1. California Dreamin'
Hello California, hola Los Angeles, bonjour Cité des Anges! Rebecca et moi sommes
arrivées au bout de notre pari délirant pris dans un bar à tapas de Grenade, nos cerveaux grillés
par le soleil andalou lors de nos journées trépidantes d'étudiantes Érasmus. Rebecca est
canadienne et nos conversations surfent allégrement sur l'espagnol, l'anglais et le français, car
l'amitié est un langage universel. M'en a-t-elle parlé de la Californie, contrée des chercheurs d'or
et Eldorado des rêves ultimes! Notre chanson fétiche nous accompagne aujourd'hui sur le bitume
de LA Airport: ''California Dreamin' on such a summer's day''.
Jour 1
Comment fait Rebecca? Bruxelles-New-York-Los Angeles ont à peine voilé ses yeux
malicieux. Elle prend tout en main et récupère les bagages et la voiture. Les gènes de son trisaïeul
iroquois la guident sans doute sur le sentier de la guerre! Dans ces espaces démesurés, je me sens
comme un poisson rouge jeté dans une piscine olympique. Mais c'est ici que le vrai voyage
commence et notre enthousiasme prend le dessus. Elle pointe le doigt vers le ciel et notre joie
explose en mille paillettes: l'insigne Hollywood flotte comme un mirage au-dessus de sa colline. Pas
le temps de s'attarder, il y a autant que choses à voir que d'étoiles dans les cieux et dans the walk of
fame, où nous nous rendons. Là, les dragons du Mann's Chinese theater nous invitent d'un clin d'œil
à contempler les empreintes des stars. Où sont-elles donc, ces vedettes? Trop tard pour chercher
aujourd'hui Tom Cruise et Paris Hilton! Une bonne nuit de repos s'impose avant notre départ sur la
route.
Jour 2
Fouette cocher! Notre road trip commence à bord de Marilyn, un cabriolet couleur crème
aux pare-chocs bien galbés. ''Poupoupidou'': son moteur ronronne de plaisir et ses pneus sexys
dévoreurs d'asphalte nous emmènent pour une première étape à San Simeon, via Santa Barbara.
Sous la lumière matinale déjà tremblotante de chaleur, notre route au loin se déroule, à la façon du
roman de Jack Kerouac écrit sur une longue bande de papier. Marilyn avance sans trop se presser et
ébouriffe à peine nos cheveux, le temps pour nous d'emplir nos yeux de paysages à perte de vue.
Santa Barbara nous ouvre les bras. Après une visite parmi les plantes rares des jardins botaniques,
nous découvrons l'océan pacifique dans toute sa splendeur. À Arroyo Burro beach, nous plantons
nos transats (ou plutôt nos ''transpacs'') pour une pause bronzette. À l'heure où nous partons, les
baleines nous saluent de leurs bonds sous le soleil couchant. Bye bye! La nuit tombe lorsque nous
rejoignons San Simeon.
Jour 3
Un monstre à l'accent québecois me réveille en plein rêve américain. Déjà 7 a.m? Je
voudrais trainailler mais Marilyn piaffe déjà d'impatience, Rebecca à son volant. Aujourd'hui, nous
prenons la Highway 1 pour San Francisco, route mythique s'il en est; la plus belle au monde, rien
moins! Ses lacets épousent les contours de la côte californienne bordée de falaises et de plages
gorgées de soleil. Aux points les plus bas, l'océan souffle par bouffées des embruns irisés dans nos
cheveux. C'est la route du Paradis, California Dreamin' nous a rejoint! À Monterey, sur 17 Mile
Drive, Rebecca et moi invitons Marilyn à se reposer à l'ombre de pins maritimes, pour préserver son
teint de lait. ''C'est le plus beau jour de ma vie!'', dirait Forrest Gump. Nous sommes au rendez-vous
du ciel et de la mer, des dauphins et des baleines, des oiseaux et du soleil, de la côte sauvage et de la
route civilisée. Nous partons presque à regret vers San Francisco.
2. Jour 4
Un brouillard frisquet nous surprend au petit matin. Hola Marilyn! Nous relevons sa
capuche: ce serait trop bête qu'une de nous trois attrape un rhume! Petit à petit le soleil pointe son
nez et nous découvrons les avenues pentues de San Francisco. Pas de temps à perdre! Un tramway
funiculaire emmène Rebecca et moi dans une avenue bordée de maisons de poupées festonnées de
balcons. Ensuite, mes deux amies aimeraient traverser le Golden Gate Bridge. Je les accompagne à
condition de visiter plus tard l'île d'Alcatraz. Nous voilà sur le pont, un peu intimidées par ce
monument du cinéma, baigné de brume et ondulant sous les rafales de vent. J'en ai le mal de mer!
La visite de la prison n'est pas faite pour dissiper mon malaise. Les cachots lugubres nous donnent
la chair de poule mais au-dehors une colonie d'oiseaux de mer colorent de vie ce rocher désolé. Le
phare de l'île pointe sa tour bienveillante vers le ciel et perce de lumière la brume diffuse de mon
âme, marquée à jamais par San Francisco.
