Cette communication se situe dans le champ de l’éthique sociale et dans une perspective d’anthropologie politique appliquée aux usages numériques. Je présente mon projet de recherche autour la citoyenneté réinventée dans des laboratoires de fabrication numérique (FabLabs et FabCities).
Cette communication analyse le rôle possible des FabLabs pour le développement d’une éthique des usages numériques qui soient inclusifs, au service des communs de la connaissance et de nouvelles solidarités autour de l’appropriation citoyenne des nouvelles technologies.
La présentation a eu lieu lors du colloque de l'Institut d'Éthique Appliquée le 25 avril 2019 à l'université Laval à Québec (Canada).
2. Genèse de mon intérêt pour le techno-utopisme
● Définition du techno-utopisme
● Le numérique a envahi tous les pans de notre
quotidien
● Perpétuelle dichotomie entre technophiles et
technophobes
● L’inéluctable horizon de la civilisation numérique
n’est ni questionné, ni remis en cause
● Approche au carrefour d’une anthropologie politique
appliquée aux imaginaires numériques, des
ethnographies de la participation, de la sociologie
des utopies et de la philosophie de l’innovation
Image : La Presse, tirée du New York Times
3. Le constat des fractures numériques
Les fractures numériques sont multiples :
• générationnelle
• géographique
• sociale
• environnementale avec la prolifération des e-déchets
• économique, quand les cols bleus des pays du sud enrichissent
les gagnants du « capitalisme flexible » (Axel Honneth) de la
Silicon Valley
• politique quand aucun d’entre nous ne semble pouvoir exprimer
une voix au chapitre de nos avenirs numériques.
4. Qu’est ce que l’anthropologie vient faire ici?
● Si nous admettons que nous sommes face à une mutation anthropologique majeure et que nous sommes entrés dans
une civilisation numérique alors il est certain que l’anthropologie peut démontrer sa pertinence.
● Le cyberespace n’est plus un territoire autonome; il se trouve pleinement intégré dans toutes les sphères de notre
quotidien.
● La méthode anthropologique qualitative et empirique constitue une chance d’appréhender les enjeux numériques dans
nos environnements sociaux et culturels contemporains, d’un autre point de vue.
5. Genèse de mon intérêt pour les FabLabs et le mouvement
maker
● Première rencontre avec les FabLabs à Museomix — marathon culturel international de 3 jours pour
réinventer la médiation culturelle grâce à des FabLabs.
Exemple : « L’art fait le trottoir. Un musée dans la ville » au Musée national des Beaux-Arts du Québec
● Découverte du livre du sociologue Michel Lallement LALLEMENT, M., 2015,
L’âge du faire. Hacking, travail, anarchie, Paris. Éditions du Seuil.
6. Mon sujet d’étude : FabLab et FabCity
FabLab : laboratoires de fabrication numérique
“How to make (almost) anything?”
● Né au MIT dans les années 2000
● Initiateur : Neil Gershenfeld
● Les données numériques (bits) peuvent générer des objets physiques
(des atomes)
● Les outils de la fabrication numérique
● FabFoundation, charte et réseau mondial
● FabAcademy
● Lutte contre l’obsolescence programmée
● Reprendre le contrôle sur les idées et les techniques
● 1600 FabLabs répartis partout sur la planète
7. Mon sujet d’étude : FabLab et FabCity
FabCity : la fabrication numérique à l’échelle des villes
“Locally productive, globally connected”
● Naissance à Barcelone en 2014
● Villes résilientes
● Relocaliser la production
● Économie circulaire
● Smart citizen versus Smart city
● La promesse de 2054 : “ Cities can produce everything they consume”
● Connectée sur le réseau des FabLabs
● 28 villes
● Un manifeste en 10 points
8. Les concepts-clés : éthique hacker et logiciel libre
● « To a hacker, a closed door is an insult, and a locked door is an outrage. »
Pour Steven Levy, l’éthique des hackers tient en six points :
1. l’accès aux ordinateurs, et plus généralement à tout ce qui peut
améliorer la connaissance, doit être total et illimité;
2. l’information doit être libre;
3. il faut se méfier de l’autorité et promouvoir la décentralisation;
4. les hackers doivent être jugés sur ce qu’ils font, non selon leurs
diplômes, leur âge, leur origine, leur sexe ou leur position sociale;
5. on peut créer de l’art et de la beauté avec un ordinateur;
6. les ordinateurs peuvent changer la vie — en mieux.
