Une gestion originale des communs pastoraux et forestiers : les Agdals au Maroc
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Présentation Jour 3 : Etude de cas et méthodologie (session 5) Cette présentation a été faite à l'occasion de l'école-chercheurs qui s'est déroulée à Azrou (Maroc) du 9 au 15 avril 2018. Le thème de cette école était le suivant : "Évolution et gouvernance des communs : enjeux méthodologiques, comparatifs et pluridisciplinaires". Cette formation, réunissant une cinquantaine de personnes dont 30 doctorants de divers horizons, a été imaginée et organisée par le LMI MediTer (Maroc / Tunisie), en association étroite avec les LMI PATEO (Sénégal) et MESO (Mexique), ainsi qu'avec le RIAM, sans oublier l'appui de l'IRD au Maroc, du centre culturel d'Azrou et de la FLSH de l'UM5-Rabat.
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Une gestion originale des communs pastoraux et forestiers : les Agdals au Maroc
- 3. Qu’est-ce qu’un agdal ? • « Un pâturage commun soumis à des mises en défens saisonnières » • Une praIque de gesIon communautaire reposant sur la mise en défens et la protecIon de ressources spécifiques au sein d’un territoire bien idenIfié et délimité • L’alternance de périodes de fermeture et d’ouverture du territoire : la gesIon spaIo-temporelle des mises en défens • Un concept holisIque (ressources, savoirs, praIques, insItuIons, représentaIons) potenIellement mobilisé pour faire face à l’insécurité touchant les ressources collecIves • Un terme polysémique qui désigne à la fois le territoire, les ressources, les règles et les insItuIons
- 4. Des ressources spécifiques • Ressources pastorales et foresIères • Ressources fruiIères, agricoles et fourragères • Ressources apicoles, marines… • Ressources crées par l’homme (habitat et aménagements : sources, canaux (seguia)…
- 8. Des ins'tu'ons locales ges'onnaires • Agdal communautaire : l’assemblée coutumière (jmaa) déIent les droits d’exclusion et de gesIon, édicte des règles de manière autonome à différents niveaux, lignage, village, fracIon tribale… L’interdit repose sur le consensus et l’honneur des communautés • Agdal frontalier : la gesIon était dans le passé déléguée à une insItuIon religieuse (zawya) représentée par les descendants du saint fondateur (chorfa). L’interdit repose ici en parIe sur un caractère sacré • On disIngue en outre : - les agdals dont l’ensemble des ressources sont gérées en bien commun (ex : les mises en défens pastorales) - les agdals dont certaines ressources sont appropriées par des usagers individuels (familles) ou collecIfs (lignages, villages…) mais où l’usage pastoral du territoire reste commun à un niveau de gesIon supérieur • La ges'on « Agdal » décline toute une gamme de modalités d’appropria'on des ressources, entre ges'on privée et collec've
- 11. Des représenta'ons et des croyances • Le statut de protec'on de l’Agdal repose sur un ensemble de représentaIons et croyances ; dans la cadre d’une forme d’islam populaire caractérisée par le culte des saints musulmans qui fait référence à Dieu, aux saints et aux génies (jnouns) • Les règles sont énoncées dans (ou à proximité) d’un lieu sacré qui symbolise l’union de la communauté : mosquée, mausolée, cimeIère… • Dans les agdals frontaliers, le respect des règles est placé sous la tutelle des saints et la garde des génies auxquels on aWribue des pouvoirs surnaturels • Au cours des dernières décennies, ceWe forme d’islam populaire connait un déclin rapide
- 14. L’Agdal dans l’histoire • Pra'que probablement très ancienne dans les sociétés pastorales tribales d’Afrique du nord et du Sahara, commune à l’ensemble des régions berbérophones (toponymie) • Absence de men'ons écrites avant les premiers siècles de l’Hégire • L’hypothèse d’un lien étroit entre Agdal, art rupestre et pra'ques de transhumance est étayée par plusieurs arguments dans les alpages de l’Atlas (premier millénaire BC) • Au Maroc, l’Agdal entre dans l’histoire avec la dynas'e Almohade au XIIe siècle AD : créaIon en 1157 du premier Agdal de Marrakech (vaste jardin entouré de murailles) • Par la suite, l’Agdal du roi (sultan), symbole du pouvoir royal, s’enrichit de nombreuses essences, de grands bassins… • Le concept a traversé l’histoire du Maghreb, au service d’une gesIon décentralisée des tribus comme de l’entreprise d’unificaIon naIonale par du Makhzen
