1. HEM – Rabat
Université Citoyenne
Le modèle de développement
de l’économie marocaine,
Est-il porteur d’émergence?
Najib Akesbi, IAV H2
Rabat, 24 Janvier 2015
2. En guise d’introduction:
C’est quoi l’émergence?
Le concept apparaît dans les années 80
(marchés émergents…)
On appelle Pays émergents ceux ayant un PIB < à
celui des PD, mais qui connaissent une
croissance économique rapide, et dont le niveau
de vie ainsi que les structures économiques
convergent vers celles des PD (au double niveau
quantitatif et qualitatif (complexification /
diversification de l’économie et de la société, en
rupture avec l’ancien modèle…)
3. En guise d’introduction:
C’est quoi l’émergence?
Critères pour définir les pays émergents:
1. Revenu intermédiaire en ppa / hab compris
entre 10 et 75% du revenu moyen de l’UE
2. Croissance et rattrapage économique
(croissance > moyenne mondiale pendant plus
d’une décennie…)
3. Transformations institutionnelles et ouverture
économique (changements profonds accentuant
l’intégration à l’économie mondiale)
4. En guise d’introduction:
Défis de l’émergence?
Les Défis que doit gagner le Maroc pour devenir
« émergent » (selon le ministre Seddiki):
Réussir l’Education, formation, recherche…
Limiter le déficit du Commerce extérieur
Réhabiliter la valeur du travail face à la rente
Crédibiliser le Politique…
Appréhender le temps en facteur de production
5. Plan
En guise d’introduction: C’est quoi l’émergence?
1. Des choix et des politiques cinquantenaires
1. Où en sommes-nous aujourd’hui?
3. Des choix ratés et des paris perdus
4. La gouvernance, obstacle au développement
En guise de conclusion: De l’urgence des grandes
réformes
6. 1. Des choix et des politiques
cinquantenaires
Dès le « tournant » du début des années 60 (règne
de Hassan II, crise financière et missions FMI-BM
de 1964…), les plans de développement du pays
marquent de nouveaux choix stratégiques majeurs:
L’agriculture plutôt que l’industrie
L’industrie « légère » plutôt que l’industrie
« lourde »
La « formation des cadres » plutôt que l’éducation
généralisée
Le tourisme et l’investissement étranger…
7. 1. Des choix et des politiques
cinquantenaires
Ces choix stratégiques, sans cesse confirmés
et confortés depuis, reposent sur deux
piliers et procèdent d’un double pari:
1.Le cadre de l’économie de marché et le
rôle moteur du secteur privé
2.L’intégration au marché mondial et le
modèle de « croissance tirée par les
exportations »
8. 1. Des choix et des politiques
cinquantenaires
les priorités sectorielles sont peu à peu affinées pour
mieux s’inscrire dans le cadre du double pari
« privé / export »:
La priorité à l’agriculture devient celle de
l’agriculture d’exportation;
La préférence pour l’industrie « légère » évolue
vers les segments de sous-traitance
internationale;
La bienveillance pour le secteur privé se focalise
plus sur l’aménagement des conditions favorables à
l’essor de ce dernier qu’à la « qualité du marché »…
9. 1. Des choix et des politiques
cinquantenaires
Au service de ces choix stratégiques, l’Etat a
mobilisé des ressources et des moyens
considérables tout au long des quatre
dernières décennies…
Des ressources matérielles et humaines à
travers des politiques publiques multiples
et variées, structurelles et conjoncturelles,
transversales et sectorielles, globales et
partielles, économiques, sociales et
financières, voire culturelles…
10. Moyens et politiques mobilisés
Infrastructures de soutien au secteur privé: barrages,
ports & aéroports, autoroutes, zones et parcs industriels…
Marocanisation puis privatisations et gestion déléguée…
Codes d’investissements puis Charte d’investissements:
privilèges fiscaux, subventions, primes, taux d’intérêts
bonifiés… Plus généralement une politique fiscale favorable
aux profits, aux hauts revenus et aux grandes fortunes
Subventions à la consommation autorisant une pression sur
le niveau des salaires
Politique d’ajustement structurel: Libéralisation des
marchés et des prix, libéralisation des échanges extérieurs,
déréglementation, dérégulation…
Accords de libre-échange…
Plans sectoriels, assortis de soutiens publics conséquents…
11. 2. Où en sommes-nous aujourd’hui?
