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Université de Poitiers
Institut d’Administration des Entreprises (I.A.E.)
Laboratoire CERMO (Stratégie des organisations)
INNOVATION ET INTERNATIONALISATION : UNE CONJONCTION
DE RISQUES OU UNE CONJONCTION D’ATOUTS POUR LA P.M.E. ?
Alain LARAB
Docteur en sciences de gestion
A.T.E.R. à l’université de La Rochelle
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
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INNOVATION ET INTERNATIONALISATION : UNE CONJONCTION DE RISQUES
OU UNE CONJONCTION D’ATOUTS POUR LA P.M.E.?
Introduction
Au cours de ces dernières années, de nombreuses entreprises se sont retrouvées, bon gré
mal gré, plongées dans la concurrence internationale et soumises à des contraintes de compétiti-
vité sur cette échelle. Elles ne peuvent plus considérer leurs marchés sur la base de l’idée de pré-
dominance des facteurs de proximité comme moyen suffisant de protection contre la concurrence
car les effets de l’interdépendance sont beaucoup trop puissants dans un contexte d’ouverture in-
ternationale rapprochant progressivement les profils économiques des entreprises et des marchés.
Le rythme des mutations technologiques introduisant de plus en plus une importante précarité des
avantages concurrentiels possédés, l’entreprise performante (innovatrice) ne préexiste plus à son
marché, elle est plutôt sécrétée par lui (Aydalot, 1986). Dès lors, le risque de « décrochage » des
P.M.E. les moins performantes en matière d’internationalisation et d’innovation devient chaque
jour plus grand. L’une des raisons principales tient au fait que l’action sur les variables d’innovation
et d’internationalisation entraine la P.M.E. hors de son champ habituel d’expertise.
Face à un contexte stratégique relativement nouveau pour la P.M.E., (ouverture internatio-
nale et mutations technologiques) la vraie question est alors celle de son mode de développement
pour faire front efficacement aux pressions de l’environnement externe. Au contraire, l’impératif
de survie face à une concurrence acharnée et globalisée doit inciter davantage les P.M.E. à mener
de nouvelles réflexions transversales d’orientation stratégique sur leurs actions en rompant avec
une certaine conception frileuse et réactive des domaines d’activités concurrentiels. Pour cela, elles
doivent repenser positivement leurs rapports avec leur milieu et rechercher sans cesse les moyens
d’une adaptation, voire d’une anticipation, à un environnement commercial et technologique en
constante mutation.
Cette double dynamique des marchés (internationalisation) et des techniques (innovation)
exige aujourd’hui de toute entreprise qu’elle ne limite plus ses choix au seul domaine de la contin-
gence, c’est-à-dire de la gestion adaptative quotidienne. Porter (1982) confirme cette analyse en
montrant que l’amélioration des positions stratégiques de l’entreprise, dans une économie mon-
diale de plus en plus concurrentielle, peut provenir soit du développement technologique soit du
développement des marchés à moins que les deux jouent conjointement pour déterminer la véri-
table position concurrentielle d’une firme sur un marché donné.
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Debrinay (1990), dans le même sens, écrit que « la révolution de l’intelligence, en ce do-
maine, est bien le facteur-clé de l’évolution du commerce extérieur car la corrélation entre l’inten-
sité de ces investissements et l’intensité du développement international des P.M.I. est particuliè-
rement évidente ». D’autres auteurs confortent ce point de vue et s’accordent à relever que le cu-
mul des stratégies d’innovation et des stratégies d’internationalisation semble de plus en plus iné-
luctable pour les entreprises confrontées à une globalisation fondée sur la recherche systématique
d’avantages compétitifs basés sur l’innovation technologique et l’internationalisation des marchés.
Cependant, à l’échelle de la P.M.E., la mise en oeuvre d’une telle stratégie duale impliquant
innovation et internationalisation introduit une profonde rupture dans les modes de gestion de
l’entreprise. Certes, la gestion de l’entreprise est une succession de ruptures et, d’ailleurs, la notion
de rupture appartient intrinsèquement au concept de stratégie qui est un processus de décompo-
sition - recomposition du système de production et de commercialisation par l’utilisation et la va-
lorisation de l’expérience et des savoir-faire issus des métiers de l’entreprise (Aydalot, 1986).
Qu’en est-il au niveau des risques stratégiques spécifiques de la P.M.E. ? En effet, s’il est
admis que la simultanéité de ces deux stratégies (innovation et internationalisation) est devenue,
par nécessité, inévitable et constitue l’une des seules véritables solutions de croissance et de succès
durable de nombreuses entreprises, elle est aussi potentiellement porteuse de risques majeurs
pour la P.M.E. mal préparée, notamment lorsqu’elle ne s’inscrit pas au sein d’une stratégie unique
et globalement réfléchie. Là, plus que partout ailleurs, la décision d’agir conjointement sur les va-
riables d’internationalisation et d’innovation implique que le choix stratégique de la P.M.E. repose
sur une dynamique volontariste de la part du dirigeant (Roux, 1991). En effet, la réussite d’une telle
politique nécessite une volonté et une continuité dans l’action qui ne peut découler que d’une stra-
tégie d’entreprise parfaitement structurée sur la base d’une connaissance précise des axes de dé-
veloppement de la P.M.E. notamment sur le plan de ses savoir-faire et de ses capacités.
Cette recherche a pour projet d’essayer de comprendre de l’intérieur un processus de déve-
loppement stratégique spécifique, celui de l’action stratégique cumulative sur les variables d’inno-
vation et d’internationalisation. La notion d’innovation s’entend autant au sens de produit nouveau
que de process ou de technologie nouvelle. La notion d’internationalisation recouvre, quant à elle,
toutes les pratiques stratégiques ou opérationnelles en relation avec les marchés extérieurs.
Pour valider l’étude, l’approche utilisée est inductive et repose essentiellement sur le vécu
des chefs d’entreprise interrogés. La collecte des informations visait à déceler la manière dont
chaque entreprise faisait face à la problématique étudiée et à ses contraintes ainsi que la stratégie
suivie et les moyens employés. Les informations collectées sont assez peu élaborées et correspon-
dent à un nombre limité d’expériences vécues. Les principales raisons résident dans le caractère
informel du discours du dirigeant de la P.M.E. mais aussi dans le caractère confidentiel du domaine
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stratégique étudié. Les informations recueillies permettent tout de même de dégager des profils
stratégiques sommaires des entreprises actives en matière d’internationalisation et d’innovation.
Notre projet, de nature exploratoire, vise à la génération de propositions relatives à un do-
maine empirique concret. Pour être incluse dans l’échantillon théorique, l’entreprise sélectionnée
devait répondre à certaines conditions générales prédéfinies. (Non appartenance à un groupe,
chiffre d’affaires inférieur à 500 MF, chiffre d’affaires international supérieur ou égal à 30 % du
chiffre d’affaires global, effectif compris entre 50 et 500 salariés, taux de R.& D. supérieur ou égal
à 5 % du chiffre d’affaires global).
Par ailleurs, chaque entreprise retenue devait posséder, en commun, la caractéristique d’agir
à la fois sur les variables stratégiques d’innovation et d’internationalisation. Sans rechercher des
entreprises en tous points identiques quant à leur comportement, il était important d’obtenir une
certaine homogénéité dans la structure de l’échantillon en ne retenant que des P.M.E. ne présen-
tant aucune différence fondamentale par rapport aux autres.
Les hypothèses que nous cherchons à valider ont été établies à partir de l’analyse de la litté-
rature et complétées par les différentes opinions émises par les chefs d’entreprise que nous avons
interrogés par questionnaire. Les entretiens avec les dirigeants contactés ont été menés sur des
thèmes génériques tels que les facteurs-clés de succès des stratégies duales ou les obstacles au
développement de telles actions pour les P.M.E. Notre objectif étant, en préalable, d’essayer de
rechercher et de relever les observations concordantes tirées à la fois de la littérature et des entre-
tiens. Des questions fermées plus précises ont été posées par la suite dans le but de confirmer nos
hypothèses en termes de sécurité. Au terme de ces différents traitements, les cinq hypothèses de
travail suivantes nous sont apparues saillantes dans le contexte de la P.M.E. :
- La personnalité et le rôle du dirigeant de P.M.E. sont centraux dans la conduite d’une poli-
tique duale.
- La sécurité d’une telle politique est liée à la qualité des montages opérationnels, notam-
ment par les stratégies de partenariat.
- La pression concurrentielle du secteur industriel de la P.M.E. influence fortement les com-
portements stratégiques de l’entreprise.
- Les P.M.E. les plus internationalisées sont des P.M.E. innovantes et inversement.
- La taille de la P.M.E. n’est pas déterminante. (propension à l’export).
L’objectif de cet article est de contribuer à faire le point sur un débat et à trancher une ques-
tion plaçant souvent les dirigeants de P.M.E. en situation de dilemme stratégique. En effet, face aux
discours tantôt incitatifs et tantôt « répulsifs » véhiculés par la littérature et l’environnement éco-
nomique, notre propos vise à faire le point sur le débat (état des lieux) (I), et à présenter quelques
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éléments de réflexion pour tenter d’en déterminer les outils stratégiques du succès (II). (A - Réduire
les risques de l’impréparation et de la précipitation B - Progresser par l’apprentissage et utiliser les
synergies découlant du partenariat international).