- 20. Une lecture systémique de l’Agdal le cas des forêts villageoises de Aït Bouguemmez : « la sécurité de la communauté » • La préservaIon des ressources sur le long terme : permet la conInuité des usages sur plusieurs généraIons • Faire face à l’aléa saisonnier : « trousse de sécurité » en période de neige pour l’alimentaIon du bétail • Le façonnement d’une diversité de milieux et d’espaces- ressources : territoire Agdal / territoire hors Agdal, une complémentarité spaIale • La sécurisaIon des droits et la gesIon des conflits à propos des ressources
- 21. La préservation des ressources sur le long terme : 1964 - 2002
- 24. La ges'on des conflits et de la concurrence Dans l’Agdal fores'er du village : • Exclusivité d’usage de la communauté villageoise (Taqbilt); • Transmission des droits à l’intérieur de la communauté ; • Date d’ouverture commune décidée par le consensus des usagers • RéparIIon égalitaire des ressources entre les familles (quotas, taxes) • Surveillance (gardien d’agdal rémunéré par la communauté) • SancIons graduée en foncIon de l’importance du délit, décidées de manière collégiale au sein des assemblées villageoises
- 27. Les 7 critères d’une bonne ges'on en bien commun selon E. Ostrom, 1990 • Le système présente des fronIères clairement définies (espaces-ressources et groupes gesIonnaires) ; • Les règles de gesIon (usage et accès) sont adaptées au contexte (écologique et sociohistorique); • Les usagers parIcipent à l’élaboraIon des règles de gesIon; • Il existe un système de suivi et de surveillance des usagers; • Les sancIons sont graduées en foncIon de l’importance du délit ; • Il existe des mécanismes de résoluIon des conflits; • Le droit à s’auto-organiser n’est pas remis en cause par une en'té ins'tu'onnelle de niveau supérieur.
- 28. L’Agdal, un patrimoine local et villageois • En sécurisant l’usage social de la forêt, dans le temps et dans l’espace, l’Agdal foresIer contribue à la reproducIon des communautés dépendantes de ces ressources, au mainIen de leur autonomie et de leur iden'té (H. Ollagnon, 1979, 2000) • Statut de protecIon étayé par un ensemble de valeurs et de croyances • Place importante dans la mémoire collecIve
- 31. La crise de l’Agdal dans le contexte des muta'ons rurales au Maroc • Crise écologique (surpâturage, érosion, déforestaIon, changement climaIque…) • Crise des sociétés rurales - Démographie (croissance, migraIons et exode rural…) - Ouverture sur le marché et transformaIon des systèmes de producIon (agriculture et élevage spéculaIfs, mutaIons pastorales…) - Des inégalités sociales et territoriales croissantes - Interven'on publique Non reconnaissance légale de l’Agdal et des compétences gesIonnaires des populaIons ; conflits de légiImité entre insItuIons coutumières et légalité naIonale ; découpage électoral ; arbitrage des agdals pastoraux sous tutelle de l’Autorité locale ; Monopole technique du foresIer en charge de la conservaIon des forêts et de la biodiversité ; les projets conduits au nom du développement durable ne parviennent pas à la reconnaissance des savoirs et des praIques locales - Crise des représenta'ons et des croyances
- 32. Résistance et hybrida'ons • PlasIcité et souplesse de la gesIon agdal qui peut être support d’innovaIons • InnovaIons juridiques des communautés (reconnaissance officielle) • GesIon méIsse - les agdals pastoraux (commissions pastorales mixtes…) - l’intervenIon foresIère (négociaIon informelle avec les usagers…) - Les agdals dans l’arganeraie (procédures mixtes…)
- 33. Acte réglementaire des Aït Zekri concernant les agdals pastoraux
- 34. Patrimonialiser : inventer les agdals de demain ? • Patrimonialiser : un des principaux ouIls du développement durable • Les échelles patrimoniales : local / naIonal / global • Les dangers de la « patrimonialisaIon globale » des agdals : biodiversité, paysages, art rupestre Elle peut paradoxalement conduire à la « dé- patrimonialisaIon locale » et à l’exclusion des usagers tradiIonnels (délitement d’une mémoire communautaire vivante)