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Déontologie. Domicile professionnel d’exercice
Interrogations autour de l’administrateur de DPE
C’est la nouveauté créée par le décret qui adapte le Code rural à la directive “services”. Jacques Guérin,
chargé de mission à l’Ordre des vétérinaires, répond à nos questions.
La Semaine Vétérinaire : Selon le décret*, le vétérinaire
administrateur doit exercer au sein du domicile profes-
sionnel d’exercice (DPE) de « manière principale ». C’est-
à-dire ?
Jacques Guérin, chargé de mission “exercice profes-
sionnel” au Conseil supérieur de l’Ordre : S’il faut
donner un chiffre, disons que le vétérinaire
administrateur doit réserver, au minimum, la
moitié de son temps de travail au DPE dont il
est responsable. Sur la base d’un temps plein,
au sens de la convention collective, cela équi-
vaut en moyenne à y consacrer trois jours par
semaine. Il convient de garder à l’esprit qu’un
vétérinaire ne pourra attacher sa responsabi-
lité d’administrateur qu’à un DPE unique.
Ces indications relèvent d’une opinion person-
nelle de portée globale dont l’intérêt est d’ouvrir
le débat. Déterminer le caractère principal de
l’exercice s’inscrit dans le cadre du dialogue
permanent avec l’Ordre régional concerné, étant
entendu que la qualité de la mission du vétéri-
naire administrateur imposera naturellement à
celui-ci, pour bien la remplir, d’exercer quasi
exclusivement en lien avec le DPE concerné, sauf
à mettre le fonctionnement du DPE en diffi-
culté.
Pour autant, réduire cette mission à la simple
présence dudit vétérinaire au sein du seul DPE
dont il est administrateur confine à l’absurde !
La logique veut que le champ de compétence
du “vétérinaire administrateur” soit en adéqua-
tion avec le domaine d’activité principal reven-
diqué par le DPE : il s’agit de faire un choix
cohérent, pertinent, qui légitime le confrère et
assoie la crédibilité de son poste.
S. V. : Il a pour mission de « coordonner » la mise en œuvre
des dispositions du Code rural et du Code de déontolo-
gie. Comment faut-il comprendre ce terme ?
J. G. : Coordonner, c’est à la fois être l’interlo-
cuteur privilégié vers l’extérieur et le relais en
interne en matière de déontologie. D’aucuns
voient dans cette mission, “l’œil de Moscou”
de l’Ordre : rassurez-vous, il n’en est rien ! Le
vétérinaire administrateur est celui qui, au sein
Le shérif n’est pas là pour faire peur, du DPE, aura le rôle de préserver la dimension
mais pour assurer le respect déontologique du projet d’entreprise, d’expli-
du Code de déontologie. quer les enjeux et de fédérer l’équipe vétérinaire
autour de ces valeurs. Nous sommes loin de la
© Muriel Landsperger
vision du “flic” du DPE. Il s’agit plutôt d’un
médiateur et d’un fédérateur, dont l’objectif
sera avant tout la prévention et la pédagogie.
La Semaine Vétérinaire - N°1415 - 3 septembre 2010
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© D. R.
S. V. : L’administrateur doit-il avertir le conseil régional accomplir sa tâche. Mais, encore une fois, quid
ordinal (CRO) s’il constate un dysfonctionnement déonto- de l’avenir d’une telle entreprise vétérinaire ?
logique au sein du DPE ?
J. G. : Le champ de responsabilité du vétérinaire S. V. : L’administrateur est-il coresponsable des erreurs
administrateur est homothétique avec celui du des autres vétérinaires ?
vétérinaire responsable d’un établissement phar- J. G. : Sa responsabilité, ou plus particulière-
maceutique. S’il constate des dysfonctionne- ment sa coresponsabilité, se limite aux aspects
ments, ses premiers interlocuteurs seront avant déontologiques du fonctionnement du DPE.
tout ses associés ou ses employeurs. Si ce n’est Bien entendu, tout ce qui concerne l’exercice
pas suffisant, il pourra se tourner vers son conseil personnel ne fait pas partie de son champ de
régional pour exposer la situation, demander compétences, mais demeure de la responsabi- Jacques Guérin.
un avis éclairé et trouver des solutions. Mais si lité du vétérinaire, personne physique habilitée
les choses devaient en arriver là, il est vraisem- à exercer. De même, est exclu de sa responsabi- en actionnant les leviers des investissements
blable que d’autres problèmes, relevant de la lité le respect des articles du Code de déontolo- matériels, humains et financiers, si nécessaire.
viabilité de la société vétérinaire, se feraient gie qui définissent l’exercice de la médecine, de Le deuxième exemple est celui du droit disci-
jour. la chirurgie des animaux et de la pharmacie vété- plinaire. Aujourd’hui, les sociétés qui ont une
Le vétérinaire administrateur n’a pas de comptes rinaire, particulièrement ceux qui établissent personnalité morale (SCP, SEL) sont inscrites
à rendre régulièrement au CRO ; il est simple- les règles en matière de diagnostic vétérinaire, à l’Ordre et susceptibles d’être appelées devant
ment l’interlocuteur privilégié de l’Ordre sur de prescription et de délivrance des médica- les chambres de discipline, souvent en paral-
tous les dossiers qui relèvent de la compétence ments**. Toutefois, il conviendra de lèle d’une action contre l’un ou chacun des
ordinale, comme la transmission des contrats, différencier ce qui relève de la responsabilité du vétérinaires qui y exercent. Il est complexe pour
vétérinaire, per- l’Ordre de définir son interlocuteur lorsqu’il
sonne physique convoque une société. Il reviendra au vétéri-
L’administrateur n’est pas un “flic”, il s’agit habilitée à exer- naire administrateur d’assumer ce rôle pour le
cer, de ce qui DPE dont il est responsable et d’en assurer la
plutôt d’un médiateur et d’un fédérateur. relève des condi- défense. La représentation de la société reste,
tions matérielles elle, toujours assumée par son gérant.
