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Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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5èmes
Rencontres de la Baule
11 et 12 septembre 2009
3
SOMMAIRE
VENDREDI 11 SEPTEMBRE 2009
SOMMAIRE 3
Allocution d’ouverture 4
Atelier de réflexion Territorialité et besoins en santé : comment les définir ? 5
Accueil 31
Allocution d’ouverture 33
L’ouverture de l’établissement de santé sur le territoire et le médico-social : quels leviers
stratégiques ? 35
Questions de la salle 46
Le médecin généraliste : gestionnaire de son territoire ? 51
Capitaux extérieurs dans les établissements et les sociétés médicales : quel impact ? 68
Questions de la salle 83
Remerciements 88
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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VENDREDI 11 SEPTEMBRE 2009
ALLOCUTION D’OUVERTURE
DR. PATRICK GASSER
PRESIDENT DE L’URML DES PAYS DE LA LOIRE
Je vous souhaite la bienvenue à cette cinquième édition des Rencontres de La Baule, désormais un
peu modifiées puisque nous avons rajouté une demi-journée. Cette demi-journée m’a en effet paru
indispensable à l’heure où la région devient un niveau « pertinent ». Or l’évolution de la demande
des politiques, des représentants de l’Assurance Maladie et des mutuelles a sans doute quelque peu
bousculé le corps médical qui encore aujourd’hui, rencontre des difficultés pour s’adapter à la fois
aux désirs des plus jeunes et à ses propres aspirations. Il s’avère donc nécessaire, pour la profession,
de proposer un nouveau modèle de fonctionnement.
Dans ce contexte, une réflexion autour de la notion d’entreprise de santé constitue sans doute l’une
des réponses possibles. Ainsi, dans la région nous travaillons à la mise en place des médecins de
premier recours et des pôles de santé, dorénavant intégrés dans la loi HPST. Bien évidemment cette
entreprise de santé doit conserver sa spécificité médicale et son éthique, tout en donnant du soin à
tous et ce, dans les meilleures conditions. D’ailleurs, ce niveau deviendra peut-être pertinent en vue
d’une ouverture à la contractualisation régionale.
Mais comment répondre de façon adaptée sans connaître les besoins de soins, les expériences
menées sur le territoire, ou même les ressources disponibles ? J’espère que vous nous fournirez, en
la matière, quelques pistes de réflexion. La loi HPST s’impose désormais à tous et il me semble
important de se l’approprier en Région. Pour ce faire, nous devons approfondir notre connaissance
du territoire.
5
ATELIER DE RÉFLEXION
TERRITORIALITE ET BESOINS EN SANTE : COMMENT LES DEFINIR ?
Participaient à cet atelier de réflexion :
• Yann BOURGUEIL, Directeur de recherche à l’IRDES ;
• Benoît DERVAUX, Enseignant-chercheur Lille 2, CHRU de Lille ;
• Xavier CONILL, Directeur de la Planification et de l’Innovation de la Corporation de Santé du
Maresme et la Selva, Catalogne ;
• Denis DURAND de BOUSINGEN, Journaliste ;
• Anne TALLEC, Directrice de l’ORS des Pays de la Loire.
Cet atelier de réflexion était animé par Jean-Pol DURAND, Journaliste.
Jean-Pol DURAND
Anne Tallec, vous êtes une observatrice avisée du secteur sanitaire et social. Au lendemain de la
publication de la loi HPST, quel est votre pronostic ? La régionalisation peut-elle aller jusqu’à une
réelle déconcentration des pouvoirs ?
Anne TALLEC
J’ai été particulièrement sensible à la pertinence des thèmes retenus pour ces 5èmes
Rencontres de
La Baule : poser aujourd’hui, alors que se mettent en place les Agences régionales de santé (ARS),
les questions de coordination, de territoires et de besoins me semble vraiment particulièrement
intéressant. Je souhaite donc tout d’abord saluer ici l’initiative de l’URML.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
6
La création des ARS constitue une étape essentielle dans la régionalisation des politiques de santé.
Cette dynamique est engagée depuis plusieurs décennies, mais elle a concerné les différents
secteurs du système de santé de façon très différente.
En ce qui concerne les établissements de santé tout d’abord, la régionalisation est ancienne et très
engagée, aussi bien en matière de planification -la carte sanitaire date de 1970- que de tarification,
avec toutefois sur ce dernier point, une tendance inverse depuis 2004 avec la mise en place de la
tarification à l’activité (T2A). Les ordonnances de 1996 ont représenté un tournant essentiel, avec la
création des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et l’élaboration des schémas régionaux
d’organisation sanitaire (SROS).
Dans le secteur ambulatoire, la dynamique régionale n’a rien de comparable, notamment parce que
la question de planification ne s’y est pas réellement posée jusqu’à une période récente, en raison
d’un contexte associant offre relativement abondante et liberté d’installation. En outre les tarifs se
négociaient, et se négocient toujours d’ailleurs, au niveau national. Au cours des dernières années,
ce secteur a été avant tout marqué par des dynamiques de regroupement, avec la création des URML
en 1994 et des URCAM en 1996.
Dans le champ de la prévention, la dynamique s’avère assez ancienne. En 1982, avaient en effet été
créés les Comités consultatifs de promotion de la santé et les Observatoires régionaux de la santé,
grâce à un ministre de la santé, Jack Ralite, dont la vision des enjeux de santé en France s’est
finalement avérée largement en avance sur son temps. La régionalisation dans ce secteur a trouvé
un nouveau souffle en 2006 avec la création des Groupements régionaux de santé publique (GRSP).
Mais malgré ces évolutions, ce domaine occupe toujours une place très marginale dans notre
système de santé.
Enfin, le secteur médico-social est traditionnellement organisé au niveau départemental, et fait
l’objet d’un double pilotage, Etat et Conseils généraux. Et en 2004, la 2ème vague de
décentralisation avait renforcé le rôle des Conseils généraux dans les politiques concernant les
personnes âgées et les personnes handicapées. La prise en compte par les ARS du secteur médico-
social signe donc une dynamique très différente.
Malgré ces évolutions, l’organisation du système de santé, reste à ce jour très cloisonnée entre les
différents secteurs (ville/hôpital, établissement public/établissement privé, soins/prévention,
médical/médico-social), surtout centrée sur le curatif et peu sur le préventif, sur « l’hôpital » et
peu sur l’ambulatoire.
Les Agences régionales de santé, dont l’ambition principale est de permettre le décloisonnement,
seront-elles en mesure de répondre à ces problématiques ?
La mise en place des ARS va tout d’abord instaurer une gouvernance régionale considérablement
simplifiée. Dans une région comme les Pays de la Loire, on va ainsi passer d’une dizaine de
structures en charge de piloter le système de santé à une seule. Les instances de concertation
7
régionales vont également être moins nombreuses : la conférence régionale de la santé et de
l’autonomie va assurer les fonctions de la Commission Régionale de l’Organisation Sanitaire, de la
Commission Régionale de l’Organisation Sociale et Médico-sociale et de la Conférence Régionale de
Santé.
La loi apporte en outre de nombreux outils :
- pour favoriser l’approche globale de la santé (définition des soins et du médecin généraliste de
premier recours, introduction de la notion d’éducation thérapeutique,…)
- pour améliorer l’organisation des soins au niveau territorial (contrats locaux de santé, signalement
de leurs absences par les médecins, ...)
- pour favoriser les coopérations et les complémentarités entre institutions (communautés
hospitalières de territoire, groupements de coopération sanitaire, pôles) et entre professionnels
(centres et maisons de santé, délégation de tâches, …)
La globalité de l’approche de la santé qui préside à la mise en place des ARS apparaît mieux en
phase avec les réalités actuelles, et notamment :
- le vieillissement de la population, et, de façon liée, le poids des maladies chroniques (les
affections de longue durée représentent 60 % des dépenses de santé),
- le recul de la démographie médicale mais aussi et peut-être surtout les changements
sociologiques qui affectent les professionnels de santé comme toute la société (temps de
travail…).
Des questions demeurent cependant, et tout d’abord autour du décloisonnement. Si le
décloisonnement entre la prévention, les soins et le médico-social, que tout le monde appelle de ses
vœux, constitue le fil conducteur de la loi, il n’en demeure pas moins que le projet régional de
santé prévu par la loi comporte trois parties : le schéma régional de prévention, le schéma régional
des soins et le schéma régional médico-social. Cela peut apparaître comme le reflet d’une réelle
difficulté à donner corps à cette notion de transversalité. C’est sans doute au niveau des territoires,
avec les acteurs de proximité, qu’il sera le moins difficile de commencer à faire vivre ce
décloisonnement.
S’agissant des poids relatifs du curatif et du préventif, la déclinaison territoriale apparaît également
comme essentielle, tout comme l’analyse des besoins. Et à ce titre, il me semble regrettable que,
concernant le schéma régional de prévention, la loi n’évoque ni la question des besoins, ni la notion
de territoire.
Enfin, en ce qui concerne l’équilibre entre la médecine de ville et l’hôpital, la dénomination même
de la loi nous prouve qu’il reste encore beaucoup à faire !
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Certes le directeur de l’ARS concentrera dans ses mains un pouvoir considérable, mais de quelles
marges de manœuvre disposera-t-il vis-à-vis du niveau national, où la complexité reste de mise ?
Régionalement, sa marge sur le plan financier sera relativement réduite, eu égard en particulier au
fait que les tarifications, tant à l’hôpital via la T2A qu’en ambulatoire via les conventions
médicales, restent nationales.
Mais dans tous les cas, les relations que ce responsable pourra et saura établir avec les acteurs
locaux, professionnels de santé et collectivités locales notamment, me semblent déterminantes, au
même titre que l’évolution des représentations de ces acteurs.
S’il convient d’être optimiste, au regard des déséquilibres financiers et des questions de
démographie médicale actuels, le temps nous est compté.
Jean-Pol DURAND
Si cette loi s’inscrit dans la continuité des évolutions entamées il y a vingt ans, j’observe tout de
même que nous avançons fort lentement. Mais combien de temps faudra-t-il encore pour aboutir à
un Plan Régional de Santé qui fasse consensus minimal entre tous les acteurs ?
Anne TALLEC
D’importants changements de représentations collectives s’avèrent aujourd’hui nécessaires. Cela
nécessite toujours beaucoup de temps, mais la nature des débats désormais portés par l’Union
Régionale des Médecins Libéraux nous prouvent que les évolutions sont d’ores et déjà considérables.
Eu égard aux difficultés qui émergent actuellement, tant au niveau des professionnels qu’au niveau
financier, il est nécessaire de ne pas perdre de temps. Notre chance se trouve certainement dans
notre capacité à nous fédérer entre acteurs régionaux, même si les poids nationaux demeurent très
forts.
Benoît PERICARD, KPMG
Si vous aviez l’occasion de conseiller le futur Directeur de l’ARS des Pays de la Loire, sur quelles
priorités lui proposeriez-vous de mettre l’accent ? Evoqueriez-vous en premier lieu la résorption du
déficit hospitalier, la répartition des médecins libéraux ou encore l’ouverture du médico-social en
direction des hôpitaux ?
Anne TALLEC
Au lieu d’opter pour une porte d’entrée institutionnelle, je poserais la question dans les termes
suivants : quels sont les problèmes de santé prioritaires au niveau de la population, et sur ces sujets
comment les différents professionnels peuvent-ils agir ? A titre d’exemple, dans notre région, deux
déterminants pèsent de façon considérable sur la santé de la population, à savoir la nutrition et
9
l’alcool. Je sélectionnerais donc de telles portes d’entrée et mobiliserais à ce sujet les moyens
disponibles, quitte à les ajuster si nécessaire. Tel est, me semble-t-il, l’esprit de la loi.
Jean HALLIGON
Vous avez parlé de complexité au niveau national, mais n’avez-vous pas également l’impression que
la loi crée, dans chaque région, un « machin » délicat à gérer, avec lequel il sera difficile de
répondre aux besoins de santé, même bien observés ?
Anne TALLEC
Certes, mais actuellement nous fonctionnons avec dix « machins » ! Nous pouvons donc encore
progresser : cette loi positionne sur une même ligne de départ le soin, la prévention et le médico-
social. Elle leur redonne leur chance. Pour les acteurs de santé publique, il s’agit d’un moment
historique, facilité par la présence d’un unique interlocuteur au lieu de dix. Mais cette simplification
peut aussi s’avérer plus risquée…
Benoît DERVAUX
Ne risque-t-on pas, avec les ARS, le même phénomène qu’avec les ARH ? Ainsi, après une première
génération d’ARH particulièrement autonomes, le pouvoir est revenu dans les mains de l’Etat. En ce
sens, c’est sans doute au cours de ce premier mandat des ARS que les changements doivent
absolument intervenir.
Anne TALLEC
J’aurais tendance à être d’accord avec vous.
Jean-Pol DURAND
Les Directeurs d’ARS travailleront en lien direct avec le Secrétariat général du Ministère, dont j’ai
l’impression qu’il sera naturellement tenté de leur tenir la main…
Anne TALLEC
Je ne maîtrise pas bien les enjeux politiques multiples de cette loi.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Patrick GASSER
Cette régionalisation s’apparente-t-elle à une décentralisation ou à une déconcentration ? Quel sera
le contre-pouvoir régional ? S’agit-il de la Conférence Régionale de Santé dont nous connaissons déjà
le fonctionnement ?
Anne TALLEC
Beaucoup d’acteurs ont œuvré pour donner plus de pouvoirs et d’autonomie aux Conférences
régionales de la santé et de l’autonomie, mais leurs missions demeurent effectivement
extrêmement limitées. Elles ne forment pas du tout les lieux d’échanges et de démocratie
indispensables, selon moi, pour faire évoluer les représentations collectives. En effet, le système de
santé ne changera pas sans les usagers, ni les professionnels. Nous avons donc vraiment besoin
d’espaces de démocratie plus forts.
Gérard MAUZAIZE, FNATH, Association des accidentés de la vie
A ses débuts, l’URML ne participait pas à la Conférence Régionale de Santé. Tel n’est le cas que
depuis deux ans environ. Pour ma part, je me suis toujours battu pour que les médecins participent
à ces échanges.
Dominique BARRANGER ADAM - Union Nationale des Syndicats de Sages-femmes
Habituellement la régionalisation implique un transfert de compétences nationales vers une région.
Dans le cas présent, le pouvoir demeure aux mains de l’Etat en la personne d’un Préfet de santé
régional. Cette exception institutionnelle reflète bien, selon moi, les problèmes de cette
« régionalisation » : les besoins et les moyens de santé régionaux doivent pouvoir être évalués au
regard de la gestion globale d’un territoire.
Yann BOURGUEIL
Le scénario de la régionalisation tel qu’il se déploie aujourd’hui a été très bien décrit dans un
rapport du Commissariat Général au Plan daté de 1993, rapport rédigé par un groupe de travail
présidé par Monsieur Soubie, actuellement conseiller des Affaires sociales de Monsieur Sarkozy. Nous
avons donc mis entre quinze et seize ans pour réaliser ce scénario qui d’ailleurs, n’envisageait pas
de décentralisation ; ceci étant, le rapport prévoyait de confier une place plus importante aux
Conseils régionaux.
En 2003, ma collègue Marina Serré qui est politiste et moi-même avons mené une enquête auprès
des élus régionaux à l’initiative de l’URML Rhône-Alpes à l’époque où le Premier Ministre Raffarin
avait annoncé qu’il confierait peut-être la santé aux régions. Tous les élus de droite comme de
gauche étaient effrayés à l’idée de récupérer la gestion d’un budget de 215 milliards d’euros.
11
Décentraliser signifie en effet donner des responsabilités en matière de collecte et de gestion des
budgets. Ainsi, une décentralisation poussée à son maximum entraînerait à l’évidence une remise en
cause des transferts et des équilibres de la redistribution des ressources qui actuellement, se fait à
l’échelle nationale. C’est pourquoi règne aujourd’hui en France, entre les élus régionaux, un relatif
consensus pour ne pas aller vers une décentralisation similaire à celle du modèle espagnol par
exemple. Ensuite, se pose la question de la place des élus régionaux dans le processus de définition
de la gestion régionale : en la matière, nous conservons plutôt un modèle assez technocratique.
Benoît DERVAUX
Dans ce processus, chaque région se positionne de manière différente. J’ai la chance de venir de la
région Nord Pas-de-Calais où le Conseil régional s’est pleinement investi dans la politique de santé
et fait même partie à ce jour de la Commission Exécutive (COMEX) de l’ARH. Bien sûr, en
contrepartie, il consacre d’importants budgets au financement des investissements hospitaliers et
autres. Néanmoins je pense que les régions peuvent aussi prendre leur part dans le dispositif actuel.
Certaines régions l’ont fait.
Jean-Pol DURAND
Le Nord-Pas-de-Calais est la seule région à avoir investi dans ce dispositif.
Benoît DERVAUX
Tout à fait. Le Conseil régional est rentré dans la Commission Exécutive (COMEX) de l’ARH et a
contribué au financement des différents projets.
Jean-Pol DURAND
Yann Bourgueil, comment détermine-t-on des territoires de santé ?
Yann BOURGUEIL
Je m’apprête à parler d’un sujet qui ne relève pas de ma spécialité. En l’occurrence, je m’intéresse
plutôt à l’organisation des soins de premier recours, dans une logique territoriale certes mais
surtout populationnelle. Ma présentation se fonde principalement sur les travaux des géographes de
l’IRDES ; je vous conseille d’ailleurs la lecture de leur document de travail1
qui correspond à une
1
http://www.irdes.fr/EspaceRecherche/DocumentsDeTravail/DT10TerritoireSanteApprRegion.pdf
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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évaluation de la façon dont les SROS de troisième génération ont construit les territoires. Ce bilan
s’avère en effet fort intéressant.
La notion de territoire comporte une forte ambiguïté : un territoire peut être créé pour le bien de la
population qui y vit, mais l’on peut aussi chercher à travers la territorialisation à « marquer son
territoire » et chercher à établir des frontières. Ainsi, j’ai souvent constaté une multiplicité des
territoires en fonction des institutions, ou des acteurs politiques qui les construisent : chacun
dessine sa carte et s’assoit sur son territoire afin de le défendre, où plutôt de défendre les privilèges
auxquels il donne droit. Ce qui me paraît intéressant, dans la notion de territoire est avant tout la
notion de population.
Ceci dit, revenons à la question posée. Comment définir un territoire de santé ? Plutôt que de
proposer une méthode clé en main, je vais explorer plusieurs questions qui me paraissent se poser
autour des territoires de santé. Il me semble que lorsque l’on travaille à la constitution d’un
territoire en santé, l’un des enjeux majeurs consiste d’abord à déterminer pour quel service et pour
qui ? En matière de soins ambulatoires par exemple, la loi définit des soins de premier recours et des
missions assez larges pour ces soins de premier recours. L’opérationnalisation de la notion de
premier recours et de services de premier recours est transférée aux régions à qui il reviendra de
définir ce qu’est la gamme de services que l’on entend garantir à la population. Il s’agit d’un
important enjeu conceptuel et technique pour le futur Directeur d’ARS : définir de façon concrète
quels sont les objectifs en termes de soins de premier recours pour la population ?
On peut définir un territoire pour des fonctions différentes. Ainsi observer l’état de santé d’une
population, ne se fait pas nécessairement à la même échelle que pour l’action. Il me semble que
dans une logique d’action qui suppose également la mobilisation et la participation d’acteurs,
souvent professionnels implantés sur les territoires, il faut savoir adopter une approche pragmatique
du territoire. Ainsi, les dynamiques professionnelles ou de projets ne sont pas nécessairement les
mêmes que celles de cartes administratives ou parfois de l’action publique descendante. J’ai la
conviction que les changements souhaités en termes d’efficacité et d’efficience ne peuvent
s’opérer sans les professionnels au sens large.
Pour mettre en œuvre les réorganisations des soins souhaitées dans la réforme, le Directeur d’ARS
devra donc d’abord repérer où se trouvent les dynamiques. En général, elles se situent
généralement là où il y a crise, c'est-à-dire d’abord dans les soins de premier recours parce que les
élus locaux s’inquiètent, parce que les médecins ferment leurs cabinets, ne sont pas remplacés, etc.
Or c’est le plus souvent dans ces situations de crise que les acteurs sont prêts à changer.
Un autre aspect qui peut déterminer les territoires sont les modèles et leviers d’action disponibles.
Le Directeur d’ARS devra s’interroger sur sa capacité à contractualiser, à investir avec ou sans
partenaires avant de définir des territoires.
Enfin, qui est concerné par ces territoires ? Les acteurs sont en effet nombreux dans le système
(institutions, patients, professionnels) et il me semble que tous doivent être pris en compte dans la
construction du territoire.
13
En ce sens, il me semble que définir une seule méthode de construction des territoires à l’échelon
national serait une grave erreur. Les caractéristiques locales sont déterminantes. Elles relèvent, de
la géographie, de l’histoire, de la façon dont s’est construite l’offre de soins. L’analyse des Schémas
Régionaux d’Organisation Sanitaire (SROS) de troisième génération réalisée par mes collègues de
l’IRDES le montre parfaitement bien : dans le SROS 3, cinq niveaux de territoire avaient été
introduits (proximité, intermédiaire, recours, régional et interrégional). Puis il était laissé à chaque
région la capacité de définir ses territoires, d’où de multiples façons de les construire, ce qui
s’avéra fort intéressant : certains optèrent pour des méthodes descendantes, plus ou moins
élaborées d’un point de vue statistique, d’autres pour des méthodes très participatives, ou encore
fondées sur du recours aux soins, ou des approches populationnelles plus larges avec les bassins
d’attraction de l’INSEE. Les méthodes sont donc nombreuses et chaque région a appliqué la sienne.
Il est en effet évident que les territoires d’Ile-de-France et d’Auvergne ne peuvent être abordés de
la même façon.
Faut-il s’appuyer sur l’existant ou tout recommencer ? L’évaluation réalisée par mes collègues
montre que certaines régions avaient posé quelques principes très en amont, comme par exemple
construire les territoires en fonction de l’offre et des flux existants, tandis que d’autres ont cherché
à s’appuyer sur de nouvelles logiques, à savoir les flux de population sur de multiples services (leur
raisonnement rejoignait donc celui de l’aménagement du territoire). Ainsi, certaines méthodes se
fondaient sur les services existants et d’autres visaient à identifier des zones à risque.
