1. Lundi Finance
Quatre économistes pour penser 2011
Avec la participation de
Michel Juvet
Analyste financier et membre du comité de direction de Bordier & Cie
Par Propos recueillis par Sébastien Dubas, Mathilde Farine et Frédéric Lelièvre
Lundi 3 janvier 2011
L’année qui débute marqueratelle la fin de la crise? Les pistes des chroniqueurs du «Cœur des marchés»
Pour se projeter dans l’année 2011, Le Temps a interrogé les chroniqueurs du «Lundi Finance». A tour de rôle, ces
spécialistes de l’économie et de la finance vous livrent leurs vues personnelles dans le rendezvous hebdomadaire
intitulé «Au cœur des marchés».
Pour la première fois, nous les avons réunis pour débattre des thèmes qui feront l’actualité de cette nouvelle année.
Zone euro, croissance américaine, force du franc, guerre des monnaies, puissances émergentes… sans oublier les
questions de placement que se posent les investisseurs. François Gilliéron, conseiller indépendant, Michel Girardin de
l’Union bancaire privée, Andreas Hoefert d’UBS et Michel Juvet de Bordier apportent leurs réponses.
Le Temps: Le Sommet de l’Union tique, car économiquement, on Michel Girardin: Ce serait une
européenne, midécembre, n’a pas arrive tous à la même réponse. mauvaise solution à un vrai pro‐
débouché sur d’importantes déci blème. On suivrait l’exemple amé‐
sions. Combien de temps la zone Michel Girardin: Il est important ricain, qui est celui du mauvais
euro peutelle tenir? de créer les bases des Etats‐Unis élève. On peut réduire le pro‐
d’Europe. Mais pour l’instant, on blème de l’endettement en stimu‐
Andreas Hoefert: Elle peut tenir parle de financement sans résou‐ lant la croissance. Mais à un mo‐
très longtemps en allant de crise dre la question de la dette. Or les ment donné, il faudra en payer le
en crise. Le Portugal sera touché, marchés sont très sceptiques, ce prix: une inflation qui ne sera pas
puis l’Espagne. A ce moment‐là, qui provoque une hausse des taux liée à une surchauffe économique,
une réflexion pourra commencer et un cercle vicieux puisque cela mais qui sera bien plus grave
pour trouver un moyen de sortir augmente la charge de la dette. Ce parce qu’elle viendra de la dé‐
de cet engrenage. La seule porte sont les marchés qui dictent le fiance envers les banques centra‐
de sortie se trouve dans une inté‐ «timing» possible de l’implosion. les et la monnaie papier.
gration économique, sociale et des
politiques budgétaires plus im‐ François Gilliéron: Ce sont surtout – L’Europe faitelle tout faux?
portantes. Mais ce n’est pas la voie ses adversaires qui se plaisent à
prise par les politiciens au‐ parler d’implosion, donc les An‐ – Michel Juvet: Non. Le «timing»
jourd’hui. glo‐Saxons. Cependant, vu est mauvais, mais le raisonnement
l’ampleur de l’endettement améri‐ est intéressant. Elle essaie de
Michel Juvet: Cela dépendra sur‐ cain, l’Europe a encore beaucoup coordonner les politiques budgé‐
tout de l’Allemagne et de sa façon de marge en la matière: elle aussi taires et met la pression sur les
de juger les coûts et les bénéfices pourrait se mettre à imprimer de pays trop endettés. Parallèlement,
qu’implique sa présence dans la la monnaie… elle essaie de se montrer solidaire
zone euro. C’est une question poli‐ en ce qui concerne les dettes, ce
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2. qui paraît juste lorsqu’on est dans à faire payer les privés dès ce Grande‐Bretagne en particulier –
une zone monétaire unifiée. Les moment. s’inquiéter de la situation améri‐
réticences de l’Allemagne à aug‐ caine?