Jour 5
Direction Yosemite National Park, avant de rejoindre Fresno. Marilyn roule toute en douceur
sous mes pieds légers. Rebecca anime les 3h30 du trajet de ses légendes canadiennes où s'ébattent
grizzlis et caribous. Elle a peur des ours et tremble de laisser Marilyn seule à leur merci. Démolir
notre voiture, ces peluches géantes? Il suffit de leur donner un pot de miel! Les dimensions du parc
sont inimaginables et la beauté du paysage est à la démesure de son immensité. Montagnes
enchanteresses, sequoias gigantesques, cascades vertigineuses, monolithes fantastiques offrent un
spectacle hallucinant. Winnie l'Ourson est bien caché mais les écureuils, moins timides, nous
approchent avec curiosité. Nous veillons à suivre les routes balisées jusqu'au Glacier Point. Le
vertige me reprend au sommet de la falaise; je préfère la vallée où les lacs sourient entre les forêts.
Dans cet endroit hors du temps, nous communions avec la nature et prenons de la hauteur vis-à-vis
des choses et de nous-mêmes.
Jour 6
Notre nuitée à Fresno est longue et reposante. Un périple de 640 km nous attend: notre
pauvre Marilyn aura ce soir des cors aux pneus! Pas de régime-minceur aujourd'hui. Nous la
chargeons de munitions: CD de musique, rafraîchissements, sandwiches, chips et friandises. La
route n'en finit pas dans ces paysages secs et poussiéreux. Nos réserves s'épuisent très vite et nous
faisons une halte à Bakersfield. Welcome to fabulous Las Vegas! Une nuit hallucinante commence
pour nous. Nous sommes précipitées à l'intérieur d'un jeu vidéo XXL en 3D. On n'imagine pas que
de telles couleurs puissent exister. Il est facile ici de perdre ses repères et de commettre les pires
excès. Casinos, chapelles de mariages, spectacles de magie déjantés, la tête nous tourne et nos sens
éclatent en feux d'artifices. Difficile de raconter l'indescriptible! Il nous faut pourtant échapper à ce
trip sans retour. Notre folle nuit s'achève aux petites heures.
Jour 7
Notre sage Marilyn a gardé la tête froide et nous attend sur son aire de stationnement. Back
to LA today! Nous conduisons à tour de rôle, le temps pour chacune d'entre nous de piquer un
somme et remettre nos neurones bien en place. L'après-midi est largement entamé lorsque nous
atteignons Santa Monica. Pour rien au monde nous ne voudrions manquer le point terminus de la
mythique route 66. Ces américains n'ont pas fini de nous étonner par leur goût du show et de la
démesure! L'océan pacifique nous fait à nouveau les yeux doux mais la Grande Roue du parc
d'attraction devient l'objet de tous nos désirs. Après s'être envoyées en l'air, nous rejoignons
sagement le Getty Center et ses galeries reposantes. Nous terminons la journée par le must des
accros du shopping: Rodeo Drive. Nous achetons quantité d'objets de luxe... avec nos yeux. La
Grande Roue et le Glacier Point de Yosemite sont moins vertigineux que les prix pratiqués ici!
3. Jour 8
¡Vamos! Déjà l'avant-dernier jour de notre fabuleuse aventure. Quel endroit choisir? Tant de
possibilités s'offrent à nous. L'enfant qui sommeille en nous vote à l'unanimité pour Disneyland et
son univers de contes de fées. Nous passons sous le château de la Belle au Bois Dormant, direction
la caverne des pirates. Sur la barque de la rivière sauvage, nous faisons la connaissance d'un couple
hispano-américain accompagné de deux enfants, Elisa et Luis, avec qui nous passons toute la
journée. Notre espagnol à l'accent andalou les fait rire. Ils connaissent tous les bons plans et nous
guident à travers le parc. Le petit Luis de 3 ans tombe amoureux de nous et passe de bras en bras en
nous montrant d'un regard émerveillé les nombreux personnages des dessins animés. La magie du
lieu et l'enthousiasme des enfants nous transportent à nouveau dans un monde parallèle. Le
dépaysement est total. Le soir arrive trop vite et nous devons prendre congé. ¡Adiós amigos, on ne
vous oubliera jamais!
Jour 9
Le cœur gros, nous faisons nos adieux à notre jolie Marilyn. Avec courage et bonne humeur,
elle a avalé pour nous des centaines de kilomètres sans rechigner. Elle nous a pris par la main sur la
route, cette route incommensurable et jalonnée de découvertes toutes plus incroyables les unes que
les autres. La Highway 1 et ses consœurs américaines dégagent une ambiance d'évasion
indescriptible, fuite hors du temps et quête initiatique. On ne sort pas indemne d'un tel voyage où
alternent toutes les sensations extrêmes. La Californie surfe sur des vagues vertigineuses, sa fureur
de vivre bling bling dans ses grandes villes et ses coins de nature stupéfiants. La route nous a
apprivoisées lors de nos longues randonnées en communion avec les espaces infinis et les paradis
naturels ou artificiels. Notre Californian Dream a enrichi notre esprit et sublimé à jamais notre
vision de la vie. Le monde trace désormais à nos pieds de nouvelles routes, où nous vivrons nos
rêves plutôt que de rêver nos vies.
Marie Leyder