Finalement, la question qui me paraît principale à éclaircir porte sur le pourquoi du territoire. D’une
certaine façon, l’organisation territoriale des hôpitaux est désormais relativement stabilisée et l’on
annonce désormais des SROS ambulatoires. En effet, sous l’effet de la pression démographique et de
l’évolution sociologique, notre système de santé se confronte aujourd’hui à la question de
l’organisation des soins en ambulatoire. Se pose alors la question suivante : quels sont les services
que l’on veut garantir à la population ? Faut-il raisonner en termes de temps d’accès minimum, en
termes de nombre de médecins généralistes ? Ne vaut-il pas mieux raisonner en termes de services
en imaginant, plutôt qu’un médecin, une sorte de premier diagnostic ? On introduit là la délégation
de tâches. En effet, le troisième axe sur lequel l’ARS devra, selon moi, travailler est bien la question
de la ressource humaine à l’échelon d’une région.
Enfin, en termes de processus, la façon de faire le territoire constitue un enjeu important. Elle
préfigure en effet la façon de conduire l’action au sein de ce territoire. Si comme directeur d’ARS je
facilite les rencontres entre les acteurs à l’échelon local, je suis déjà dans un processus de
changement de type participatif. En faisant se rencontrer les acteurs autour de la question du
territoire dans le cadre d’une élaboration collective, j’induis un processus de rencontre et
d’élaboration collective qui est déjà un changement. Si je dessine des cartes et me fonde sur des
données, je ne suis pas dans le même processus de changement. Pour ma part, je préfère le
processus participatif, car même s’il ne débouche pas immédiatement sur des objets magiques
comme des cartes, il peut conduire à des changements de représentations et, à terme, de rôles.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ?
Ne sous-estimez-vous pas un peu le futur rôle des usagers ? En effet, comme ils l’ont fait vis-à-vis de
l’hospitalier depuis 2002, ils vont devoir s’organiser vis-à-vis de l’ambulatoire. Ils constituent en
effet la troisième composante entre l’Administration et les médecins. Or pour l’instant, il me
semble que les médecins échangent entre eux, tandis que le malade demeure un objet extérieur.
Yann BOURGUEIL
Cette problématique fait effectivement partie des enjeux de la définition d’un territoire : si je suis
directeur d’ARS, pour savoir ce que j’inclus dans mon territoire, j’ai peut-être intérêt à organiser un
débat au cours duquel je convierai des représentants d’usagers. Mais encore faut-il qu’ils aient su se
construire un point de vue. Peut-être devrais-je alors les aider préalablement à se construire un tel
point de vue, à maîtriser tous les enjeux techniques, les acronymes, etc. Cette question relève
vraiment du style de management de l’ARS, de l’approche choisie pour conduire le changement.
Jean-Pol DURAND
Ainsi si vous étiez demain conseiller d’un Directeur d’ARS, que lui diriez-vous?
Yann BOURGUEIL
J’essaierais de partir de ce qui pose problème (problèmes de santé mais aussi inquiétude des
populations et des professionnels) afin de pouvoir établir un diagnostic de manière collective. Je
pense que l’association des différents acteurs et notamment des représentants d’usagers
notamment dans le secteur de la santé qui est un véritable espace politique, renforce selon moi la
pertinence du diagnostic et donc la possibilité de transformations durables.
Anne TALLEC
L’existence des Conférences de territoire constitue, pour moi, l’un des éléments essentiels de la loi.
En effet, c’est bien au niveau du territoire que tout se joue. En ce sens, les Conférences de
territoire représentent des lieux majeurs de rencontre entre les acteurs, tant sur les questions de
premier recours que sur les problématiques de flux. Les usagers ont ainsi leurs propres questions,
très souvent sur le premier recours aux soins et l’accès à l’hôpital. Mais lorsqu’on leur présente les
indicateurs de santé, émergent alors d’autres préoccupations plus larges. Il s’avère donc
particulièrement efficace d’écouter la population, tout en entendant aussi les discours des
professionnels. Au final, toutes ces observations s’avèrent fort convergentes.
15
Luc DUQUESNEL, Médecin généraliste
On ne peut que souhaiter qu’au travers de la loi HPST, les territoires de santé soient correctement
définis. En 2005, sur commande de l’Assurance Maladie, ont été définis les territoires déficitaires.
Mais les critères proposés ont posé de grandes difficultés aux régions. Il en a été de même l’an
dernier lorsqu’il a fallu, toujours à la demande de l’Assurance Maladie, décliner cinq types de
territoires (sur-dotés, dotés, sous dotés, largement sous dotés) : pour ce faire, a été utilisée la
notion de bassins de vie, selon la nouvelle définition de l’INSEE, avec en outre deux types de bassins
de vie, que l’on soit en zone rurale ou en zone urbaine. Nous nous sommes alors retrouvés avec des
territoires qui ne correspondaient en rien à l’organisation des soins telle qu’elle est dans les Pays de
la Loire.
En parallèle, il est normal, dans le cadre de discussions conventionnelles qui doivent s’appliquer à
toutes les régions de France, de chercher à s’entendre sur des critères à peu près identiques. Ainsi,
même si sur le plan local, nous parvenons à définir des territoires qui auront une certaine
cohérence, ils poseront problème au niveau des décideurs nationaux, par exemple en matière de
financement par l’Assurance Maladie. Il n’y aura plus de cohérence interrégionale.
Yann BOURGUEIL
A l’époque de la mise en place des majorations, l’administration avait essayé de trouver une
formule permettant de définir un minimum de territoires dans un souci d’économie. Aujourd’hui,
lorsqu’un médecin quitte le territoire, la première réaction des élus consiste à lui chercher un
remplaçant, ce qui, à mon avis, n’a pas de sens. Il s’avère indispensable de définir en préalable ce
que l’on veut offrir à la population en termes de soins.
Benoît PERICARD
En Pays de la Loire, dans le cadre du SROS de 1ère
génération, nous avons construit des territoires à
géométrie variable. Nous avons également défini des territoires de projets. Alors que les sept
territoires de santé de cette région s’avèrent relativement évidents au regard de sa géographie
urbaine, nous avons également défini treize territoires de coopération parce que l’urgence portait
bien sur la coopération entre établissements. Ces territoires de coopération ont d’ailleurs porté
leurs fruits, avant de disparaître une fois le projet abouti. Ainsi, en complément des territoires
géographiques, il existe aussi des territoires presque historiques.
Je suis par ailleurs ravi que l’UFC réagisse, mais je rappelle que vous étiez quand même précédé par
quelques usagers présents, certes parfois de manière très sporadique. En parallèle, il faut toujours
se rappeler que l’une des vraies questions concerne en fait la relation entre les usagers et leurs élus.
En effet ces élus revendiquent clairement leur mission de représentation de la population. Je pense
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
16
néanmoins que nous avons fait beaucoup de progrès : il y a dix ou quinze ans, l’intérêt des élus pour
la santé était quand même assez maigre.
Troisième idée, il faut absolument former, y compris les représentants des usagers. Le CHU de
Nantes avait ainsi formé, pour son deuxième projet d’établissement, pendant deux week-ends
entiers, des usagers volontaires aux enjeux du système de santé. Ceux-ci sont alors devenus
extrêmement actifs dans l’élaboration du projet d’établissement du CHU.
Jean-Pol DURAND
Benoît DERVAUX, quelle est la méthode optimale pour définir les besoins de soins et les besoins de
santé ?
Benoît DERVAUX
Qu’est-ce qu’un besoin de santé ? C’est un écart entre un état de santé constaté et un état de santé
désiré. A quelle fin veut-on définir les besoins de santé ? Il existe en fait deux fins possibles :
• en vue d’une planification et d’une allocation des ressources, soit une utilisation quelque peu
technocratique de la notion de besoin ;
• afin de résoudre la problématique de la réduction des inégalités de santé, d’où une réflexion
plus globale sur le bien-être de la collectivité.
Or je ne suis du tout certain que les granularités des territoires seront les mêmes que l’on raisonne
sur la planification ou sur la réduction des inégalités de santé. Pour moi, les échelons de
raisonnement seront bien plus fins si l’on se situe dans une perspective de réduction des inégalités
de santé.
En matière d’établissement des besoins, les difficultés s’avèrent bien connues : la première
concerne l’établissement de la norme. Qui définit l’état de santé souhaité ? S’agit-il des experts de
santé publique ? Les citoyens sont-ils bien positionnés pour définir leurs besoins ? Quelle est la place
de la prévention ? Par ailleurs, comment cette norme est-elle définie ? Est-elle définie de manière
absolue ? Peu d’entre nous réfléchisse ainsi désormais : globalement, il s’agirait donc plutôt d’une
réflexion en relatif, mais par rapport à quelle norme ? Le deuxième écueil concerne bien
évidemment la mesure de l’état de santé. En effet, nous sommes souvent contraints par les données
qui sont à notre disposition. Ainsi, si nous disposons d’un grand nombre de données sur la mortalité,
la morbidité n’est mesurée qu’au travers du recours au soin. Des indicateurs de qualité de vie
commencent certes à voir le jour ; or de tels éléments pourraient être intégrés dans l’établissement
des besoins. Hélas trop souvent, nous n’avons pas le matériel statistique à l’échelle souhaitée.
L’échelle géographique doit bien évidemment être définie en fonction des objectifs. Enfin, lorsque
l’on raisonne sur la morbidité au travers de l’offre de soins, surgit un filtre non aléatoire : les
17
situations varient aussi en fonction de la couverture assurantielle des patients. Nous devons donc
nous méfier de ce que nous observons qui peut-être ne mérite pas d’être reproduit.
Enfin, lorsque l’on parle de besoins de santé, on renvoie généralement à la problématique des
déterminants de santé, par définition multiples ce qui explique qu’assez souvent, on passe du besoin
de santé au besoin de soins. A l’occasion d’un travail en partenariat avec des homologues du Kent,
nous nous sommes aperçus qu’au sein du « National Health Service », les Anglais ne prennent aucune
décision de santé sans avoir, au préalable, étudié les cartes de ce qu’ils appellent l’indice de
«déprivation». Ainsi, avant toute définition d’une politique de santé, ils ont le réflexe de
s’intéresser à d’autres indicateurs comme par exemple le bien-être collectif, ce qui n’est pas le cas
en France.
Le cadre de référence le plus souvent cité dans la littérature correspond au cadre canadien : il
propose un certain nombre de positionnement de la notion de besoins de santé, entre d’un côté les
déterminants de la santé et les objectifs de santé publique, et de l’autre, le besoin de soins. Les
méthodologies de construction des besoins de soins sont fort nombreuses, le problème n’est donc
pas là. En fait il existe en littérature deux courants principaux : l’un concerne des pays qui
procèdent par une allocation institutionnelle des ressources (Royaume-Uni, Canada et pays
scandinaves), mais l’essentiel de la littérature se penche sur les systèmes de capitation, notamment
au sein de pays qui ont joué le jeu de la compétition entre les sociétés d’assurance mais souhaitent
tout de même maintenir un système de compensation. Enfin, la littérature réfléchit à la nécessité
de la standardisation, aux variables et techniques utilisées. Si nous voulons évaluer les besoins en
nous écartant des données de mortalité désormais fort usées, nous ne savons hélas pas utiliser à ce
jour les données d’enquête en population générale. La méthodologie a donc encore du chemin à
parcourir, surtout si nous voulons sortir un peu des indicateurs habituels.
Sur le territoire, il existe deux points d’ancrage importants : l’évaluation des besoins doit être
objectivée autant que possible, mais cette objectivation ne doit pas prendre le pas sur le construit
social. Le besoin est en effet ce que l’on veut qu’il soit. Il revient bien à la communauté de définir
son besoin par rapport à ce qu’elle ressent, ce qu’elle veut faire avec la politique de santé.
De nombreux travaux portent actuellement sur l’analyse des flux. Au sein de l’ARH du Nord-Pas-de-
Calais, la satisfaction des besoins de la population a ainsi été croisée avec la clientèle des
établissements : sur certains territoires, apparaissent des fuites très importantes avec un niveau de
dépendance extrêmement fort, ce qui probablement traduit une offre insuffisante. A l’inverse, dans
d’autres situations, la dépendance des populations demeure faible tout comme celle des
établissements : ceux-ci sont donc installés sur des territoires où ils ne satisfont absolument pas la
demande. Je suis pour ma part convaincu qu’un territoire se définit par des flux. Mais si le territoire
est mal défini, ce type d’analyse s’avère complètement caduque, les fuites ne traduisant finalement
que la mauvaise définition du territoire.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
18
Le passage des ARH aux ARS modifiera-t-il d’une quelconque manière l’analyse des besoins de
santé ? Je n’en suis pas persuadé. En tant qu’économiste, j’estime qu’une analyse des besoins doit
avoir un objectif : cet objectif me semble clair dans les secteurs hospitaliers et médico-sociaux,
notamment en matière de régulations, d’autorisations d’activités, de contractualisation, etc.
D’ailleurs la planification par schéma existe déjà dans ces secteurs. Mais pour le secteur
ambulatoire, nous en sommes encore loin : alors, derrière la définition des besoins, quelles règles de
régulation mettre en place ? Je ne suis pas tout à fait convaincu que la nécessité soit exactement la
même. De plus, de quelles données dispose-t-on ? L’ARS a pour vocation de décloisonner le système,
mais pour ce faire, il lui faut des données en termes d’adressages, de filières de soins, de flux
ambulatoires, etc. Enfin, l’analyse des besoins doit reposer sur des besoins médicalement typés : le
PMSI a ainsi permis, dans la régulation hospitalière, de médicaliser le message. Mais dans
l’ambulatoire, où en est-on du codage des diagnostics ?
Jean-Pol DURAND
A ce stade de vos exposés, je crains que nous nous retrouvions confrontés, dans quelques années, à
d’énormes disparités entre régions.
Benoît DERVAUX
La disparité entre les régions existe déjà de longue date, ne serait-ce qu’en termes de densité
médicale ou d’état de santé. Mais quel est l’objectif ? La régionalisation repose sur l’idée que les
acteurs locaux sont les plus à même de construire les solutions adaptées à leurs propres problèmes.
Les différences sont donc acceptées. Pour répondre à un objectif d’équité ou d’égalité nationale, il
faut se donner les moyens d’observer et de mesurer ces solutions. Se pose alors la question du
pilotage à travers la mesure de l’état de santé. Mais si l’on veut vraiment jouer le jeu de la
déconcentration, il faut donner de la marge de manœuvre aux acteurs locaux, tout en mettant en
place un outil d’observation.
David CAUSSE, Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne (FEHAP)
Je suis très sensible à vos propos : si les données sont utiles, tout fétichisme de la statistique
s’avère nuisible. Par ailleurs, je voulais vous signaler que selon une confidence d’un responsable de
la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), la question des taux d’équipement et de
l’appréciation différentielle par territoire a été menée avec beaucoup de talent au niveau national,
ce qui a fait progresser la connaissance de la dispersion entre les territoires. Cependant, depuis la
création de la CNSA, les inégalités entre les territoires se sont de fait accrues, du fait d’autres
modes décisionnels venus se superposer à la couche statistique. En outre, pour que l’analyse des
données puisse permettre de bonnes discussions, des investissements semblent indispensables. Ainsi,
dans le cadre de l’enquête Handicap Incapacité Dépendance, les moyens n’ont pas été donnés aux
équipes pour pouvoir déployer leurs travaux qui tout de même portaient sur 20 000 situations. Sans
tomber dans le fétichisme, nous avons donc tout de même besoin d’investir dans la construction
d’objets de pensée qui soient un peu mieux structurés qu’actuellement.
19
Benoît DERVAUX
Je suis complètement d’accord avec vous. Je signalais simplement que des techniques, certes
complexes, existent pour renseigner de la donnée à des niveaux plus fins, à partir d’une enquête
plus générale.
Jean-Pol DURAND
En région Nord-Pas-de-Calais, le Conseil régional est en train de mener une enquête prospective
intitulée Santé 2020. Comment se rattache cette enquête au calendrier de mise en œuvre des ARS ?
Benoît DERVAUX
Nous avons la chance d’avoir, au niveau du Conseil régional, un vice-président en charge de la Santé
fortement impliqué. Il est donc à l’origine de cette étude et de bien d’autres. Par ailleurs, cette
région, fortement marquée en termes de santé, a fait l’objet de décisions politiques
d’investissements massifs. Ainsi il existe des marges de manœuvre que les élus peuvent décider
d’utiliser.
Anne TALLEC
Tout dépend en fait de l’intérêt qui est porté à cet enjeu de connaissance, et au réel désir,
collectif, de partage de l’information. Les données disponibles ou aisément mobilisables sont
aujourd’hui bien plus nombreuses qu’à une époque, et en outre, elles s’avèrent souvent fort
cohérentes entre elles. Des progrès importants ont été faits, mais eu égard à l’ampleur des enjeux
dans le champ de la santé, les systèmes d’information restent assez peu développés et surtout assez
peu exploités. Je crois que ce n’est sans doute pas totalement par hasard, et que la véritable
question est la suivante : voulons-nous vraiment, les uns et les autres, disposer de données chiffrées
pour contribuer à l’élaboration des politiques ?
Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ?
Dans le domaine de la prévention, souvent la santé et l’environnement sont associés. Or dans le
domaine de l’analyse des besoins, cette association n’apparaît pas. Pourtant, dans un milieu
particulièrement pollué, les besoins en santé ne sauraient être les mêmes qu’ailleurs. Je m’étonne
donc que la notion d’environnement (environnement au travail, environnement intérieur,
environnement extérieur) ne soit pas mieux associée à l’analyse des besoins en santé.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Benoît DERVAUX
Certains ORS ont déjà beaucoup travaillé sur ce champ de la santé et de l’environnement. Dans le
Nord-Pas-de-Calais, d’importants travaux ont été réalisés pour des communautés de communes
telles que Dunkerque par exemple. Les chercheurs qui travaillent sur ce sujet sont cependant
quelque peu ennuyés : parfois la corrélation est relativement facile à établir entre l’environnement
et les marqueurs de santé, mais peut-on pour autant parler de causalité ? Des difficultés
méthodologiques apparaissent. D’un point de vue scientifique, tant qu’un impact n’est pas
démontré, il n’existe pas.
Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ?
Lorsque dans un secteur surgissent nombre de maladies liées à l’amiante par exemple, faut-il
développer les pneumologues ou faire de la prévention ? Je trouve pour ma part quelque peu
dommage de ne pas introduire plus fortement la notion de prévention.
Docteur ADJAL HENAFF, Médecin en médecine physique et réadaptation, La Croix Rouge
Il me semble très satisfaisant que la filière médico-sociale s’articule avec la filière sanitaire parce
que dans les établissements SSR (Soins de Suite et de Réadaptation), nombre de patients ont besoin
de soins médicaux assez lourds. En outre, nous aurons dans les années à venir besoin de toujours
plus de places en médico-social pour les suites de traumatismes crâniens, mais aussi les affections
neurologiques dégénératives.
Pour ma part, je n’ai pas l’impression que tout soit simple dans le système hospitalier. Ainsi, en
matière d’adressage, se mettent en route les cellules d’orientation qui risquent de largement
changer la donne. Par ailleurs, je me demande si les représentants des usagers sont vraiment au
courant des mécanismes de la T2A et de ses impacts, notamment dans les établissements de soins
de suite.
Gérard MAUZAIZE- FNATH
En 1978, c’est encore pour des raisons financières que l’amiante n’a pas été interdite ! La France a
ainsi laissé de nombreux ouvriers continuer à s’intoxiquer.
William JOUBERT, Médecin généraliste, Le Mans
Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par manque d’accès à l’information ? Dans le secteur
ambulatoire en effet, nous nourrissons un système national d’information et nous avons mis en place
le parcours de soins. Nous disposons donc désormais d’un chaînage performant.
21
Benoît DERVAUX
Les données disponibles auprès de l’Assurance Maladie permettent de réaliser des analyses en
termes de flux de patients entre médecins. Pourtant je n’ai jamais eu connaissance d’une analyse
permettant d’objectiver ces flux de patients. Je ne dis pas que les données n’existent pas, mais
qu’à ma connaissance, elles n’ont pas été traitées de cette manière.
Par ailleurs, si nous souhaitons effectuer, en ambulatoire, une analyse de ce type sur le modèle de
celle réalisée en hospitalier grâce au PMSI, nous ne disposons pas à ce jour des informations
nécessaires. Or je pense que ce serait souhaitable.
Un intervenant
J’évoquais pour ma part la fongibilité vue de l’hôpital, c'est-à-dire les transferts de données d’un
poste à un autre.
Yann BOURGUEIL
L’objet du Dossier Médical Personnel et Partagé consiste justement à rendre la trajectoire du
patient visible et accessible. A l’IRDES, nous avons pour habitude d’utiliser les données de
l’Assurance Maladie, rassemblées dans le Système National Inter-régime d’Information des Régimes
de l’Assurance Maladie. La Caisse Nationale d’Assurance Maladie utilise d’ailleurs également cet
outil pour fabriquer le Contrat d’Amélioration des Pratiques (CAPI).
Nous venons par ailleurs d’engager, avec la société Française de Médecine Générale et l’équipe du
Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (CERMES) de l’INSERM, un programme de
recherche autour d’une équipe émergente intitulé PROSPERE « Partenariat de Recherche sur
l’Organisation des Soins de Premier Recours ». L’un des axes du projet porte sur l’appariement des
données cliniques de codage des médecins de l’Observatoire de la Médecine Générale (OMG) avec
l’ensemble de la consommation de soins des patients de l’OMG figurant dans les données de
l’Assurance Maladie. Ce projet participe à la montée en charge de la capacité, du monde médical, à
produire de l’information médicale dans une perspective de connaissance sur les trajectoires de
soins de patients et plus généralement l’organisation des soins.