menter la taille du fonds de stabi‐ – Michel Juvet: La question est
lisation sont en revanche incom‐ plutôt: quand faut‐il restructurer – M.Gi.: Les Chinois s’en inquiè‐
préhensibles. Dans ces problèmes la dette? Aujourd’hui, les risques tent déjà fortement. Ils détiennent
il vaut mieux anticiper que réagir, sont trop importants pour le sys‐ des wagons de dette américaine. A
et d’ailleurs cela ne lui coûterait tème bancaire européen et les mon avis, on va aller vers un ré‐
pas grand‐chose. Berlin craint le Etats ne sont pas suffisamment équilibrage du monde. On ne peut
moment où elle aura tellement assainis pour lancer un processus continuer à vivre avec cet impé‐
aidé les autres pays et augmenté de restructuration. Il est inutile de rialisme économique des Etats‐
tellement sa dette que ses coûts le faire tant que les déficits budgé‐ Unis ad aeternam où ils conti‐
de financement grimperont. Avant taires courants sont trop impor‐ nuent d’imprimer de la monnaie.
d’en arriver là, on peut mettre en tants. Il faut attendre en tout cas
place un fonds de 1000 à 2000 deux ans. – A propos des EtatsUnis: vontils
milliards d’euros [ndlr: il pèse finir par recréer de l’emploi?
aujourd’hui 440 milliards]. Dans – M.Gi.: Dans certains pays, la si‐
ce cas, l’augmentation potentielle tuation n’est pas si dramatique. En
de sa dette l’amènerait à environ – A.H.: Je ne pense pas pour les
Italie, l’intérêt de la dette repré‐ trois ou quatre prochaines années.
100% du PIB, ce qui correspond à sente l’essentiel du déficit. On
la moyenne européenne. Lors de la récession précédente,
parle d’une restructuration après au début des années 2000, la
2013. Mais pour les marchés, cela poussée du chômage a été telle
– M.Gi.: On ne demande pas à signifie qu’il faut se débarrasser qu’il a fallu cinq ans pour la résor‐
l’Etat de Washington de payer des obligations sur les PIIGS [ndlr: ber. Maintenant, nous avons at‐
pour celui de l’Arkansas. Pourtant, Portugal, Irlande, Italie, Grèce et teint un pic près de deux fois plus
il existe des différences en termes Espagne] dès maintenant. élevé. En outre, la situation du
d’endettement et de richesse qui marché immobilier rend plus dif‐
sont parfois plus marquées entre – Pour certains, une restructura ficile la mobilité vers les Etats où
Etats américains qu’entre tion est risquée car les banques ont se créent davantage d’emplois
l’Allemagne et la Grèce. Les Etats‐ trop investi dans ces pays. Il fau parce qu’il n’est pas toujours pos‐
Unis disposent de mécanismes drait alors les recapitaliser… sible de céder son logement.
compensatoires, ce qui n’est pas le
cas en Europe. Qui ne peut pas
non plus se servir de la monnaie – A.H.: La Banque centrale euro‐ – Michel Juvet: La situation pour‐
pour regagner de la compétitivité. péenne devrait résoudre ce pro‐ rait devenir temporairement plus
Aujourd’hui, l’ajustement se fait blème – comme la Fed l’a fait avec positive. Surtout avec le dernier
donc par des mesures qui pour‐ le «subprime» – en faisant passer plan budgétaire américain. Si les
raient conduire à une spirale de la les dettes des PIIGS sur son bilan. entreprises peuvent anticiper une
déflation de la dette, à des réces‐ croissance meilleure qu’attendu,
sions, voire des dépressions. – Michel Juvet: Quid de elles peuvent investir dans les
l’indépendance de la banque cen‐ capacités et recruter. Il pourrait
trale dans ce cas? On lui demande donc y avoir des créations
– F.G.: La vraie question qui se d’emplois, même si cela ne veut
pose derrière le maintien de d’intervenir dans la gestion publi‐
que. pas dire que le chômage va bais‐
l’euro, c’est la réalité d’une politi‐ ser. Les entreprises se sont
que de puissance européenne. La d’abord concentrées sur
monnaie unique est l’un des rares – M.Gi.: C’est bien ce que fait la
Fed. On est dans une configura‐ l’amélioration de leurs marges
domaines où le Vieux Continent a bénéficiaires.
peu de concurrents au niveau tion où il s’agit de choisir la stra‐
mondial. tégie qui fera le moins de mal.
