1. LE POTENTIEL DES INDICATIONS GEOGRAPHIQUES AU
CAMEROUN ET LEUR STRATEGIE DE DEVELOPPEMENT
Par
MESSA Petit Albert Bernard
Coordonnateur du Secrétariat Technique du CONAPIG; Point Focal National des IGP
MINADER
OAPI, le 16 mai 2017
2. Plan
Introduction
Construction des IG au Cameroun
Description sommaire des deux premières
IGP du Cameroun
Gestion des indications géographiques au
Cameroun
Perspectives
Conclusion
3. 1. Introduction
L'histoire montre que l'usage de désigner des produits du terroir avec le nom du lieu
de leur production ou de leur fabrication est très ancien au Cameroun.
Ces produits ont souvent un lien étroit avec la région considérée, plusieurs raison ont
souvent justifié lien(leur histoire, de l'influence du milieu géographique local sur les
conditions de production et de transformation, ou encore du savoir-faire particulier
mis en œuvre dans les étapes de production et d'élaboration)
Ici, ces produits ont un nom et une réputation qui inspirent la confiance ; ils sont
reconnus par certains commerçants et certains consommateurs. On se déplace
spécialement pour pouvoir les acheter. Les connaisseurs affirment que l'on ne peut
pas obtenir le même produit ailleurs.
Une meilleure identification de ces produits remarquables qui font partie du
patrimoine agricole, alimentaire ou artisanal local est donc souhaitable en vue de
mieux valoriser cette ressource cachée du développement rural.
Mais, pour que les producteurs et leurs régions en tirent un meilleur avantage, il y a
un besoin également, au-delà de cette connaissance, d'une meilleure reconnaissance
capable d’assurer une protection juridique de ce nom.
4. 2. Construction des IG au Cameroun
Fort de sa position géographique lui conférant des atouts indéniables dans les
domaines agronomiques et artisanaux, le Cameroun regorge d’une grande diversité
de produits agricoles et pastoraux dont la qualité est liée à leur origine
géographique, qui font sa fierté. Pour cette raison principale et bien d’autres, il a
été choisi comme pays pilote lors de la première phase du PAMPIG
Avec l’appui de l’OAPI, de l’AFD et du CIRAD le Cameroun s’est donc engagé dans la
démarche IG de 2010 à 2014.
Cette 1ère phase a permis la construction, l’enregistrement et la reconnaissance de
deux produits comme indications géographiques protégées faisant de notre pays le
leader dans ce domaine en Afrique sub-saharienne avec deux produits enregistrés
comme indication géographique sur les trois existants à ce jour à l’OAPI à savoir : le
Poivre de Penja et le Miel Blanc d’Oku.
Ces produits connaissent aujourd’hui un succès sans pareil au niveau des différents
marchés. Le prix du kilogramme de Poivre blanc de Penja est passé de 3000 FCFA en
2013 à 16000 FCFA aujourd’hui bord champ et celui du miel blanc d’Oku de 1500 à
4000 FCFA.
5. 3. Description sommaire des deux
premières IGP du Cameroun
3.1. Le poivre de Penja
La petite localité de Penja doit sa notoriété grâce à l’un des produits de son terroir ; le
poivre dont le nom lui a été associé. Elle est la zone dans laquelle les premières plantations
de poivre ont été développées avant d’être vulgarisé dans toute l’aire géographique.
L’aire géographique de production du poivre de Penja dispose des meilleures terres, grâce à
la composition de son sol volcanique et bénéficie d’un climat adapté, qui fait de cette région
un lieu privilégié pour toutes les cultures, plus particulièrement du poivre.
Celui-ci s’épanouit merveilleusement et puise une saveur sans pareil en ce sol
particulièrement riche et équilibré. Raffiné et puissant, il flatte les narines et apporte au
palais une présence chaude et ronde. Il révèle les mets simples comme les plus délicats. Le
poivre de Penja est cité comme étant l’un des meilleurs poivres épicés et l’un des plus rares
du monde. Ce voyage va vous conduire à la découverte des terres de Penja et à la rencontre
des hommes et femmes qui dans la tradition de leur terroir, produisent et travaillent ce
merveilleux poivre blanc de Penja.
Au total, 300 tonnes de poivre ont été produits en 2015. 60 à 70 % de cette récolte ont été
écoulés sur le marché local. Le reste a été exporté à l’étranger, plus particulièrement en
Europe où ledit poivre connait une inflation étonnante. Au total, on peut affirmer que le
Poivre de Penja est aujourd’hui exporté aux quatre coins du monde, du Japon à l’Afrique du
Sud, en passant par l’Allemagne ou les Émirats arabes unis.
