3. MONDIALISEZ-VOUS ! MANIFESTE POUR DES IDENTITÉS RÉGIONALES CONQUÉRANTES
Si « Neptune sourit toujours aux audacieux » aime rappeler la devise de la Cité des ducs de Bretagne, l’écho des
vagues indisciplinées de la Manche cultive tout autant l’esprit de cet appel à développer des caractéristiques
humaines audacieuses sur l’hinterland de Grande-Bretagne et de ses portes maritimes. Dans son histoire cosmopolite
de ville-port sur la Tamise, Londres s’est nourri de ce challenge permanent pour incarner à la fois une terre
d’innovation entrepreneuriale mais aussi une terre de régionalisme éclairé.
Terre d’accueil d’identités régionales conquérantes, Londres bouillonne de nombreux clubs, associations, points de
rencontres témoins de la vitalité des appartenances régionales dont se nourrissent la France et l’Europe pour
construire leur propre identité. Chaque année, les Corses de Londres célèbrent la mémoire de l’amiral et philosophe
corse des Lumières, Pasquale Paoli, à l’abbaye de Westminster, où un buste lui est consacré. « Alsatia », dans le
quartier de Farringdon, célèbre et redoutée au XVIIème siècle, rappelle le repaire des exilés Alsaciens, passés de l’Est
vers l’Ouest, pendant la Guerre de Trente Ans et les désordres engendrées par les traités de Westphalie.
Récemment, une pétition circulait auprès de Sadiq Khan, maire de Londres, pour ériger un monument breton en
faveur de La Bourdonnais, célèbre joueur breton d’échecs qui mit sur la place publique ce jeu oriental né aux Indes,
lors d’un match contre Alexander McDonnell, quelques années avant l’Exposition universelle de Londres de 1851,
organisatrice du premier tournoi international de ce genre. L’intellectuel, issu d’une grande lignée bretonne, lança la
première revue franco-britannique d’échecs : Le Palamède, en référence à ce héros grec insurgé, repris dans la
légende arthurienne, dénonçant la guerre longue et coûteuse faite par La Grèce aux Troyens.
Si Londres a toujours su faire preuve d’une grande hospitalité en tant que ville refuge, c’est que très tôt dans son
histoire, ce petit port aux origines antiques a su jouer un rôle de trait d’union entre le système racinaire britannique et
la canopée de talents nomades, diasporas, peuples navigateurs et commerçants qui l’entouraient... Dès 1070, les
premières mentions d’une communauté juive constituée sur les Iles Britanniques apparaissent quand Guillaume le
Conquérant, conseillé par les princes guerriers bretons qui l’avaient aidé à la bataille d’Hastings, considère que les
compétences commerciales et les capitaux juifs pourraient rendre l’Angleterre plus prospère. N’ayant pas de patrie, ils
enrichiront leur pays d’adoption pendant toute l’ère médiévale. A l’heure des migrants, souhaitons que de nouvelles
fertilisations croisées émergent pour imaginer l’Europe de 2079, 62 ans après le Traité de Rome. Les régions doivent
jouer ou (re)devenir les comptoirs de la mondialisation, en s’appuyant sur les diasporas, célèbres pour être présentes
un peu partout aux quatre coins du monde. Certaines s’y préparent peut-être. En Hauts-de-France, son président
Xavier Bertrand veut autoriser les Anglais à rouler à gauche à Calais…
4. BREXIT : NOUVELLE FRONTIÈRE ?
« Je vous dis que nous sommes devant une nouvelle frontière. Au-delà de cette
frontière, s’étendent des possibilités infinies, des domaines inexplorées, des
problèmes non résolus de paix de guerre, des poches d’ignorance et de
préjugés… » discours de J.F Kennedy (très conscient de ses origines irlandaises)
15 Juillet 1960
5. Brexit : droit d’inventaire, devoir d’inventer
Les six recommandations de l’ACB
1/ Pour un droit à l’expérimentation
2/ Hyperloop transmanche : un projet toujours à quai ?
3/ Explorer un modèle de pôle universitaire transfrontalier
4/ Préserver Londres comme boussole de tremplin vers le
Moyen- et l’Extrême Orient
5/ Expérimenter une Youth Bank et l’apprentissage
transfrontalier
6/ Oser une « Digital Bay »
6. Pour un droit à
l’expérimentation
Permettant de stimuler la coopération
transfrontalière, puissant levier de coopération
économique, à l’instar du modèle alsacien du
Rhin supérieur
7. Le droit à l’expérimentation et la coopération transfrontalière sont fortement
développés en Alsace.
Situé au cœur de l’Europe, le territoire du Rhin Supérieur réunit l’Alsace, le Sud
du Palatinat, le pays de Bade et cinq cantons du Nord-Ouest de la Suisse. C’est
l’un des territoires les plus prospères de l’Union européenne : près de 6 millions
d’habitants et un PIB qui soutient la comparaison avec des Etats tels que le
Danemark ou la Finlande.
