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Revue d'histoire de l'Église de
France
La paroisse au Moyen Âge
Monsieur Jean Gaudemet
Citer ce document / Cite this document :
Gaudemet Jean. La paroisse au Moyen Âge. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 59, n°162, 1973. pp. 5-21;
doi : https://doi.org/10.3406/rhef.1973.1485
https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1973_num_59_162_1485
Fichier pdf généré le 13/04/2018
LA PAROISSE AU MOYEN AGE
ÉTAT DES QUESTIONS*
La Société d'Histoire ecclésiastique de la France avait organisé en
1937 un important congrès consacré à l'histoire paroissiale. Le doyen
Le Bras dans un de ces rapports étincelants dont les membres de cette
société ont si souvent profité, traitant de la paroisse rurale, avait fait
apparaître les multiples aspects d'une telle étude, précisant ses buts
et la méthode à suivre *.
La période médiévale — celle qui nous occupe à nouveau ici — avait
bénéficié d'une longue étude de Huart qui, par la richesse de ses
suggestions et l'ampleur de son information, fournissait un guide précieux
pour les érudits locaux 2.
Car c'était leur collaboration que le congrès de 1937 avait voulu
susciter, pensant, avec quelqu'apparence de raison, que les érudits
locaux étaient mieux placés que quiconque pour retracer une histoire
éminemment locale. Vue sans doute trop logique pour être réaliste.
On n'oserait dire que depuis trente-cinq ans l'histoire paroissiale ait
fait en France des progrès considérables. Et les germes que l'abbé
Carrière avait déposés dans son Introduction aux études d'histoire
ecclésiastique locale 3 n'ont pas fourni la moisson que l'on pouvait
espérer.
On ne saurait cependant se laisser arrêter par quelques désillusions.
Et il ne serait pas juste de dire que ces trente-cinq années n'ont pas
été marquées, en France et à l'étranger, par des contributions d'un
haut intérêt.
L'objet du présent travail n'est pas d'en tenter le relevé ni de faire
une bibliographie méthodique du sujet. C'est, plus modestement,
sur quelques secteurs d'un domaine immense, que l'on voudrait
rappeler l'attention 4.
* Le présent rapport a été présenté à l'Assemblée générale de la Société
d'histoire ecclésiastique de la France, dans sa réunion du 6 mai 1972.
1. Publiée dans la R.H.E.F., 1937, p. 486-502.
2. « Considérations sur l'histoire de la paroisse rurale des origines à la fin du
Moyen âge », R.H.E.F., 1938, p. 5-22.
3. Voir spécialement le t. III, L'histoire locale à travers les âges, 1935.
4. Les indications bibliographiques données dans les pages qui suivent ne
prétendent nullement être exhaustives. Il s'agit tout au plus d'un « échantillonnage ».
On s'est d'autre part interdit — sauf rares exceptions — de rappeler des travaux
parus avant 1940.
6 J. GAUDEMET
Le doyen Le Bras avait bien montré que la paroisse était un monde,
avec son territoire et ses habitants, ses autorités religieuses et laïques,
tantôt alliées et tantôt rivales, parfois abusant l'une de l'autre, avec
l'extraordinaire variété des alliances et des oppositions qu'il serait
trop facile, et très faux, de réduire au dualisme du clerc et du laïc.
Avec les ordres anciens, bénédictins ou cisterciens 5, pour n'en citer
que deux parmi les plus grands, comme avec les Mendiants, la paroisse
connut des heures difficiles. Elle trouva auprès des patrons laïcs une
aide parfois pesante, dans les confréries des auxiliaires quelque peu
turbulents.
Mais l'histoire de la paroisse, c'est aussi celle de la fortune
ecclésiastique, des dîmes et de leur détournement, de la générosité des
fidèles, des fondations, d'un large secteur du régime bénéficiai.
C'est enfin celle de la vie religieuse et sociale, de la pratique
sacramentelle, des dévotions aux saints, des pèlerinages, voire de
l'enseignement élémentaire et de la charité.
Serait-ce la richesse du sujet qui fait reculer, l'insuffisance de la
documentation, la difficulté de cerner les contours ? Ou bien — mais
alors l'erreur serait grave —Je sentiment que le sujet est trop modeste ?
Il est en tout cas très actuel. Le cadre paroissial est aujourd'hui l'objet
de réflexion. Une société trop mobile, des agglomérations urbaines
sans cesse plus denses, où la foule réduit chacun à l'anonymat, des
campagnes qui se vident et des églises privées de fidèles et donc de
ressources, les migrations hebdomadaires ou estivales qui, au gré des
conditions météorologiques, des congés scolaires, des engouements de la
mode, vident tout à coup les églises urbaines, apportant pour
quelques semaines, voire pour quelques jours, les flots d'hôtes de passage
qui se pressent dans une église trop petite, puis celle-ci retrouvera,
quelques heures plus tard, son calme, sinon son abandon. Voilà,
quelques données concrètes qui sollicitent aujourd'hui l'attention des
pasteurs.
Et c'est précisément parce que le cadre paroissial est remis en
question qu'il y a plus d'urgence encore à en connaître l'histoire, et peut-
être surtout, les premiers développements.
En effet on ne saurait poser ici tous les problèmes, encore moins
les résoudre. Contraints de nous limiter 6, nous ne retiendrons que
5. Sur l'incorporation, dont Gratien marquait déjà les difficultés, D. Lindner,
Die Lehre von der Inkorporation und ihrer geschichtlichen Entwicklung (Munich,
1951).
6. On laisse hors de cet exposé ce qui concerne le clergé paroissial et le
patrimoine de la paroisse, questions trop vastes dont chacune exigerait un travail
spécial. On ne retiendra pas davantage des questions connexes, comme celles des cha-
pellenies. A propos du desservant, il faudrait rechercher selon quelles procédures
il est désigné et quelles autorités (ecclésiastiques et laïques) interviennent à cette
occasion ; déterminer les milieux sociaux auxquels appartenaient les pasteurs,
préciser leur formation antérieure, leur culture intellectuelle, leur vie morale, leur
activité pastorale et profane, les conditions de leur vie quotidienne. Parmi une
abondante littérature et dans des directions diverses, on signalera : D. Kurze,
LA PAROISSE AU MOYEN AGE
deux questions : à quel besoin répondait la paroisse ? et quel fut
son rôle dans la vie médiévale ?
La paroisse n'est pas une donnée première de l'organisation
ecclésiastique. Le cadre de la vie chrétienne dans la société antique fut
celui de la communauté groupée autour de son évêque. C'est à ces
communautés épiscopales que Constantin restituait les biens
confisqués et non à l'Église prise dans son universalité 7. Ces communautés
furent d'abord urbaines, car l'évangélisation gagna d'abord les villes,
centres de la vie sociale, administrative, économique du monde gréco-
romain.
L'apparition des paroisses est donc une donnée seconde de l'histoire
des circonscriptions ecclésiastiques. Elle est liée au progrès de
l'évangélisation et à des phénomènes de peuplement, c'est-à-dire à des
causes religieuses, mais aussi socio-économiques. D'où l'intérêt de
l'histoire paroissiale pour des recherches parfaitement étrangères à
l'histoire religieuse 8.
D'où aussi une distinction essentielle entre la formation des paroisses
rurales et celle des paroisses urbaines.
a Pfarrerwahlen im Mittelalter », Forschungen zur kirchlichen Rechtsgeschichie,
VI (1966) qui, dans un panorama européen, fournit beaucoup de références ; de
Vevey, « L'élection du curé de Fribourg », Mém. Soc. hist, du droit... des..., pays
bourguignons, XXIV (1963), p. 319-332 ; W. A. Addleshaw, Rectors, Vicars and
Patrons in Twelfth and Early Thirteenth Century Canon Law (London, 1956) ; Meers-
seman, « Die Klerikervereine von Karl dem Grossen bis Innozenz III ), Rev. d'hist.
ecclês. suisse, XLVI (1952), p. 1-42, 81-112 ; plusieurs articles publiés dans La
vita commune del clero nei secoli XI e XII (Settim. della Mendola, 1959), Milano
2 vol., 1962 ; G. Coolen, « Les communautés de Saint-Omer », Bull. Soc. Ant. de
Morinie, XVII (1947), p. 33-59 ; L. Welter, « Les communautés de prêtres dans
le diocèse de Clermont du xme au xvine s. », R.H.E.F., 1949, p. 5-36 ; J. Brelot,
« Les familiarités en Franche-Comté », Mém. Soc. hist, du droit des pays
bourguignons, XXIV (1963), p. 23-32 ; J. C. Russell ; « The Clerical Population of
Medieval England », Traditio, 1944, p. 177-237 ; J. Absill, « L'absentéisme du clergé
paroissial au diocèse de Liège au xve et dans la première moitié du xvie s. », R.H.E.F.,
LVII (1962), p. 5-44. Pour les chapellenies, à l'étude générale que constitue la thèse
de l'École des Chartes de 1950 de J. Quéguiner, Recherches sur les chapellenies
au Moyen âge, on ajoutera, Nicole Bériou, « Les chapellenies dans la province
ecclésiastique de Reims au xiv« s. », R.H.E.F., LVII (1971), p. 227-240. Si
l'histoire du patrimoine paroissial et la bibliographie qu'elle a suscitée (spécialement
pour la période qui nous occupe, celle relative aux restitutions de biens à la suite
des mesures prescrites par les réformateurs « grégoriens », sont ici laissées de côté,
on signalera cependant en raison de son intérêt tout spécial pour la vie paroissiale
et les pratiques liturgiques françaises, le mémoire de G. Schreiber, « Mittelalter-
liche Segnungen und Abgaben », ZSS. Kan. AU. 1943, p. 191-292.
7. Édit de Nicomédie dans Lactance, De mortibus persecutorum, ch. 48 {C.S.E.L.
27, 228).
8. G. Santini, « I communi di pieve » nel medioevo italiana (Milano, 1964).
J. GAUDEMET
/. Les paroisses rurales.
Leur apparition est la conséquence de l'évangélisation des
campagnes — œuvre de longue haleine mais dont on peut fixer une étape
importante pour l'Occident chrétien entre la fin du ve s. et le début
du ixe s. 9. Evangelisation qui s'opère dans une société à prépondérance
rurale avec une organisation économique et sociale centrée sur le grand
domaine, la « villa ».
Si l'évêque reste dans la ville, sa résidence dès les premières
manifestations de la vie chrétienne, des foyers de vie religieuse essaiment
aussi dans les campagnes. Ils requièrent des lieux de culte, d'où la
création d'églises, fondées souvent par le grand propriétaire au centre
de son domaine, là où il a fixé sa résidence, parfois aussi édifiées par
les communautés rurales 10. Enfin il ne faut pas négliger les créations
d'églises par les monastères, eux aussi ruraux, ni les chapelles de
dévotion édifiées en des lieux divers (tradition d'un martyr, sacralisation
d'un lieu de culte païen, etc.).
L'établissement de ces lieux de culte reste encore très
imparfaitement connu. La détermination en est difficile, souvent impossible,
faute de documents suffisants. On peut cependant glaner ici où là des
éléments d'information. D'abord à travers les historiens ecclésiastiques,
comme Grégoire de Tours ; parfois on a la chance de disposer de
règlements liturgiques tels ceux des Gesta episcoporum Autissiodorensium
qui ont permis au chanoine Chaume xl de dresser une carte du diocèse
d'Auxerre aux temps mérovingiens. Un tel document fait apparaître
l'éloignement des lieux de culte les uns des autres, le caractère très
ténu du tissu ecclésial, ce qui signifiait soit les longues distances à
parcourir pour atteindre l'église et son desservant, soit, si de vastes
espaces restaient inhabités, l'isolement auquel se trouvait réduite
chaque cellule religieuse. On peut également utiliser le vocable sous le
patronage duquel l'église était placée, car la dévotion témoigne, selon
les époques, d'une confiance particulière en tel ou tel protecteur 12.
9. Le travail ancien cTImbart de la Tour, Les paroisses rurales du IVe au
XIe s. (Paris, 1900) reste fondamental mais doit être complété par E. Griffe,
La Gaule chrétienne à l'époque romaine, III, La cité chrétienne (Paris, 1965). Pour
l'organisation des « minsters » anglais, correspondant aux paroisses du continent,
cf. G. W. O. àddleshaw, The Beginnings of the parochial System (York, 1959).
10. C'est la distinction des églises de vici et de villae. Cf. J. Fr. Lemarignier,
« Quelques remarques sur l'organisation ecclésiastique de la Gaule du vne à la fin
du ixe s. », Settimana Spoleto, XIII (1965), p. 451-583, qui relève une prépondérance
des églises de vici dans la Gaule romanisée, et au contraire, plus d'églises de villae
en Belgique.
11. Origines du duché de Bourgogne, II, 2, p. 798.
12. La diffusion du culte de saint Martin en Gaule mériterait une étude détaillée
avec des cartes et des chronologies. L'utilisation du vocable a permis à M. Poquet
du Haut Jussé de montrer que le réseau paroissial breton était pour l'essentiel
fixé au ixe s. ; cf. aussi Médard Barth, « Beitrage zur Geschichte der elsâssische
Kirchorte und ihrer Patrozinien, » Arch, de l'Église d'Alsace, 26 (1959), p. 89-140.
LA PAKOISSE AU MOYEN ÂGE 9
Enfin on peut parfois espérer dans le hasard des fouilles et de
l'archéologie 1?.
Si les premiers développements de ce réseau rural remontent aux
vi- vne s., les créations se poursuivirent par la suite en liaison avec
les progrès du peuplement et de Févangélisation des campagnes.
Quelques études, trop rares, permettent pour certaines régions de
suivre ce mouvement. Elles portent, et c'est sagesse, sur des zones
relativement peu étendues. Mais une enquête minutieuse permet alors,
pour ce secteur limité, de fournir des données assez précises 14.
