Ma dernière chronique sur la nécessité de converser (du latin «conversari», «vivre avec») et la tentative de passer un dimanche en famille sans smartphone.
«Die Ferien sind vorbei – Ich sortiere aus, werfe weg, gebe fort»
« Il faut qu’on cause… »
1. @linesandprecepts.com
« Il faut qu’on cause… »
La plupart d’entre nous sommes conscients que, paradoxalement, les outils de communication
modernes infirment notre capacité à communiquer. Qui n’en a pas fait l’expérience en famille,
dans les transports en commun ou au travail? Des experts prônent le retour de la conversation.
Hier, dans le train, j’ai essayé de capter un regard. N’importe lequel. Un regard humain. Mais tous les
passagers sans exception étaient occupés à lire ou à taper sur leur smartphone. Même chose au travail: un
open space avec des rangées d’ordinateurs et des gens devant, les yeux fixés sur un écran, leurs doigts
pianotant sur un clavier.
Un soir normal: mon mari et moi sommes assis sur le canapé, visage baissé sur notre iPhone. Juste à côté,
notre fille, installée dans un fauteuil, consulte son compte Instagram.
Non, ce n’est pas vrai! On en est donc arrivé là!
Un jour sans internet, on ose?
Le spécialiste de la communication Guillaume Villemot, créateur du Festival des conversations, a exploré les
formes de conversation anciennes et modernes. Des veillées au coin du feu de nos aïeux aux posts et autres
textos via lesquels nous communiquons aujourd’hui. Selon lui, un retour de la conversation verbale serait
salutaire en tant que moyen de renouer avec les autres.
Nous en parlons en famille, le soir, à table. (Des repas partagés qui se font malheureusement de plus en
plus rares et de plus en plus brefs.) Nous sommes d’accord: il nous faut rétablir la communication entre
nous. Consacrons-y une journée entière. Éteignons nos iPhone et partons au musée. Et puis, nous irons
déjeuner en toute déconnexion.
2. «T’as qu’à demander à Google!»
Jusqu’à la Fondation Beyeler, compter une heure trente de trajet environ. Dans le train, la conversation
s’engage: «En quelle année il est mort exactement Picasso?» À part en demandant à Google, comment
obtenir la réponse instantanément? Le besoin d’avoir l’information de suite est très fort. On rallume un
iPhone.
Arrivés au musée, nous sommes tous les trois d’accord: si nous voulons faire des photos, il faudra bien
dégainer notre outil digital multifonction. Histoire de pouvoir, plus tard, s’extasier à loisir sur le talent de
Picasso. On rallume les iPhone, mais on opte pour le mode avion.
Magnifique exposition. J’en ressors avec plein d’images dans la mémoire de mon portable. (Je pourrais en
mettre quelques-unes sur Insta plus tard.) Mais j’ai perdu les deux autres. Ce n’est pourtant pas compliqué.
Comment faisait-on AVANT? Il n’y a qu’à attendre quelques minutes à l’entrée. Et en effet, cela a suffi.
Le contact humain: un luxe
Le déjeuner sera bien agréable. Il me semble que nous n’avions pas eu, tous les trois, une conversation
aussi longue et intéressante depuis bien longtemps.
Le soir, en rallumant mon téléphone, je découvre deux textos de Lou, envoyés à la sortie de l’exposition. Je
ne les ai pas vus plus tôt; j’étais déconnectée. Elle n’allait quand même pas nous attendre! Elle joignait sa
localisation sur WhatsApp.
Le dimanche suivant, nous voici sur le canapé, consultant les dernières infos sur nos écrans de portable.
Lou révise son vocabulaire d’italien grâce à l’appli Quizlet. Retour à la normale.
Un article de la «NZZ am Sonntag», déplorant que le contact humain soit devenu un luxe, relève que, dans
la Silicon Valley, passer trop de temps devant un écran est entre-temps dénoncé comme étant néfaste
pour la santé. Les enfants des riches sont envoyés dans des écoles où l’usage de l’ordinateur est réduit à
son minimum. Peu sensibles à ces considérations, des armées d’experts cherchent en permanence –
et trouvent – des solutions pour nous retenir sur internet le plus longtemps possible. Faut vraiment
qu’on cause!
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Sylvie Castagné est mère d’une jeune fille qui, comme nombre de ses pairs, lâche difficilement son smartphone. Cette
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free-lance basée à Zurich a une bonne excuse puisqu’elle s’intéresse, notamment, à l’impact de la transformation