objectifs sur le moyen-long terme, tout en respectant la politique de l’organisation et ses valeurs. Elle permet aussi de déterminer les ressources disponibles et manquantes, et comment les mobiliser. Une stratégie délibérée sera le fruit d’une réflexion rigoureuse, tandis qu’une stratégie émergente n’est pas programmée initialement et se révèlera en cours d’action. Stratégie générale et opérationnelle La stratégie générale est celle définie précédemment, qu’elle soit délibérée ou émergente. Elle s’appliquera d’avantage aux entreprises civile que dans le domaine militaire, sur le champ de bataille. La stratégie opérationnelle, quant à elle, s’appliquera d’avantage au domaine militaire, et sera fréquemment appelée « tactique ». La stratégie opérationnelle se réalise davantage sur le court terme que la stratégie générale. Elle a souvent pour objectifs l’action imminente, ou la résolution de soucis imprévus. 18 BNA : Bulletin de Notation Annuel
  • 25. 24Charlie ARNOULT Sur le champ de bataille, la tactique aura pour objectif de surpasser son adversaire. Pour se faire, les officiers traduiront leurs réflexions en ordres, qu’ils transmettront avec motivation à leurs hommes, afin de garantir la victoire. Pour une entreprise évoluant dans un contexte concurrentiel fort ou pour des militaires planifiant une action offensive dans une zone risquée, l’intention stratégique ne sera pas de s’adapter à son environnement mais de le changer, le transformer à son profit. Le changement n’est alors plus une contrainte mais un objectif pour réussir selon Hamel G. et Prahalad C. K19. Adapter sa stratégie « Un général d’empire ne doit jamais arriver au combat avec un seul plan. Le grand art c’est de savoir changer pendant la bataille »20 Une stratégie ne doit pas rester figée, elle doit pouvoir évoluer, et changer en cours de route. Prenons l’exemple de France Télécom. En 1998, cette entreprise détenue à 80% par l’Etat français, se voit contrainte, par l’ouverture du secteur des télécommunications en 1998 en France, d’adapter sa stratégie pour rivaliser sur un marché pluri concurrentiel sur lequel elle n’a plus le monopole de l’offre. Cette adaptation s’est réalisée difficilement car elle ne s’était pas préparée structurellement face à un tel changement stratégique. Attaquer la stratégie ennemie « Il est d’une importance extrême dans la guerre d’attaquer la stratégie ennemie ». 21 Comment l’utilisation de la guerre de dissuasion dans la stratégie militaire permet de prendre l’ascendant sur ses adversaires ? Comment la guerre des prix pour les entreprises, permettent d’obtenir un avantage concurrentiel ? Etre compétitif, c’est donc être meilleur que ses concurrents. La distinction peut se faire par la différenciation de prix mais aussi par l’innovation produit. Prenons l’exemple de Pepsi et Coca Cola pour illustrer la victoire par différenciation de prix. Bien que Coca Cola soit fort de son ancienneté et bien implanté dans le monde, Pepsi a su se différencier et gagner des parts de marchés en appliquant une politique tarifaire agressive envers son concurrent (plus de contenu pour un prix inférieur). 19 Hamel G. et Prahalad C.K - Competing for the future, Harvard Business Review (1994). 20 Citation de Gérard Depardieu dans le film Carbone (2017). 21 Sun Tse - L'art de la guerre.
  • 26. 25Charlie ARNOULT Dans un contexte de guerres économiques, les entreprises peuvent poursuivre une stratégie s’inspirant de la démarche militaire afin de rester compétitive. En effet, l’expérience millénaire des stratèges militaires peut être réutilisée par les dirigeants d’entreprises. L’utilisation de l’intelligence économique et les veilles est un moyen dans le monde militaire mais aussi civil de comprendre la démarche de son ennemi pour mieux connaitre ses faiblesses et se positionner, l’attaquer de manière optimale. Le Benchmarking est une forme de renseignement pour les entreprises, en étudiant l’offre concurrente pour mieux se positionner. Applicable dans un environnement concurrentiel fort, où la rivalité est intense, la dissuasion est un moyen de dominer son adversaire. Lors de la guerre froide opposant l’URSS aux USA, la détention et la possible utilisation de l’arme atomique était une forme de dissuasion. La dissuasion par le risque d’entraîner des pertes peut également être appliquées entre des entreprises concurrentes, avec notamment la dissuasion par les prix. Prenons l’exemple de deux entreprises, l’une entrant sur le marché, et l’autre étant fortement ancrée et disposant de ressources financières importantes. Mise en concurrence et lancée dans un contexte de guerre des prix (ex : Coca-cola et Pepsi), l’entreprise détenant de fortes ressources financières pourrait mettre en garde le nouvel entrant, en montrant sa volonté et sa détermination à utiliser sa capacité financière dans une guerre des prix. Cette forme de dissuasion peut freiner et décourager le nouvel entrant à entrer sur ce marché. Mais cela a tout de même ses limites : limite de rentabilité/vente à perte, interdiction de telles pratiques avec les lois anti-dumping des prix, ou encore les futurs projets de lois pour encadrer la grande distribution.
  • 27. 26Charlie ARNOULT F. Le commandement « Que l’on soit général ou caporal, on est placé, en permanence ou dans certaines circonstances, dans une position d’autorité, en position de chef ». 22 Qu’est-ce que le commandement ? Le management est la version civile du commandement. Selon le Maréchal Foch, le commandement se traduit par cette équation : Pour être plus précis, le commandement correspond à la conception, la conduite et le contrôle de l’exécution d’un ordre émanant du commandement, d’un supérieur. « Commander, c’est avant tout connaître ses hommes 23», et pour les connaître, il faut passer du temps avec eux, apprendre à les connaitre, discuter avec eux pour mieux les comprendre. En se confrontant à la difficulté, on comprend que commander, ce n'est pas simplement donner des ordres, c'est aussi créer la cohésion et la fraternité au sein d'une équipe. Le management insiste davantage sur l’art de faire travailler ses collaborateurs en équipe, plutôt que de commander au sens propre. Cette tendance conduit à fragiliser la notion d’autorité pleinement liée au pouvoir statuaire du chef, pour la remplacer par la force de conviction. Il est important de bien distinguer deux types de commandement : • Le commandement opérationnel : responsable de l’emploi des forces. • Le commandement organique : responsable de la préparation des forces. 22 Citation de Pierre BOSSER, actuel Chef d’Etat-major de l’armée de terre. 23 Citation entendue lors d’une conférence sur la gestion du stress en opération, au 6ème Régiment du Génie. Commander = comprendre + faire comprendre
  • 28. 27Charlie ARNOULT Evolution du commandement militaire Les évolutions de la société ont poussé l’armée à adapter son modèle de commandement. Le développement de l’individualisme, la judiciarisation de la société, et la contestation de l’autorité, sont des facteurs qui ont influencé les modes de direction des hommes. Des militaires retraités et des appelés me racontaient qu’à l’époque du service militaire, ils avaient été confrontés à un management qu’ils définissaient de très autoritaire mais, finalement nécessaire à une époque où la France était engagée sur plusieurs conflits. En se professionnalisant, l’Armée de terre a évolué et a su adapter ses méthodes de commandement à l’évolution de la société et à ses mutations internes. Avant la professionnalisation des armées, les appelés étaient des hommes qui n’étaient pas des engagés volontaires et qui n’avaient pas signé de contrat. La difficulté pour les dirigeants militaires était de taille. Comment faire exécuter un ordre à une personne démotivée, qui n’a pas demandé à se retrouver ici ? Un management, qualifié d’autocratique était alors appliqué. Les officiers et sous-officiers prenaient les décisions et exigeaient de leurs subordonnés une exécution strictement identique à celle ordonnée, suivant à la lettre le processus d’exécution communiqué par le supérieur. La communication se faisait à sens unique, du haut vers le bas. Le manque de confiance réciproque entrainait des contrôles récurrents, et la centralisation des décisions par les supérieurs, sans délégation envisageable. Les subordonnés redoutaient certaines réactions de leurs supérieurs et craignaient les sanctions facilement appliquées. Ils n’avaient que peu de responsabilité et pouvaient rarement faire preuve d’initiatives. Le commandement militaire aujourd’hui Aujourd’hui, le commandement militaire s’est tourné vers un management plus paternaliste, voir participatif. Le commandement militaire ne peut se définir comme un style propre de management. C’est un subtil mélange de différents styles de management, qui varie certes, selon les personnalités, mais aussi selon le contexte. Bien que les méthodes de management tendent à l’uniformité dans l’armée, elles diffèrent surtout selon les strates hiérarchiques, et selon les grades.
