[Extrait à retrouver dans la Gazette du Palais du 19 septembre 2017]
Voici un premier aperçu rapide de quelques-unes des principales mesures contenues dans les cinq ordonnances réformant le droit du travail qui ont été présentées par le Gouvernement le 31 août dernier, afin de ne pas passer sous silence des textes aussi importants, dans l'attente d'études plus complètes dans les prochaines éditions spécialisées « Droit du travail ».
Bref survol des ordonnances réformant le droit du travail
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Bref survol des ordonnances réformant le droit du travail 303s3
Voici un premier aperçu rapide de quelques-unes des principales mesures contenues dans les cinq
ordonnances réformant le droit du travail qui ont été présentées par le Gouvernement le 31 août
dernier, afin de ne pas passer sous silence des textes aussi importants, dans l’attente d’études plus
complètes dans les prochaines éditions spécialisées « Droit du travail ».
Les voilà, les ordonnances réformant le droit du
travail afin de « renforcer le dialogue social »,
conformément à l’intitulé figurant sur le site internet
du Gouvernement ! Il y en a cinq représentant un total
de 160 pages :
- l’ordonnance relative au compte professionnel de
prévention qui réforme le compte personnel de
prévention de la pénibilité ;
- l’ordonnance relative au renforcement de la négociation
collective qui redéfinit le cadre de la négociation
collective au niveau de l’entreprise et de la branche ;
- l’ordonnance relative à la nouvelle organisation
du dialogue social et économique dans l’entreprise et
favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités
syndicales qui réécrit, pratiquement, toute la partie du
Code du travail relative aux institutions représentatives
du personnel ;
- l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurité des
relations de travail, axée sur la rupture du contrat de
travail, qui comprend, notamment, le plafonnement
des indemnités prud’homales en cas de licenciement
abusif, et des dispositions sur le télé-travail, les contrats
précaires et les contrats de chantiers ;
- l’ordonnance portant diverses mesures relatives au
cadre de la négociation collective qui contient quelques
mesures sur l’extension et l’élargissement des
accords et la représentativité au niveau national et
multiprofessionnel.
Le tout est accompagné d’une brochure de présentation
très « com » élaborée par le ministère du Travail qui
insiste sur le fait que cette réforme du Code du travail
– par ailleurs très importante – donne la priorité
aux TPE et PME, notamment en élargissant leur
possibilité de négocier, en sécurisant les procédures de
licenciement et en instituant une nouvelle obligation
pour les accords de branche qui devront prévoir des
dispositions spécifiques tenant compte de la réalité de
ces entreprises. En réalité, ces nouvelles dispositions
sont également favorables aux très grandes entreprises
– par le fait que lors des licenciements pour motif
économique, seules seront prises en compte, sauf abus,
leurs difficultés évaluées sur le plan national – et, plus
généralement, à toutes les entreprises, en raison de la
grande flexibilité qu’elles instaurent, facilitant ainsi la
gestion du personnel.
“ Cette réforme du droit du travail,
tout en donnant la priorité aux TPE
et PME, s’avère favorable à l’ensemble
des entreprises en raison de la flexibilité
qu’elle apporte
”Comme il l’a été dit dans l’éditorial du présent numéro,
cette notule n’a pour but que de signaler les mesures
qui nous paraissent les plus importantes. Le contenu
des ordonnances fera l’objet d’analyses détaillées dans
les prochaines éditions spécialisées « Droit du travail ».
Une mesure surprise : la rupture conventionnelle
collective. Elle n’était pas attendue ! Un accord collectif
pourra définir les conditions de rupture d’un commun
accord des contrats de travail. Son contenu est précisé
et il devra être homologué par l’administration. Cette
mesure permettra d’adapter les effectifs de l’entreprise
à l’évolution de cette dernière, sans passer par les aléas
d’un licenciement pour motif économique.
Le plafonnement des indemnités allouées par le
conseil des prud’hommes en cas de licenciement sans
motif réel et sérieux. Le montant de ces indemnités
va d’un mois de salaire pour les salariés ayant moins
d’un an d’ancienneté, à 20 pour ceux ayant 30 ans
d’ancienneté et au-delà.
Il est précisé que :
- pour déterminer le montant de l’indemnité, le juge
peut tenir compte des indemnités de licenciement
versées à l’occasion de la rupture du contrat. Notons
que l’indemnité légale de licenciement est augmentée
de 25 % ;
- un barème spécifique est prévu pour les entreprises
de moins de 11 salariés, qui va de 0,5 mois pour un an
d’ancienneté à 2,5 mois pour 10 ans ;
- ce plafond ne s’applique pas pour les licenciements
déclarés nuls en application d’une disposition législative
(violation d’une liberté fondamentale, harcèlement
moral et sexuel, discrimination, etc.) ; dans ce cas, il
est alloué au salarié une indemnité qui ne peut être
inférieure aux salaires des six derniers mois ;
- toute action portant sur la rupture du contrat sera
prescrite par 12 mois à compter de la notification de
la rupture.
