Les technologies s'imposent rapidement dans toutes les sphères de la vie sociale sans qu’une réflexion critique sur leur finalité ne puisse être mis en place. Les discours sur le déterminisme technologique laissent penser qu’aucune action citoyenne n’est possible. Dans ce contexte, l’articulation entre démocratie, participation et technologie mérite d’être étudiée. Le Do It Yourself qui s’incarne dans les activités maker permet une reprise des moyens de production technologique, l’acquisition d’une littératie numérique ainsi qu’un partage d’expériences qui, sous forme de communs de la connaissance (Hess et Ostrom 2007), fait figure de résistance et de détournement face au déploiement non concerté des technologies. En quoi la pratique maker débride l’imaginaire politique sur les technologies et restaure un pouvoir d’agir des citoyens qui intègrent ces communautés de pratique ? Cette recherche mobilise les sciences sociales, la philosophie des techniques et les Sciences and Technology Studies. Elle convoque aussi les imaginaires sociotechniques (Jasanoff 2015 ; Jungnickel 2013) qui, en agissant sur des représentations sociales, renferment des enjeux de pouvoir. Ce travail prend en compte les écrits analysant de manière critique la relation entre les technologies et la démocratie (Feenberg 2004 ; Habermas 1990 ; Wyatt 2008) avec ceux qui présentent les makerspaces comme des lieux de « potentialités sociopolitiques » (Rumpala 2014). La communication s’appuie une enquête de terrain réalisée dans les makerspaces de Barcelone. Le matériel de cette étude menée de septembre 2020 à février 2022 se compose de cinquante-cinq entrevues et de plus de deux cents heures d’observations participantes dans des lieux et des événements autour de la fabrication numérique (ateliers d’Arduino, découpe laser, brodeuse numérique, impression 3D, électronique, fraisage de circuits imprimés, etc.) Dans les makerspaces, les expérimentations collectives (Do It Together) diminuent la passivité du rapport aux technologies. C’est dans ces espaces que « se fabriquent des subjectivités politiques » (Neveu, 2011). Apprendre à faire par soi-même tout en s’entraidant favorise, selon les participants, un gain de confiance en soi mais aussi une émancipation face à une surconsommation d’objets tout faits ou de logiciels propriétaires. L’acquisition croissante de compétences entraîne une augmentation de l’autonomie et du pouvoir d’agir sur les technologies. La pratique maker, dans certains contextes, permet de rendre visible la dimension politique des technologies, de déconstruire le discours sur le déterminisme et, dans une perspective parfois techno-utopiste, d’imaginer des futurs désirables.