On peut signaler à titre d'exemple, parmi les plus récentes de ces
études, la monographie de Dieter Kauss : Die Mittelalterliche Pfar-
rorganisation in der Ortenau (Bûhl-Baden, 1970), qui, comparée aux
travaux publiés il y a quelque trente ans, permet de mesurer les
progrès réalisés dans l'investigation, la méthode, la précision des
résultats. L'étude concerne la région du pays de Bade entre Rhin et Forêt
Noire sur une longueur de 20 à 30 km. au nord et au sud d'Ofîenburg ;
une enquête minutieuse aboutit aux résultats suivants :
du vie au vine s. 29 créations paroissiales, dont 1 seulement dans la Forêt Noire
du vin? au Xe s. 19 » » 2 en Forêt Noire
du xie au xme s. 33 » » 8 en Forêt Noire
du xive au xve s. 13 » » aucune ne concerne la Forêt Noire
Enfin, au xvie s., 9 paroisses sont encore créées, mais par division
d'anciennes paroisses.
L'auteur distingue les créations dans les fiscs royaux, importantes
du vine au xe s., celles suscitées par les abbayes locales, par Févêque
de Strasbourg, par les princes laïcs (surtout du xie au xme s.). L'enquête
permet aussi l'établissement de cartes.
M. Kauss distingue soigneusement, dans les 100 notices qu'il
consacre aux lieux de culte de l'Ortenau, les premières indications sur
13. Rares cependant sont les églises encore existantes qui remontent aux
lointaines époques du début des paroisses.
14. M. Chaume, « Le mode de constitution et de délimitation des paroisses rurales
aux temps mérovingiens et carolingiens », Revue Mabillon, 1937, p. 61-73 ; 1938,
p. 1-9 ; L. Pfleger, Die Entstehung und Entwicklung der elsàssische Pfarrei,
Strasbourg, 1935, complété par M. Barth, « Quellen und Untersuchungen zur Geschichte
der Pfarreien des Bistums Strassburg im Mittelalter » Archives de l'Église d'Alsace,
II, 1947-48, p. 63-172 et Handbuch der elsàssischen Kirchen im Mittelalter, 3 vol.
ibid. t. 27-29 (1960-1963) qui donne une notice pour chaque église ; B. Panzram,
Geschichtliche Grundlagen der àltesten schlessischen Pfarrorganisation (Breslau,
1940) ; H. Mûller, Die wallonischen Dekanate des Erzbistums Trier,
Untersuchungen zur Pfarr- und Siedlungs geschichte (Marburg, 1966) étudie le développement
paroissial dans les doyennés d'Ivoix-Carignan, Juvigny, Bazeilles, Longuyon et
Arlon ; E. Guttenberg et A. Wendehohst, Das Bistum Bamberg, II, Die
Pfarrorganisation (Berlin, 1966, Germania sacra, II, 1) ; L. Nanni, « La parrochia stu-
diata nei documenti hicchesi dei secoli vm-xin », Analecta Gregoriana, 1948 ;
H. F. Schmid, Die rechtlichen Grundlagen der Pfarrorganisation auf westslavischen
Boden und ihre Entwicklung wàhrend des Mittelalters, (Weimar, 1948) et « Gemein-
schaftskirche in Italien und Dalmatien », ZSS. Kan. AU., XLVI (1960), p. 1-61.
10 J. GAUDEMET
l'établissement humain, qui parfois remonte à l'époque préhistorique,
la première mention d'une église, et la première mention d'un pasteur
ou d'une organisation paroissiale 15. Car, et ce sera notre seconde
observation sur les origines des paroisses rurales, on ne saurait confondre
l'érection d'un lieu de culte avec la création d'une paroisse.
Ceci conduit à préciser ce qu'il faut entendre par paroisse. Si l'église
en est le centre et comme le symbole, elle ne suffit pas en effet à la
constituer.
Sociologiquement, une paroisse est une société de fidèles ; ce qui,
juridiquement, se traduit par l'exigence de plusieurs conditions. La
paroisse suppose tout d'abord un territoire et un peuple, ce qui
implique la délimitation de frontières et la preuve de l'appartenance du
peuple à cette paroisse. Cette appartenance est établie par le domicile
sur le territoire paroissial, mais aussi par la participation aux
cérémonies religieuses dominicales ou aux grandes fêtes (spécialement à
celle du patron de l'église) et par le versement de la dîme.
La paroisse requiert aussi un chef stable, seul ou assisté
d'auxiliaire : le parochus, ce qui est tout autre chose qu'un desservant même
régulier.
Elle exige enfin des ressources : dotation foncière, dîmes et
oblations diverses qui assurent les besoins cultuels, l'entretien des clercs,
l'assistance aux pauvres.
Dans la grande majorité des cas, ces divers éléments n'apparaissent
pas en même temps. Ils se dégagent peu à peu au cours d'une histoire
qui peut être plus que séculaire. L'usage et la commodité déterminent
le peuple et donc le territoire 16. Les besoins religieux conduisent
progressivement du desservant occasionnel au clergé attitré. La dotation
foncière est souvent contemporaine de l'érection de l'église. Que l'on
songe aux exigences formulées pour l'Italie par Gélàse dans sa décré-
tale aux évêques de Lucanie, Bruttium et Calabre 17, ou celles de la
législation carolingienne prévoyant l'assignation d'un manse pour
chaque nouvelle église 18.
Étudier l'instauration de la paroisse, la reconnaissance de son
territoire, de son autonomie religieuse et financière, est encore plus
délicat que de recenser l'apparition des lieux de culte. Mais cette
recherche est passionnante, car elle permet de discerner les réticences et
les tensions, les pressions légitimes et les vaines glorioles. Toute paroisse
15. Il est bien évident que ces « premières mentions » peuvent, au hasard de notre
information, être notablement postérieures à l'érection de l'église, à la désignation
d'un pasteur fixe, ou à l'octroi du titre paroissial.
16. Dans son article cité ci-dessus sur le mode de constitution des paroisses
rurales, le chanoine Chaume montrait, par des exemples concrets pris en Bourgogne,
les modalités très diverses de formation de ces frontières, le rôle important et
souvent arbitraire joué par les propriétaires des domaines.
17. Ép, du 11 mars 494, Thiel, Epist. rom. Pontif. I (1870), p. 360 sqs.
18. Cap. de Louis le Pieux de 818, c. 10 ; édit de 864, c. 2 ; Capit. miss, de 864,
c. 11, etc. ; cf. pour ces dotations foncières : Imbart de la Tour, Paroisses rurales,
p. 145-146.
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 11
nouvelle, dès lors qu'elle n'est pas érigée sur un territoire nouvellement
défriché, empiète sur une paroisse plus ancienne, la prive d'une partie
de ses fidèles, compromet par là-même la splendeur de sa liturgie et
les revenus de son trésor. Mais elle facilite, par la proximité offerte
aux fidèles, l'assistance aux offices et l'action pastorale. Elle n'est
pas toujours indifférente au seigneur du lieu, voire au monastère auquel
la paroisse sera incorporée. Canoniquement, la partie est gagnée lorsque
l'église se voit reconnaître le droit baptismal.
Suivre dans le détail cette histoire complexe qui conduit de l'église
à la paroisse n'est pas toujours possible. Et l'enquête est d'autant plus
malaisée que cette ascension vers la dignité paroissiale s'échelonne
souvent sur une très longue durée.
Elle se fit selon des modalités diverses que l'on ne saurait
inventorier ici. Parfois le peuple existe, mais il se voit longtemps
refuser même une simple chapelle : tels les villageois de La Wanzenau au
nord de Strasbourg, qui relevaient de la paroisse d' Honau située sur
la rive droite du Rhin. La traversée était des plus dangereuses, parfois
impossible. Des traversées imprudentes pour conduire un enfant au
baptême provoquèrent des noyades. Dans d'autres cas, le pasteur
d' Honau ne pouvait venir en temps utile donner les derniers sacrements.
Cependant le chapitre de Saint-Pierre-le-Vieux de Strasbourg,
principal bénéficiaire des revenus d' Honau, s'opposa jusqu'au milieu du
xve s. à l'érection d'une chapelle. Elle fut suivie, 14 ans plus tard,
de la création de la paroisse (1454-1468).
A Kaltenhouse près de Haguenau, une chapelle fut fondée pour les
habitants du village en 1443. Elle ne devint paroisse qu'en 1751 19.
L'étude de Kauss pour l'Ortenau fournirait bien d'autres données
intéressantes sur cette lente ascension à la dignité paroissiale.
Établissement d'un lieu de culte, reconnaissance de la paroisse,
ces deux étapes essentielles, que nous venons d'évoquer pour le monde
rural, se retrouvent lorsque l'on envisage les sociétés urbaines.
//. Les paroisses urbaines.
Les conditions et le processus de formation des paroisses furent
ici différents.
La ville en effet avait été le premier lieu de la vie chrétienne. Elle
fournissait son cadre à la communauté groupée autour de Févêque et
de son presbyterium. On sait l'inégalité de cette répartition.
Communautés épiscopales très nombreuses, et par suite souvent très petites,
dans les régions profondément urbanisées de l'Italie ou de l'Afrique ;
plus rares dans la plaine padane et les pays transalpins où, par suite
19. Sur les phases du conflit avec les chevaliers de Saint-Jean, titulaires de l'église
Saint-Georges de Haguenau, dont dépendait le village de Kaltenhouse, cf. Pfleger,
Elsâssische Pfarrei, p. 118-120.
12 J. GAUDEMET
d'une urbanisation moins intense, des diocèses moins nombreux
couvrent souvent de vastes territoires.
Pendant fort longtemps, l'unité de la communauté religieuse urbaine
se maintint. Et cela d'autant plus facilement que les villes végétaient
pendant le Haut Moyen âge. L'apparition de paroisses urbaines est
étroitement liée à la renaissance urbaine qui, selon les régions, s'esquisse
puis se développe de la fin du xie au milieu du xme siècle 20.
Mais comme les paroisses rurales, les paroisses urbaines ont une
« préhistoire », celle des lieux de culte qui finiront par accéder à la
dignité d'église paroissiale.
Et c'est un nouveau champ d'études qui reste, lui aussi, encore
largement à défricher. Heureusement des études excellentes, parfois
assez récentes, ont en ce domaine tracé les voies 21.
L'enquête devrait porter sur cette « préhistoire », c'est-à-dire sur
la création des églises dans les villes. Leur multiplicité est établie pour
les grandes villes, comme Rome ou Carthage, dès les premiers siècles.
Certaines études portent sur les pays au nord des Alpes dans le Haut
Moyen âge 22. Auxerre a quatre églises dès le milieu du ve siècle ; Autun
en a sept au milieu du vie ; trois nouvelles églises y furent fondées par
Brunehaut à la fin de ce siècle. Paris compte aussi de multiples églises
et oratoires dans la cité et sur les deux rives de la Seine.
La localisation de ces églises révèle souvent les motifs de leur
création : culte de saints locaux ou de saints dont les reliques ont été
apportées dans la ville {par exemple la basilique Saint- Alban à Auxerre) ;
oratoires dans un domaine (parfois celui de l'évêque lui-même comme
à Auxerre) ; églises jointes à un monastère (Saint-Côme à Auxerre),
créées hors du castrum, parfois dès le Haut Moyen âge dans une période
20. Cependant on peut citer des créations plus précoces. E, Hegel, « Zur Enste-
hung der Kultstâtte u. Pfarre St Columba am Kôln », (Colonia Sacra, 1, 1947, p. 19-
46) date les débuts de la division en paroisses à Cologne du milieu du ixe s.
21. Parmi les monographies déjà anciennes : Dorn, « Die Ursprung der Pfarreien
im mittelalterichen Kôln », ZSS. Kan. Abt., 1917, p. 112-144 ; et plus récemment,
M. Billo, « Origine e sviluppo délie parrochie di Verona », Arch. Veneto, LXXI
(1941), p. 1-61 ; P. Sambin, Uordinamento parrochiale di Padova nel medio evo,
Padova, 1941 ; Chaume, « Histoire d'une banlieue : églises et chapelles ;
l'organisation paroissiale dijonnaise », M.S.H.D.B. X, (1944-45), p. 7-61 ; voir aussi, dans
ses Origines du duché de Bourgogne, II, p. 318-327, les études concernant Auxerre
et Autun avec des cartes ; A. Friedmann, Recherches sur les origines et l'évolution
des circonscriptions paroissiales au Moyen âge (Thèse de Droit, Paris, 1957), reprise
sous le titre : Paris, ses rues, ses paroisses du Moyen âge à la Révolution (Paris, 1959).
A quoi l'on ajoutera les études réunies sous le titre, « Les anciennes églises
suburbaines de Paris », Paris et Ile de France, Mém. XI (1960), p. 17-281 ; Lucien Musset,
« Les villes épiscopales et la naissance des églises urbaines en Normandie », R.H.E.F.,
XXXIV, 1948, p. 5-15 ; Renault, La paroisse Saint-Patrice de Rouen (Fécamp,
1942) ; L. Brochard, Saint- Gervais, histoire de la paroisse (Paris, 1950) ; Veis-
sière, Une communauté canoniale au Moyen âge, Saint-Quiriace de Provins. Pour
l'Angleterre, J. R. H. Moormann, Church and Life in England in the Thirteenth
Century (1946) signale le développement paroissial à cette époque et donne le chiffre
de 9 500 paroisses.
22. Voir par exemple Vercauteren, Étude sur les « civitates » de la Belgique II
(1934), J. Hubert, « Recherche sur la topographie religieuse des cités de la Gaule
du ive au ixe », C.R.A.I., 1945.
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 13
de paix 23 ; églises de faubourgs marchands (Saint-Gervais ou Saint-
Germain FAuxerrois sur la rive droite de la Seine) ; ou de bourgs de
peuplement à proximité de monastères (Saint-Marcel, Saint-Germain
des Prés, Sainte-Geneviève) ; oratoires le long des voies d'accès (à
Paris sur la route de Senlis, Saint-Jacques de la Boucherie, Saint-
Merry, Saint-Laurent ou sur celle d'Orléans, Saint-Julien, Saint-Séve-
rin, etc.).