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Nouvelles règles concernant la négociation. Elles
sont nombreuses. Outre l’ouverture de nombreux
nouveaux champs de négociation, il convient, sans
prétendre à l’exhaustivité, de signaler les mesures
suivantes :
- dans les entreprises dont l’effectif est inférieur
à 11 salariés, l’employeur peut proposer aux salariés un
projet d’accord portant sur l’ensemble des thèmes de
négociation prévus par le Code du travail. La validité
de l’accord est subordonnée à sa ratification à la
majorité des 2/3 du personnel. Il en est de même pour
les entreprises de 11 à 20 salariés en l’absence de comité
social et économique (cf. infra) ;
- dans plusieurs domaines importants (salaires minima,
classification, durée du travail, CDD, contrat de
chantier, égalité professionnelle, etc.), les stipulations
de l’accord de branche prévalent sur celles des accords
d’entreprise, sauf lorsque ceux-ci assurent des garanties
équivalentes ;
- dans d’autres domaines (risques professionnels,
travailleurs handicapés, délégués syndicaux, primes
pour travaux dangereux et insalubres), l’accord
d’entreprise ne peut comporter des mesures différentes
de celles de l’accord de branche que lorsque celui-ci le
stipule, sauf si l’accord d’entreprise assure des garanties
au moins équivalentes ;
- l’ensemble des accords conclus avec les délégués
syndicaux devront été majoritaires à compter du
1er
mai 2018 et non du 1er
septembre 2019, comme
indiqué dans la loi El Khomri ;
- des observatoires tripartites d’analyse et d’appui
au dialogue social et à la négociation au niveau
départemental sont créés. Ils auront pour mission « de
favoriser et d’encourager le développement du dialogue
social et la négociation au sein des entreprises de moins
de 50 salariés ».
Fusion des institutions représentatives du per-
sonnel : le conseil social et économique. Les délégués
du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le
comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail
(CHSCT) sont fusionnés en une seule institution : le
comité social et économique (CSE).
Dans les entreprises comptant entre 11 et 49 salariés,
les attributions du CSE sont celles des actuels DP. Dans
les autres, elles sont calquées sur celles des CE et des
CHSCT. À noter qu’une nouvelle commission « Santé,
sécurité et conditions de travail » peut être instituée
par accord. Elle est obligatoire dans les entreprises
et établissements d’au moins 300 salariés et dans les
établissements comportant au moins une installation
nucléaire de base.
Le nombre des représentants du personnel constituant
cette nouvelle institution et le volume de leur crédit
d’heures seront fixés par décret.
Apparaissent deux OVNI sur lesquels l’ordonnance est
peu prolixe :
- des « représentants de proximité » qui peuvent être
institués par accord. Ils sont membres du conseil social
et économique ou désignés par lui ;
- un « conseil d’entreprise », également institué par
accord. Il aura les mêmes attributions que le CSE
mais pourra, en outre, négocier, conclure et réviser les
accords d’entreprise et d’établissement, à l’exception
de ceux qui sont soumis à des règles de validation
spécifique. L’accord fixera les thèmes qui devront
recueillir l’avis conforme du conseil d’entreprise, qui
incluront obligatoirement l’égalité professionnelle et la
formation. Selon le ministère du Travail, il s’agit là de
la « mise en place d’une co-décision à la française ».
Quelques petites gâteries pour les représentants
du personnel. Il est de bonne politique, dans de
pareils textes, d’inclure de petits avantages pour les
représentants du personnel afin de s’attirer leurs
bonnes grâces. Les ordonnances ne dérogent pas à cette
tradition. Ainsi prévoient-elles :
- un accès à la formation et au bilan de compétences
renforcé pour concilier engagement syndical et
évolution professionnelle ;
- le renforcement des possibilités d’évolution vers
l’Inspection du travail ;
- le maintien par l’employeur de la rémunération
du salarié bénéficiant d’un congé de formation
économique, sociale et syndicale.
Dates d’application. Ces ordonnances, après
consultation de diverses instances, seront présentées
et adoptées en conseil des ministres le 22 septembre
prochain. Elles entreront en vigueur :
- le 1er
octobre 2017 pour celle relative au compte
professionnel de prévention ;
- à la date de publication des décrets pris pour leur
application, et au plus tard le 1er
janvier 2018, pour
celles relatives respectivement au renforcement de la
négociation collective, à la nouvelle organisation du
dialogue social et économique dans l’entreprise, et aux
diverses mesures relatives au cadre de la négociation
collective ;
- l’ordonnance sur la prévisibilité et la sécurisation des
relations de travail prévoit une application échelonnée
de ses différentes dispositions, qui va de sa date de
promulgation à celle de la publication des décrets
d’application, au plus tard le 1er
janvier 2018 pour les
mesures en nécessitant.
Pierre Le Cohu
Conseil en droit social, FIDERE Avocats
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