Les États arriveront-ils à réglementer la blockchain ? Même si elle semble être avant tout une révolution technologique, elle est aussi éminemment politique.
Les Echos - Une distribution physique traditionnelle sous pression
JDN - La blockchain et la loi sont-elles compatibles ?
1. La blockchain et la loi sont-elles compatibles ?
Les États arriveront-ils à réglementer la blockchain ? Même si elle semble être avant
tout une révolution technologique, elle est aussi éminemment politique.
Au cours de la dernière décennie, les technologies de algorithme n’ont cessé de s’étendre et
soulèvent des questions sur la relation entre le droit et la technologie. Elle est considérée
comme la "nouvelle révolution technologique" de notre siècle. On peut ainsi dresser le
parallèle entre celle-ci et l’invention du protocole TCP- IP au milieu des années 90 qui est à
l’origine d’Internet. Mais elle va au-delà de la révolution technologique car elle s’inscrit dans
une véritable révolution anthropologique. Elle permet en effet de faire à la transaction ce
qu’Internet a fait à l’information, grâce à sa capacité à certifier des transactions de manière
décentralisée.
Le principal bénéfice de la blockchain est qu’il élimine ainsi le besoin de confiance entre
individus qui interagissent entre eux. Cet atout peut notamment servir pour les échanges
commerciaux entre des individus ou des organisations qui ne se connaissent pas et qui ne se
font pas confiance en amont. Elle offre ainsi un large éventail d'utilisations tels que la
vérification de l'identité, l'enregistrement de tout type de propriété, à savoir l'immobilier ou la
propriété intellectuelle, l'automatisation du processus contractuel ou les transferts de fonds
quasi instantanés.
Blockchain, c’est quoi ?
La technologie de la blockchain est apparue en octobre 2008 dans le cadre d’une offre de
monnaie virtuelle, le bitcoin, et était la solution adoptée pour garantir un enregistrement
sécurisé et précis des transactions sur un réseau peer-to-peer. Il s'agit là d'une technologie
décentralisée ou d'un registre d'informations ouvert qui est vérifié et distribué sur un réseau
peer-to-peer. Chaque transaction ou bloc est enregistré sur la blockchain. Une transaction ne
Chronique de Bruno Bonechi
PwC Digital Services 20/04/19 20:35
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2. peut être ajoutée à la blockchain que si elle est vérifiée et validée par chaque serveur ou
ordinateur participant, appelée "nœud". Si un nœud ne valide pas la transaction, elle sera
rejetée de la blockchain. Le processus de validation consiste en des nœuds résolvant un
algorithme très complexe.
Une telle technologie offre une garantie de sécurité. En effet, si une transaction a été modifiée
ou si elle est frauduleuse, les nœuds ne valideront pas la transaction et celle-ci ne sera pas
ajoutée. En outre, une fois qu'un bloc a été ajouté à la blockchain, il ne peut plus être modifié
et le piratage de la technologie de la blockchain est hautement improbable compte tenu de sa
cryptographie complexe et du volume de ses nœuds et de ses blocs. Cette technologie
garantit ainsi une base de données sécurisée, imprenable et auto- entretenue.
Les inconvénients de la blockchain
La principale préoccupation concerne le nombre limité de transactions pouvant être traitées
par heure. Sa puissance de traitement colossale implique un certain délai qui peut poser
problème pour les transactions où la rapidité est essentielle.
De plus, bien souvent dans le cadre des interactions humaines, les individus ressentent tout de
même l’envie de savoir qu’ils peuvent faire confiance à autrui. Dès lors pour des applications
plus sociales, ou qui impliquent des relations humaines, il semble nécessaire de développer
au-dessus de la blockchain une nouvelle couche, un nouveau protocole, qui va permettre de
gérer les relations humaines et donc de réintroduire cette confiance.
Il faut aussi se méfier des phénomènes de type "hype, dont on est sans doute un peu victime.