I - Innovation et internationalisation, une synthèse risquée
Cumuler simultanément un effort intense d’innovation et d’internationalisation implique un
ensemble d’actions qui, de l’avis de nombreux dirigeants, dépassent le plus souvent les compé-
tences et l’expérience acquise des P.M.E. En effet, dès lors que la P.M.E. abandonne sa stratégie
réactive et au coup par coup pour adopter une stratégie d’initiative et offensive, alors la restructu-
ration du processus de production et de commercialisation devient très exigent en organisation et
en ressources, qui habituellement manque cruellement à la P.M.E. Ces opérations constituent in-
contestablement le mode d’intervention le plus complexe et le plus risqué que puisse envisager la
P.M.E. dans sa politique de développement (Petit, 1980). En effet, la P.M.E. en situation de cumul
stratégique doit à la fois maîtriser les techniques et les risques de l’innovation ainsi que les tech-
niques et les risques du commerce extérieur et cela quels que soient la taille, le secteur d’activité,
les capacités financières ou humaine de la P.M.E. Le temps, ou plutôt le manque de temps, est l’un
des phénomènes inéluctables qui joue en l’espèce contre la P.M.E. qui n’a que rarement une bonne
notion du temps notamment sur le long terme. Le cumul des modalités d’innovation et d’interna-
tionalisation est justement une décision qui se rapporte à une décision d’investissement sur le long
terme impliquant souvent une rupture dans l’organisation et une transformation profonde des stra-
tégies de production et de commercialisation. Comme le souligne très justement Riboud (1987), il
existe un moment difficile, en amont de tout projet stratégique en matière d’innovation ou d’inter-
nationalisation, c’est celui ou il faut choisir une nouvelle stratégie de produit ou de marché qui,
instantanément, sera moins performante mais qui recèle des capacités considérables de dévelop-
pement à terme. Cette période de dilemme stratégique constitue le principal risque que les P.M.E.
innovantes ont du mal à franchir (Figure 2).
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(à déplacer)La P.M.E. doit donc ré-
ussir à gérer l’étendue des risques qu’elle
prend en croisant les critères suivants :
technologies, produits nouveaux, marchés
nouveaux (internationalisation). L’utilisa-
tion de ces trois variables permet à la
P.M.E. de placer ses projets stratégiques
dans un espace tridimensionnel borné à
ses extrêmes par la situation de statu quo
et la situation de risque maximum.
Or, tout au long du cycle qui part
à la fois de l’idée technologique et de
l’internationalisation pour arriver si-
multanément à l’innovation et à la
maîtrise des marchés étrangers, les
P.M.E., outre leur taille modeste, pré-
sentent un certain nombre de fai-
blesses et rencontrent de nombreuses
difficultés (Creton, 1986). A ce titre,
l’obstacle financier est certainement
l’un des plus difficiles à surmonter car
la P.M.E. se retrouve le plus souvent
pratiquement démunie au stade où
elle a le plus besoin de soutien. Ne vi-
sant pas à l’exhaustivité, eu égard aux
phases délicates que représentent la
simultanéité entre le lancement d’un
produit nouveau et la conquête de nouveaux marchés à l’étranger, les P.M.E. se heurtent généra-
lement à trois obstacles fondamentaux (Bénéteau, 1979) : la détermination de la viabilité technique
et économique de l’innovation, la difficulté de trouver les financements de l’opération et le pro-
blème de la maîtrise de la croissance du produit nouveau, notamment sur des marchés étrangers.
Si l’obstacle de la viabilité technique de l’innovation peut rapidement et aisément trouver sa
solution par une analyse en interne, il n’en est pas de même du deuxième et du troisième obstacle
car lorsque l’innovation est doublée d’une internationalisation simultanée, la P.M.E. doit impérati-
vement et préalablement s’assurer de la meilleure maîtrise de développement de son produit et
de ses propres structures. En effet, au-delà de toute considération catégorielle de nature technique
Nouvelle technologieNouvelle technologie
Produit innovant
Marché nouveau
Zone de risque
maximal
Zone de risque
maximal
Zone de risque
maximal
Zone de
statu quo
Figure 2 : Détermination de la zone de risque de l’entreprise
(Source : B. Bellon « Innover ou disparaître » - Economica – 1994)
Taux d’efficacité
d’une stratégie
Temps
Cycles de vie des
stratégies de produits
ou de marchés
Période de dilemme
stratégique pour l’en-
treprise
Figure 1 : Le dilemme stratégique des P.M.E.
Source : A. Riboud « Modernisation, mode d’emploi » - Rap-
port au Premier Ministre - Paris - 10/18 - U.G.E. - 1987
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ou commerciale, le cumul de l’innovation et de l’internationalisation représentent souvent des in-
vestissements et des risques structurels très lourds pour la P.M.E. par rapport aux résultats à long
terme qu’ils impliquent. Ce besoin est d’autant plus difficile à financer par les mécanismes clas-
siques que le risque d’échec n’est pas négligeable et qu’en outre les délais d’atteinte du seuil de
rentabilité sont très importants lorsqu’il y a conjonction de l’innovation et de l’internationalisation.
Par ailleurs, sous l’angle des risques de marché, l’opération peut se révéler préjudiciable pour
la P.M.E. si la croissance de ses ventes se fait trop rapidement sur différents marchés. Dans ce cas,
le succès commercial est porteur de nouveaux besoins financiers liés aux investissements et au
fonds de roulement. De plus, le succès de l’innovation risque assurément d’attirer sur le marché
extérieur convoité des entreprises, nationales ou étrangères, aux moyens financiers supérieurs
pouvant facilement imiter et commercialiser le produit à l’étranger. Ce problème se pose avec d’au-
tant plus d’acuité que l’essentiel de la valeur de l’innovation réside dans sa conception et que les
P.M.E. ne disposent à l’étranger que de peu de moyens de contrôle et de représailles
Cependant, toutes les difficultés du cumul, qui ne manquent pas d’entraver l’action des
P.M.E., n’ont pas la même importance et les mêmes conséquences. Ainsi, par exemple, il est évident
qu’une forte stratégie d’innovation ne présente pas les mêmes contraintes et les mêmes risques
selon qu’elle s’inscrit dans le prolongement d’une stratégie d’internationalisation déjà en place ou,
au contraire, comme voie d’accès à l’internationalisation. Dans le premier cas, où l’on trouve des
P.M.E. expérimentées, l’engagement de l’entreprise reste dans des limites strictes et maîtrisables.
Dans le second cas, au contraire, la P.M.E. mal préparée s’engage sur une voie périlleuse dans la-
quelle elle doit assumer de lourdes responsabilités en termes commerciaux et technologiques du
fait de son manque d’expérience sur un produit et sur un marché nouveau pour elle. Il n’est donc
pas étonnant que le cumul de l’innovation et de l’internationalisation peut davantage constituer
une conjonction d’atouts dans le premier cas et une conjonction de risques dans le second.
Cette discrimination entre P.M.E. internationalisées ou non permet donc de mettre en évi-
dence une première contrainte liée en partie au fait que les premières ont su mieux définir les
enjeux stratégiques de la politique suivie. Pareillement, l’impératif d’innovation n’a pas la même
acuité selon le poids des facteurs concurrentiels rencontrés sur un marché étranger donné. En effet,
le degré de concurrence existant sur un marché modifie directement le taux de création ou de re-
nouvellement du processus d’innovation dans la mesure ou par le biais des rythmes de l’innovation,
un concurrent sera capable d’accroître sa part de marché, notamment en pesant sur les prix ou en
accroissant ses avantages comparatifs. C’est la situation de concurrence existant sur un marché
étranger donné qui détermine les contraintes de renouvellement technologique pour la P.M.E.
Ainsi, il possible d’établir une corrélation entre la nécessité du cumul de l’innovation et de l’inter-
nationalisation et le degré de concurrence existant sur un marché, introduisant ainsi le facteur con-
currentiel comme variable explicative :
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Ti = f(Pc)
où Pc est la pression concurrentielle existant sur un marché et Ti est le taux d’innovation
nécessaire pour que l’entreprise s’octroie un avantage comparatif en matière de technologie.
Cette fonction Ti = f(Pc) permet de
situer les marchés sur lesquels se trouve
la P.M.E. et la concurrence qu’elle y ren-
contre et de décrire les situations où la
pression à l’innovation est très vive
à innover du fait d’une concurrence rela-
tivement faible ne croît que faiblement
avec, bien évidemment, toutes
vitesse à laquelle l’innovation se répand à
travers un marché dépend donc du degré
de concurrence entre les entreprises modelant ainsi l’espace économique de l’entreprise selon le
développement inégal du processus de l’innovation et de la concurrence.