En encourageant le droit à l’expérimentation, il s’agit de dresser la liste des
distorsions de réglementations et de normes qui entravent les entrepreneurs ou
porteurs de projets innovants lorsqu’ils veulent mener leurs activités de part et
d’autre de la frontière. Ainsi, en suscitant des propositions d’harmonisation, il
est possible de favoriser le développement du marché de l’emploi ainsi que des
opportunités de développement et de transfert d’innovations.
Le traité d’Aix-la-Chapelle, après le traité de l’Elysée de 1963, a posé le socle de
la stratégie OR (acronyme d’Oberrhein ou Rhin Supérieur), socle de la future
politique de coopération transfrontalière dans l’espace trinational du Rhin
supérieur. Ainsi, la stratégie OR s’enracine en Alsace à la fois dans la mythologie
de l’opéra de Wagner et la célébration du Rhin de Victor Hugo : « Oui, mon ami,
c’est un noble fleuve, fédéral, républicain, impérial, digne d’être la fois français
et allemand. Il y a toute l’histoire de l’Europe dans ce fleuve des guerriers et des
penseurs, dans cette vague superbe qui fait bondir la France, ce murmure
profond qui fait rêver l’Allemagne. » Avec son œuvre Les Travailleurs de la Mer,
écrite à Guernesey, Victor Hugo inspirera-t-il une coopération post-Brexit ?
8. Hyperloop transmanche : un
projet toujours à quai ?
Susceptible que de redonner un nouvel élan à
la vision de métro transmanche proposée par
Opale Link…
9. Rappelons que la Bretagne a été une base arrière d’entrainement à l’occasion des Jeux
Olympiques de Londres. Profitant d’une proximité renforcée par la qualité et la
fréquence des dessertes aériennes et maritimes, Dinard, Saint-Malo et d’autres villes
de l’axe Manche avaient valorisé leur capacité hôtelière ainsi que leurs infrastructures
sportives auprès de 204 comités nationaux olympiques et des fédérations nationales
olympiques. Aujourd’hui, un nouvel élan porté par la Côte d’Opale pourrait inspirer la
Bretagne dans le développement de ses relations Outre-Manche. Opale Link est une
association pionnière dotée d’une cellule de prospective, boite à idées ayant exploré
l’idée d’un métro transmanche entre le Kent qui manque de main d’œuvre et les
Hauts-de-France qui se débattent avec un taux de chômage très élevé atteignant des
pics supérieurs à 15% à Boulogne-sur-Mer et Calais.
Les travailleurs transfrontaliers présentent la particularité de traverser une frontière le
matin pour aller travailler, et le soir, pour rentrer chez eux. L’Allemagne, la Suisse ou la
Belgique accueillent journellement un flot de français. Une telle navette multiplierait
les échanges et dynamiserait le commerce local des deux côtés de la Manche.
En mai 2016, Hyperloop One lance un concours mondial dans l’objectif d’établir une
liste de régions d’intérêt pour la mise en place d’un Hyperloop One. Sur 2600
candidatures provenant de plus de 100 pays à travers le monde, la candidature de la
Corse et de la Sardaigne pour un Hyperloop, entre les deux îles (Bastia-Cagliari), est
parvenue à se hisser au sein d’une shortlist de 35 projets sélectionnées pour la phase
finale du concours. L’annonce avait été faite par Hyperloop One au mois de janvier
dernier à l’occasion du Consumer Electronic Show de Las Vegas.
A quand un Hyperloop entre la « Petite » Bretagne et la Grande-Bretagne qui ferait
escale à Jersey et Guernesey ?
10. Explorer un modèle
de pôle universitaire
transfrontalier
En s’inspirant de l’Université de Bretagne Sud
(UBS) et du modèle de Groupement européen
de coopération territoriale (GECT)
11. De 2005 à 2010, l’Université de Bretagne sud est passée de la 50eme place au
niveau français en terme d’échange étudiant en mobilité sortante à la 4eme
place.
Le pourcentage de doctorants en cotutelle de thèse est passé de 10,83% à 17%
sur la même période.
Le nombre d’accords d’échange avec des établissements étrangers est passée
d’une quarantaine à une centaine. Récemment, l’UBS a présenté une offre de
formation « parcours cybersécurité » au Qatar.
Face à l’inflation de la vie étudiante au Royaume-Uni, la Bretagne pourrait
accueillir davantage de profils étudiants anglophones et multiculturels grâce à
un pôle universitaire transfrontalier avec des partenaires à Jersey et Guernesey
(qui ont ouvert des incubateurs-tremplin comme Digital Jersey ou Guernesey
Green House) mais aussi à Londres (un loyer en zone 1 se négocie 400 euros la
semaine!) ou d’autres villes étudiantes du Royaume-Uni.
Une piste déjà avancée par l’EESAB (Ecole européenne supérieure d’art de
Bretagne) et son campus à Rennes pour encourager le bilinguisme et les
fertilisations croisées.