O
Globalement:
Une croissance encore faible
et volatile
Un développement humain médiocre
12. Où en sommes-nous?
Un PIB par tête encore faible ($/tête, 2009-2013)
Chili 15 732
Turquie 10 946
Malaisie 10 514
Thailande 5 779
Algérie 5 361
Jordanie 5 214
Tunisie 4 329
Egypte 3 314
Maroc 3 109 -
Malawi: 226 $/h; Luxembourg: 111 162; Suisse: 80 477 $
13. Une croissance faible et volatile
Evolution du PIB et contribution du PIBA
-10
-5
0
5
10
15
1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013
15. C.A.E
Source: Rapport FAB - CAE
TauxdecroissanceréelduPIB/HabitantnécessaireauMarocpouratteindre
unPIB/habitantde:
Horizondetemps US12.000 US$15.000 US$18.000
20ans 7,50% 8,70% 9,70%
25ans 5,95% 6,90% 7,69%
30ans 4,94% 5,72% 6,36%
Le taux de croissance nécessaire…
16. Où en sommes-nous?
Un IDH toujours défavorable
R Pays IDH PIBppa (2013)
1. Norvège 0.944 63 909 $/h (ppa)
41. Chili 0.822 20 804 -
62. Malaisie 0.773 21 824 -
69. Turquie 0.822 18 391 -
77. Jordanie 0.745 11 337 -
89. Thaïlande 0.722 13 364 -
90. Tunisie 0.721 10 440 -
93. Algérie 0.717 12 555 -
110. Egypte 0.682 10 400 -
129. Maroc 0.617 6 905 -
Source: Rapport du PNUD, 2014
17. Où en sommes-nous?
A cet état de fait s’ajoutent aujourd’hui au
moins trois menaces qui raisonnent comme
des « bombes à retardement »:
Les dégradations environnementales
Les inégalités sociales et spatiales
L’endettement public
18. Où en sommes-nous?
Des ressources naturelles limitées et de plus
en plus menacées:
Des terres cultivables réduites, d’où une forte
pression sur la terre…
Des ressources hydriques en baisse continue (Stress
hydrique, pénurie hydrique?)
Désertification, érosion et salinisation des
sols, déforestation, perte de biodiversité…
Pollutions de toute sorte…
Littoralisation…
Et par dessus tout, le changement climatique…
19. Où en sommes-nous?
Inégalités sociales et spatiales
Qu’en dire après la reconnaissance au plus haut
sommet de l’Etat, durant l’été dernier?
On peut se contenter des images de dénuement absolu
qui nous parviennent ces derniers jours à travers
nos écrans de télévision des régions reculées du
pays… et qui dispensent de tout autre artifice
statistique!
On peut tout de même se limiter à rappeler cet autre
indicateur très significatif:
Le partage de la valeur ajoutée…
20. Partage de la valeur ajoutée
Salaires; 34,6
EBE & RMB;
64,4
Autres; 1
Source: HCP
21. Où en sommes-nous?
Inégalités régionales:
4 régions sur 16 créent environ la moitié de la
richesse nationale, soit 48,9% du PIB en valeur
Le Grand Casablanca: 19,8%;
Région de Rabat: 12,0%;
Chaouia: 8,8%;
Marrakech-Tensift-Al Haouz: 8,3%.
Source: HCP
22. Où en sommes-nous?
Endettement public…
Est-ce un éternel recommencement, les mêmes causes
continuant toujours de produire les mêmes effets?
Toujours est-il que le processus est connu:
… Carence fiscale, déficit budgétaire…
… Défaut de réforme…
… Recours à la solution de facilité qu’est l’emprunt…
… Accentuation de la crise…
… Recours encore plus massif à l’endettement…
… Endettement qui ne permet que le remboursement
de la dette accumulée… Piège de la dette…
23. Part des recettes fiscales dans le
financement des dépenses du BGE
1980 - 2015
60% 63%
85%
79% 82%
70% 66%
60% 60% 59% 58%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2012 2013 2014 2015
Part des recettes fiscales Part des recettes non fiscales
25. Dette publique totale (Mds DH)
0
100
200
300
400
500
600
Dette ext
Dette
Dette totale
26. La dette publique aujourd’hui
La dette publique devrait atteindre fin 2014:
730 MdDh, soit 81% du PIB
Autant par tête, soit près de
22.000 Dh /hab
Et près de 4 années de recettes
fiscales…
27. Dette et service de la dette
Au niveau du BGE: l’impasse?