II - Innovation et internationalisation, une synthèse efficace
La mondialisation des marchés et des entreprises devient une réalité incontestée qui s’ex-
plique par un environnement économique difficile qui a exacerbé la concurrence au niveau tech-
nologique et international. Le développement de stratégies d’innovation et d’internationalisation
s’incorpore alors progressivement dans la stratégie des P.M.E. qui désirent se doter d’avantages
compétitifs durables. Cette endogènisation est repérable par le fait que la maîtrise simultanée des
variables d’innovation et d’internationalisation, comme source vitale d’avantages, tend à devenir
une préoccupation majeure pour les P.M.E. qui ne peuvent plus l’ignorer en raison de ses retom-
bées possibles sur l’ensemble des facteurs de compétitivité de l’entreprise. En effet, de nombreuses
P.M.E. ont compris que la spécialisation des processus productifs et la variété croissante des de-
mandes à l’échelle mondiale ont pour effet de diminuer notablement la taille critique et les avan-
tages des effets d’échelle ouvrant ainsi à la P.M.E. de nouvelles aires de développement sur le mar-
ché international en créant de nombreuses possibilités de se placer favorablement dans des niches
technologiques (Bauer, 1984).
Cette alternative, qui est à l’origine des avantages compétitifs les plus durables, est quasi
incontournable notamment lorsque l’innovation est commercialisée sur un marché trop étroit,
Ti
Pc



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comme le marché national, où le risque est alors grand de ne jamais atteindre, dans les temps, le
seuil de rentabilité. Selon Creton (1986), le marché national d’une entreprise européenne qui lance
un produit de haute technicité représente au mieux 5% du marché mondial. Ainsi, par exemple,
pour nombre de P.M.E. françaises, la stratégie d’européanisation s’impose de plus en plus comme
une nécessité compétitive dès lors que les investissements massifs en technologie appellent d’em-
blée de larges débouchés.
Dès lors, en dépit des risques évidents et relativement bien répertoriés liés à la simultanéité
des stratégies d’innovation et d’internationalisation, il convient d’essayer d’analyser et de com-
prendre la constante montrant que toutes les P.M.E. fortement internationalisées le sont pourtant
le plus souvent grâce à une technologie ou à un ensemble de savoir-faire spécifiques, constamment
renouvelés. Il est donc indéniable que l’innovation technologique pousse la P.M.E. à l’export et
accroît l’export. Ainsi, grâce à des stratégies de leadership technologiques sur des créneaux très
spécialisés, les P.M.E. peuvent s’affranchir d’une part importante des contraintes concurrentielles,
même de la part d’entreprises de plus grandes taille, et atteindre avec succès la dimension interna-
tionale. Des statistiques du S.E.S.S.I. rapportées par le Moniteur du Commerce International (1991),
confirment que les deux tiers des P.M.E. très innovantes sont exportatrices contre un tiers seule-
ment pour les P.M.E. les moins innovantes. De même, la croissance, sur cinq ans, de ces exporta-
tions est de 60% pour les P.M.E. innovantes contre 16% pour les autres P.M.E. sur la même période.
Dès lors, il ne semble pas y avoir de véritable stratégie internationale durable et sécurisée sans, à
la base, de véritable stratégie technologique car l’aspect technologique, qui est le véritable nerf de
la guerre économique de ces prochaines années, se diffuse sur l’ensemble de la chaîne de valeur
de l’entreprise et concerne l’ensemble de ses domaines d’activité (El Madjeri, 1994). L’innovation
est donc assurément un puissant catalyseur de l’internationalisation de l’entreprise ne serait-ce
que pour répartir les importants frais fixes de recherche par augmentation des débouchés étran-
gers1.
Tout pareillement mais dans un ordre inverse, l’internationalisation, voire la mondialisation
des marchés, est aussi assurément un catalyseur de l’innovation technologique ne serait-ce que
pour adapter les produits aux différentes normes et autres spécificités des marchés nationaux. La
nature et le sens des effets réciproques entre le développement des exportations et l’effort d’inno-
vation sont complexes et propres à chaque entreprise. Une étude récente2 réalisée par le cabinet
Mc Kinsey pour le compte du Ministère de l’Industrie révèle que les P.M.E. les plus innovantes et
les moins soumises aux risques de marché sont celles qui ont la vision la plus précise de leur envi-
ronnement concurrentiel et de la demande de leur marché national et international. C’est alors
1 La politique de niches technologiques conduit souvent la P.M.E. à une forte spécialisation qui entraîne alors une très
fine segmentation du marché pour laquelle l’internationalisation est le moyen privilégié de répartition des coûts sur de
plus grandes parts de marché. Cf. Porter (1985).
2 Rapportée par le M.O.C.I. (1991) n° 1004/1005.
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sous l’impulsion du marché que les P.M.E. les plus performantes déterminent principalement leurs
stratégies et calculent leurs risques sur les plans de l’innovation et de l’internationalisation.
Ainsi, le comportement innovant de la P.M.E., quand il existe, va nettement de pair avec la
décision d’internationalisation (Reynaud, 1979). Le nouveau produit appelant un nouveau marché,
et ce d’autant plus qu’aujourd’hui, le Marché commun aidant, le nouveau produit est généralement
conçu dès l’origine en tenant compte de l’environnement des marchés internationaux. En ce sens
l’innovation technologique dans la P.M.E. peut être considérée comme le meilleur moyen de suivre
les évolution du marché (Julien et Jacob, 1993). Il semble donc, de nos jours, difficile de concevoir
une stratégie d’innovation sans une stratégie d’internationalisation, et vice et versa ; c’est là encore
l’un des derniers enseignements de l’étude « M.E.I. 92 » réalisée par le Cabinet Algoe-Management
(1992) pour le compte du Ministère de l’Industrie. Cette étude révèle ainsi que plus les entreprises
sont ouvertes à l’international et plus leurs « dépenses immatérielles » sont importantes. Les trois-
quarts des P.M.E. fortement internationalisées appartiennent à la catégorie des « spécialistes de la
technologie ». La corrélation entre la maîtrise de l’innovation et la maîtrise de l’internationalisation
semble bien établie encore que le paysage des P.M.E. soit très diversifié et que les difficultés de
gestion de la recherche-développement soient variables et inégalement résolues par ces entre-
prises (Marchesnay, 1985). Cependant, pour une majorité des P.M.E., une politique d’innovation
renforce généralement le dynamisme et les performances d’exportation et inversement.
Enfin, nous rappelons encore que la confrontation directe avec l’offre et la demande inter-
nationale assure une meilleure écoute du marché par la P.M.E. et ainsi un renouvellement plus
rapide et plus efficace de sa gamme de produits. De plus, sachant que le marché international est
encore souvent un marché de « gros » sur lequel une grande part de la concurrence est fondée sur
des produits substituables et une guerre des prix, c’est au niveau de la capacité innovatrice de la
P.M.E. que réside le sens le plus important de la couverture des risques de marché par la qualité
d’une gamme de produits à haut degré de spécificité et de nouveauté. En effet, si la P.M.E. ne peut
détenir dans son portefeuille d’activités que des produits indifférenciés, ne présentant aucun avan-
tage comparatif, elle ne pourra certainement pas aligner la courbe de coûts que pourrait plus faci-
lement obtenir une grande entreprise bénéficiant d’importantes économies d’échelle et ayant une
capacité autonome d’innovation lui permettant d’agir indépendamment des forces du marché
(Guilhon et Péguin, 1994). Sur des marchés étrangers où la pression des coûts et des prix est élevée,
l’introduction de produits nouveaux et spécifiques est alors plus que souhaitable car elle permet un
positionnement concurrentiel plus favorable, en termes de risques, et donc un renouvellement de
l’avantage compétitif fondé sur la qualité, la fiabilité ou encore la performance. C’est pour cette
raison que la technologie, dans les dimensions qu’elle occupe actuellement, est devenue le meilleur
support du partenariat industriel et international surtout pour les P.M.E. qui sont de moins en
moins en mesure de supporter seules les coûts induits par la transformation d’une idée en un pro-
duit ou un procédé de fabrication nouveau (Geroski, 1992). Les temps de recherche en laboratoire
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
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ou en bureau d’étude sont de plus en plus longs et coûteux tandis que la rente technologique cons-
tituée par l’exploitation industrielle de l’innovation est de plus en plus courte, aléatoire et entourée
de risques divers (De Woot, 1988). Dès lors, la contrainte de temps devient un facteur de compéti-
tivité central qui s’inscrit dans la notion d’anticipation par rapport aux marchés visés (Stalk, 1989).
Notons, à ce sujet, que même les plus grandes entreprises ressentent le poids des dépenses en
recherche et développement puisque, souvent, elles rentabilisent leurs frais technologiques en les
« prêtant » aux P.M.E. Les entreprises engagées dans des dynamiques compétitives déterminées
par les contraintes et opportunités que font naître les mouvements de l’évolution de la technologie
ne peuvent véritablement échapper au processus de développement international. Les relations de
coopération apparaissent alors de plus en plus centrales parce que ce sont elles seules qui peuvent
rendre les P.M.E. influentes et innovantes par la mise en relation souple et dynamique de compé-
tences distinctes mais complémentaires (Larab, 1995). Le développement de la P.M.E., sous l’angle
de l’innovation et de l’internationalisation, doit aujourd’hui passer par une différenciation crois-
sante des modes d’organisation traditionnels et par une transformation profonde des structures
d’activité et des normes de travail pour aboutir à une économie relationnelle débarrassée des
modes d’organisation cloisonné du cadre Taylorien.
