D’un côté, la procédure « Renault » … De l’autre, l’harmonisation des statuts ouvrier et employé qui devrait être mise en oeuvre pour juillet 2013 … Depuis quelques mois et pour cette année 2013 encore, quel est l'impact de l'un sur l'autre ? Augmentation des coûts, retards dans des restructurations parfois indispensables, délais allongés, ...
La procédure « Renault » prise en otage par le statut unique ?
1. La procédure « Renault » prise en otage par le statut unique ?
D’un côté, la procédure « Renault » …
Lors d’une restructuration, la procédure « Renault » impose une phase préalable d’information
et de consultation à l'employeur qui entend procéder à un licenciement collectif.
Celle-ci comprend trois étapes essentielles :
- l’employeur présente un rapport écrit dans lequel il fait part au personnel de son intention
de procéder à un licenciement collectif ;
- il doit permettre aux membres représentant le personnel au conseil d'entreprise (CE) ou, à
défaut de celui-ci, aux membres de la délégation syndicale (DS) ou, à défaut de celle-ci,
aux travailleurs, de poser des questions à propos du licenciement collectif envisagé et de
formuler des arguments ou de faire des contre-propositions à ce sujet ;
- il doit avoir examiné, dans un contexte de débats contradictoires, les questions, arguments
et contre propositions et y avoir répondu.
Si la durée de cette phase n’est pas précisée par la loi, elle doit en principe être clôturée avant
d’entreprendre la négociation du plan social et la mise en œuvre du processus de licenciement
collectif, la fin de la procédure d’information et de consultation étant effective lorsque les
travailleurs ou leurs représentants au sein du CE ou de la DS marquent leur accord sur le fait
qu’ils ont été suffisamment informés, que tous les documents nécessaires ont été
communiqués, que toutes les alternatives au licenciement ont été évaluées.
Si l’employeur estime avoir développé toute l’information et l’argumentation nécessaire mais
que les représentants du personnel ne partagent pas cette opinion, le processus s’enlise alors
dans un conflit faisant intervenir un conciliateur social et/ou se transforme en litige qui sera
porté devant les juridictions du travail.
Un exemple concret ? Dans le cadre de la restructuration en cours d’Arcelor Mittal à Liège, la
phase d’information et de consultation - ponctuée de l’intervention d’un conciliateur social - a
duré quasi 12 mois.
Si le plan social se négocie parfois de façon informelle alors que la phase d’information et de
consultation n’est pas clôturée, conditionnant même la fin de celle-ci, la négociation formelle
suit en principe la clôture de cette phase.
De l’autre, l’harmonisation des statuts ouvrier et employé …
D’ici sept mois, pour le 08/07/13, l'Etat belge devra avoir harmonisé les statuts « ouvrier » et
« employé » : c'est le dernier délai accordé par la Cour constitutionnelle à l'exécutif fédéral
pour régulariser une situation qu'elle estime contraire aux principes d’égalité et de non
discrimination. L'Etat et les partenaires sociaux devront alors appliquer des règles identiques
aux deux catégories de travailleurs, à défaut d'avoir entretemps déterminé un nouveau régime
conforme à la Constitution.
Les entreprises estiment majoritairement que cette harmonisation aura un impact à la hausse
sur l'évolution salariale, sur les assurances et les plans de pension ainsi que sur une
redéfinition structurelle des fonctions. Que la législation ait été adaptée ou non, de très
nombreuses entreprises se trouveront dans une nouvelle situation à partir de cette date,
puisque toute personne pourra se prévaloir de cette obligation devant les juridictions du
travail.
Un léger rapprochement a été réalisé avec la nouvelle loi AIP du 12/04/11 sur les délais de
préavis en vigueur depuis le 01/01/12, mais c’est insuffisant au regard des exigences de
l’Union européenne qui exige une harmonisation des statuts dans tous les pays européens et
de l’ultimatum de la Cour Constitutionnelle.
P. Namotte & O. Moreno L’Echo 06/12/2012 1/2
2. Dans sa présentation du Budget, le gouvernement a réitéré sa demande aux partenaires
sociaux, en vue de l'élaboration, avant fin mars 2013, d'une solution concernant le problème
des statuts des ouvriers et des employés. Il y a fort à parier que le gouvernement tentera de
prendre le relai si les discussions s’enlisent définitivement au printemps 2013.
Et la combinaison des deux donne …
Dans le contexte actuel, d’une part, les organisations syndicales et leurs membres sont
inquiets des conséquences de la situation économique, sur le « qui vive », et, d’autre part, il
est peu probable que le pouvoir politique, déjà acculé à prendre des décisions peu populaires,
en prenne d’autres qui pourraient être perçues négativement par les salariés. En l’occurrence,
il est donc probable que quoi qu’il arrive, le coût du préavis des ouvriers soit plus élevé à brève
échéance.
Si, même dans une conjoncture économique stable, voire en croissance, un certain nombre
d’entreprises doivent se réorganiser pour assurer leur pérennité, quelles qu’en soient les
raisons, la crise que nous connaissons aujourd’hui multiplie de façon exponentielle les
organisations qui doivent se restructurer et, malheureusement, réduire le nombre de
personnes occupées. Dans certains cas plus qu’en des circonstances moins turbulentes, il s’agit
bien d’une question de survie, de préserver – parfois dans des délais très courts - l’activité et
une partie des emplois qui y sont liés.
Or, quand la restructuration concerne des personnes sous statut ouvrier, quel va être l’impact
de la procédure « Renault » et du non règlement de la question de l’harmonisation des statuts
ouvriers / employés sur les restructurations en cours depuis quelques mois ou qui vont
débuter ?
On peut s’attendre à ce que les organisations syndicales, légitimement, jouent pleinement leur
rôle premier qui est de défendre les intérêts de leurs affiliés et, dans la mesure où, quoi qu’il
arrive, le statut employé pourrait être revendiqué pour tout travailleur salarié au plus tard au
08/07/13, aucun accord ne devrait plus être conclu avant cette échéance s’il ne contient pas
une indemnisation des préavis au moins égale à ce que recevrait un employé dans les mêmes
conditions plus une « prime de départ ». Si ces conditions ne sont pas réunies, il y a fort à
parier que les processus de négociation initiés avant juillet 2013 se poursuivront bien au-delà
…
Conséquences ?
Des restructurations déjà envisagées, initiées ou sur le point de l’être doivent, si cela n’a pas
été fait, intégrer ces coûts supplémentaires ainsi qu’une augmentation de la durée de la
procédure.
Si, d’aventure, l’employeur envisage de ne concéder que ce qui est applicable actuellement en
regard du statut ouvrier, il doit s’attendre à ce que la procédure s’éternise.
Certaines organisations doivent avoir intégré ces difficultés dans leur analyse et ont : soit
contourné la procédure « Renault », soit postposé la restructuration envisagée.
Enfin, on peut imaginer que, dans la plupart des cas, la réorganisation était indispensable pour
tenter de revenir à la rentabilité, préserver l’entreprise et une partie de ses emplois. Tout
retard ne fera donc qu’aggraver la situation de celle-ci voire la condamnera définitivement à
court ou moyen terme.
Une question ? Posez-la à namotte-patrick@skynet.be
Plus d’infos sur les auteurs :
Olivier Moreno, Avocat DS Avocats http://tinyurl.com/cc2rx6g
Patrick Namotte, Consultant indépendant http://tinyurl.com/c6j37o6
P. Namotte & O. Moreno L’Echo 06/12/2012 2/2