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20 u Libération Mardi 14 Juillet 2015
où toutes les sociétés humaines
se trouvent engagées. En somme,
ce serait la prise de conscience
politique d’une dimension qui
dépasse le politique, qui serait
donc métapolitique, à savoir
cosmopolitique. Les risques
communs pour l’ensemble de
l’humanité sont devenus tels que
le politique est obligé de sortir
des perspectives locales régiona-
les ou nationales pour poser au-
delà d’elles une dimension qui
les surplombe: la dimension
cosmopolitique. Celle-ci n’impli-
que aucune négation du politi-
que, mais permet de mettre
au-dessus de lui une dimension
qui devra le réguler. Pour le dire
en une phrase: au-dessus de la
souveraineté des peuples, il y a la
souveraineté de l’humanité.
A ce titre, une déclaration des
droits de l’humanité a pour
vocation d’être inscrite dans le
préambule des constitutions des
Etats, comme c’est le cas actuelle-
ment, dans un certain nombre
d’Etats démocratiques, de la Dé-
claration des droits de l’homme,
et, en France, de la Charte de l’en-
vironnement. La Déclaration des
droits de l’homme a permis la ré-
sistance à l’oppression politique
qui frappe les individus ou les
peuples, la Déclaration des droits
de l’humanité aurait pour objet
de permettre, non seulement
la lutte contre l’oppression,
mais aussi la lutte ou la résistance
contre la surexploitation illimitée
et destructrice à laquelle est sou-
mise la Terre-sol. En cela, une dé-
claration des droits de l’humanité
aurait pour objet de lutter à la fois
contre l’oppression, la pauvreté,
l’exploitation des hommes, la do-
mination d’une partie de la pla-
nète sur une autre, mais aussi
d’assurer la préservation de la
Terre-sol, c’est-à-dire l’avenir de
l’humanité.
Pour une déclaration
réellement universelle
L
e président François
Hollande a demandé, il y a
environ un mois, à Corinne
Lepage, ancienne ministre de
l’Ecologie, une «Déclaration uni-
verselle des droits de l’huma-
nité». Ce texte aurait pour objet
de compléter la Déclaration uni-
verselle des droits de l’homme
adoptée en 1948 par les Nations
unies. L’idée serait de discuter
cette déclaration et, éventuelle-
ment, de l’adopter lors de la
conférence climat qui se dérou-
lera à la fin de l’année à Paris
(COP 21).
Pourquoi une telle déclaration
est-elle importante? Première-
ment, en raison du caractère uni-
versel qu’elle ne peut pas man-
quer d’avoir. Il s’agirait en effet de
définir les principes communs
à l’ensemble de l’humanité,
au-delà de la diversité des cultu-
res, des coutumes, des manières
de vivre, des religions, sans nier
cette diversité. L’enjeu premier
est donc de montrer que, au-delà
de la relativité des valeurs et des
points de vue, il y a la possibilité
de penser une dimension com-
mune, un intérêt commun, sus-
ceptible de donner un contenu
positif à l’idée d’humanité.
Deuxièmement, parce qu’une
telle déclaration impliquerait la
Il faut inscrire
les droits et les
devoirs de l’humanité
au préambule
des Constitutions
des Etats.
pleine prise de conscience qu’il y
a aujourd’hui des enjeux qui ne
concernent pas simplement tel
ou tel pays, telle ou telle région,
tel ou tel peuple mais l’humanité
entière. Or, si celle-ci est engagée
dans sa totalité, c’est parce qu’il y
a un destin commun qui la défi-
nit. Ce destin commun et scellé
dans son rapport à la Terre.
Qu’est-ce que la Terre? La Terre
n’est pas seulement la planète
que nous connaissons sous le
nom, c’est aussi et surtout la
Terre-sol, c’est-à-dire le monde
habitable. Comme telle, la Terre
est le corrélat de l’humanité.
Celle-ci, en effet, n’existe pas
dans un espace abstrait, la Terre
est la condition de son existence
à tous égards, depuis les simples
besoins vitaux jusqu’aux plus
hautes fonctions de la pensée en
passant par l’imagination, les
passions, l’espérance, etc.