Mais, comme pour les paroisses rurales, il faut envisager le passage
de ces lieux de culte au cadre paroissial. Or, si des paroisses urbaines
ont pu, dans certains lieux, apparaître dès les ixe-xe s., l'époque de
l'expansion paroissiale urbaine fut tout naturellement celle de la
croissance des villes, c'est-à-dire de la fin du xie à la fin du xme, voire les
xive et xve, pour les régions orientales de l'Europe. Anvers ne
constitue qu'une seule paroisse en 1124, et de même Montpellier en 1213,
ou Francfort en 1450.
Dans l'Europe occidentale les paroisses se multiplient au cours
du xnie s. : Sens, qui au xie s. n'a que sa cathédrale et quelques
chapelles, compte 13 paroisses en 1230, 17 à la fin du siècle. A Provins
à côté de la collégiale Saint-Quiriace, une paroisse Saint-Pierre est
créée avant 1157, et en 1257 la cure de Saint-Quiriace est partagée
en quatre paroisses. A Paris, la cathédrale seule est ecclesia matrix
au xie s. C'est aux xne et xme s. que se développent les paroisses
et que se fixe une géographie paroissiale qui ne se modifiera pas avant
le xvne et plus encore le xvine s. 24. A Cologne, où les premières
paroisses apparaissent dès l'époque carolingienne, le grand développement
se situe aux xiie-xine s. : en 1172 un acte signale déjà 13 paroisses
(dont 7 dans les faubourgs) ; on atteint 19 à la fin du xne s., chiffre qui
ne se modifiera pas jusqu'en 1803, date de la réforme napoléonienne.
Et c'est l'un des intérêts d'une géographie des paroisses urbaines au
Moyen âge que de rechercher l'origine de circonscriptions qui ne
changeront guère jusqu'au xvme, voire au xixe siècle.
Mais il ne suffit pas de faire le dénombrement des paroisses et de noter
leur multiplication. Cette constatation suggère deux questions :
pourquoi ? comment ?
Pourquoi ? La création de paroisses urbaines n'est nullement
prescrite par le Droit. Dans les Décrétales de Grégoire IX, ce cadre n'est
présenté ni comme général, ni comme obligatoire, et le titre de paro-
chis (X, III, 29) avec ses cinq chapitres est l'un des plus sommaires
de la compilation. La réponse générale, on l'a déjà donnée : la
multiplication des paroisses urbaines est liée à l'essor des villes provoqué lui-
même, pour partie au moins, par le renouveau d'une économie marchande.
23. En Normandie, Lucien Musset relève que la plupart des centres
ecclésiastiques du suburbium se séparent de la ville-mère aux vme-ixe s., devenant ainsi
le centre de paroisses rurales.
24. Le chanoine Chaume a fait pour Dijon une constatation analogue, Histoire
d'une banlieue, citée supra.
14 J. GAUDEMET
Toutefois cette explication globale doit être précisée et affinée.
Chaque nouvelle paroisse répond à un besoin spécifique. En tentant
de le déceler, l'histoire du cadre paroissial rejoint l'histoire générale
de la société. Ces besoins spécifiques et leur diversité ont été fort bien
mis en évidence pour Paris dans la thèse de l'abbé Friedmann : affectation
d'un pasteur propre à des églises dans la cité, qui deviennent
paroisses lors de la réorganisation ecclésiastique de Maurice de Sully,
conséquence indirecte elle-même de la reconstruction de Notre-Dame à
partir de 1163 ; création de paroisses nouvelles sur le territoire trop
vaste de Saint-Germain l'Auxerrois, qu'exige l'accroissement de la
population sur la rive droite ; colonisation universitaire sur la rive
gauche, mais aussi, sur cette même rive, paroisses domaniales aux
bourgs de Saint-Germain (Saint-Sulpice au xme s.), de Saint-Marcel
ou de Sainte-Geneviève ; création de Saint-Cosme et de Saint-André
des Arts prélevés sur le territoire de Saint-Sulpice lorsque la muraille
de Philippe-Auguste eut coupé en deux ce territoire paroissial.
Ainsi des causes multiples expliquent la géographie paroissiale
parisienne, compliquée, inégale (douze paroisses dans la cité, mais des
paroisses immenses sur les deux rives comme Saint-Nicolas des Champs
ou Saint-Sulpice), avec des enclaves.
A Dijon, la géographie paroissiale qui se fixe dans la seconde moitié
du xne s. est conditionnée par la nouvelle enceinte (construite vers
1140) et la naissance de la commune.
Si le pourquoi est complexe, le comment ne l'est pas moins. Rares
furent les créations faciles, car presque toujours elles se heurtèrent
à des oppositions. A celle surtout de la paroisse sur laquelle était
prélevée la nouvelle circonscription. Pour éviter ces amputations, les
paroisses anciennes demandèrent parfois des privilèges au Saint-Siège.
Le pape subordonnait alors à son autorisation la création d'une nouvelle
paroisse par prélèvement sur l'ancienne. L'étude des créations de
nouvelles paroisses doit comporter l'examen de ces conflits, rechercher
comment peu à peu la nouvelle paroisse prit son autonomie vis-à-vis
de Yecclesia matrix 25.
Les débats ont porté avant tout sur la délimitation du territoire.
Parfois ils se terminent par l'arbitrage de hauts dignitaires
ecclésiastiques 26. Il arrive que des échanges de parcelles territoriales entre
Yecclesia matrix et la nouvelle paroisse permettent d'aplanir certaines
difficultés. Mais la question du territoire restera longtemps épineuse :
de nombreuses paroisses seront mal délimitées et les litiges se
poursuivront au cours des âges. Le concile de Trente (sess. 24 de réf. ch. 13)
garde la trace de ces débats. La question était en effet fort grave,
car c'est du territoire que dépendent et le nombre des paroissiens
et l'importance des revenus.
25. Reconnaissance des droits paroissiaux à une église de Lucques par le chapitre
cathedral, dans Kehr, Italia Pontificia III, 410 (1188).
26. Par exemple celui d'un cardinal à Lucques en 1142 (Nanni, op. cit., p. 146).
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 15
Très souvent Yecclesia matrix s'efforça de maintenir le souvenir
de son ancien domaine en exigeant, aussi longtemps qu'elle le put,
que les paroissiens perdus reviennent à leur ancienne église à certaines
occasions 27. Mais on relève aussi le souci très pratique de ne pas perdre,
avec un territoire, les revenus qui y étaient perçus, et singulièrement
les dîmes et les droits de sépulture. C'est ainsi que l'évêque de Paris
interdit la sépulture dans la nouvelle église de Sainte-Croix lors de
son érection, en 1202, sur le territoire de Saint-Germain l'Auxerrois 28.
D'autres exemples montrent l'église-mère se réservant les dîmes ou
exigeant en compensation une redevance annuelle.
Ce double souci trop humain du prestige et du profit explique les
longs débats sur l'abandon des droits paroissiaux, et spécialement
celui de sépulture, auquel s'attachait la perception de certaines taxes
et le bénéfice de legs pieux.
Combats en retraite menés avec plus ou moins d'opiniâtreté par
Yecclesia matrix. Chaque prérogative perdue par cette dernière
achemine la nouvelle église vers la dignité paroissiale. La lenteur que
connut souvent cette ascension permet d'en jalonner les étapes et de
dégager ainsi une véritable hiérarchie de filiales, dans ces églises en voie
de devenir paroisses autonomes, mais qui gardèrent longtemps vis-à-
vis de l'église-mère des obligations de nature et de valeur diverses.
Il ne s'agit évidemment pas d'une hiérarchie fixée par des dispositions
canoniques, mais d'un échelonnement de fait, dont le degré le plus
humble est celui de la simple chapelle qui accueille des fidèles de
passage. Puis l'église retient des fidèles pour la messe dominicale, plus
tard pour les grandes fêtes. Elle obtient alors un clergé propre, acquiert
tout ou partie des dîmes, se fait reconnaître le droit de sépulture.
Finalement, le dernier privilège de Yecclesia matrix, le droit de
baptiser, est transféré. La nouvelle paroisse jouit alors de sa pleine
autonomie.
Longues négociations, parsemées de conflits violents ou
d'interminables procédures. Mais leur étude est fondamentale pour suivre les
vicissitudes de l'instauration des paroisses.
L'histoire des origines paroissiales fait ainsi apparaître la
pression d'exigences religieuses et sociales. La paroisse n'est pas imposée
par une prescription du droit. Mais on la trouve partout, bien que son
instauration n'aille pas sans difficultés et s'opère selon des modalités
et à des dates très différentes 29. Cette constatation sujBfirait à en marquer
l'importance et, si l'on ose cette expression, la « nécessité sociologique ».
Cette nécessité apparaît mieux encore en envisageant le rôle de la
paroisse dans la vie médiévale.
27. Spécialement aux grandes fêtes (Noël, Pâques, Pentecôte, Toussaint) et à la
fête du saint auquel l'église-mère était dédiée.
28. Guérard, Cartulaire de N. D. de Paris, III, 262.
29. La géographie paroissiale ne se fixe en Masovie qu'aux xive et xve siècles.
16 J. GAUDEMET
Décrire en détail la place que prend la paroisse dans la vie médiévale
serait faire le tableau d'un large pan de la vie religieuse et de la vie
sociale, car la paroisse est le vrai centre de la première, et l'un des
cadres essentiels de la seconde. Sujet immense et hors de proportion
avec notre propos 30. Aussi se bornera-t-on à rappeler plus modestement
quelques-uns des domaines où le cadre et les institutions paroissiales
tinrent une place de choix.
Il est évident que la paroisse occupe une place essentielle — peut-
être la première — dans la vie religieuse. Elle est le lieu des
cérémonies chrétiennes et des actes essentiels qui, du baptême à la tombe
jalonnent la vie des fidèles 81. L'église paroissiale, on l'a vu, se définit
par son droit de conférer le baptême. C'est en y pénétrant que l'on est
associé à la famille chrétienne et que l'on devient enfant de Dieu.
C'est auprès du proprius sacerdos que le chrétien doit satisfaire aux
exigences du canon omnis utriusque sexus 32, requérant la confession
au moins annuelle 33. Si, jusqu'au concile de Trente, la célébration
du mariage n'est pas prérogative du proprius parochus, c'est lui qui
30. P. Adam, La vie paroissiale en France au XIVe siècle (Paris, 1964) ; W. E. Tate,
The Parish Chest. A Study of the records of parrochial Administration in England
(Cambridge, 1946).
31. V. Chomel, « Droit de patronage et pratique religieuse dans
l'arrondissement de Narbonne au début du xve siècle », Bibl. de l'École des Chartes, CXV (1957),
p. 58-197.
32. IVe concile de Latran de 1215, c. 21 (cf. X, V, 38, 12). Cette prescription est
reprise dans d© nombreux conciles provinciaiix du xme s.
33. S'il n'y a pas d'obligation législative de se confesser au prêtre de la paroisse,
une coutume, recommandée par diverses autorités, s'instaure de bonne heure
dans ce sens. Elle est attestée dès le ixe s. avec des dérogations, par exemple au
profit des châtelains et seigneurs qui disposent souvent d'un chapelain. Au xne s.,
la question du libre choix du confesseur est discutée. Abélard s'y montre favorable,
car ce choix offre la possibilité de trouver un meilleur directeur de conscience ;
Hugues de Saint-Victor et saint Bernard défendent les prérogatives curiales. Au
Décret de Gratien, le de Penitentia D. VI, reprend le débat. Le c. 1 de la C. VI,
qu. 3 et le c. 1 de la C. IX qu. 2 affirmaient les droits du curé de paroisse. Le c. 1
de la D. VI (texte faussement attribué à saint Augustin) autorise au contraire à
choisir un autre confesseur s'il apparaît meilleur. Le dictum après le c. 2 signale
l'opposition des canons, dont les uns autorisaient le choix du confesseur tandis
que d'autres interdisaient à un prêtre de juger les paroissiens relevant d'un autre
prêtre. Il propose la conciliation suivante : Les canons interdisent de se détourner
du proprius sacerdos « favore vel odio ». Mais il n'est pas interdit de chercher ailleurs
un prêtre plus averti (cecum vitare). Ainsi le de Penitentia assouplit la rigueur de
l'obligation, en prenant en considération la valeur du confesseur. Il suivait en cela
les soucis pastoraux de la théologie nouvelle, et ses distinctions seront reprises
par certains décrétistes, en particulier Rufin (Summa peu avant 1159, sur D. VI,
de Poenit, éd. Schulte 439) ou Jean de Faenza. Au contraire au début du xme
siècle, Laurent d'Espagne déclare : confessio est facienda sacerdoti et suo sauf s'il est
extra ecclesiam, et Jean le Teutonique adopte la même attitude. C'est celle
également du IVe concile de Latran obligeant à la confession annuelle auprès du
proprius parochus. La pratique, telle que la révèlent les Sommes de confesseurs (par
exemple la Summa confessionum abhreviata de Guillaume de Cayeux, v. 1180-
1190), est favorable à une certaine liberté du choix du confesseur.
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 17
assiste le mourant, veille sur la confection de son testament34, conduit
le défunt à sa dernière demeure dans le cimetière qui jouxte l'église.
C'est au curé qu'il incombe de veiller au troupeau, de soutenir son
zèle, et, si la sanction frappe, de dénoncer au prône les excommuniés
et de leur refuser l'accès de l'église 35. Aussi des statuts synodaux
imposent-ils à chaque famille de se faire représenter au moins par l'un de
ses membres à la messe dominicale, tandis que le curé doit tenir la
liste de ses paroissiens. Lourde tâche qui parfois dépasse les moyens
du desservant86 et pour laquelle les concurrents ne manquent pas.
