3. Expérience de recherche
L’expérience vécue d’une pratique professionnelle : les témoignages de doctorant.e.s
La question des conflits de normes de valeurs
La souffrance au travail
Le sens
4. Thèse en ligne : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00744210
5.
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9.
10. Ce que m’apprennent
les doctorantes et les doctorants
Une définition de départ possible de l’éthique :
« la visée de la vie bonne, avec et pour autrui, dans des institutions justes »
Ricœur, 1990, p. 202
Se positionner soi dans sa situation professionnelle,
Investir l’espace attribué / assigné, habiter le lieu
Donner du sens au métier, à la mission
Le rapport aux normes et aux valeurs
https://www.cairn.info/revue-dialogue-2013-1-page-107.htm
11. Expérience de direction
à la Maison pour la science
En Alsace, une Maison habitée pour transformer l’enseignement des sciences
https://theconversation.com/en-alsace-une-maison-habitee-pour-transformer-lenseignement-des-sciences-92488
12. La Maison pour la Science en Alsace
12
Nos actions
Interface Education – Diffusion des savoirs – Science-société
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enseignants
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Accompagnement
établissements
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territoire
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Communautés
apprentissages
Ciel, Energie, Biodiversité, Alimentation,
Robotique, Climat, Lumière, Matériaux, Océans…
13.
14.
15. Expérience vécue de différentes atmosphères
« Oui, l’atmosphère, au sens du souffle des choses et des têtes et de tous les flux intangibles, peut
être plus aliénante que les contraintes objectives, ou bien, au contraire plus émancipatrice que les
droits et les luttes. Elle est l’expérience première du monde. »
François Cusset, 2018, Le déchaînement du monde - Logique nouvelle de la violence.
Modes managériaux mortifères
Cas limites et toxicité - quand le corps lâche
« Les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel », Patricia Paperman
16. « Et quand la logique comptable absolutisée défait ainsi les solidarités, les
collégialités, les vocations et les précautions de ceux qui aim(ai)ent ce qu’ils font,
quand elle colonise même les dernières enclaves dérogatoires vouées encore au
bien commun, services publics ou aides sociales, c’est la simple raison d’être au
travail qui disparaît. Rendant alors les corps et les esprits plus vulnérables aux
changements brusques, aux menaces nouvelles, à la précarisation des statuts et à
l’incertitude professionnelle. C’est la spirale de la démotivation, de l’anxiété, de
l’épuisement, de la méfiance, de la haine de soi. (…)» p.83
Expérience vécue de différentes atmosphère
François Cusset, 2018, Le déchaînement du monde -
Logique nouvelle de la violence.
=> Conflits de normes et de valeurs, conflits éthiques / moraux, « souffrance éthique »
17. « (…) Mais à la souffrance au travail qui en découle, dont toutes les études montrent
l’expansion continue depuis deux à trois décennies, la logique comptable partout intériorisée
ajoute la panique d’une absence de recours, d’une légitimation imparable : qui ne s’adapte
pas, n’augmente pas son rendement, n’ajuste pas ses efforts à l’urgence permanente ne peut
s’en prendre qu’à soi-même - et ne mérite pas son emploi. Tel est le principe retors de la
violence symbolique selon l’expression consacrée proposée hier par Pierre Bourdieu : elle
redouble la violence du pouvoir d’une pédagogie de la soumission, d’une violence psychique
infligée au subordonné par la démonstration objective de son infériorité. » p.83
François Cusset, 2018, Le déchaînement du monde - Logique nouvelle de la violence.
=> Rapport à soi et aux autres dans un « système » et ses logiques
Expérience vécue de différentes atmosphère
18. « un ensemble de questions auxquelles celui ou celle qui aspire à un idéal éthique, qui veut vivre
comme un « sujet éthique », est sans cesse confronté au fil de sa vie, de ses « expériences » et de
ses rencontres avec autrui :
comment dois-je vivre ? Que dois-je faire ?
Comment répondre à la demande d’autrui que je lis dans sa façon de me parler et de me regarder ?