  • 29. 28Charlie ARNOULT Il faut alors bien distinguer les trois strates hiérarchiques suivantes afin de mieux présenter le mode de commandement s’y rapportant : 1 : D’officier supérieur (CDU) à officiers subalternes (chefs de section), le management sera plutôt directif : faiblement relationnel, il est purement organisationnel et consiste à structurer les relations de travail. La communication est principalement descendante, et le CDU effectuera des contrôles. Le CDU accorde sa confiance à ses officiers, en leur indiquant la mission, tout en les laissant libre de choisir le plan d’action. Cela leur laisse des marges de manœuvre suffisantes pour commander la mission de manière optimale, car cela fait naitre des initiatives et permet d’impliquer d’avantage les officiers et sous-officiers dans leur mission. 2 : D’officier à sous-officier, le management sera plus participatif et délégatif : Il y a une véritable écoute des besoins des subalternes en respectant la chaine hiérarchique de communication (les sous-officiers s’adressent aux officiers subalternes, qui vont ensuite s’adresser aux officiers supérieurs). Cela permet aussi de prendre en compte les limites auxquelles font face les sous-officiers dans la réalisation de leur mission. Ce pragmatisme permet la remontée d’informations jusqu’aux officiers supérieurs, qui ne peuvent pas toujours tout voir sur le terrain, et qui peuvent ainsi suivre au plus près le déroulement de la mission et l’articulation de leurs groupes. L’holocratie, c’est cette volonté des officiers subalternes, de responsabiliser et d’autonomiser les sous-officiers.
  • 30. 29Charlie ARNOULT 3 : De sous-officiers à militaires du rang, le management sera généralement plus paternaliste : C’est à cette strate hiérarchique que le management a véritablement évolué depuis la professionnalisation des armées. Paternaliste, dans le sens ou les supérieurs conservent leur pouvoir et leur autorité, tout en adoptant une posture protectrice et conseillère envers leurs subordonnés. Il y a une attention plus grande à leur égard, une communication plus importante permettant de réduire la distance hiérarchique entre les deux strates. Ce qui a également été constaté, c’est l’effort fourni par les sous-officiers qui prennent d’avantage le temps pour décrire la mission, mais surtout pour expliquer le contexte, l’objectif recherché, la finalité et les bénéfices espérés au travers de leur engagement. En effet, donner un ordre directif, celui d’aller d’un point A à un point B sera effectué sans réelle motivation par le soldat. Mais lui expliquer que la progression doit se faire en discrétion, en passant par tel itinéraire, afin de reconnaitre une zone, permettra alors une meilleure compréhension du soldat et une meilleure implication dans la réalisation de l’ordre. Nous pouvons appuyer cet extrait par les études managériales menées par R. LIKERT24, concernant le management participatif, qui serait le style management plus adapté au sein d’un groupe. Il ajoute également qu’une personne qui travaille en ayant la conscience d’être utile à son organisation, sera naturellement plus motivée et créera de meilleurs résultats. Cette logique de participation est rappelée dans « L’exercice du commandement dans l’armée de terre – Commandement et fraternité 25», avec la volonté de responsabiliser et de valoriser les individus, tout en créant la satisfaction de servir. La recette d’un bon commandement La légitimité, l’autorité et la persuasion sont les trois critères qui garantissent un commandement efficace. Comme l’illustre le schéma ci-dessous, les sentiments crées par ces trois critères seront la reconnaissance, l’obéissance et l’adhésion. Un bon chef saura trouver le juste équilibre entre ces trois points afin de se faire respecter, par son grade et sa fonction, mais aussi son expérience et son exemplarité, tout en étant suffisamment convainquant par la parole. La fonction du chef en tant que donneur d’ordre sera légitimement accepté et les subalternes adhéreront fidèlement aux décisions de leur chef. 24 RENSIS Likert (1903 – 1981) est un psychologue et auteur américain ayant réalisé des études sur les styles de management en entreprise. 25 Publication diffusée par l’Etat-major de l’armée de terre (2016).
  • 31. 30Charlie ARNOULT Les ordres d’opérations dans l’armée de terre Il existe deux types d’ordres : les ordres de mouvements et les ordres de préparation aux opérations. Les ordres de mouvements restent toujours identiques dans leur forme, ils sont dynamiques et sont exécutés immédiatement par les subalternes. Par exemple : « Face à la lisière de forêt, formation en ligne, Halte ! ». A contrario, les ordres d’opérations, tels que les OPO26 ou les OI27, sont des ordres préparatoires, pré-missions. Leur rédaction est complète et très détaillée. Ces ordres sont ensuite transmis du rédacteur (Commandant d’Unité en général), aux exécutants, donc les chefs de sections et les Chef de groupes. Voici les différents paragraphes structurant un Ordre Initial : 1 – Situation Eni (ennemi) et Amie. 2 – Mission de l’unité. 3 – Mode d’action donné par les supérieurs. 4 et 5 – Moyens à mettre en œuvre. 26 Operation Order : Ordre d’Opération. 27 OI : Ordre Initial.
  • 32. 31Charlie ARNOULT Il existe deux types de commandement pour transmettre cet OI, notamment la partie 3) « mode d’action » : • Le commandement directif, par ordre, aussi appelé commandement « Top-Down » : le but, les ressources disponibles et la mise en œuvre de celles-ci sont communiquées par le supérieur au subalterne en charge de la mission. Les subalternes ont donc une faible liberté d’exécution. Ces ordres sont donnés à de rares occasions, en situation de crise aigüe, ou lorsque le combat est engagé. Rapidement, le chef prend des décisions verticales. • Le commandement par objectifs, aussi appelé « Bottom-Up » : l’objectif est donné par le chef, mais l’exécutant a une plus grande liberté d’action dans l’exécution de la mission. Cela incite le chef à la prise d’initiative et lui permet de personnaliser son plan d’action. Le Général Vincent Desportes qualifie cette autonomie de « bulle de liberté d’action des subordonnés ». En règle générale, le type de commandement par objectif est privilégié, mais dans un contexte de crise aigüe, le commandement par ordre facilitera une exécution rapide de la mission. L’exercice de commandement est un exercice cyclique qui se décline en 3 étapes, quel que soit le niveau hiérarchique auquel il est communiqué. 1 – Réflexion : détermination de l’objectif, avec prise en compte des forces/faiblesses, menaces et opportunités, des risques et menaces de l’environnement, mais aussi des ressources (humaines, financières, matérielles) à disposition. Phase de réflexion et de travail en équipe. 2 – Action : Il s’agit ici de décider et de transmettre des ordres clairs et synthétisés. Le supérieur (Chef) doit faire preuve de conviction et de motivation, afin de susciter l’adhésion et l’implication de ses subalternes.