L'histoire de la paroisse ne peut omettre celle de ces rivalités. Ce
sont d'abord celles, modestes et épisodiques, de certaines chapelles :
par exemple des hôpitaux qui tout naturellement sont autorisés à
célébrer l'office pour les malades couchés 37, mais qui se voient interdire
l'accueil des paroissiens valides. Ou bien ce sont des chapelles nobles
où, par privilège, certaines familles peuvent accomplir leurs devoirs
religieux 38.
Mais le conflit le plus grave oppose les paroisses aux ordres mendiants,
eux aussi urbains. Il se poursuivit, parfois violent, tout au long des
xme et xive siècles. Le prestige des ordres nouveaux attirait les fidèles.
La qualité de leur prédication concurrençait dangereusement le clergé
séculier. Beaucoup souhaitaient la sépulture dans leurs églises. Dès
1227 pour les Dominicains, dix ans plus tard pour les Franciscains,
des bulles pontificales favorisaient ces tendances. Au milieu du siècle
et dans diverses villes l'opposition est vive entre Mendiants et clergé
paroissial. Les excommunications fusent de part et d'autre. L'épiscopat
soutient en général son clergé. L'université de Paris intervint,
favorable, elle aussi, aux séculiers. Puis, à partir de 1281 (Bulle ad fructus
uberes) les Bulles se succèdent, parfois contradictoires, ponctuant
les phases d'un long conflit 39 qui ne trouvera son règlement qu'au
concile de Trente.
Centre de la vie religieuse, la paroisse apparaît aussi comme le champ
clos de prétentions rivales où les arguments juridiques et les inten-
34. Voir par exemple concile de Narbonne de 1227, c. 5.
35. Cf. par exemple les statuts de Cambrai (P. C. Boehen, Rev. de droit canonique,
III, 1953, p. 156-157), ceux d'un concile de la province de Bourges, c. 1 (R.H.D.,
1926, p. 67), ceux de Clermont ou de Poitiers de 1284 (Mansi, XXIII, 1208 et
XXIV, 567), etc.
36. On n'a pas retenu ici la question du clergé paroissial, de son recrutement,
de sa désignation, de ses mérites et de ses déficiences.
37. Célébration qui a lieu le plus souvent dans la grande salle où sont hospitalisés
les malades.
38. En 1188, l'archevêque de Gênes attribue à une famille noble une église où
elle assistera aux offices paroissiaux, car elle ne pouvait sans danger se rendre à
la cathédrale (cf. H. F. Schmid, Z.S.S. Kan. AU., 1960, p. 34).
39. Les phases de ce conflit ont été exposées par L. Pfleger (Elsâssische Pfarrei)
pour Strasbourg, auquel on ajoutera A. M. Burg, « Les « droits paroissiaux » dans
le diocèse de Strasbourg avant et après le concile de Vienne » {Revue de droit
canonique, 1951, p. 300-308). Il serait intéressant de disposer pour d'autres régions
d'études similaires. On pourrait ainsi renouveler le livre ancien de C. Paulus,
Welt und Ordensklerus... im Karnpfe um die Pfarrrechte (Essen, 1900).
18 J. GAUDEMET
tions louables ne sauraient totalement masquer des considérations
plus contingentes 40.
La paroisse est aussi le cadre d'autres manifestations de la vie
religieuse. L'esprit communautaire, si accusé au Moyen âge, multiplie
les groupements dont les fins amicales ou charitables, parfois
intéressées, s'accompagnent volontiers d'un vêtement religieux. Les
confréries 41 qui n'avaient pas été totalement inconnues de l'époque franque,
mais qui semblent avoir décliné et parfois disparu dans les troubles
des ixe-xe s., renaissent au xie siècle. Par leur but elles sont étroitement
associées à la vie paroissiale. Elles veillent à l'entretien du luminaire,
donnent de l'éclat au culte de leur saint patron, se montrent souvent
généreuses envers la paroisse, contribuant à l'embellissement de l'église
(autel, chapelle, vitraux, etc.). En Angleterre, après la peste de 1349,
des confréries se créent pour la reconstruction des églises 42. Enfin des
confréries contribuent aux tâches charitables qui incombent aux
paroisses, parfois aussi à l'enseignement 4S.
Collaboration par conséquent entre confréries et paroisses. Mais
ici encore les conflits n'ont pas manqué et leur analyse relève de
l'histoire paroissiale. On a qualifié les confréries de « paroisses
consensuelles » qui parfois concurrencent la véritable paroisse. Elles ont,
dans l'église paroissiale ou au dehors leur propre chapelle ; le culte
y est célébré au préjudice de la participation aux offices paroissiaux.
La confrérie a sa caisse propre, parfois son chapelain, ce qui ne va
pas sans inconvénients pour la paroisse. Faut-il ajouter que certaines
réunions amicales dégénèrent, mettant l'ordre public en question.
Ainsi s'explique l'exigence d'une autorisation préalable à la
constitution du groupement, formulée par plusieurs conciles du xnie au
xve s. Les mêmes préoccupations ont conduit certains évêques à fixer
les buts qui seuls légitimeraient la création de confréries 44.
La confrérie conduit de la vie religieuse à la vie sociale. Et la paroisse,
à côté de son rôle essentiel dans la vie religieuse, tient également une
40. Des legs pieux aux diverses taxes perçues à l'occasion des funérailles ; la
sépulture n'était pas qu'une question religieuse.
41. G. Le Bras, « Les confréries chrétiennes », R.H.D., 1940-1941 ; P. Michaud-
Quantin, Universitas (Paris, 1970), 179-193. Aux travaux cités par ces auteurs
on ajoutera H. F. Schmid, « Gemeinschaftskirche in Italien und Dalmatien », ZSS.
Kan. AU., XLVI (1960), p. 22 ss.
42. Weslake, The Parish Gilds.
43. Une autre contribution des laïcs à la vie paroissiale est représentée par les
fabriques, sur lesquelles des études particulières viendraient utilement compléter
les exposés d'ensemble de M. Clément, « Recherches sur les paroisses et les
fabriques au commencement du xne siècle d'après les registres des papes » [Mélanges
de l'École française de Rome, 1895, p. 347-418) ; S. Sghrôcker, Die Kirchenpfleg-
schaft, die Verwaltung des Niederkirchenvermôgens dutch Laïen seit dem ausgehenden
Mittalter (1934) ; André Mutel, Le gouvernement temporel des paroisses : les conseils
de fabrique, thèse, Lyon, 1970 (envisage leur histoire, de leurs origines à leur
disparition en 1905).
44. Entretien de l'église et du mobilier cultuel ; soins des malades ; sépulture ;
lutte contre les calamités, collectes, travaux publics, dans les statuts de l'archevêque
de Bordeaux en 1255.
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 19
place non négligeable dans la vie sociale. Sécurité, enseignement,
assistance, vie artistique : quatre domaines dans lesquels la paroisse
médiévale intervient activement 45.
La paroisse assure la défense et prêche la paix. L'histoire
ecclésiastique, autant que l'histoire de l'art, aurait besoin d'un catalogue
des églises fortifiées. Si certaines ont été voulues par des évêques
inquiets pour leur propre sécurité, d'autres, plus nombreuses, mais
moins grandioses, servaient de refuge aux paysans du plat pays. De
celles construites en pierre, le souvenir est mieux conservé. Mais des
églises en bois furent aussi lieux de défense. Rares sont celles qui
subsistent. On en pourrait cependant relever quelques exemples. Mais
plutôt que de se défendre contre des attaques injustes, mieux vaut
les prévenir et développer l'esprit de paix. Le rôle de l'initiative
paroissiale et l'action des pasteurs locaux dans la propagation du mouvement
de paix est difficile à cerner. Certains indices laissent penser qu'ils
ne furent pas négligeables 46.
La paroisse carolingienne avait fourni le cadre de l'enseignement
élémentaire. Les capitulaires des souverains 47 et les ordonnances épis-
copales 48 insistaient sur l'obligation faite au curé de donner aux enfants
un enseignement gratuit. Sans doute songeait-on surtout aux besoins
liturgiques et, à plus longue échéance, à la formation du futur clergé.
Il n'en demeure pas moins que les paroisses ont été de bonne heure
le lieu de l'enseignement élémentaire. Ce qu'avait tenté de réaliser
la législation séculière et ecclésiastique carolingienne sera poursuivi
au Moyen âge, avec une efficacité d'ailleurs inégale. L'ignorance
d'une partie du clergé paroissial ne facilitait pas sa tâche pédagogique.
L'éclat des universités, la longue tradition culturelle de grandes abbayes,
éclipsent l'œuvre modeste des écoles de paroisse. Celles-ci persistèrent
cependant. Elles chemineront à travers les siècles jusqu'à ce qu'elles
trouvent le relais tardif d'un enseignement public.
Le grand précepte évangélique de l'amour du prochain, de
l'assistance aux pauvres et à ceux que frappent le malheur trouve dans la
paroisse un lieu privilégié pour s'exercer. Circonscription peu étendue,
elle facilite les relations personnelles et, par là même, l'accomplissement
du devoir charitable.
45. On devrait également examiner son rôle dans la vie administrative, judiciaire,
économique. L'église est utilisée comme grenier, comme lieu de réunion, pour la
rédaction des actes ou les séances du tribunal. Les registres d'officialité font
apparaître les multiples fonctions, tantôt aux limites du religieux et du séculier, tantôt
purement séculières, qui incombent aux curés en plus de leur tâche proprement
pastorale, cf. par exemple R. Aubenas, Recueil des lettres des officialites de
Marseille et d'Aix, XIVe-XVQ s. (Paris, 1937).
46. Par exemple des entreprises comme celles des Encapuchonés du Puy, dans
les dernières décades du xne siècle.
47. Par exemple Vadmonitio generalis de 789, c. 72 prescrivant des scholae legen-
tium puerorum où les enfants apprendront le chant et la grammaire.
48. Capit. d'Hérard de Tours c. 17, de Théodulphe d'Orléans c. 20, d'Hincmar
de Reims, c. 11, etc.
20 J. GAUDEMET
Celui-ci était d'ailleurs impliqué dans les principes de l'obligation
à la dîme et de son affectation aux paroisses 49. Aussi bien le système
romain que le système espagnol de la répartition du produit des dîmes
prévoient qu'une fraction (1/4 ou 1/3) sera affectée aux pauvres 50. Par
les matricules, la paroisse conservait la liste des personnes secourues. La
législation carolingienne en imposait la tenue aux prêtres des
paroisses. Ceux-ci, sous le contrôle de l'archidiacre et de Févêque, géraient
les fonds affectés aux « matricularii ». Deux conditions étaient
exigées pour figurer sur cette liste : la pauvreté et l'incapacité de travail
d'une part, la résidence dans la paroisse de l'autre. On est donc bien
ici en présence d'une institution typiquement paroissiale 51.
Mais si une législation carolingienne bien connue permet d'étudier
les origines de ce système, on en suit beaucoup moins bien le
fonctionnement pratique et l'efficacité du xie au xve s. Il y a là encore
une phase importante de l'histoire de l'assistance qui reste à explorer,
alors que l'on dispose maintenant d'une information plus ample pour
le système hospitalier de l'Ancien Régime.
Nous terminerons par une évidence : la place essentielle que tint
la paroisse dans la vie artistique du Moyen âge. D'abord parce que
l'église, dont les utilisations sont multiples, est aussi le lieu des
spectacles. De la pompe liturgique aux jeux religieux des mystères, le
glissement était peut-être insensible et ce serait une première
explication de cet usage « profane » de l'église. Mais la raison profonde est
sans doute dans la conception même que l'on se faisait de l'église,
maison de Dieu, certes, mais aussi, et par conséquence, maison de ses
enfants. Notre clivage du sacré et du profane, la crainte respectueuse
qui sépare et qui isole, ne répondent pas aux mentalités médiévales.
Comme l'église, le cimetière offre un emplacement pour des fêtes
profanes. Pratique qui provoque des protestations conciliaires 52. Mais
la répétition des défenses prouve que l'on se trouvait en présence d'un
usage bien établi 53.
La contribution majeure de la paroisse à l'art médiéval est sans
conteste son église. Par leur seule architecture, les églises paroissiales
49. On consultera encore avec profit, Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique
en France aux XIIe et XIIIe s. (Dijon, 1909). A quoi on peut ajouter Catherine
Boyd, Tithes and Parishes in Medieval Italy (Itaca, 1952) ; G. Constable,
Monastic Tithes from their Origins to the Twelfth Century (Cambridge, 1964) ; Burns,
« A medieval Incom-tax ; the Tithe in the Thirteenth Century, Kingdom of
Valencia », Speculum, XLI (1966).
50. Partage romain en quatre : Simplice, lettre de 475 (Thiel, 176) = Décret
de Gratien, C. XII qu. 2, c. 28 ; Gélase, lettre de 494, c. 27 (Thiel, 378) = Décret
de Gratien C. VII, qu. 2, c. 27 ; autre lettre de date incertaine {Thiel, 498) ibid.
c. 23. Partage espagnol en trois : concile de Tarragone 51.6, c. 8 ; Mérida 666, c. 14-
16 ; Tolède 693, c. 5, etc.
51. H. Bôrsting, Geschichte der Matrikeln von der Freikirche bis zurn Gegenwart
(Freiburg im Br. 1959).
52. Concile provincial de Pont-Audemer de 1257, c. 8, statut de Cambrai (R.D.C.
III, 1953, p. 158-159), etc.
53. Lucien Musset, « Le cimetière dans la vie paroissiale en Basse Normandie,
xie-xme s. », Cahiers Leopold Delisle XII, 3 (1963), p. 7-27.
LA PAROISSE AU MOYEN AGE 21
constituent l'une de ses manifestations les plus impressionnantes.
