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Au cœur des marchés
Les BRIC, c’est chic ?
Michel Juvet
Analyste financier et membre du comité de direction de Bordier & Cie
Lundi 11 octobre 2010
L es pays développés ont
une balance commerciale
déficitaire avec le Brésil, la
vertueux, grâce à l’arrivée
massive de capitaux étrangers.
Peut‐on pour autant en dé‐
supérieures aux importations
de produits américains et eu‐
ropéens réalisées par les BRIC.
Russie, l’Inde et la Chine et leur duire que le monde émergent Le résultat est que les pays
donnent ainsi plus de crois‐ est cette nouvelle puissance occidentaux ont toujours une
sance qu’ils n’en reçoivent. Un mondiale qui permettra au balance commerciale défici‐
ajustement serait souhaitable monde occidental de survivre, taire avec les BRIC et qu’ils
de rembourser ses dettes et de leur donnent ainsi plus de
La crise financière a mis en retrouver de la croissance? croissance qu’ils n’en obtien‐
relief les disparités importan‐ Certes, les BRIC (Brésil, Russie, nent de leur part. Même si les
tes qui coupent dorénavant le Inde, et Chine) importent de classes moyennes qui appa‐
monde en deux parties. D’un plus en plus de produits. Leurs raissent dans le monde émer‐
côté le monde occidental, grevé importations de produits occi‐ gent consomment et importent
de dettes publiques et privées, dentaux ont ainsi été multi‐ de plus en plus, les économies
dont les valeurs approchent les pliées par 4 depuis 10 ans et émergentes ne sont pas encore
100% du PIB. Un monde, donc, ont donné un souffle certain à les locomotives de la crois‐
qui soit réduit ses dépenses nos exportateurs. Mais deux sance occidentale. A moins que
mais risque alors les paralysies phénomènes ne doivent pas l’ajustement espéré ne soit
sociales et l’anémie économi‐ être oubliés. D’une part, les provoqué par les taux de
que, soit ne fait rien et est importations entre BRIC eux‐ change… et dans cette straté‐
soumis aux grèves des créan‐ mêmes ont été multipliées par gie, l’Amérique nous démontre
ciers, qui le déstabilisent finan‐ 7 fois pendant la même pé‐ encore une fois ses compéten‐
cièrement. De l’autre côté, le riode, signifiant que ces pays ces néfastes. Mais le seul chan‐
monde des pays émergents sont en train de créer entre eux gement de parité qui aurait un
dont le PIB a déjà souvent dé‐ une zone de croissance indé‐ effet multiplicateur d’ajuste‐
passé le niveau d’avant la crise pendante du monde occidental, ment bénéfique concerne le
financière, mais qui est peu au développement encore plus yuan. Mais quand, bon sang, la
endetté en termes publics ou rapide. D’autre part, il faut se Chine se réveillera‐t‐elle et
privés (dont les valeurs sont souvenir que les importations comprendra‐t‐elle qu’il vaut
largement en dessous de la de produits en provenance des mieux réévaluer sa devise que
ligne des 100% du PIB), et qui BRIC, par l’Europe et les Etats‐ recycler ses réserves monétai‐
semble bénéficier d’un cercle Unis, sont deux fois et demie res dans nos dettes publiques?
Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 11 octobre 2010 1/1