Inversement, la Terre n’est pas
simplement un lieu indifférent
ou une réalité bio-physico-chimi-
que sans mémoire: elle porte
en elle les archives vivantes
de l’histoire humaine ainsi
que celles de l’ensemble des êtres
vivants.
Troisièmement, parce que l’idée
d’une déclaration des droits de
l’humanité implique la nécessité
d’éclaircir le concept d’humanité.
L’humanité n’est pas une abstrac-
tion, elle est le principe qui fait
qu’un être humain est identique à
n’importe quel autre. Mais il faut
bien entendre cette identité.
«Chaque homme, disait Montai-
gne, porte la forme entière de l’hu-
maine condition.» Cependant,
cette forme est singulière, cela
veut dire que l’identité humaine,
loin de s’opposer à la diversité et à
la différence, est immédiatement
diverse. L’identité de l’identité
n’est pas l’identité, mais la diffé-
rence. Il y a des milliers, des mil-
lions, voire des milliards de fa-
çons d’être humain. C’est à
travers cette diversité, et non pas
malgré elle, que le concept d’hu-
manité prend son sens.
Les notions d’universalité, de
Terre-sol et d’humanité ainsi dé-
finies au plan philosophique, une
déclaration des droits de l’huma-
nité consisterait en la prise de
conscience politique, au niveau
international, du destin commun
J’ai, pour ma part, tenté de défi-
nir les principes cosmopolitiques
fondamentaux sur lesquels une
déclaration des droits de l’huma-
nité doit être fondée. Ces princi-
pes sont: l’inappropriabilité de la
Terre et la responsabilité pour
l’humanité (1). L’idée d’inappro-
priabilité de la terre remet en
cause l’idée, tant religieuse que
juridique, qui a traversé la pensée
occidentale en particulier (mais
pas seulement) selon laquelle la
Terre-sol appartiendrait à
l’homme et qu’il pourrait en user
à sa guise. Elle n’aurait pas pour
fonction de remettre en cause
la propriété individuelle ou
collective mais de la limiter radi-
calement en la subordonnant à
l’inappropriable: la Terre-sol
n’appartient pas aux générations
présentes, elle n’en est pas la
propriété. Cela signifie que toute
propriété est provisoire et pré-
caire, seconde ou subordonnée.
Personne, qu’il s’agisse d’indivi-
dus ou de collectivités, n’a de
droit absolu sur une partie de la
Terre-sol, son droit ne peut être
que limité, c’est-à-dire subor-
donné à un principe plus fonda-
mental: la préservation de la base
même de l’existence de
l’humanité présente et future. La
Terre-sol ne nous appartient pas,
c’est nous qui lui appartenons.
Corrélativement à l’inappropria-
bilité de la Terre, il y a la respon-
sabilité pour l’humanité. Celle-ci
est une responsabilité supplé-
mentaire, indirecte, de nos actes
individuels ou collectifs, privés
ou publics. Elle veut dire qu’en
agissant nous ne nous engageons
pas seulement nous-mêmes
comme citoyen à l’égard d’autres
hommes ou à l’égard de collecti-
vités déterminées, mais aussi
comme citoyen du monde à
l’égard de l’humanité entière, liée
au monde vivant tout entier.
Cette responsabilité est cosmo-
politique, c’est-à-dire qu’elle
trouve son fondement ontologi-
que et juridique dans l’apparte-
nance de l’homme à l’humanité
et de celle-ci au monde vivant.
Cette responsabilité proprement
humaine n’est pas seulement
morale, elle est aussi quasi-juridi-
que et doit trouver une traduc-
tion juridique dans les Constitu-
tions des Etats. C’est elle qui doit
permettre d’élaborer les droits et
les devoirs cosmopolitiques,
donc universels, qui seraient
ainsi fondés sur le lien d’apparte-
nance et de solidarité avec le
monde vivant. Inappropriabilité
de la Terre et responsabilité pour
l’humanité doivent permettre de
donner un contenu à une décla-
ration universelle des droits et
des devoirs de l’humanité.•
(1) L’Inappropriabilité de la Terre, de
Yves Charles Zarka, Armand Colin, 2013.