Qui deviendrai-je si je réponds de telle ou telle manière ? Ou si je refuse de répondre ? Quelle est
ma norme de la « vie bonne », de ce qu’il est bien de faire? »
L’interrogation éthique
Florence Piron « Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes
québécois et dans l’écriture scientifique – Essai anthropologique de l’expérience éthique » Thèse de philosophie,
Université de Laval, Québec 1998
19. Ce qui importe dans mon expérience
- L’interdépendance
- L’éthique dans l’ordinaire du quotidien professionnel
- L’ordinaire est politique
- La sensibilité et la déprotection
- Le travail vivant
«Retrouverlecontactavec l’expérience, et trouverunevoix pourson expression:c’est la visée première, perfectionnisteet politique,del’éthique.»
SandraLaugier,https://www.raison-publique.fr/IMG/pdf/Series_S._Laugier_Series_et_ethique_du_care_RP11_.pdf
Qui décide de ce qui est important ?
20. L’interdépendance
« L’interdépendance et les savoirs : proposition pour une rencontre »
Mimmo Pucciarelli et Joëlle Le Marec, Lucioles, février 2019
« Nous partons d’un rapport à notre quotidien défini comme le fragment du réel auquel nous avons un
accès sensible et continu, et que nous partageons avec un certain nombre de personnes qui sont dans
notre proximité. Bien sûr ce quotidien comporte des éléments qui renvoient à d’autres échelles de vie
que le présent vécu ici et maintenant. Mais ces éléments (notamment des textes et des témoins
matériels, des institutions, des langages, etc.) ne sont jamais pris comme saisis comme attestant d’une
réalité supérieure à celle que nous vivons au quotidien, laquelle serait insignifiante ou dérisoire, mais
comme des objets qui apparaissent dans ce quotidien, le traversent, l’irriguent, l’altèrent, en constituent
l’épaisseur extraordinairement complexe et irréductiblement poétique. (…) »
21. L’interdépendance
« (…) Nous constatons que les « organisations » classiques, qui nous instrumentalisent en tant que
moyens humains d’objectifs politiques, relèvent d’une conception mortifère qui tourne le dos à la vie,
laquelle ne peut s’éprouver que dans des corps, au quotidien, par des individus qui s’efforcent sans
cesse d’être à ce qu’ils font avec autrui. La conception managériale qui encadre les activités des
individus en tant qu’instruments au service d’objectifs à atteindre et dont l’importance supposée
infériorise le présent, ne fait pas confiance à la vie, laquelle s’éprouve dans un besoin et un désir
d’action collective à des échelles de réseaux qui permettent le « partage du sensible », et dans une
conscience pleine et entière d’une interdépendance entre des personnes qui sont fondamentalement à
la fois vulnérables (fragiles, susceptibles d’être affectées, psychiquement et physiquement) et fortes
d’une capacité de comprendre et d’agir, à partir de la combinaison singulière d’expériences, et de
savoirs que chaque individus représente. »
« L’interdépendance et les savoirs : proposition pour une rencontre »
Mimmo Pucciarelli et Joëlle Le Marec, Lucioles, février 2019
22. usage synonymiquede moraleet éthique:
« En dépit de leur sens étymologique commun (« éthique » vient du grec ethos, « morale », du latin more et tous
deux signifient « mœurs »), l’usage récent tend à distinguer fortement « éthique » et « morale. »
Il y a différentes façons de justifier cette distinction. Selon la plus proche de mes préoccupations, « éthique »
servirait plutôt à qualifier le rapport de soi à soi et « morale » le rapport de soi aux autres ou des autres entre eux.
Mais je considère ici que mettre l’accent sur le rapport de soi à soi plutôt que sur le rapport de soi aux autres, ce
n’est pas discuter de deux choses différentes qui méritent deux noms différents, mais parler de la même chose en
adoptant deux perspectives théoriques opposées : maximaliste et minimaliste.
Pour parler de cette « même chose », de ce sujet commun, j’emploierai donc indifféremment les mots « éthique »
et « morale » en suivant, sur ce point, les coutumes des philosophes moraux analytiques (Ogien L’Ethiqueaujourd’hui.
Maximalistes etminimalistes 2007 : 16-17) »
Marie-AnnePaveau - Langageetmorale(2013), p.23
Morale ou éthique ?
