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Dom Juan
     Acte I, scène 2
L’éloge de l’inconstance
DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on
renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir
se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et
d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non,
non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous
charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes
prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la
trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être
engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je
conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs
où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois
d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais
tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de
l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages,
le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre
par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à
rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à
vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie
de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à
souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un
tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les
charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la
résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent
perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il
n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la
terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre
mes conquêtes amoureuses.
1 - Eloge paradoxal de l’inconstance
            1. Condamnation de la fidélité
  Les propos de Dom Juan donnent une image dévalorisante de la fidélité :
                                       idée d’enchaînement
  Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend,
  qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La
  belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de
  s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à
  toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux!
● Idée de privation de tous les autres plaisirs :
  cf négations : qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour
   personne
   + privation précoce : on se lie à demeurer au premier objet + être mort dès
  sa jeunesse
● La fidélité est comparée à une sorte de mort :
  s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa
  jeunesse
  Idée reprise à la fin par la métaphore sommeil :
  nous nous endormons dans la tranquillité

➙ Pour Dom Juan, la fidélité est uniquement un statut social ridicule,
une morale sans fondement.
1 - Eloge paradoxal de l’inconstance
         2. Apologie du plaisir de la séduction
Le discours de DJ croise les thèmes du droit/justice et celui de la douceur et
du plaisir ; ainsi, pour lui, la séduction relève du droit (des femmes) et
du devoir (des hommes - cf glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE)

toutes les belles ont droit de nous charmer
l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les
justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos coeurs
l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux
autres
je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes
il faut rendre « à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige»
Le plaisir que procure l’inconstance est souligné par le lexique, par des aphorismes
tout le plaisir de l'amour est dans le changement
mais aussi par l’évocation du nombre/quantité (hyperboles épidictiques)
DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on
renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir
se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et
d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non,
non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous
charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes
prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la
trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être
engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je
conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs
où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois
d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais
tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de
l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages,
le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre
par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à
rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à
vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie
de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à
souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un
tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les
charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la
résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent
perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il
n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre;
et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes
conquêtes amoureuses.
Conclusion
    intermédiaire/
      transition :
Cet      éloge      de
l'inconstance répond à
l'éloge du tabac. Il
met en regard les
capacités d'orateur des
deux protagonistes
mais dans les deux
cas, il s'agit d'une
déclaration d'hostilité
contre la pensée
morale de l'époque.
11 - L’autoportrait d’un libertin
                       1. Conquérir est notre destin (Valmont)
       La fin de la tirade de DJ est portée par le champ lexical de la conquête militaire


On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à
voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des
larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer
pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle
se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on
en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est
fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne
vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à
faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et
j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire,
et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité
de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais
qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
11 - L’autoportrait d’un libertin
                        1. Conquérir est notre destin (Valmont)
    • La conquête est présentée comme un besoin irrépressible :
    j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de
    victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il
    n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs (...) je me sens un
    cœur à aimer toute la terre; (métaphore + hyperbole)
    •    Cela s’explique par le plaisir qu’elle engendre :
Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont
elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à
faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les
hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à
tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les
donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le
plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent
hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à
combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine
à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les
scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir.
Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la
passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau
ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire.
Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet
l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se
résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me
sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes,
pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
2. Amour et amour propre
      Cet éloge de l’inconstance fait ressortir la désinvolture du jeu de la séduction :
      le jeu amoureux, la conquête, a plus d'importance que l'enjeu des sentiments.
      L'inconstance est l'essence même de la passion :
      tout le plaisir de l'amour est dans le changement
      La femme n’est que l’objet de la conquête qui vise à se rendre maître d’une
      beauté séduisante, à dominer ce qui a charmé.

je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me
le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes,
après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le
changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur
d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par
des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à
rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à
vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons
envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni
rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini,
Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne
3. Dom Juan, un virtuose de la parole
L’énonciation

 
  «Quoi ? Tu veux...» : Dom Juan rebondit sur les propos de Sganarelle, étonné presque
indigné

 
 glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE: passe du ON général (vision globale)
à lui-même (pour moi : confidence, exemple personnel) ; puis retour au général (nous) qui
prouve qu’il n’est pas le seul ; il veut capter la bienveillance de l’auditoire
effacement du TU (=Sganarelle) : le discours s’adresse au public (provocation)