  • 33. 32Charlie ARNOULT 3 – Contrôler : effectué par le supérieur, le contrôle permet de vérifier la bonne exécution de l’ordre. Cela permet de mettre en évidence les erreurs d’exécution des subalternes mais aussi de transmission d’ordre par le supérieur en cas de mauvaise compréhension des ordres. Le contrôle permet de réaliser un bilan de l’action menée et permet ainsi un progrès sur le moyen/long terme, en se servant du « Retex » (Retour d’Expérience) des précédentes missions. La notion d’animation permet de dépasser le commandement au sens strict, en intégrant cette dimension plus participative. Manager dans l’armée de terre Comme vu précédemment, le commandement est la transmission d’ordres du haut vers le bas. La relation de commandement varie en fonction des strates hiérarchiques en question. Ainsi, le degré d’autonomie, de liberté d’action, d’écoute et de prise en compte des supérieurs n’est pas toujours le même selon le niveau de grade. Mais le management n’est pas uniquement réservé aux entreprises du monde civil. En effet, aux plus hauts niveaux hiérarchiques, au sein des Etats-majors régimentaires, de brigade ou divisionnaires, ainsi qu’au sein des BOI28, et des GTIA29, la prise de décision ne peut se faire par une seule personne, car elle demande concertation et un long travail de réflexion. Pour certaines missions, ces grands décideurs doivent faire appel à des spécialistes de différents domaines (formation ou fonction), d’autres Armes30 ou d’autres métiers, voire même à des civils de la Défense. Pour résumer, les hauts gradés ayant des responsabilités techniques ou scientifiques (expertises), tels que les officiers du BOI ou des Etats-Majors, ainsi que les hauts contrôleurs et administrateurs civils de la Défense, auront recours à des méthodes de management pour travailler sur des projets communs, de manière collaborative. En revanche, le commandement s’assimilera à un ordre plus directif, et trouvera d’avantage sa place sur le terrain. Les méthodes de management seront principalement utilisées dans les bureaux militaires. 28 28 BOI : Bureau Opérations Instructions. Services qui s’occupent d’organiser (procédures) et de structurer (cadrer) les missions. 29 GTIA : Groupement Tactiques Interarmes : lorsque différents Régiments, spécialités travaillent ensemble sur une même mission, diversifiant les compétences et savoir-faire. 30 Ex d’Armes : Génie, cavalerie, infanterie, transmissions….
  • 34. 33Charlie ARNOULT G. Conclusion Au cours d’une mission, il est fondamental d’adapter sa stratégie à l’environnement, mais aussi de modifier l’environnement afin de faciliter l’exécution de son plan d’action. Depuis la professionnalisation des armées, les méthodes de commandement se sont améliorées, et sont devenues plus participatives et paternalistes. Elles ont su mettre en avant les subalternes et réduire le clivage officiers/sous-officiers et sous-officiers/militaires du rang, en les impliquant d’avantage et en les responsabilisant dans la réalisation de la mission. Le commandement par ordre s’est assoupli afin de laisser une plus grande liberté d’action aux subalternes. Le management trouvera sa place aux plus hauts échelons dans l’armée de terre. Il est fondamental de saisir la complémentarité du commandement et du management militaire. Bien que très formelle et hiérarchisée, l’armée de Terre reste polyvalente et participative. La décentralisation des décisions a permis d’assouplir l’organisation général de l’institution.
  • 35. 34Charlie ARNOULT III. Armée de terre et monde civil : deux mondes si différents ? A. Quelles différences et points communs entre l’Armée de Terre et le civil Nous avions précédemment expliqué que le monde civil caractérise tout ce qui n’est pas militaire. La sphère publique, qui comprend l’Armée de terre, se différencie des entreprises privées, notamment sur les notions de management et de gestion. Mais La frontière entre sphère publique et privée est imprécise. Qu’est-ce qui les différencient et les rapprochent ? Pour rappel, il existe en France trois grandes fonctions publique : • La fonction publique d'État (FPE) • La fonction publique territoriale (FPT) • La fonction publique hospitalière (FPH)  L’armée fait partie de la fonction publique d’Etat et est donc rattaché au ministère des armées. Dissemblances secteur privé et armée En interrogeant les gens, la première différence qui leur vient à l’esprit concerne la finalité du métier. « On ne pourrait assimiler le commandement des hommes dans les armées et la direction des hommes en entreprise, car les finalités à atteindre, les caractéristiques de l’action conduite, les structures respectives n’ont guère de points communs ». 31 • En effet, la finalité reste diamétralement opposée : les entreprises privées exercent leur activité dans un but lucratif, tandis que les armées doivent remplir des missions commandées par l’Etat, tout en respectant un budget alloué. Cette notion de rentabilité économique est en opposition avec la recherche d’efficience dans la réalisation de la mission pour l’armée de terre. 31 Extrait du livre De la stratégie. L’expérience militaire au service de l’entreprise, du Général Gil Fiévet (1993).
  • 36. 35Charlie ARNOULT • La seconde différence concerne les contraintes et les difficultés liées à l’activité du métier de militaire : - Disponibilité en tout temps et en tout lieu, le militaire peut être réquisitionné à tout moment en cas de rupture de la normalité. Il a également un devoir de disponibilité quelques années après avoir quitté les rangs. - Les journées durent souvent plus de 8h. - A hauteur de 45 jours par an, les congés, appelés permissions, sont rarement intégralement utilisés par les militaires, et sont souvent imposées pour une grande partie en août. - Enfin, les risques liés au métier ainsi que la distance avec la famille et son pays sont également des contraintes fortes en OPEX au cours de la mission. • L’environnement juridique dans lequel évoluent les entreprises privées et l’Armée sont codifiées, mais ne dépendent pas du même cadre légal. - Pour le privé, l’activité est déréglementée et suit une politique libérale. Les entreprises relèvent du droit privé : code du commerce, code civil, et pour les RH le droit du travail avec le code du travail. - Pour l’armée de terre, l’activité est régalienne et la règlementation publique (droit publique). L’activité militaire doit répondre à l’intérêt général, tout comme la fonction publique. Il n’y a pas de code du travail pour les fonctionnaires et militaires. Cette non- soumission de la Fonction Publique au code du travail permet de réduire les normes et procédures complexes. Pour l’Armée, nous retrouvons le code de la défense, qui définit les grandes lignes stratégiques et politiques de nos armées. Ensuite, il existe un droit du militaire, appelé le Statut Général des Militaires français (SGM), définissant les droits et les devoirs, mais aussi les sanctions et les récompenses applicables aux militaires. Les règles de vie, le comportement attendu et les us et coutumes du métier de soldat sont également rappelées dans le Code du soldat ainsi que dans le TTA (Traité Toutes Armes), notamment avec le TTA 101 : règlement de discipline générale, ou encore le TTA 102 : règlement du service intérieur. Enfin, l’armée de terre diffuse régulièrement de nouvelles circulaires via sa nouvelle plateforme électronique Boréale. • N’étant pas soumis aux mêmes droits, les hommes en treillis n’ont pas de droit de grève, n’ont pas de syndicats et donc pas de délégué syndical. Ils sont aussi soumis au devoir de Réserve, c'est-à-dire de discrétion concernant leur activité, et n’ont pas le droit de manifester.