Par
YVES CHARLES
ZARKA
Les risques communs pour l’ensemble
de l’humanité sont devenus tels que
le politique est obligé de sortir des
perspectives locales ou nationales
pour poser au-delà d’elles une
dimension cosmopolitique. .
Libération Mardi 14 Juillet 2015 u 21
S’il est une chose qui reste sacrée en
France, c’est bien la Déclaration des droits
de l’homme de 1789, symbole de la Révolu-
tion fêtée le 14 juillet. Mais cette déclara-
tion est-elle si intemporelle et universelle
que nous voulons bien le croire? Les droits
de l’homme à la française ont-ils vieilli,
dépassés par l’urgence climatique qui rend
bien fragile leur vision anthropocentrée?
Selon le philosophe Yves Charles Zarka,
c’est désormais l’humanité qui a des droits
et des devoirs, et avec elle la Terre qui l’ac-
cueille. Il faut désormais une lecture «cos-
mopolite» des droits humains, qui ne se
bornent pas à ceux d’un peuple ou d’une
culture (celle de l’Occident) mais au destin
commun qui les engage désormais tous.
Le collectif Droit humains pour tou-te-s,
lui, prône une révolution sémantique.
Remplacer «droit de l’homme» par
«droits humains» dans nos textes et nos
discours et en finir enfin avec l’exclusion
symbolique des femmes de l’humanité.
Pour que plus jamais, une Olympe de
Gouge n’ait à rédiger une Déclaration de
la femme et de la citoyenne, contrepoids
aux droits des hommes.
I
l est permis de s’étonner que les institu-
tions françaises continuent d’utiliser
l’expression «droits de l’homme» pour
désigner les droits humains. Loin de
s’imposer à la langue comme une
évidence, l’emploi de cette formule résulte
en effet d’une série de choix contestables.
effet sur des points essentiels. En particu-
lier, la Déclaration de 1789 ne s’appliquait
pas aux femmes: dans ce document, le
terme «homme» a été retenu non pas en
raison de sa valeur générique supposée
mais spécifiquement pour désigner les
personnes de genre masculin à l’exclusion
des personnes de genre féminin. Au con-
traire, la déclaration de 1948 érige dès son
préambule la protection contre la discrimi-
nation de genre au rang de droit universel.
La confusion entre les deux déclarations
entretenue par l’emploi d’une expression
identique minimise donc l’importance du
droit énoncé en 1948, pourtant essentiel à
l’universalité de la DUDH puisqu’il assure
l’inclusion des femmes au sein de l’huma-
nité. Le texte de la déclaration de 1948 té-
moigne ainsi du caractère artificiel de son
intitulé. Comme le note Amnesty Interna-
tional dans un rapport de 1998, déjà rédigé
pour demander ce changement de termi-
nologie, «les rédacteurs de la DUDH en
français ont eu à cœur de marquer la non-
discrimination sexuelle en recourant le plus
souvent à des termes autres que “hommes”
pour énumérer les divers droits contenus
dans la Déclaration universelle». L’article
premier de la DUDH débute notamment
par ces mots: «Tous les êtres humains nais-
sent libres et égaux en droit.» Les rédac-
teurs ont donc cherché à mettre la lettre du
texte en accord avec son esprit, sans toute-
fois aller jusqu’au bout de leur entreprise:
le terme homme a continué d’être retenu
8 fois sur 54 mentions possibles. L’attache-
ment aux termes «droits de l’homme» s’en-
racine ainsi dans une vision idéalisée de la
déclaration de 1789 qui néglige l’aspect
discriminatoire du document.
Ensuite, aucun principe linguistique ne
justifie d’accorder en français une valeur
générique aux formes masculines pour
désigner les membres de l’espèce humaine.