III - Innovation et internationalisation, un partenariat inévitable
Au sein de la P.M.E. existe un gap profond entre la capacité réelle à générer des innovations
et la capacité potentielle à les mettre en oeuvre. en effet, dans de nombreux cas, les P.M.E. détien-
nent d’importantes idées d’innovation mais se heurtent à d’immenses problèmes lorsqu’il s’agit de
les développer car elles doivent alors mobiliser de nombreuses ressources humaines, organisation-
nelles ou financières qui leur font défaut le plus souvent.
Une des causes principales de cette perte d’efficience des stratégies des P.M.E. réside dans
le fait que, pendant longtemps, le schéma classique d’apprentissage de la firme a été un processus
relativement lent car l’entreprise ne pouvait apprendre qu’au travers du développement de ses
activités propres. Or, il semble que, aujourd’hui, il soit de plus en plus difficile à la P.M.E. isolée de
s’en sortir seule valablement. L’un des phénomènes de fonds des stratégies de croissance des
P.M.E. contemporaines réside certainement dans l’ouverture vers l’extérieur. C. Le Bas et E. Zusco-
vitch (1993) affirment même qu’il n’existe plus, de façon durable, de firmes qui auraient recours à
un apprentissage purement interne. Même les entreprises qui ne réalisent pas d’investissements
importants dans l’innovation ou dans l’internationalisation ne peuvent se désintéresser totalement
des informations ou des compétences externes qu’elles ne peuvent elles-mêmes produire.
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
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Le phénomène de collaboration apparaît alors de plus en plus comme un phénomène essen-
tiel dans le processus de développement de la P.M.E. Aujourd’hui, il est de plus en plus clair que le
processus d’ouverture de la P.M.E. sur son environnement extérieur, tant en termes de technolo-
gies que de marchés, doit être conçu comme un réseau interactif d’informations et de communica-
tions à l’intérieur comme à l’extérieur de la firme. On peut alors interpréter le partenariat interen-
treprises comme un processus accéléré d‘absorption et de transformation par la P.M.E. d’informa-
tions et de savoir-faire venant de l’environnement. C’est en ce sens que ce partenariat, en matière
d’innovation ou d’internationalisation, est devenu un support d’apprentissage et d’accumulation
de connaissances et de compétences beaucoup plus riche.
L’étude de nombreux cas de succès ou d’échecs fait apparaître qu’un grand nombre de P.M.E.
ont beaucoup de difficultés à réussir seules leurs opération d’innovation ou d’internationalisation
et qu’elles sont conscientes que le partenariat est alors l’un des meilleurs moyens d’accroître ses
chances.
La raison principale en étant que la globalisation des marchés et l’accélération technologique
conduisent à comprimer drastiquement le cycle de vie de l’innovation augmentant, en proportion
inverse, les besoins en capitaux. Cette « révolution » des échelles de temps et de ressources dans
les domaines d’activités des P.M.E. fortement innovatrices induit inévitablement une forte spécia-
lisation et des stratégies de partenariat national et international.
Le fait que les P.M.E. collaborent de manière croissante dans leurs activités de développe-
ment soulève de nombreux problèmes opérationnels et stratégiques qu’une abondante littérature
essaie de comprendre et de résoudre. M. Dogdson (1993) souligne, par exemple, que la difficulté
principale réside dans la mise en oeuvre de la confiance entre firmes et la conduite habile du pro-
cessus de collaboration afin de valoriser au mieux le potentiel qui en résulte.
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
12
Bibliographie
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Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
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13
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dirigeant envers le risque », Thèse d’Etat en Gestion, Aix-Marseille III (ou Montpellier ?).
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let/Août 1988, Traduction in Harvard L’Expansion, Hiver, (p. 97-110).
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
14
DIVERS :
C’est cette voie nouvelle qu’il convient d’analyser et certainement de choisir pour doper la
P.M.E. en privilégiant la qualité et la variété des technologies et des marchés.
Cette dichotomie des arguments explique bien, par exemple, que les entreprises innova-
trices, s’intéressant de près ou de loin à l’internationalisation, ont eu longtemps pour dilemme prin-
cipal la délocalisation ou la standardisation de leur production. Elles devaient, en effet, essayer de
composer avec plusieurs logiques de production et de commercialisation : celles de la standardisa-
tion, des automatismes et des économies d’échelle qui poussent à concentrer les moyens de pro-
duction en un seul lieu et celles du marché qui poussent à la spécialisation, à la délocalisation et à
produire sur place ce qui se vend sur place.
Ce qui revient alors à inscrire le débat au coeur de la réflexion stratégique.
En ce domaine, les échecs ou les succès fréquents des P.M.E. sont à la fois preuves des mul-
tiples opportunités de création et des dangers de disparition précoce ; et, dans ce cas précis, la
disparition est autant liée à la non réussite de l’introduction d’une innovation ou d’une internatio-
nalisation qu’à la non-introduction d’actions d’innovation et d’internationalisation. La P.M.E. se
trouve donc confrontée au choix entre deux risques majeurs et contradictoires : internationaliser
le produit nouveau qui peut autant déboucher sur une réussite que sur une déconfiture totale ou
ne pas internationaliser le produit nouveau qui peut alors déboucher sur une réduction du retour
sur investissement et sur une érosion de la compétitivité commerciale. Ce second choix est souvent
plus une situation de fait qu’une stratégie voulue par l’entreprise.
Ce dilemme auquel étaient crucialement confrontées les grandes entreprises au début de
leur internationalisation voilà quelques décennies se pose à nouveau avec une certaine acuité aux
P.M.E. de cette décade. En effet, si l’on soustrait volontairement du débat l’argument objectif de
la taille de l’entreprise comme l’un des facteurs explicatifs essentiels de l’engagement de la P.M.E.3
dans l’internationalisation et l’innovation, il est vrai qu’aujourd’hui, pour atténuer les risques de
marchés, l’une des solutions au dilemme apparaît, de plus en plus, dans la réunion et la maîtrise
conjointe, au sein de l’entreprise, de la compétence technologique et de la compétence commer-
ciale internationale.
L’étude de Cheffrey et Dorey (1983), reposant sur l’analyse des stratégies des P.M.E. pré-
sentes à la fois dans des secteurs technologiques à forte complexité et dans un espace géogra-
phique international à forte turbulence, confirme ce point de vue en montrant que les causes
3 S.E.S.S.I., Ministère de L’Industrie, 1990.
Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ?
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_________________________________________________________________________
15
d’échec de l’innovation résultent prioritairement d’une insuffisance de réflexion stratégique en ma-
tière d’adéquation commerciale du couple technologie/marché (Figure 1).
Il convient dès lors de s’in-
terroger et de tenter de détermi-
ner dans quelles mesures cette
stratégie, constitutive à l’origine
d’une forte conjonction de risques
peut, dans certains cas, devenir
une conjonction d’atouts dans la
réalité quotidienne de ces entre-
prises.
La réponse à cette problé-
matique est cependant difficile à
cerner dans la mesure où le binôme innovation-internationalisation ne saurait en aucune sorte être
considéré comme une simple donnée ponctuelle car il est avant tout le résultat d’un processus
d’apprentissage stratégique graduel et réfléchi de développement de la P.M.E.
Type de déficience
(Multiréponses)
Gravité et fréquence
(en %)
Forte Moyenne Total
Stratégie marketing
Gestion
Vente
Ingénierie
R. & D.
Ressources finan-
cières
Production
21.6
9.0
13.5
8.2
7.3
5.5
4.5
43.2
42.1
32.4
32.7
30.0
17.3
15.3
64.8
51.1
45.9
40.9
37.3
22.8
19.4
Figure 3: Principales causes d’échec des produits nouveaux.

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INNOVATION ET INTERNATIONALISATION : UNE CONJONCTION DE RISQUES OU UNE CONJONCTION D’ATOUTS POUR LA P.M.E. ?