LEVY, S., 1984, Hackers : Heroes of the Computer
Revolution. New York, Delta.
9. Les concepts-clés : les attributs de la culture maker
● Do It Yourself : bricolage, fabrication, bidouillage, créations
artisanales
● Valorisation la réparation et du savoir-faire manuel
● Partage de connaissances dans un lieu physique de sociabilité
● Des rendez-vous partout dans le monde : les Maker Faire
● Un mot clic : #makersgonnamake
● Un magazine : Make
Source: http://sites.ieee.org
10. Les concepts-clés : les communs de la connaissance et du
numérique
● Les communs se définissent principalement en opposition à la propriété privée. Il s’agit de ce qui est mis en partage. Aux
côtés des ressources naturelles, nous trouvons aussi les communs de la connaissance et les communs numériques.
Internet (à ses origines) et le logiciel libre sont les plus connus des communs numériques.
● Les communs numériques constituent une logique d’action contre l’atomisation de la sociabilité et contre l’appropriation
capitaliste ainsi qu’une réponse opérationnelle à un ensemble d’imaginaires autour des notions de partage, de réseau et
d’entraide.
11. Les concepts-clés : la participation citoyenne
● Pour l’anthropologue, Catherine Neveu, les processus de participation sont « des espaces où se fabriquent des
subjectivités politiques, contribuant par là à transformer et entretenir le débat sur ce qui fait société et les enjeux de sa
transformation ».
● Inspirés par la philosophie open source et le hacking, la culture remix (contournement et réinterprétation des créations
artistiques ou technologiques) et la do-ocratie (valorisation de l’apprentissage par le faire), les FabLabs offrent à leur
communauté de praticiens la possibilité d’échanger, de monter en capacité (empowerment) et de coconstruire le vivre
ensemble pour préfigurer un idéal de démocratie participative.
12. Questions de recherche
En quoi les FabLabs constituent-ils des lieux de fabrique et des laboratoires
d’expérimentation de nouvelles formes de participation citoyenne ?
En quoi les FabCities, par la mise en œuvre d’utopies concrètes, contribuent-elles à
prototyper une démocratie participative à l’ère numérique ?
13. Objectifs de recherche
● étudier ce qui, dans l’éthique hacker, la culture maker et les innovations réalisées dans les FabLabs et les FabCities, permet
de développer une culture numérique et un accès équitable aux technologies
● analyser en quoi l’imaginaire et les valeurs des artisans des FabLabs et des FabCities favorisent de nouveaux types de
solidarités et le positionnement de « geeks », « hackers » ou « makers » en citoyens engagés pour le bien commun
● comprendre le rôle des FabLabs et des FabCities dans la réinvention de la citoyenneté et dans les communs numériques
● vérifier si l’autonomie culturelle et l’intelligence collective souhaitées par les FabLabs et les FabCities constituent une réalité ou
un idéal mythifié par le techno-utopisme
14. Contribution du projet à l’avancement des connaissances
● Les FabLabs et les FabCities semblent développer des stratégies interstitielles de fabrication d’utopies citoyennes
apportant ainsi une perspective heuristique novatrice et prometteuse pour la compréhension sociale de la guerre des
intelligences humaines et artificielles.
● Cette recherche analyse le rôle possible des FabLabs et des FabCities pour le développement d’une éthique sociale
des usages numériques qui soient inclusifs, au service des communs de la connaissance et de nouvelles solidarités
autour de l’appropriation citoyenne des innovations technologiques.
15. MERCI POUR VOTRE ÉCOUTE !
Courriel : sandrine.lambert.1@ulaval.ca
Twitter et Instagram : @sandrine_lambert
À bientôt sur Academia, ResearchGate, LinkedIn
ou mieux, à la pause-dîner !