Jean-Gérald BERTET, Médecin généraliste, ex-Président de l’URML Pays de la Loire
En Pays de la Loire, l’Union Régionale des Médecins Libéraux a développé, pour les maisons
médicales de garde, un logiciel spécifique d’analyse de tous les flux de patients. Je rappelle par
ailleurs que nous sortons de cinquante ans de consumérisme et que les patients ne me semblent pas
près du tout aux réformes annoncées. Ainsi, lorsque le nombre de visites à domicile a été très
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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fortement diminué, tout comme le nombre de gardes, ce sont les médecins généralistes eux-mêmes
qui ont décidé de s’organiser, d’où la création des maisons médicales de garde en Pays de la Loire.
Une des premières réflexions du futur Directeur de l’ARS devra donc, selon moi, porter sur sa
position à l’égard des professionnels libéraux : dois-je les considérer comme des partenaires ou
entrer dans un rapport de force avec eux ? En parallèle, le dialogue avec les usagers permet toujours
de trouver une solution acceptable pour tous.
Jean-Pol DURAND
Le système de santé allemand date de 1881 et fonctionne toujours sur une base régionalisée, au
niveau des Länder. Pouvez-vous nous en expliquer les mécanismes et les problèmes qui font
aujourd’hui débat ?
Denis DURAND de BOUSINGEN
En Allemagne, la santé est effectivement l’affaire des régions. Ce pays compte seize Länder dont les
pouvoirs s’avèrent, pour des raisons historiques, bien plus larges que ceux des régions françaises.
Les seize gouvernements régionaux comptent seize Ministres régionaux de la santé. Le concept de
santé en Allemagne est en outre quelque peu différent du nôtre : les Allemands font en effet une
différence entre le fait d’être en bonne santé et de promouvoir cela, et la politique de santé au sens
des soins. La santé est gérée régionalement dans un certain nombre de domaines : actuellement par
exemple, il est interdit de fumer dans les restaurants de certaines régions mais pas dans toutes. De
la même façon, les urgences ne sont pas organisées de la même manière dans toutes les régions. Les
syndicats et les organisations médicales sont très régionalisés avec surtout les Unions de Médecins :
il s’agit de structures élues par les médecins, chargées de gérer les politiques et les honoraires avec
les Caisses d’Assurance Maladie. Globalement, pour les patients, les prestations sont partout
identiques, mais du côté des professionnels, les prises en charges et certaines formes de
rémunération en actes ou forfaits varient en fonction des conventions signées avec les Caisses.
Jusqu’en 2009, les médecins étaient rémunérés par des points, la somme des points formant l’acte.
Depuis le 1er
janvier 2009, ces points ont été remplacés par des montants fixes en euros, désormais
identiques dans tout le pays alors qu’il subsistait des différences entre l’ouest et l’est, auparavant.
Il semble qu’en France, la politique de santé se dirige timidement vers la régionalisation, alors
qu’en Allemagne, pour des raisons de coût, si la santé reste prise en charge au niveau régional, la
gestion de cette santé se nationalise de plus en plus. Le poids du Ministère fédéral de la santé
augmente progressivement. Pour autant, les médecins allemands ne sont pas forcément plus
heureux que les médecins français sous prétexte que leur système est régionalisé : ils souffrent du
poids de l’administration toujours plus lourd et pour ma part, je les sens un peu plus déprimés que
les médecins français. La Loi HPST a eu besoin d’une année pour se mettre en place ; en Allemagne,
chaque réforme dure trois ans ! Enfin, il est également important de savoir que tandis que le déficit
de la Sécurité Sociale se creuse tous les jours, le système allemand se présente à l’équilibre ou en
léger excédent.
23
Un intervenant
Qu’en est-il du secteur médico-social ?
Denis DURAND de BOUSINGEN
Il est également régionalisé mais les passerelles entre les secteurs ne sont pas semblables au nôtre.
Pour tous les secteurs, le système repose sur la subsidiarité : les régions font ce que ne font pas les
communes et l’Etat prend en charge ce que ne prennent pas en charge les régions.
Le système allemand n’est pas le seul à être fortement régionalisé : ainsi, le système suisse compte
23 systèmes de santé, soit un par canton. En Autriche, le pouvoir des régions reste fort, mais moins
qu’en Allemagne.
Un intervenant
Quel est le rôle de l’Europe sur ces systèmes de santé ?
Denis DURAND de BOUSINGEN
L’Europe favorise les comparaisons, mais aussi la coopération régionale, y compris dans le domaine
de la santé. Cette coopération doit permettre des économies d’échelle au travers de la mise en
commun d’équipements, par exemple entre l’Autriche et ses voisins immédiats. Face à la pénurie de
médecins, l’Europe favorise également les échanges : ainsi les Polonais et les Tchèques vont
chercher leurs médecins en Bulgarie et en Roumanie, tandis que ces pays-là vont chercher leurs
médecins en Ukraine ou en Russie. Or cet effet domino s’avère dramatique pour les pays qui se
situent en bout de chaîne… En revanche, nul n’envisage encore que l’Europe s’intéresse
véritablement à la politique sociale et aux prises en charge.
Paul GARASSUS
Depuis quelques années, se développent en Allemagne des structures privées : ainsi la privatisation
d’hôpitaux, encore faible jusqu’à présent, croît de façon très significative au point qu’environ 30 %
du parc hospitalier relève désormais d’une gestion privée. Tout n’est cependant pas privatisé
puisqu’il s’agit d’entités dites publiques qui lancent un appel d’offres auprès de gestionnaires
privés, ces derniers ayant pour but d’équilibrer les comptes au mieux, sachant qu’ils pratiquent
également la tarification à l’activité. Il a en effet été démontré que cette gestion dite privée
améliore, dès les deux premières années, la performance de 10 % par rapport à celle de nos
structures hospitalières. Je rappelle néanmoins qu’il y a deux ans, tous les médecins allemands
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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étaient dans la rue pour protester contre leur Ministre de la Santé, traduisant ainsi leur
mécontentement à l’égard des conditions tarifaires et de liberté d’exercice.
En santé, la frontière s’arrête au payeur : du fait de la forte régionalisation actuelle de l’Allemagne,
avec des Caisses autonomes de dimension régionale, il n’existe pas, dans ce pays, de schéma
régional fort, contrairement à la France dont l’histoire s’avère bien plus centralisatrice. Nos
schémas s’avèrent donc difficilement comparables.
Jean-Pol DURAND
L’Espagne est sans doute de tous les pays européens celui qui est allé le plus loin en matière de
décentralisation authentique des pouvoirs. Un exemple avec le système de santé mis en œuvre dans
la province autonome de Catalogne.
Xavier CONILL
Je vous remercie de m’avoir permis de participer à vos échanges. L’Espagne s’organise, en santé
notamment, presque comme un Etat fédéral : les 19 communautés et villes autonomes sont
responsables de toutes les politiques de gestion. Dans le domaine de la santé, elles bénéficient de
toutes les compétences. Au niveau national, le gouvernement assure simplement la coordination de
ces politiques de santé afin de garantir l’homogénéité des droits à la santé de toutes les personnes
résidant en Espagne (dont les immigrés).
Deux systèmes de planification des soins coexistent, et tout d’abord la planification structurelle :
sur chaque « aire basique de santé » est installée une maison médicale de proximité, rassemblant
des médecins, des infirmiers, des aides-soignantes, des sages-femmes, des gynécologues et autres,
pour 10 000 à 30 000 habitants. Puis, un hôpital de proximité dessert plusieurs « aires basiques de
santé ». En parallèle, ces « aires basiques de santé » sont regroupées au sein de « délimitations
territoriales administratives ». Mais ces régions ne s’intéressent pas exclusivement au domaine de la
santé. Elles sont construites en fonction de traditions en matière d’éducation, de justice, etc.
Le deuxième système de planification utilisé repose sur les objectifs de santé : le gouvernement de
Catalogne par exemple élabore tous les trois à cinq ans un Plan Santé lui permettant de prioriser
certaines pathologies ou modes de vie (tabac, sport, etc.). Certains objectifs de santé sont à
l’initiative du territoire, tandis que d’autres sont fixés par le gouvernement.
Le Ministère catalan de la Santé fixe les budgets de santé, accrédite les services, procède aux
évaluations, détermine les objectifs de santé et la planification structurelle. Le Service catalan de la
Santé est quant à lui constitué d’une agence en charge de la contractualisation des services avec les
différentes entreprises de santé. Il leur fixe des objectifs et les paie. Il garantit la qualité des
25
services fournis aux usagers. Le Service catalan de la Santé s’organise en régions et secteurs. Il
s’agit donc d’un système déconcentré offrant aux gérants de région une certaine autonomie. Nos
huit régions ne sont toutefois pas de même taille.
Chaque « aire basique de santé » dispose d’équipes de soins, d’hôpitaux généralistes et spécialisés,
répartis entre hôpitaux de référence et hôpitaux universitaires, le tout complété de services de
soins de suite. Chaque territoire est desservi par des équipes de soins et hôpitaux, mais nos
entreprises de service fournissent également des équipes de soins de proximité, des hôpitaux de
référence ou encore des hôpitaux universitaires. Le Service catalan de la Santé contractualise en
effet directement avec ces entreprises de santé et non avec les équipes de soins.
Les soins primaires de santé sont délivrés par des équipes de soins composées de médecins
généralistes et pédiatres, infirmiers, aides-soignants, travailleurs sociaux et personnels
administratifs. Chaque équipe est responsable de la santé de sa population et des services minimums
planifiés par le Ministère et le Service catalan de la Santé. Les responsabilités varient toutefois en
fonction de la composition des équipes, de la présence ou non d’un hôpital de proximité, etc. Ces
équipes sont responsables de la transmission des patients à d’autres niveaux de soins, mais pas d’un
point de vue économique. Elles organisent les soins des citoyens en centres de santé ou à domicile,
la formation continue et la coordination avec les autres niveaux de soins.
Pour ce faire, une maison leur est fournie soit par l’administration de santé, soit par l’entreprise de
santé, ainsi qu’un dossier médical unique par patient sur la base duquel travaillent tous les
professionnels. L’entreprise de santé fournit en outre un support pour tous les actes non médicaux
(achats, communication, etc.)
Le citoyen se voit attribuer un médecin et un infirmier de référence, en l’absence desquels il peut
être pris en charge par un autre membre de l’équipe grâce au dossier médical unique. Nous sommes
par ailleurs en train de mettre en place un système permettant à chaque professionnel d’avoir
accès, depuis son domicile, à toutes les informations utiles sur les patients traités en Catalogne.
Tous les professionnels sont salariés des entreprises de santé. Leur rémunération comporte un
salaire de base et une partie variable pouvant aller jusqu’à 30 % de la rémunération totale, adossée
à des objectifs de santé fixés par l’Administration ou par l’entreprise.
Selon moi, du fait de ce système, nous nous sommes quelque peu éloignés de la notion de vocation
médicale. La relation entre les médecins et les patients s’est affaiblie, au profit d’une relation entre
l’entreprise et les patients. Le professionnel perd en autonomie : les protocoles et guides en tout
genre prennent de plus en plus d’importance. La coordination en matière de qualité s’avère plus
exigeante. L’entreprise contrôle le coût des pratiques quotidiennes, des prescriptions
thérapeutiques et des transmissions vers les autres niveaux de soins.
Ce système offre néanmoins quelques avantages : le travail en équipe permis par l’entreprise de
santé donne des garanties aux citoyens en termes de qualité, de partage des informations et de
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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savoir-faire. L’entreprise de santé facilite la formation des professionnels et la coordination avec les
spécialistes. De plus les professionnels médicaux ne sont pas dérangés par les problèmes
administratifs et logistiques qui ne les concernent pas. Enfin, ils bénéficient d’une sécurité en
matière de rémunération et de retraite.
Au final, l’entreprise de santé fait le lien entre l’Administration et les professionnels. Elle
contractualise avec l’Administration la population et le territoire sur lesquels interviennent ses
professionnels, les standards minimum de qualité, les objectifs de santé à atteindre, les droits des
citoyens, les devoirs de l’équipe et le budget minimum fourni aux équipes (pour les hôpitaux
toutefois, les entreprises sont payées à l’acte). Une fois ses objectifs fixés, l’entreprise de santé
bénéficie d’une forte autonomie en matière de gestion, de recrutement des professionnels et de
logistique générale.
Jean-Pol DURAND
Pouvez-vous nous décrire plus précisément la nature de votre « entreprise » ?
Xavier CONILL
Je travaille pour la Corporation de Santé du Maresme et la Selva. Il s’agit d’un consortium entre des
municipalités et le Service catalan de la Santé. Cette entreprise gère trois « aires basiques de
santé », deux hôpitaux de proximité, trois centres de soins de suite et deux maisons de retraite,
ainsi que des programmes de santé publique comme la rééducation des travailleurs sexuels de la
zone ou diverses addictions. Les hôpitaux sont la propriété des municipalités. Notre Conseil
d’administration se compose de représentants de trois mairies et d’une partie du Service catalan de
la Santé.
Jean-Pol DURAND
Existe-t-il des entreprises de santé entièrement privées ?
Xavier CONILL
La principale entreprise de santé est entièrement publique : propriété du Département de Santé, cet
Institut Catalan de la Santé gère la plupart des « aires basiques de santé » ainsi que quelques
hôpitaux. D’autres entreprises de santé appartiennent à des ordres religieux ou à des fondations à
but non lucratif. A ce jour, il ne demeure, me semble-t-il, qu’une Société Anonyme, d’ailleurs en
train de se transformer en fondation privée à but non lucratif.
27
Un intervenant
Quel est l’impact de ce système pour les soins de proximité ? Ainsi, certains Catalans paient-ils eux-
mêmes leurs consultations auprès d’opérateurs privés ? Par ailleurs, qu’en est-il de l’organisation
des soins en psychiatrie ?
Xavier CONILL
En Espagne, le système national de santé est entièrement financé par les impôts des citoyens. Tous
sont donc couverts. Pour des raisons historiques, demeurent cependant plusieurs assurances
maladies privées auxquelles s’adressent 10 % à 12 % de la population catalane, notamment autour de
Barcelone. Ces assurances privées travaillent avec des professionnels et hôpitaux spécifiques.
En matière de santé mentale, nous avons commis l’erreur de mettre en place tout un réseau
parallèle à celui des hôpitaux généralistes, ce qui stigmatise les malades par leur pathologie. Nous
cherchons donc désormais à ouvrir des lits de psychiatrie au sein des hôpitaux de proximité.
Un intervenant
10 à 12 % des patients ont contracté une assurance privée, mais quelle proportion représentent les
médecins privés ? Par ailleurs, un médecin privé peut-il également travailler au sein d’une entreprise
de santé ?
Xavier CONILL
Je ne peux répondre à votre première question. Je sais simplement qu’ils ne sont pas nombreux. Les
professionnels peuvent travailler à la fois dans une entreprise de santé et dans le domaine privé, à
condition que leurs horaires soient compatibles. Il est cependant interdit de travailler en même
temps pour deux entreprises publiques de santé.
Denis DURAND de BOUSINGEN
Les critiques des médecins espagnols à l’égard de leur entreprise de santé sont exactement les
mêmes que celles des médecins allemands vis-à-vis de leur Caisse d’Assurance Maladie. En fait, les
critiques s’adressent toujours à la structure de tutelle. A l’inverse, en Allemagne, les médecins ont
conservé une large partie du travail administratif, contrairement aux médecins espagnols.
Dans votre système qu’en est-il de la liberté du patient ? Doit-il absolument demeurer au sein son
« aire basique de santé » ?
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Xavier CONILL
Dès sa naissance, le bébé se voit assigner un médecin et une infirmière de référence. Si le patient
ne s’entend pas avec ce médecin, il peut demander à en rencontrer un autre au sein de l’équipe. S’il
ne s’entend avec aucun médecin de l’équipe, il peut s’adresser à une autre équipe, ce qui à
Barcelone ne pose pas de problème. Mais dans certaines zones, il faut faire 15 kilomètres pour
trouver une nouvelle équipe.
Un intervenant
Vous avez évoqué le contrat signé entre l’entreprise et les professionnels. Or en France, est
actuellement en cours une expérimentation de contractualisation entre les praticiens et les
établissements de santé. De son côté, le « National Health Service » anglais précise, dans ses
contrats, l’emploi du temps par quart de journée ou presque. Vos contrats décrivent-ils de manière
aussi précise l’emploi du temps quotidien du praticien ?
Xavier CONILL
Certains contrats de travail portent sur une journée, d’autres sur une demi-journée. Il existe
également des contrats de travail qui citent le nombre exact de visites par pathologies. Nos
organisations de soins sont très hiérarchisées : le Directeur qui peut être un avocat ou un
économiste gère l’entreprise de santé ; il est aidé d’un adjoint, parfois médecin ou infirmier,
responsable de la production (médecins, infirmières, pharmaciens). Ensuite un directeur économique
s’occupe des achats et investissements et enfin, le directeur de la Planification prend en charge
toutes les autres activités.
Un intervenant
L’Espagne consacre environ 8,9 % de son PIB à sa politique de santé, contre 11,3 % en France.
Comment expliquez-vous cette différence ?
Xavier CONILL
Les indicateurs de santé espagnols sont effectivement très satisfaisants. Pour autant, nous sommes
tout à fait conscients du fait que l’état de santé de la population n’est pas exclusivement lié au
montant des dépenses en soins. En matière de santé, nous insistons beaucoup sur les délais de
réponse, ce qui sans doute nous permet de dépenser moins.
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Un intervenant
L’Europe compte 27 pays et 268 régions qui toutes, présentent des expériences passionnantes mais
difficiles à reproduire. Ainsi, en Italie, en raison de la liberté de circulation des biens et des
personnes, se posent des problèmes de compensation financière entre les régions. Rencontrez-vous
de tels problèmes en matière de flux de patients ? Existe-t-il des compensations en inter-régions ?
Xavier CONILL
La Catalogne n’est pas la région la plus riche en matière de santé. Les impôts sont collectés au
niveau national et c’est bien à Madrid que les budgets de santé sont répartis entre les différentes
communautés autonomes. Tous les deux ou trois ans, cette répartition fait l’objet de discussions. La
Catalogne est l’une des régions qui reçoit le moins d’argent. D’autres communautés bénéficient à
l’évidence de réseaux de proximité plus performants. Néanmoins notre niveau technique demeure
très satisfaisant grâce à des services d’excellence qui nous permettent de bénéficier de migrations
de patients en notre faveur. Des compensations sont mises en place pour chaque transfert de
patients, un peu comme entre la France et l’Allemagne.
Rachel BOCHER
La loi HPST prévoit la mise en place d’une communauté hospitalière de territoire. Or votre
organisation s’en approche. Comment y êtes-vous parvenus ? Quelles modalités d’intéressement ou
de participation ont été mises en place ? Par ailleurs, des rencontres entre les communautés
autonomes sont-elles organisées afin de favoriser les échanges de bonnes pratiques ?
Xavier CONILL
Comme en Allemagne, s’applique en Espagne une loi nationale de santé qui fixe des bases identiques
pour tous. Les différences entre communautés ne sont pas nombreuses. Certes en Catalogne, il
existe diverses formules de gestion privée pour les équipes de soins, alors qu’en général, la plupart
des équipes de soins sont directement gérées par les Services de santé du territoire. De la même
façon, la Catalogne applique depuis 1985 un programme relatif aux soins de suite et aux maisons de
retraite qui lui a permis de développer un modèle quelque peu différent de celui des autres régions.
En Catalogne par exemple, ne sont financés par l’Administration que les changements de sexe des
hermaphrodites pathologiques alors que tous le sont en Andalousie.
Comment en sommes-nous arrivés à cette hiérarchisation de l’organisation ? C’est avant tout pour
des raisons historiques. Lorsque l’Etat a transféré ses compétences en matière de santé, nous avons
mis en place un système d’accréditation pour tous les dispositifs en place. Les établissements les
plus petits sont restés, en tant qu’hôpitaux de proximité, en mesure de soigner 90 % des
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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pathologies. Au sein des grandes cités, nous avons installé des hôpitaux de référence et à Barcelone
se sont également implantés des hôpitaux régionaux et universitaires.
Karelle LE GLEUT, Cabinet ICONES
La notion de territoire de santé est-elle antérieure à la création des « aires basiques de santé » ?
Xavier CONILL
La taille des territoires de santé varie de 10 000 à 30 000 habitants. En Catalogne, une « aire
basique de santé » correspond à un village, à une communauté de villages, etc. A Barcelone qui
compte 2 millions d’habitants, « l’aire basique de santé » correspond à un district, à un
regroupement de quartiers. Pour nous il s’agit avant tout de répondre à une réalité culturelle et
historique. Un territoire ne correspond à aucune définition précise : il existe tout simplement.
Jean-Pol DURAND
Merci à tous pour votre participation.
31
SAMEDI 12 SEPTEMBRE 2009
ACCUEIL
DOCTEUR PATRICK GASSER
PRESIDENT DE L’URML DES PAYS DE LA LOIRE
Avant d’ouvrir cette nouvelle session Bauloise, j’aimerai remercier Thomas Hérault et Isabelle Riou
pour l’ensemble du travail qu’ils ont réalisés depuis près de 6 mois et cela, chaque année.
Merci à notre ancien président d’URML, le Dr Bertet qui m’a fait confiance depuis 2004 pour réaliser
ces rencontres. Ces journées ont chaque année plus de succès. Et j’en veux pour preuve les
demandes de plus en plus fréquentes d’interventions qui jusqu'à présent on toujours été acceptées
mais, on le voit aujourd’hui, pas toujours honorées. Et ceci est vexant pour la profession et pour les
régions. C’est peut être parce que nous n’avons pas l’âge de raison !
Aujourd’hui le staff d’organisation s’est ouvert avec la participation d’autres Unions (Alsace, Midi-
Pyrénées, Languedoc, Poitou-Charentes, Nord Pas de Calais…), de Benoit Péricard qui, à la fois par
un regard extérieur et sa connaissance profonde du système, nous a permis d’élaborer, d’isoler des
thèmes importants auquel la profession se doit de répondre. Jean-Paul Durand, le complice de
plusieurs années, que beaucoup de participants connaissent, a répondu encore une fois présent pour
animer les débats, pour parfois mettre « sur le grill » nos intervenants et éviter la langue de bois,
qui n’est pas de mise ici.
Merci à nos partenaires financiers pour leur soutien.