23. le déontologisme,
le conséquentialisme
l’éthique des vertus
l’éthique du care qui se constitue actuellement en courant philosophique
« La question est la suivante : Comment définir le bon ou le juste (les deux grandes formes du bien moral) ?
Pour le déontologisme, issu de l’éthique kantienne, le comportement moral résulte du respect d’un certain
nombre de contraintes extérieures au choix des individus (les « impératifs catégoriques »), universelles et
transmissibles : une action bonne est une action qui respecte des principes moraux intangibles ; on est donc
dans l’empire des normes. (…) »
Quel ancrage dans la philosophie morale ?
Marie-AnnePaveau - Langageetmorale(2013)
24. « Pour l’éthique des vertus, issue de l’éthique aristotélicienne, un comportement est moral s’il est conforme
aux valeurs adoptées par un individu ou un groupe. Le respect de ces valeurs n’est plus une question de
contraintes externes ni de conséquences de l’action, mais se trouve garanti par les dispositions et les
motivations de l’agent : la vertu est attachée à la personne de l’agent et non plus à ses actions ou aux
normes qu’il doit respecter. »
Source : Marie-AnnePaveau -Langageet morale(2013)
Quel ancrage dans la philosophie morale ?
« Le conséquentialisme, dont la version la plus connue est l’utilitarisme (Bentham, Mill, voir à ce
propos la synthèse de Cléro 2011), consiste à défendre comme moraux des comportements dont
les conséquences sont bonnes, et utiles au bien commun ou individuel. (…) »
25. « Sa vision du monde est constituée de relations humaines qui se tissent et dont la trame forme un tout
cohérent, et non pas d’individus isolés et indépendants dont les rapports sont régis par des systèmes de
règles. »
Laugier Sandra, https://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-3-page-112.htm
=> L’éthique du care
Intriquées, source de bien-être ou de souffrance éthique
« L’individualisme, dont l’expression serait une éthique du sujet et des choix
personnels, s’opposerait à une éthique du lien. »
https://www.cairn.info/revue-dialogue-2013-1-page-107.htm
Rapport de soi à soi et rapport de soi aux autres
26. « L’histoire récente a montré ce qui peut arriver dans un monde où l’expérience éthique, c’est-à-dire la
confrontation du sujet avec la question du bien et du mal dans ses rapports avec autrui et avec lui-même, est
à ce point dénudée de valeur et de sens que la responsabilité pour autrui disparaît comme choix et comme
forme possible d’expérience humaine. Plus rien alors ne permet de résister à des actes ou décisions
politiques qui témoignent pourtant d ’un mépris total de la personne humaine. »
L’expérience éthique
« La mémoire de ces moments tragiques m ’a conduite à vouloir contribuer au combat contre cette indifférence
destructrice de la responsabilité pour autrui, ce qui, en raison de la transformation que cela exige du monde où
je vis, est un objectif politique autant qu’éthique. »
Florence Piron « Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes
québécois et dans l’écriture scientifique – Essai anthropologique de l’expérience éthique » Thèse de philosophie,
Université de Laval, Québec 1998
27. L’ordinaire est politique
L’ordinaire comme lieu de l’expérience éthique
ce qui compte dans nos quotidiens (professionnels)
Explorer les lieux de sa propre « souffrance éthique » (terme de C. Dejours)
Peut se situer dans le relationnel, dans les liens pas uniquement dans « les grands dilemmes éthiques »
Micro-violences ordinaires, micro-maltraitances invisibles si on ne leur prête pas attention (F. Cusset, S. Lemoine)
« Le care se définirait à partir de cette attention spécifique à
l’importance non visible des choses et des moments, à la dissimulation
inhérente de l’importance. Cette fragilité du réel et de l’expérience pour
parler comme Goffman (1987), est propre à l’expérience ordinaire,
« structurellement vulnérable » parce que son sens n’est jamais donné. »Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article203.html
28. L’éthique, l’ordinaire, le politique
« Reconnaître cela suppose de reconnaître que la dépendance et la vulnérabilité sont des traits de la
condition de tous. Cette sorte de réalisme « ordinaire » (au sens realistic que propose Diamond,
2004) est généralement absente des théories sociales et morales majoritaires qui ont tendance à
réduire les activités et les préoccupations du care à un souci des faibles ou des victimes pour mères
sacrificielles. La perspective du care est donc indissociablement éthique et politique, elle élabore
une analyse des relations sociales organisées autour de la dépendance et de la vulnérabilité, point
aveugle de l’éthique de la justice. »
Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article203.html
29. « il ne s’agit pas du tout de reconstituer un nouveau « grand récit » éthique qui serait
capable de distinguer en tout temps entre le bien et le mal.