Certaines sont l'œuvre somptueuse de grands maîtres. D'autres plus
modestes, ne méritent pas moins d'attention. Par leur nombre, immense,
par leurs qualités artistiques, leur imperfection même, elles
témoignent d'un sens de la grandeur, d'une volonté opiniâtre, poursuivie
à travers des générations, d'une générosité par l'apport du travail
personnel ou de contributions financières, dont on souhaiterait que
l'inventaire, sinon l'histoire impossible à retracer, soit dressé de façon
exhaustive.
Sans doute faut-il arrêter sur ce vœu un exposé déjà trop long et
cependant très incomplet. Double déficience qui tient à un sujet trop
riche. Puisse ce tour d'horizon sur la paroisse médiévale faire
apparaître des zones encore obscures et par là suggérer sur un sujet sans
doute inépuisable de nouvelles recherches.
Jean Gaudemet.

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La paroisse au Moyen Age : un champ d'étude pour Saint-Grégoire en Bretagne ?

  • 1. Revue d'histoire de l'Église de France La paroisse au Moyen Âge Monsieur Jean Gaudemet Citer ce document / Cite this document : Gaudemet Jean. La paroisse au Moyen Âge. In: Revue d'histoire de l'Église de France, tome 59, n°162, 1973. pp. 5-21; doi : https://doi.org/10.3406/rhef.1973.1485 https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1973_num_59_162_1485 Fichier pdf généré le 13/04/2018
  • 2. LA PAROISSE AU MOYEN AGE ÉTAT DES QUESTIONS* La Société d'Histoire ecclésiastique de la France avait organisé en 1937 un important congrès consacré à l'histoire paroissiale. Le doyen Le Bras dans un de ces rapports étincelants dont les membres de cette société ont si souvent profité, traitant de la paroisse rurale, avait fait apparaître les multiples aspects d'une telle étude, précisant ses buts et la méthode à suivre *. La période médiévale — celle qui nous occupe à nouveau ici — avait bénéficié d'une longue étude de Huart qui, par la richesse de ses suggestions et l'ampleur de son information, fournissait un guide précieux pour les érudits locaux 2. Car c'était leur collaboration que le congrès de 1937 avait voulu susciter, pensant, avec quelqu'apparence de raison, que les érudits locaux étaient mieux placés que quiconque pour retracer une histoire éminemment locale. Vue sans doute trop logique pour être réaliste. On n'oserait dire que depuis trente-cinq ans l'histoire paroissiale ait fait en France des progrès considérables. Et les germes que l'abbé Carrière avait déposés dans son Introduction aux études d'histoire ecclésiastique locale 3 n'ont pas fourni la moisson que l'on pouvait espérer. On ne saurait cependant se laisser arrêter par quelques désillusions. Et il ne serait pas juste de dire que ces trente-cinq années n'ont pas été marquées, en France et à l'étranger, par des contributions d'un haut intérêt. L'objet du présent travail n'est pas d'en tenter le relevé ni de faire une bibliographie méthodique du sujet. C'est, plus modestement, sur quelques secteurs d'un domaine immense, que l'on voudrait rappeler l'attention 4. * Le présent rapport a été présenté à l'Assemblée générale de la Société d'histoire ecclésiastique de la France, dans sa réunion du 6 mai 1972. 1. Publiée dans la R.H.E.F., 1937, p. 486-502. 2. « Considérations sur l'histoire de la paroisse rurale des origines à la fin du Moyen âge », R.H.E.F., 1938, p. 5-22. 3. Voir spécialement le t. III, L'histoire locale à travers les âges, 1935. 4. Les indications bibliographiques données dans les pages qui suivent ne prétendent nullement être exhaustives. Il s'agit tout au plus d'un « échantillonnage ». On s'est d'autre part interdit — sauf rares exceptions — de rappeler des travaux parus avant 1940.
  • 3. 6 J. GAUDEMET Le doyen Le Bras avait bien montré que la paroisse était un monde, avec son territoire et ses habitants, ses autorités religieuses et laïques, tantôt alliées et tantôt rivales, parfois abusant l'une de l'autre, avec l'extraordinaire variété des alliances et des oppositions qu'il serait trop facile, et très faux, de réduire au dualisme du clerc et du laïc. Avec les ordres anciens, bénédictins ou cisterciens 5, pour n'en citer que deux parmi les plus grands, comme avec les Mendiants, la paroisse connut des heures difficiles. Elle trouva auprès des patrons laïcs une aide parfois pesante, dans les confréries des auxiliaires quelque peu turbulents. Mais l'histoire de la paroisse, c'est aussi celle de la fortune ecclésiastique, des dîmes et de leur détournement, de la générosité des fidèles, des fondations, d'un large secteur du régime bénéficiai. C'est enfin celle de la vie religieuse et sociale, de la pratique sacramentelle, des dévotions aux saints, des pèlerinages, voire de l'enseignement élémentaire et de la charité. Serait-ce la richesse du sujet qui fait reculer, l'insuffisance de la documentation, la difficulté de cerner les contours ? Ou bien — mais alors l'erreur serait grave —Je sentiment que le sujet est trop modeste ? Il est en tout cas très actuel. Le cadre paroissial est aujourd'hui l'objet de réflexion. Une société trop mobile, des agglomérations urbaines sans cesse plus denses, où la foule réduit chacun à l'anonymat, des campagnes qui se vident et des églises privées de fidèles et donc de ressources, les migrations hebdomadaires ou estivales qui, au gré des conditions météorologiques, des congés scolaires, des engouements de la mode, vident tout à coup les églises urbaines, apportant pour quelques semaines, voire pour quelques jours, les flots d'hôtes de passage qui se pressent dans une église trop petite, puis celle-ci retrouvera, quelques heures plus tard, son calme, sinon son abandon. Voilà, quelques données concrètes qui sollicitent aujourd'hui l'attention des pasteurs. Et c'est précisément parce que le cadre paroissial est remis en question qu'il y a plus d'urgence encore à en connaître l'histoire, et peut- être surtout, les premiers développements. En effet on ne saurait poser ici tous les problèmes, encore moins les résoudre. Contraints de nous limiter 6, nous ne retiendrons que 5. Sur l'incorporation, dont Gratien marquait déjà les difficultés, D. Lindner, Die Lehre von der Inkorporation und ihrer geschichtlichen Entwicklung (Munich, 1951). 6. On laisse hors de cet exposé ce qui concerne le clergé paroissial et le patrimoine de la paroisse, questions trop vastes dont chacune exigerait un travail spécial. On ne retiendra pas davantage des questions connexes, comme celles des cha- pellenies. A propos du desservant, il faudrait rechercher selon quelles procédures il est désigné et quelles autorités (ecclésiastiques et laïques) interviennent à cette occasion ; déterminer les milieux sociaux auxquels appartenaient les pasteurs, préciser leur formation antérieure, leur culture intellectuelle, leur vie morale, leur activité pastorale et profane, les conditions de leur vie quotidienne. Parmi une abondante littérature et dans des directions diverses, on signalera : D. Kurze,
  • 4. LA PAROISSE AU MOYEN AGE deux questions : à quel besoin répondait la paroisse ? et quel fut son rôle dans la vie médiévale ? La paroisse n'est pas une donnée première de l'organisation ecclésiastique. Le cadre de la vie chrétienne dans la société antique fut celui de la communauté groupée autour de son évêque. C'est à ces communautés épiscopales que Constantin restituait les biens confisqués et non à l'Église prise dans son universalité 7. Ces communautés furent d'abord urbaines, car l'évangélisation gagna d'abord les villes, centres de la vie sociale, administrative, économique du monde gréco- romain. L'apparition des paroisses est donc une donnée seconde de l'histoire des circonscriptions ecclésiastiques. Elle est liée au progrès de l'évangélisation et à des phénomènes de peuplement, c'est-à-dire à des causes religieuses, mais aussi socio-économiques. D'où l'intérêt de l'histoire paroissiale pour des recherches parfaitement étrangères à l'histoire religieuse 8. D'où aussi une distinction essentielle entre la formation des paroisses rurales et celle des paroisses urbaines. a Pfarrerwahlen im Mittelalter », Forschungen zur kirchlichen Rechtsgeschichie, VI (1966) qui, dans un panorama européen, fournit beaucoup de références ; de Vevey, « L'élection du curé de Fribourg », Mém. Soc. hist, du droit... des..., pays bourguignons, XXIV (1963), p. 319-332 ; W. A. Addleshaw, Rectors, Vicars and Patrons in Twelfth and Early Thirteenth Century Canon Law (London, 1956) ; Meers- seman, « Die Klerikervereine von Karl dem Grossen bis Innozenz III ), Rev. d'hist. ecclês. suisse, XLVI (1952), p. 1-42, 81-112 ; plusieurs articles publiés dans La vita commune del clero nei secoli XI e XII (Settim. della Mendola, 1959), Milano 2 vol., 1962 ; G. Coolen, « Les communautés de Saint-Omer », Bull. Soc. Ant. de Morinie, XVII (1947), p. 33-59 ; L. Welter, « Les communautés de prêtres dans le diocèse de Clermont du xme au xvine s. », R.H.E.F., 1949, p. 5-36 ; J. Brelot, « Les familiarités en Franche-Comté », Mém. Soc. hist, du droit des pays bourguignons, XXIV (1963), p. 23-32 ; J. C. Russell ; « The Clerical Population of Medieval England », Traditio, 1944, p. 177-237 ; J. Absill, « L'absentéisme du clergé paroissial au diocèse de Liège au xve et dans la première moitié du xvie s. », R.H.E.F., LVII (1962), p. 5-44. Pour les chapellenies, à l'étude générale que constitue la thèse de l'École des Chartes de 1950 de J. Quéguiner, Recherches sur les chapellenies au Moyen âge, on ajoutera, Nicole Bériou, « Les chapellenies dans la province ecclésiastique de Reims au xiv« s. », R.H.E.F., LVII (1971), p. 227-240. Si l'histoire du patrimoine paroissial et la bibliographie qu'elle a suscitée (spécialement pour la période qui nous occupe, celle relative aux restitutions de biens à la suite des mesures prescrites par les réformateurs « grégoriens », sont ici laissées de côté, on signalera cependant en raison de son intérêt tout spécial pour la vie paroissiale et les pratiques liturgiques françaises, le mémoire de G. Schreiber, « Mittelalter- liche Segnungen und Abgaben », ZSS. Kan. AU. 1943, p. 191-292. 7. Édit de Nicomédie dans Lactance, De mortibus persecutorum, ch. 48 {C.S.E.L. 27, 228). 8. G. Santini, « I communi di pieve » nel medioevo italiana (Milano, 1964).
  • 5. J. GAUDEMET /. Les paroisses rurales. Leur apparition est la conséquence de l'évangélisation des campagnes — œuvre de longue haleine mais dont on peut fixer une étape importante pour l'Occident chrétien entre la fin du ve s. et le début du ixe s. 9. Evangelisation qui s'opère dans une société à prépondérance rurale avec une organisation économique et sociale centrée sur le grand domaine, la « villa ». Si l'évêque reste dans la ville, sa résidence dès les premières manifestations de la vie chrétienne, des foyers de vie religieuse essaiment aussi dans les campagnes. Ils requièrent des lieux de culte, d'où la création d'églises, fondées souvent par le grand propriétaire au centre de son domaine, là où il a fixé sa résidence, parfois aussi édifiées par les communautés rurales 10. Enfin il ne faut pas négliger les créations d'églises par les monastères, eux aussi ruraux, ni les chapelles de dévotion édifiées en des lieux divers (tradition d'un martyr, sacralisation d'un lieu de culte païen, etc.). L'établissement de ces lieux de culte reste encore très imparfaitement connu. La détermination en est difficile, souvent impossible, faute de documents suffisants. On peut cependant glaner ici où là des éléments d'information. D'abord à travers les historiens ecclésiastiques, comme Grégoire de Tours ; parfois on a la chance de disposer de règlements liturgiques tels ceux des Gesta episcoporum Autissiodorensium qui ont permis au chanoine Chaume xl de dresser une carte du diocèse d'Auxerre aux temps mérovingiens. Un tel document fait apparaître l'éloignement des lieux de culte les uns des autres, le caractère très ténu du tissu ecclésial, ce qui signifiait soit les longues distances à parcourir pour atteindre l'église et son desservant, soit, si de vastes espaces restaient inhabités, l'isolement auquel se trouvait réduite chaque cellule religieuse. On peut également utiliser le vocable sous le patronage duquel l'église était placée, car la dévotion témoigne, selon les époques, d'une confiance particulière en tel ou tel protecteur 12. 9. Le travail ancien cTImbart de la Tour, Les paroisses rurales du IVe au XIe s. (Paris, 1900) reste fondamental mais doit être complété par E. Griffe, La Gaule chrétienne à l'époque romaine, III, La cité chrétienne (Paris, 1965). Pour l'organisation des « minsters » anglais, correspondant aux paroisses du continent, cf. G. W. O. àddleshaw, The Beginnings of the parochial System (York, 1959). 10. C'est la distinction des églises de vici et de villae. Cf. J. Fr. Lemarignier, « Quelques remarques sur l'organisation ecclésiastique de la Gaule du vne à la fin du ixe s. », Settimana Spoleto, XIII (1965), p. 451-583, qui relève une prépondérance des églises de vici dans la Gaule romanisée, et au contraire, plus d'églises de villae en Belgique. 11. Origines du duché de Bourgogne, II, 2, p. 798. 12. La diffusion du culte de saint Martin en Gaule mériterait une étude détaillée avec des cartes et des chronologies. L'utilisation du vocable a permis à M. Poquet du Haut Jussé de montrer que le réseau paroissial breton était pour l'essentiel fixé au ixe s. ; cf. aussi Médard Barth, « Beitrage zur Geschichte der elsâssische Kirchorte und ihrer Patrozinien, » Arch, de l'Église d'Alsace, 26 (1959), p. 89-140.