  • 1. Date d’impression : 16/08/2018 Université de Poitiers Institut d’Administration des Entreprises (I.A.E.) Laboratoire CERMO (Stratégie des organisations) INNOVATION ET INTERNATIONALISATION : UNE CONJONCTION DE RISQUES OU UNE CONJONCTION D’ATOUTS POUR LA P.M.E. ? Alain LARAB Docteur en sciences de gestion A.T.E.R. à l’université de La Rochelle
  • 2. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 1 INNOVATION ET INTERNATIONALISATION : UNE CONJONCTION DE RISQUES OU UNE CONJONCTION D’ATOUTS POUR LA P.M.E.? Introduction Au cours de ces dernières années, de nombreuses entreprises se sont retrouvées, bon gré mal gré, plongées dans la concurrence internationale et soumises à des contraintes de compétiti- vité sur cette échelle. Elles ne peuvent plus considérer leurs marchés sur la base de l’idée de pré- dominance des facteurs de proximité comme moyen suffisant de protection contre la concurrence car les effets de l’interdépendance sont beaucoup trop puissants dans un contexte d’ouverture in- ternationale rapprochant progressivement les profils économiques des entreprises et des marchés. Le rythme des mutations technologiques introduisant de plus en plus une importante précarité des avantages concurrentiels possédés, l’entreprise performante (innovatrice) ne préexiste plus à son marché, elle est plutôt sécrétée par lui (Aydalot, 1986). Dès lors, le risque de « décrochage » des P.M.E. les moins performantes en matière d’internationalisation et d’innovation devient chaque jour plus grand. L’une des raisons principales tient au fait que l’action sur les variables d’innovation et d’internationalisation entraine la P.M.E. hors de son champ habituel d’expertise. Face à un contexte stratégique relativement nouveau pour la P.M.E., (ouverture internatio- nale et mutations technologiques) la vraie question est alors celle de son mode de développement pour faire front efficacement aux pressions de l’environnement externe. Au contraire, l’impératif de survie face à une concurrence acharnée et globalisée doit inciter davantage les P.M.E. à mener de nouvelles réflexions transversales d’orientation stratégique sur leurs actions en rompant avec une certaine conception frileuse et réactive des domaines d’activités concurrentiels. Pour cela, elles doivent repenser positivement leurs rapports avec leur milieu et rechercher sans cesse les moyens d’une adaptation, voire d’une anticipation, à un environnement commercial et technologique en constante mutation. Cette double dynamique des marchés (internationalisation) et des techniques (innovation) exige aujourd’hui de toute entreprise qu’elle ne limite plus ses choix au seul domaine de la contin- gence, c’est-à-dire de la gestion adaptative quotidienne. Porter (1982) confirme cette analyse en montrant que l’amélioration des positions stratégiques de l’entreprise, dans une économie mon- diale de plus en plus concurrentielle, peut provenir soit du développement technologique soit du développement des marchés à moins que les deux jouent conjointement pour déterminer la véri- table position concurrentielle d’une firme sur un marché donné.
  • 3. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 2 Debrinay (1990), dans le même sens, écrit que « la révolution de l’intelligence, en ce do- maine, est bien le facteur-clé de l’évolution du commerce extérieur car la corrélation entre l’inten- sité de ces investissements et l’intensité du développement international des P.M.I. est particuliè- rement évidente ». D’autres auteurs confortent ce point de vue et s’accordent à relever que le cu- mul des stratégies d’innovation et des stratégies d’internationalisation semble de plus en plus iné- luctable pour les entreprises confrontées à une globalisation fondée sur la recherche systématique d’avantages compétitifs basés sur l’innovation technologique et l’internationalisation des marchés. Cependant, à l’échelle de la P.M.E., la mise en oeuvre d’une telle stratégie duale impliquant innovation et internationalisation introduit une profonde rupture dans les modes de gestion de l’entreprise. Certes, la gestion de l’entreprise est une succession de ruptures et, d’ailleurs, la notion de rupture appartient intrinsèquement au concept de stratégie qui est un processus de décompo- sition - recomposition du système de production et de commercialisation par l’utilisation et la va- lorisation de l’expérience et des savoir-faire issus des métiers de l’entreprise (Aydalot, 1986). Qu’en est-il au niveau des risques stratégiques spécifiques de la P.M.E. ? En effet, s’il est admis que la simultanéité de ces deux stratégies (innovation et internationalisation) est devenue, par nécessité, inévitable et constitue l’une des seules véritables solutions de croissance et de succès durable de nombreuses entreprises, elle est aussi potentiellement porteuse de risques majeurs pour la P.M.E. mal préparée, notamment lorsqu’elle ne s’inscrit pas au sein d’une stratégie unique et globalement réfléchie. Là, plus que partout ailleurs, la décision d’agir conjointement sur les va- riables d’internationalisation et d’innovation implique que le choix stratégique de la P.M.E. repose sur une dynamique volontariste de la part du dirigeant (Roux, 1991). En effet, la réussite d’une telle politique nécessite une volonté et une continuité dans l’action qui ne peut découler que d’une stra- tégie d’entreprise parfaitement structurée sur la base d’une connaissance précise des axes de dé- veloppement de la P.M.E. notamment sur le plan de ses savoir-faire et de ses capacités. Cette recherche a pour projet d’essayer de comprendre de l’intérieur un processus de déve- loppement stratégique spécifique, celui de l’action stratégique cumulative sur les variables d’inno- vation et d’internationalisation. La notion d’innovation s’entend autant au sens de produit nouveau que de process ou de technologie nouvelle. La notion d’internationalisation recouvre, quant à elle, toutes les pratiques stratégiques ou opérationnelles en relation avec les marchés extérieurs. Pour valider l’étude, l’approche utilisée est inductive et repose essentiellement sur le vécu des chefs d’entreprise interrogés. La collecte des informations visait à déceler la manière dont chaque entreprise faisait face à la problématique étudiée et à ses contraintes ainsi que la stratégie suivie et les moyens employés. Les informations collectées sont assez peu élaborées et correspon- dent à un nombre limité d’expériences vécues. Les principales raisons résident dans le caractère informel du discours du dirigeant de la P.M.E. mais aussi dans le caractère confidentiel du domaine
  • 4. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 3 stratégique étudié. Les informations recueillies permettent tout de même de dégager des profils stratégiques sommaires des entreprises actives en matière d’internationalisation et d’innovation. Notre projet, de nature exploratoire, vise à la génération de propositions relatives à un do- maine empirique concret. Pour être incluse dans l’échantillon théorique, l’entreprise sélectionnée devait répondre à certaines conditions générales prédéfinies. (Non appartenance à un groupe, chiffre d’affaires inférieur à 500 MF, chiffre d’affaires international supérieur ou égal à 30 % du chiffre d’affaires global, effectif compris entre 50 et 500 salariés, taux de R.& D. supérieur ou égal à 5 % du chiffre d’affaires global). Par ailleurs, chaque entreprise retenue devait posséder, en commun, la caractéristique d’agir à la fois sur les variables stratégiques d’innovation et d’internationalisation. Sans rechercher des entreprises en tous points identiques quant à leur comportement, il était important d’obtenir une certaine homogénéité dans la structure de l’échantillon en ne retenant que des P.M.E. ne présen- tant aucune différence fondamentale par rapport aux autres. Les hypothèses que nous cherchons à valider ont été établies à partir de l’analyse de la litté- rature et complétées par les différentes opinions émises par les chefs d’entreprise que nous avons interrogés par questionnaire. Les entretiens avec les dirigeants contactés ont été menés sur des thèmes génériques tels que les facteurs-clés de succès des stratégies duales ou les obstacles au développement de telles actions pour les P.M.E. Notre objectif étant, en préalable, d’essayer de rechercher et de relever les observations concordantes tirées à la fois de la littérature et des entre- tiens. Des questions fermées plus précises ont été posées par la suite dans le but de confirmer nos hypothèses en termes de sécurité. Au terme de ces différents traitements, les cinq hypothèses de travail suivantes nous sont apparues saillantes dans le contexte de la P.M.E. : - La personnalité et le rôle du dirigeant de P.M.E. sont centraux dans la conduite d’une poli- tique duale. - La sécurité d’une telle politique est liée à la qualité des montages opérationnels, notam- ment par les stratégies de partenariat. - La pression concurrentielle du secteur industriel de la P.M.E. influence fortement les com- portements stratégiques de l’entreprise. - Les P.M.E. les plus internationalisées sont des P.M.E. innovantes et inversement. - La taille de la P.M.E. n’est pas déterminante. (propension à l’export). L’objectif de cet article est de contribuer à faire le point sur un débat et à trancher une ques- tion plaçant souvent les dirigeants de P.M.E. en situation de dilemme stratégique. En effet, face aux discours tantôt incitatifs et tantôt « répulsifs » véhiculés par la littérature et l’environnement éco- nomique, notre propos vise à faire le point sur le débat (état des lieux) (I), et à présenter quelques
  • 5. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 4 éléments de réflexion pour tenter d’en déterminer les outils stratégiques du succès (II). (A - Réduire les risques de l’impréparation et de la précipitation B - Progresser par l’apprentissage et utiliser les synergies découlant du partenariat international). I - Innovation et internationalisation, une synthèse risquée Cumuler simultanément un effort intense d’innovation et d’internationalisation implique un ensemble d’actions qui, de l’avis de nombreux dirigeants, dépassent le plus souvent les compé- tences et l’expérience acquise des P.M.E. En effet, dès lors que la P.M.E. abandonne sa stratégie réactive et au coup par coup pour adopter une stratégie d’initiative et offensive, alors la restructu- ration du processus de production et de commercialisation devient très exigent en organisation et en ressources, qui habituellement manque cruellement à la P.M.E. Ces opérations constituent in- contestablement le mode d’intervention le plus complexe et le plus risqué que puisse envisager la P.M.E. dans sa politique de développement (Petit, 1980). En effet, la P.M.E. en situation de cumul stratégique doit à la fois maîtriser les techniques et les risques de l’innovation ainsi que les tech- niques et les risques du commerce extérieur et cela quels que soient la taille, le secteur d’activité, les capacités financières ou humaine de la P.M.E. Le temps, ou plutôt le manque de temps, est l’un des phénomènes inéluctables qui joue en l’espèce contre la P.M.E. qui n’a que rarement une bonne notion du temps notamment sur le long terme. Le cumul des modalités d’innovation et d’interna- tionalisation est justement une décision qui se rapporte à une décision d’investissement sur le long terme impliquant souvent une rupture dans l’organisation et une transformation profonde des stra- tégies de production et de commercialisation. Comme le souligne très justement Riboud (1987), il existe un moment difficile, en amont de tout projet stratégique en matière d’innovation ou d’inter- nationalisation, c’est celui ou il faut choisir une nouvelle stratégie de produit ou de marché qui, instantanément, sera moins performante mais qui recèle des capacités considérables de dévelop- pement à terme. Cette période de dilemme stratégique constitue le principal risque que les P.M.E. innovantes ont du mal à franchir (Figure 2).