En 2004, il nous a paru indispensable de mettre en place une journée de réflexion centrée sur le
financement du soin, ce d’autant que l’Etat mettait en place de nouveaux modes de rémunération
et de codification : la CCAM technique et la T2A. Il nous a fallu au moins deux ans pour y voir plus
clair ; il s’agissait, pour nous médecins, d’une première révolution. Nous ne connaissions que très
peu les médecins DIM (Département d’Information Médicale). Nous avons appris depuis à les
connaître. Les gestionnaires et les investisseurs eux avaient compris et vu les mutations arriver, leur
présence dans notre bulle a été plus prégnante et c’est tout naturellement que nous avons abordé :
• Le problème de la gouvernance dans nos établissements,
• L’impact des capitaux extérieurs avec l’avènement des fonds dans le soin.
Nous avons dû nous familiariser avec l’Europe à travers la Loi sur les Services et l’impact potentiel
sur nos propres sociétés de médecins.
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Certains ont pris conscience de la situation, des changements nécessaires pour répondre à ces
mutations et il est aujourd’hui possible de parler d’entreprise médicale même si dans ce terme la
notion commerciale entraine encore une image péjorative en santé.
Enfin nous pouvons parler d’entreprise. A travers ce concept nouveau pour nous, nous allons débuter
une réflexion qui va bien au delà de la réflexion financière individuelle et patrimoniale. Nous allons
réfléchir en termes de part de marché, de développement d’entreprise, de pérennité d’entreprise,
ce qui nous conduit à réfléchir sur la démographie médicale. Je vous rappelle que seulement 30%
des diplômés s’installent en libéral aujourd’hui ; les jeunes veulent une lisibilité, une organisation :
l’entreprise leur permettra probablement plus facilement de répondre à leurs priorités.
L’entreprise médicale n’est-elle pas un modèle pour répondre aux besoins de soins, contractualiser,
et donner une réponse territoriale, et peut être à terme une offre globale de services grâce à la
mutualisation des moyens à travers l’entreprise. On nous parlera d’éthique médicale : je pense que
la réponse pour plus d’éthique peut passer par l’entreprise médicale à travers sa structuration et la
mise en place de ces processus, qualités indispensables à son fonctionnement. Mais ceci est un autre
débat.
La loi HPST est votée, elle s’impose, nous attendons les décrets d’applications, nous devons
maintenant nous l’approprier et les modifications qu’elle entraine risquent de bouleverser notre
façon d’exercer, modifiant la place du soignant dans la prise en charge de la santé de la population
sur un territoire. L’entreprise médicale n’est elle pas une réponse, le médecin généraliste sera-t-il
le garant de la santé de son territoire ? Pour répondre à la demande, il est impératif de connaître le
besoin de santé ressenti ou réel de la population. C’est pourquoi nous avons débuté ces journées par
un atelier de réflexion sur ce sujet et appréhender la vision d’autres pays européens. Aujourd’hui
nous aurons l’exemple de Laval au Québec. Laval en Mayenne ne donnera surement pas la même
réponse.
Aujourd’hui il nous a paru important d’étudier l’ensemble de la chaine de soins en portant notre
réflexion du territoire de premier recours et des réponses que certains proposent aux établissements
de soins qui demain bien entendu garderont leur rôle principal qu’est le soin, mais qui devront
s’intégrer dans l’ensemble de la prise en charge de la population qui vieillit et devient de plus en
plus dépendante. Mais quelle gouvernance pour éviter les débordements ?
Très gentiment Mr PAILLE, directeur de l’ARH des Pays de la Loire, a bien voulu être présent et
ouvrir cette 5ème
édition des Rencontres de la Baule. Je lui donne avec grand plaisir la parole et vous
souhaite la bienvenue et une agréable journée.
33
ALLOCUTION D’OUVERTURE
JEAN-CHRISTOPHE PAILLE
DIRECTEUR DE L’ARH DES PAYS DE LA LOIRE
Vous me voyez très honoré d’avoir été invité à formuler, devant vous, quelques propositions de
réflexions pour vos travaux d’aujourd’hui. Au sein du thème de ces Rencontres, je m’intéresserai
surtout à la question des nouveaux périmètres.
La loi Hôpital Patients Santé Territoires nous propose une approche décloisonnée de la politique de
santé. Le projet de santé établi par l’Agence Régionale de Santé est en effet constitué d’un plan
unique, un plan stratégique régional de santé qui fixe les orientations et les objectifs pour la région
dans le domaine de la prévention, de l’organisation des soins et de l’organisation médico-sociale. Il
établit également des articulations avec la santé au travail, la médecine scolaire et la santé des
personnes en situation de précarité et d’exclusion. La loi approfondit la territorialisation de la
politique de santé de deux manières : d’une part le projet de santé qui définit les objectifs
pluriannuels d’action menés par l’ARS est un projet régional, qui certes doit cependant être
cohérent avec la politique nationale de santé ; d’autre part, l’ARS définit des territoires de santé
pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d’équipement des établissements de
santé, de prise en charge et d’accompagnement médico-social, et d’accès aux soins médicaux de
premier recours.
La loi distingue un territoire de santé particulier, à savoir le territoire de santé de la Conférence de
Santé. Ce territoire est d’ailleurs rattaché au Schéma Régional d’Organisation des Soins qui
demeurera dans le dispositif, et plus précisément à l’Annexe Objectifs Quantifiés. Mais la loi
distingue également un deuxième niveau de territoire : il s’agit des collectivités territoriales et de
leurs groupements qui pourront conclure avec l’ARS des contrats locaux de santé portant sur la
promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social.
A partir de là, quelle conception peut-on avoir des territoires de santé ? Il me semble que deux
enjeux ressortent de la loi. Nous avons aujourd’hui un millefeuille de territoires. J’en ai dénombré
trois dans le domaine médico-social, quatre dans le domaine du soin et sept dans le domaine de la
prévention. Jusqu’à la loi HPST, l’accumulation de ces territoires était sans inconvénient majeur
puisqu’il n’existait pas de véritable ambition de transversalité. Désormais, cette cohabitation
devient contradictoire avec l’objectif de décloisonnement entre secteurs du champ de la santé, d’où
un premier enjeu : il s’agira, en appliquant la loi, de constituer des niveaux de territoires au sein
desquels les questions de santé seront traitées de façon transversale. Je pense qu’il existe aussi un
deuxième enjeu : les territoires de santé doivent correspondre à un niveau de concertation ou de
décision de politique générale qui permette que les questions de santé ne soient pas traitées
isolément, loin des questions de transport, de logement, de cohésion sociale. Cette recherche de
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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cohérence avec les autres politiques publiques, elles-mêmes territorialisées, me semble une
dimension sinon nouvelle, en tout cas très intéressante, en particulier pour les élus de notre pays.
Partant de ces deux enjeux, je souhaite vous proposer des pistes pour la gradation des niveaux de
territoires de santé. Un premier niveau, particulièrement bien identifié dans cette région, est celui
des territoires de premier recours : territoire d’organisation des soins ambulatoires de proximité et
territoires de la permanence des soins, ils devront dans la mesure du possible être cohérents avec
les Comités de Liaisons sur l’Information et la Coordination (CLIC) mais aussi avec les
circonscriptions d’action sociale à l’échelle desquelles sont organisées les centres de Protection
Maternelle et Infantile (PMI) ainsi que des sujets tels que la maltraitance. Le territoire de la
Conférence de Santé est quant à lui expressément prévu par la loi : il paraîtra cohérent que ses
limites soient raisonnées en fonction des communautés hospitalières de territoires que prévoit la loi.
Il serait également souhaitable que ces limites soient adaptées aux réalités médico-sociales, ce qui
amène la question suivante : ces territoires de la Conférence de Santé ne devraient-ils pas être les
départements ? Puis, entre les territoires de la Conférence de Santé et les territoires de premier
recours, n’y a-t-il pas place pour des territoires où seraient reliées la santé et les politiques
générales ? Ces territoires de projet de santé territorial permettraient d’établir un lien avec les
autres politiques locales dont je parlais plus haut. Les communautés d’agglomérations ou les pays ne
pourraient-ils pas être l’échelle de cette transversalité ? Enfin, viendraient la région, niveau de
pilotage mais aussi de traitement de certaines problématiques, et l’inter-régions : ce que nous avons
fait pour le Schéma interrégional d’organisation des soins demeurera utile demain avec l’ARS.
Voilà donc une esquisse qui comporte peut-être plus de questions que de réponses définitives,
sachant que la réflexion menée par les ARS ne partira pas de rien, mais d’un historique et
d’habitudes de travail acquises dans chaque région. Même si quelque part, quelqu’un est susceptible
de dessiner un schéma théorique idéal, celui-ci devra être adapté à chaque région afin que les
acteurs s’y retrouvent. La réussite de la réflexion et de la concertation sur les nouveaux territoires
de santé sera, selon moi, une des conditions nécessaires pour atteindre l’objectif de
décloisonnement et de territorialisation de la loi HPST.
Enfin, je considère pour ma part que votre thème « Entreprise médicale et nouveaux périmètres de
la santé » pourrait également s’appliquer directement à l’Agence Régionale de Santé, qui selon moi
comporte une dimension que je qualifierais d’entrepreneuriale : voici en effet une organisation qui
définira ses objectifs, bien sûr en cohérence avec la politique nationale, ses plans d’actions pour les
mettre en œuvre et sera responsable devant son actionnaire, l’Etat, de la réalisation de ces
objectifs. Je pense pour ma part que cette dimension entrepreneuriale de l’ARS constitue l’un des
aspects les plus enthousiasmants de sa création.
35
L’OUVERTURE DE L’ETABLISSEMENT DE SANTE SUR LE TERRITOIRE ET LE MEDICO-SOCIAL : QUELS
LEVIERS STRATEGIQUES ?
Participaient à cette table ronde :
• Jean ARTHUIS, Président du Conseil général de la Mayenne ;
• Jean HALLIGON, Président de la Conférence Nationale des Présidents de CME de
l’Hospitalisation Privée ;
• Jérôme NOUZAREDE, Président du groupe VEDICI ;
• Paul GARASSUS, Président du Bureau de l’Assurance Qualité et de l’Information Médico-
Economique de l’Hospitalisation Privée (BAQIMEHP) ;
• David CAUSSE, Directeur du secteur sanitaire et Coordonnateur du pôle santé-social à la
Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne (FEHAP) ;
• Martine AOUSTIN, Directrice de la Mission Interministérielle T2A ;
• Benoît PERICARD, Directeur des activités santé du Cabinet d’audit KPMG France.
Cette table ronde était animée par Jean-Pol DURAND, journaliste.
Jean-Pol DURAND
Jean Arthuis, nous sommes heureux de vous accueillir dans cette enceinte. Pouvez-vous nous décrire
votre expérience en Mayenne et son état d’avancement ?
Jean ARTHUIS
Je vous remercie de m’avoir convié à ces 5èmes
Rencontres de La Baule. Je viens devant vous pour
témoigner de ce que nous tentons de mettre en place sur le territoire de la Mayenne en matière de
santé. J’ai en effet pris conscience au fil des années qu’il nous manquait, au niveau du
département, un échelon de réflexion : tout était piloté depuis la région, la Caisse Régionale
d’Assurance Maladie prenant en charge la dimension libérale alors que la Direction Régionale des
Affaires Sanitaires et Sociales était chargée de l’hôpital public. Il a fallu attendre les textes de 1996
pour que se mettent en place les Agences Régionales d’Hospitalisation. En tant qu’élu du Conseil
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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général de la Mayenne, je suis donc allé à la rencontre des médecins au début des années 2000,
rencontres qui furent très stimulantes tant l’incompréhension me paraissait totale entre le monde
médical et les élus. Puis nous avons appris à nous connaître et je suis frappé par les progrès que
nous avons pu accomplir ensemble pour tenter de nous projeter dans l’avenir et mesurer à quel
point nous avons besoin de nous organiser sans doute autrement.
J’ai été très impressionné, Monsieur le Président, lorsque vous avez employé le concept d’entreprise
médicale. Il me semble en effet important de sortir d’une vision de l’exercice libéral quelque peu
individuelle. L’attente des jeunes médecins est autre. Pour préserver une offre de soins sur
l’ensemble des territoires, il faut nous préparer à mettre en œuvre de vrais changements dans
l’organisation de cette offre de soins. La Mayenne est un département assez rural de
300 000 habitants. La ville de Laval rassemble environ 90 000 habitants. Deux pôles sont dotés d’un
Centre hospitalier, à savoir Mayenne et Château-Gontier. En nombre de médecins, nous nous situons
30 % en dessous de la moyenne nationale. En outre 40 % de nos médecins sont âgés de plus de
55 ans, ce qui pose le problème du renouvellement du tissu médical de la Mayenne.
Des progrès ont cependant été accomplis, notamment sous l’impulsion décisive de l’actuel Président
du Conseil de l’Ordre. En outre les médecins ont eux-mêmes organisé la permanence de soins,
conscients de la fragilité de l’offre en Mayenne. L’espérance de vie en Mayenne est par ailleurs la
plus élevée de France : nos médecins sont donc parfaitement efficaces. De la même façon, malgré
un déficit de pédiatres et de gynécologues, notre taux de fécondité est sans doute le plus élevé de
France.
Au début de l’année 2007, nous avons constitué un groupe de travail impliquant le Préfet, le Conseil
général, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, la Mutualité Sociale Agricole, le Conseil de l’Ordre
des Médecins, la Mission Régionale de Santé et naturellement le Syndicat des médecins libéraux. Ce
groupe est parvenu à formuler trois propositions :
• satisfaire les besoins à partir de pôles de santé (entreprises médicales) : notre département
compte 17 structures intercommunales et une coordination est à prévoir entre l’organisation des
soins et la réforme des collectivités territoriales, les communes étant appelées à très largement
mutualiser leurs moyens et à donner plus de consistance aux établissements publics de
coopération intercommunale ;
• développer une politique active d’accueil des internes qui pour la plupart viennent du CHU
d’Angers : l’organisation de cet accueil par les médecins s’avère désormais particulièrement
impressionnante, mais précédemment certains de vos confrères avaient tendance à décrire leur
profession auprès des futurs médecins comme un exercice particulièrement accablant, ce qui
n’était pas de nature à fortifier les vocations médicales ; enfin, comme gage de soutien, nous
avons décidé de verser à chacun d’entre eux 300 euros par mois pour indemniser leurs
déplacements ;
• développer la communication en direction des facultés de médecine.
37
Nous organisons également des rencontres entre les élus et les médecins. Il s’avère en effet
important de faire comprendre aux maires qu’il est désormais loin le temps où l’on pouvait
prétendre avoir un médecin dans chaque commune. L’opportunité de se mettre d’accord sur un pôle
médical est en voie de progrès. Nous développons trois types de projets d’entreprises médicales :
certains sont construits au niveau des communautés de communes, celles-ci devenant en général
maîtres d’ouvrage de la construction immobilière ; autre solution, nous prenons appui sur des
hôpitaux locaux, structures finalement assez adaptées à l’accueil probable d’entreprises de santé ;
enfin, nous nous appuyons sur un centre hospitalier : l’hôpital de Segré a ainsi été fusionné avec
celui de Château-Gontier et sur le pôle de Segré, il est question d’accueillir l’ensemble des
médecins Segréens au sein d’une entreprise de santé.
Il faut toutefois être attentif à ne pas construire des pôles de santé trop petits. Il est en outre
important que le monde médical assume complètement le projet et que les élus les accompagnent,
en dépassant leurs éventuelles considérations strictement communales. Nous devons évoluer sur le
plan conceptuel pour imaginer que l’on puisse être actionnaire d’une sociétaire médicale, que cette
société soit propriétaire du patrimoine et qu’un retraité vende ses actions à son successeur. Au plan
patrimonial, être salarié d’une telle structure peut en effet revêtir quelque intérêt.
En conclusion, j’emprunterai à Jean de La Fontaine la phrase suivante : « Apprendre à se connaître
est le premier des soins. »
Jean-Pol DURAND
Lorsque vous rencontrerez sous peu le futur Directeur de l’ARS, l’inviterez-vous à ménager ce qui a
déjà été fait en Mayenne ?
Jean ARTHUIS
Nous devons élaborer collectivement les projets, dans le cadre d’une sorte de tuilage entre les CHU,
les centres hospitaliers et les établissements privés. Les sources de financement sont telles que nous
avons pour obligation de faire bon usage des fonds publics dont nous disposons. Je fais le vœu que
l’on rapproche les cliniques et les hôpitaux au sein de départements comme le mien. A l’inverse, à
ce petit jeu qui consiste à opposer les uns aux autres, nous risquons de ne jamais atteindre les seuils
de crédibilité. J’appelle donc à une mise en synergie du public et du privé. Nous avons pour
obligation de maintenir une offre de soins de qualité, ce qui ne signifie pas que nous pourrons tout
faire sur place. Il faudra savoir passer à l’échelon supérieur lorsque les compétences peuvent y être
offertes dans les meilleures conditions possibles.
Jean-Pol DURAND
Les médecins sont-ils prêts, avec l’aide des collectivités locales, à assumer cette responsabilité ?
Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009
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Jean HALLIGON
Non, ils n’y sont pas préparés. Ils ne sont pas préparés à faire autre chose que du soin. Il sera donc
de notre responsabilité de mobiliser nos collègues et de faire un peu de pédagogie. Nous devons tout
d’abord insister sur l’importance des entreprises collectives. Nous devons travailler ensemble, à la
fois entre praticiens de la même spécialité, mais aussi entre praticiens de spécialités différentes,
comme entre praticiens et personnels soignants, et ce dans un cadre des établissements. Les
médecins n’ont pas spontanément le sens du collectif.
De plus, les médecins ne sont pas du tout préparés à la notion de projet stratégique, pour leur
propre devenir, mais aussi pour le devenir de l’établissement dans lequel ils travaillent. De même, il
faut les aider à concevoir qu’il existe des activités en dehors du soin : certaines activités de
coordination ne sont pas en lien avec les patients, mais doivent pourtant être valorisées et
reconnues. Enfin, au-delà de l’établissement, nos collègues doivent être persuadés qu’ils travaillent
sur un territoire, au sein d’un réseau.
L’un des outils à utiliser est tout d’abord la contractualisation à différentes échelles. Déjà les
praticiens d’établissements contractualisent à titre individuel avec les établissements. Nous devrons
donc inventer des contrats collectifs à l’intérieur des établissements, mais aussi des contrats entre
le collectif médical (la CME ou un groupement de praticiens d’une spécialité) et le territoire, ou
même l’ARS. Nos collègues des établissements devront passer de la production de soins à une prise
en charge de la santé, ce qui nécessitera une grande évolution conceptuelle et aura un impact sur
l’organisation des établissements qui devront alors comporter beaucoup plus d’activités de type
médical. L’activité chirurgicale se déplacera alors vers l’ambulatoire. Des filières à la fois médicale,
de soins de suite et médico-sociale devront en outre être intégrées à cette prise en charge globale.
Jérôme NOUZAREDE
L’établissement privé de santé s’inscrit finalement dans trois types de territoires : le territoire de
son bassin d’attraction, le territoire régional et dans une certaine mesure, le territoire national. En
ce sens, un groupe peut permettre de mieux articuler les dimensions régionale et nationale. Mais
pour ma part, je considère que la réalité est avant tout locale pour la plupart des établissements.
Pour réfléchir aux leviers stratégiques d’un territoire, il faut prendre en compte toutes les
populations, c'est-à-dire toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les pathologies. Nous
considérons en effet que le modèle de l’établissement hyperspécialisé ne répond pas à la réalité du
territoire départemental. Néanmoins il existe, au sein des départements, des territoires de santé,
des territoires de recours et sous l’angle des plateaux techniques, des chirurgies de spécialité. Cette
réalité doit être appréhendée car à partir du moment où il existe des établissements en mesure
d’offrir une réponse à la population, ils captent une partie de la patientèle. Face à cette réalité, les
stratégies sont multiples. L’une consiste à articuler les établissements privés entre eux, mais le
combat cessera forcément faute de combattants en l’état de la tarification actuelle, sans même
parler de la démographie médicale. Alors, quelle articulation avec les hôpitaux de proximité, étant
entendu que la plupart des établissements privés participe à l’offre de recours ?
39
Les hôpitaux peuvent évidemment avoir des réflexes culturels… Néanmoins, tant les personnels que
les politiques et les populations sont animés par la recherche de leur intérêt dans le maintien d’une
offre sur ce territoire. Pour ma part, je suis moins pessimiste que d’autres sur l’idée que les
communautés hospitalières de territoire sont en mesure, une fois pour toutes, de mailler l’hôpital
général aux hôpitaux dits périphériques. Les hôpitaux des territoires de santé ont cependant leurs
réalités propres et ne vont pas tout naturellement s’inféoder l’hôpital général du département.
Par ailleurs, ce maillage ne peut se mettre en place qu’avec les médecins. Or nous sommes encore
loin aujourd’hui de disposer d’un modèle abouti. Il s’avère extrêmement difficile pour un
établissement privé d’inciter ses professionnels à consulter ou à opérer dans tel ou tel autre hôpital
au prétexte de fidéliser la patientèle. Mais certains confrères savent d’eux-mêmes que leur intérêt
consiste à aller exercer dans ces territoires de proximité. Ces rapprochements doivent donc reposer
sur une volonté bien comprise, mais aussi sur une vision de long terme. En outre, ils doivent
s’inscrire dans une démarche équilibrée : un nouvel équilibre doit à l’évidence être trouvé,
dépassant largement l’actuel contrat d’exercice, entre un praticien d’établissement, un groupe de
praticiens d’établissement et pourquoi pas, un groupe de praticiens au sein de différents
établissements.
Différents modes d’organisation s’expérimentent ici ou là ; il est bien évident que dans cette
thématique, la démographie médicale et la culture d’exercice seront déterminantes.
Jean-Pol DURAND
Paul Garassus, comment votre Fédération aborde-t-elle le sujet de l’entreprise et de la
territorialité ?
Paul GARASSUS
Rappelons tout d’abord les spécificités du secteur privé, avant de réfléchir à son adaptabilité à un
secteur territorial. Les établissements privés de soins ont engagé, au cours des quinze dernières
années, un grand nombre de restructurations, avec deux contraintes connexes à savoir les évolutions
techniques et la contrainte économique.