Le coût limité des frais universitaires ainsi que la qualité de vie étudiante dans
des villes bretonnes de taille moyenne offrent un avantage attractif par rapport
au coût de la vie au Royaume (30% plus élévé). FlyBe, Ryainair et Easyjet relient
les aéroports bretons au Royaume-Uni avec des offres très intéressantes.
12. Préserver Londres comme
boussole de tremplin vers le
Moyen- et l’Extrême Orient
« Comptoir de la mondialisation », Londres
restera un grand générateur de courants
d’affaires vers le Moyen- et l’Extrême Orient
(Dubai, Hong-Kong…). C’est capital pour les
entreprises bretonnes d’arriver sur ces
marchés avec un fanion britannique.
13. "In 1999, 61 per cent of UK trade was with the EU. Now it is 43 per cent. By
2025, it has been projected that our exports to the EU will account for under 35
per cent. The European Commission itself predicts that 90 per cent of global
economic growth in the next 10-15 years will be generated outside Europe, a
third of it in China alone.“
Owen PATERSON, former UK Secretary of State
Pour vendre à Hong-Kong, mieux vaut être fournisseur de la reine d’Angleterre
que M. Smith.
Le Moyen et l’Extrême Orient comptent parmi les grands hubs et villes du futur
(Dubai, Singapour) où les entreprises bretonnes pourront développer des
références et viser le marché mondial. Londres restera incontestablement une
capitale culturelle et financière du monde anglophone, à seulement une heure
d’avion de la Bretagne.
Il est indispensable de préserver la dynamique d’échanges qui a pu exister, en
maintenant les dessertes aériennes (développés par les chambres consulaires)
et maritimes (Brittany Ferries, Condor Ferries…), ainsi que toutes les
connections humaines portées par les flux d’échanges.
14. Expérimenter une
Youth Bank et
l’apprentissage
transfrontalier
Pour permettre aux jeunes générations d’être
ouverts et connectés à un monde multiculturel
15. En 1941, le Général de Gaulle créa à Londres, avec l’appui de René Pleven, la « Free French
Banking ». Une banque d’une audace incroyable qui joua le rôle de premier « argentier » de la
France libre, avec seulement quelques compétences financières, des connaissances
personnelles des hommes, des continents… Et où affluèrent des dons du monde entier,
beaucoup de ressources extraordinaires : des pépites d’or du Congo, des diamants, des perles
d’Erythrée… permettant de compenser les avances de guerre reçues de la Grande-Bretagne. A
la fin du conflit, Pierre Mendès-France prononcera lors de la présentation du premier budget
public de 1945 : « Ces années de guerre active auront coûté à la France le prix d’une
exposition! ».
Sénèque aurait dit : « Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas;
c’est parce que nous n’osons pas qu’elles sont difficiles. » En renouant avec les valeurs de
dépassement, d’énergie d’entreprendre et de prise de risques, une Youth Bank (structure
bancaire dédiée aux jeunes) pourrait jouer un rôle de facilitateur et de mise en relation avec
des investisseurs, mentors, conseils pour réussir la conduite d’un projet entrepreneurial
individuel ou collectif de l’autre côté de la Manche, à l’instar des programmes d’appui
transatlantiques développés par l’Office franco-québécois de la jeunesse (OFQJ) et son
partenaire canadien : LOJIQ. Parallèlement , l’apprentissage transfrontalier pourrait être
fortement stimulé, en s’inspirant du programme Pélican, développé par la Fondation
Solacroup Hébert (Dinard) ou encore du dispositif « J’ose le monde », expérimenté par
Bretagne Commerce International (BCI).
17. « Il ne faut pas se leurrer, nos dirigeants regardent le monde de l’innovation et
des start-ups, à commencer par la FrenchTech, comme un bac à sables où des
enfants s’amusent. On commande des missions, on crée des incubateurs. Tant
que ces nouveaux acteurs sont petits et ne dérangent pas, tout va bien, mais dès
lors qu’ils déstabilisent des filières ou des champions nationaux, les regards
bienveillants disparaissent, le numérique par exemple, devient dangereux,
fraudeur, liberticide, et destructeur d’emplois » Nicolas Colin, associé The Family
A travers son rapport « Make or Break », la Chambre des Lords interrogeait
notre capacité à engager le virage numérique. Dans l’architecture subtile des
écosystèmes du futur, le Mont-Saint-Michel pourrait devenir un totem
numérique, un passage de témoin entre la jeunesse et les grands bâtisseurs qui
voulaient protéger la création de valeur inscrite à l’UNESCO, dans l’héritage des
îles voisines de Jersey et de Guernesey, laboratoires avancés pour permettre aux
chevaliers des croisades de transmettre leur patrimoine. Cet écrin maritime
ouvert sur la Manche pourrait incarner une vitrine des nouvelles technologies en
faveur de la sauvegarde de notre patrimoine.
A l’image de la baie de San Francisco, une « digital bay » pourrait incarner un
outil de la diplomatie d’influence du XXIème siècle à travers une campagne-
tremplin visant à faire du Mont-Saint-Michel le plus grand objet connecté du
monde, pour financer sa restauration grâce aux données big-data.