  • 6. LA PAKOISSE AU MOYEN ÂGE 9 Enfin on peut parfois espérer dans le hasard des fouilles et de l'archéologie 1?. Si les premiers développements de ce réseau rural remontent aux vi- vne s., les créations se poursuivirent par la suite en liaison avec les progrès du peuplement et de Févangélisation des campagnes. Quelques études, trop rares, permettent pour certaines régions de suivre ce mouvement. Elles portent, et c'est sagesse, sur des zones relativement peu étendues. Mais une enquête minutieuse permet alors, pour ce secteur limité, de fournir des données assez précises 14. On peut signaler à titre d'exemple, parmi les plus récentes de ces études, la monographie de Dieter Kauss : Die Mittelalterliche Pfar- rorganisation in der Ortenau (Bûhl-Baden, 1970), qui, comparée aux travaux publiés il y a quelque trente ans, permet de mesurer les progrès réalisés dans l'investigation, la méthode, la précision des résultats. L'étude concerne la région du pays de Bade entre Rhin et Forêt Noire sur une longueur de 20 à 30 km. au nord et au sud d'Ofîenburg ; une enquête minutieuse aboutit aux résultats suivants : du vie au vine s. 29 créations paroissiales, dont 1 seulement dans la Forêt Noire du vin? au Xe s. 19 » » 2 en Forêt Noire du xie au xme s. 33 » » 8 en Forêt Noire du xive au xve s. 13 » » aucune ne concerne la Forêt Noire Enfin, au xvie s., 9 paroisses sont encore créées, mais par division d'anciennes paroisses. L'auteur distingue les créations dans les fiscs royaux, importantes du vine au xe s., celles suscitées par les abbayes locales, par Févêque de Strasbourg, par les princes laïcs (surtout du xie au xme s.). L'enquête permet aussi l'établissement de cartes. M. Kauss distingue soigneusement, dans les 100 notices qu'il consacre aux lieux de culte de l'Ortenau, les premières indications sur 13. Rares cependant sont les églises encore existantes qui remontent aux lointaines époques du début des paroisses. 14. M. Chaume, « Le mode de constitution et de délimitation des paroisses rurales aux temps mérovingiens et carolingiens », Revue Mabillon, 1937, p. 61-73 ; 1938, p. 1-9 ; L. Pfleger, Die Entstehung und Entwicklung der elsàssische Pfarrei, Strasbourg, 1935, complété par M. Barth, « Quellen und Untersuchungen zur Geschichte der Pfarreien des Bistums Strassburg im Mittelalter » Archives de l'Église d'Alsace, II, 1947-48, p. 63-172 et Handbuch der elsàssischen Kirchen im Mittelalter, 3 vol. ibid. t. 27-29 (1960-1963) qui donne une notice pour chaque église ; B. Panzram, Geschichtliche Grundlagen der àltesten schlessischen Pfarrorganisation (Breslau, 1940) ; H. Mûller, Die wallonischen Dekanate des Erzbistums Trier, Untersuchungen zur Pfarr- und Siedlungs geschichte (Marburg, 1966) étudie le développement paroissial dans les doyennés d'Ivoix-Carignan, Juvigny, Bazeilles, Longuyon et Arlon ; E. Guttenberg et A. Wendehohst, Das Bistum Bamberg, II, Die Pfarrorganisation (Berlin, 1966, Germania sacra, II, 1) ; L. Nanni, « La parrochia stu- diata nei documenti hicchesi dei secoli vm-xin », Analecta Gregoriana, 1948 ; H. F. Schmid, Die rechtlichen Grundlagen der Pfarrorganisation auf westslavischen Boden und ihre Entwicklung wàhrend des Mittelalters, (Weimar, 1948) et « Gemein- schaftskirche in Italien und Dalmatien », ZSS. Kan. AU., XLVI (1960), p. 1-61.
  • 7. 10 J. GAUDEMET l'établissement humain, qui parfois remonte à l'époque préhistorique, la première mention d'une église, et la première mention d'un pasteur ou d'une organisation paroissiale 15. Car, et ce sera notre seconde observation sur les origines des paroisses rurales, on ne saurait confondre l'érection d'un lieu de culte avec la création d'une paroisse. Ceci conduit à préciser ce qu'il faut entendre par paroisse. Si l'église en est le centre et comme le symbole, elle ne suffit pas en effet à la constituer. Sociologiquement, une paroisse est une société de fidèles ; ce qui, juridiquement, se traduit par l'exigence de plusieurs conditions. La paroisse suppose tout d'abord un territoire et un peuple, ce qui implique la délimitation de frontières et la preuve de l'appartenance du peuple à cette paroisse. Cette appartenance est établie par le domicile sur le territoire paroissial, mais aussi par la participation aux cérémonies religieuses dominicales ou aux grandes fêtes (spécialement à celle du patron de l'église) et par le versement de la dîme. La paroisse requiert aussi un chef stable, seul ou assisté d'auxiliaire : le parochus, ce qui est tout autre chose qu'un desservant même régulier. Elle exige enfin des ressources : dotation foncière, dîmes et oblations diverses qui assurent les besoins cultuels, l'entretien des clercs, l'assistance aux pauvres. Dans la grande majorité des cas, ces divers éléments n'apparaissent pas en même temps. Ils se dégagent peu à peu au cours d'une histoire qui peut être plus que séculaire. L'usage et la commodité déterminent le peuple et donc le territoire 16. Les besoins religieux conduisent progressivement du desservant occasionnel au clergé attitré. La dotation foncière est souvent contemporaine de l'érection de l'église. Que l'on songe aux exigences formulées pour l'Italie par Gélàse dans sa décré- tale aux évêques de Lucanie, Bruttium et Calabre 17, ou celles de la législation carolingienne prévoyant l'assignation d'un manse pour chaque nouvelle église 18. Étudier l'instauration de la paroisse, la reconnaissance de son territoire, de son autonomie religieuse et financière, est encore plus délicat que de recenser l'apparition des lieux de culte. Mais cette recherche est passionnante, car elle permet de discerner les réticences et les tensions, les pressions légitimes et les vaines glorioles. Toute paroisse 15. Il est bien évident que ces « premières mentions » peuvent, au hasard de notre information, être notablement postérieures à l'érection de l'église, à la désignation d'un pasteur fixe, ou à l'octroi du titre paroissial. 16. Dans son article cité ci-dessus sur le mode de constitution des paroisses rurales, le chanoine Chaume montrait, par des exemples concrets pris en Bourgogne, les modalités très diverses de formation de ces frontières, le rôle important et souvent arbitraire joué par les propriétaires des domaines. 17. Ép, du 11 mars 494, Thiel, Epist. rom. Pontif. I (1870), p. 360 sqs. 18. Cap. de Louis le Pieux de 818, c. 10 ; édit de 864, c. 2 ; Capit. miss, de 864, c. 11, etc. ; cf. pour ces dotations foncières : Imbart de la Tour, Paroisses rurales, p. 145-146.
  • 8. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 11 nouvelle, dès lors qu'elle n'est pas érigée sur un territoire nouvellement défriché, empiète sur une paroisse plus ancienne, la prive d'une partie de ses fidèles, compromet par là-même la splendeur de sa liturgie et les revenus de son trésor. Mais elle facilite, par la proximité offerte aux fidèles, l'assistance aux offices et l'action pastorale. Elle n'est pas toujours indifférente au seigneur du lieu, voire au monastère auquel la paroisse sera incorporée. Canoniquement, la partie est gagnée lorsque l'église se voit reconnaître le droit baptismal. Suivre dans le détail cette histoire complexe qui conduit de l'église à la paroisse n'est pas toujours possible. Et l'enquête est d'autant plus malaisée que cette ascension vers la dignité paroissiale s'échelonne souvent sur une très longue durée. Elle se fit selon des modalités diverses que l'on ne saurait inventorier ici. Parfois le peuple existe, mais il se voit longtemps refuser même une simple chapelle : tels les villageois de La Wanzenau au nord de Strasbourg, qui relevaient de la paroisse d' Honau située sur la rive droite du Rhin. La traversée était des plus dangereuses, parfois impossible. Des traversées imprudentes pour conduire un enfant au baptême provoquèrent des noyades. Dans d'autres cas, le pasteur d' Honau ne pouvait venir en temps utile donner les derniers sacrements. Cependant le chapitre de Saint-Pierre-le-Vieux de Strasbourg, principal bénéficiaire des revenus d' Honau, s'opposa jusqu'au milieu du xve s. à l'érection d'une chapelle. Elle fut suivie, 14 ans plus tard, de la création de la paroisse (1454-1468). A Kaltenhouse près de Haguenau, une chapelle fut fondée pour les habitants du village en 1443. Elle ne devint paroisse qu'en 1751 19. L'étude de Kauss pour l'Ortenau fournirait bien d'autres données intéressantes sur cette lente ascension à la dignité paroissiale. Établissement d'un lieu de culte, reconnaissance de la paroisse, ces deux étapes essentielles, que nous venons d'évoquer pour le monde rural, se retrouvent lorsque l'on envisage les sociétés urbaines. //. Les paroisses urbaines. Les conditions et le processus de formation des paroisses furent ici différents. La ville en effet avait été le premier lieu de la vie chrétienne. Elle fournissait son cadre à la communauté groupée autour de Févêque et de son presbyterium. On sait l'inégalité de cette répartition. Communautés épiscopales très nombreuses, et par suite souvent très petites, dans les régions profondément urbanisées de l'Italie ou de l'Afrique ; plus rares dans la plaine padane et les pays transalpins où, par suite 19. Sur les phases du conflit avec les chevaliers de Saint-Jean, titulaires de l'église Saint-Georges de Haguenau, dont dépendait le village de Kaltenhouse, cf. Pfleger, Elsâssische Pfarrei, p. 118-120.
  • 9. 12 J. GAUDEMET d'une urbanisation moins intense, des diocèses moins nombreux couvrent souvent de vastes territoires. Pendant fort longtemps, l'unité de la communauté religieuse urbaine se maintint. Et cela d'autant plus facilement que les villes végétaient pendant le Haut Moyen âge. L'apparition de paroisses urbaines est étroitement liée à la renaissance urbaine qui, selon les régions, s'esquisse puis se développe de la fin du xie au milieu du xme siècle 20. Mais comme les paroisses rurales, les paroisses urbaines ont une « préhistoire », celle des lieux de culte qui finiront par accéder à la dignité d'église paroissiale. Et c'est un nouveau champ d'études qui reste, lui aussi, encore largement à défricher. Heureusement des études excellentes, parfois assez récentes, ont en ce domaine tracé les voies 21. L'enquête devrait porter sur cette « préhistoire », c'est-à-dire sur la création des églises dans les villes. Leur multiplicité est établie pour les grandes villes, comme Rome ou Carthage, dès les premiers siècles. Certaines études portent sur les pays au nord des Alpes dans le Haut Moyen âge 22. Auxerre a quatre églises dès le milieu du ve siècle ; Autun en a sept au milieu du vie ; trois nouvelles églises y furent fondées par Brunehaut à la fin de ce siècle. Paris compte aussi de multiples églises et oratoires dans la cité et sur les deux rives de la Seine. La localisation de ces églises révèle souvent les motifs de leur création : culte de saints locaux ou de saints dont les reliques ont été apportées dans la ville {par exemple la basilique Saint- Alban à Auxerre) ; oratoires dans un domaine (parfois celui de l'évêque lui-même comme à Auxerre) ; églises jointes à un monastère (Saint-Côme à Auxerre), créées hors du castrum, parfois dès le Haut Moyen âge dans une période 20. Cependant on peut citer des créations plus précoces. E, Hegel, « Zur Enste- hung der Kultstâtte u. Pfarre St Columba am Kôln », (Colonia Sacra, 1, 1947, p. 19- 46) date les débuts de la division en paroisses à Cologne du milieu du ixe s. 21. Parmi les monographies déjà anciennes : Dorn, « Die Ursprung der Pfarreien im mittelalterichen Kôln », ZSS. Kan. Abt., 1917, p. 112-144 ; et plus récemment, M. Billo, « Origine e sviluppo délie parrochie di Verona », Arch. Veneto, LXXI (1941), p. 1-61 ; P. Sambin, Uordinamento parrochiale di Padova nel medio evo, Padova, 1941 ; Chaume, « Histoire d'une banlieue : églises et chapelles ; l'organisation paroissiale dijonnaise », M.S.H.D.B. X, (1944-45), p. 7-61 ; voir aussi, dans ses Origines du duché de Bourgogne, II, p. 318-327, les études concernant Auxerre et Autun avec des cartes ; A. Friedmann, Recherches sur les origines et l'évolution des circonscriptions paroissiales au Moyen âge (Thèse de Droit, Paris, 1957), reprise sous le titre : Paris, ses rues, ses paroisses du Moyen âge à la Révolution (Paris, 1959). A quoi l'on ajoutera les études réunies sous le titre, « Les anciennes églises suburbaines de Paris », Paris et Ile de France, Mém. XI (1960), p. 17-281 ; Lucien Musset, « Les villes épiscopales et la naissance des églises urbaines en Normandie », R.H.E.F., XXXIV, 1948, p. 5-15 ; Renault, La paroisse Saint-Patrice de Rouen (Fécamp, 1942) ; L. Brochard, Saint- Gervais, histoire de la paroisse (Paris, 1950) ; Veis- sière, Une communauté canoniale au Moyen âge, Saint-Quiriace de Provins. Pour l'Angleterre, J. R. H. Moormann, Church and Life in England in the Thirteenth Century (1946) signale le développement paroissial à cette époque et donne le chiffre de 9 500 paroisses. 22. Voir par exemple Vercauteren, Étude sur les « civitates » de la Belgique II (1934), J. Hubert, « Recherche sur la topographie religieuse des cités de la Gaule du ive au ixe », C.R.A.I., 1945.
