La détermination des paramètres d’entrée pour l’évaluation de la tenue au feu des structures existantes, en particulier l’écaillage du béton, est une étape décisive dans le cas d’une recherche fine de durées de résistance d’ouvrages en béton (armé ou précontraint) sous un feu de type HCM. Les essais sur «carottes ré-incrustées », décrits dans le guide du comportement au feu des tunnels routier du CETU parmi d’autres type d’essais, et jusqu’ici largement utilisés pour les études de mise en sécurité, ont montré leurs limites, en particulier la forte influence des bétons des dalles supports testées en laboratoire, par rapport aux bétons provenant de l’ouvrage existant. Etant donné la sensibilité des paramètres d’écaillage dans ces études, dans le cadre de la mise en sécurité du Tunnel de Courcelles (Paris 17e), TRACTEBEL Engie, en charge des études de mise en conformité, a orienté la Mairie de Paris vers le choix d’un essai « in-situ », réalisé en février 2016 par le CSTB, et qui constitue le tout premier essai de ce type pour un tunnel en exploitation. Cet article présente la démarche générale des études et la prise en compte de ces valeurs expérimentales.
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Tunnel et espace souterrain n257 2016_09-10_p 35-40_evaluation expérimentale de la tenue au feu tunnel courcelles en exploitation
1. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016 273
TECHNIQUE/TECHNICAL
Evaluation expérimentale de la tenue au feu
du tunnel de Courcelles en exploitation
Experimental fire assessment of Courcelles
cut-and-cover tunnel under traffic
Xavier THOLLARD
Tractebel Engie
Dominique PARDON
CSTB*
Introduction
The determination of input parame-
ters for assessing the fire resistance
of existing structures, in particular
concrete progressive spalling, is a
decisive step in the case of a precise
search of resistance durations for
reinforced and prestressed concrete
structures with HCM fire curve. Tests
known as « re-inserted samples »
described in CETU guide, among
other types of tests, and so far widely
used for structural fire design, have
shown their limits: in particular the
strong influence of concrete material
of the supports tested in laboratories,
compared to concrete from the exis-
ting structure. Given the sensitivity of
progressive spalling, for the assess-
ment of the tunnel Courcelles (Paris
17arr., France), TRACTEBEL Engie in
charge of the design has oriented the
Mairie de Paris to choose an “on-site”
test, which was held in February 2016
by CSTB Laboratory, and which was
the first of its kind as a tunnel under
traffic in France. This article presents
the general approach of the fire design
and consideration of the experimental
parameters.
Description of the existing
tunnel
The tunnel is divided into four struc-
tures built between the late 1960s
and 1980. The side walls are made
of reinforced concrete walls, and
the central wall is made of regularly
spaced reinforced concrete columns,
which support a gallery for lighting.
Covered slabs are made alternately
of prestressed concrete beams and
prestressed concrete slabs.
Several levels of fire resistance are
defined to reach from N1 to N3, depen-
ding on the exposed areas and types of
covered areas.
Introduction
La détermination des paramètres
d’entrée pour l’évaluation de la
tenue au feu des structures exis-
tantes, en particulier l’écaillage
du béton, est une étape décisive
dans le cas d’une recherche fine de
durées de résistance d’ouvrages en
béton (armé ou précontraint) sous
un feu de type HCM. Les essais sur
« carottes ré-incrustées », décrits
dans le guide du comportement
au feu des tunnels routier du CETU
parmi d’autres type d’essais, et
jusqu’ici largement utilisés pour
les études de mise en sécurité, ont
montré leurs limites, en particulier
la forte influence des bétons des
dalles supports testées en labora-
toire, par rapport aux bétons pro-
venant de l’ouvrage existant. Etant
donné la sensibilité des paramètres
d’écaillage dans ces études, dans
le cadre de la mise en sécurité du
Tunnel de Courcelles (Paris 17e),
TRACTEBEL Engie, en charge des
études de mise en conformité, a
orienté la Mairie de Paris vers le choix
d’unessai«in-situ»,réaliséenfévrier
2016 par le CSTB, et qui constitue le
tout premier essai de ce type pour
un tunnel en exploitation. Cet article
présente la démarche générale des
études et la prise en compte de ces
valeurs expérimentales.
Description de l’ouvrage
existant
La tranchée couverte de Courcelles
est divisée en quatre ouvrages
distincts réalisés entre la fin des
années 1960 et 1980. Les piédroits
sont constitués de murs en béton
armé, et la pile centrale de poteaux
en béton armé régulièrement espa-
cés, support d’une galerie d’éclai-
rage. Les dalles de couvertures
sont constituées alternativement de
dalles pleines précontraintes et de
poutres caissons précontraintes.