  • 6. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 5 (à déplacer)La P.M.E. doit donc ré- ussir à gérer l’étendue des risques qu’elle prend en croisant les critères suivants : technologies, produits nouveaux, marchés nouveaux (internationalisation). L’utilisa- tion de ces trois variables permet à la P.M.E. de placer ses projets stratégiques dans un espace tridimensionnel borné à ses extrêmes par la situation de statu quo et la situation de risque maximum. Or, tout au long du cycle qui part à la fois de l’idée technologique et de l’internationalisation pour arriver si- multanément à l’innovation et à la maîtrise des marchés étrangers, les P.M.E., outre leur taille modeste, pré- sentent un certain nombre de fai- blesses et rencontrent de nombreuses difficultés (Creton, 1986). A ce titre, l’obstacle financier est certainement l’un des plus difficiles à surmonter car la P.M.E. se retrouve le plus souvent pratiquement démunie au stade où elle a le plus besoin de soutien. Ne vi- sant pas à l’exhaustivité, eu égard aux phases délicates que représentent la simultanéité entre le lancement d’un produit nouveau et la conquête de nouveaux marchés à l’étranger, les P.M.E. se heurtent généra- lement à trois obstacles fondamentaux (Bénéteau, 1979) : la détermination de la viabilité technique et économique de l’innovation, la difficulté de trouver les financements de l’opération et le pro- blème de la maîtrise de la croissance du produit nouveau, notamment sur des marchés étrangers. Si l’obstacle de la viabilité technique de l’innovation peut rapidement et aisément trouver sa solution par une analyse en interne, il n’en est pas de même du deuxième et du troisième obstacle car lorsque l’innovation est doublée d’une internationalisation simultanée, la P.M.E. doit impérati- vement et préalablement s’assurer de la meilleure maîtrise de développement de son produit et de ses propres structures. En effet, au-delà de toute considération catégorielle de nature technique Nouvelle technologieNouvelle technologie Produit innovant Marché nouveau Zone de risque maximal Zone de risque maximal Zone de risque maximal Zone de statu quo Figure 2 : Détermination de la zone de risque de l’entreprise (Source : B. Bellon « Innover ou disparaître » - Economica – 1994) Taux d’efficacité d’une stratégie Temps Cycles de vie des stratégies de produits ou de marchés Période de dilemme stratégique pour l’en- treprise Figure 1 : Le dilemme stratégique des P.M.E. Source : A. Riboud « Modernisation, mode d’emploi » - Rap- port au Premier Ministre - Paris - 10/18 - U.G.E. - 1987
  • 7. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 6 ou commerciale, le cumul de l’innovation et de l’internationalisation représentent souvent des in- vestissements et des risques structurels très lourds pour la P.M.E. par rapport aux résultats à long terme qu’ils impliquent. Ce besoin est d’autant plus difficile à financer par les mécanismes clas- siques que le risque d’échec n’est pas négligeable et qu’en outre les délais d’atteinte du seuil de rentabilité sont très importants lorsqu’il y a conjonction de l’innovation et de l’internationalisation. Par ailleurs, sous l’angle des risques de marché, l’opération peut se révéler préjudiciable pour la P.M.E. si la croissance de ses ventes se fait trop rapidement sur différents marchés. Dans ce cas, le succès commercial est porteur de nouveaux besoins financiers liés aux investissements et au fonds de roulement. De plus, le succès de l’innovation risque assurément d’attirer sur le marché extérieur convoité des entreprises, nationales ou étrangères, aux moyens financiers supérieurs pouvant facilement imiter et commercialiser le produit à l’étranger. Ce problème se pose avec d’au- tant plus d’acuité que l’essentiel de la valeur de l’innovation réside dans sa conception et que les P.M.E. ne disposent à l’étranger que de peu de moyens de contrôle et de représailles Cependant, toutes les difficultés du cumul, qui ne manquent pas d’entraver l’action des P.M.E., n’ont pas la même importance et les mêmes conséquences. Ainsi, par exemple, il est évident qu’une forte stratégie d’innovation ne présente pas les mêmes contraintes et les mêmes risques selon qu’elle s’inscrit dans le prolongement d’une stratégie d’internationalisation déjà en place ou, au contraire, comme voie d’accès à l’internationalisation. Dans le premier cas, où l’on trouve des P.M.E. expérimentées, l’engagement de l’entreprise reste dans des limites strictes et maîtrisables. Dans le second cas, au contraire, la P.M.E. mal préparée s’engage sur une voie périlleuse dans la- quelle elle doit assumer de lourdes responsabilités en termes commerciaux et technologiques du fait de son manque d’expérience sur un produit et sur un marché nouveau pour elle. Il n’est donc pas étonnant que le cumul de l’innovation et de l’internationalisation peut davantage constituer une conjonction d’atouts dans le premier cas et une conjonction de risques dans le second. Cette discrimination entre P.M.E. internationalisées ou non permet donc de mettre en évi- dence une première contrainte liée en partie au fait que les premières ont su mieux définir les enjeux stratégiques de la politique suivie. Pareillement, l’impératif d’innovation n’a pas la même acuité selon le poids des facteurs concurrentiels rencontrés sur un marché étranger donné. En effet, le degré de concurrence existant sur un marché modifie directement le taux de création ou de re- nouvellement du processus d’innovation dans la mesure ou par le biais des rythmes de l’innovation, un concurrent sera capable d’accroître sa part de marché, notamment en pesant sur les prix ou en accroissant ses avantages comparatifs. C’est la situation de concurrence existant sur un marché étranger donné qui détermine les contraintes de renouvellement technologique pour la P.M.E. Ainsi, il possible d’établir une corrélation entre la nécessité du cumul de l’innovation et de l’inter- nationalisation et le degré de concurrence existant sur un marché, introduisant ainsi le facteur con- currentiel comme variable explicative :
  • 8. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 7 Ti = f(Pc) où Pc est la pression concurrentielle existant sur un marché et Ti est le taux d’innovation nécessaire pour que l’entreprise s’octroie un avantage comparatif en matière de technologie. Cette fonction Ti = f(Pc) permet de situer les marchés sur lesquels se trouve la P.M.E. et la concurrence qu’elle y ren- contre et de décrire les situations où la pression à l’innovation est très vive à innover du fait d’une concurrence rela- tivement faible ne croît que faiblement avec, bien évidemment, toutes vitesse à laquelle l’innovation se répand à travers un marché dépend donc du degré de concurrence entre les entreprises modelant ainsi l’espace économique de l’entreprise selon le développement inégal du processus de l’innovation et de la concurrence. II - Innovation et internationalisation, une synthèse efficace La mondialisation des marchés et des entreprises devient une réalité incontestée qui s’ex- plique par un environnement économique difficile qui a exacerbé la concurrence au niveau tech- nologique et international. Le développement de stratégies d’innovation et d’internationalisation s’incorpore alors progressivement dans la stratégie des P.M.E. qui désirent se doter d’avantages compétitifs durables. Cette endogènisation est repérable par le fait que la maîtrise simultanée des variables d’innovation et d’internationalisation, comme source vitale d’avantages, tend à devenir une préoccupation majeure pour les P.M.E. qui ne peuvent plus l’ignorer en raison de ses retom- bées possibles sur l’ensemble des facteurs de compétitivité de l’entreprise. En effet, de nombreuses P.M.E. ont compris que la spécialisation des processus productifs et la variété croissante des de- mandes à l’échelle mondiale ont pour effet de diminuer notablement la taille critique et les avan- tages des effets d’échelle ouvrant ainsi à la P.M.E. de nouvelles aires de développement sur le mar- ché international en créant de nombreuses possibilités de se placer favorablement dans des niches technologiques (Bauer, 1984). Cette alternative, qui est à l’origine des avantages compétitifs les plus durables, est quasi incontournable notamment lorsque l’innovation est commercialisée sur un marché trop étroit, Ti Pc   
  • 9. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 8 comme le marché national, où le risque est alors grand de ne jamais atteindre, dans les temps, le seuil de rentabilité. Selon Creton (1986), le marché national d’une entreprise européenne qui lance un produit de haute technicité représente au mieux 5% du marché mondial. Ainsi, par exemple, pour nombre de P.M.E. françaises, la stratégie d’européanisation s’impose de plus en plus comme une nécessité compétitive dès lors que les investissements massifs en technologie appellent d’em- blée de larges débouchés. Dès lors, en dépit des risques évidents et relativement bien répertoriés liés à la simultanéité des stratégies d’innovation et d’internationalisation, il convient d’essayer d’analyser et de com- prendre la constante montrant que toutes les P.M.E. fortement internationalisées le sont pourtant le plus souvent grâce à une technologie ou à un ensemble de savoir-faire spécifiques, constamment renouvelés. Il est donc indéniable que l’innovation technologique pousse la P.M.E. à l’export et accroît l’export. Ainsi, grâce à des stratégies de leadership technologiques sur des créneaux très spécialisés, les P.M.E. peuvent s’affranchir d’une part importante des contraintes concurrentielles, même de la part d’entreprises de plus grandes taille, et atteindre avec succès la dimension interna- tionale. Des statistiques du S.E.S.S.I. rapportées par le Moniteur du Commerce International (1991), confirment que les deux tiers des P.M.E. très innovantes sont exportatrices contre un tiers seule- ment pour les P.M.E. les moins innovantes. De même, la croissance, sur cinq ans, de ces exporta- tions est de 60% pour les P.M.E. innovantes contre 16% pour les autres P.M.E. sur la même période. Dès lors, il ne semble pas y avoir de véritable stratégie internationale durable et sécurisée sans, à la base, de véritable stratégie technologique car l’aspect technologique, qui est le véritable nerf de la guerre économique de ces prochaines années, se diffuse sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise et concerne l’ensemble de ses domaines d’activité (El Madjeri, 1994). L’innovation est donc assurément un puissant catalyseur de l’internationalisation de l’entreprise ne serait-ce que pour répartir les importants frais fixes de recherche par augmentation des débouchés étran- gers1. Tout pareillement mais dans un ordre inverse, l’internationalisation, voire la mondialisation des marchés, est aussi assurément un catalyseur de l’innovation technologique ne serait-ce que pour adapter les produits aux différentes normes et autres spécificités des marchés nationaux. La nature et le sens des effets réciproques entre le développement des exportations et l’effort d’inno- vation sont complexes et propres à chaque entreprise. Une étude récente2 réalisée par le cabinet Mc Kinsey pour le compte du Ministère de l’Industrie révèle que les P.M.E. les plus innovantes et les moins soumises aux risques de marché sont celles qui ont la vision la plus précise de leur envi- ronnement concurrentiel et de la demande de leur marché national et international. C’est alors 1 La politique de niches technologiques conduit souvent la P.M.E. à une forte spécialisation qui entraîne alors une très fine segmentation du marché pour laquelle l’internationalisation est le moyen privilégié de répartition des coûts sur de plus grandes parts de marché. Cf. Porter (1985). 2 Rapportée par le M.O.C.I. (1991) n° 1004/1005.