la garantie du standard qualité revendiqué (cabi- dans lesquelles il est mis en situation d’exercer
net, clinique ou hôpital vétérinaire) ou l’orga- son art ; domaine où le vétérinaire administra- S. V. : L’administrateur, salarié, pourra-t-il exercer pleine-
nisation de la continuité et de la permanence teur est compétent donc coresponsable. Les ment sa fonction alors qu’il a un lien de subordination ?
des soins. Vis-à-vis du conseil régional, il est chambres de discipline devront établir une juris- J. G. : Il s’agit de différencier les confrères salariés
une interface, un communicant dont l’objectif prudence. de leur propre SEL, dont le statut rejoint celui
est de “huiler les rouages” et faciliter les échanges. des libéraux, de ceux salariés d’autres vétéri-
S. V. : L’administrateur est-il nécessairement le manager naires ou de groupements d’éleveurs. Au même
S. V. : Si l’un des vétérinaires est en désaccord avec l’admi- ou le gestionnaire du cabinet ou de la clinique ? titre que son confrère libéral, le vétérinaire admi-
nistrateur sur l’application de telle ou telle règle déonto- J. G. : Aucun texte n’impose que le vétérinaire nistrateur salarié doit définir précisément sa
logique, que faire ? administrateur cumule sa mission avec celle mission, ses responsabilités et ses marges de
J. G. : Distinguons la problématique posée par de manager ou de gestionnaire du DPE. Toute- manœuvre via la clause de son contrat de travail
les sociétés vétérinaires de petite taille de celle fois, la séparation de ces compétences ne sera dédiée. Sa mission lui confère une responsabi-
des structures plus importantes. Dans le premier sans doute effective que dans les sociétés vétéri- lité accrue. Son autorité dépendra de la légiti-
cas, les centres de décisions, donc les respon- naires de taille importante. Que la fonction mité et de la pertinence des choix faits avec
sabilités, sont entre les mêmes mains ; la situa- soit considérée éloignée du cœur de métier du son employeur. Naturellement, un tel poste
tion est homogène et par essence non conflic- vétérinaire soignant, certes. Mais pour autant, s’adresse plus sûrement à un vétérinaire expéri-
tuelle. Dans l’autre cas, il y a dissociation et la dimension déontologique de notre profes- menté dont l’implication dans l’organigramme
partage des postes de décision entre plusieurs sion est inscrite dans notre “disque dur” et il de la société et dans les décisions majeures en
confrères, voire avec des collaborateurs non serait aberrant, voire destructeur, de la confier fait un cadre supérieur indiscutable et écouté.
vétérinaires : des divergences de vues sont à un tiers pour ne conserver que l’exercice de Un tel poste, par l’expérience qu’il requiert,
possibles. notre dimension technique, fût-elle de haut doit se traduire par une juste rémunération.
Le premier conseil à donner est que la mission niveau. Les partenaires sociaux vétérinaires, en parti-
du vétérinaire administrateur doit être claire- culier le SNVEL, devront modifier la conven-
ment explicitée et cadrée, dans la rédaction de S. V. : Donnez-nous des exemples concrets des respon- tion collective.
son mandat ou dans la clause dédiée de son sabilités de l’administrateur ?
contrat de travail. Le deuxième conseil est que J. G. : Le premier exemple qui me vient à l’esprit S. V. : L’administrateur désigné pourra-t-il se former?
toute difficulté doit faire l’objet d’emblée d’une est celui de garant du standard qualité du DPE. J. G. : Le dispositif demande du temps pour se
notification inscrite au procès-verbal de l’assem- L’évolution du Code rural permet à un vété- mettre en place et s’affiner, mais l’Ordre souhaite
blée générale de la société ou d’une réunion rinaire d’exercer dans plusieurs DPE et socié- d’ores et déjà, en concertation et sous l’égide
d’associés, afin que l’administrateur puisse, le tés. Nous avons souhaité réguler cette plus des écoles vétérinaires, réfléchir à un enseigne-
cas échéant, défendre sa position et cerner sa grande liberté par la définition précise des condi- ment complémentaire approprié.
responsabilité. tions de fonctionnement du DPE en relation I Propos recueillis par Nicolas Fontenelle
Cela dit, le mandat de vétérinaire administra- avec la catégorie revendiquée. Nous sommes
teur reste défini dans le temps et renouvelable. là pleinement dans le champ de compétences * Décret n° 2010-780 du 8/7/2010 adaptant le livre II du Code rural
Il laisse la possibilité au confrère, en cas de désac- du vétérinaire administrateur qui, outre la rédac- à la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché
cord, de démissionner s’il considère que la situa- tion des conditions générales de fonctionne- intérieur, à télécharger sur WK-vet.fr, rubrique
tion du DPE n’est pas conforme et s’il consi- ment du DPE, devra veiller à leur bonne appli- “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’articles”.
dère qu’il n’a pas les moyens nécessaires pour cation et au maintien des standards, y compris ** Voir la revue de l’Ordre n° 41.
La Semaine Vétérinaire - N°1415 - 3 septembre 2010