Le Canada est-il dans une trappe de liquidités? Il s'agit d'une question importante car notre politique économique en dépend. Le fait d'imprimer de l'argent ne sera pas inflationniste, si et seulement si, on est dans une trappe de liquidité.
1. L’inflation s’en vient parce que le Canada ne semble pas être
dans une trappe de liquidité
Par Charles-Albert Ramsay
C'est la question à 300 milliards de dollars.
Le Canada est-il dans une trappe de liquidités? Il s'agit d'une question importante car notre
politique économique en dépend. Le fait d’augmenter la masse monétaire ne sera pas
inflationniste, si et seulement si, on est dans une trappe de liquidité.
D'abord, qu'est-ce qu'une trappe de liquidité?
Il s'agit d'une situation très rare (historiquement), lorsque la demande pour l'argent liquide
devient presqu'illimitée. Les gens ont peur de la bourse, des obligations et même de
l'immobilier. Ils préfèrent garder leur argent cash, que de l'investir. En général, ce phénomène a
lieu quand l'inflation est très faible, l'économie est très faible et que le pessimisme règne.
La banque centrale peut alors imprimer de l'argent librement, sans craintes inflationnistes, car
l'argent n'est pas investi et dépensé dans l'économie. À première vue, on pourrait se demander
si le Canada est dans une trappe de liquidité car les nouvelles économiques sont sombres.
Voyons le premier graphique1
du Canada que j'ai concocté soigneusement...
On voit bien que la baisse des taux d'intérêt a revigoré la masse monétaire au Canada (M1++). Il
y a donc plus d’argent qui circule dans l’économie. Ça semble fonctionner car l'écart de
production (Gap) entre le PIB actuel et le PIB potentiel se referme, même s’il est encore négatif.
C’est ce qui explique le taux de chômage encore élevé.
1
Les données sont tirées de la Banque du Canada et de Statistique Canada.
2. Du coup, on peut croire que la politique monétaire de la Banque du Canada a fonctionné. Et
grand-esprit-du-bon-Dieu, l'inflation est encore plutôt faible. Tout juste 1,9 % en rythme annuel
aux dernières nouvelles.
Mais je suis tout de même inquiet (comme toujours). Tout cet argent créé ne va-t-il pas générer
de l'inflation? Ça dépendra des consommateurs et des investisseurs. Si l’argent créé se retrouve
dans l’économie, oui, inflation il y aura.
Comment savoir? Une façon indéniable de le savoir est d’observer la vélocité de l’argent. C’est
le nombre de fois qu’un billet d’argent est utilisé dans une année. Plus souvent il est dépensé,
plus souvent il se transforme en revenus.
Le deuxième graphique nous indique clairement que la vélocité a beaucoup baissé pendant la
récession. De 31, le rythme de l’argent est passé à 25. Les Canadiens ont réduit leurs dépenses,
c’est clair.
3. Ça peut paraître théorique. Mais c’est sacrément concret.
Il y a 62 milliards de dollars de billets de banque et de pièces de monnaie au Canada en ce
moment (Base monétaire). Si cet argent ne circule que 25 fois, notre production (pib) n’est que
de 1,6 billions. Ça paraît gros. Mais si cet argent circulait 31 fois, comme en 2007, notre pib
serait de 1,9 billions et le taux de chômage serait de 5,5 pourcent au Canada.
La vélocité est donc un indicateur très précis de la psychologie des agents économiques.
La bonne nouvelle : c’est moins pire ici qu’aux États-Unis. La Fed a gonflé la masse monétaire
comme ce n’est pas permis. La vélocité a tellement chuté que l’effet de la politique monétaire
est amoindri. Les Américains sont dans une trappe de liquidité. C’est du jamais vu.
Voyez ce graphique de la masse monétaire américaine, tiré de la Fed.
4. La banque centrale américaine n’a jamais imprimé autant d’argent de toute son histoire. Et les
Américains s’assoient dessus. Voyez la vélocité aux États-Unis.2
2
Les chiffres de vélocité ne peuvent être comparés directement puisque j’ai utilisé des agrégats
monétaires différents (M1 aux États-Unis et M0 au Canada).
5. Au final, c’est l’inflation aux États-Unis qui me fait le plus peur. Comme nos économies sont
intégrées au quart de tour, la bonne gestion monétaire de la Banque du Canada ne pourra pas y
faire grand-chose si les prix de la production nord-américaine se mettent à grimper.
La Fed répète qu’elle peut rapidement retirer la grande majorité de cet argent injecté dans
l’économie en 2008 avec la mort dans l’âme. Si jamais elle sent l’inflation arriver, elle pèse sur le
bouton destroy money à coups de milliards.
Si ça ne fonctionne pas, bonjour l’inflation (comme dans les bonnes vieilles années 1970).