– A.H.: Le désendettement du sec‐
– Michel Juvet: C’est un point inté‐ teur privé va certes continuer,
– Le rééchelonnement des dettes ne mais on force les Américains à
pourraitil pas éviter tous ces pro ressant qui est soulevé. Car si tout
le monde s’est inquiété des dettes consommer alors qu’ils sont tou‐
blèmes? jours endettés, ce qui n’est pas
européennes en 2010, personne
ne s’inquiète de la dette améri‐ très efficace. Les entreprises n’ont
– A.H.: Oui. Je ne vois d’ailleurs pas pas envie d’investir non plus. De‐
pourquoi l’Irlande est derrière ses caine. Puisque ce sont les créan‐
ciers qui mènent la barque, quand puis la Deuxième Guerre mon‐
banques. On aurait pu commencer diale, il n’y a jamais eu de relance
vont‐ils – la Chine, le Japon et la
Article paru dans Le Temps du 3 janvier 2011 2/5
3. par les exportations aux Etats‐ mique. En général, c’est l’inverse alors qu’elles devraient être ré‐
Unis. Par ailleurs, on ne peut pas qui se produit. évaluées.
dire qu’ils vendent des produits
que les gens ont envie d’acheter – – F.G.: Le nombre de consomma‐ Michel Girardin: Les interventions
généralement, ce que les gens teurs décroît actuellement aux sur le marché des devises ne sont
achètent, c’est du «made in China» Etats‐Unis alors que les bénéfi‐ suivies d’effets que si les politi‐
conçu aux Etats‐Unis. La crois‐ ciaires des «food stamps» – leurs ques monétaires – en matière de
sance américaine à long terme a Restos du cœur – explosent. taux d’intérêt notamment – vont
pris un sérieux coup, et cela bien de concert. Aujourd’hui, la logique
avant la crise financière. J’ai – Michel Juvet: Là, on est sur un voudrait qu’une économie forte
l’impression que la politique mo‐ terrain politique. Economique‐ comme celle des Etats‐Unis béné‐
nétaire et budgétaire américaine ment, on sait que les 20% les plus ficie d’une monnaie forte et que la
vise à ramener l’Amérique sur un aisés contribuent pour 50% de la Fed monte ses taux alors que la
taux de croissance qui n’est plus le consommation américaine. C’est Chine baisse les siens. Pourtant,
sien. Des phénomènes inflation‐ ce qui compte pour la croissance. c’est exactement le contraire qui
nistes s’en dégageront forcément. se produit. Je ne vois donc pas de
solution miracle de la part du G20.
– F.G.: On peut même rappeler,
même si je partage ce dernier avis, Andreas Hoefert: Du point de vue
que la situation des sociétés est La guerre des mon de la Chine, sa monnaie réelle se
excellente aux Etats‐Unis: elles naies auratelle lieu? réévalue automatiquement par le
regorgent de liquidité et ont re‐ biais de l’inflation. Son argument
«Malsaine», la stratégie du dollar
trouvé leur «pricing power» [ndlr: étant que l’inflation peut stimuler
faible paraît pourtant seule à
capacité à défendre le prix de son économie tandis qu’une ré‐
même de «réduire les déséquili
vente de leurs produits]. Du point évaluation classique de sa mon‐
bres» aux yeux de certains des qua
de vue boursier, c’est très positif. naie serait contre‐productive.
tre économistes réunis par «Le
Temps»
– M.Gi.: On s’en remet quand Michel Juvet: Car la Chine sait très
même toujours au consommateur bien que si elle réévalue le yuan
Le Temps: 2011 seratelle une
américain et à sa résilience fantas‐ elle fera des pertes sur ses actifs
nouvelle année de «guerre des
tique. Mais jusqu’à quand peut‐on en dollars.
monnaies»?
sauver le malade?