Ce privilège a en réalité été progressive-
ment imposé à partir du XVIIe siècle et
constitue une exception à ce que l’Institut
national de la langue française appelle
«une tendance massive et indo-européenne:
le genre, pour les animés humains, suit glo-
balement le sexe». C’est une logique politi-
que qui motive ce choix linguistique:
Benoîte Groult souligne ainsi que pour les
noms de métiers, «l’acceptation des formes
féminines est inversement proportionnelle
au prestige de la profession» (1). Les résis-
tances autour de la modification de l’ex-
pression «droits de l’homme» s’expliquent
aussi par le désir de conserver au seul genre
masculin le prestige de la valeur générique.
Car, pour finir, cette expression obscurcit
la vérité simple que le féminisme est un
humanisme. Elle délégitime les luttes
féministes, qu’elle désigne en creux
comme des revendications catégorielles
portées par un groupe d’intérêt particulier.
Or, la lutte pour les droits des femmes n’est
rien d’autre qu’une lutte pour les droits
humains; le mouvement féministe ne
réclame pas un traitement préférentiel
pour les femmes mais, au contraire,
l’égalité entre tous les êtres humains, c’est-
à-dire, l’abolition des privilèges masculins.
Les termes employés par les pouvoirs
publics bénéficient d’un poids tout
particulier. Dans la continuité des efforts
déjà engagés pour démasculiniser la
langue française, il est donc temps que les
instances officielles de la République
abandonnent l’expression «droits de
l’homme». La charge de la preuve pèse
désormais sur celles et ceux qui s’obsti-
nent à vouloir conserver cette terminolo-
gie dépassée et discriminatoire.•
(1) «Cachez ce féminin», le Monde du 11 juin 1991.
Remplaçons «droits de l’homme»
par «droits humains»!
Si elle veut enfin inclure
pleinement les femmes
dans l’humanité, la
République française doit
rompre avec une expression
issue d’une vision idéalisée
de la Déclaration de 1789.
Ses voisins l’ont déjà fait.
Par le collectif
DROITS HUMAINS
POUR TOU­TE­S
D’abord, elle est historiquement impropre.
Les droits fondamentaux qu’elle désigne
ne sont pas ceux qu’énonce la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de
1789 mais ceux qui figurent dans la Décla-
ration universelle des droits de l’homme
(DUDH) de 1948. Seule la langue française
a choisi de conserver la même expression
d’une déclaration à l’autre. Les autres lan-
gues ont explicitement distingué les deux
textes en procédant à un changement de
nomenclature, soit en anglais «human ri-
ghts» au lieu de «rights of man», en italien
«diritti umani» au lieu de «diritti
dell’uomo», en espagnol «derechos huma-
nos» au lieu de «derechos del hombre». Ces
modifications n’ont rien d’une coquetterie
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Une Declaration Universelle des Droits de l’Humanite !

  • 1. 20 u Libération Mardi 14 Juillet 2015 où toutes les sociétés humaines se trouvent engagées. En somme, ce serait la prise de conscience politique d’une dimension qui dépasse le politique, qui serait donc métapolitique, à savoir cosmopolitique. Les risques communs pour l’ensemble de l’humanité sont devenus tels que le politique est obligé de sortir des perspectives locales régiona- les ou nationales pour poser au- delà d’elles une dimension qui les surplombe: la dimension cosmopolitique. Celle-ci n’impli- que aucune négation du politi- que, mais permet de mettre au-dessus de lui une dimension qui devra le réguler. Pour le dire en une phrase: au-dessus de la souveraineté des peuples, il y a la souveraineté de l’humanité. A ce titre, une déclaration des droits de l’humanité a pour vocation d’être inscrite dans le préambule des constitutions des Etats, comme c’est le cas actuelle- ment, dans un certain nombre d’Etats démocratiques, de la Dé- claration des droits de l’homme, et, en France, de la Charte de l’en- vironnement. La Déclaration des droits de l’homme a permis la ré- sistance à l’oppression politique qui frappe les individus ou les peuples, la Déclaration des droits de l’humanité aurait pour objet de permettre, non seulement la lutte contre l’oppression, mais aussi la lutte ou la résistance contre la