S’adapter au territoire consiste tout d’abord à définir ses objectifs et savoir-faire, à réfléchir au
partenariat entre les équipes médicales, puis à mettre en place un partage effectif entre une
habileté de gestionnaire et une pertinence stratégique, tout en incluant le corps médical dans ses
orientations et ses compétences. Les difficultés que nous rencontrons actuellement en France
s’avèrent tout à fait semblables à celles de nos voisins européens : où s’arrête le privé et où
commence le public ? Il nous faut lever quelques verrous conceptuels et donner du contenu à notre
exercice, en dissociant bien le statut juridique et le mode organisationnel : en Allemagne, beaucoup
d’hôpitaux dits publics ont confié leurs mandats de gestion à des organismes privés. Ils n’ont pas
Rencontres de La Baule 2009
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Rencontres de La Baule 2009

  • 1.
  • 2. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 2 5èmes Rencontres de la Baule 11 et 12 septembre 2009
  • 3. 3 SOMMAIRE VENDREDI 11 SEPTEMBRE 2009 SOMMAIRE 3 Allocution d’ouverture 4 Atelier de réflexion Territorialité et besoins en santé : comment les définir ? 5 Accueil 31 Allocution d’ouverture 33 L’ouverture de l’établissement de santé sur le territoire et le médico-social : quels leviers stratégiques ? 35 Questions de la salle 46 Le médecin généraliste : gestionnaire de son territoire ? 51 Capitaux extérieurs dans les établissements et les sociétés médicales : quel impact ? 68 Questions de la salle 83 Remerciements 88
  • 4. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 4 VENDREDI 11 SEPTEMBRE 2009 ALLOCUTION D’OUVERTURE DR. PATRICK GASSER PRESIDENT DE L’URML DES PAYS DE LA LOIRE Je vous souhaite la bienvenue à cette cinquième édition des Rencontres de La Baule, désormais un peu modifiées puisque nous avons rajouté une demi-journée. Cette demi-journée m’a en effet paru indispensable à l’heure où la région devient un niveau « pertinent ». Or l’évolution de la demande des politiques, des représentants de l’Assurance Maladie et des mutuelles a sans doute quelque peu bousculé le corps médical qui encore aujourd’hui, rencontre des difficultés pour s’adapter à la fois aux désirs des plus jeunes et à ses propres aspirations. Il s’avère donc nécessaire, pour la profession, de proposer un nouveau modèle de fonctionnement. Dans ce contexte, une réflexion autour de la notion d’entreprise de santé constitue sans doute l’une des réponses possibles. Ainsi, dans la région nous travaillons à la mise en place des médecins de premier recours et des pôles de santé, dorénavant intégrés dans la loi HPST. Bien évidemment cette entreprise de santé doit conserver sa spécificité médicale et son éthique, tout en donnant du soin à tous et ce, dans les meilleures conditions. D’ailleurs, ce niveau deviendra peut-être pertinent en vue d’une ouverture à la contractualisation régionale. Mais comment répondre de façon adaptée sans connaître les besoins de soins, les expériences menées sur le territoire, ou même les ressources disponibles ? J’espère que vous nous fournirez, en la matière, quelques pistes de réflexion. La loi HPST s’impose désormais à tous et il me semble important de se l’approprier en Région. Pour ce faire, nous devons approfondir notre connaissance du territoire.
  • 5. 5 ATELIER DE RÉFLEXION TERRITORIALITE ET BESOINS EN SANTE : COMMENT LES DEFINIR ? Participaient à cet atelier de réflexion : • Yann BOURGUEIL, Directeur de recherche à l’IRDES ; • Benoît DERVAUX, Enseignant-chercheur Lille 2, CHRU de Lille ; • Xavier CONILL, Directeur de la Planification et de l’Innovation de la Corporation de Santé du Maresme et la Selva, Catalogne ; • Denis DURAND de BOUSINGEN, Journaliste ; • Anne TALLEC, Directrice de l’ORS des Pays de la Loire. Cet atelier de réflexion était animé par Jean-Pol DURAND, Journaliste. Jean-Pol DURAND Anne Tallec, vous êtes une observatrice avisée du secteur sanitaire et social. Au lendemain de la publication de la loi HPST, quel est votre pronostic ? La régionalisation peut-elle aller jusqu’à une réelle déconcentration des pouvoirs ? Anne TALLEC J’ai été particulièrement sensible à la pertinence des thèmes retenus pour ces 5èmes Rencontres de La Baule : poser aujourd’hui, alors que se mettent en place les Agences régionales de santé (ARS), les questions de coordination, de territoires et de besoins me semble vraiment particulièrement intéressant. Je souhaite donc tout d’abord saluer ici l’initiative de l’URML.
  • 6. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 6 La création des ARS constitue une étape essentielle dans la régionalisation des politiques de santé. Cette dynamique est engagée depuis plusieurs décennies, mais elle a concerné les différents secteurs du système de santé de façon très différente. En ce qui concerne les établissements de santé tout d’abord, la régionalisation est ancienne et très engagée, aussi bien en matière de planification -la carte sanitaire date de 1970- que de tarification, avec toutefois sur ce dernier point, une tendance inverse depuis 2004 avec la mise en place de la tarification à l’activité (T2A). Les ordonnances de 1996 ont représenté un tournant essentiel, avec la création des Agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et l’élaboration des schémas régionaux d’organisation sanitaire (SROS). Dans le secteur ambulatoire, la dynamique régionale n’a rien de comparable, notamment parce que la question de planification ne s’y est pas réellement posée jusqu’à une période récente, en raison d’un contexte associant offre relativement abondante et liberté d’installation. En outre les tarifs se négociaient, et se négocient toujours d’ailleurs, au niveau national. Au cours des dernières années, ce secteur a été avant tout marqué par des dynamiques de regroupement, avec la création des URML en 1994 et des URCAM en 1996. Dans le champ de la prévention, la dynamique s’avère assez ancienne. En 1982, avaient en effet été créés les Comités consultatifs de promotion de la santé et les Observatoires régionaux de la santé, grâce à un ministre de la santé, Jack Ralite, dont la vision des enjeux de santé en France s’est finalement avérée largement en avance sur son temps. La régionalisation dans ce secteur a trouvé un nouveau souffle en 2006 avec la création des Groupements régionaux de santé publique (GRSP). Mais malgré ces évolutions, ce domaine occupe toujours une place très marginale dans notre système de santé. Enfin, le secteur médico-social est traditionnellement organisé au niveau départemental, et fait l’objet d’un double pilotage, Etat et Conseils généraux. Et en 2004, la 2ème vague de décentralisation avait renforcé le rôle des Conseils généraux dans les politiques concernant les personnes âgées et les personnes handicapées. La prise en compte par les ARS du secteur médico- social signe donc une dynamique très différente. Malgré ces évolutions, l’organisation du système de santé, reste à ce jour très cloisonnée entre les différents secteurs (ville/hôpital, établissement public/établissement privé, soins/prévention, médical/médico-social), surtout centrée sur le curatif et peu sur le préventif, sur « l’hôpital » et peu sur l’ambulatoire. Les Agences régionales de santé, dont l’ambition principale est de permettre le décloisonnement, seront-elles en mesure de répondre à ces problématiques ? La mise en place des ARS va tout d’abord instaurer une gouvernance régionale considérablement simplifiée. Dans une région comme les Pays de la Loire, on va ainsi passer d’une dizaine de structures en charge de piloter le système de santé à une seule. Les instances de concertation
  • 7. 7 régionales vont également être moins nombreuses : la conférence régionale de la santé et de l’autonomie va assurer les fonctions de la Commission Régionale de l’Organisation Sanitaire, de la Commission Régionale de l’Organisation Sociale et Médico-sociale et de la Conférence Régionale de Santé. La loi apporte en outre de nombreux outils : - pour favoriser l’approche globale de la santé (définition des soins et du médecin généraliste de premier recours, introduction de la notion d’éducation thérapeutique,…) - pour améliorer l’organisation des soins au niveau territorial (contrats locaux de santé, signalement de leurs absences par les médecins, ...) - pour favoriser les coopérations et les complémentarités entre institutions (communautés hospitalières de territoire, groupements de coopération sanitaire, pôles) et entre professionnels (centres et maisons de santé, délégation de tâches, …) La globalité de l’approche de la santé qui préside à la mise en place des ARS apparaît mieux en phase avec les réalités actuelles, et notamment : - le vieillissement de la population, et, de façon liée, le poids des maladies chroniques (les affections de longue durée représentent 60 % des dépenses de santé), - le recul de la démographie médicale mais aussi et peut-être surtout les changements sociologiques qui affectent les professionnels de santé comme toute la société (temps de travail…). Des questions demeurent cependant, et tout d’abord autour du décloisonnement. Si le décloisonnement entre la prévention, les soins et le médico-social, que tout le monde appelle de ses vœux, constitue le fil conducteur de la loi, il n’en demeure pas moins que le projet régional de santé prévu par la loi comporte trois parties : le schéma régional de prévention, le schéma régional des soins et le schéma régional médico-social. Cela peut apparaître comme le reflet d’une réelle difficulté à donner corps à cette notion de transversalité. C’est sans doute au niveau des territoires, avec les acteurs de proximité, qu’il sera le moins difficile de commencer à faire vivre ce décloisonnement. S’agissant des poids relatifs du curatif et du préventif, la déclinaison territoriale apparaît également comme essentielle, tout comme l’analyse des besoins. Et à ce titre, il me semble regrettable que, concernant le schéma régional de prévention, la loi n’évoque ni la question des besoins, ni la notion de territoire. Enfin, en ce qui concerne l’équilibre entre la médecine de ville et l’hôpital, la dénomination même de la loi nous prouve qu’il reste encore beaucoup à faire !
  • 8. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 8 Certes le directeur de l’ARS concentrera dans ses mains un pouvoir considérable, mais de quelles marges de manœuvre disposera-t-il vis-à-vis du niveau national, où la complexité reste de mise ? Régionalement, sa marge sur le plan financier sera relativement réduite, eu égard en particulier au fait que les tarifications, tant à l’hôpital via la T2A qu’en ambulatoire via les conventions médicales, restent nationales. Mais dans tous les cas, les relations que ce responsable pourra et saura établir avec les acteurs locaux, professionnels de santé et collectivités locales notamment, me semblent déterminantes, au même titre que l’évolution des représentations de ces acteurs. S’il convient d’être optimiste, au regard des déséquilibres financiers et des questions de démographie médicale actuels, le temps nous est compté. Jean-Pol DURAND Si cette loi s’inscrit dans la continuité des évolutions entamées il y a vingt ans, j’observe tout de même que nous avançons fort lentement. Mais combien de temps faudra-t-il encore pour aboutir à un Plan Régional de Santé qui fasse consensus minimal entre tous les acteurs ? Anne TALLEC D’importants changements de représentations collectives s’avèrent aujourd’hui nécessaires. Cela nécessite toujours beaucoup de temps, mais la nature des débats désormais portés par l’Union Régionale des Médecins Libéraux nous prouvent que les évolutions sont d’ores et déjà considérables. Eu égard aux difficultés qui émergent actuellement, tant au niveau des professionnels qu’au niveau financier, il est nécessaire de ne pas perdre de temps. Notre chance se trouve certainement dans notre capacité à nous fédérer entre acteurs régionaux, même si les poids nationaux demeurent très forts. Benoît PERICARD, KPMG Si vous aviez l’occasion de conseiller le futur Directeur de l’ARS des Pays de la Loire, sur quelles priorités lui proposeriez-vous de mettre l’accent ? Evoqueriez-vous en premier lieu la résorption du déficit hospitalier, la répartition des médecins libéraux ou encore l’ouverture du médico-social en direction des hôpitaux ? Anne TALLEC Au lieu d’opter pour une porte d’entrée institutionnelle, je poserais la question dans les termes suivants : quels sont les problèmes de santé prioritaires au niveau de la population, et sur ces sujets comment les différents professionnels peuvent-ils agir ? A titre d’exemple, dans notre région, deux déterminants pèsent de façon considérable sur la santé de la population, à savoir la nutrition et
  • 9. 9 l’alcool. Je sélectionnerais donc de telles portes d’entrée et mobiliserais à ce sujet les moyens disponibles, quitte à les ajuster si nécessaire. Tel est, me semble-t-il, l’esprit de la loi. Jean HALLIGON Vous avez parlé de complexité au niveau national, mais n’avez-vous pas également l’impression que la loi crée, dans chaque région, un « machin » délicat à gérer, avec lequel il sera difficile de répondre aux besoins de santé, même bien observés ? Anne TALLEC Certes, mais actuellement nous fonctionnons avec dix « machins » ! Nous pouvons donc encore progresser : cette loi positionne sur une même ligne de départ le soin, la prévention et le médico- social. Elle leur redonne leur chance. Pour les acteurs de santé publique, il s’agit d’un moment historique, facilité par la présence d’un unique interlocuteur au lieu de dix. Mais cette simplification peut aussi s’avérer plus risquée… Benoît DERVAUX Ne risque-t-on pas, avec les ARS, le même phénomène qu’avec les ARH ? Ainsi, après une première génération d’ARH particulièrement autonomes, le pouvoir est revenu dans les mains de l’Etat. En ce sens, c’est sans doute au cours de ce premier mandat des ARS que les changements doivent absolument intervenir. Anne TALLEC J’aurais tendance à être d’accord avec vous. Jean-Pol DURAND Les Directeurs d’ARS travailleront en lien direct avec le Secrétariat général du Ministère, dont j’ai l’impression qu’il sera naturellement tenté de leur tenir la main… Anne TALLEC Je ne maîtrise pas bien les enjeux politiques multiples de cette loi.
  • 10. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 10 Patrick GASSER Cette régionalisation s’apparente-t-elle à une décentralisation ou à une déconcentration ? Quel sera le contre-pouvoir régional ? S’agit-il de la Conférence Régionale de Santé dont nous connaissons déjà le fonctionnement ? Anne TALLEC Beaucoup d’acteurs ont œuvré pour donner plus de pouvoirs et d’autonomie aux Conférences régionales de la santé et de l’autonomie, mais leurs missions demeurent effectivement extrêmement limitées. Elles ne forment pas du tout les lieux d’échanges et de démocratie indispensables, selon moi, pour faire évoluer les représentations collectives. En effet, le système de santé ne changera pas sans les usagers, ni les professionnels. Nous avons donc vraiment besoin d’espaces de démocratie plus forts. Gérard MAUZAIZE, FNATH, Association des accidentés de la vie A ses débuts, l’URML ne participait pas à la Conférence Régionale de Santé. Tel n’est le cas que depuis deux ans environ. Pour ma part, je me suis toujours battu pour que les médecins participent à ces échanges. Dominique BARRANGER ADAM - Union Nationale des Syndicats de Sages-femmes Habituellement la régionalisation implique un transfert de compétences nationales vers une région. Dans le cas présent, le pouvoir demeure aux mains de l’Etat en la personne d’un Préfet de santé régional. Cette exception institutionnelle reflète bien, selon moi, les problèmes de cette « régionalisation » : les besoins et les moyens de santé régionaux doivent pouvoir être évalués au regard de la gestion globale d’un territoire. Yann BOURGUEIL Le scénario de la régionalisation tel qu’il se déploie aujourd’hui a été très bien décrit dans un rapport du Commissariat Général au Plan daté de 1993, rapport rédigé par un groupe de travail présidé par Monsieur Soubie, actuellement conseiller des Affaires sociales de Monsieur Sarkozy. Nous avons donc mis entre quinze et seize ans pour réaliser ce scénario qui d’ailleurs, n’envisageait pas de décentralisation ; ceci étant, le rapport prévoyait de confier une place plus importante aux Conseils régionaux. En 2003, ma collègue Marina Serré qui est politiste et moi-même avons mené une enquête auprès des élus régionaux à l’initiative de l’URML Rhône-Alpes à l’époque où le Premier Ministre Raffarin avait annoncé qu’il confierait peut-être la santé aux régions. Tous les élus de droite comme de gauche étaient effrayés à l’idée de récupérer la gestion d’un budget de 215 milliards d’euros.
  • 11. 11 Décentraliser signifie en effet donner des responsabilités en matière de collecte et de gestion des budgets. Ainsi, une décentralisation poussée à son maximum entraînerait à l’évidence une remise en cause des transferts et des équilibres de la redistribution des ressources qui actuellement, se fait à l’échelle nationale. C’est pourquoi règne aujourd’hui en France, entre les élus régionaux, un relatif consensus pour ne pas aller vers une décentralisation similaire à celle du modèle espagnol par exemple. Ensuite, se pose la question de la place des élus régionaux dans le processus de définition de la gestion régionale : en la matière, nous conservons plutôt un modèle assez technocratique. Benoît DERVAUX Dans ce processus, chaque région se positionne de manière différente. J’ai la chance de venir de la région Nord Pas-de-Calais où le Conseil régional s’est pleinement investi dans la politique de santé et fait même partie à ce jour de la Commission Exécutive (COMEX) de l’ARH. Bien sûr, en contrepartie, il consacre d’importants budgets au financement des investissements hospitaliers et autres. Néanmoins je pense que les régions peuvent aussi prendre leur part dans le dispositif actuel. Certaines régions l’ont fait. Jean-Pol DURAND Le Nord-Pas-de-Calais est la seule région à avoir investi dans ce dispositif. Benoît DERVAUX Tout à fait. Le Conseil régional est rentré dans la Commission Exécutive (COMEX) de l’ARH et a contribué au financement des différents projets. Jean-Pol DURAND Yann Bourgueil, comment détermine-t-on des territoires de santé ? Yann BOURGUEIL Je m’apprête à parler d’un sujet qui ne relève pas de ma spécialité. En l’occurrence, je m’intéresse plutôt à l’organisation des soins de premier recours, dans une logique territoriale certes mais surtout populationnelle. Ma présentation se fonde principalement sur les travaux des géographes de l’IRDES ; je vous conseille d’ailleurs la lecture de leur document de travail1 qui correspond à une 1 http://www.irdes.fr/EspaceRecherche/DocumentsDeTravail/DT10TerritoireSanteApprRegion.pdf
  • 12. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 12 évaluation de la façon dont les SROS de troisième génération ont construit les territoires. Ce bilan s’avère en effet fort intéressant. La notion de territoire comporte une forte ambiguïté : un territoire peut être créé pour le bien de la population qui y vit, mais l’on peut aussi chercher à travers la territorialisation à « marquer son territoire » et chercher à établir des frontières. Ainsi, j’ai souvent constaté une multiplicité des territoires en fonction des institutions, ou des acteurs politiques qui les construisent : chacun dessine sa carte et s’assoit sur son territoire afin de le défendre, où plutôt de défendre les privilèges auxquels il donne droit. Ce qui me paraît intéressant, dans la notion de territoire est avant tout la notion de population. Ceci dit, revenons à la question posée. Comment définir un territoire de santé ? Plutôt que de proposer une méthode clé en main, je vais explorer plusieurs questions qui me paraissent se poser autour des territoires de santé. Il me semble que lorsque l’on travaille à la constitution d’un territoire en santé, l’un des enjeux majeurs consiste d’abord à déterminer pour quel service et pour qui ? En matière de soins ambulatoires par exemple, la loi définit des soins de premier recours et des missions assez larges pour ces soins de premier recours. L’opérationnalisation de la notion de premier recours et de services de premier recours est transférée aux régions à qui il reviendra de définir ce qu’est la gamme de services que l’on entend garantir à la population. Il s’agit d’un important enjeu conceptuel et technique pour le futur Directeur d’ARS : définir de façon concrète quels sont les objectifs en termes de soins de premier recours pour la population ? On peut définir un territoire pour des fonctions différentes. Ainsi observer l’état de santé d’une population, ne se fait pas nécessairement à la même échelle que pour l’action. Il me semble que dans une logique d’action qui suppose également la mobilisation et la participation d’acteurs, souvent professionnels implantés sur les territoires, il faut savoir adopter une approche pragmatique du territoire. Ainsi, les dynamiques professionnelles ou de projets ne sont pas nécessairement les mêmes que celles de cartes administratives ou parfois de l’action publique descendante. J’ai la conviction que les changements souhaités en termes d’efficacité et d’efficience ne peuvent s’opérer sans les professionnels au sens large. Pour mettre en œuvre les réorganisations des soins souhaitées dans la réforme, le Directeur d’ARS devra donc d’abord repérer où se trouvent les dynamiques. En général, elles se situent généralement là où il y a crise, c'est-à-dire d’abord dans les soins de premier recours parce que les élus locaux s’inquiètent, parce que les médecins ferment leurs cabinets, ne sont pas remplacés, etc. Or c’est le plus souvent dans ces situations de crise que les acteurs sont prêts à changer. Un autre aspect qui peut déterminer les territoires sont les modèles et leviers d’action disponibles. Le Directeur d’ARS devra s’interroger sur sa capacité à contractualiser, à investir avec ou sans partenaires avant de définir des territoires. Enfin, qui est concerné par ces territoires ? Les acteurs sont en effet nombreux dans le système (institutions, patients, professionnels) et il me semble que tous doivent être pris en compte dans la construction du territoire.