Inversement, il ne s’agit pas non plus de renoncer à l’idée de valeurs ou à la possibilité de
définir pour soi et ses rapports avec autrui une « visée de la vie bonne ». Ma démarche, qui
demeure en ce sens « moderne », repose sur un projet, celui de rendre plus vivable et plus
accueillant le monde que je partage avec autrui. »
Florence Piron « Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes
québécois et dans l’écriture scientifique – Essai anthropologique de l’expérience éthique » Thèse de philosophie,
Université de Laval, Québec 1998
« rendre plus vivable et plus accueillant le monde que je partage avec autrui »
30. « « l’affection de l’un par l’autre », que ce soit de soi par autrui ou d’autrui par soi. Cette expression désigne la
manière dont une personne peut être affectée — transformée, touchée, blessée, grandie, émue, etc. — par sa
rencontre avec une autre qu’elle-même. Or, lorsqu’une personne est ainsi affectée se pose immédiatement la
question de sa réponse à ce qui, en autrui, l’a affectée : un sourire, un geste, une détresse, une joie, une idée,
un idéal. Mais il ne s’agit pas seulement d’une réponse « technique » comme celle que l’on donne lors d’un
examen. Le genre de réponse auquel je pense est indissolublement lié à la « visée de la vie bonne » (Ricoeur
1990), c ’est-à-dire à l’idéal éthique de celle qui est confrontée à la question (éthique) suivante : va-t-elle
accepter de nouer un lien que je dirai désormais « éthique » avec celui ou celle qui l’a affectée, ce qui
entraîne une responsabilité incommensurable pour cet autre, ou va-t-elle se constituer comme indifférente à
cette possibilité de former un lien éthique, donc à cet autre ? »
Se déprotéger :
la sensibilité, le tact, être affectée / touchée, être en lien
Florence Piron « Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes québécois et dans
l’écriture scientifique – Essai anthropologique de l’expérience éthique » Thèse de philosophie, Université de Laval, Québec 1998
31. « apprendre à voir ce qui est important et non remarqué, justement parce que
c’est sous nos yeux. Émerge alors une éthique de la perception particulière
des situations, des moments, de « ce qui se passe » (what is going on), à la
façon dont Goffman définit l’objet de la sociologie et dont Hilary Putnam
parle, renvoyant lui aussi à Wittgenstein, d’une « éthique sans ontologie ».
Il n’y a pas de concepts moraux univoques qu’il ne resterait qu’à appliquer à
la réalité, mais nos concepts moraux dépendent, dans leur application même,
de la narration ou de la description que nous donnons de nos existences, de
ce qui est important (matter) et de ce qui compte pour nous. Cette capacité à
percevoir l’importance des choses, leur place dans notre vie ordinaire, n’est
pas seulement affective : elle est aussi capacité d’expression adéquate (ou,
aussi bien, maladroite et embarrassante, ratée). Au centre de l’éthique du
care, il y a notre capacité (notre disposition) à l’expression morale
laquelle, comme l’ont montré de diverses manières Stanley Cavell et Charles
Formes de vie
Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article203.html
32. La texture d’être
« Redéfinir la morale à partir de l’importance, et de son lien à la
vulnérabilité structurelle de l’expérience pourrait définir l’éthique du care.