surexploitation illimitée et destructrice à laquelle est sou- mise la Terre-sol. En cela, une dé- claration des droits de l’humanité aurait pour objet de lutter à la fois contre l’oppression, la pauvreté, l’exploitation des hommes, la do- mination d’une partie de la pla- nète sur une autre, mais aussi d’assurer la préservation de la Terre-sol, c’est-à-dire l’avenir de l’humanité. Pour une déclaration réellement universelle L e président François Hollande a demandé, il y a environ un mois, à Corinne Lepage, ancienne ministre de l’Ecologie, une «Déclaration uni- verselle des droits de l’huma- nité». Ce texte aurait pour objet de compléter la Déclaration uni- verselle des droits de l’homme adoptée en 1948 par les Nations unies. L’idée serait de discuter cette déclaration et, éventuelle- ment, de l’adopter lors de la conférence climat qui se dérou- lera à la fin de l’année à Paris (COP 21). Pourquoi une telle déclaration est-elle importante? Première- ment, en raison du caractère uni- versel qu’elle ne peut pas man- quer d’avoir. Il s’agirait en effet de définir les principes communs à l’ensemble de l’humanité, au-delà de la diversité des cultu- res, des coutumes, des manières de vivre, des religions, sans nier cette diversité. L’enjeu premier est donc de montrer que, au-delà de la relativité des valeurs et des points de vue, il y a la possibilité de penser une dimension com- mune, un intérêt commun, sus- ceptible de donner un contenu positif à l’idée d’humanité. Deuxièmement, parce qu’une telle déclaration impliquerait la Il faut inscrire les droits et les devoirs de l’humanité au préambule des Constitutions des Etats. pleine prise de conscience qu’il y a aujourd’hui des enjeux qui ne concernent pas simplement tel ou tel pays, telle ou telle région, tel ou tel peuple mais l’humanité entière. Or, si celle-ci est engagée dans sa totalité, c’est parce qu’il y a un destin commun qui la défi- nit. Ce destin commun et scellé dans son rapport à la Terre. Qu’est-ce que la Terre? La Terre n’est pas seulement la planète que nous connaissons sous le nom, c’est aussi et surtout la Terre-sol, c’est-à-dire le monde habitable. Comme telle, la Terre est le corrélat de l’humanité. Celle-ci, en effet, n’existe pas dans un espace abstrait, la Terre est la condition de son existence à tous égards, depuis les simples besoins vitaux jusqu’aux plus hautes fonctions de la pensée en passant par l’imagination, les passions, l’espérance, etc. Inversement, la Terre n’est pas simplement un lieu indifférent ou une réalité bio-physico-chimi- que sans mémoire: elle porte en elle les archives vivantes de l’histoire humaine ainsi que celles de l’ensemble des êtres vivants. Troisièmement, parce que l’idée d’une déclaration des droits de l’humanité implique la nécessité d’éclaircir le concept d’humanité. L’humanité n’est pas une abstrac- tion, elle est le principe qui fait qu’un être humain est identique à n’importe quel autre. Mais il faut bien entendre cette identité. «Chaque homme, disait Montai- gne, porte la forme entière de l’hu- maine condition.» Cependant, cette forme est singulière, cela veut dire que l’identité humaine, loin de s’opposer à la diversité et à la différence, est immédiatement diverse. L’identité de l’identité n’est pas l’identité, mais la diffé- rence. Il y a des milliers, des mil- lions, voire des milliards de fa- çons d’être humain. C’est à travers cette diversité, et non pas malgré elle, que le concept d’hu- manité prend son sens. Les notions d’universalité, de Terre-sol et d’humanité ainsi dé- finies au plan philosophique, une déclaration des droits de l’huma- nité consisterait en la prise de conscience politique, au niveau international, du destin commun J’ai, pour ma part, tenté de défi- nir les principes cosmopolitiques fondamentaux sur lesquels une déclaration des droits de l’huma- nité doit être fondée. Ces princi- pes sont: l’inappropriabilité de la Terre et la responsabilité pour l’humanité (1). L’idée d’inappro- priabilité de la terre remet en cause l’idée, tant religieuse que juridique, qui a traversé la pensée occidentale en particulier (mais pas seulement) selon laquelle la