Les incidents sociaux en 10 questions: qu'est-ce que c'est ? leur origine ? et les irritants sociaux ? une politique de prévention en matière d'incidents sociaux ? que faire face à un incident social ? l'incident social, une menace ou une opportunité ? comment est-ce qu'on ne l'a pas vu venir ? le lien entre dimension humaine et incidents sociaux ? les acteurs lors d'incidents sociaux ? les syndicats sont-ils à l'origine des incidents sociaux ? une analyse des causes réelles de l'incident social ? Une analyse de ces différents aspects faite avec Hubert Landier (
1. P. Namotte & H. Landier L’Echo 09 et 10/2009 1/3
Incidents sociaux et relations sociales
Qu’est ce qu’un incident social ?
Par « incident social », il faut entendre tous les incidents, légers ou graves, qui émaillent
les relations sociales dans l’entreprise : tracts inhabituels, mouvements de protestation,
grèves, conflits mais aussi la progression de l’absentéisme, les manifestations graves de
stress, etc.
Ces comportements ne sont pas fortuits. Dans certains cas, ils constituent une réaction à
des décisions dont les conséquences seront négatives pour les salariés ; par exemple,
une restructuration qui débouchera sur des suppressions d’emplois. Mais, même hors de
ce contexte, il arrive fréquemment que les incidents sociaux surviennent d’une façon
totalement imprévue.
Ils sont alors le signe d’un disfonctionnement des relations sociales. L’employeur n’a pas
vu, ou n’a pas voulu voir, que le management pratiqué dans l’entreprise débouchait sur
des situations insupportables aux yeux des salariés.
Quels sont les principaux dysfonctionnements qui se trouvent à l’origine des
incidents sociaux ?
L’expérience montre que l’origine des incidents sociaux ne correspond pas toujours, loin
de là, avec les motifs mis en avant par les média à l’occasion, par exemple, des
mouvements de grève dont ils rendent compte. La question des salaires, en particulier,
dissimule bien souvent des motifs d’insatisfaction beaucoup plus circonstanciés auxquels
on donnera l’appellation d’irritants sociaux.
Ceux-ci consistent en tous ces petits problèmes de la vie quotidienne dans l’entreprise,
qui gâchent plus ou moins la vie de salariés et auxquels la direction, par négligence ou
parce qu’elle n’en a pas connaissance, s’abstient d’apporter une solution. Il s’agira par
exemple, de comportements inadéquats de la hiérarchie, de l’absence de réponse aux
questions ou aux suggestions d’amélioration, des incertitudes sur les critères de
promotion, d’une disponibilité insuffisante de l’encadrement, ou encore d’une absence
d’information sur le devenir de l’entreprise.
Il suffit alors d’un fait déclencheur – « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » – pour
que les salariés manifestent que « ce n’est plus possible ». Ils exprimeront alors souvent
leur ras-le-bol en termes d’exigences. Mais celles-ci ne doivent pas faire illusion : elles ne
sont que l’expression d’un malaise qui résulte d’autres causes, qu’il s’agira alors de
découvrir afin d’y porter remède de façon durable.
Est-il possible pour l’entreprise de mener une politique de prévention des
incidents sociaux ?
De même qu’une politique de gestion de la qualité passe par une action préventive qui
permettra d’éviter pannes et défauts, il est possible pour l’entreprise de mener une
politique qui lui permettra d’éviter les incidents sociaux. Il lui faut, pour cela, mettre en
place un dispositif de veille sociale.
Celui-ci consiste en une écoute permanente à tous les niveaux et passe par le recueil
ainsi que l’analyse des « signaux faibles » : progression de l’absentéisme, des accidents
de travail, des retards, des erreurs, des casses d’outils ou encore, des pannes résultant
de négligences, volontaires ou non. Ce sont là autant de signaux avertisseurs d’une
dégradation de l’ambiance de travail. Il pourra être également utile de procéder à une
enquête d’opinion interne, ou mieux, à un audit de climat social.
A quoi faut-il veiller face à un incident social ?
Il n’existe pas de « solution idéale » applicable en toutes circonstances.
Cela étant, les mesures adoptées doivent être soutenables sur le long terme en matière
de coûts, d’organisation ou de gestion des compétences et les accords doivent être
appliqués dans leur intégralité.
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Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le comportement futur des acteurs sera
influencé par la façon dont le processus aura été géré.
Enfin, l’incident social constitue un symptôme de dysfonctionnement qu’il convient
d’exploiter.
L’incident social, menace ou opportunité ?
Lorsque, à la suite d’un incident social, la situation est revenue à la normale, pour la
direction de l’entreprise, il est très tentant de ne pas en rechercher les causes ou de s’en
tenir à un diagnostic superficiel et de stigmatiser « ces meneurs » de mouvement ou les
syndicalistes qui en seraient à l’origine.
En fait, ceux-ci ne sont bien souvent que les porte-parole de réactions qui s’expliquent
par autre chose qu’une quelconque volonté de nuire et, à partir du moment où l’incident
s’est produit, la direction de l’entreprise a tout intérêt à transformer la situation en
opportunité d’évolution cad à en rechercher les causes véritables avec d’autant plus
d’acuité que celles-ci se réduisent rarement aux motifs d’indignation mis en avant par les
salariés et leurs représentants.
Les qualiticiens savent bien qu’un défaut constaté sur un produit est l’aboutissement de
défaillance dans la chaîne de production. Le constat est pour eux l’occasion de remonter
aux causes afin d’y remédier. Il n’en va pas autrement dans le domaine des relations
sociales. L’incident doit constituer une opportunité d’évolution qui, par une réflexion sur
les circonstances qui ont conduit les salariés à manifester leurs réactions négatives,
permettra autant que possible de mettre en œuvre des actions correctives qui
permettront d’éviter sa reproduction pour les mêmes raisons.