Division Expertise, Avis Règlementaires, et Recherche,
Direction Sécurité, Structure et Feu
2. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016274
TECHNIQUE/TECHNICAL
L’état de référence définit plusieurs
niveaux de résistance au feu à
atteindre allant de N1 à N3, suivant
les zones exposées et les typologies
d’ouvrages.
Etudes préliminaires
• 1ère
étape : pas d’écaillage
considéré
A partir des éléments disponibles
de l’existant (plans, notes de
calcul), les paramètres pertinents
(matériaux, sections, positions
des câbles et armatures) pour les
études thermiques et thermomé-
caniques, menées avec le logiciel
SAFIR®
(v.2015), sont confirmés à
partir des diagnostics réalisés sur
les différentes parties d’ouvrages,
notamment pour fiabiliser les
valeurs d’enrobages.
Des calculs préliminaires sont
menés sans prendre en compte la
problématique de l’écaillage, afin
de déterminer s’il est opportun
d’effectuer une vérification plus
fine qui prend en compte l’écail-
lage ou s’il est préférable d’adopter
directement des mesures de pro-
tection passive des structures. Les
parties de structures ne vérifiant
pas les durées de résistances, sans
écaillage, par rapport à un temps
garanti d’intervention des services
de secours, seront ainsi sélection-
nées comme devant être protégées
par des produits de protection
rapportés.
Preliminary design
• 1st step : no spalling
considered
From the available documents of the
existing works (drawings, calculation
notes), the relevant parameters (mate-
rials, sections, positions of cables
and reinforcements) for thermal and
thermomechanical calculations with
SAFIR®
software were confirmed from
Figure 1 - Vue en plan et coupe de l’ouvrage /
Plan and section views of the existing work.
Figures 2 - Etudes
thermiques réalisées
avec SAFIR®
/
Thermal analysis
with SAFIR®
.
3. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016 275
TECHNIQUE/TECHNICAL
• 2ème
étape : avec écaillage
non mesuré
A l’inverse, les parties de structures
respectant les critères de résistance
sans écaillage, sont réétudiées avec
des valeurs d’écaillages prises
arbitrairement (entre 3 et 5 cm)
afin d’évaluer la sensibilité de ce
paramètre pour chacune des zones,
et de déterminer si, pour des valeurs
d’écaillage faibles, certaines zones
ne sont déjà pas vérifiées au vu des
critères de résistance. Auquel cas
des mesures de protection passive
sont envisagées à ce stade. Les
structures qui vérifient les critères
peuvent en revanche être réétudiées
par la suite avec la prise en compte
de valeurs d’écaillage issues de
l’essai in-situ (cf. ci-après).
Description de l’essai in-situ
• Localisation
L’essai ne pouvant matériellement
pas être reproduit sur toutes les
parties d’ouvrages nécessitant une
évaluation de la tenue au feu, un
seul essai a été envisagé sur l’un
des piédroits du tunnel. La zone
d’essai, bretelle de sortie BPI Porte
d’Asnières, a été choisie selon plu-
sieurs critères, notamment pour la
possibilité de pouvoir réaliser l’essai
de jour (avec fermeture de la bretelle
de sortie), et pour la proximité de
l’extrémité de la dalle de couverture
pour évacuer rapidement les gaz
chauds générés par le four.
diagnostics documents carried out on
different parts of the works, including
cover reinforcement values.
Preliminary calculations were carried
out without considering concrete pro-
gressive spalling, to determine whether
it is appropriate to make a finer verifi-
cation that takes into account spalling
or whether it is better to design directly
passive protections products. The parts
of structures which were not verifying
the durations of resistance, compared
with a guaranteed response time of
emergency services, were selected as
well as areas which have to be protec-
ted by fire protection products.
• 2nd step : unmeasured
spalling
On the other hand, parts of structures
which did not satisfy the fire resis-
tance criteria were re-calculated with
arbitrarily values of spalling depths
(between 3 and 5 cm) to assess the
sensitivity of this parameter for each
zone, and whether, for low values of
spalling depths, some areas would not
be already verifying the fire resistance
criteria. In these cases fire protection
measures were intended at this stage.
Parts of structure which did satisfy the
fire criteria however had to be recons-
idered later with the spalling depths
values from in-situ test (see below).