  • 37. 36Charlie ARNOULT Pour se faire entendre dans leur Régiment, les militaires ont des référents : les représentants de catégories. Ce sont vers eux que les militaires se tournent pour adresser leurs requêtes, qui seront ensuite transmise au président de catégorie qui travaille en lien étroit avec le Chef de corps. Il est important de respecter cette chaîne hiérarchique. • La gestion des ressources humaines est également différente. Le chef militaire d’une compagnie (fonction de commandant d’unité), peut influer sur la gestion de la carrière de ses hommes et peut les positionner sur certaines formations ou stages. Cependant, et contrairement aux Responsables des ressources humaines (RRH) des entreprises privées, il lui est impossible de réaliser son propre recrutement car il est géré par les CIRFA32, ou encore d’influer sur la gestion de la solde (salaire) de ses hommes. • La notion de responsabilité : Les dirigeants d’entreprises ne sont pas, ou peu, responsables des actes de leurs salariés sur leur temps de travail. Or, pour l’armée, cette notion est amplifiée et est élargie même en dehors des heures de travail. Le chef militaire est responsable 24h/24 des faits et gestes de ses hommes. Il endosse donc la responsabilité de leurs erreurs et se porte garant de leur comportement. • Relation entre salariés : les relations restent souvent purement professionnelles dans le civil, que ce soit dans le secteur privé ou public. A contrario, le rythme et le risque des missions à l’armée, ainsi que la distance et l’absence de repères familiers, renforceront les liens fraternels entre les hommes. Les militaires apprendront à se connaître, parleront de leur famille, mais aussi de leur santé morale et de leurs soucis. Cette notion est importante et est prise en compte par les chefs militaires dans le cadre de la mission. Prendre en compte une rupture amoureuse entre un militaire et son épouse, avec 5000 km de distance entre les deux, peut entrainer de lourdes répercussions sur l’état physique et psychologique du militaire, qui doit être pris en compte par son chef. Ces facteurs restent très rarement évoqués dans le civil, que ce soit dans la fonction publique ou les entreprises privées. • La position de client : pour le privé, le client achète un bien ou un droit qu’il choisit de se procurer. L’entreprise peut aussi décider de vendre ou non ce bien à certains clients. Dans le civil, le client d’un organisme public est consommateur mais aussi actionnaire. Il contribue indirectement au paiement de ce service en payant ses taxes. Qu’il utilise ou non ce service, il participera à son financement. Les agents de la fonctions publiques ne peuvent refuser des clients, et ont l’obligation de répondre à leur demande. 32 CIRFA : Centres d’information et de recrutement des forces armées.
  • 38. 37Charlie ARNOULT Points communs • Entreprises privées et organismes publiques recherchent la satisfaction du client. Ces entités ont des structures qui leur sont propres, mais les schémas organisationnels restent similaires, avec une structure hiérarchique, une direction : - Direction Officiers généraux - Top Managers Officiers supérieurs - Middle Managers Officiers - Front Managers  Sous-officiers - Main d’œuvre Militaires du rang • Juridiquement, Armée et entreprises privées sont soumises au code pénal et aux droits de l’homme. • Nous retrouvons également les même grandes fonctions de management et de gestion. Le management stratégique (Officier / Top Managers) et opérationnel (Sous-Officiers / Middle Managers), les ressources humaines, la comptabilité, ou encore le service achats (Direction Générale de l’Armement), etc. • La notions de qualifications et de compétences est très présente au sein de l’armée, avec les nombreux stages et formations proposées aux militaires. La stratégie et les objectifs à atteindre à moyen et long terme, sont comme dans le civils, présents dans l’armée. Le livre blanc s’adresse aux militaires et aux citoyens, en développant les grandes lignes stratégiques des armées françaises, remises en forme en 2017 sous le nom de « revue stratégique de défense et de sécurité nationale » par le CEMA. Monde civil et militaire ont certes, leur lot de différences. Mais quelles sont ces valeurs qui font la force de l’Armée de terre, et quelles méthodes de travail militaires peuvent être bénéfiques aux entreprises du secteur privé ?
  • 39. 38Charlie ARNOULT Etre reconnu Etre entendu Agir utilement B. Les forces du management militaire « Il serait absurde de vouloir diriger un service commercial comme un commando de parachutistes » - colonel Cyril Barth, directeur de la Fondation Saint-Cyr. Certes, mais bien des valeurs et des qualités militaires sont aujourd’hui reprises par les entreprises du CAC 40 pour former leurs cadres. La multiplication des formations aux cadres supérieurs, aux banquiers, à la suite des crises financières, et ce besoin de conseils des entreprises dans un environnement mouvant et instable, ont motivé d’anciens militaires à créer leur entreprise de conseil et d’audit. Ces entreprises, telles que Scyfco ou Pegasus Leadership, sont spécialisées dans la formation, les mises en situations et les Team Building militaires. Le centre de formation de St Cyr Coëtquidan accueille aussi environ 2 000 cadres et étudiants par an pour des stages de management. Les attentes du militaire -Etre reconnu : en tant qu’homme et non comme un soldat. Le militaire est une finalité, mais il n’est pas uniquement un moyen permettant d’obtenir un résultat. Il ne faut pas oublier de placer l’homme au centre des préoccupations, au centre de la stratégie, au lieu de se focaliser sur la recherche de profit financiers ou d’efficience pour le secteur public. -Etre entendu : son avis, son ressenti sur sa capacité, sur la tactique, sur l’ennemi, doivent être pris en compte. Imposer une manière de faire à un homme qui ne lui est pas propre peut rapidement être une erreur. -Agir utilement : Voir les résultats, le fruit de son travail et les bien faits, la corrélation entre le résultat final et l’ordre de mission.
  • 40. 39Charlie ARNOULT Valeurs Cohésion et esprit de corps Discipline Communication Adaptabilité de commandement Une armée avec des valeurs33 « Le sentiment de servir des valeurs collectives positives permet de développer l’acceptation quotidienne des contraintes ». 34 Ce sont ces valeurs collectives, qui font la force de l’armée de terre, qui malgré des réductions budgétaires et un métier difficile, permettent de remplir les missions et repousser les limites de chaque homme. Faire partager les valeurs de l’entreprise, c’est susciter l’intérêt des individus autours d’un dénominateur commun. 33 Réponses issues du questionnaire en annexe 2. 34 « Management : l'armée, un modèle à suivre ? » (2013) de Patrice Huiban et Hugues Marchat
  • 41. 40Charlie ARNOULT La cohésion d’équipe et esprit de corps « Formez d’avance l’esprit de corps ». 35 Bien qu’elle ait été prononcée il y a des dizaines d’années, cette citation reste d’actualité. En effet, la cohésion doit être façonnée dès le temps de paix, notamment au cours de la préparation opérationnelle, car une fois la bataille engagée, il est trop tard. La cohésion, c’est lorsqu’un groupe solidaire maintient son implication dans une même direction, afin d’atteindre un objectif commun. Ainsi, l’esprit de groupe et la réussite en équipe pousse les éléments à repousser leur limite et à aller plus loin qu’ils n’iraient individuellement. Le soutien mutuel se trouve dans les moments difficiles. Lors d’opérations à l’étranger ou lors d’une effort physique intense, avec l’épreuve d’un parcours d’obstacle en équipe par exemple, où les meilleurs devront aider les moins forts pour passer la ligne d’arrivée ensemble. Ce type d’exercice permet d’éliminer les comportements individualistes ou égoïstes. Selon Elliott Jacques36, la culture d’entreprise se partage entre les membres d’une organisation, au travers de manifestations telles que les mythes, les valeurs, les rituels, les tabous, les symboles et les héros. L’esprit de corps dans l’armée de terre repose en effet sur des traditions communes qui renforcent ce Sentiment d’appartenance à une collectivité militaire. Cela se traduit par exemple par les soirées « cohésion » organisées au sein des unités, afin de renforcer l’esprit de camaraderie dans un cadre festif et convivial. Les Régiments ont aussi leurs propres décorations, drapeaux, signes et emblèmes d’appartenance, ou encore le souvenir d’un fait d’arme. Par exemple, les Troupes de Marine, ont pour héritage collectif un souvenir de guerre et, aujourd’hui comme fête annuelle, la bataille de Bazeilles 37. La fraternité dépasse la simple amitié. La fraternité nait lorsque les militaires font des missions ensemble, vivent des aventures difficiles ensemble et se soutiennent. C’est la fraternité qui permet aux soldats de s’engager personnellement au service de la réussite collective. 35 Citation du Colonel Ardant du Picq (1820-1870) 36 Psychologue canadien qui a introduit la psychanalyse dans l'étude des entreprises. 37 La bataille de Bazeilles (1870) pendant la guerre franco-prussienne.