 
 Langage soutenu : DJ est un aristocrate (comme le public de la pièce, choqué par ces
propos et qui se retrouve plutôt dans la réaction offensée du valet ➙ provocation)
La multiplication des registres
Registre lyrique :
1ère pers, champ lexical de l’amour (vocabulaire galant, précieux)
Contraste avec la violence des termes de conquête (l’oxymore 'douce violence'
marque une transition)
Registre épique :
séduction présentée comme technique militaire : champ lexical, expressions
hyperboliques, comparaison avec Alexandre clôt logiquement mouvement
Rythme ternaires (deux premières phrases), style cérémonieux ('la constance n'est
bonne...')
Registre épidictique de l’éloge : champ lexical, expressions hyperboliques, accumulations
Discours construit à visée argumentative : connecteurs, ouverture, conclusion,
arguments pertinents, ampleur phrases.
Conclusion
Cette tirade constitue un moment-clef dans
l’exposition de la pièce ; le héros y révèle sa
caractéristique essentielle : le besoin de conquérir par
la séduction.
Dom Juan achève l’esquisse de son portrait préparée
par Sganarelle en révélant son talent d’orateur, sa
maîtrise du discours. C’est le deuxième éloge paradoxal
de l’acte 1, et cette revendication assumée d’un choix
de vie libertin confirme le caractère provoquant de
cette scène d’exposition.
Autre proposition de plan pour cette tirade

I/ Un éloge paradoxal
1. Refus de la fidélité : identification de la fidélité et de la mort ; traitement ironique de la fidélité
2. L’argument de la liberté : thème du lien, conçu comme entrave ; imaginaire spatial de la conquête
3. L’argument de la beauté : le ravissement sensuel que provoque la beauté est un mécanisme naturel ;
thème de la douceur

II/ L’amour comme combat
1. La métaphore de l’amour comme siège militaire
2. La métaphore de la conquête militaire
3. Dimension héroïque de l’amour : détournement de l’origine guerrière et des valeurs héroïques de
l’aristocratie dans une conquête galante. Idéal de maîtrise et de domination qui s’exerce dans une
sphère érotique

III/ Une tirade séduisante, faite pour ravir…
1. Une argumentation serrée, telle un siège en règle : critique de la thèse opposée ; thèse proposée :
l’inconstance ; les moyens de l’inconstance ; amplification conclusive. Analyse des articulations logiques.
Dimension dialogique (ex : « non, non… »).
2. La douceur de la séduction : repérer les vers blanc, les balancements, les allitérations et les
assonances… Lyrisme du monologue.
3. La maîtrise de Dom Juan impose le personnage : fréquence du « je », Dom Juan en « Alexandre »,
longueur de la tirade (silence du valet ; parole accaparée par le maître). L’éloge de l’inconstance est
aussi celui de Dom Juan par lui-même.
DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on
renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir
se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et
d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non,
non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous
charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes
prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la
trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être
engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je
conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs
où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois
d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous.
Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de
l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages,
le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par
des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à
rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à
vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie
de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à
souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un
tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les
charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la
résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent
perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il
n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la
terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre
mes conquêtes amoureuses.

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Dom Juan, Acte I, scène 2 : Tirade dite " de l'inconstance"