Aussi, si l’on regarde la courbe du Gartner, selon laquelle les innovations à la mode
connaissent d’abord une phase d’emballement médiatique très rapide, jusqu’à atteindre un
pic où les attentes sont exagérées, avant une phase décroissante de désillusion, pour
finalement atteindre une phase de développement plus lente mais progressive et solide, avec
des produits de deuxième génération vendus sur un marché devenu plus mature.
Cela étant, le potentiel de la blockchain reste entier. Elle change la nature des choses en
rendant les échanges plus horizontaux. Elle forgerait ainsi une société horizontale, se passant
d’organes de tutelle et de contrôle.
Blockchain et loi
D’un point de vue juridique la blockchain n’est pas un long fleuve tranquille et des
problèmes juridiques essentiels se posent lorsque l'on envisage le développement et
l'adoption de celle-ci. Elle soulève deux problématiques essentielles que sont les questions de
responsabilité et de régulation.
3. L'une des questions juridiques fondamentales concerne la compétence et le droit applicable.
Les nœuds sont dispersés à travers le monde et la loi régissant les relations contractuelles peut
être difficile à identifier. Comment alors gérer le cas où des organisations seraient utilisées
pour des fins illicites ? Qui est responsable pour les activités d’une organisation qui n’a pas
d’administrateur ? Or, le problème est double car ces créateurs sont bien souvent anonymes et
plus encore, même si l’on parvient à identifier ces créateurs, cela ne permettrait pas de
bloquer les opérations de ces organisations puisque celles-ci agissent de façon complètement
autonome au sein de la blockchain.
S’agissant de régulation, la blockchain suscite des espoirs car elle est aussi vue comme une
technologie capable d’échapper aux règles actuellement en vigueur et à la domination des
États. Son caractère exécutoire des contrats intelligents, qui sont des contrats blockchain
exécutés automatiquement lors d’une occurrence. Ils fonctionnent comme des contrats
d’auto-exécution même s’ils ne sont pas nécessairement des contrats au sens de la loi. Encore
plus que sur Internet, le code fait désormais effet de loi, "Code is Law – Lawrence Lessig".
Non seulement le code peut dicter l’architecture qui nous entoure, mais il peut désormais
créer des relations contractuelles et de nouveaux cadres techno-juridiques indépendants du
monde physique. Aussi, chercher à réguler la blockchain avec des règles traditionnelles serait
risqué car cela pourrait limiter voire éliminer son potentiel.
Blockchain et protection des données
Une blockchain étant définie comme un registre de transactions inviolable, distribué,
vérifiable par tous et fondé sur un consensus, il s’ensuit que les transactions enregistrées dans
une blockchain sont censées être inaltérables et donc inamovibles. Bien qu'il soit possible
d'annuler une transaction au moyen d'une transaction opposée, il n'est pas possible de
supprimer une transaction.
Pourtant, le RGPD prévoit un droit d'effacement. Le règlement n°2016/679 autorise
uniquement le transfert de données à caractère personnel vers des pays offrant un niveau de
protection similaire à celui de l'Union. Il est donc légitime de s'interroger sur la compatibilité
de la définition de la blockchain avec le règlement général sur la protection des données du
27 avril 2016. Comment peut-on alors certifier cela ? Un réseau de blockchain privé peut être
un moyen de garantir le respect de la réglementation.
Et demain ?
4. Pour que la blockchain prospère, nous devrons réduire les obstacles juridiques et
réglementaires à son adoption et modifier les cadres existants susceptibles de la restreindre. Il
semble improbable que nous puissions nous astreindre des réglementations existantes, mais
espérons que nous puissions adapter ce qui doit être adapté en conséquence.
Car en dépit de ces obstacles et de leurs implications légales délicates, les technologies liées à
la blockchain continuent de croître et constituent une solution séduisante pour de nombreuses
entreprises. Bientôt tout sera affecté par les technologies de la blockchain, mais ce sont ces
premiers secteurs qui seront d’abord touchés : services financiers, services gouvernementaux,
soins de santé, marchés de l'énergie, chaînes d'approvisionnement, produits intelligents et
commerce mondial.
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