  • 42. 41Charlie ARNOULT La discipline La discipline formelle est quotidiennement véhiculée à l’extérieur par l’uniforme et la visibilité des grades. A cette notion de grade, s’ajoute celle de l’expérience. L’expérience des OPEX et des départs en missions, mais aussi de l’ancienneté. Enfin, la particularité propre à l’Armée de terre concerne la fonction occupée. « La fonction prime sur le grade ». Cela signifie par exemple qu’un pilote de véhicule blindé de l’avant, peut refuser l’ordre d’un supérieur, de prendre une route minée, car lui seul détient la fonction de pilote et connait son véhicule, les risques du terrain et les dommages qu’ils pourraient causer au véhicule et ses hommes à l’intérieur. La communication interne La communication est quotidienne et permet la bonne circulation des informations. Les rassemblements quotidiens le matin, les bilans individuel chaque année, et les entretiens régulier entre subordonnés et supérieurs permettent d’entretenir ce lien. Communiquer régulièrement permet de favoriser les échanges, d’éviter les interprétations, et de lever les doutes. Dans l’exercice du commandement, la communication est un art. L’art de bien communiquer pour susciter l’adhésion de ses subalternes. Il s’agit en pratique de consacrer du temps à bien détailler les ordres, de façon claire et précise, tout en expliquant le contexte, l’objectif de la mission et les enjeux. C’est ainsi que les personnels se sentirons plus impliquées et s’investiront davantage. Selon E. Mayo38, les relations humaines, notamment l’intérêt porté aux subalternes, est un facteur de motivation, et provoquera une augmentation de leur motivation et de leur productivité. Il s’agit aussi de redonner du sens. Avant la projection de troupes sur un théâtre à risques comme l’Afghanistan, il conviendra de prendre le temps d’expliquer aux hommes pourquoi la France décide d’y envoyer des soldats, et quels sont les objectifs à remplir. L’information et la participation permettent à chaque soldat de parfaitement saisir la responsabilité qui lui incombe pour mener à bien la mission. Une bonne communication 38 Elton Mayo (1880-1949) est un psychologue et sociologue australien à l'origine du mouvement des relations humaines en management.
  • 43. 42Charlie ARNOULT entrainera donc une meilleure compréhension de la mission et une participation plus active des hommes en treillis. L’adaptabilité L’Armée de terre française est reconnue pour sa capacité à adapter ses méthodes de commandement aux conditions de l’engagement et à ses objectifs stratégiques. Un chef n’adoptera pas le même comportement et le même discours auprès de ses hommes lorsque ceux-ci sont au régiment, que lorsqu’ils sont en plein désert, épuisés par une journée de combat et sans liaisons avec les autres unités alliées. S’avoir s’adapter à la situation et adapter son discours à ses hommes est une forme d’intelligence de situation et d’humanisme. C’est aussi une des formes du rôle social du chef auprès de ses subalternes. C. Les bénéfices du management militaire pour les entreprises privées Malgré des restrictions budgétaires toujours plus importantes au cours de ces vingt dernières années, l’Armée de terre présente des indicateurs de bien-être supérieurs à la moyenne, malgré la difficulté et les risques du métier. Nous avons précédemment montré que le commandement militaire par objectif s’orientait vers une pédagogie plus participative, en responsabilisant ses hommes et en les impliquant d’avantage. Nous pouvons donc nous interroger sur les bonnes pratiques que les Chefs militaires sont en mesure de transmettre aux managers du secteur privé ? Après analyse des interviews (annexe 3) et grâce aux réponses du questionnaire en ligne (annexe 2), j’ai pu regrouper plusieurs méthodes de travail et habitudes propres à l’Armée, qui selon les personnes interrogées dans le sondage, mériteraient d’être d’avantage appliquées dans les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées. Il est important de rappeler qu’un grand nombre des sondés sont réservistes, et par définition, ont un pied dans l’Armée et l’autre dans en entreprises. Les quatre premiers points ci-dessous sont, selon les votes du questionnaire, ceux qui méritent le plus d’être appliqués en entreprises. Ils sont classés du plus important au moins important (voir nombre de votes en annexe 2).
  • 44. 43Charlie ARNOULT 1 - Les RETEX : Le RETEX est une abréviation militaire, issue de l’association des abréviations entre « retour » et « expérience ». En entreprise, on utilise le terme « feed-back ». Le RETEX permet pour ceux qui ont réalisé une mission, de faire remonter les difficultés rencontrées aux suivants, afin d’éviter de reproduire les mêmes erreurs, mais aussi de réduire le stress pré-opération. Dans le privé, cette méthode n’est pas assez utilisée. Les managers ont tendance à réinventer tout une méthodologie pour chaque nouveau projet, alors même qu’ils pourraient s’inspirer des anciens. Ce retour d’expérience permet de mette en perspective ce qui a fonctionné et ce qui a échoué. Les feed-back sont faits lors de débriefing à l’issu des missions réalisées, mais il est aussi possible de faire un retour sur ses collaborateurs et leur travail. Ce sont deux formes de RETEX, qui renforcent la communication au sein des équipes. Les retours sur soi permettent de s’améliorer, de mieux se connaitre, mais aussi de se remotiver lorsqu’il s’agit de retours positifs. Les erreurs réalisées individuellement à l’Armée sont appelées « axes d’amélioration » afin de ne pas blessé le concerné. Lors du debriefing post-mission, le Chef commencera toujours en énumérant ces axes d’amélioration, puis finira en annonçant les points positifs, afin de ne pas terminer sur une note négative. 2 - Rendre compte Comme rappelé précédemment, la communication occupe une place très importante chez les militaires. Lors d’une mission, les échanges entre les différentes strates hiérarchiques sont omniprésents, au travers des comptes rendus. Cette action de rendre compte permet aux militaires de suivre l’évolution de chaque étape de la mission même à distance. Ainsi, les supérieurs hiérarchiques sont continuellement informés de l’avancement, des obstacles rencontrés ou des étapes franchies. Cela permet un suivi précis et continu de l’exécution de la mission, et permet une réactivité accrue en cas de modification de l’ordre initiale de mission. Ce souci du reporting continu peut être amélioré dans le civil. Trop de salariés ont peur de déranger leur référent en les tenant informé, or le suivi de ses subalternes est l’essence même du rôle d’un manager. Comme l’a expliqué le Lieutenant (R) Philippe dans son interview (annexe 3), le compte rendu militaire n’est pas exercé comme un contrôle abusif (à l’instar des géolocalisations dans le privé ou des comptes rendus intempestifs). C’est un moyen d’informer en temps réel le déroulé de la mission afin de pouvoir changer la stratégie initiale et ainsi adapter son plan
  • 45. 44Charlie ARNOULT d’action à tout moment. La chaine hiérarchique peut dès lors, modifier les ordres avec des « OCA » (ordre en cours d’action). 3 - Cultiver la proximité dans le commandement Au rythme de l’industrialisation et de la mondialisation, les échanges ont évolué sur le lieu de travail, et peu de personnes donnent de leur temps aux autres. Les échanges humains sont bien souvent limités à l’aspect purement professionnel. L’armée a bien compris que pour commander ses hommes, il faut les connaître. Pour les connaître, il faut s’ouvrir à eux et être humain. En entreprise, les gens se saluent le matin. Parfois, certains demanderont « comment ça va ?». Mais combien posent cette question en prenant bien le temps de bien regarder la personne dans les yeux, d’analyser la réponse, et de s’assurer que la personne va vraiment bien ? Etre humain, c’est créer des liens et connaître ses collègues de travail, quelle que soit la hiérarchie. Connaître la situation familiale (enfants, marié) afin de faire preuve d’intelligence de situation et d’empathie en cas de séparation ou de situation de handicap. Cela permet également de fêter les réussites familiales (obtention du diplôme d’un enfant) et d’améliorer les rapports quotidiens. Certaines entreprises l’ont déjà bien compris en organisant des stages de cohésion et en s’appuyant sur les comités d’entreprise pour organiser des évènements collaboratifs. Autrefois caporal-chef de réserve et aujourd’hui officier dans l’active, le sous-lieutenant Jean m’a dressé sa vision du rôle social du chef de groupe à l’armée. Etre à l'écoute des difficultés rencontrées par les subordonnés rejoint finalement la cohésion de l'unité et l'esprit de corps qui doit l'animer. Un manager dans le privé qui comprendrait qu'il a également un rôle social à jouer vis-à-vis de ses subordonnés/employés, pourrait ainsi décupler leur capacité de travail de ces derniers en les impliquant et en les reconnaissant. 4 - Anticiper l’imprévu La transmission des ordres du chef de section à ses chefs de groupe a pour objectif de décrire le contexte de mission, en incluant la situation de l’ennemi, des amis, et surtout la conduite à tenir en cas de prise à partie. Comment réagir si l’ennemi nous a repéré ou s’il nous tire dessus ? Quel chemin de repli en cas d’imprévu ou d’abandon de la mission ? Peu d’entreprises se posent la question de la roue de secours lorsqu’elles mettent en place une stratégie. Comment réagir si un nouvel entrant arrive sur le marché et concurrence nos parts de marché ?