  • 10. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 13 de paix 23 ; églises de faubourgs marchands (Saint-Gervais ou Saint- Germain FAuxerrois sur la rive droite de la Seine) ; ou de bourgs de peuplement à proximité de monastères (Saint-Marcel, Saint-Germain des Prés, Sainte-Geneviève) ; oratoires le long des voies d'accès (à Paris sur la route de Senlis, Saint-Jacques de la Boucherie, Saint- Merry, Saint-Laurent ou sur celle d'Orléans, Saint-Julien, Saint-Séve- rin, etc.). Mais, comme pour les paroisses rurales, il faut envisager le passage de ces lieux de culte au cadre paroissial. Or, si des paroisses urbaines ont pu, dans certains lieux, apparaître dès les ixe-xe s., l'époque de l'expansion paroissiale urbaine fut tout naturellement celle de la croissance des villes, c'est-à-dire de la fin du xie à la fin du xme, voire les xive et xve, pour les régions orientales de l'Europe. Anvers ne constitue qu'une seule paroisse en 1124, et de même Montpellier en 1213, ou Francfort en 1450. Dans l'Europe occidentale les paroisses se multiplient au cours du xnie s. : Sens, qui au xie s. n'a que sa cathédrale et quelques chapelles, compte 13 paroisses en 1230, 17 à la fin du siècle. A Provins à côté de la collégiale Saint-Quiriace, une paroisse Saint-Pierre est créée avant 1157, et en 1257 la cure de Saint-Quiriace est partagée en quatre paroisses. A Paris, la cathédrale seule est ecclesia matrix au xie s. C'est aux xne et xme s. que se développent les paroisses et que se fixe une géographie paroissiale qui ne se modifiera pas avant le xvne et plus encore le xvine s. 24. A Cologne, où les premières paroisses apparaissent dès l'époque carolingienne, le grand développement se situe aux xiie-xine s. : en 1172 un acte signale déjà 13 paroisses (dont 7 dans les faubourgs) ; on atteint 19 à la fin du xne s., chiffre qui ne se modifiera pas jusqu'en 1803, date de la réforme napoléonienne. Et c'est l'un des intérêts d'une géographie des paroisses urbaines au Moyen âge que de rechercher l'origine de circonscriptions qui ne changeront guère jusqu'au xvme, voire au xixe siècle. Mais il ne suffit pas de faire le dénombrement des paroisses et de noter leur multiplication. Cette constatation suggère deux questions : pourquoi ? comment ? Pourquoi ? La création de paroisses urbaines n'est nullement prescrite par le Droit. Dans les Décrétales de Grégoire IX, ce cadre n'est présenté ni comme général, ni comme obligatoire, et le titre de paro- chis (X, III, 29) avec ses cinq chapitres est l'un des plus sommaires de la compilation. La réponse générale, on l'a déjà donnée : la multiplication des paroisses urbaines est liée à l'essor des villes provoqué lui- même, pour partie au moins, par le renouveau d'une économie marchande. 23. En Normandie, Lucien Musset relève que la plupart des centres ecclésiastiques du suburbium se séparent de la ville-mère aux vme-ixe s., devenant ainsi le centre de paroisses rurales. 24. Le chanoine Chaume a fait pour Dijon une constatation analogue, Histoire d'une banlieue, citée supra.
  • 11. 14 J. GAUDEMET Toutefois cette explication globale doit être précisée et affinée. Chaque nouvelle paroisse répond à un besoin spécifique. En tentant de le déceler, l'histoire du cadre paroissial rejoint l'histoire générale de la société. Ces besoins spécifiques et leur diversité ont été fort bien mis en évidence pour Paris dans la thèse de l'abbé Friedmann : affectation d'un pasteur propre à des églises dans la cité, qui deviennent paroisses lors de la réorganisation ecclésiastique de Maurice de Sully, conséquence indirecte elle-même de la reconstruction de Notre-Dame à partir de 1163 ; création de paroisses nouvelles sur le territoire trop vaste de Saint-Germain l'Auxerrois, qu'exige l'accroissement de la population sur la rive droite ; colonisation universitaire sur la rive gauche, mais aussi, sur cette même rive, paroisses domaniales aux bourgs de Saint-Germain (Saint-Sulpice au xme s.), de Saint-Marcel ou de Sainte-Geneviève ; création de Saint-Cosme et de Saint-André des Arts prélevés sur le territoire de Saint-Sulpice lorsque la muraille de Philippe-Auguste eut coupé en deux ce territoire paroissial. Ainsi des causes multiples expliquent la géographie paroissiale parisienne, compliquée, inégale (douze paroisses dans la cité, mais des paroisses immenses sur les deux rives comme Saint-Nicolas des Champs ou Saint-Sulpice), avec des enclaves. A Dijon, la géographie paroissiale qui se fixe dans la seconde moitié du xne s. est conditionnée par la nouvelle enceinte (construite vers 1140) et la naissance de la commune. Si le pourquoi est complexe, le comment ne l'est pas moins. Rares furent les créations faciles, car presque toujours elles se heurtèrent à des oppositions. A celle surtout de la paroisse sur laquelle était prélevée la nouvelle circonscription. Pour éviter ces amputations, les paroisses anciennes demandèrent parfois des privilèges au Saint-Siège. Le pape subordonnait alors à son autorisation la création d'une nouvelle paroisse par prélèvement sur l'ancienne. L'étude des créations de nouvelles paroisses doit comporter l'examen de ces conflits, rechercher comment peu à peu la nouvelle paroisse prit son autonomie vis-à-vis de Yecclesia matrix 25. Les débats ont porté avant tout sur la délimitation du territoire. Parfois ils se terminent par l'arbitrage de hauts dignitaires ecclésiastiques 26. Il arrive que des échanges de parcelles territoriales entre Yecclesia matrix et la nouvelle paroisse permettent d'aplanir certaines difficultés. Mais la question du territoire restera longtemps épineuse : de nombreuses paroisses seront mal délimitées et les litiges se poursuivront au cours des âges. Le concile de Trente (sess. 24 de réf. ch. 13) garde la trace de ces débats. La question était en effet fort grave, car c'est du territoire que dépendent et le nombre des paroissiens et l'importance des revenus. 25. Reconnaissance des droits paroissiaux à une église de Lucques par le chapitre cathedral, dans Kehr, Italia Pontificia III, 410 (1188). 26. Par exemple celui d'un cardinal à Lucques en 1142 (Nanni, op. cit., p. 146).
  • 12. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 15 Très souvent Yecclesia matrix s'efforça de maintenir le souvenir de son ancien domaine en exigeant, aussi longtemps qu'elle le put, que les paroissiens perdus reviennent à leur ancienne église à certaines occasions 27. Mais on relève aussi le souci très pratique de ne pas perdre, avec un territoire, les revenus qui y étaient perçus, et singulièrement les dîmes et les droits de sépulture. C'est ainsi que l'évêque de Paris interdit la sépulture dans la nouvelle église de Sainte-Croix lors de son érection, en 1202, sur le territoire de Saint-Germain l'Auxerrois 28. D'autres exemples montrent l'église-mère se réservant les dîmes ou exigeant en compensation une redevance annuelle. Ce double souci trop humain du prestige et du profit explique les longs débats sur l'abandon des droits paroissiaux, et spécialement celui de sépulture, auquel s'attachait la perception de certaines taxes et le bénéfice de legs pieux. Combats en retraite menés avec plus ou moins d'opiniâtreté par Yecclesia matrix. Chaque prérogative perdue par cette dernière achemine la nouvelle église vers la dignité paroissiale. La lenteur que connut souvent cette ascension permet d'en jalonner les étapes et de dégager ainsi une véritable hiérarchie de filiales, dans ces églises en voie de devenir paroisses autonomes, mais qui gardèrent longtemps vis-à- vis de l'église-mère des obligations de nature et de valeur diverses. Il ne s'agit évidemment pas d'une hiérarchie fixée par des dispositions canoniques, mais d'un échelonnement de fait, dont le degré le plus humble est celui de la simple chapelle qui accueille des fidèles de passage. Puis l'église retient des fidèles pour la messe dominicale, plus tard pour les grandes fêtes. Elle obtient alors un clergé propre, acquiert tout ou partie des dîmes, se fait reconnaître le droit de sépulture. Finalement, le dernier privilège de Yecclesia matrix, le droit de baptiser, est transféré. La nouvelle paroisse jouit alors de sa pleine autonomie. Longues négociations, parsemées de conflits violents ou d'interminables procédures. Mais leur étude est fondamentale pour suivre les vicissitudes de l'instauration des paroisses. L'histoire des origines paroissiales fait ainsi apparaître la pression d'exigences religieuses et sociales. La paroisse n'est pas imposée par une prescription du droit. Mais on la trouve partout, bien que son instauration n'aille pas sans difficultés et s'opère selon des modalités et à des dates très différentes 29. Cette constatation sujBfirait à en marquer l'importance et, si l'on ose cette expression, la « nécessité sociologique ». Cette nécessité apparaît mieux encore en envisageant le rôle de la paroisse dans la vie médiévale. 27. Spécialement aux grandes fêtes (Noël, Pâques, Pentecôte, Toussaint) et à la fête du saint auquel l'église-mère était dédiée. 28. Guérard, Cartulaire de N. D. de Paris, III, 262. 29. La géographie paroissiale ne se fixe en Masovie qu'aux xive et xve siècles.
  • 13. 16 J. GAUDEMET Décrire en détail la place que prend la paroisse dans la vie médiévale serait faire le tableau d'un large pan de la vie religieuse et de la vie sociale, car la paroisse est le vrai centre de la première, et l'un des cadres essentiels de la seconde. Sujet immense et hors de proportion avec notre propos 30. Aussi se bornera-t-on à rappeler plus modestement quelques-uns des domaines où le cadre et les institutions paroissiales tinrent une place de choix. Il est évident que la paroisse occupe une place essentielle — peut- être la première — dans la vie religieuse. Elle est le lieu des cérémonies chrétiennes et des actes essentiels qui, du baptême à la tombe jalonnent la vie des fidèles 81. L'église paroissiale, on l'a vu, se définit par son droit de conférer le baptême. C'est en y pénétrant que l'on est associé à la famille chrétienne et que l'on devient enfant de Dieu. C'est auprès du proprius sacerdos que le chrétien doit satisfaire aux exigences du canon omnis utriusque sexus 32, requérant la confession au moins annuelle 33. Si, jusqu'au concile de Trente, la célébration du mariage n'est pas prérogative du proprius parochus, c'est lui qui 30. P. Adam, La vie paroissiale en France au XIVe siècle (Paris, 1964) ; W. E. Tate, The Parish Chest. A Study of the records of parrochial Administration in England (Cambridge, 1946). 31. V. Chomel, « Droit de patronage et pratique religieuse dans l'arrondissement de Narbonne au début du xve siècle », Bibl. de l'École des Chartes, CXV (1957), p. 58-197. 32. IVe concile de Latran de 1215, c. 21 (cf. X, V, 38, 12). Cette prescription est reprise dans d© nombreux conciles provinciaiix du xme s. 33. S'il n'y a pas d'obligation législative de se confesser au prêtre de la paroisse, une coutume, recommandée par diverses autorités, s'instaure de bonne heure dans ce sens. Elle est attestée dès le ixe s. avec des dérogations, par exemple au profit des châtelains et seigneurs qui disposent souvent d'un chapelain. Au xne s., la question du libre choix du confesseur est discutée. Abélard s'y montre favorable, car ce choix offre la possibilité de trouver un meilleur directeur de conscience ; Hugues de Saint-Victor et saint Bernard défendent les prérogatives curiales. Au Décret de Gratien, le de Penitentia D. VI, reprend le débat. Le c. 1 de la C. VI, qu. 3 et le c. 1 de la C. IX qu. 2 affirmaient les droits du curé de paroisse. Le c. 1 de la D. VI (texte faussement attribué à saint Augustin) autorise au contraire à choisir un autre confesseur s'il apparaît meilleur. Le dictum après le c. 2 signale l'opposition des canons, dont les uns autorisaient le choix du confesseur tandis que d'autres interdisaient à un prêtre de juger les paroissiens relevant d'un autre prêtre. Il propose la conciliation suivante : Les canons interdisent de se détourner du proprius sacerdos « favore vel odio ». Mais il n'est pas interdit de chercher ailleurs un prêtre plus averti (cecum vitare). Ainsi le de Penitentia assouplit la rigueur de l'obligation, en prenant en considération la valeur du confesseur. Il suivait en cela les soucis pastoraux de la théologie nouvelle, et ses distinctions seront reprises par certains décrétistes, en particulier Rufin (Summa peu avant 1159, sur D. VI, de Poenit, éd. Schulte 439) ou Jean de Faenza. Au contraire au début du xme siècle, Laurent d'Espagne déclare : confessio est facienda sacerdoti et suo sauf s'il est extra ecclesiam, et Jean le Teutonique adopte la même attitude. C'est celle également du IVe concile de Latran obligeant à la confession annuelle auprès du proprius parochus. La pratique, telle que la révèlent les Sommes de confesseurs (par exemple la Summa confessionum abhreviata de Guillaume de Cayeux, v. 1180- 1190), est favorable à une certaine liberté du choix du confesseur.