Emprunts nouveaux: 66 MdsDH, soit 25%
des recettes du BGE
Service de la dette: 68 MdsDH, soit
21% des dépenses du BGE
Par rapport aux 185 Mds de recettes
fiscales attendues:
Le service de la dette en représente 37%
Et les nouveaux emprunts en représentent
36%.
28. Pourtant, une économie
qui ne manque pas d’atouts…
Une position géostratégique enviable
Une proximité de l’Europe utile
Des ressources et des atouts naturels
potentiellement intéressants (Diversité des
écosystèmes, biodiversité, deux façades
maritimes de 3500 Km, sites touristiques…)
Ressources humaines et savoir-faire porteur
d’espoir…
Stabilité politique relative, profondeur
historique, patrimoine culturel…
Alors Pourquoi ?
29. 3. Des choix ratés
et des paris perdus
Pourquoi ?!
… Principalement parce que les choix stratégiques
ont été ratés et les paris ont été perdus…
Car 50 ans après, Le résultat est pour le moins
paradoxal:
3.1. C’est l’Etat et non le secteur privé qui reste
le moteur de l’investissement
3.2. Au lieu de « promouvoir » la croissance, le
commerce extérieur « plombe » la croissance
Le tout dans le cadre d’une « gouvernance »
contreproductive…
30. 3.1. Une économie de marché?
Le «privé», moteur du développement?
Une économie de marché?
La rente, ou l’entente – et non la concurrence-
restent prédominantes dans de nombreux secteurs
clés de l’économie:
Transport Voyageurs;
Marchés de gros des fruits et légumes;
Exploitation de ressources naturelles: Carrières de sables, pêche
hauturière, eaux minérales, forêts…;
Services publics en gestion déléguée: eau, électricité, assainissement...
Terres et propriétés de l’Etat: Fermes Sodea-Sogeta, Zoo de Rabat…
Monopoles & oligopoles: Sucre, huile, engrais, semences…
Banques et Assurances
Télécoms…
Hydrocarbures / caisse de compensation…
31. 3.1. Le «privé»,
moteur du développement?
Le secteur privé, moteur de l’investissement?
Les faits montrent que le principal moteur/acteur de l’investissement est
l’Etat ainsi que ses Etablissements publics, et non le secteur privé!
Alors que le taux d’investissement a sensiblement augmenté, c’est surtout
la part de l’Etat qui s’est fortement accrue, de 10 à 20-22%, alors que
la part du secteur privé a fortement baissé, retrouvant son niveau
antérieur, autour de 12-13%...
Ainsi, en 2013, et selon les calculs, la part « publique » dans la FBCF
atteint entre 55 et 70%...
Cela ne veut pas dire que la part du secteur privé national soit comprise
entre 30 et 45%, puisque cette proportion comprend aussi
l’investissement privé étranger…
(Sur la base d’une moyenne d’IDE de 23.5 MdDh entre 2002 et 2012, il faudrait retirer encore
plus d’un quart à la part ainsi calculée…)
32. Evolution de la FBCF, et des
investissements publics et privés
0
50
100
150
200
250
300
FBCF
Invest
Public
Invest Privé
MdDH
34. Part de l’investissement public
dans l’investissement total (en %)
0
10
20
30
40
50
60
70
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
35. 3.1. Le «privé»,
moteur du développement?
Le taux d’investissement a augmenté certes, mais le problème
est au niveau du contenu et de la nature des investissements
en question… les choix sont-ils pertinents, efficaces et
équitables?
Ces investissements répondent-ils à des besoins prioritaires
de la société? Sont-ils bien étudiés pour être efficients?
N’y a-t-il pas un certain « effet d’éviction » par rapport à
d’autres investissements?
Quel est leur coût d’opportunité?
Formation, recherche, santé, innovation…
Quel impact sur la croissance? Paradoxe entre le taux
d’investissement (TI) et le taux de croissance (TC): Alors que
le premier a augmenté de plus de 10 points (à près de 35%), le
second stagne entre 3 et 5%...