François Gilliéron: Un pays en – La force du franc vous inquiètet
– Michel Juvet: Les ménages amé‐ elle?
bonne santé se doit d’avoir une
ricains, dans leur ensemble, ne
monnaie forte. Dans cette optique,
sont pas très endettés. Leur for‐ – M.Gi.: Son niveau actuel est plus
le jeu américain qui tend toujours
tune – immobilier et actifs finan‐ élevé qu’à son pic de 1978. La
à laisser glisser sa monnaie est
ciers – est nettement supérieure à Banque nationale suisse [BNS] en
malsain.
leur endettement. Avec leurs seuls était alors venue à mettre des taux
dépôts bancaires ils pourraient négatifs pour contrer la tendance.
rembourser 75% des emprunts Michel Girardin: Mais dans cer‐
hypothécaires. En fin de compte, tains cas, il n’y a pas d’autre mé‐
s’ils ont des actifs qui progressent canisme que celui de la dévalua‐ – F.G.: Comme à l’époque, il faut
– immobilier qui se stabilise, tion pour garder son économie à agir, et vite.
bourse bien orientée, taux flot et donner un peu d’oxygène à
d’intérêts qui restent bas – les ses exportations et à sa croissance – Michel Juvet: Je ne crois pas.
ménages endettés peuvent survi‐ économique. A partir du moment L’Europe mettrait une énorme
vre encore pas mal d’années. où il n’y a pas de risque majeur pression si l’on taxait le dépôt des
d’importer de l’inflation, les Etats Européens. L’expérience de 1978
sont même incités à laisser filer doit nous empêcher d’aller dans
– M.Gi.: Dans ce cas, on s’en remet
leur monnaie. cette direction: non seulement on
à la bourse. Si elle est bonne, il y
aura un effet de richesse. Cela a fait de la taxation mais en plus,
stimulera la croissance et on ren‐ Michel Juvet: J’irais même plus on a fait tourner la planche à bil‐
trera ainsi dans un cercle ver‐ loin: la fluctuation des devises est lets. Un an plus tard, la BNS ne
tueux. Mais je trouve dangereux le meilleur outil pour rétablir les savait plus contrôler l’inflation.
de tabler sur les marchés pour déséquilibres. Le problème au‐ Aujourd’hui il faut plutôt sortir la
arriver au scénario macroécono‐ jourd’hui vient des pays émer‐ BNS de son isolement. Et trouver
gents qui bloquent leurs monnaies
Article paru dans Le Temps du 3 janvier 2011 3/5
4. les moyens pour que les autres l’euro on ne voit aucune diffé‐ – On se dirige donc vers un chan
pays l’aident dans sa lutte. rence sur le prix des biens qui gement de la donne monétaire par
sont importés en Suisse. Pékin?
– F.G.: Ce qui m’inquiète c’est de
savoir où l’on va s’arrêter. On peut – Michel Juvet: Il s’agit plus de
imaginer un franc suisse à
savoir quand ils le feront, plutôt
1,20 euro. On doit à tout prix L’inconnue chinoise au que s’ils le feront. S’ils le font ra‐
prendre des mesures défensives pidement, c’est dangereux, on
pour notre monnaie.
cœur de l’équation craint l’atterrissage forcé comme
La lutte de Pékin contre la sur avant Tiananmen. Tout le monde
chauffe marquera l’actualité cette disait déjà en 2006 qu’il était plus
– A.H.: Son niveau actuel n’est pas
année facile d’agir contre une économie
si dramatique. On oublie trop sou‐
vent que la Suisse a énormément qui va trop bien alors qu’il y avait
profité de l’euro. Imaginez un Le Temps: Peuton compter sur une bulle immobilière aux Etats‐
instant où pourraient être la l’économie chinoise pour stimuler Unis. De même qu’en 1989 au
drachme et la peseta à l’heure la croissance mondiale? Japon…
actuelle, vis‐à‐vis du franc suisse?