  • 10. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 9 sous l’impulsion du marché que les P.M.E. les plus performantes déterminent principalement leurs stratégies et calculent leurs risques sur les plans de l’innovation et de l’internationalisation. Ainsi, le comportement innovant de la P.M.E., quand il existe, va nettement de pair avec la décision d’internationalisation (Reynaud, 1979). Le nouveau produit appelant un nouveau marché, et ce d’autant plus qu’aujourd’hui, le Marché commun aidant, le nouveau produit est généralement conçu dès l’origine en tenant compte de l’environnement des marchés internationaux. En ce sens l’innovation technologique dans la P.M.E. peut être considérée comme le meilleur moyen de suivre les évolution du marché (Julien et Jacob, 1993). Il semble donc, de nos jours, difficile de concevoir une stratégie d’innovation sans une stratégie d’internationalisation, et vice et versa ; c’est là encore l’un des derniers enseignements de l’étude « M.E.I. 92 » réalisée par le Cabinet Algoe-Management (1992) pour le compte du Ministère de l’Industrie. Cette étude révèle ainsi que plus les entreprises sont ouvertes à l’international et plus leurs « dépenses immatérielles » sont importantes. Les trois- quarts des P.M.E. fortement internationalisées appartiennent à la catégorie des « spécialistes de la technologie ». La corrélation entre la maîtrise de l’innovation et la maîtrise de l’internationalisation semble bien établie encore que le paysage des P.M.E. soit très diversifié et que les difficultés de gestion de la recherche-développement soient variables et inégalement résolues par ces entre- prises (Marchesnay, 1985). Cependant, pour une majorité des P.M.E., une politique d’innovation renforce généralement le dynamisme et les performances d’exportation et inversement. Enfin, nous rappelons encore que la confrontation directe avec l’offre et la demande inter- nationale assure une meilleure écoute du marché par la P.M.E. et ainsi un renouvellement plus rapide et plus efficace de sa gamme de produits. De plus, sachant que le marché international est encore souvent un marché de « gros » sur lequel une grande part de la concurrence est fondée sur des produits substituables et une guerre des prix, c’est au niveau de la capacité innovatrice de la P.M.E. que réside le sens le plus important de la couverture des risques de marché par la qualité d’une gamme de produits à haut degré de spécificité et de nouveauté. En effet, si la P.M.E. ne peut détenir dans son portefeuille d’activités que des produits indifférenciés, ne présentant aucun avan- tage comparatif, elle ne pourra certainement pas aligner la courbe de coûts que pourrait plus faci- lement obtenir une grande entreprise bénéficiant d’importantes économies d’échelle et ayant une capacité autonome d’innovation lui permettant d’agir indépendamment des forces du marché (Guilhon et Péguin, 1994). Sur des marchés étrangers où la pression des coûts et des prix est élevée, l’introduction de produits nouveaux et spécifiques est alors plus que souhaitable car elle permet un positionnement concurrentiel plus favorable, en termes de risques, et donc un renouvellement de l’avantage compétitif fondé sur la qualité, la fiabilité ou encore la performance. C’est pour cette raison que la technologie, dans les dimensions qu’elle occupe actuellement, est devenue le meilleur support du partenariat industriel et international surtout pour les P.M.E. qui sont de moins en moins en mesure de supporter seules les coûts induits par la transformation d’une idée en un pro- duit ou un procédé de fabrication nouveau (Geroski, 1992). Les temps de recherche en laboratoire
  • 11. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 10 ou en bureau d’étude sont de plus en plus longs et coûteux tandis que la rente technologique cons- tituée par l’exploitation industrielle de l’innovation est de plus en plus courte, aléatoire et entourée de risques divers (De Woot, 1988). Dès lors, la contrainte de temps devient un facteur de compéti- tivité central qui s’inscrit dans la notion d’anticipation par rapport aux marchés visés (Stalk, 1989). Notons, à ce sujet, que même les plus grandes entreprises ressentent le poids des dépenses en recherche et développement puisque, souvent, elles rentabilisent leurs frais technologiques en les « prêtant » aux P.M.E. Les entreprises engagées dans des dynamiques compétitives déterminées par les contraintes et opportunités que font naître les mouvements de l’évolution de la technologie ne peuvent véritablement échapper au processus de développement international. Les relations de coopération apparaissent alors de plus en plus centrales parce que ce sont elles seules qui peuvent rendre les P.M.E. influentes et innovantes par la mise en relation souple et dynamique de compé- tences distinctes mais complémentaires (Larab, 1995). Le développement de la P.M.E., sous l’angle de l’innovation et de l’internationalisation, doit aujourd’hui passer par une différenciation crois- sante des modes d’organisation traditionnels et par une transformation profonde des structures d’activité et des normes de travail pour aboutir à une économie relationnelle débarrassée des modes d’organisation cloisonné du cadre Taylorien. III - Innovation et internationalisation, un partenariat inévitable Au sein de la P.M.E. existe un gap profond entre la capacité réelle à générer des innovations et la capacité potentielle à les mettre en oeuvre. en effet, dans de nombreux cas, les P.M.E. détien- nent d’importantes idées d’innovation mais se heurtent à d’immenses problèmes lorsqu’il s’agit de les développer car elles doivent alors mobiliser de nombreuses ressources humaines, organisation- nelles ou financières qui leur font défaut le plus souvent. Une des causes principales de cette perte d’efficience des stratégies des P.M.E. réside dans le fait que, pendant longtemps, le schéma classique d’apprentissage de la firme a été un processus relativement lent car l’entreprise ne pouvait apprendre qu’au travers du développement de ses activités propres. Or, il semble que, aujourd’hui, il soit de plus en plus difficile à la P.M.E. isolée de s’en sortir seule valablement. L’un des phénomènes de fonds des stratégies de croissance des P.M.E. contemporaines réside certainement dans l’ouverture vers l’extérieur. C. Le Bas et E. Zusco- vitch (1993) affirment même qu’il n’existe plus, de façon durable, de firmes qui auraient recours à un apprentissage purement interne. Même les entreprises qui ne réalisent pas d’investissements importants dans l’innovation ou dans l’internationalisation ne peuvent se désintéresser totalement des informations ou des compétences externes qu’elles ne peuvent elles-mêmes produire.