  • 1. Dom Juan Acte I, scène 2 L’éloge de l’inconstance
  • 2. DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
  • 3. 1 - Eloge paradoxal de l’inconstance 1. Condamnation de la fidélité Les propos de Dom Juan donnent une image dévalorisante de la fidélité : idée d’enchaînement Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! ● Idée de privation de tous les autres plaisirs : cf négations : qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne + privation précoce : on se lie à demeurer au premier objet + être mort dès sa jeunesse ● La fidélité est comparée à une sorte de mort : s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse Idée reprise à la fin par la métaphore sommeil : nous nous endormons dans la tranquillité ➙ Pour Dom Juan, la fidélité est uniquement un statut social ridicule, une morale sans fondement.
  • 4. 1 - Eloge paradoxal de l’inconstance 2. Apologie du plaisir de la séduction Le discours de DJ croise les thèmes du droit/justice et celui de la douceur et du plaisir ; ainsi, pour lui, la séduction relève du droit (des femmes) et du devoir (des hommes - cf glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE) toutes les belles ont droit de nous charmer l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos coeurs l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes il faut rendre « à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige» Le plaisir que procure l’inconstance est souligné par le lexique, par des aphorismes tout le plaisir de l'amour est dans le changement mais aussi par l’évocation du nombre/quantité (hyperboles épidictiques)
  • 5. DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
  • 6. Conclusion intermédiaire/ transition : Cet éloge de l'inconstance répond à l'éloge du tabac. Il met en regard les capacités d'orateur des deux protagonistes mais dans les deux cas, il s'agit d'une déclaration d'hostilité contre la pensée morale de l'époque.
  • 7. 11 - L’autoportrait d’un libertin 1. Conquérir est notre destin (Valmont) La fin de la tirade de DJ est portée par le champ lexical de la conquête militaire On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
  • 8. 11 - L’autoportrait d’un libertin 1. Conquérir est notre destin (Valmont) • La conquête est présentée comme un besoin irrépressible : j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs (...) je me sens un cœur à aimer toute la terre; (métaphore + hyperbole) • Cela s’explique par le plaisir qu’elle engendre : Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.
  • 9. 2. Amour et amour propre Cet éloge de l’inconstance fait ressortir la désinvolture du jeu de la séduction : le jeu amoureux, la conquête, a plus d'importance que l'enjeu des sentiments. L'inconstance est l'essence même de la passion : tout le plaisir de l'amour est dans le changement La femme n’est que l’objet de la conquête qui vise à se rendre maître d’une beauté séduisante, à dominer ce qui a charmé. je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne
  • 10. 3. Dom Juan, un virtuose de la parole L’énonciation  «Quoi ? Tu veux...» : Dom Juan rebondit sur les propos de Sganarelle, étonné presque indigné glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE: passe du ON général (vision globale) à lui-même (pour moi : confidence, exemple personnel) ; puis retour au général (nous) qui prouve qu’il n’est pas le seul ; il veut capter la bienveillance de l’auditoire effacement du TU (=Sganarelle) : le discours s’adresse au public (provocation) Langage soutenu : DJ est un aristocrate (comme le public de la pièce, choqué par ces propos et qui se retrouve plutôt dans la réaction offensée du valet ➙ provocation) La multiplication des registres Registre lyrique : 1ère pers, champ lexical de l’amour (vocabulaire galant, précieux) Contraste avec la violence des termes de conquête (l’oxymore 'douce violence' marque une transition) Registre épique : séduction présentée comme technique militaire : champ lexical, expressions hyperboliques, comparaison avec Alexandre clôt logiquement mouvement Rythme ternaires (deux premières phrases), style cérémonieux ('la constance n'est bonne...') Registre épidictique de l’éloge : champ lexical, expressions hyperboliques, accumulations Discours construit à visée argumentative : connecteurs, ouverture, conclusion, arguments pertinents, ampleur phrases.
  • 11. Conclusion Cette tirade constitue un moment-clef dans l’exposition de la pièce ; le héros y révèle sa caractéristique essentielle : le besoin de conquérir par la séduction. Dom Juan achève l’esquisse de son portrait préparée par Sganarelle en révélant son talent d’orateur, sa maîtrise du discours. C’est le deuxième éloge paradoxal de l’acte 1, et cette revendication assumée d’un choix de vie libertin confirme le caractère provoquant de cette scène d’exposition.
  • 12. Autre proposition de plan pour cette tirade I/ Un éloge paradoxal 1. Refus de la fidélité : identification de la fidélité et de la mort ; traitement ironique de la fidélité 2. L’argument de la liberté : thème du lien, conçu comme entrave ; imaginaire spatial de la conquête 3. L’argument de la beauté : le ravissement sensuel que provoque la beauté est un mécanisme naturel ; thème de la douceur II/ L’amour comme combat 1. La métaphore de l’amour comme siège militaire 2. La métaphore de la conquête militaire 3. Dimension héroïque de l’amour : détournement de l’origine guerrière et des valeurs héroïques de l’aristocratie dans une conquête galante. Idéal de maîtrise et de domination qui s’exerce dans une sphère érotique III/ Une tirade séduisante, faite pour ravir… 1. Une argumentation serrée, telle un siège en règle : critique de la thèse opposée ; thèse proposée : l’inconstance ; les moyens de l’inconstance ; amplification conclusive. Analyse des articulations logiques. Dimension dialogique (ex : « non, non… »). 2. La douceur de la séduction : repérer les vers blanc, les balancements, les allitérations et les assonances… Lyrisme du monologue. 3. La maîtrise de Dom Juan impose le personnage : fréquence du « je », Dom Juan en « Alexandre », longueur de la tirade (silence du valet ; parole accaparée par le maître). L’éloge de l’inconstance est aussi celui de Dom Juan par lui-même.
  • 13. DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.