Par rapport au cours «actuel» Andreas Hoefert: C’est déjà le – M. Gi.: Mais les autorités n’ont
franc français ou à la lire italienne moteur de la moitié de l’économie
rien fait.
– déduit implicitement du niveau mondiale: le Sud‐Est asiatique et
de l’euro – le franc suisse reste les pays qui y sont exposés
sous‐évalué. Il sera probablement comme les exportateurs de matiè‐ – Michel Juvet: Et les Chinois se‐
très proche de la parité vis‐à‐vis res premières, mais aussi raient‐ils plus intelligents que les
de l’euro – si celui‐ci existe tou‐ l’Allemagne, la Suisse, le Benelux autres?
jours – d’ici à une dizaine et la Scandinavie. Ce sont ces pays
d’années. La question est de sa‐ qui s’en sortent mieux que les
voir si cette appréciation se fera Etats‐Unis, la France ou le – M. Gi.: Ils ont déjà commencé à
par à‐coup ou dans la tendance. Royaume‐Uni. agir et à resserrer les coûts du
Dans le premier cas, la barre des crédit. Regardez la Suisse, la BNS
1,20 euro risque de faire mal à Michel Juvet: Pour les Européens peut seulement agiter le drapeau
notre économie. Mais nous n’y et les Américains, la Chine n’est rouge pour mettre en avant le
sommes pas encore. pas un moteur. Les Occidentaux risque de bulle immobilière, mais
[Suisses exclus] ont un déficit elle ne peut rien faire. Le franc est
Par ailleurs, le discours selon le‐ commercial vis‐à‐vis de ce pays. à un niveau tel qu’elle ne peut pas
quel une monnaie faible est préfé‐ La Chine nous pompe en réalité de relever les taux. La Chine n’est pas
rable pour les exportations est la croissance puisqu’elle exporte dans cette situation. Elle a une
complètement faux. Les grands plus qu’elle ne nous importe. monnaie sous‐évaluée.
exportateurs mondiaux qui ont
encore une base industrielle forte Andreas Hoefert: Ce n’est pas for‐ – Michel Juvet: Cette sorte de
et qui exportent des machines de cément vrai pour l’Allemagne, qui croyance dans la capacité des au‐
qualités – Japon, Suisse ou Alle‐ profite également du dynamisme torités chinoises de tout com‐
magne – ont toujours eu des mon‐ de l’Asie du Sud‐Est. Cela dit, lors‐ prendre et de tout gérer parfaite‐
naies fortes. qu’on évoque les risques en 2011, ment est gênante. Les Chinois
on pense à l’euro, à la faillite d’une continuent à acheter de
– Michel Juvet: Tout à fait municipalité américaine. Mais on l’immobilier car ils sont convain‐
d’accord. Simplement, si le secteur oublie une surchauffe de la Chine, cus que les autorités ne laisseront
des exportations est touché, qui impliquerait une politique jamais tomber ce marché. C’est
d’autres secteurs devraient profi‐ monétaire restrictive. Comme en avec ce genre de réflexe qu’on
ter d’une monnaie forte. Or, je n’ai 2008. perpétue les bulles.
pas vu les prix baisser en Suisse.
Cela veut dire que l’on n’a pas Michel Girardin: Ce n’est pas un
assez de libéralisation des prix. Et – M. Gi.: La Chine n’est pas la seule
problème. Il suffit de relever les
que, d’autre part, on a encore des taux. Il est plus facile d’agir contre à faire face à ce problème. Toutes
cartels. une économie qui va trop bien. les banques centrales devraient
arrêter de se concentrer sur
– A.H.: Il est tout à fait paradoxal l’inflation du panier des ménages
qu’avec une telle fluctuation sur et inclure les prix de l’immobilier
Article paru dans Le Temps du 3 janvier 2011 4/5
5. dans leur mesure de l’inflation. La Michel Girardin: Par ailleurs, l’or partie des risques importants à
grande erreur du Japon se trouve est le seul actif qui n’est pas corré‐ suivre l’année prochaine. Les flux
là. Les banques centrales affir‐ lé aux autres véhicules de place‐ de capitaux s’y sont tellement
ment qu’elles ne savent pas ce ment dans le cas d’une inflation déversés qu’ils sont désormais
qu’est une bulle spéculative, qu’on issue d’une monétisation exces‐ extrêmement sensibles à un chan‐
ne peut pas la mesurer et qu’elle sive de la dette. gement d’émotion de la part des
devient visible seulement quand investisseurs étrangers.