Terre-sol appartiendrait à l’homme et qu’il pourrait en user à sa guise. Elle n’aurait pas pour fonction de remettre en cause la propriété individuelle ou collective mais de la limiter radi- calement en la subordonnant à l’inappropriable: la Terre-sol n’appartient pas aux générations présentes, elle n’en est pas la propriété. Cela signifie que toute propriété est provisoire et pré- caire, seconde ou subordonnée. Personne, qu’il s’agisse d’indivi- dus ou de collectivités, n’a de droit absolu sur une partie de la Terre-sol, son droit ne peut être que limité, c’est-à-dire subor- donné à un principe plus fonda- mental: la préservation de la base même de l’existence de l’humanité présente et future. La Terre-sol ne nous appartient pas, c’est nous qui lui appartenons. Corrélativement à l’inappropria- bilité de la Terre, il y a la respon- sabilité pour l’humanité. Celle-ci est une responsabilité supplé- mentaire, indirecte, de nos actes individuels ou collectifs, privés ou publics. Elle veut dire qu’en agissant nous ne nous engageons pas seulement nous-mêmes comme citoyen à l’égard d’autres hommes ou à l’égard de collecti- vités déterminées, mais aussi comme citoyen du monde à l’égard de l’humanité entière, liée au monde vivant tout entier. Cette responsabilité est cosmo- politique, c’est-à-dire qu’elle trouve son fondement ontologi- que et juridique dans l’apparte- nance de l’homme à l’humanité et de celle-ci au monde vivant. Cette responsabilité proprement humaine n’est pas seulement morale, elle est aussi quasi-juridi- que et doit trouver une traduc- tion juridique dans les Constitu- tions des Etats. C’est elle qui doit permettre d’élaborer les droits et les devoirs cosmopolitiques, donc universels, qui seraient ainsi fondés sur le lien d’apparte- nance et de solidarité avec le monde vivant. Inappropriabilité de la Terre et responsabilité pour l’humanité doivent permettre de donner un contenu à une décla- ration universelle des droits et des devoirs de l’humanité.• (1) L’Inappropriabilité de la Terre, de Yves Charles Zarka, Armand Colin, 2013. Par YVES CHARLES ZARKA Les risques communs pour l’ensemble de l’humanité sont devenus tels que le politique est obligé de sortir des perspectives locales ou nationales pour poser au-delà d’elles une dimension cosmopolitique. .
  • 2. Libération Mardi 14 Juillet 2015 u 21 S’il est une chose qui reste sacrée en France, c’est bien la Déclaration des droits de l’homme de 1789, symbole de la Révolu- tion fêtée le 14 juillet. Mais cette déclara- tion est-elle si intemporelle et universelle que nous voulons bien le croire? Les droits de l’homme à la française ont-ils vieilli, dépassés par l’urgence climatique qui rend bien fragile leur vision anthropocentrée? Selon le philosophe Yves Charles Zarka, c’est désormais l’humanité qui a des droits et des devoirs, et avec elle la Terre qui l’ac- cueille. Il faut désormais une lecture «cos- mopolite» des droits humains, qui ne se bornent pas à ceux d’un peuple ou d’une culture (celle de l’Occident) mais au destin commun qui les engage désormais tous. Le collectif Droit humains pour tou-te-s, lui, prône une révolution sémantique. Remplacer «droit de l’homme» par «droits humains» dans nos textes et nos discours et en finir enfin avec l’exclusion symbolique des femmes de l’humanité. Pour que plus jamais, une Olympe de Gouge n’ait à rédiger une Déclaration de la femme et de la citoyenne, contrepoids aux droits des hommes. I l est permis de s’étonner que les institu- tions françaises continuent d’utiliser l’expression «droits de l’homme» pour désigner les droits humains. Loin de s’imposer à la langue comme une évidence, l’emploi de cette formule résulte en effet d’une série de choix contestables. effet sur des points essentiels. En particu- lier, la Déclaration de 1789 ne s’appliquait pas aux femmes: dans ce document, le terme «homme» a été retenu non pas en raison de sa valeur générique supposée mais spécifiquement pour désigner les personnes de genre masculin à l’exclusion des personnes de genre féminin. Au con- traire, la déclaration de 1948 érige dès son préambule la protection contre la discrimi- nation de genre