Le 04/08/11, dans un article intitulé « Apartheid social », nous avons évoqué le récent arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnelle la différence de traitement entre les ouvriers et les employés en matière de jour de carence et de préavis.
18 ans plus tôt, le 08/07/93 très exactement, la Cour Constitutionnelle avait déjà tiré la première semonce : distinguer des catégories de travailleurs selon qu’ils sont manuels ou intellectuels pour les traiter différemment est une distinction qui ne peut être tolérée qu’en raison de l’histoire et qui doit disparaître progressivement. Nous savons maintenant que la nouvelle loi sur le contrat de travail (unique ?) devra exister pour le 08/07/13, soit au vingtième anniversaire de cette première décision.
Depuis 1993, le courage politique et la créativité des partenaires sociaux ont manqué. 18 ans sont passés sans que la discrimination ne disparut. La position défensive adoptée, pour des raisons différentes, par les organisations patronales et les organisations syndicales d’employés, n’y est pas étrangère. Tout récemment, l’accord interprofessionnel 2011 avorta notamment sur cette question et donna lieu à quelques aménagements cosmétiques sous la houlette du gouvernement en affaires courantes. Trop peu, trop tard.
Qui sera le cœur vaillant qui extirpera Excalibur de son fourreau de pierre et sauvera ainsi le royaume de la carence?
1. P.
Namote
&
B-‐H.
Vincent
L’Echo
01/09/2011
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Excalibur
Le 04/08/11, dans un article intitulé « Apartheid social », nous avons évoqué le récent arrêt de la
Cour constitutionnelle déclarant inconstitutionnelle la différence de traitement entre les ouvriers et
les employés en matière de jour de carence et de préavis.
18 ans plus tôt, le 08/07/93 très exactement, la Cour Constitutionnelle avait déjà tiré la première
semonce : distinguer des catégories de travailleurs selon qu’ils sont manuels ou intellectuels pour
les traiter différemment est une distinction qui ne peut être tolérée qu’en raison de l’histoire et qui
doit disparaître progressivement. Nous savons maintenant que la nouvelle loi sur le contrat de
travail (unique ?) devra exister pour le 08/07/13, soit au vingtième anniversaire de cette première
décision.
Depuis 1993, le courage politique et la créativité des partenaires sociaux ont manqué. 18 ans sont
passés sans que la discrimination ne disparut. La position défensive adoptée, pour des raisons
différentes, par les organisations patronales et les organisations syndicales d’employés, n’y est pas
étrangère. Tout récemment, l’accord interprofessionnel 2011 avorta notamment sur cette question
et donna lieu à quelques aménagements cosmétiques sous la houlette du gouvernement en affaires
courantes. Trop peu, trop tard.
Qui sera le cœur vaillant qui extirpera Excalibur de son fourreau de pierre et sauvera ainsi le
royaume de la carence ?
L’enjeu crucial : la durée des préavis
L’essentiel de l’harmonisation de ces statuts porte sur les conséquences de l’évolution de la durée du
préavis qui doit être calquée sur celui des employés selon les uns - c’est à dire allongée pour les
ouvriers -, qui doit s’approcher de celle des ouvriers selon les autres c’est à dire réduite pour les
employés (60 % des salariés).
Les représentants des employeurs visent une réduction des coûts et un accroissement de la
flexibilité des contrats qui à certains endroits va à l’encontre des politiques de rétention. Les
représentants des salariés dénoncent une moindre stabilité des contrats, un accroissement de leur
précarité qui donnera cependant à certains – une minorité – l’opportunité de changer plus
facilement de job.
Quelques éléments de réflexion :
● le taux moyen annuel de turnover du personnel au sein des salariés pour licenciement est de
5% ;
● si le préavis est en principe presté et, en l’espèce, ne constitue donc pas un coût, il n’en reste
pas moins que l’exécution de ce préavis peut parfois s’avérer problématique de telle sorte que le
versement de l’indemnité de rupture apparaît alors comme la solution de repli qui s’impose ;
Des mondes différents ?
Outre la difficulté de faire accepter ces évolutions aux différents acteurs directement concernés
qu’ils soient salariés ou employeurs, il faut savoir que sur le terreau de cette distinction sociale se
sont créés des mondes sociaux différents : nombre de caisses ou fonds sociaux qui contribuent au
financement tant des organisations patronales - ce sans quoi certaines n’existeraient pas ou plus -
que syndicales, nombre de structures, de centrales syndicales … sont liés à ces statuts et
l’unification sociale risque d’ébranler les répartitions actuelles de rôles, de moyens, de financements
- bref de pouvoir(s) - notamment au sein des organisations syndicales.
2. P.
Namote
&
B-‐H.
Vincent
L’Echo
01/09/2011
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Evolution de notre système de concertation sociale ?
Traditionnellement, en Belgique, les partenaires sociaux débattent, décident puis le politique
transpose en normes légales ce dont ils ont convenu à l’unanimité. Dans ce dossier précis, peuvent-
ils trouver un accord dans le délai imparti alors que les organisations syndicales voient leur position
(harmonisation par le haut) confortée par cet arrêt ? Un accord des partenaires sociaux est-il encore
possible ou le législateur devra-t-il prendre des mesures sans eux ? Plus largement, le rôle des
partenaires sociaux / la concertation sociale doit-elle évoluer et, si oui, comment ?
Quelle réaction des tribunaux du travail ?
Quelles sont les conséquences immédiates de l’arrêt du 07/07/11 ? Dire que les droits
constitutionnels sont violés et admettre ceci durant deux ans est confondre juridique et politique.
Les tribunaux du travail vont-ils accepter de violer les droits constitutionnels des justiciables
ouvriers sans leur offrir de contrepartie? Que sera cette contrepartie? En d’autres mots, comment
seront arbitrés les dommages et intérêts complémentaires au préavis inconstitutionnel ? A la mesure
du préavis de l’employé ? Du dommage moral forfaitaire ?
Et que se passera-t-il le 08/07/13 si aucune loi d’unification n’a vu le jour ? On peut déjà parier que
le régime des employés deviendra la référence obligée pour être le seul régime non critiqué ? Ce
sera alors un level-up généralisé.
Ce débat n’en n’occulte-t-il pas un autre : comment faire évoluer le processus belge de licenciement
pour qu’il soit éthique pour tous et viable pour les entreprises ?
Une question ? Posez-la à namotte-patrick@skynet.be
Plus d’infos sur les auteurs :
Patrick Namotte, Consultant indépendant http://tinyurl.com/c6j37o6
Bruno-Henri Vincent, Avocat Litis S http://tinyurl.com/czxac9g