1. La cognition sociale
Définitions
L'objet principal de la recherche dans le champ des cognitions sociales est d'essayer de
comprendre comment les individus perçoivent les autres, comment ils pensent à propos
d'autrui, de leurs comportements et de leurs attitudes. Dans cette étude, cependant, plus
encore que dans l'étude de notre compréhension du monde réel, les réactions affectives,
les sentiments et les émotions jouent un rôle considérable. La cognition sociale les
incorpore à son étude, principalement au titre de variables indépendantes (comment
celles-ci affectent-elles notre interprétation du comportement d'autrui) mais également
parfois à celui de variables dépendantes (comment notre analyse des comportements et
des attitudes d'autrui nous amène à inférer les états émotionnels des autres ou de nous-
mêmes).
Les notions de biais, de croyances (au sens d'être convaincu de, en anglais beliefs),
d'appréciations (au sens d'évaluations résultant de mon analyse des données en ma
possession, en anglais appraisals) ou d'attributions causales (au sens de recherche de
causes aux comportements d'autrui) jouent ici un rôle central dans les raisonnements, au
même titre que celles de catégorisations ou de stéréotypes.
Cette étude permet aussi par voie de conséquence de renouveler l'étude des rapports de
force et de l'influence sociale, classiquement étudiés par la psychologie sociale. Eagly,
Chaiken et Wood (1981) montrent ainsi que des messages inattendus, au vu des
conditions de leur émission ou des biais que l'on peut attribuer à leur émetteur, sont plus
persuasifs que des messages attendus, quelles que soient les convictions de l'auditeur
aussi appelé récepteur du message. Fiske et Taylor (1984) illustrent ce phénomène de la
manière suivante : Lorsque deux non-fumeurs convaincus discutent ensemble des droits
des non-fumeurs, le consensus sera facile, mais la conviction d'avoir raison de chacun des
partenaires n'aura pas évolué beaucoup, car il est facile pour chacun des interlocuteurs
d'attribuer les raisons de la position de l'autre à un "biais" intellectuel, une conviction déjà
présente. A l'inverse, la conviction personnelle d'un non-fumeur se trouvera renforcée s'il
apprend (ou arrache) de la bouche d'un fumeur convaincu (ou mieux encore de la part
d'un fabricant de cigarettes) que les non-fumeurs ont des droits que les fumeurs se
doivent de respecter. Dans ce cas en effet, ne pouvant attribuer l'avis formulé par le
fumeur à un biais personnel, c'est à la justesse de la cause qu'il défend qu'il imputera
l'acceptation ainsi arrachée à son interlocuteur. Sa conviction d'avoir raison s'en trouvera
ainsi augmentée, puisque même des gens ayant d'autres intérêts sont ainsi "obligés" de
partager son propre point de vue.
Pour aller plus loin :
Fiske, S.T., & Taylor, S.E. (1984). Social cognition. New York : Random House.
Eagly, A.H., Chaiken, S., & Wood, W. (1981). An attributional analysis of persuasion.
In J.H. Harvey, W.J. Ickes, & R.F. Kidd (Eds.), New directions in attribution research (Vol.
3). Hillsdale, NJ : Erlbaum.
Fiske, S.T., & Taylor, S.E. (1984). Social cognition. New York : Random House.