36. Evolution du taux d’investissement
et du taux de croissance (du PIB)
0
5
10
15
20
25
30
35
40
45
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Tx
d'investissement
Tx de
croissance
37. 3.1. Le «privé»,
moteur du développement?
Le secteur privé, créateur d’emplois?
Chômage: 9-10% ? Avec 14-15% en MU et 3-4% en MR!...
Femmes en MU: 20%
Diplômés chômeurs: 17.2% (18.6 en MU)
Près de 30% des actifs occupés n’ont pas ou trop peu de
rémunération (encore plus en milieu rural…)
Baisse de la capacité de l’économie à créer des emplois
rémunérés: 137.000 créations d’emplois en moyenne entre
2000 et 2013… Quand 180.000 demandeurs d’emplois
arrivent chaque année sur le marché du travail, et selon le
Ministre de l’emploi, il faudrait « créer 300.000 emplois par
an pour faire face au chômage » (Seddiki, Challenge,
25.04.2014)
Les pertes d’emplois ont concerné l’industrie, et les créations les
services et le BTP (87% des créations en 2002-2003)
39. Evolution de la croissance économique et
de l’emploi entre 1999 et 2013
40. 3.2. La croissance « tirée »
par le commerce extérieur?
Alors que le Maroc est largement ouvert…
• Est membre actif de l’OMC
• En Accords de Libre-échange avec 56 pays:
UE, USA, «Agadir», Ligue Arabe…
• Baisse sensible et régulière des droits de douane…
Les déficits restent très lourds (2013):
• Déficit BC: 195 Mrds de DH, soit 22.4% du PIB
• Taux de couverture des Exports/Imports: 48.6%
• Déficit BP: 7.6% du PIB
La relative «amélioration» de 2014 est due à la
double baisse de la demande intérieure et des
cours mondiaux…
47. Sommes-nous encore un pays exportateur?
70% des exports: Admissions temporaires…
Seules 30% des exports sont « réelles »
Selon le Ministre du Commerce extérieur=
On compte à peine 5000 entreprises
exportatrices, dont seules 467 ont des activités
régulières à l’export et dans 91% des cas, leur CA
n’atteint pas 50 MDH
Quant à l’offre exportable, elle ne dépasse pas 86
produits…
En 1998, 80% de la valeur des exportations globales
émanait de 3.5% seulement des produits exportés…
En 2012, ce taux est tombé à 2.9%
51. 4. La gouvernance,
obstacle au développement
Une « gouvernance » contreproductive…
Les choix économiques stratégiques sont pris sans
concertation et posent donc un problème de
légitimité
Ils sont mis en œuvre dans la dilution des
responsabilités
Ils ne font l’objet ni de contrôle ni de sanction en
cas de manquement, donc de redevabilité…
Légitimité – Responsabilité – Redevabilité
52. 4. La gouvernance,
obstacle au développement
Légitimité – Responsabilité – Redevabilité
C’est cette équation qui fait du Système politique du
pays un véritable obstacle au développement
économique du pays
On peut se tromper, mais le fait qu’il n’existe aucun
mécanisme de redevabilité capable de corriger les
erreurs et tirer les leçons de l’expérience,
condamne le pays à répéter indéfiniment les
mêmes erreurs, se tromper de stratégies,
accumuler les échecs…
Les mêmes causes produisant les mêmes effets…
53. En guise de conclusion:
De l’urgence des grandes réformes
Depuis le Rapport du Cinquantenaire au moins, le
Diagnostic est fait et nous savons dans quel sens
doivent aller les réformes véritables… Il reste la
volonté politique pour les mettre en œuvre.
Au cœur des réformes, celles du système de
gouvernance, politiques, économiques…
Il faut arrêter une stratégie à partir d’une vision
largement partagée, mettre en place les
Institutions aptes à l’appliquer, et le système
capable de la suivre…
54. A titre indicatif,
les réformes à l’ordre du jour…
Education – Justice – Administration
Economie de rente
Caisse de compensation
Système de retraite
Système fiscal
Plans sectoriels
ALE…
Etc., etc., etc…
Il reste à mettre en place le « Système de gouvernance »
capable de conduire à terme ces réformes…
55. En guise de conclusion,
Cette interrogation de Hassan El Fad,
pleine de bon sens, à méditer…