au rang de droit universel. La confusion entre les deux déclarations entretenue par l’emploi d’une expression identique minimise donc l’importance du droit énoncé en 1948, pourtant essentiel à l’universalité de la DUDH puisqu’il assure l’inclusion des femmes au sein de l’huma- nité. Le texte de la déclaration de 1948 té- moigne ainsi du caractère artificiel de son intitulé. Comme le note Amnesty Interna- tional dans un rapport de 1998, déjà rédigé pour demander ce changement de termi- nologie, «les rédacteurs de la DUDH en français ont eu à cœur de marquer la non- discrimination sexuelle en recourant le plus souvent à des termes autres que “hommes” pour énumérer les divers droits contenus dans la Déclaration universelle». L’article premier de la DUDH débute notamment par ces mots: «Tous les êtres humains nais- sent libres et égaux en droit.» Les rédac- teurs ont donc cherché à mettre la lettre du texte en accord avec son esprit, sans toute- fois aller jusqu’au bout de leur entreprise: le terme homme a continué d’être retenu 8 fois sur 54 mentions possibles. L’attache- ment aux termes «droits de l’homme» s’en- racine ainsi dans une vision idéalisée de la déclaration de 1789 qui néglige l’aspect discriminatoire du document. Ensuite, aucun principe linguistique ne justifie d’accorder en français une valeur générique aux formes masculines pour désigner les membres de l’espèce humaine. Ce privilège a en réalité été progressive- ment imposé à partir du XVIIe siècle et constitue une exception à ce que l’Institut national de la langue française appelle «une tendance massive et indo-européenne: le genre, pour les animés humains, suit glo- balement le sexe». C’est une logique politi- que qui motive ce choix linguistique: Benoîte Groult souligne ainsi que pour les noms de métiers, «l’acceptation des formes féminines est inversement proportionnelle au prestige de la profession» (1). Les résis- tances autour de la modification de l’ex- pression «droits de l’homme» s’expliquent aussi par le désir de conserver au seul genre masculin le prestige de la valeur générique. Car, pour finir, cette expression obscurcit la vérité simple que le féminisme est un humanisme. Elle délégitime les luttes féministes, qu’elle désigne en creux comme des revendications catégorielles portées par un groupe d’intérêt particulier. Or, la lutte pour les droits des femmes n’est rien d’autre qu’une lutte pour les droits humains; le mouvement féministe ne réclame pas un traitement préférentiel pour les femmes mais, au contraire, l’égalité entre tous les êtres humains, c’est- à-dire, l’abolition des privilèges masculins. Les termes employés par les pouvoirs publics bénéficient d’un poids tout particulier. Dans la continuité des efforts déjà engagés pour démasculiniser la langue française, il est donc temps que les instances officielles de la République abandonnent l’expression «droits de l’homme». La charge de la preuve pèse désormais sur celles et ceux qui s’obsti- nent à vouloir conserver cette terminolo- gie dépassée et discriminatoire.• (1) «Cachez ce féminin», le Monde du 11 juin 1991. Remplaçons «droits de l’homme» par «droits humains»! Si elle veut enfin inclure pleinement les femmes dans l’humanité, la République française doit rompre avec une expression issue d’une vision idéalisée de la Déclaration de 1789. Ses voisins l’ont déjà fait. Par le collectif DROITS HUMAINS POUR TOU­TE­S D’abord, elle est historiquement impropre. Les droits fondamentaux qu’elle désigne ne sont pas ceux qu’énonce la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 mais ceux qui figurent dans la Décla- ration universelle des droits de l’homme (DUDH) de 1948. Seule la langue française a choisi de conserver la même expression d’une déclaration à l’autre. Les autres lan- gues ont explicitement distingué les deux textes en procédant à un changement de nomenclature, soit en anglais «human ri- ghts» au lieu de «rights of man», en italien «diritti umani» au lieu de «diritti dell’uomo», en espagnol «derechos huma- nos» au lieu de «derechos del hombre». Ces modifications n’ont rien d’une coquetterie inutile: les textes en question diffèrent en