Description of in-situ test
• Localisation
As the fire test cannot physically be
reproduced on all parts of structures
which require an assessment of the
fire resistance, only one test has been
designed on one of the sidewalls of the
tunnel. The test area, located near an
exit lane at Porte d’Asnieres (Paris side),
was chosen based on several criteria,
including the possibility to perform the
test in daytime (with the closure of the
exit ramp), and the vicinity of the end of
the cover slab to quickly evacuate hot
gases generated by the furnace.
• Preparation
A reconnaissance visit was held with
Mairie de Paris, after which an area
of 1.2 mx 1.2 m on the facing of the
wall was prepared by depositing the
mosaic tiles, and determining the type
of fire protection to be provided on the
surrounding parts of the tested area.
In particular, glass lighting holes have
been stored and protected by protection
products and nearby walls and slab
were protected by flocking.
• Carrying out the test
The mobile oil-fired furnace used to
apply with the HCM curve to the wall
to be assessed consists of two distinct
parts. A couple of round-flame-oil
burners which work with light fuel,
operated from a control panel and a fire
chamber made of refractory materials
for development of flames. This box
has an opening of 1 m2 applied on the
concrete wall and two ducts parallel to
the wall, one for the flames from the
burners, and the other for the release of
combustion gases which go through an
opening at the side of the fire chamber.
Temperatures are measured using 4
thermocouples inserted into the furnace
and representing the exposed area.
The thermal program is powered by
the function:
• Préparation
Une visite de reconnaissance a
eu lieu avec la Mairie de Paris, à
la suite de laquelle une zone de
1,2 m x 1,2 m sur le parement du
piédroit a été préparée, en déposant
les carreaux en pâte de verre, et en
déterminant le type de protection à
prévoir sur les parties voisines de
la zone à tester. En particulier, les
vitrages des niches d’éclairage ont
été déposés et protégés par des
plaques de protection, et les murs
voisins et la sous-face de dalle de
couverture ont été protégés par
flocage.
• Réalisation de l’essai
Le four utilisé pour solliciter la paroi
à évaluer à partir de la courbe HCM
est constitué de 2 parties distinctes :
un ensemble de 2 brûleurs avec
coffret de contrôle-commande et
fonctionnant au fioul domestique
ainsi qu’un caisson en matériaux
réfractaires permettant le dévelop-
pement des flammes. Ce caisson
présente une face ouverte de 1m2
appliquée contre la paroi en béton
et 2 conduits parallèles à la paroi,
l’un servant à canaliser les flammes
issues des brûleurs et l’autre d’exu-
toire aux gaz ayant échauffé la paroi
en béton de l’ouvrage.
Les températures sont mesurées à
l’aide de 4 thermocouples insérés
dans le four et représentant la zone
exposée.
Le programme thermique est ali-
menté par la fonction :
Figure 3 - Piédroit avant essai /Sidewall before testing.
20+1280[1-0,325 exp(-0,167t)-0,675 exp(-2,5t)]
4. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016276
TECHNIQUE/TECHNICAL
• Résultats
On a pu situer le début du phéno-
mène d’écaillage à 14 min d’essai.
La dimension des écailles est d’en-
viron 25mm x 25mm x 5mm. Cet
écaillage s’est poursuivi pendant
toute la durée de l’essai.
• Results
The spalling phenomenon has been
observed after 14 min of testing. The
size of the spalls was about 25mm x
25mm x 5mm. The progressive spal-
ling continued throughout the duration
of the test.
Figure 4 - Vue schématique de l’installation d’essai /
Schematic view of the installation test.
Figure 7 - Courbes de conduite du four /Fire curves of furnace.
Figure 5 - Vue du four avant essai /Installation view before testing.
Figure 6 - Vue du four du caisson du four mobile lors de l’essai /Fire chamber of
the mobile furnace during the test.
5. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016 277
TECHNIQUE/TECHNICAL
Dans le caisson contre la paroi tes-
tée, un tas d’écailles de béton s’est
formé, les granulats des écailles
ont pris une couleur verdâtre et
certains présentaient une surface
légèrement vitrifiée. On a observé
également après essai que le pre-
mier lit d’armatures a été presque
entièrement dénudé.
Après refroidissement, des mesures
de profondeurs d’écaillage ont été
réalisées, suivant un maillage de
50 mm x 50 mm. Les profondeurs
varient de 5 à 75 mm suivant les
zones, la valeur médiane étant de 50
mm, qui sera la valeur retenue pour
cette zone testée.
Intégration des résultats
dans les études de tenue
au feu
Les profondeurs d’écaillages mesu-
rées lors de l’essai ont été extrapo-
lées aux autres parties d’ouvrages
grâce à des analyses comparatives
des matériaux en place (comprenant
In the fire chamber in front of the tested
wall, a heap of concrete spalls formed,
aggregates took a greenish color and
some showed slightly glazed surface.
