2. À la fin de la dégustation des 40 millésimes, et avec 40 dégustateurs au travail, il y avait 1 600 verres sur la table.C.C.
3. « Pour une dégustation plus efficace, nous avons classé les 40 millésimes en quatre catégories
qualitatives, des plus faibles aux plus iconiques » explique Olivier Bernard, le propriétaire,
aujourd’hui secondé par ses fils Hugo et Adrien (1). Voilà donc une occasion, à travers cette
expérience originale - les millésimes sont habituellement servis par ordre chronologique - d’avoir
une grille de lecture qui peut s’appliquer à tout le Bordelais, et au-delà dans notre région. Même
si parfois, certains châteaux réussissent mieux des millésimes que leurs voisins.
L’eau malvenue
Les années 90 sont indéniablement un temps faible de l’histoire du vignoble - comme l’avait été
la décennie 70. Si vous avez des bouteilles des millésimes 1991 à 1994, il est vraiment temps
de les boire, et c’est même déjà sûrement trop tard. En cause, les pluies trop nombreuses à
deux périodes clefs. D’abord la floraison - fin mai, début juin - où le soleil est souhaité pour
permettre dans la foulée la bonne formation des baies. Ensuite pendant les vendanges, où l’eau
en continu n’est pas la bienvenue. Les millésimes 1987, 1997 et 2007 sont à mettre dans cette
catégorie. En l’espèce, on voit que les années finissant en « 7 » n’ont pas été gâtées (le 2017,
touché par le gel, également).
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chacun pense à se faire plaisir
À l’autre bout du spectre se trouvent les plus grands millésimes du Domaine de Chevalier. On
notera qu’ils ont tous été produits depuis le début du millénaire. Première raison : les châteaux
ont beaucoup investi - grâce notamment aux subventions européennes - et les vignes ont pu
donner leur meilleur. Ensuite, les vignerons sont mieux formés - avec l’appui des œnologues -
et savent répondre aux coups durs. Les millésimes complètement ratés ont disparu. Enfin, le
réchauffement climatique arrange les vignerons : les raisins mûrissent mieux - notamment le
cabernet sauvignon. Même si les périodes de sécheresse commencent à poser des problèmes.
Dans cette catégorie des meilleurs millésimes - qui ont par nature une plus grande capacité de
garde - se trouvent les doublettes 2009/2010, 2015/2016 et la triplette 2018/2019/2020. Le 2005
est aussi dans la famille. Fait du hasard mais moyen mnémotechnique intéressant, les années
finissant en « 0 » et en « 5 » sont plutôt bien nées (c’est également le cas du 1985).
4. Fait du hasard, les années finissant en « 0 » et en « 5 » sont plutôt nées sous de bons auspices
Entre les moins bons et le must, se trouvent enfin ces millésimes que les professionnels aiment
appeler « intermédiaires ». Tous ont connu quelques pépins puis ont été sauvés. Soit par cet
été indien (septembre/octobre, à l’heure de la récolte) dont les anciens aiment louer les
bénéfices tirés tout au long de l’histoire (2004, 2008, 2012, 2014) ; soit parce que les producteurs
ont su trier les baies lors des vendanges - notamment en cas de mildiou - en enlevant les
mauvaises (1998, 2006). C’est aussi le point clef pour la vendange 2023 qui est en train de
dérouler.
Millésimes cachés
Signalons enfin les « millésimes cachés ». Ceux auxquels les prestigieux voisins ont fait de
l’ombre, et qui s’avèrent avec le temps bien meilleurs qu’imaginé à leur époque. C’est le cas des
1999 et 2001, éclipsés par le 2000 et ses trois « 0 » mythiques ; du 2011 qui suit un 2010 classé
par tous au firmament ; de la doublette 1989-1990 qui apporte de la lumière à la décennie 90.
Pour conclure la dégustation, Olivier Bernard apporte sa définition des grandes bouteilles.
« Avec 40 millésimes, je suis persuadé qu’au moment de les juger, l’élégance doit l’emporter
sur la puissance. Je parle de cette finesse sans légèreté ni maigreur qui apporte une dimension
supplémentaire au grand vin, celle du rêve et de l’émotion » (2)
(1) Stéphane Derenoncourt est le conseiller de la propriété depuis 2002
(2) Une vente aux enchères des 40 millésimes (en double magnum, 3 litres) aura lieu les
30 novembre et 1er décembre chez Christie’s à Londres