elle explose. Donc elles ne veulent Michel Juvet: Mais il y a quand
pas agir de manière préventive. même un côté troublant. Lorsque – A. H.: Aujourd’hui, tout le monde
Alors que c’est le seul moment où la hausse d’un actif est paraboli‐
elles pourraient être efficaces. veut aller sur le marché chinois
que – plus de 100% en trois ans –,
pour profiter de sa croissance.
il faut être prudent et ne pas se
Mais on oublie trop souvent qu’il
précipiter maintenant à n’importe
comprend seulement trois sec‐
quel prix. Un renversement de la
teurs – énergie, télécommunica‐
Où investir cette année politique monétaire américaine
tions et finance. Et un – les ban‐
lui serait fatal.
Or, un peu; bourse, beaucoup; em ques – où je ne mettrai pas les
prunts d’Etat, pas du tout pieds. Par contre, il n’y a pas
M. Gi.: Il faut garder l’or comme d’industrie en tant que telle.
Le Temps: Quels actifs fautil préfé actif diversifiant. Dans le cas où
rer en 2011? une centrale nucléaire explose‐
rait…
Michel Girardin: Actions, matières
premières et or sont les trois ac‐ – Qu’en estil des emprunts émis
tifs que nous conseillons à l’UBP. par les Etats?
François Gilliéron: Privilégier l’or, – A. H.: Chez UBS, nous ne sommes
c’est un peu facile et cela me rap‐ pas friands d’obligations gouver‐
pelle la formule napoléonienne: nementales. Il nous faut réédu‐
«Les baïonnettes, on peut tout quer les clients et leur expliquer
faire avec, sauf s’asseoir dessus.» que les risques ne sont plus là où
Le métal jaune, c’est l’opposé, actif ils étaient traditionnellement. On
fondamentalement stérile que les peut toujours discuter de savoir si
gouvernements pourront manipu‐ un krach obligataire aura lieu ou
ler ou bloquer à leur guise le mo‐ pas. Dans les faits, il s’est déjà
ment venu. De plus, le fait que l’or produit pour les Italiens et pour
ait fait cinq fois la mise au cours les Grecs. J’ai un peu l’impression
de la décennie montre que nous que l’on vit là les prémices de ce
sommes sans doute déjà dans une qui pourrait se passer au cœur de
bulle. l’Europe, voire aux Etats‐Unis.
Michel Juvet: C’est la première fois
– Michel Juvet: Le marché des
que des investisseurs non occi‐
dentaux ont autant d’influence sur actions est bien plus attractif.
les actifs financiers. Si je suis un Mais je n’achèterais pas n’importe
Asiatique, je suis confronté à une quel titre. Les entreprises euro‐
inflation galopante et je dois ache‐ péennes qui génèrent des bénéfi‐
ter des matières premières et de ces importants sur les marchés
l’or pour protéger mon porte‐ émergents sont intéressantes.
feuille. Les perspectives 2011 Aujourd’hui, il est plus attrayant
étant toujours les mêmes – infla‐ d’acheter une société européenne
tion et création de monnaie –, ils présente en Chine que d’acheter
vont continuer à acheter de l’or et une entreprise chinoise, généra‐
des matières premières. Moralité, lement beaucoup plus chère,
il faut tenir compte du fait que moins transparente et qui n’a pas
beaucoup de personnes dans le forcément une croissance avérée à
monde veulent de l’or ou des ma‐ long terme. Pour moi, les marchés
tières premières. émergents en tant que tels font
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