Nombre d’employés se plaignent de faire l’objet de licenciements arbitraires et ne peuvent admettre de perdre leur emploi sans juste motif. De façon plus globale, comment faire évoluer le processus belge de licenciement pour qu’il soit éthique pour tous et viable pour les entreprises ?
1. P.
Namote
&
B-‐H.
Vincent
L’Echo
03/10/2011
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Exit le travailleur « Kleenex »?
Les débats actuellement en cours sur l’évolution des préavis est une conséquence inéluctable de
l’harmonisation des statuts ouvriers et employés qui devra aboutir dans les prochaines années (voir
nos articles précédents sur le sujet).
Ceux-ci portent, pour l’essentiel, sur la durée des préavis. Mais ce n’est qu’un des aspects de cette
problématique. Nombre d’employés se plaignent de faire l’objet de licenciements arbitraires et ne
peuvent admettre de perdre leur emploi sans juste motif. De façon plus globale, comment faire
évoluer le processus belge de licenciement pour qu’il soit éthique pour tous et viable pour les
entreprises ?
Le préavis est la période au terme de laquelle l’autre partie est avertie de ce que le contrat va
prendre fin et sa durée dépend de l’ancienneté pour les ouvriers et les employés dont la
rémunération annuelle est inférieure à 30 535 €. Pour les employés dont la rémunération est
supérieure à ce seuil, la durée du préavis est fixée en tenant compte de l’ancienneté, l’âge, la
rémunération et la fonction voire les motifs et circonstances du licenciement.
Pour les employés engagés à partir du 1er
janvier 2012 cette durée sera d’environ un mois par
année d’ancienneté.
Aucune procédure préalable au licenciement n’est imposée, pas plus que d’obligation de prouver
l’existence d’un juste motif. La longueur du préavis est censée dissuader du geste irréfléchi.
Il s’agit d’un licenciement lorsqu’il est donné par l’employeur, d’une démission s’il émane du
travailleur et les parties peuvent également mettre fin au contrat, sans préavis ou moyennant un
préavis partiel, moyennant paiement d’une indemnité (indemnité de rupture).
La motivation du licenciement ?
En Belgique, contrairement à d’autres pays, le licenciement ne doit pas être motivé. Lorsqu’il y a
rupture de contrat de travail moyennant préavis, lettre de préavis ou licenciement sur le champ, les
mentions obligatoires sont uniquement le début et la durée du préavis, et pas le motif de
licenciement. L’employeur est seul juge de l’opportunité de licencier un travailleur et il n’est pas
tenu d’exprimer les motifs pour lesquels il est licencié. Seul le document C4 mentionnera le motif,
souvent énoncé en termes généraux, sans possibilité de mettre cela en lien avec des faits précis.
Si, en théorie, l’employeur ne peut licencier un employé sans aucun motif, ou par pur caprice ou
pour des motifs illicites dont, en particulier, des motifs discriminatoires, dans la pratique il en va
autrement. Nombre d’employés font l’objet de licenciements totalement évitables ou pour des motifs
futiles voire discriminatoires (âge, langue, appartenance ethnique,…) sans pouvoir s’y opposer car il
y aura toujours un prétexte officiel à leur licenciement.
Si l’employé parvient néanmoins à démontrer l’abus de l’employeur ou l’atteinte à son honneur, il
pourra en demander réparation, mais il s’agira d’un dommage moral souvent d’un montant
symbolique.
Pour les ouvriers, le droit de licencier ne peut être exercé que pour des motifs qui ont un lien avec
l’aptitude ou la conduite du travailleur ou fondés sur les nécessités de fonctionnement de
l’entreprise. Ce sera à l’employeur de démontrer l’existence de motifs proportionnés à la décision de
licencier, à défaut il sera redevable d’une indemnité de six mois de salaire.
2. P.
Namote
&
B-‐H.
Vincent
L’Echo
03/10/2011
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Et le respect de la personne ?
Est-ce équitable, respectueux de la personne du travailleur de le priver de son travail sans que ne lui
soient communiqués les motifs de cette décision lourde de conséquences ?
Ceci entre par ailleurs en contradiction avec des dispositions internationales telles que celles de l’OIT
en termes de motivation du licenciement (R166) ou qui préconisent qu’ « un travailleur ne devra pas
être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la
possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas
raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité » (C158) ou encore, celles de
la Charte européenne des droits sociaux dont l’article 24 précise que « tous les travailleurs ont droit
à une protection en cas de licenciement ».
Un processus de licenciement plus éthique ?
Nous faisons deux suggestions :
1. Si le licenciement est envisagé pour des raisons économiques, celles-ci doivent être validées par
une instance externe à l’entreprise ;
2. Si le licenciement est justifié par l’aptitude ou la conduite du travailleur, tous les griefs doivent
être motivés clairement et préalablement - sous peine d’annulation du congé et donc, la
poursuite des relations de travail - de telle sorte que le destinataire puisse en apprécier le bien
fondé, s’en défendre, avoir l’opportunité de former un recours et pour permettre à la juridiction
compétente d’exercer son contrôle.
N’est ce pas là le minimum d’équité, de respect de la personne ?
Une question ? Posez-la à namotte-patrick@skynet.be
Plus d’infos sur les auteurs :
Patrick Namotte, Consultant indépendant http://tinyurl.com/c6j37o6
Bruno-Henri Vincent, Avocat Litis S http://tinyurl.com/czxac9g