  • 13. 13 En ce sens, il me semble que définir une seule méthode de construction des territoires à l’échelon national serait une grave erreur. Les caractéristiques locales sont déterminantes. Elles relèvent, de la géographie, de l’histoire, de la façon dont s’est construite l’offre de soins. L’analyse des Schémas Régionaux d’Organisation Sanitaire (SROS) de troisième génération réalisée par mes collègues de l’IRDES le montre parfaitement bien : dans le SROS 3, cinq niveaux de territoire avaient été introduits (proximité, intermédiaire, recours, régional et interrégional). Puis il était laissé à chaque région la capacité de définir ses territoires, d’où de multiples façons de les construire, ce qui s’avéra fort intéressant : certains optèrent pour des méthodes descendantes, plus ou moins élaborées d’un point de vue statistique, d’autres pour des méthodes très participatives, ou encore fondées sur du recours aux soins, ou des approches populationnelles plus larges avec les bassins d’attraction de l’INSEE. Les méthodes sont donc nombreuses et chaque région a appliqué la sienne. Il est en effet évident que les territoires d’Ile-de-France et d’Auvergne ne peuvent être abordés de la même façon. Faut-il s’appuyer sur l’existant ou tout recommencer ? L’évaluation réalisée par mes collègues montre que certaines régions avaient posé quelques principes très en amont, comme par exemple construire les territoires en fonction de l’offre et des flux existants, tandis que d’autres ont cherché à s’appuyer sur de nouvelles logiques, à savoir les flux de population sur de multiples services (leur raisonnement rejoignait donc celui de l’aménagement du territoire). Ainsi, certaines méthodes se fondaient sur les services existants et d’autres visaient à identifier des zones à risque. Finalement, la question qui me paraît principale à éclaircir porte sur le pourquoi du territoire. D’une certaine façon, l’organisation territoriale des hôpitaux est désormais relativement stabilisée et l’on annonce désormais des SROS ambulatoires. En effet, sous l’effet de la pression démographique et de l’évolution sociologique, notre système de santé se confronte aujourd’hui à la question de l’organisation des soins en ambulatoire. Se pose alors la question suivante : quels sont les services que l’on veut garantir à la population ? Faut-il raisonner en termes de temps d’accès minimum, en termes de nombre de médecins généralistes ? Ne vaut-il pas mieux raisonner en termes de services en imaginant, plutôt qu’un médecin, une sorte de premier diagnostic ? On introduit là la délégation de tâches. En effet, le troisième axe sur lequel l’ARS devra, selon moi, travailler est bien la question de la ressource humaine à l’échelon d’une région. Enfin, en termes de processus, la façon de faire le territoire constitue un enjeu important. Elle préfigure en effet la façon de conduire l’action au sein de ce territoire. Si comme directeur d’ARS je facilite les rencontres entre les acteurs à l’échelon local, je suis déjà dans un processus de changement de type participatif. En faisant se rencontrer les acteurs autour de la question du territoire dans le cadre d’une élaboration collective, j’induis un processus de rencontre et d’élaboration collective qui est déjà un changement. Si je dessine des cartes et me fonde sur des données, je ne suis pas dans le même processus de changement. Pour ma part, je préfère le processus participatif, car même s’il ne débouche pas immédiatement sur des objets magiques comme des cartes, il peut conduire à des changements de représentations et, à terme, de rôles.
  • 14. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 14 Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ? Ne sous-estimez-vous pas un peu le futur rôle des usagers ? En effet, comme ils l’ont fait vis-à-vis de l’hospitalier depuis 2002, ils vont devoir s’organiser vis-à-vis de l’ambulatoire. Ils constituent en effet la troisième composante entre l’Administration et les médecins. Or pour l’instant, il me semble que les médecins échangent entre eux, tandis que le malade demeure un objet extérieur. Yann BOURGUEIL Cette problématique fait effectivement partie des enjeux de la définition d’un territoire : si je suis directeur d’ARS, pour savoir ce que j’inclus dans mon territoire, j’ai peut-être intérêt à organiser un débat au cours duquel je convierai des représentants d’usagers. Mais encore faut-il qu’ils aient su se construire un point de vue. Peut-être devrais-je alors les aider préalablement à se construire un tel point de vue, à maîtriser tous les enjeux techniques, les acronymes, etc. Cette question relève vraiment du style de management de l’ARS, de l’approche choisie pour conduire le changement. Jean-Pol DURAND Ainsi si vous étiez demain conseiller d’un Directeur d’ARS, que lui diriez-vous? Yann BOURGUEIL J’essaierais de partir de ce qui pose problème (problèmes de santé mais aussi inquiétude des populations et des professionnels) afin de pouvoir établir un diagnostic de manière collective. Je pense que l’association des différents acteurs et notamment des représentants d’usagers notamment dans le secteur de la santé qui est un véritable espace politique, renforce selon moi la pertinence du diagnostic et donc la possibilité de transformations durables. Anne TALLEC L’existence des Conférences de territoire constitue, pour moi, l’un des éléments essentiels de la loi. En effet, c’est bien au niveau du territoire que tout se joue. En ce sens, les Conférences de territoire représentent des lieux majeurs de rencontre entre les acteurs, tant sur les questions de premier recours que sur les problématiques de flux. Les usagers ont ainsi leurs propres questions, très souvent sur le premier recours aux soins et l’accès à l’hôpital. Mais lorsqu’on leur présente les indicateurs de santé, émergent alors d’autres préoccupations plus larges. Il s’avère donc particulièrement efficace d’écouter la population, tout en entendant aussi les discours des professionnels. Au final, toutes ces observations s’avèrent fort convergentes.
  • 15. 15 Luc DUQUESNEL, Médecin généraliste On ne peut que souhaiter qu’au travers de la loi HPST, les territoires de santé soient correctement définis. En 2005, sur commande de l’Assurance Maladie, ont été définis les territoires déficitaires. Mais les critères proposés ont posé de grandes difficultés aux régions. Il en a été de même l’an dernier lorsqu’il a fallu, toujours à la demande de l’Assurance Maladie, décliner cinq types de territoires (sur-dotés, dotés, sous dotés, largement sous dotés) : pour ce faire, a été utilisée la notion de bassins de vie, selon la nouvelle définition de l’INSEE, avec en outre deux types de bassins de vie, que l’on soit en zone rurale ou en zone urbaine. Nous nous sommes alors retrouvés avec des territoires qui ne correspondaient en rien à l’organisation des soins telle qu’elle est dans les Pays de la Loire. En parallèle, il est normal, dans le cadre de discussions conventionnelles qui doivent s’appliquer à toutes les régions de France, de chercher à s’entendre sur des critères à peu près identiques. Ainsi, même si sur le plan local, nous parvenons à définir des territoires qui auront une certaine cohérence, ils poseront problème au niveau des décideurs nationaux, par exemple en matière de financement par l’Assurance Maladie. Il n’y aura plus de cohérence interrégionale. Yann BOURGUEIL A l’époque de la mise en place des majorations, l’administration avait essayé de trouver une formule permettant de définir un minimum de territoires dans un souci d’économie. Aujourd’hui, lorsqu’un médecin quitte le territoire, la première réaction des élus consiste à lui chercher un remplaçant, ce qui, à mon avis, n’a pas de sens. Il s’avère indispensable de définir en préalable ce que l’on veut offrir à la population en termes de soins. Benoît PERICARD En Pays de la Loire, dans le cadre du SROS de 1ère génération, nous avons construit des territoires à géométrie variable. Nous avons également défini des territoires de projets. Alors que les sept territoires de santé de cette région s’avèrent relativement évidents au regard de sa géographie urbaine, nous avons également défini treize territoires de coopération parce que l’urgence portait bien sur la coopération entre établissements. Ces territoires de coopération ont d’ailleurs porté leurs fruits, avant de disparaître une fois le projet abouti. Ainsi, en complément des territoires géographiques, il existe aussi des territoires presque historiques. Je suis par ailleurs ravi que l’UFC réagisse, mais je rappelle que vous étiez quand même précédé par quelques usagers présents, certes parfois de manière très sporadique. En parallèle, il faut toujours se rappeler que l’une des vraies questions concerne en fait la relation entre les usagers et leurs élus. En effet ces élus revendiquent clairement leur mission de représentation de la population. Je pense
  • 16. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 16 néanmoins que nous avons fait beaucoup de progrès : il y a dix ou quinze ans, l’intérêt des élus pour la santé était quand même assez maigre. Troisième idée, il faut absolument former, y compris les représentants des usagers. Le CHU de Nantes avait ainsi formé, pour son deuxième projet d’établissement, pendant deux week-ends entiers, des usagers volontaires aux enjeux du système de santé. Ceux-ci sont alors devenus extrêmement actifs dans l’élaboration du projet d’établissement du CHU. Jean-Pol DURAND Benoît DERVAUX, quelle est la méthode optimale pour définir les besoins de soins et les besoins de santé ? Benoît DERVAUX Qu’est-ce qu’un besoin de santé ? C’est un écart entre un état de santé constaté et un état de santé désiré. A quelle fin veut-on définir les besoins de santé ? Il existe en fait deux fins possibles : • en vue d’une planification et d’une allocation des ressources, soit une utilisation quelque peu technocratique de la notion de besoin ; • afin de résoudre la problématique de la réduction des inégalités de santé, d’où une réflexion plus globale sur le bien-être de la collectivité. Or je ne suis du tout certain que les granularités des territoires seront les mêmes que l’on raisonne sur la planification ou sur la réduction des inégalités de santé. Pour moi, les échelons de raisonnement seront bien plus fins si l’on se situe dans une perspective de réduction des inégalités de santé. En matière d’établissement des besoins, les difficultés s’avèrent bien connues : la première concerne l’établissement de la norme. Qui définit l’état de santé souhaité ? S’agit-il des experts de santé publique ? Les citoyens sont-ils bien positionnés pour définir leurs besoins ? Quelle est la place de la prévention ? Par ailleurs, comment cette norme est-elle définie ? Est-elle définie de manière absolue ? Peu d’entre nous réfléchisse ainsi désormais : globalement, il s’agirait donc plutôt d’une réflexion en relatif, mais par rapport à quelle norme ? Le deuxième écueil concerne bien évidemment la mesure de l’état de santé. En effet, nous sommes souvent contraints par les données qui sont à notre disposition. Ainsi, si nous disposons d’un grand nombre de données sur la mortalité, la morbidité n’est mesurée qu’au travers du recours au soin. Des indicateurs de qualité de vie commencent certes à voir le jour ; or de tels éléments pourraient être intégrés dans l’établissement des besoins. Hélas trop souvent, nous n’avons pas le matériel statistique à l’échelle souhaitée. L’échelle géographique doit bien évidemment être définie en fonction des objectifs. Enfin, lorsque l’on raisonne sur la morbidité au travers de l’offre de soins, surgit un filtre non aléatoire : les
  • 17. 17 situations varient aussi en fonction de la couverture assurantielle des patients. Nous devons donc nous méfier de ce que nous observons qui peut-être ne mérite pas d’être reproduit. Enfin, lorsque l’on parle de besoins de santé, on renvoie généralement à la problématique des déterminants de santé, par définition multiples ce qui explique qu’assez souvent, on passe du besoin de santé au besoin de soins. A l’occasion d’un travail en partenariat avec des homologues du Kent, nous nous sommes aperçus qu’au sein du « National Health Service », les Anglais ne prennent aucune décision de santé sans avoir, au préalable, étudié les cartes de ce qu’ils appellent l’indice de «déprivation». Ainsi, avant toute définition d’une politique de santé, ils ont le réflexe de s’intéresser à d’autres indicateurs comme par exemple le bien-être collectif, ce qui n’est pas le cas en France. Le cadre de référence le plus souvent cité dans la littérature correspond au cadre canadien : il propose un certain nombre de positionnement de la notion de besoins de santé, entre d’un côté les déterminants de la santé et les objectifs de santé publique, et de l’autre, le besoin de soins. Les méthodologies de construction des besoins de soins sont fort nombreuses, le problème n’est donc pas là. En fait il existe en littérature deux courants principaux : l’un concerne des pays qui procèdent par une allocation institutionnelle des ressources (Royaume-Uni, Canada et pays scandinaves), mais l’essentiel de la littérature se penche sur les systèmes de capitation, notamment au sein de pays qui ont joué le jeu de la compétition entre les sociétés d’assurance mais souhaitent tout de même maintenir un système de compensation. Enfin, la littérature réfléchit à la nécessité de la standardisation, aux variables et techniques utilisées. Si nous voulons évaluer les besoins en nous écartant des données de mortalité désormais fort usées, nous ne savons hélas pas utiliser à ce jour les données d’enquête en population générale. La méthodologie a donc encore du chemin à parcourir, surtout si nous voulons sortir un peu des indicateurs habituels. Sur le territoire, il existe deux points d’ancrage importants : l’évaluation des besoins doit être objectivée autant que possible, mais cette objectivation ne doit pas prendre le pas sur le construit social. Le besoin est en effet ce que l’on veut qu’il soit. Il revient bien à la communauté de définir son besoin par rapport à ce qu’elle ressent, ce qu’elle veut faire avec la politique de santé. De nombreux travaux portent actuellement sur l’analyse des flux. Au sein de l’ARH du Nord-Pas-de- Calais, la satisfaction des besoins de la population a ainsi été croisée avec la clientèle des établissements : sur certains territoires, apparaissent des fuites très importantes avec un niveau de dépendance extrêmement fort, ce qui probablement traduit une offre insuffisante. A l’inverse, dans d’autres situations, la dépendance des populations demeure faible tout comme celle des établissements : ceux-ci sont donc installés sur des territoires où ils ne satisfont absolument pas la demande. Je suis pour ma part convaincu qu’un territoire se définit par des flux. Mais si le territoire est mal défini, ce type d’analyse s’avère complètement caduque, les fuites ne traduisant finalement que la mauvaise définition du territoire.
  • 18. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 18 Le passage des ARH aux ARS modifiera-t-il d’une quelconque manière l’analyse des besoins de santé ? Je n’en suis pas persuadé. En tant qu’économiste, j’estime qu’une analyse des besoins doit avoir un objectif : cet objectif me semble clair dans les secteurs hospitaliers et médico-sociaux, notamment en matière de régulations, d’autorisations d’activités, de contractualisation, etc. D’ailleurs la planification par schéma existe déjà dans ces secteurs. Mais pour le secteur ambulatoire, nous en sommes encore loin : alors, derrière la définition des besoins, quelles règles de régulation mettre en place ? Je ne suis pas tout à fait convaincu que la nécessité soit exactement la même. De plus, de quelles données dispose-t-on ? L’ARS a pour vocation de décloisonner le système, mais pour ce faire, il lui faut des données en termes d’adressages, de filières de soins, de flux ambulatoires, etc. Enfin, l’analyse des besoins doit reposer sur des besoins médicalement typés : le PMSI a ainsi permis, dans la régulation hospitalière, de médicaliser le message. Mais dans l’ambulatoire, où en est-on du codage des diagnostics ? Jean-Pol DURAND A ce stade de vos exposés, je crains que nous nous retrouvions confrontés, dans quelques années, à d’énormes disparités entre régions. Benoît DERVAUX La disparité entre les régions existe déjà de longue date, ne serait-ce qu’en termes de densité médicale ou d’état de santé. Mais quel est l’objectif ? La régionalisation repose sur l’idée que les acteurs locaux sont les plus à même de construire les solutions adaptées à leurs propres problèmes. Les différences sont donc acceptées. Pour répondre à un objectif d’équité ou d’égalité nationale, il faut se donner les moyens d’observer et de mesurer ces solutions. Se pose alors la question du pilotage à travers la mesure de l’état de santé. Mais si l’on veut vraiment jouer le jeu de la déconcentration, il faut donner de la marge de manœuvre aux acteurs locaux, tout en mettant en place un outil d’observation. David CAUSSE, Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne (FEHAP) Je suis très sensible à vos propos : si les données sont utiles, tout fétichisme de la statistique s’avère nuisible. Par ailleurs, je voulais vous signaler que selon une confidence d’un responsable de la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA), la question des taux d’équipement et de l’appréciation différentielle par territoire a été menée avec beaucoup de talent au niveau national, ce qui a fait progresser la connaissance de la dispersion entre les territoires. Cependant, depuis la création de la CNSA, les inégalités entre les territoires se sont de fait accrues, du fait d’autres modes décisionnels venus se superposer à la couche statistique. En outre, pour que l’analyse des données puisse permettre de bonnes discussions, des investissements semblent indispensables. Ainsi, dans le cadre de l’enquête Handicap Incapacité Dépendance, les moyens n’ont pas été donnés aux équipes pour pouvoir déployer leurs travaux qui tout de même portaient sur 20 000 situations. Sans tomber dans le fétichisme, nous avons donc tout de même besoin d’investir dans la construction d’objets de pensée qui soient un peu mieux structurés qu’actuellement.
  • 19. 19 Benoît DERVAUX Je suis complètement d’accord avec vous. Je signalais simplement que des techniques, certes complexes, existent pour renseigner de la donnée à des niveaux plus fins, à partir d’une enquête plus générale. Jean-Pol DURAND En région Nord-Pas-de-Calais, le Conseil régional est en train de mener une enquête prospective intitulée Santé 2020. Comment se rattache cette enquête au calendrier de mise en œuvre des ARS ? Benoît DERVAUX Nous avons la chance d’avoir, au niveau du Conseil régional, un vice-président en charge de la Santé fortement impliqué. Il est donc à l’origine de cette étude et de bien d’autres. Par ailleurs, cette région, fortement marquée en termes de santé, a fait l’objet de décisions politiques d’investissements massifs. Ainsi il existe des marges de manœuvre que les élus peuvent décider d’utiliser. Anne TALLEC Tout dépend en fait de l’intérêt qui est porté à cet enjeu de connaissance, et au réel désir, collectif, de partage de l’information. Les données disponibles ou aisément mobilisables sont aujourd’hui bien plus nombreuses qu’à une époque, et en outre, elles s’avèrent souvent fort cohérentes entre elles. Des progrès importants ont été faits, mais eu égard à l’ampleur des enjeux dans le champ de la santé, les systèmes d’information restent assez peu développés et surtout assez peu exploités. Je crois que ce n’est sans doute pas totalement par hasard, et que la véritable question est la suivante : voulons-nous vraiment, les uns et les autres, disposer de données chiffrées pour contribuer à l’élaboration des politiques ? Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ? Dans le domaine de la prévention, souvent la santé et l’environnement sont associés. Or dans le domaine de l’analyse des besoins, cette association n’apparaît pas. Pourtant, dans un milieu particulièrement pollué, les besoins en santé ne sauraient être les mêmes qu’ailleurs. Je m’étonne donc que la notion d’environnement (environnement au travail, environnement intérieur, environnement extérieur) ne soit pas mieux associée à l’analyse des besoins en santé.
  • 20. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 20 Benoît DERVAUX Certains ORS ont déjà beaucoup travaillé sur ce champ de la santé et de l’environnement. Dans le Nord-Pas-de-Calais, d’importants travaux ont été réalisés pour des communautés de communes telles que Dunkerque par exemple. Les chercheurs qui travaillent sur ce sujet sont cependant quelque peu ennuyés : parfois la corrélation est relativement facile à établir entre l’environnement et les marqueurs de santé, mais peut-on pour autant parler de causalité ? Des difficultés méthodologiques apparaissent. D’un point de vue scientifique, tant qu’un impact n’est pas démontré, il n’existe pas. Dominique MOULIN - UFC Que Choisir ? Lorsque dans un secteur surgissent nombre de maladies liées à l’amiante par exemple, faut-il développer les pneumologues ou faire de la prévention ? Je trouve pour ma part quelque peu dommage de ne pas introduire plus fortement la notion de prévention. Docteur ADJAL HENAFF, Médecin en médecine physique et réadaptation, La Croix Rouge Il me semble très satisfaisant que la filière médico-sociale s’articule avec la filière sanitaire parce que dans les établissements SSR (Soins de Suite et de Réadaptation), nombre de patients ont besoin de soins médicaux assez lourds. En outre, nous aurons dans les années à venir besoin de toujours plus de places en médico-social pour les suites de traumatismes crâniens, mais aussi les affections neurologiques dégénératives. Pour ma part, je n’ai pas l’impression que tout soit simple dans le système hospitalier. Ainsi, en matière d’adressage, se mettent en route les cellules d’orientation qui risquent de largement changer la donne. Par ailleurs, je me demande si les représentants des usagers sont vraiment au courant des mécanismes de la T2A et de ses impacts, notamment dans les établissements de soins de suite. Gérard MAUZAIZE- FNATH En 1978, c’est encore pour des raisons financières que l’amiante n’a pas été interdite ! La France a ainsi laissé de nombreux ouvriers continuer à s’intoxiquer. William JOUBERT, Médecin généraliste, Le Mans Pouvez-vous préciser ce que vous entendez par manque d’accès à l’information ? Dans le secteur ambulatoire en effet, nous nourrissons un système national d’information et nous avons mis en place le parcours de soins. Nous disposons donc désormais d’un chaînage performant.