  • 14. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 17 assiste le mourant, veille sur la confection de son testament34, conduit le défunt à sa dernière demeure dans le cimetière qui jouxte l'église. C'est au curé qu'il incombe de veiller au troupeau, de soutenir son zèle, et, si la sanction frappe, de dénoncer au prône les excommuniés et de leur refuser l'accès de l'église 35. Aussi des statuts synodaux imposent-ils à chaque famille de se faire représenter au moins par l'un de ses membres à la messe dominicale, tandis que le curé doit tenir la liste de ses paroissiens. Lourde tâche qui parfois dépasse les moyens du desservant86 et pour laquelle les concurrents ne manquent pas. L'histoire de la paroisse ne peut omettre celle de ces rivalités. Ce sont d'abord celles, modestes et épisodiques, de certaines chapelles : par exemple des hôpitaux qui tout naturellement sont autorisés à célébrer l'office pour les malades couchés 37, mais qui se voient interdire l'accueil des paroissiens valides. Ou bien ce sont des chapelles nobles où, par privilège, certaines familles peuvent accomplir leurs devoirs religieux 38. Mais le conflit le plus grave oppose les paroisses aux ordres mendiants, eux aussi urbains. Il se poursuivit, parfois violent, tout au long des xme et xive siècles. Le prestige des ordres nouveaux attirait les fidèles. La qualité de leur prédication concurrençait dangereusement le clergé séculier. Beaucoup souhaitaient la sépulture dans leurs églises. Dès 1227 pour les Dominicains, dix ans plus tard pour les Franciscains, des bulles pontificales favorisaient ces tendances. Au milieu du siècle et dans diverses villes l'opposition est vive entre Mendiants et clergé paroissial. Les excommunications fusent de part et d'autre. L'épiscopat soutient en général son clergé. L'université de Paris intervint, favorable, elle aussi, aux séculiers. Puis, à partir de 1281 (Bulle ad fructus uberes) les Bulles se succèdent, parfois contradictoires, ponctuant les phases d'un long conflit 39 qui ne trouvera son règlement qu'au concile de Trente. Centre de la vie religieuse, la paroisse apparaît aussi comme le champ clos de prétentions rivales où les arguments juridiques et les inten- 34. Voir par exemple concile de Narbonne de 1227, c. 5. 35. Cf. par exemple les statuts de Cambrai (P. C. Boehen, Rev. de droit canonique, III, 1953, p. 156-157), ceux d'un concile de la province de Bourges, c. 1 (R.H.D., 1926, p. 67), ceux de Clermont ou de Poitiers de 1284 (Mansi, XXIII, 1208 et XXIV, 567), etc. 36. On n'a pas retenu ici la question du clergé paroissial, de son recrutement, de sa désignation, de ses mérites et de ses déficiences. 37. Célébration qui a lieu le plus souvent dans la grande salle où sont hospitalisés les malades. 38. En 1188, l'archevêque de Gênes attribue à une famille noble une église où elle assistera aux offices paroissiaux, car elle ne pouvait sans danger se rendre à la cathédrale (cf. H. F. Schmid, Z.S.S. Kan. AU., 1960, p. 34). 39. Les phases de ce conflit ont été exposées par L. Pfleger (Elsâssische Pfarrei) pour Strasbourg, auquel on ajoutera A. M. Burg, « Les « droits paroissiaux » dans le diocèse de Strasbourg avant et après le concile de Vienne » {Revue de droit canonique, 1951, p. 300-308). Il serait intéressant de disposer pour d'autres régions d'études similaires. On pourrait ainsi renouveler le livre ancien de C. Paulus, Welt und Ordensklerus... im Karnpfe um die Pfarrrechte (Essen, 1900).
  • 15. 18 J. GAUDEMET tions louables ne sauraient totalement masquer des considérations plus contingentes 40. La paroisse est aussi le cadre d'autres manifestations de la vie religieuse. L'esprit communautaire, si accusé au Moyen âge, multiplie les groupements dont les fins amicales ou charitables, parfois intéressées, s'accompagnent volontiers d'un vêtement religieux. Les confréries 41 qui n'avaient pas été totalement inconnues de l'époque franque, mais qui semblent avoir décliné et parfois disparu dans les troubles des ixe-xe s., renaissent au xie siècle. Par leur but elles sont étroitement associées à la vie paroissiale. Elles veillent à l'entretien du luminaire, donnent de l'éclat au culte de leur saint patron, se montrent souvent généreuses envers la paroisse, contribuant à l'embellissement de l'église (autel, chapelle, vitraux, etc.). En Angleterre, après la peste de 1349, des confréries se créent pour la reconstruction des églises 42. Enfin des confréries contribuent aux tâches charitables qui incombent aux paroisses, parfois aussi à l'enseignement 4S. Collaboration par conséquent entre confréries et paroisses. Mais ici encore les conflits n'ont pas manqué et leur analyse relève de l'histoire paroissiale. On a qualifié les confréries de « paroisses consensuelles » qui parfois concurrencent la véritable paroisse. Elles ont, dans l'église paroissiale ou au dehors leur propre chapelle ; le culte y est célébré au préjudice de la participation aux offices paroissiaux. La confrérie a sa caisse propre, parfois son chapelain, ce qui ne va pas sans inconvénients pour la paroisse. Faut-il ajouter que certaines réunions amicales dégénèrent, mettant l'ordre public en question. Ainsi s'explique l'exigence d'une autorisation préalable à la constitution du groupement, formulée par plusieurs conciles du xnie au xve s. Les mêmes préoccupations ont conduit certains évêques à fixer les buts qui seuls légitimeraient la création de confréries 44. La confrérie conduit de la vie religieuse à la vie sociale. Et la paroisse, à côté de son rôle essentiel dans la vie religieuse, tient également une 40. Des legs pieux aux diverses taxes perçues à l'occasion des funérailles ; la sépulture n'était pas qu'une question religieuse. 41. G. Le Bras, « Les confréries chrétiennes », R.H.D., 1940-1941 ; P. Michaud- Quantin, Universitas (Paris, 1970), 179-193. Aux travaux cités par ces auteurs on ajoutera H. F. Schmid, « Gemeinschaftskirche in Italien und Dalmatien », ZSS. Kan. AU., XLVI (1960), p. 22 ss. 42. Weslake, The Parish Gilds. 43. Une autre contribution des laïcs à la vie paroissiale est représentée par les fabriques, sur lesquelles des études particulières viendraient utilement compléter les exposés d'ensemble de M. Clément, « Recherches sur les paroisses et les fabriques au commencement du xne siècle d'après les registres des papes » [Mélanges de l'École française de Rome, 1895, p. 347-418) ; S. Sghrôcker, Die Kirchenpfleg- schaft, die Verwaltung des Niederkirchenvermôgens dutch Laïen seit dem ausgehenden Mittalter (1934) ; André Mutel, Le gouvernement temporel des paroisses : les conseils de fabrique, thèse, Lyon, 1970 (envisage leur histoire, de leurs origines à leur disparition en 1905). 44. Entretien de l'église et du mobilier cultuel ; soins des malades ; sépulture ; lutte contre les calamités, collectes, travaux publics, dans les statuts de l'archevêque de Bordeaux en 1255.
  • 16. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 19 place non négligeable dans la vie sociale. Sécurité, enseignement, assistance, vie artistique : quatre domaines dans lesquels la paroisse médiévale intervient activement 45. La paroisse assure la défense et prêche la paix. L'histoire ecclésiastique, autant que l'histoire de l'art, aurait besoin d'un catalogue des églises fortifiées. Si certaines ont été voulues par des évêques inquiets pour leur propre sécurité, d'autres, plus nombreuses, mais moins grandioses, servaient de refuge aux paysans du plat pays. De celles construites en pierre, le souvenir est mieux conservé. Mais des églises en bois furent aussi lieux de défense. Rares sont celles qui subsistent. On en pourrait cependant relever quelques exemples. Mais plutôt que de se défendre contre des attaques injustes, mieux vaut les prévenir et développer l'esprit de paix. Le rôle de l'initiative paroissiale et l'action des pasteurs locaux dans la propagation du mouvement de paix est difficile à cerner. Certains indices laissent penser qu'ils ne furent pas négligeables 46. La paroisse carolingienne avait fourni le cadre de l'enseignement élémentaire. Les capitulaires des souverains 47 et les ordonnances épis- copales 48 insistaient sur l'obligation faite au curé de donner aux enfants un enseignement gratuit. Sans doute songeait-on surtout aux besoins liturgiques et, à plus longue échéance, à la formation du futur clergé. Il n'en demeure pas moins que les paroisses ont été de bonne heure le lieu de l'enseignement élémentaire. Ce qu'avait tenté de réaliser la législation séculière et ecclésiastique carolingienne sera poursuivi au Moyen âge, avec une efficacité d'ailleurs inégale. L'ignorance d'une partie du clergé paroissial ne facilitait pas sa tâche pédagogique. L'éclat des universités, la longue tradition culturelle de grandes abbayes, éclipsent l'œuvre modeste des écoles de paroisse. Celles-ci persistèrent cependant. Elles chemineront à travers les siècles jusqu'à ce qu'elles trouvent le relais tardif d'un enseignement public. Le grand précepte évangélique de l'amour du prochain, de l'assistance aux pauvres et à ceux que frappent le malheur trouve dans la paroisse un lieu privilégié pour s'exercer. Circonscription peu étendue, elle facilite les relations personnelles et, par là même, l'accomplissement du devoir charitable. 45. On devrait également examiner son rôle dans la vie administrative, judiciaire, économique. L'église est utilisée comme grenier, comme lieu de réunion, pour la rédaction des actes ou les séances du tribunal. Les registres d'officialité font apparaître les multiples fonctions, tantôt aux limites du religieux et du séculier, tantôt purement séculières, qui incombent aux curés en plus de leur tâche proprement pastorale, cf. par exemple R. Aubenas, Recueil des lettres des officialites de Marseille et d'Aix, XIVe-XVQ s. (Paris, 1937). 46. Par exemple des entreprises comme celles des Encapuchonés du Puy, dans les dernières décades du xne siècle. 47. Par exemple Vadmonitio generalis de 789, c. 72 prescrivant des scholae legen- tium puerorum où les enfants apprendront le chant et la grammaire. 48. Capit. d'Hérard de Tours c. 17, de Théodulphe d'Orléans c. 20, d'Hincmar de Reims, c. 11, etc.
  • 17. 20 J. GAUDEMET Celui-ci était d'ailleurs impliqué dans les principes de l'obligation à la dîme et de son affectation aux paroisses 49. Aussi bien le système romain que le système espagnol de la répartition du produit des dîmes prévoient qu'une fraction (1/4 ou 1/3) sera affectée aux pauvres 50. Par les matricules, la paroisse conservait la liste des personnes secourues. La législation carolingienne en imposait la tenue aux prêtres des paroisses. Ceux-ci, sous le contrôle de l'archidiacre et de Févêque, géraient les fonds affectés aux « matricularii ». Deux conditions étaient exigées pour figurer sur cette liste : la pauvreté et l'incapacité de travail d'une part, la résidence dans la paroisse de l'autre. On est donc bien ici en présence d'une institution typiquement paroissiale 51. Mais si une législation carolingienne bien connue permet d'étudier les origines de ce système, on en suit beaucoup moins bien le fonctionnement pratique et l'efficacité du xie au xve s. Il y a là encore une phase importante de l'histoire de l'assistance qui reste à explorer, alors que l'on dispose maintenant d'une information plus ample pour le système hospitalier de l'Ancien Régime. Nous terminerons par une évidence : la place essentielle que tint la paroisse dans la vie artistique du Moyen âge. D'abord parce que l'église, dont les utilisations sont multiples, est aussi le lieu des spectacles. De la pompe liturgique aux jeux religieux des mystères, le glissement était peut-être insensible et ce serait une première explication de cet usage « profane » de l'église. Mais la raison profonde est sans doute dans la conception même que l'on se faisait de l'église, maison de Dieu, certes, mais aussi, et par conséquence, maison de ses enfants. Notre clivage du sacré et du profane, la crainte respectueuse qui sépare et qui isole, ne répondent pas aux mentalités médiévales. Comme l'église, le cimetière offre un emplacement pour des fêtes profanes. Pratique qui provoque des protestations conciliaires 52. Mais la répétition des défenses prouve que l'on se trouvait en présence d'un usage bien établi 53. La contribution majeure de la paroisse à l'art médiéval est sans conteste son église. Par leur seule architecture, les églises paroissiales 49. On consultera encore avec profit, Viard, Histoire de la dîme ecclésiastique en France aux XIIe et XIIIe s. (Dijon, 1909). A quoi on peut ajouter Catherine Boyd, Tithes and Parishes in Medieval Italy (Itaca, 1952) ; G. Constable, Monastic Tithes from their Origins to the Twelfth Century (Cambridge, 1964) ; Burns, « A medieval Incom-tax ; the Tithe in the Thirteenth Century, Kingdom of Valencia », Speculum, XLI (1966). 50. Partage romain en quatre : Simplice, lettre de 475 (Thiel, 176) = Décret de Gratien, C. XII qu. 2, c. 28 ; Gélase, lettre de 494, c. 27 (Thiel, 378) = Décret de Gratien C. VII, qu. 2, c. 27 ; autre lettre de date incertaine {Thiel, 498) ibid. c. 23. Partage espagnol en trois : concile de Tarragone 51.6, c. 8 ; Mérida 666, c. 14- 16 ; Tolède 693, c. 5, etc. 51. H. Bôrsting, Geschichte der Matrikeln von der Freikirche bis zurn Gegenwart (Freiburg im Br. 1959). 52. Concile provincial de Pont-Audemer de 1257, c. 8, statut de Cambrai (R.D.C. III, 1953, p. 158-159), etc. 53. Lucien Musset, « Le cimetière dans la vie paroissiale en Basse Normandie, xie-xme s. », Cahiers Leopold Delisle XII, 3 (1963), p. 7-27.
  • 18. LA PAROISSE AU MOYEN AGE 21 constituent l'une de ses manifestations les plus impressionnantes. Certaines sont l'œuvre somptueuse de grands maîtres. D'autres plus modestes, ne méritent pas moins d'attention. Par leur nombre, immense, par leurs qualités artistiques, leur imperfection même, elles témoignent d'un sens de la grandeur, d'une volonté opiniâtre, poursuivie à travers des générations, d'une générosité par l'apport du travail personnel ou de contributions financières, dont on souhaiterait que l'inventaire, sinon l'histoire impossible à retracer, soit dressé de façon exhaustive. Sans doute faut-il arrêter sur ce vœu un exposé déjà trop long et cependant très incomplet. Double déficience qui tient à un sujet trop riche. Puisse ce tour d'horizon sur la paroisse médiévale faire apparaître des zones encore obscures et par là suggérer sur un sujet sans doute inépuisable de nouvelles recherches. Jean Gaudemet.