It was also observed after testing that
the first layer of reinforcement rebars
was almost completely bared.
After cooling, the spalling depth mea-
surements were made, according to
a mesh size of 50 mm x 50 mm. The
depths vary from 5 to 75 mm depen-
ding on the area, the median was equal
to 50 mm, which was the value used
for this test area.
Integration of results in the
structural fire design
The depths due to progressive spal-
ling during the test were extrapolated
to the other parts of the works through
comparative analysis of materials
(including pore pressure, microstruc-
tural analysis, E / C ratio ...). To do so,
physico-chemical tests were carried
out by the CONCRETE laboratory in
different areas, in order to extract the
material characteristics (CC1 to CC12
samples in the following table). The
concrete of the tested area was taken in
a cold part (non-exposed to fire) and
was considered as the control area, on
la porosité, l’analyse microstructu-
rale, rapport E/C…). Pour ce faire,
des essais physico-chimiques
ont été réalisés par le laboratoire
Figure 8 - Vue de la zone testée après essai – 1er lit d’armatures dénudé
partiellement /Tested area after testing – 1st reinforcement layer bared.
Figure 9 - Carte de profondeur d’écaillage (mm)/
Spalling depths cartography (mm).
Figure 9 - Synthèse des analyses comparatives entre zones /
Synthesis comparative analysis between areas.
Microscope
optique
Optical
microscope
MEB
Type de ciment
Type of cement
Masse
volumique
Volumic mass
Porosité
Porisity
Analyses thermo-
gravimétriques
Thermogravi-
metric
analyses
Teneur en liant
hydraulique
Hydraulic
binder content
Eeff/ciment
Dosage des
ions solubles
Dosing of
soluble ions
CC1
CC2
CC3
CC4
CC5
Zone testée au feu
Fire tested zone
CC6
CC7
CC8
CC9
CC10
CC11
CC12
Résultats similaires à la zone testée / Results similar to those of the tested zone
Résultats très proches de la zone testée / Results close to those of the tested zone
Résultats différents de la zone testée / Results different to those of the tested zone
6. TUNNELS ET ESPACE SOUTERRAIN - n°257 - Septembre/Octobre 2016278
TECHNIQUE/TECHNICAL
CONCRETE dans différentes zones,
afin d’en extraire les caractéristiques
des matériaux (échantillons CC1 à
CC12 dans le tableau suivant). Le
béton de la zone testée a été prélevé
en partie saine (non soumise au feu)
et constitue la zone témoin, sur la
base de laquelle sont effectuées les
comparaisons.
Les analyses comparatives ont
permis de mettre en évidence les
éventuelles différences avec la
zone témoin, en fonction des para-
mètres testés, et d’en déduire les
incertitudes sur l’écaillage de ces
zones.
Ces incertitudes ont ensuite été
quantifiées forfaitairement suivant
les zones, par une majoration de la
profondeur d’écaillage de quelques
centimètres (entre 1 et 3 cm). Ces
nouvelles valeurs ont été finalement
intégrées aux modèles de calculs
SAFIR permettant l’évaluation de la
tenue au feu des structures, et ont
permis de conclure sur la nécessité
de protection rapportée éventuelle.
Conclusion
L’approche expérimentale par essai
in-situ de la tenue au feu du Tunnel
de Courcelles a permis une prise en
compte de manière très fine de la
problématique d’écaillage. Chaque
partie d’ouvrage a été optimisée
en termes de protection rapportée
éventuelle, offrant ainsi des équi-
pements adaptés au comportement
réel des structures existantes. Cette
approche pourra être reconduite
lors des études futures de mise en
conformité d’autres ouvrages en
exploitation. t
the basis of which comparisons have
been made.
Comparative analysis allowed to
highlight differences with the control
area, based on the parameters tested,
and to deduce uncertainties of pro-
gressive spalling of these areas.
These uncertainties were quanti-
fied for each area, by increasing the
spalling depths of a few centimeters
(1 to 3 cm). These new values were
finally integrated into the SAFIR cal-
culation models for assessing the
fire resistance of structures, and have
concluded to the need of possible fire
protection products.
Conclusion
The experimental approach by on-site
test of the structural fire resistance
of the Courcelles tunnel has allowed
consideration in a very precise way of
the progressive spalling issue. Each
part of the structure has been opti-
mized in terms of fire protection, pro-
viding equipments adapted to the exis-
ting structural behavior. This approach
could be extended in the future for
engineering fire design applied to
existing structures. t