  • 21. 21 Benoît DERVAUX Les données disponibles auprès de l’Assurance Maladie permettent de réaliser des analyses en termes de flux de patients entre médecins. Pourtant je n’ai jamais eu connaissance d’une analyse permettant d’objectiver ces flux de patients. Je ne dis pas que les données n’existent pas, mais qu’à ma connaissance, elles n’ont pas été traitées de cette manière. Par ailleurs, si nous souhaitons effectuer, en ambulatoire, une analyse de ce type sur le modèle de celle réalisée en hospitalier grâce au PMSI, nous ne disposons pas à ce jour des informations nécessaires. Or je pense que ce serait souhaitable. Un intervenant J’évoquais pour ma part la fongibilité vue de l’hôpital, c'est-à-dire les transferts de données d’un poste à un autre. Yann BOURGUEIL L’objet du Dossier Médical Personnel et Partagé consiste justement à rendre la trajectoire du patient visible et accessible. A l’IRDES, nous avons pour habitude d’utiliser les données de l’Assurance Maladie, rassemblées dans le Système National Inter-régime d’Information des Régimes de l’Assurance Maladie. La Caisse Nationale d’Assurance Maladie utilise d’ailleurs également cet outil pour fabriquer le Contrat d’Amélioration des Pratiques (CAPI). Nous venons par ailleurs d’engager, avec la société Française de Médecine Générale et l’équipe du Centre de recherche médecine, sciences, santé et société (CERMES) de l’INSERM, un programme de recherche autour d’une équipe émergente intitulé PROSPERE « Partenariat de Recherche sur l’Organisation des Soins de Premier Recours ». L’un des axes du projet porte sur l’appariement des données cliniques de codage des médecins de l’Observatoire de la Médecine Générale (OMG) avec l’ensemble de la consommation de soins des patients de l’OMG figurant dans les données de l’Assurance Maladie. Ce projet participe à la montée en charge de la capacité, du monde médical, à produire de l’information médicale dans une perspective de connaissance sur les trajectoires de soins de patients et plus généralement l’organisation des soins. Jean-Gérald BERTET, Médecin généraliste, ex-Président de l’URML Pays de la Loire En Pays de la Loire, l’Union Régionale des Médecins Libéraux a développé, pour les maisons médicales de garde, un logiciel spécifique d’analyse de tous les flux de patients. Je rappelle par ailleurs que nous sortons de cinquante ans de consumérisme et que les patients ne me semblent pas près du tout aux réformes annoncées. Ainsi, lorsque le nombre de visites à domicile a été très
  • 22. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 22 fortement diminué, tout comme le nombre de gardes, ce sont les médecins généralistes eux-mêmes qui ont décidé de s’organiser, d’où la création des maisons médicales de garde en Pays de la Loire. Une des premières réflexions du futur Directeur de l’ARS devra donc, selon moi, porter sur sa position à l’égard des professionnels libéraux : dois-je les considérer comme des partenaires ou entrer dans un rapport de force avec eux ? En parallèle, le dialogue avec les usagers permet toujours de trouver une solution acceptable pour tous. Jean-Pol DURAND Le système de santé allemand date de 1881 et fonctionne toujours sur une base régionalisée, au niveau des Länder. Pouvez-vous nous en expliquer les mécanismes et les problèmes qui font aujourd’hui débat ? Denis DURAND de BOUSINGEN En Allemagne, la santé est effectivement l’affaire des régions. Ce pays compte seize Länder dont les pouvoirs s’avèrent, pour des raisons historiques, bien plus larges que ceux des régions françaises. Les seize gouvernements régionaux comptent seize Ministres régionaux de la santé. Le concept de santé en Allemagne est en outre quelque peu différent du nôtre : les Allemands font en effet une différence entre le fait d’être en bonne santé et de promouvoir cela, et la politique de santé au sens des soins. La santé est gérée régionalement dans un certain nombre de domaines : actuellement par exemple, il est interdit de fumer dans les restaurants de certaines régions mais pas dans toutes. De la même façon, les urgences ne sont pas organisées de la même manière dans toutes les régions. Les syndicats et les organisations médicales sont très régionalisés avec surtout les Unions de Médecins : il s’agit de structures élues par les médecins, chargées de gérer les politiques et les honoraires avec les Caisses d’Assurance Maladie. Globalement, pour les patients, les prestations sont partout identiques, mais du côté des professionnels, les prises en charges et certaines formes de rémunération en actes ou forfaits varient en fonction des conventions signées avec les Caisses. Jusqu’en 2009, les médecins étaient rémunérés par des points, la somme des points formant l’acte. Depuis le 1er janvier 2009, ces points ont été remplacés par des montants fixes en euros, désormais identiques dans tout le pays alors qu’il subsistait des différences entre l’ouest et l’est, auparavant. Il semble qu’en France, la politique de santé se dirige timidement vers la régionalisation, alors qu’en Allemagne, pour des raisons de coût, si la santé reste prise en charge au niveau régional, la gestion de cette santé se nationalise de plus en plus. Le poids du Ministère fédéral de la santé augmente progressivement. Pour autant, les médecins allemands ne sont pas forcément plus heureux que les médecins français sous prétexte que leur système est régionalisé : ils souffrent du poids de l’administration toujours plus lourd et pour ma part, je les sens un peu plus déprimés que les médecins français. La Loi HPST a eu besoin d’une année pour se mettre en place ; en Allemagne, chaque réforme dure trois ans ! Enfin, il est également important de savoir que tandis que le déficit de la Sécurité Sociale se creuse tous les jours, le système allemand se présente à l’équilibre ou en léger excédent.
  • 23. 23 Un intervenant Qu’en est-il du secteur médico-social ? Denis DURAND de BOUSINGEN Il est également régionalisé mais les passerelles entre les secteurs ne sont pas semblables au nôtre. Pour tous les secteurs, le système repose sur la subsidiarité : les régions font ce que ne font pas les communes et l’Etat prend en charge ce que ne prennent pas en charge les régions. Le système allemand n’est pas le seul à être fortement régionalisé : ainsi, le système suisse compte 23 systèmes de santé, soit un par canton. En Autriche, le pouvoir des régions reste fort, mais moins qu’en Allemagne. Un intervenant Quel est le rôle de l’Europe sur ces systèmes de santé ? Denis DURAND de BOUSINGEN L’Europe favorise les comparaisons, mais aussi la coopération régionale, y compris dans le domaine de la santé. Cette coopération doit permettre des économies d’échelle au travers de la mise en commun d’équipements, par exemple entre l’Autriche et ses voisins immédiats. Face à la pénurie de médecins, l’Europe favorise également les échanges : ainsi les Polonais et les Tchèques vont chercher leurs médecins en Bulgarie et en Roumanie, tandis que ces pays-là vont chercher leurs médecins en Ukraine ou en Russie. Or cet effet domino s’avère dramatique pour les pays qui se situent en bout de chaîne… En revanche, nul n’envisage encore que l’Europe s’intéresse véritablement à la politique sociale et aux prises en charge. Paul GARASSUS Depuis quelques années, se développent en Allemagne des structures privées : ainsi la privatisation d’hôpitaux, encore faible jusqu’à présent, croît de façon très significative au point qu’environ 30 % du parc hospitalier relève désormais d’une gestion privée. Tout n’est cependant pas privatisé puisqu’il s’agit d’entités dites publiques qui lancent un appel d’offres auprès de gestionnaires privés, ces derniers ayant pour but d’équilibrer les comptes au mieux, sachant qu’ils pratiquent également la tarification à l’activité. Il a en effet été démontré que cette gestion dite privée améliore, dès les deux premières années, la performance de 10 % par rapport à celle de nos structures hospitalières. Je rappelle néanmoins qu’il y a deux ans, tous les médecins allemands
  • 24. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 24 étaient dans la rue pour protester contre leur Ministre de la Santé, traduisant ainsi leur mécontentement à l’égard des conditions tarifaires et de liberté d’exercice. En santé, la frontière s’arrête au payeur : du fait de la forte régionalisation actuelle de l’Allemagne, avec des Caisses autonomes de dimension régionale, il n’existe pas, dans ce pays, de schéma régional fort, contrairement à la France dont l’histoire s’avère bien plus centralisatrice. Nos schémas s’avèrent donc difficilement comparables. Jean-Pol DURAND L’Espagne est sans doute de tous les pays européens celui qui est allé le plus loin en matière de décentralisation authentique des pouvoirs. Un exemple avec le système de santé mis en œuvre dans la province autonome de Catalogne. Xavier CONILL Je vous remercie de m’avoir permis de participer à vos échanges. L’Espagne s’organise, en santé notamment, presque comme un Etat fédéral : les 19 communautés et villes autonomes sont responsables de toutes les politiques de gestion. Dans le domaine de la santé, elles bénéficient de toutes les compétences. Au niveau national, le gouvernement assure simplement la coordination de ces politiques de santé afin de garantir l’homogénéité des droits à la santé de toutes les personnes résidant en Espagne (dont les immigrés). Deux systèmes de planification des soins coexistent, et tout d’abord la planification structurelle : sur chaque « aire basique de santé » est installée une maison médicale de proximité, rassemblant des médecins, des infirmiers, des aides-soignantes, des sages-femmes, des gynécologues et autres, pour 10 000 à 30 000 habitants. Puis, un hôpital de proximité dessert plusieurs « aires basiques de santé ». En parallèle, ces « aires basiques de santé » sont regroupées au sein de « délimitations territoriales administratives ». Mais ces régions ne s’intéressent pas exclusivement au domaine de la santé. Elles sont construites en fonction de traditions en matière d’éducation, de justice, etc. Le deuxième système de planification utilisé repose sur les objectifs de santé : le gouvernement de Catalogne par exemple élabore tous les trois à cinq ans un Plan Santé lui permettant de prioriser certaines pathologies ou modes de vie (tabac, sport, etc.). Certains objectifs de santé sont à l’initiative du territoire, tandis que d’autres sont fixés par le gouvernement. Le Ministère catalan de la Santé fixe les budgets de santé, accrédite les services, procède aux évaluations, détermine les objectifs de santé et la planification structurelle. Le Service catalan de la Santé est quant à lui constitué d’une agence en charge de la contractualisation des services avec les différentes entreprises de santé. Il leur fixe des objectifs et les paie. Il garantit la qualité des
  • 25. 25 services fournis aux usagers. Le Service catalan de la Santé s’organise en régions et secteurs. Il s’agit donc d’un système déconcentré offrant aux gérants de région une certaine autonomie. Nos huit régions ne sont toutefois pas de même taille. Chaque « aire basique de santé » dispose d’équipes de soins, d’hôpitaux généralistes et spécialisés, répartis entre hôpitaux de référence et hôpitaux universitaires, le tout complété de services de soins de suite. Chaque territoire est desservi par des équipes de soins et hôpitaux, mais nos entreprises de service fournissent également des équipes de soins de proximité, des hôpitaux de référence ou encore des hôpitaux universitaires. Le Service catalan de la Santé contractualise en effet directement avec ces entreprises de santé et non avec les équipes de soins. Les soins primaires de santé sont délivrés par des équipes de soins composées de médecins généralistes et pédiatres, infirmiers, aides-soignants, travailleurs sociaux et personnels administratifs. Chaque équipe est responsable de la santé de sa population et des services minimums planifiés par le Ministère et le Service catalan de la Santé. Les responsabilités varient toutefois en fonction de la composition des équipes, de la présence ou non d’un hôpital de proximité, etc. Ces équipes sont responsables de la transmission des patients à d’autres niveaux de soins, mais pas d’un point de vue économique. Elles organisent les soins des citoyens en centres de santé ou à domicile, la formation continue et la coordination avec les autres niveaux de soins. Pour ce faire, une maison leur est fournie soit par l’administration de santé, soit par l’entreprise de santé, ainsi qu’un dossier médical unique par patient sur la base duquel travaillent tous les professionnels. L’entreprise de santé fournit en outre un support pour tous les actes non médicaux (achats, communication, etc.) Le citoyen se voit attribuer un médecin et un infirmier de référence, en l’absence desquels il peut être pris en charge par un autre membre de l’équipe grâce au dossier médical unique. Nous sommes par ailleurs en train de mettre en place un système permettant à chaque professionnel d’avoir accès, depuis son domicile, à toutes les informations utiles sur les patients traités en Catalogne. Tous les professionnels sont salariés des entreprises de santé. Leur rémunération comporte un salaire de base et une partie variable pouvant aller jusqu’à 30 % de la rémunération totale, adossée à des objectifs de santé fixés par l’Administration ou par l’entreprise. Selon moi, du fait de ce système, nous nous sommes quelque peu éloignés de la notion de vocation médicale. La relation entre les médecins et les patients s’est affaiblie, au profit d’une relation entre l’entreprise et les patients. Le professionnel perd en autonomie : les protocoles et guides en tout genre prennent de plus en plus d’importance. La coordination en matière de qualité s’avère plus exigeante. L’entreprise contrôle le coût des pratiques quotidiennes, des prescriptions thérapeutiques et des transmissions vers les autres niveaux de soins. Ce système offre néanmoins quelques avantages : le travail en équipe permis par l’entreprise de santé donne des garanties aux citoyens en termes de qualité, de partage des informations et de
  • 26. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 26 savoir-faire. L’entreprise de santé facilite la formation des professionnels et la coordination avec les spécialistes. De plus les professionnels médicaux ne sont pas dérangés par les problèmes administratifs et logistiques qui ne les concernent pas. Enfin, ils bénéficient d’une sécurité en matière de rémunération et de retraite. Au final, l’entreprise de santé fait le lien entre l’Administration et les professionnels. Elle contractualise avec l’Administration la population et le territoire sur lesquels interviennent ses professionnels, les standards minimum de qualité, les objectifs de santé à atteindre, les droits des citoyens, les devoirs de l’équipe et le budget minimum fourni aux équipes (pour les hôpitaux toutefois, les entreprises sont payées à l’acte). Une fois ses objectifs fixés, l’entreprise de santé bénéficie d’une forte autonomie en matière de gestion, de recrutement des professionnels et de logistique générale. Jean-Pol DURAND Pouvez-vous nous décrire plus précisément la nature de votre « entreprise » ? Xavier CONILL Je travaille pour la Corporation de Santé du Maresme et la Selva. Il s’agit d’un consortium entre des municipalités et le Service catalan de la Santé. Cette entreprise gère trois « aires basiques de santé », deux hôpitaux de proximité, trois centres de soins de suite et deux maisons de retraite, ainsi que des programmes de santé publique comme la rééducation des travailleurs sexuels de la zone ou diverses addictions. Les hôpitaux sont la propriété des municipalités. Notre Conseil d’administration se compose de représentants de trois mairies et d’une partie du Service catalan de la Santé. Jean-Pol DURAND Existe-t-il des entreprises de santé entièrement privées ? Xavier CONILL La principale entreprise de santé est entièrement publique : propriété du Département de Santé, cet Institut Catalan de la Santé gère la plupart des « aires basiques de santé » ainsi que quelques hôpitaux. D’autres entreprises de santé appartiennent à des ordres religieux ou à des fondations à but non lucratif. A ce jour, il ne demeure, me semble-t-il, qu’une Société Anonyme, d’ailleurs en train de se transformer en fondation privée à but non lucratif.
  • 27. 27 Un intervenant Quel est l’impact de ce système pour les soins de proximité ? Ainsi, certains Catalans paient-ils eux- mêmes leurs consultations auprès d’opérateurs privés ? Par ailleurs, qu’en est-il de l’organisation des soins en psychiatrie ? Xavier CONILL En Espagne, le système national de santé est entièrement financé par les impôts des citoyens. Tous sont donc couverts. Pour des raisons historiques, demeurent cependant plusieurs assurances maladies privées auxquelles s’adressent 10 % à 12 % de la population catalane, notamment autour de Barcelone. Ces assurances privées travaillent avec des professionnels et hôpitaux spécifiques. En matière de santé mentale, nous avons commis l’erreur de mettre en place tout un réseau parallèle à celui des hôpitaux généralistes, ce qui stigmatise les malades par leur pathologie. Nous cherchons donc désormais à ouvrir des lits de psychiatrie au sein des hôpitaux de proximité. Un intervenant 10 à 12 % des patients ont contracté une assurance privée, mais quelle proportion représentent les médecins privés ? Par ailleurs, un médecin privé peut-il également travailler au sein d’une entreprise de santé ? Xavier CONILL Je ne peux répondre à votre première question. Je sais simplement qu’ils ne sont pas nombreux. Les professionnels peuvent travailler à la fois dans une entreprise de santé et dans le domaine privé, à condition que leurs horaires soient compatibles. Il est cependant interdit de travailler en même temps pour deux entreprises publiques de santé. Denis DURAND de BOUSINGEN Les critiques des médecins espagnols à l’égard de leur entreprise de santé sont exactement les mêmes que celles des médecins allemands vis-à-vis de leur Caisse d’Assurance Maladie. En fait, les critiques s’adressent toujours à la structure de tutelle. A l’inverse, en Allemagne, les médecins ont conservé une large partie du travail administratif, contrairement aux médecins espagnols. Dans votre système qu’en est-il de la liberté du patient ? Doit-il absolument demeurer au sein son « aire basique de santé » ?
  • 28. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 28 Xavier CONILL Dès sa naissance, le bébé se voit assigner un médecin et une infirmière de référence. Si le patient ne s’entend pas avec ce médecin, il peut demander à en rencontrer un autre au sein de l’équipe. S’il ne s’entend avec aucun médecin de l’équipe, il peut s’adresser à une autre équipe, ce qui à Barcelone ne pose pas de problème. Mais dans certaines zones, il faut faire 15 kilomètres pour trouver une nouvelle équipe. Un intervenant Vous avez évoqué le contrat signé entre l’entreprise et les professionnels. Or en France, est actuellement en cours une expérimentation de contractualisation entre les praticiens et les établissements de santé. De son côté, le « National Health Service » anglais précise, dans ses contrats, l’emploi du temps par quart de journée ou presque. Vos contrats décrivent-ils de manière aussi précise l’emploi du temps quotidien du praticien ? Xavier CONILL Certains contrats de travail portent sur une journée, d’autres sur une demi-journée. Il existe également des contrats de travail qui citent le nombre exact de visites par pathologies. Nos organisations de soins sont très hiérarchisées : le Directeur qui peut être un avocat ou un économiste gère l’entreprise de santé ; il est aidé d’un adjoint, parfois médecin ou infirmier, responsable de la production (médecins, infirmières, pharmaciens). Ensuite un directeur économique s’occupe des achats et investissements et enfin, le directeur de la Planification prend en charge toutes les autres activités. Un intervenant L’Espagne consacre environ 8,9 % de son PIB à sa politique de santé, contre 11,3 % en France. Comment expliquez-vous cette différence ? Xavier CONILL Les indicateurs de santé espagnols sont effectivement très satisfaisants. Pour autant, nous sommes tout à fait conscients du fait que l’état de santé de la population n’est pas exclusivement lié au montant des dépenses en soins. En matière de santé, nous insistons beaucoup sur les délais de réponse, ce qui sans doute nous permet de dépenser moins.
  • 29. 29 Un intervenant L’Europe compte 27 pays et 268 régions qui toutes, présentent des expériences passionnantes mais difficiles à reproduire. Ainsi, en Italie, en raison de la liberté de circulation des biens et des personnes, se posent des problèmes de compensation financière entre les régions. Rencontrez-vous de tels problèmes en matière de flux de patients ? Existe-t-il des compensations en inter-régions ? Xavier CONILL La Catalogne n’est pas la région la plus riche en matière de santé. Les impôts sont collectés au niveau national et c’est bien à Madrid que les budgets de santé sont répartis entre les différentes communautés autonomes. Tous les deux ou trois ans, cette répartition fait l’objet de discussions. La Catalogne est l’une des régions qui reçoit le moins d’argent. D’autres communautés bénéficient à l’évidence de réseaux de proximité plus performants. Néanmoins notre niveau technique demeure très satisfaisant grâce à des services d’excellence qui nous permettent de bénéficier de migrations de patients en notre faveur. Des compensations sont mises en place pour chaque transfert de patients, un peu comme entre la France et l’Allemagne. Rachel BOCHER La loi HPST prévoit la mise en place d’une communauté hospitalière de territoire. Or votre organisation s’en approche. Comment y êtes-vous parvenus ? Quelles modalités d’intéressement ou de participation ont été mises en place ? Par ailleurs, des rencontres entre les communautés autonomes sont-elles organisées afin de favoriser les échanges de bonnes pratiques ? Xavier CONILL Comme en Allemagne, s’applique en Espagne une loi nationale de santé qui fixe des bases identiques pour tous. Les différences entre communautés ne sont pas nombreuses. Certes en Catalogne, il existe diverses formules de gestion privée pour les équipes de soins, alors qu’en général, la plupart des équipes de soins sont directement gérées par les Services de santé du territoire. De la même façon, la Catalogne applique depuis 1985 un programme relatif aux soins de suite et aux maisons de retraite qui lui a permis de développer un modèle quelque peu différent de celui des autres régions. En Catalogne par exemple, ne sont financés par l’Administration que les changements de sexe des hermaphrodites pathologiques alors que tous le sont en Andalousie. Comment en sommes-nous arrivés à cette hiérarchisation de l’organisation ? C’est avant tout pour des raisons historiques. Lorsque l’Etat a transféré ses compétences en matière de santé, nous avons mis en place un système d’accréditation pour tous les dispositifs en place. Les établissements les plus petits sont restés, en tant qu’hôpitaux de proximité, en mesure de soigner 90 % des
  • 30. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 30 pathologies. Au sein des grandes cités, nous avons installé des hôpitaux de référence et à Barcelone se sont également implantés des hôpitaux régionaux et universitaires. Karelle LE GLEUT, Cabinet ICONES La notion de territoire de santé est-elle antérieure à la création des « aires basiques de santé » ? Xavier CONILL La taille des territoires de santé varie de 10 000 à 30 000 habitants. En Catalogne, une « aire basique de santé » correspond à un village, à une communauté de villages, etc. A Barcelone qui compte 2 millions d’habitants, « l’aire basique de santé » correspond à un district, à un regroupement de quartiers. Pour nous il s’agit avant tout de répondre à une réalité culturelle et historique. Un territoire ne correspond à aucune définition précise : il existe tout simplement. Jean-Pol DURAND Merci à tous pour votre participation.
  • 31. 31 SAMEDI 12 SEPTEMBRE 2009 ACCUEIL DOCTEUR PATRICK GASSER PRESIDENT DE L’URML DES PAYS DE LA LOIRE Avant d’ouvrir cette nouvelle session Bauloise, j’aimerai remercier Thomas Hérault et Isabelle Riou pour l’ensemble du travail qu’ils ont réalisés depuis près de 6 mois et cela, chaque année. Merci à notre ancien président d’URML, le Dr Bertet qui m’a fait confiance depuis 2004 pour réaliser ces rencontres. Ces journées ont chaque année plus de succès. Et j’en veux pour preuve les demandes de plus en plus fréquentes d’interventions qui jusqu'à présent on toujours été acceptées mais, on le voit aujourd’hui, pas toujours honorées. Et ceci est vexant pour la profession et pour les régions. C’est peut être parce que nous n’avons pas l’âge de raison ! Aujourd’hui le staff d’organisation s’est ouvert avec la participation d’autres Unions (Alsace, Midi- Pyrénées, Languedoc, Poitou-Charentes, Nord Pas de Calais…), de Benoit Péricard qui, à la fois par un regard extérieur et sa connaissance profonde du système, nous a permis d’élaborer, d’isoler des thèmes importants auquel la profession se doit de répondre. Jean-Paul Durand, le complice de plusieurs années, que beaucoup de participants connaissent, a répondu encore une fois présent pour animer les débats, pour parfois mettre « sur le grill » nos intervenants et éviter la langue de bois, qui n’est pas de mise ici. Merci à nos partenaires financiers pour leur soutien. En 2004, il nous a paru indispensable de mettre en place une journée de réflexion centrée sur le financement du soin, ce d’autant que l’Etat mettait en place de nouveaux modes de rémunération et de codification : la CCAM technique et la T2A. Il nous a fallu au moins deux ans pour y voir plus clair ; il s’agissait, pour nous médecins, d’une première révolution. Nous ne connaissions que très peu les médecins DIM (Département d’Information Médicale). Nous avons appris depuis à les connaître. Les gestionnaires et les investisseurs eux avaient compris et vu les mutations arriver, leur présence dans notre bulle a été plus prégnante et c’est tout naturellement que nous avons abordé : • Le problème de la gouvernance dans nos établissements, • L’impact des capitaux extérieurs avec l’avènement des fonds dans le soin. Nous avons dû nous familiariser avec l’Europe à travers la Loi sur les Services et l’impact potentiel sur nos propres sociétés de médecins.