La notion de care est indissociable de tout un cluster de termes, qui
constituent un jeu de langage du particulier : attention, souci, importance,
signifiance, compter. C’est bien dans l’usage du langage (choix des mots, style
d’expression et de conversation) que se montre ouvertement ou s’élabore
intimement la vision morale d’une personne, sa texture d’être. Cette texture n’a
guère à voir avec les choix et arguments moraux mais encore une fois avec « ce
qui importe » et exprime les différences entre singuliers (voir pour cette
conception générale de l’éthique Laugier 2006). »
Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article203.html
Expression d’Iris Murdoch (2010)
dans La voix et la vertu, Variétés du perfectionnisme moral, Sandra Laugier (dir.), Paris, PUF, 2010.
33. « Le sujet du care est un sujet sensible en tant qu’il est affecté, pris dans un contexte de relations, dans
une forme de vie – qu’il est attentif, attentionné, que certaines choses, situations, moments ou
personnes comptent pour lui. Le centre de gravité de l’éthique est déplacé, du « juste » à l’
« important ». »
Une voix différente, la confiance dans l’expérience
« Prendre la mesure de l’importance du care pour la vie humaine suppose de reconnaître que la
dépendance et la vulnérabilité ne sont pas des accidents de parcours qui n’arrivent qu’aux « autres » :
« Les gens vulnérables n’ont rien d’exceptionnel » »
Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article203.html
34. « Le care est une affaire concrète, collant aux particularités des situations et des personnes, au
détail ordinaire de la vie humaine. Ce que nous avons appelé le souci de l’autre fait partie de
ces phénomènes vus, présents sous nos yeux, mais non remarqués assurant l’entretien (en
plusieurs sens, dont celui de la conversation et de la conservation) d’un monde humain. »
Sandra Laugier et Patricia Paperman, Introduction à Une voix différente, de Carol Gilligan, p.V-VI
Une voix différente, la confiance dans l’expérience
35. « Concevoir la morale sur le modèle de la justice et de la légalité (et c’est une
tendance forte de la pensée morale) conduit à négliger certains des aspects les plus
importants et difficiles de la vie morale – nos proximités, nos motivations, nos
relations – au profit de concepts éloignés de nos questionnements ordinaires –
l’obligation, la rationalité, le choix. Or ces aspects concernent notre
vulnérabilité ordinaire à l’inverse des derniers, qui concernent notre capacité
d’action positive.
La tendance philosophique à valoriser la dernière, contre la première, est
perceptible jusque dans le détail des exemples et argumentations philosophiques :
l’action (traverser le Rubicon, tuer l’âne de son voisin) sera toujours valorisée
par rapport (par exemple) à des façons d’être comme la gentleness, la générosité ou
l’amabilité qui n’existent pas dans la moralité standard et semblent ainsi échapper
aux capacités de description ou d’appréciation des théories morales disponibles, ou
à des actes quotidiens comme s’occuper de quelqu’un ou ramasser ses chaussettes. »
Prendre en compte ce à quoi on ne fait pas attention
Sandra Laugier, http://www.raison-publique.fr/article656.html
36. « Les éthiques du care affirment l’importance des soins et de l’attention portés aux autres, en particulier
ceux dont la vie et le bien-être dépendent d’une attention particularisée, continue, quotidienne. Elles
s’appuient sur une analyse des conditions historiques qui ont favorisé une division du travail moral en
vertu de laquelle les activités de soins ont été socialement et moralement dévalorisées. L’assignation
des femmes à la sphère domestique a renforcé le rejet de ces activités et de ces préoccupations hors de
la sphère publique, les réduisant au rang de sentiments privés dénués de portée morale et politique.
