1. 16 avril 2012
Au coeur des marchés
Le risque français
Michel Juvet
Analyste financier et Associé de Bordier & Cie
O
n aurait pu espérer de la part des candidats Sans amertume libérale. Les marchés financiers et
à l’élection présidentielle française des dis- l’Etat américain, qui n’a rien fait pour réduire son
cours économiques rigoureux sur la gestion endettement, apprécient! Pour le moment… De quoi
des dettes publiques. Hélas… mal inspirer la politique française…
Pour certains, il suffirait même de redonner vie à la En Europe, la BCE a préféré depuis décembre dernier
Banque de France afin qu’elle prête à l’Etat à des la voie indirecte et offrir des liquidités bon marché
taux très bas. L’Etat français serait alors indépen- aux banques, et surtout à celles qui souffraient d’avoir
dant des marchés pour son financement et sa charge aidé leurs Etats endettés en achetant leurs bons du
financière serait réduite… C’est vrai que si la France Trésor. Mais les bonnes banques ont gardé leurs
avait pu emprunter à un taux zéro depuis 40 ans, sa liquidités auprès de la BCE, et les mauvaises ont
dette serait réduite de moitié aujourd’hui, car elle emprunté pour acheter encore plus d’obligations péri-
ne serait constituée que de capital à rembourser, et phériques, satisfaisant ainsi leurs autorités publiques
ne comprendrait pas l’accumulation des intérêts. et gagnant un peu d’argent au passage. Dommage car
Mais a-t-on déjà vu un Etat se restreindre lorsque avec le retour des craintes sur l’Espagne ou l’Italie,
le financement de son activité est gratuit? Non, et leurs bilans souffrent désormais davantage… De
aujourd’hui, dans cette hypothèse, la dette de l’Etat quoi revoir le rôle de la BCE…
français serait certainement plus élevée encore, et
la faillite de l’Etat imminente. Quelle sera donc la prochaine solution si le prochain
président français n’arrive pas à convaincre rapi-
Alors pourquoi cette idée bizarre sur le rôle d’une dement les créanciers de la justesse de sa politique
banque centrale dans le financement des Etats? Parce économique? Copier la Fed au risque d’accumuler
que l’amplitude de la crise empêche de prendre des tous les maux dans le bilan de la BCE? Les Allemands
décisions courageuses pour réduire les endette- refuseront. Interdire la spéculation? Une blague! La
ments publics, et pour rompre le cordon ombilical hausse des rendements obligataires français entraî-
B OR DIE R & C IE
vicieux qui lie les banques aux Etats. Et parce que nera les autres avec! Demander l’aide au nouveau
les banques centrales jouent un rôle ambigu dans la Fonds européen de stabilité financière (FESF)?
solvabilité des Etats.
La France va certes élire son président, mais elle va
Aux Etats-Unis, la politique quantitative menée surtout définir l’avenir de la zone euro. Et son futur
par la Fed (achats massifs de bons du Trésor) lui président aura une marge temporelle de manœuvre
a permis de contrôler et de maintenir basse toute inversement proportionnelle au spread de taux
la courbe des taux, des plus courts aux plus longs. franco-allemand…
Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 16 avril 2012 1/1
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