6. 3.2. Le miel blanc d’Oku
Dans le nord-ouest du Cameroun, au coeur de la forêt Kilum Ijim sur le Mont Oku, des
apiculteurs produisent l'un des meilleurs miels au monde, le Miel blanc d'Oku.
Sa production est un vecteur de préservation de l’environnement et d’équité sociale. Fruit d'un
savoir-faire ancestral spécifique à cette zone montagneuse et d'un écosystème unique, le miel
dʹOku est produites selon une méthode très spécifique; les ruches, faites de matériaux naturels,
sont colonisées dans la vallée puis déposées à une étape intermédiaire pour que le abeilles
s'acclimatent. Puis elles sont transportées à pied à plus de 2600m d’altitude, au milieu
d'essences précieuses et variées.
Justement, à Oku, la valorisation de l'apiculture avec des méthodes raisonnées est un vecteur
essentiel de préservation de la forêt Kilum-Ijim, fragilisée par des feux de brousse, du
braconnage d'espèces rares, des chèvres indisciplinées qui mangent les jeunes pousses. Plus les
villageois récoltent les fruits du miel blanc d'Oku, plus ils sont incités à protéger l'écosystème
unique dont il est issu.
Certes le miel blanc d'Oku et le poivre de Penja, labellisés IGP, représentent une goutte d'eau
dans la politique agricole du Cameroun centrée sur l'export massif de la banane et du cacao.
Mais dans ce pays où l'agriculture représente 22% du PIB, fait vivre 2 personnes sur 3 mais
manque d'attrait auprès des jeunes, diversifier les approches et valoriser le monde rural est un
enjeu majeur.
7. 4. Gestion des indications géographiques
au Cameroun
La gestion des Indications Géographiques Protégées est assuré par le
Comité National de Promotion et de Coordination des Indications
Géographiques au Cameroun créé par arrêté N° 029/PM du 31 mars
2016 du Premier Ministre, Chef du Gouvernement.
Sa mission est d’œuvrer pour l’identification, la reconnaissance, la
promotion et la défense des indications géographiques au Cameroun.
Il est présidé par le MINADER et la vice-présidence est assurée par le
MINMIDT. Il est composé par 16 membres dont 11 départements
ministériels, l’agence des normes et de la qualité, 02 chambres
consulaires (CAPEF et la CCIMA), et 02 producteurs des produits
reconnus comme des indications géographiques.
8. 5.Perspectives
Le Cameroun souhaite accompagner plusieurs filières agropastorales et artisanales pour leur
enregistrement et leur reconnaissance comme des indications géographiques par l’OAPI. Le
pays ne veut pas se focaliser dans un seul domaine, mais voudrait faire profiter tous les
domaines de production afin de valoriser le maximum de produits du terroir grâce aux
indications géographiques ; et permettre à un grand nombre de petits producteurs de lutter
contre la pauvreté.
Il s’avère donc plus qu’important de consolider la démarche IGP au Cameroun, de multiplier
les stratégies politiques et surtout de sensibiliser les différents acteurs nationaux pour
construire de nouvelles indications géographiques.
Pour citer en exemple le secteur agricole, on peut affirmer que le Cameroun se trouvant
dans une phase de mutation de son agriculture vers une agriculture de seconde
génération, l’enregistrement des produits agricoles camerounais comme des indications
géographiques peut marquer un début effectif et visible de la pratique de l’agriculture
de seconde génération.
Il est à noter que les diverses missions de repérage de produits locaux entrepris au Cameroun
ont révélé un potentiel significatif. Les produits repérés susceptibles d’être reconnu en IGP
sont :
Cacao de la réserve du Dja, Café de Njinikon, Ananas de Bafia, Avocat de Mbouda,Kilichi de
Ngaoundéré,Igname de Mbé,Riz de Nsomessok, Crevettes du Cameroun, Echalotes de la
Lékié, Papaye solo, Riz d’Avangane, Etc.
9. 6. CONCLUSION
Au Cameroun, on peut retenir quatre justifications principales au
développement de politiques publiques de protection et de promotion
des IG :
la lutte contre la concurrence déloyale,
la maîtrise des marchés via l’octroi de droits aux producteurs,
le développement rural
et la conservation des patrimoines culturels.
Compte-tenu du nombre élevé des produits dont la qualité est liée à
l’origine que renferment le Cameroun, les IG peuvent constituer un
modèle de développement particulièrement intéressant.