  • 46. 45Charlie ARNOULT A quel moment rompre le contact et se replier ? Comment minimiser les pertes humaines pour l’armée, et financières ou matérielles pour les entreprises ? C’est pourquoi les entreprises doivent consacrer du temps à l’élaboration d’un plan B, en déterminant la conduite à tenir en cas d’imprévu, pour gérer au mieux les risques apparaissant en cours de stratégie. Gestion de groupe et leadership Une des premières étapes dans la réalisation d’une mission de groupe consiste à définir la fonction de chacun, ses compétences, et donc le rôle de chacun dans le travail qu’il doit fournir, afin de garantir efficacité dans la réalisation de la mission. Le rôle de chacun est donc clairement identifié (Chef, adjoints, exécutants) et repose sur la hiérarchie. Le groupe doit être structuré et discipliné. Le leadership militaire est différent du civil dans le sens où le Chef de groupe et son adjoint ne doivent montrer aucun signe de difficulté, de pessimisme ou de remise en cause des ordres qui émanent de leurs supérieurs. En effet, son Chef militaire est souvent un exemple, et son avis peut facilement influencer négativement la perception que les subalternes peuvent se faire de la mission ou de ses autres supérieurs hiérarchiques. Un chef démotivé est bien souvent un chef démotivant ! Si le chef s’assoit, ses hommes s’allongent. Le supérieur a pour rôle de soutenir, mais pas d’assister ses hommes. Il les aidera à aller de l’avant en les conseillant, mais ne fera pas le travail à leur place. Il les valorisera et les tirera vers le haut. La cohésion d’équipe Nous avons particulièrement insisté sur l’esprit de corps qui est le ciment des fondations de notre armée. Pour reproduire ce ciment dans le civil, les managers peuvent s’inspirer des principes utilisés dans l’armée, en jouant sur la transparence et l’exemplarité. De plus, il ne faut pas avoir peur du contact, et aller voir la personne directement. A l’ère des nouvelles technologies de l’information de et la communication, trop de manager préfèrent envoyer un e-mail à leurs équipes plutôt que leur parler en face à face. Cela permet pourtant de gagner du temps, de mieux transmettre ses informations afin d’éviter les erreurs de compréhension, ou encore de désamorcer des situations conflictuelles qui finiraient par s’envenimer avec le temps. La concentration des efforts La concentration des efforts est une méthode de stratégie militaire applicable en marketing dans les entreprises privées. Cette concentration des forces sur un objectif précis, à un moment précis, sera plus efficace que de se disperser sur différents angles d’attaques.
  • 47. 46Charlie ARNOULT Il en est de même pour conquérir des marchés étrangers par exemple. Une entreprise peut concentrer ses efforts sur l’exportation de ses produits en Allemagne par exemple, en concentrant ses efforts sur un seul pays afin de bien entrer sur son marché, en s’y installant et en y renforçant sa position par la suite. Après avoir conquis ce marché, l’entreprise pourra s’attaquer à de nouveaux pays comme l’Autriche par exemple, en s’appuyant sur la victoire précédente. De plus, la notion d'objectif occupe une place prépondérante à l’Armée. Dans les grandes entreprises françaises, beaucoup de temps est perdu par manque d'objectifs clairs. L’importance du renseignement « Connais ton ennemi et connais-toi toi-même ». Sun Tse - L'art de la guerre. L’utilisation du renseignement permet de comprendre la stratégie adverse, ses capacités (forces, faiblesses, ressources), ses possibilités et les intentions de cet ennemi. A l’instar du renseignement militaire pour nos armées, les entreprises réalisent des études concurrentielles (Benchmarking). Collecter des informations et les exploiter permet de mieux connaître et comprendre la stratégie de ses concurrents, déterminer leurs forces, leurs faiblesses, et leurs intentions, afin de contrer ou même attaquer leurs positions. Cette notion d’intelligence économique s’applique aujourd’hui à toutes les fonctions de l’entreprise et s’est amplifiée avec le développement des NTIC. L’importance de la gestion du temps Militairement, l’échec de la Blitzkrieg39 menée par Hitler contre l’URSS est la preuve de l’importance de la gestion du temps. Cet exemple rappelle l’importance de maîtriser le temps, avec une armée allemande engagée sur le front russe, et qui par retard, sera surprise par l’hiver. Mal équipée, elle sera considérablement réduite par la perte de nombreux hommes et le disfonctionnement d’armement et de véhicules. Cet exemple est certes radical, mais il illustre bien le fait qu’il est rare que nous passions moins de temps que prévu à la réalisation d’une tâche en entreprise. L’objectif est donc de prévoir large, en s’accordant des marges de manœuvre. 39 Blirzkrieg : Guerre étoile – Guerre éclaire, très rapide.