Comment se fait-il que les circonstances à l’origine des incidents sociaux n’aient
pas été évitées à l’avance ?
Certains employeurs ne savent pas nécessairement bien quelles sont les réactions des
salariés aux évènements qui ponctuent la vie de l’entreprise et/ou leur attention est
largement accaparée par les questions financières ou commerciales. Il en résulte que
l’incident social, lorsqu’il survient, les surprend. De leur point de vue, rien ne laissait
prévoir que des membres du personnel allaient menacer de se mettre en grève ou
arrêter le travail.
Cette surprise peut largement résulter du peu d’importance accordée à la dimension
humaine de l’entreprise par rapport à sa dimension économique ou commerciale. Il
arrive, a posteriori, que l’on s’avise de ce qu’un certain nombre de « signaux faibles » ont
été négligés alors qu’ils auraient dû attirer l’attention des dirigeants et susciter de leur
part des mesures correctives.
Quel lien y a-t-il entre dimension humaine de l’entreprise et incidents sociaux ?
Au-delà des outils qui permettent de détecter les évolutions défavorables du climat
social, il est impératif que la direction soit avant tout persuadée que la dimension
humaine de l’entreprise doit être prise en compte au même titre que ses dimensions
commerciale, financière ou technique.
Il y a au moins deux bonnes raisons d’adopter cette attitude :
- d’une part, un incident social peut se montrer aussi coûteux qu’une défaillance
technique ou un retard de livraison ;
- d’autre part, entre deux entreprises concurrentes exploitant la même technologie à
l’intention d’un même marché, sur le long terme, celle qui accorde le plus d’attention
à l’humain, à la qualité de ses relations sociales, aura davantage de chances de
s’imposer.
Quels sont les acteurs potentiels lors d’incidents sociaux ?
Pour les salariés, ce sont les organisations syndicales « représentatives », les
représentants du personnel élus ou désignés mais aussi le personnel individuellement ou
organisé en collectivités hors organisations syndicales « représentatives ». En effet, si
cette dernière hypothèse est jusqu’à présent moins fréquente en Belgique que
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notamment en France du fait de l’impossibilité pour de nouveaux syndicats d’accéder à la
représentativité, elle n’est pas exclue.
Pour l’employeur, ce sont les organisations professionnelles qui peuvent prendre
différentes formes, des représentants de l’entreprise - dirigeants ou cadres -, mais aussi
lorsqu’il n’est pas présent dans cette dernière catégorie, le détenteur des capitaux et
enfin, tout membre de l’encadrement en ce qu’il est l’animateur au quotidien de la
relation entre l’employeur et le personnel.
Est-ce que ce sont les syndicats qui sont à l’origine des incidents sociaux ?
Les dirigeants d’entreprise s’imaginent souvent que ce sont les syndicats qui sont à
l‘origine des débrayages ou des mouvements de grève. Les choses sont plus
compliquées. Les représentants syndicaux, quelle que soit leur volonté, seraient bien
incapables de « mettre les salariés en grève » si ceux-ci n’avaient pas de bonnes raisons
pour le faire. Les représentants du personnel, expriment le point de vue de leurs
mandants beaucoup plus qu’ils ne se comportent en leaders dont les mots d’ordre
seraient aveuglément suivis.
Evidemment, ils réagissent dans le style qui leur est propre et en tenant compte de la
politique d’action spécifique à leur organisation syndicale. Ils peuvent, soit s’efforcer de
temporiser ou de trouver un accommodement avec la direction, soit mettre de l’huile sur
le feu et en profiter pour tenter de renforcer leur pouvoir. Mais ils ne sont pas seuls en
cause : tout dépend en effet largement de la qualité des relations sociales que
l’employeur a su construire avec le temps.
L’entreprise, dans une certaine mesure, a les syndicats qu’elle mérite. Si elle néglige leur
point de vue, si elle manifeste à leur égard une attitude de mépris ou agressive, elle
récoltera en retour une attitude également de mépris ou agressive. Un comportement
ouvert et attentif - ce qui ne veut pas dire faire preuve d’une faiblesse complaisante -
peut au contraire susciter une atmosphère de dialogue qui permettra de prévenir les
incidents sociaux.
Comment analyser les causes réelles d’un incident social, après que celui-ci soit
survenu ?
Cette démarche est relativement complexe parce que les contextes sont chaque fois
spécifiques et les intervenants multiples, chacun possédant une partie des informations.
Il convient d’arriver à reconstituer les faits, leurs origines et les motivations en
interviewant un panel pertinent des protagonistes – tant parmi la hiérarchie que parmi le
personnel - voire à procéder à une mise en commun.
Un processus d’analyse d’incidents de type « arbre des causes » ou encore plus
certainement de type « diagramme d’Ishikawa », adaptés aux relations sociales,
permettra d’affiner la réflexion sur la ou les causes profondes des incidents sociaux.
Il s’agira rarement d’une seule cause et c’est surtout leurs récurrences qui permettront
de les cerner/sélectionner efficacement. L’accumulation d’analyse et de résultats sur les
causes permettra de rechercher et de mettre en œuvre les solutions les plus adéquates
ainsi que de faciliter l’adhésion d’une direction à leur mise en œuvre.
Une question ? Posez-la à pn@nexos.be et/ou www.nexos.be
Plus d’infos sur les auteurs :
Hubert Landier http://tinyurl.com/oxsxpno
Patrick Namotte http://tinyurl.com/c6j37o6