  • 12. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 11 Le phénomène de collaboration apparaît alors de plus en plus comme un phénomène essen- tiel dans le processus de développement de la P.M.E. Aujourd’hui, il est de plus en plus clair que le processus d’ouverture de la P.M.E. sur son environnement extérieur, tant en termes de technolo- gies que de marchés, doit être conçu comme un réseau interactif d’informations et de communica- tions à l’intérieur comme à l’extérieur de la firme. On peut alors interpréter le partenariat interen- treprises comme un processus accéléré d‘absorption et de transformation par la P.M.E. d’informa- tions et de savoir-faire venant de l’environnement. C’est en ce sens que ce partenariat, en matière d’innovation ou d’internationalisation, est devenu un support d’apprentissage et d’accumulation de connaissances et de compétences beaucoup plus riche. L’étude de nombreux cas de succès ou d’échecs fait apparaître qu’un grand nombre de P.M.E. ont beaucoup de difficultés à réussir seules leurs opération d’innovation ou d’internationalisation et qu’elles sont conscientes que le partenariat est alors l’un des meilleurs moyens d’accroître ses chances. La raison principale en étant que la globalisation des marchés et l’accélération technologique conduisent à comprimer drastiquement le cycle de vie de l’innovation augmentant, en proportion inverse, les besoins en capitaux. Cette « révolution » des échelles de temps et de ressources dans les domaines d’activités des P.M.E. fortement innovatrices induit inévitablement une forte spécia- lisation et des stratégies de partenariat national et international. Le fait que les P.M.E. collaborent de manière croissante dans leurs activités de développe- ment soulève de nombreux problèmes opérationnels et stratégiques qu’une abondante littérature essaie de comprendre et de résoudre. M. Dogdson (1993) souligne, par exemple, que la difficulté principale réside dans la mise en oeuvre de la confiance entre firmes et la conduite habile du pro- cessus de collaboration afin de valoriser au mieux le potentiel qui en résulte.
  • 13. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 12 Bibliographie ALGOE-MANAGEMENT (1992) « Moyennes Entreprises Industrielles - 1992 », Ministère de l’Indus- trie. AYDALOT P. (1986) « Milieux innovateurs en Europe », Paris, GREMI. BAUER L.O. (1984) « Silicon Valley : anatomie d’une réussite », Communication à la journée d’étude ADI-CPE, 09 Mai. Cité par Creton (1986). BENETEAU J. (1979) « Efficacité et rentabilité de l’entreprise : contribution à l’analyse de la perfor- mance des firmes », Thèse de Gestion, Rennes I. CHEFFREY J.M. & DOREY F (1983) « Développement et gestion de produits nouveaux », Stratégie et Management, Juin. CRETON L. (1986) « Internationalisation : l’avance technologique ne suffit pas », Revue Française de Gestion n° 55. DE WOOT P. (1988) « Les entreprises de haute technologie et l’Europe », Economica, Paris. DEBRINAY G. (1990) « Les nouvelles lois de la compétitivité », Revue Harvard-L’Expansion, Prin- temps. DOGDSON M. (1993) « Learning, trust and technological collaboration », Human Relations, Vol. 46, n° 1, (p. 77-95). EISENHARDT K. (1989) « Building theories from case study research », Academy of Management Review, Vol. 14, n° 4, (p. 553-550). EL MADJERI D. (1994) ´ Joint-venture et innovation technologique : vers une alliance au niveau des compétences », Cahiers de recherche du Rodige n° 94/05, I.A.E. de Nice. GEROSKI P.A. (1992) « Vertical relations between firms and industrial policy », The Economic Jour- nal, (p. 138-147). GUILHON A. & B. & PEGUIN D. (1994) « Innovation et exportation : quelle compatibilité pour les P.M.E. ? », Revue internationale des P.M.E., Vol. 7, n° 2, (p. 85-103). JULIEN P.A. & JACOB R. (1993) « P.M.E. : bilan et perspectives », Economica, Paris. ??? (1991) « P.M.I. : l’innovation stimulant l’exportation », Le M.O.C.I. n° 1004/1005 des 23 & 30 Décembre. LARAB A. (1995) « Concurrent ou associé ? » Portée, limite et sécurité du partenariat international pour les P.M.E. » Cahiers de recherche du C3E, IAE de Nantes. LE BAS C. & ZUSCOVITCH E. (1993) « Apprentissage technologique et organisation : une analyse des configurations micro-économiques », Economies et Sociétés, Série Dynamique technologique et or- ganisation, W. n° 1, Mai. MARCHESNAY M. (1985) « La P.M.E. dans la crise : panacée ou pis-aller ? », Enseignement et Ges- tion n° 33. PETIT G. (1980) « L’information des P.M.E. en matière de transfert de technologie », Communica- tion au Vème journées nationales des I.A.E., Novembre. PORTER M.E. (1982) « Choix stratégiques et concurrence », Economica, Paris. PORTER M.E. (1985) « Competitive advantage : creating and sustaining superior performance », Free Press, New York.
  • 14. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 13 REYNAUD D. (1979) « L’ambition internationale », Revue Française de Gestion n° 22. RIBOUD A. (1987) « Modernisation, mode d’emploi », Rapport au Premier Ministre, Paris, 10/18, Union Générale d’Edition, 1987. ROUX E. (1991) « Les facteurs explicatifs de la décision d’exporter en P.M.I. : rôle de l’attitude du dirigeant envers le risque », Thèse d’Etat en Gestion, Aix-Marseille III (ou Montpellier ?). S.E.S.S.I., Ministère de l’Industrie (1990) « P.M.I. : chiffres-clés », Dunod, Paris. STALK G. (1989) « The next source of competitive advantage », Harvard Business Review, Juil- let/Août 1988, Traduction in Harvard L’Expansion, Hiver, (p. 97-110).
  • 15. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 14 DIVERS : C’est cette voie nouvelle qu’il convient d’analyser et certainement de choisir pour doper la P.M.E. en privilégiant la qualité et la variété des technologies et des marchés. Cette dichotomie des arguments explique bien, par exemple, que les entreprises innova- trices, s’intéressant de près ou de loin à l’internationalisation, ont eu longtemps pour dilemme prin- cipal la délocalisation ou la standardisation de leur production. Elles devaient, en effet, essayer de composer avec plusieurs logiques de production et de commercialisation : celles de la standardisa- tion, des automatismes et des économies d’échelle qui poussent à concentrer les moyens de pro- duction en un seul lieu et celles du marché qui poussent à la spécialisation, à la délocalisation et à produire sur place ce qui se vend sur place. Ce qui revient alors à inscrire le débat au coeur de la réflexion stratégique. En ce domaine, les échecs ou les succès fréquents des P.M.E. sont à la fois preuves des mul- tiples opportunités de création et des dangers de disparition précoce ; et, dans ce cas précis, la disparition est autant liée à la non réussite de l’introduction d’une innovation ou d’une internatio- nalisation qu’à la non-introduction d’actions d’innovation et d’internationalisation. La P.M.E. se trouve donc confrontée au choix entre deux risques majeurs et contradictoires : internationaliser le produit nouveau qui peut autant déboucher sur une réussite que sur une déconfiture totale ou ne pas internationaliser le produit nouveau qui peut alors déboucher sur une réduction du retour sur investissement et sur une érosion de la compétitivité commerciale. Ce second choix est souvent plus une situation de fait qu’une stratégie voulue par l’entreprise. Ce dilemme auquel étaient crucialement confrontées les grandes entreprises au début de leur internationalisation voilà quelques décennies se pose à nouveau avec une certaine acuité aux P.M.E. de cette décade. En effet, si l’on soustrait volontairement du débat l’argument objectif de la taille de l’entreprise comme l’un des facteurs explicatifs essentiels de l’engagement de la P.M.E.3 dans l’internationalisation et l’innovation, il est vrai qu’aujourd’hui, pour atténuer les risques de marchés, l’une des solutions au dilemme apparaît, de plus en plus, dans la réunion et la maîtrise conjointe, au sein de l’entreprise, de la compétence technologique et de la compétence commer- ciale internationale. L’étude de Cheffrey et Dorey (1983), reposant sur l’analyse des stratégies des P.M.E. pré- sentes à la fois dans des secteurs technologiques à forte complexité et dans un espace géogra- phique international à forte turbulence, confirme ce point de vue en montrant que les causes 3 S.E.S.S.I., Ministère de L’Industrie, 1990.
  • 16. Innovation et internationalisation : une conjonction de risques ou une conjonction d’atouts pour la PME ? ________________________________________________________________________ _________________________________________________________________________ 15 d’échec de l’innovation résultent prioritairement d’une insuffisance de réflexion stratégique en ma- tière d’adéquation commerciale du couple technologie/marché (Figure 1). Il convient dès lors de s’in- terroger et de tenter de détermi- ner dans quelles mesures cette stratégie, constitutive à l’origine d’une forte conjonction de risques peut, dans certains cas, devenir une conjonction d’atouts dans la réalité quotidienne de ces entre- prises. La réponse à cette problé- matique est cependant difficile à cerner dans la mesure où le binôme innovation-internationalisation ne saurait en aucune sorte être considéré comme une simple donnée ponctuelle car il est avant tout le résultat d’un processus d’apprentissage stratégique graduel et réfléchi de développement de la P.M.E. Type de déficience (Multiréponses) Gravité et fréquence (en %) Forte Moyenne Total Stratégie marketing Gestion Vente Ingénierie R. & D. Ressources finan- cières Production 21.6 9.0 13.5 8.2 7.3 5.5 4.5 43.2 42.1 32.4 32.7 30.0 17.3 15.3 64.8 51.1 45.9 40.9 37.3 22.8 19.4 Figure 3: Principales causes d’échec des produits nouveaux.