  • 48. 47Charlie ARNOULT Notion d’interculturel La nature religieuse ou idéologique de certain conflit amène notre armée occidentale à réfléchir sur les références culturelles des théâtres sur lesquels elle est engagée. Il en va de même pour les service ADV/export qui doivent constamment s’adapter dans leur manière de communiquer ou de travailler, afin de se faire comprendre, voire d’éviter les écueils et erreurs de compréhensions qui pourraient amener à des conflits dans les affaires. Pour l’armée, la question diplomatique est également importante. Cela impose une grande ouverture d’esprit aux cultures et aux croyances étrangères. La motivation intrinsèque En entreprise, chacun s’implique individuellement en utilisant ses propres connaissances et ses compétences. Les sources de motivations sont généralement la rémunération ou les promotions à des postes plus élevés. Dans l’armée de terre, il n’existe aucune récompense pécuniaire et ce sera le plaisir de mettre à contribution son savoir qui devient source de motivation, puisqu’il permet la reconnaissance de ses camarades. Les entreprises ne bénéficient pas de cette même implication de leurs salariés. Le statut de militaire est considéré comme un métier de passion, de patriotisme, de sacrifice et de mérite avant même de considérer les missions, qui peuvent être très variées selon le poste. C'est dans cette optique que beaucoup intègrent leur régiment. De plus, les sacrifices que l'on fait pour son entreprise ou l'obéissance aveugle à la hiérarchie sont souvent perçus de manière négative en France et ne sont pas source de cohésion mais plutôt de fracture au sein des équipes. Planification Quel que soit la nature des missions, leur programmation se fait sur le court et le moyen terme. Il est rare qu’une mission soit annoncée aux militaires moins d’un an avant le départ, afin de rester dans un futur proche, tout en laissant aux hommes le temps de se préparer. Geert Hofstede 40 rappelait l’importance du contrôle de l’incertitude et la peur de l’inconnu. Ces pratiques militaires permettent aux militaires d’éviter les facteurs d’angoisse, mais aussi de mieux planifier, de se préparer physiquement et psychologiquement, et de préparer la famille à une absence longue. 40 Geert Hofstede, (1928) est un psychologue néerlandais
  • 49. 48Charlie ARNOULT Se reposer, passer du temps en famille, organiser ses jours de congés, savoir quand auront lieu les pics d’activité lors de la préparation, sont des facteurs très importants à prendre en compte. Savoir de quelle OPEX il s’agit est aussi un élément crucial. Cette planification des départs en mission est clairement partagée avec des moyens très simples tels que l’utilisation de tableaux-Excel prévisionnels sur 1 an, affichés dans les couloirs de la compagnie, afin d’informer les hommes des missions futures et des effectifs retenus. Le système de parrainage Le système de parrainage à l’armée fait partie des traditions chez les nouveaux sous-officiers et officiers. Le parrainage est une forme de coaching des anciens vers les nouveaux, afin de leur réserver un accueil bienveillant, tout en les conseillant et en les rassurant. Le maître de stage en entreprises ou encore le tuteur qui aide l’étudiant dans la réalisation de son mémoire, sont aussi des formes de parrainage dans le civil. Ils épaulent les étudiants, prennent le temps de les corriger, et leur transmettent des axes d’améliorations grâce à leur expérience. Il pourrait être intéressant que les seniors puissent d’avantage épauler les nouveaux arrivants. Le suivi et le recyclage des compétences Le suivi des qualifications est omniprésent au sein des armées. Il s’agit de déterminer quelles compétences sont détenues dans la compagnie, mais aussi de veiller à ce que les diplômes relatifs à ces compétences soient encore valides. Certains diplômes ne sont valides qu’une certaine durée car les savoir techniques, les processus, et les matériels évoluent au cours des années. C’est le cas par exemple pour le sauvetage au combat ou encore les sports de défense. Cela permet d’être à jour et de suivre les évolutions technologiques, mais aussi de pousser les hommes au maintien des savoir-faire acquis et à ne pas se reposer sur leurs acquis.
  • 50. 49Charlie ARNOULT D. Conclusion Les armées ont su s’inspirer des nouvelles méthodes de gestion dans le cadre de la modernisation du secteur public, notamment en adaptant ses méthodes de management et de commandement, mais aussi en utilisant les nouveaux outils informatiques, ainsi que les nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les valeurs militaires acquises au cours des décennies, renforcées par les guerres, et maintenues par les traditions, les souvenirs et les décorations, permettent à ses hommes de se surpasser quotidiennement et de remplir des missions toujours plus complexes, avec de moins en moins de moyens. Comme vu précédemment, les méthodes de gestion militaires et civiles sont différentes mais complémentaires. Chacune des deux entités peuvent s’inspirer du meilleur de l’autre. Les guerres peuvent prendre différentes formes : • Guerres asymétriques, opposant une force armée à un groupe de combattants matériellement insignifiants : lutte de la coalition contre l’Etat Islamique. • Guerres révolutionnaires, avec la guerre d’indépendance des Etats-Unis contre le Royaume Unis 1775-1783. • Guerre froide, entre l’URSS et les Etats Unis 1947-1991. • Guerre classique, avec neutralisation de l’ennemi, lors de la 1ère et 2ème Guerre mondiale. • Guerre économique, avec des embargos, ou des blocus. C’est la stratégie économique qui va le plus intéresser les dirigeants d’entreprises, dans le cas où l’entreprise est engagée dans une lutte contre un ou plusieurs concurrents. L’entreprise va chercher à se différencier de ses concurrents, et restera dans une confrontation économique, sans rentrer en guerre physique contre celui-ci. A cet instant, l’expérience militaire des guerres n’est plus applicable. « La conquête des marchés a désormais remplacé celle des territoires : la troisième guerre mondiale a débuté » - Bernard ESAMBERT41. 41 Bernard Esambert est un ingénieur et financier français
  • 51. 50Charlie ARNOULT La LPM et la révision de certains postes de dépenses comme solution E. Limites du modèle militaire et préconisations Nous venons de présenter les différents savoirs faires, méthodes de travail issues du monde militaire et les avantages qu’ils peuvent apporter aux entreprises civiles. Néanmoins, l’Armée de terre a aussi ses faiblesses et elle fait également face à une série de difficultés qui lui est propre. Une partie des faiblesses est abordée ci-dessous, avec la volonté d’apporter à chacune une solution ou une alternative afin de pallier le problème. Une armée en difficultés financières L’Armée de terre a fait face à une diminution de ses capacité financière avec la part du PIB consacré à la défense divisée par 2 en 30 ans. Depuis la nouvelle loi de programmation militaire, cette situation est en voie d’amélioration. Le budget prévisionnel devrait s’élever à 295 milliards d'euros, l’amélioration du portefeuille militaire est donc possible sur ces quelques prochaines années. D’autre part, il est possible de réaliser des économies en interne, en révisant et en réduisant certains postes de dépenses. La France, détenant plus de 300 ogives nucléaires, est aussi un des cinq pays signataire du traité de non-prolifération de l’arme nucléaire. Ne peut-elle pas réduire ce poste de dépense, pourtant extrêmement coûteux puisqu’il représente plus de 20% du budget des armées ? Difficultés financières et baisse de budget militaire
  • 52. 51Charlie ARNOULT Mieux cibler les besoins du terrain Des mauvaises décisions du service achat de l’Armée de terre Dans un second temps, de nombreuses personnes dénoncent l’achat d’équipements militaires inadaptés, parfois même absurdes. Le système FELIN : Le système FELIN (Fantassin à équipement et liaison intégrée) pour l’infanterie est un équipement à la pointe de la technologie. Cependant, il n’est pas adapté car il est jugé trop lourd et encombrant. Egalement très cher, même les américains friands de ce type de matériels ne se sont pas intéressés au projet. L’Auxylium : Prenons comme second exemple le système de communication Auxylium, actuellement utilisé par nos unités en patrouille Sentinelle en région parisienne pour communiquer entre elles. L’Auxylium est composé d’un smartphone, ainsi que d’un boitier réseau supplémentaire, et de deux batteries externes. Il faut savoir que la connexion entre le smartphone et le boitier se fait très difficilement (appareil alors inutilisable), et les militaires utilisant ce produit ne cessent de se poser la même question : pourquoi l’appareil est composé de deux parties aussi lourdes et encombrantes ? et pourquoi la connexion aux réseaux est-elle si mauvaise ? Aujourd’hui tous nos smartphones sont conçus d’une seule pièce. La batterie permet l’autonomie pour une journée complète et nos appareils ont très rarement des soucis de connexion au réseau (bien que le réseau ne soit pas crypté). Malgré tous ces défauts, cet appareil qui était très récemment encore en phase de test, semblerait avoir convaincu l’Etat-Major terre, qui validera probablement une seconde commande pour équiper toutes les militaires en patrouille sentinelle en France… Ce genre d’achat est perçu par nos militaires sur le terrain, comme du gaspillage financier. Porter plus d’attention aux achats que l’Armée réalise, en étudiant mieux les besoins et les problématiques des militaires permettrait d’éviter l’achat de matériel inadapté et de limiter les dépenses. Difficultés financières et baisse de budget militaire
  • 53. 52Charlie ARNOULT Un combattant d’infanterie porte déjà beaucoup de poids et doit pouvoir se déplacer rapidement au combat. Il paraît donc absurde de développer un équipement faiblement utile qui lui rajoutera 10kg sur les bras ! En étudiant mieux les besoins de militaires, en leur faisant tester des prototypes afin de recueillir des feed-back, les gradés responsables des achats éviteront de dépenser inutilement de l’argent. Ce travail en amont peut aussi permettre de développer des équipements spécifiques avec les constructeurs français. Il y a aussi la problématique des quantités d’achat. L’Armée de terre a parfois passé de trop grosse commande et se retrouve avec des stocks de vieux matériels à écouler. C’est le cas des papiers PDF1 ou encore des chemises F2 que peu de militaires portent aujourd’hui mais qui restent en stock. La revente de tous ces vieux matériels qui sont dépassés auprès des pays dont les armées sont en développement, permettrait de se débarrasser de ces stocks encombrants, et de capitaliser pour l’achat d’équipements futurs. La plupart des militaires sur le terrain n’ont aucune influence sur les décisions d’achat des matériels militaires, mais ils sont pourtant contraints d’utiliser ce matériel ensuite en dotation. Dans un tel contexte, il n’est pas rare d’entendre des militaires dire que les hauts dirigeants militaires privilégient leurs propres intérêts relationnels et politiques dans les décisions d’achat de matériel militaire. Peut-on se demander si dans certaines situations, les intérêts économiques ne passeraient pas avant les intérêts de la France ? Néanmoins, on peut féliciter les importants efforts réalisés afin d’équiper les militaires avec des équipements mieux adaptés : les nouveaux treillis félins, les rangers Haix, le nouveau fusil HK 416/417, le nouveau gilet pare-balle (SMB) ou encore du programme de modernisation des véhicules « Scorpio » sont des exemples de la récente modernisation de notre armée.