  • 32. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 32 Certains ont pris conscience de la situation, des changements nécessaires pour répondre à ces mutations et il est aujourd’hui possible de parler d’entreprise médicale même si dans ce terme la notion commerciale entraine encore une image péjorative en santé. Enfin nous pouvons parler d’entreprise. A travers ce concept nouveau pour nous, nous allons débuter une réflexion qui va bien au delà de la réflexion financière individuelle et patrimoniale. Nous allons réfléchir en termes de part de marché, de développement d’entreprise, de pérennité d’entreprise, ce qui nous conduit à réfléchir sur la démographie médicale. Je vous rappelle que seulement 30% des diplômés s’installent en libéral aujourd’hui ; les jeunes veulent une lisibilité, une organisation : l’entreprise leur permettra probablement plus facilement de répondre à leurs priorités. L’entreprise médicale n’est-elle pas un modèle pour répondre aux besoins de soins, contractualiser, et donner une réponse territoriale, et peut être à terme une offre globale de services grâce à la mutualisation des moyens à travers l’entreprise. On nous parlera d’éthique médicale : je pense que la réponse pour plus d’éthique peut passer par l’entreprise médicale à travers sa structuration et la mise en place de ces processus, qualités indispensables à son fonctionnement. Mais ceci est un autre débat. La loi HPST est votée, elle s’impose, nous attendons les décrets d’applications, nous devons maintenant nous l’approprier et les modifications qu’elle entraine risquent de bouleverser notre façon d’exercer, modifiant la place du soignant dans la prise en charge de la santé de la population sur un territoire. L’entreprise médicale n’est elle pas une réponse, le médecin généraliste sera-t-il le garant de la santé de son territoire ? Pour répondre à la demande, il est impératif de connaître le besoin de santé ressenti ou réel de la population. C’est pourquoi nous avons débuté ces journées par un atelier de réflexion sur ce sujet et appréhender la vision d’autres pays européens. Aujourd’hui nous aurons l’exemple de Laval au Québec. Laval en Mayenne ne donnera surement pas la même réponse. Aujourd’hui il nous a paru important d’étudier l’ensemble de la chaine de soins en portant notre réflexion du territoire de premier recours et des réponses que certains proposent aux établissements de soins qui demain bien entendu garderont leur rôle principal qu’est le soin, mais qui devront s’intégrer dans l’ensemble de la prise en charge de la population qui vieillit et devient de plus en plus dépendante. Mais quelle gouvernance pour éviter les débordements ? Très gentiment Mr PAILLE, directeur de l’ARH des Pays de la Loire, a bien voulu être présent et ouvrir cette 5ème édition des Rencontres de la Baule. Je lui donne avec grand plaisir la parole et vous souhaite la bienvenue et une agréable journée.
  • 33. 33 ALLOCUTION D’OUVERTURE JEAN-CHRISTOPHE PAILLE DIRECTEUR DE L’ARH DES PAYS DE LA LOIRE Vous me voyez très honoré d’avoir été invité à formuler, devant vous, quelques propositions de réflexions pour vos travaux d’aujourd’hui. Au sein du thème de ces Rencontres, je m’intéresserai surtout à la question des nouveaux périmètres. La loi Hôpital Patients Santé Territoires nous propose une approche décloisonnée de la politique de santé. Le projet de santé établi par l’Agence Régionale de Santé est en effet constitué d’un plan unique, un plan stratégique régional de santé qui fixe les orientations et les objectifs pour la région dans le domaine de la prévention, de l’organisation des soins et de l’organisation médico-sociale. Il établit également des articulations avec la santé au travail, la médecine scolaire et la santé des personnes en situation de précarité et d’exclusion. La loi approfondit la territorialisation de la politique de santé de deux manières : d’une part le projet de santé qui définit les objectifs pluriannuels d’action menés par l’ARS est un projet régional, qui certes doit cependant être cohérent avec la politique nationale de santé ; d’autre part, l’ARS définit des territoires de santé pertinents pour les activités de santé publique, de soins et d’équipement des établissements de santé, de prise en charge et d’accompagnement médico-social, et d’accès aux soins médicaux de premier recours. La loi distingue un territoire de santé particulier, à savoir le territoire de santé de la Conférence de Santé. Ce territoire est d’ailleurs rattaché au Schéma Régional d’Organisation des Soins qui demeurera dans le dispositif, et plus précisément à l’Annexe Objectifs Quantifiés. Mais la loi distingue également un deuxième niveau de territoire : il s’agit des collectivités territoriales et de leurs groupements qui pourront conclure avec l’ARS des contrats locaux de santé portant sur la promotion de la santé, la prévention, les politiques de soins et l’accompagnement médico-social. A partir de là, quelle conception peut-on avoir des territoires de santé ? Il me semble que deux enjeux ressortent de la loi. Nous avons aujourd’hui un millefeuille de territoires. J’en ai dénombré trois dans le domaine médico-social, quatre dans le domaine du soin et sept dans le domaine de la prévention. Jusqu’à la loi HPST, l’accumulation de ces territoires était sans inconvénient majeur puisqu’il n’existait pas de véritable ambition de transversalité. Désormais, cette cohabitation devient contradictoire avec l’objectif de décloisonnement entre secteurs du champ de la santé, d’où un premier enjeu : il s’agira, en appliquant la loi, de constituer des niveaux de territoires au sein desquels les questions de santé seront traitées de façon transversale. Je pense qu’il existe aussi un deuxième enjeu : les territoires de santé doivent correspondre à un niveau de concertation ou de décision de politique générale qui permette que les questions de santé ne soient pas traitées isolément, loin des questions de transport, de logement, de cohésion sociale. Cette recherche de
  • 34. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 34 cohérence avec les autres politiques publiques, elles-mêmes territorialisées, me semble une dimension sinon nouvelle, en tout cas très intéressante, en particulier pour les élus de notre pays. Partant de ces deux enjeux, je souhaite vous proposer des pistes pour la gradation des niveaux de territoires de santé. Un premier niveau, particulièrement bien identifié dans cette région, est celui des territoires de premier recours : territoire d’organisation des soins ambulatoires de proximité et territoires de la permanence des soins, ils devront dans la mesure du possible être cohérents avec les Comités de Liaisons sur l’Information et la Coordination (CLIC) mais aussi avec les circonscriptions d’action sociale à l’échelle desquelles sont organisées les centres de Protection Maternelle et Infantile (PMI) ainsi que des sujets tels que la maltraitance. Le territoire de la Conférence de Santé est quant à lui expressément prévu par la loi : il paraîtra cohérent que ses limites soient raisonnées en fonction des communautés hospitalières de territoires que prévoit la loi. Il serait également souhaitable que ces limites soient adaptées aux réalités médico-sociales, ce qui amène la question suivante : ces territoires de la Conférence de Santé ne devraient-ils pas être les départements ? Puis, entre les territoires de la Conférence de Santé et les territoires de premier recours, n’y a-t-il pas place pour des territoires où seraient reliées la santé et les politiques générales ? Ces territoires de projet de santé territorial permettraient d’établir un lien avec les autres politiques locales dont je parlais plus haut. Les communautés d’agglomérations ou les pays ne pourraient-ils pas être l’échelle de cette transversalité ? Enfin, viendraient la région, niveau de pilotage mais aussi de traitement de certaines problématiques, et l’inter-régions : ce que nous avons fait pour le Schéma interrégional d’organisation des soins demeurera utile demain avec l’ARS. Voilà donc une esquisse qui comporte peut-être plus de questions que de réponses définitives, sachant que la réflexion menée par les ARS ne partira pas de rien, mais d’un historique et d’habitudes de travail acquises dans chaque région. Même si quelque part, quelqu’un est susceptible de dessiner un schéma théorique idéal, celui-ci devra être adapté à chaque région afin que les acteurs s’y retrouvent. La réussite de la réflexion et de la concertation sur les nouveaux territoires de santé sera, selon moi, une des conditions nécessaires pour atteindre l’objectif de décloisonnement et de territorialisation de la loi HPST. Enfin, je considère pour ma part que votre thème « Entreprise médicale et nouveaux périmètres de la santé » pourrait également s’appliquer directement à l’Agence Régionale de Santé, qui selon moi comporte une dimension que je qualifierais d’entrepreneuriale : voici en effet une organisation qui définira ses objectifs, bien sûr en cohérence avec la politique nationale, ses plans d’actions pour les mettre en œuvre et sera responsable devant son actionnaire, l’Etat, de la réalisation de ces objectifs. Je pense pour ma part que cette dimension entrepreneuriale de l’ARS constitue l’un des aspects les plus enthousiasmants de sa création.
  • 35. 35 L’OUVERTURE DE L’ETABLISSEMENT DE SANTE SUR LE TERRITOIRE ET LE MEDICO-SOCIAL : QUELS LEVIERS STRATEGIQUES ? Participaient à cette table ronde : • Jean ARTHUIS, Président du Conseil général de la Mayenne ; • Jean HALLIGON, Président de la Conférence Nationale des Présidents de CME de l’Hospitalisation Privée ; • Jérôme NOUZAREDE, Président du groupe VEDICI ; • Paul GARASSUS, Président du Bureau de l’Assurance Qualité et de l’Information Médico- Economique de l’Hospitalisation Privée (BAQIMEHP) ; • David CAUSSE, Directeur du secteur sanitaire et Coordonnateur du pôle santé-social à la Fédération des Etablissements Hospitaliers et d'Aide à la Personne (FEHAP) ; • Martine AOUSTIN, Directrice de la Mission Interministérielle T2A ; • Benoît PERICARD, Directeur des activités santé du Cabinet d’audit KPMG France. Cette table ronde était animée par Jean-Pol DURAND, journaliste. Jean-Pol DURAND Jean Arthuis, nous sommes heureux de vous accueillir dans cette enceinte. Pouvez-vous nous décrire votre expérience en Mayenne et son état d’avancement ? Jean ARTHUIS Je vous remercie de m’avoir convié à ces 5èmes Rencontres de La Baule. Je viens devant vous pour témoigner de ce que nous tentons de mettre en place sur le territoire de la Mayenne en matière de santé. J’ai en effet pris conscience au fil des années qu’il nous manquait, au niveau du département, un échelon de réflexion : tout était piloté depuis la région, la Caisse Régionale d’Assurance Maladie prenant en charge la dimension libérale alors que la Direction Régionale des Affaires Sanitaires et Sociales était chargée de l’hôpital public. Il a fallu attendre les textes de 1996 pour que se mettent en place les Agences Régionales d’Hospitalisation. En tant qu’élu du Conseil
  • 36. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 36 général de la Mayenne, je suis donc allé à la rencontre des médecins au début des années 2000, rencontres qui furent très stimulantes tant l’incompréhension me paraissait totale entre le monde médical et les élus. Puis nous avons appris à nous connaître et je suis frappé par les progrès que nous avons pu accomplir ensemble pour tenter de nous projeter dans l’avenir et mesurer à quel point nous avons besoin de nous organiser sans doute autrement. J’ai été très impressionné, Monsieur le Président, lorsque vous avez employé le concept d’entreprise médicale. Il me semble en effet important de sortir d’une vision de l’exercice libéral quelque peu individuelle. L’attente des jeunes médecins est autre. Pour préserver une offre de soins sur l’ensemble des territoires, il faut nous préparer à mettre en œuvre de vrais changements dans l’organisation de cette offre de soins. La Mayenne est un département assez rural de 300 000 habitants. La ville de Laval rassemble environ 90 000 habitants. Deux pôles sont dotés d’un Centre hospitalier, à savoir Mayenne et Château-Gontier. En nombre de médecins, nous nous situons 30 % en dessous de la moyenne nationale. En outre 40 % de nos médecins sont âgés de plus de 55 ans, ce qui pose le problème du renouvellement du tissu médical de la Mayenne. Des progrès ont cependant été accomplis, notamment sous l’impulsion décisive de l’actuel Président du Conseil de l’Ordre. En outre les médecins ont eux-mêmes organisé la permanence de soins, conscients de la fragilité de l’offre en Mayenne. L’espérance de vie en Mayenne est par ailleurs la plus élevée de France : nos médecins sont donc parfaitement efficaces. De la même façon, malgré un déficit de pédiatres et de gynécologues, notre taux de fécondité est sans doute le plus élevé de France. Au début de l’année 2007, nous avons constitué un groupe de travail impliquant le Préfet, le Conseil général, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, la Mutualité Sociale Agricole, le Conseil de l’Ordre des Médecins, la Mission Régionale de Santé et naturellement le Syndicat des médecins libéraux. Ce groupe est parvenu à formuler trois propositions : • satisfaire les besoins à partir de pôles de santé (entreprises médicales) : notre département compte 17 structures intercommunales et une coordination est à prévoir entre l’organisation des soins et la réforme des collectivités territoriales, les communes étant appelées à très largement mutualiser leurs moyens et à donner plus de consistance aux établissements publics de coopération intercommunale ; • développer une politique active d’accueil des internes qui pour la plupart viennent du CHU d’Angers : l’organisation de cet accueil par les médecins s’avère désormais particulièrement impressionnante, mais précédemment certains de vos confrères avaient tendance à décrire leur profession auprès des futurs médecins comme un exercice particulièrement accablant, ce qui n’était pas de nature à fortifier les vocations médicales ; enfin, comme gage de soutien, nous avons décidé de verser à chacun d’entre eux 300 euros par mois pour indemniser leurs déplacements ; • développer la communication en direction des facultés de médecine.
  • 37. 37 Nous organisons également des rencontres entre les élus et les médecins. Il s’avère en effet important de faire comprendre aux maires qu’il est désormais loin le temps où l’on pouvait prétendre avoir un médecin dans chaque commune. L’opportunité de se mettre d’accord sur un pôle médical est en voie de progrès. Nous développons trois types de projets d’entreprises médicales : certains sont construits au niveau des communautés de communes, celles-ci devenant en général maîtres d’ouvrage de la construction immobilière ; autre solution, nous prenons appui sur des hôpitaux locaux, structures finalement assez adaptées à l’accueil probable d’entreprises de santé ; enfin, nous nous appuyons sur un centre hospitalier : l’hôpital de Segré a ainsi été fusionné avec celui de Château-Gontier et sur le pôle de Segré, il est question d’accueillir l’ensemble des médecins Segréens au sein d’une entreprise de santé. Il faut toutefois être attentif à ne pas construire des pôles de santé trop petits. Il est en outre important que le monde médical assume complètement le projet et que les élus les accompagnent, en dépassant leurs éventuelles considérations strictement communales. Nous devons évoluer sur le plan conceptuel pour imaginer que l’on puisse être actionnaire d’une sociétaire médicale, que cette société soit propriétaire du patrimoine et qu’un retraité vende ses actions à son successeur. Au plan patrimonial, être salarié d’une telle structure peut en effet revêtir quelque intérêt. En conclusion, j’emprunterai à Jean de La Fontaine la phrase suivante : « Apprendre à se connaître est le premier des soins. » Jean-Pol DURAND Lorsque vous rencontrerez sous peu le futur Directeur de l’ARS, l’inviterez-vous à ménager ce qui a déjà été fait en Mayenne ? Jean ARTHUIS Nous devons élaborer collectivement les projets, dans le cadre d’une sorte de tuilage entre les CHU, les centres hospitaliers et les établissements privés. Les sources de financement sont telles que nous avons pour obligation de faire bon usage des fonds publics dont nous disposons. Je fais le vœu que l’on rapproche les cliniques et les hôpitaux au sein de départements comme le mien. A l’inverse, à ce petit jeu qui consiste à opposer les uns aux autres, nous risquons de ne jamais atteindre les seuils de crédibilité. J’appelle donc à une mise en synergie du public et du privé. Nous avons pour obligation de maintenir une offre de soins de qualité, ce qui ne signifie pas que nous pourrons tout faire sur place. Il faudra savoir passer à l’échelon supérieur lorsque les compétences peuvent y être offertes dans les meilleures conditions possibles. Jean-Pol DURAND Les médecins sont-ils prêts, avec l’aide des collectivités locales, à assumer cette responsabilité ?
  • 38. Les rencontres de La Baule – vendredi 11 et samedi 12 septembre 2009 38 Jean HALLIGON Non, ils n’y sont pas préparés. Ils ne sont pas préparés à faire autre chose que du soin. Il sera donc de notre responsabilité de mobiliser nos collègues et de faire un peu de pédagogie. Nous devons tout d’abord insister sur l’importance des entreprises collectives. Nous devons travailler ensemble, à la fois entre praticiens de la même spécialité, mais aussi entre praticiens de spécialités différentes, comme entre praticiens et personnels soignants, et ce dans un cadre des établissements. Les médecins n’ont pas spontanément le sens du collectif. De plus, les médecins ne sont pas du tout préparés à la notion de projet stratégique, pour leur propre devenir, mais aussi pour le devenir de l’établissement dans lequel ils travaillent. De même, il faut les aider à concevoir qu’il existe des activités en dehors du soin : certaines activités de coordination ne sont pas en lien avec les patients, mais doivent pourtant être valorisées et reconnues. Enfin, au-delà de l’établissement, nos collègues doivent être persuadés qu’ils travaillent sur un territoire, au sein d’un réseau. L’un des outils à utiliser est tout d’abord la contractualisation à différentes échelles. Déjà les praticiens d’établissements contractualisent à titre individuel avec les établissements. Nous devrons donc inventer des contrats collectifs à l’intérieur des établissements, mais aussi des contrats entre le collectif médical (la CME ou un groupement de praticiens d’une spécialité) et le territoire, ou même l’ARS. Nos collègues des établissements devront passer de la production de soins à une prise en charge de la santé, ce qui nécessitera une grande évolution conceptuelle et aura un impact sur l’organisation des établissements qui devront alors comporter beaucoup plus d’activités de type médical. L’activité chirurgicale se déplacera alors vers l’ambulatoire. Des filières à la fois médicale, de soins de suite et médico-sociale devront en outre être intégrées à cette prise en charge globale. Jérôme NOUZAREDE L’établissement privé de santé s’inscrit finalement dans trois types de territoires : le territoire de son bassin d’attraction, le territoire régional et dans une certaine mesure, le territoire national. En ce sens, un groupe peut permettre de mieux articuler les dimensions régionale et nationale. Mais pour ma part, je considère que la réalité est avant tout locale pour la plupart des établissements. Pour réfléchir aux leviers stratégiques d’un territoire, il faut prendre en compte toutes les populations, c'est-à-dire toutes les catégories socioprofessionnelles et toutes les pathologies. Nous considérons en effet que le modèle de l’établissement hyperspécialisé ne répond pas à la réalité du territoire départemental. Néanmoins il existe, au sein des départements, des territoires de santé, des territoires de recours et sous l’angle des plateaux techniques, des chirurgies de spécialité. Cette réalité doit être appréhendée car à partir du moment où il existe des établissements en mesure d’offrir une réponse à la population, ils captent une partie de la patientèle. Face à cette réalité, les stratégies sont multiples. L’une consiste à articuler les établissements privés entre eux, mais le combat cessera forcément faute de combattants en l’état de la tarification actuelle, sans même parler de la démographie médicale. Alors, quelle articulation avec les hôpitaux de proximité, étant entendu que la plupart des établissements privés participe à l’offre de recours ?
  • 39. 39 Les hôpitaux peuvent évidemment avoir des réflexes culturels… Néanmoins, tant les personnels que les politiques et les populations sont animés par la recherche de leur intérêt dans le maintien d’une offre sur ce territoire. Pour ma part, je suis moins pessimiste que d’autres sur l’idée que les communautés hospitalières de territoire sont en mesure, une fois pour toutes, de mailler l’hôpital général aux hôpitaux dits périphériques. Les hôpitaux des territoires de santé ont cependant leurs réalités propres et ne vont pas tout naturellement s’inféoder l’hôpital général du département. Par ailleurs, ce maillage ne peut se mettre en place qu’avec les médecins. Or nous sommes encore loin aujourd’hui de disposer d’un modèle abouti. Il s’avère extrêmement difficile pour un établissement privé d’inciter ses professionnels à consulter ou à opérer dans tel ou tel autre hôpital au prétexte de fidéliser la patientèle. Mais certains confrères savent d’eux-mêmes que leur intérêt consiste à aller exercer dans ces territoires de proximité. Ces rapprochements doivent donc reposer sur une volonté bien comprise, mais aussi sur une vision de long terme. En outre, ils doivent s’inscrire dans une démarche équilibrée : un nouvel équilibre doit à l’évidence être trouvé, dépassant largement l’actuel contrat d’exercice, entre un praticien d’établissement, un groupe de praticiens d’établissement et pourquoi pas, un groupe de praticiens au sein de différents établissements. Différents modes d’organisation s’expérimentent ici ou là ; il est bien évident que dans cette thématique, la démographie médicale et la culture d’exercice seront déterminantes. Jean-Pol DURAND Paul Garassus, comment votre Fédération aborde-t-elle le sujet de l’entreprise et de la territorialité ? Paul GARASSUS Rappelons tout d’abord les spécificités du secteur privé, avant de réfléchir à son adaptabilité à un secteur territorial. Les établissements privés de soins ont engagé, au cours des quinze dernières années, un grand nombre de restructurations, avec deux contraintes connexes à savoir les évolutions techniques et la contrainte économique. S’adapter au territoire consiste tout d’abord à définir ses objectifs et savoir-faire, à réfléchir au partenariat entre les équipes médicales, puis à mettre en place un partage effectif entre une habileté de gestionnaire et une pertinence stratégique, tout en incluant le corps médical dans ses orientations et ses compétences. Les difficultés que nous rencontrons actuellement en France s’avèrent tout à fait semblables à celles de nos voisins européens : où s’arrête le privé et où commence le public ? Il nous faut lever quelques verrous conceptuels et donner du contenu à notre exercice, en dissociant bien le statut juridique et le mode organisationnel : en Allemagne, beaucoup d’hôpitaux dits publics ont confié leurs mandats de gestion à des organismes privés. Ils n’ont pas