Les perspectives du care sont ainsi porteuses d’une revendication fondamentale concernant
l’importance du care pour la vie humaine. L’éthique du care constitue par là une mise en cause radicale
de l’éthique dominante. »
Laugier Sandra, https://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-3-page-112.htm
La remise en cause de la division du travail moral
37. « Entendue d’une voix différente, la morale ne se fonde pas sur des principes universels mais part
d’expériences rattachées au quotidien et des problèmes moraux de personnes réelles dans leur vie
ordinaire. Elle trouve sa meilleure expression, non pas sous la forme d’une théorie, mais sous celle
d’une activité : le care comme action (taking care, caring for) et comme travail, autant que comme
attitude, comme perception et attention au détail non perçus, ou plutôt présents sous nos yeux, mais
non remarqués parce que trop proches, comme fil conducteur assurant l’entretien (en plusieurs
sens, dont celui de la conversation et de la conservation) d’un monde humain. »
Laugier Sandra, « L'éthique du care en trois subversions », Multitudes, 2010/3 (n° 42), p. 112-125. DOI :
10.3917/mult.042.0112. URL : https://www.cairn.info/revue-multitudes-2010-3-page-112.htm
L’entretien d’un monde humain : conversation et conservation
38. Qui prend soin de qui ? L’interdépendance et les relations quotidiennes
« J’ai besoin de prendre soin de toi. »
J’ai besoin de prendre soin de toi
Toi qui travailles tous les jours dans le bureau d’à-côté
Toi qui vis chez toi parfois des choses bien difficiles
Qui arrive le matin le dos courbé mais qui sourit par « professionnalisme »
Toi qui arrive rayonnante et qui me fait du bien par ton dynamisme, ton optimiste, ta volonté
Ton humour, ton manque de sérieux
Parce qu’au fond on s’en fout de ce dont on a l’air et que bien d’autres choses comptent
Toi sur qui je peux me reposer quand moi-même je n’en peux plus
Quand les heures filent à tout allure et que la surcharge mentale me fait imploser le cerveau
Parce qu’il faudrait « gérer » le financier, l’administratif, comme l’humain
Tu parles
Prendre soin d’un projet comme des autres, on en parle ?
Ton humeur du jour m’affecte. Ton stress aussi. Tes souffles, tes soupirs, tes agacements
viennent se poser sur mes épaules aussi. Ta joie et ton insouciance me soulagent parfois.
Nous formons un tout. Un tissage, un écosystème.
https://infusoir.hypotheses.org/5068
40. Références
Stanley Cavell, Les Voix de la raison, Paris, Seuil, 1996, p. 271.
François Cusset, Le déchaînement du monde - Logique nouvelle de la violence, La découverte, 2018.
Christophe Dejours, Le travail vivant – 2 : travail et émancipation, Petite bibliothèque Payot, 2013.
Christophe Dejours, Le facteur humain, PUF, 2010.
Gilles Herreros, La violence ordinaire dans les organisations – Plaidoyer pour des organisations réflexives
Carol Gilligan, Une voix différente – Pour une éthique du care, Flammarion, 2008 (1982).
Marielle Macé, Styles – Critiques de nos formes de vie, Gallimard, 2016.
Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman, Qu’est-ce que le care ? Souci des autres, sensibilité, responsabilité, Petite bibliothèque
Payot, 2009.
Sandra Laugier, « L’ordinaire transatlantique », L’Homme [En ligne], 187-188 | 2008, mis en ligne le 01 janvier 2010, consulté le 05 février 2019.
URL : http://journals.openedition.org/lhomme/29239
Sandra Laugier, « L'éthique comme politique de l'ordinaire », Multitudes, 2009/2 (n° 37-38), p. 80-88. DOI : 10.3917/mult.037.0080. URL :
https://www.cairn.info/revue-multitudes-2009-2-page-80.htm
Sandra Laugier, « L'éthique du care en trois subversions », Multitudes, 2010/3 (n° 42), p. 112-125. URL : https://www.cairn.info/revue-
multitudes-2010-3-page-112.htm
Sandra Laugier, « Le care comme critique et comme féminisme », Travail, genre et sociétés, 2011/2 (n° 26), p. 183-188. DOI :
10.3917/tgs.026.0183. URL : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2011-2-page-183.htm
Sandra Laugier, « La vulnérabilité des formes de vie », Raisons politiques, 2015/1 (N° 57), p. 65-80. DOI : 10.3917/rai.057.0065. URL :
https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2015-1-page-65.htm
Simon Lemoine, Microviolences – Le régime du pouvoir au quotidien,
Marie-Anne Paveau, Langage et morale. Une éthique des vertus discursives, Éditions Lambert-Lucas, 2013, 303 p.
Florence Piron « Responsabilité pour autrui et refus de l’indifférence dans trois dialogues avec de jeunes québécois et dans l’écriture
scientifique – Essai anthropologique de l’expérience éthique » Thèse de philosophie, Université de Laval, Québec 1998