  • 54. 53Charlie ARNOULT Mise en place d'un nouveau logiciel de gestion des soldes Former ses militaires à la gestion Le système de gestion des soldes A la suite du dysfonctionnement informatique du logiciel « Louvois », responsable du calcul de la solde des militaires français, beaucoup de militaires ont été gravement atteint financièrement. Certains ont eu des trop perçu, qu’ils ont par la suite dû rembourser contre toute attente, tandis que d’autres ne recevaient plus de salaire pendant plusieurs mois, entraînant des situations financières très complexes dans de nombreux foyers. Les soucis ont été en partie régularisés et la situation s’est aujourd’hui stabilisée mais cette défaillance de logiciel fût lourde de conséquences pour de nombreux militaires se retrouvant dans des situations complexes auprès de leur famille et de leur banque. Le remplacement du logiciel Louvois est prévu depuis un certain temps avec le logiciel "Source Code", mais son installation n’est toujours pas finalisée. Des outils de gestion complexes issus du secteur privé D’une manière générale, l’armée de terre est ralentie par un manque de compétences en informatique et en gestion. En effet, l’article « Traduction d’un outil de gestion dans le secteur public : le cas du BSC dans l’armée de terre française 42», l’armée française fait face à des difficultés dans la mise en place d’un balanced-scoreboard, un outil de gestion issu du privé. 42 Article issu d’une revue de gestion, et rédigé par Ludivine Perray-Redslob et Julien Malaurent – 2015 Soucis de gestion des soldes des militaires Difficulté de traduire dans l’armée, des outils de gestion issu du privé
  • 55. 54Charlie ARNOULT Développer la communication En effet, l’utilisation du logiciel est effectuée par des civils de la Défense qui font face à des difficultés de traduction des termes issus du jargon militaire. De plus, ces civils n’ont pas pleinement connaissance des valeurs de l’armée, de l’institution, et du travail opérationnel, ce qui ralentit la communication. Une communication compliquée entre civils et militaires, ces derniers faisant preuve de résistance dans la communication des données. Pour solutionner cette situation, la formation de militaires en fin de carrière aux outils de gestion apparait comme une solution. La combinaison de leur expérience militaire avec l’apprentissage de techniques informatiques et de gestion permettrait la manipulation des nouveaux logiciels issus du privé. Une autre alternative serait l’utilisation accrue des réservistes. Issus du monde civil et formés dans des entreprises privées, leur double connaissance des outils informatiques et du fonctionnement de l’institution militaire pourrait être un parfait compromis. Le défis réside dans la disponibilité du réserviste sur un poste qui nécessite un emploi à plein temps. La distance Armée-Nation Ce point a été mentionné plusieurs fois dans le questionnaire publié en ligne. Le manque d'information et de prise de parole publique de la part des hauts-gradés afin de renforcer le lien armée-nation. Selon le 11ème rapport du HCECM43, « la fonction militaire bénéficie d’un niveau élevé de bonnes opinions, 88% des français ont une bonne image des armée ». Mais donner une bonne image n’est pas suffisant et il est aussi très important de communiquer et de s’adresser à l’opinion publique, aux français. Les représentants de l’institution devraient passer plus de temps à expliquer aux français les raisons de l'engagement de nos forces armées au Mali par exemple. 43 11ème rapport du Haut Comité d’Evaluation de la Condition Militaire – (Sept 2017), La fonction militaire dans la société française. Un manque de communication auprès des citoyens
  • 56. 55Charlie ARNOULT Adopter un management plus transversal La revue stratégique définit la stratégie et les théâtres d’opérations mais cela ne suffit pas et ce moyen de communication a un trop faible impact sur les français. En revanche, s'adresser aux français en utilisant les « mass média » tels que la TV par exemple avec un passage au journal télévisé de 20h de TF1 par exemple, permettrait à l’armée de renouer avec le peuple et de présenter ses opérations et les raisons de son engagement. La transparence est importante et prendre le temps de répondre aux questions permet aux citoyens de se sentir concerné par les problématiques de défense et de sécurité. Cet effort de communication est déjà réalisé auprès des militaires avant leur départ en mission (expliquer les raisons de leur engagement, les enjeux, les règles d’engagement, le respect du droit international, etc.). Alors que les attentats du Bataclan faisaient rage, nos soldats étaient aux pieds du bâtiments mais n’avaient pas eu l’autorisation d’intervenir. Peu de temps après ce tragique évènement, les civils ont manifesté de vives critiques sur les militaires restés stoïques. C’est alors qu’un discours des représentants militaires aurait permis de désamorcer le conflit par le dialogue. Prendre quelques minutes, pour présenter les raisons ayant empêché l’intervention de l’armée. La rigidité et le respect de la hiérarchie Le respect de la voie hiérarchique pour délivrer un message ou faire une demande est primordial dans l’armée. Pour faire une demande au Commandant d'Unité, un militaire du rang doit d'abord s'adresser à son adjoint chef de groupe ou son chef de groupe, qui s'adressera au chef de section, qui transmettra la demande au Commandant d'Unité. Il y a beaucoup d'intermédaires pour délivrer un simple message, avec entre temps le risque d'oubli, de déformation du message ou même de bloquage de la demande par un supérieur hiérarchique. Pour pallier ce soucis de communication, la réduction de la distance hiérarchique et la modification de la structure traditionelle en structure "agile", permettrait de faciliter la communication entre les diférentes strates hiérarchiques. Une communication freinée par une hiérarchie omniprésente et verticale.